Diogène Laërce

DIOGÈNE DE LAERTE



CHAPITRE V. BIAS - ΒΙΑΣ

 

 

LIVRE I (4 Pittacus) - LIVRE I (6 Cléobule)

 

Autre traduction - Traduction Genaille sur le site de Ugo Bratelli

 

 

 

 

 

DIOGENE DE LAERTE.

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 CHAPITRE V.

BIAS.

ΒΙΑΣ

 

 

 [82] Βίας Τευτάμου Πριηνεύς, προκεκριμένος τῶν ἑπτὰ ὑπὸ Σατύρου. Τοῦτον οἱ μὲν πλούσιον, Δοῦρις δὲ πάροικόν φησι γεγονέναι. Φανόδικος δὲ κόρας αἰχμαλώτους λυτρωσάμενον Μεσσηνίας θρέψαι τε ὡς θυγατέρας καὶ προῖκας ἐπιδοῦναι καὶ εἰς τὴν Μεσσήνην ἀποστεῖλαι τοῖς πατράσιν αὐτῶν. Χρόνῳ δὲ ἐν ταῖς Ἀθήναις, ὡς προείρηται, τοῦ τρίποδος εὑρεθέντος ὑπὸ τῶν ἁλιέων, τοῦ χαλκοῦ, ἐπιγραφὴν ἔχοντος « Τῷ σοφῷ », Σάτυρος μέν φησι παρελθεῖν τὰς κόρας - οἱ δὲ τὸν πατέρα αὐτῶν, ὡς καὶ Φανόδικος - εἰς τὴν ἐκκλησίαν, καὶ εἰπεῖν τὸν Βίαντα σοφόν, διηγησαμένας τὰ καθ’ ἑαυτάς. Καὶ ἀπεστάλη ὁ τρίπους· καὶ ὁ Βίας ἰδὼν ἔφη τὸν Ἀπόλλω σοφὸν εἶναι, οὐδὲ προσήκατο. [83] Οἱ δὲ λέγουσιν ἐν Θήβαις τῷ Ἡρακλεῖ αὐτὸν ἀναθεῖναι, ἐπεὶ ἀπόγονος ἦν Θηβαίων ἀποικίαν εἰς Πριήνην στειλάντων, ὥσπερ καὶ Φανόδικός φησι. Λέγεται δὲ καὶ Ἀλυάττου πολιορκοῦντος Πριήνην τὸν Βίαντα πιήναντα δύο ἡμιόνους ἐξελάσαι εἰς τὸ στρατόπεδον· τὸν δὲ συνιδόντα καταπλαγῆναι <τὸ> μέχρι καὶ ἀλόγων διατείνειν αὐτῶν τὴν εὐθένιαν. Καὶ ἐβουλήθη σπείσασθαι, καὶ εἰσέπεμψεν ἄγγελον. Βίας δὲ σωροὺς ψάμμου χέας καὶ ἄνωθεν σῖτον περιχέας ἔδειξε τῷ ἀνθρώπῳ· καὶ τέλος μαθὼν ὁ Ἀλυάττης εἰρήνην ἐσπείσατο πρὸς τοὺς Πριηνέας. Θᾶττον δ’ αὐτῷ πέμψαντι πρὸς τὸν Βίαντα ἵνα ἥκοι παρ’ αὐτόν, « Ἐγὼ δέ, » φησίν, « Ἀλυάττῃ κελεύω κρόμμυα ἐσθίειν [ἴσον τῷ κλαίειν]. »

[84] Λέγεται δὲ καὶ δίκας δεινότατος γεγονέναι εἰπεῖν. Ἐπ’ ἀγαθῷ μέντοι τῇ τῶν λόγων ἰσχύϊ προσεχρῆτο. Ὅθεν καὶ Δημόδοκος ὁ Λέριος τοῦτο αἰνίττεται λέγων·

Ἢν τύχῃς κρίνων δικάζευ τὴν Πριηνίην δίκην.

Καὶ Ἱππῶναξ· ἃ

Καὶ δικάζεσθαι Βίαντος τοῦ Πριηνέως κρεῖσσον.

Τοῦτον οὖν καὶ ἐτελεύτα τὸν τρόπον. Δίκην γὰρ ὑπέρ τινος λέξας ἤδη ὑπέργηρως ὑπάρχων, μετὰ τὸ καταπαῦσαι τὸν λόγον ἀπέκλινε τὴν κεφαλὴν εἰς τοὺς τοῦ τῆς θυγατρὸς υἱοῦ κόλπους· εἰπόντος δὲ καὶ τοῦ δι’ ἐναντίας καὶ τῶν δικαστῶν τὴν ψῆφον ἐνεγκόντων τῷ ὑπὸ τοῦ Βίαντος βοηθουμένῳ, λυθέντος τοῦ δικαστηρίου νεκρὸς ἐν τοῖς κόλποις εὑρέθη. [85] Καὶ αὐτὸν μεγαλοπρεπῶς ἔθαψεν ἡ πόλις, καὶ ἐπέγραψαν·

Κλεινοῖς ἐν δαπέδοισι Πριήνης φύντα καλύπτει
ἥδε Βίαντα πέτρη, κόσμον Ἴωσι μέγαν.

Ἀλλὰ καὶ ἡμεῖς·

Τῇδε Βίαντα κέκευθα, τὸν ἀτρέμας ἤγαγεν Ἑρμῆς
εἰς Ἀίδην, πολιῷ γήραϊ νιφόμενον.
Εἶπε γάρ, εἶπε δίκην ἑτάρου τινός· εἶτ’ ἀποκλινθεὶς
παιδὸς ἐς ἀγκαλίδας μακρὸν ἔτεινεν ὕπνον.

Ἐποίησε δὲ περὶ Ἰωνίας, τίνα μάλιστα ἂν τρόπον εὐδαιμονοίη, εἰς ἔπη δισχίλια. Τῶν δὲ ᾀδομένων αὐτοῦ εὐδοκίμησε τάδε·

Ἀστοῖσιν ἄρεσκε πᾶσιν ἐν πόλει <...> αἴκε μένῃς·
πλείσταν γὰρ ἔχει χάριν· αὐθάδης δὲ τρόπος
πολλάκι βλαβερὰν ἐξέλαμψεν ἄταν.

[86] Καὶ τὸ μὲν ἰσχυρὸν γενέσθαι τῆς φύσεως ἔργον· τὸ δὲ λέγειν δύνασθαι τὰ συμφέροντα τῇ πατρίδι ψυχῆς ἴδιον καὶ φρονήσεως. Εὐπορίαν δὲ χρημάτων πολλοῖς καὶ διὰ τύχην περιγίνεσθαι. Ἔλεγε δὲ ἀτυχῆ εἶναι τὸν ἀτυχίαν μὴ φέροντα· καὶ νόσον ψυχῆς τὸ τῶν ἀδυνάτων ἐρᾶν, ἀλλοτρίων δὲ κακῶν ἀμνημόνευτον εἶναι.

Ἐρωτηθεὶς τί δυσχερές, « Τὴν ἐπὶ τὸ χεῖρον, » ἔφη, « μεταβολὴν εὐγενῶς ἐνεγκεῖν. »

Συμπλέων ποτὲ ἀσεβέσι, χειμαζομένης τῆς νεὼς κἀκείνων τοὺς θεοὺς ἐπικαλουμένων, « Σιγᾶτε, » ἔφη, « μὴ αἴσθωνται ὑμᾶς ἐνθάδε πλέοντας. » Ἐρωτηθεὶς ὑπὸ ἀσεβοῦς ἀνθρώπου τί ποτέ ἐστιν εὐσέβεια, ἐσίγα. Τοῦ δὲ τὴν αἰτίαν τῆς σιγῆς πυθομένου, « Σιωπῶ, » ἔφη, « ὅτι περὶ τῶν οὐδέν σοι προσηκόντων πυνθάνῃ. »

[87] Ἐρωτηθεὶς τί γλυκὺ ἀνθρώποις, « Ἐλπίς, » ἔφη.

Ἥδιον ἔλεγε δικάζειν μεταξὺ ἐχθρῶν ἢ φίλων· τῶν μὲν γὰρ φίλων πάντως ἐχθρὸν ἔσεσθαι τὸν ἕτερον, τῶν δὲ ἐχθρῶν τὸν ἕτερον φίλον.

Ἐρωτηθεὶς τί ποιῶν ἄνθρωπος τέρπεται, ἔφη, « Κερδαίνων. »

Ἔλεγέ τε τὸν βίον οὕτω μετρεῖν ὡς καὶ πολὺν καὶ ὀλίγον χρόνον βιωσομένους, καὶ φιλεῖν ὡς μισήσοντας· τοὺς γὰρ πλείστους εἶναι κακούς. Συνεβούλευέ τε ὧδε· « Βραδέως ἐγχείρει τοῖς πραττομένοις· ὃ δ’ ἂν ἕλῃ, βεβαίως τηρῶν διάμενε. Μὴ ταχὺ λάλει· μανίαν γὰρ ἐμφαίνει. Φρόνησιν ἀγάπα. [88] Περὶ θεῶν λέγε ὡς εἰσίν. Ἀνάξιον ἄνδρα μὴ ἐπαίνει διὰ πλοῦτον. Πείσας λαβέ, μὴ βιασάμενος. Ὅ τι ἂν ἀγαθὸν πράττῃς, εἰς θεοὺς ἀνάπεμπε. Ἐφόδιον ἀπὸ νεότητος εἰς γῆρας ἀναλάμβανε σοφίαν· βεβαιότερον γὰρ τοῦτο τῶν ἄλλων κτημάτων. »

Μέμνηται τοῦ Βίαντος καὶ Ἱππῶναξ, ὡς προείρηται, καὶ ὁ δυσάρεστος Ἡράκλειτος μάλιστα Αὐτὸν ἐπῄνεσε γράψας· ἐν Πριήνῃ Βίας ἐγένετο ὁ Τευτάμεω, οὗ πλέων λόγος ἢ τῶν ἄλλων. Καὶ οἱ Πριηνεῖς δὲ αὐτῷ τέμενος καθιέρωσαν τὸ Τευτάμειον λεγόμενον. Ἀπεφθέγξατο· οἱ πλεῖστοι κακοί.

[82] Bias, de Priène, fils de Teutamus, est mis par Satyrus à la tête des sept sages. Quelques auteurs assurent qu’il appartenait à la noblesse de Priène ; mais Duris dit au contraire qu’il y était étranger. Phanodicus rapporte qu’il racheta de jeunes Messéniennes captives, les éleva comme ses enfants, les dota et les renvoya à Messène auprès de leurs parents. C’est à la même époque que des pêcheurs trouvèrent sur les côtes de l’Attique, comme on l’a vu plus haut, un trépied d’airain avec cette inscription : Au plus sage. Ces jeunes filles se présentèrent alors à l’assemblée, 40 suivant Satyrus ; —Phavorinus et d’autres disent que ce furent leurs parents ; — elles déclarèrent que le titre de sage appartenait à Bias, et alléguèrent comme preuve sa conduite à leur égard. Le trépied lui fut donc envoyé. Mais Bias le refusa, en disant qu’il n’y avait de sage qu’Apollon. [83] D’autres assurent qu’il le consacra à Hercule, dans la ville de Thèbes, en considération de ce qu’il était lui-même issu des Thébains, dont Priène était une colonie, au dire de Phanodicus. On raconte encore que lors du siège de Priène par Alyatte, Bias fit engraisser deux mulets qu’il chassa ensuite vers le camp des assiégeants. Alyatte fut frappé d’étonnement en voyant que les animaux mêmes étaient si bien nourris; et, songeant à lever le siège, il envoya un messager reconnaître l’état de la place. Bias avait à dessein fait recouvrir de blé des monceaux de sable, qu’il montra à l’envoyé, et sur le rapport de celui-ci, Alyatte fit la paix avec les Priéniens. Plus tard, il fit prier Bias de venir auprès de lui ; mais il n’en obtint que cette réponse : « J’engage Alyatte à manger des oignons ; » c’est-à-dire à verser des larmes.

[84] On dit aussi que Bias était doué d’une grand puissance oratoire, mais qu’il ne consacrait son talent qu’à défendre de bonnes causes. Démodicus de Léros fait allusion à cela lorsqu’il dit : « Si vous êtes juge, rendez la justice comme à Priène. » Hipponax dit aussi : « Dans vos jugements, surpassez même Bias de Priène. »

Voici comment il mourut : après avoir plaidé une cause, dans un âge fort avancé, on le vit pencher la tête sur le sein de son petit-fils ; la réplique de la partie adverse terminée, les juges prononcèrent en faveur du client de Bias ; mais lorsqu’on leva l’audience, 41 on le trouva mort, dans la même position. [85] La ville lui fit de magnifiques funérailles et on grava cette inscription sur son tombeau :

Celle pierre couvre Bias, gloire de l’Ionie, né dans les champs illustres de Priène.

J’ai fait aussi sur lui cette épigramme :

Ici repose Bias. L’inflexible Mercure l’a conduit aux enfers quand déjà la neige de la vieillesse couvrait son front. Il plaidait en faveur d’un ami lorsque, se penchant sur le bras d’un enfant, il entra dans le sommeil éternel.

Il avait composé deux mille vers sur l’Ionie et les moyens de la rendre heureuse. Parmi ses sentences poétiques on a surtout remarqué la suivante :

Si vous habitez une ville, soyez affable pour tout le monde (01), vous serez bien vu de tous. Des manières hautaines ont souvent produit de tristes catastrophes.

[86] On lui attribue encore ces maximes : « La force du corps est un don de la nature ; mais savoir donner à sa patrie un bon conseil est le propre de l’intelligence et de la sagesse. — Beaucoup de gens ne doivent leur fortune qu’au hasard. — Celui-là est malheureux, qui ne sait pas supporter le malheur. — C’est le propre d’une âme malade de désirer l’impossible et de ne pas songer aux maux d’autrui. »

Quelqu’un lui demandant ce qu’il y a de plus difficile : « C’est, dit-il, de supporter un revers de fortune. »

Il était un jour en mer avec des gens impies ; une tempête s’étant élevée tout à coup, ses compagnons 42 de voyage se mirent à invoquer les dieux. « Silence ! leur dit-il; les dieux pourraient s’apercevoir que vous êtes ici. »

Un impie lui demandait ce que c’est que la piété ; il garda le silence. L’autre voulut en savoir la raison. « Je me tais, dit-il, parce que tu m’interroges sur des choses qui ne te regardent pas. »

[87] On lui demandait un jour quelle est la chose la plus douce pour les hommes : « L’espérance, » dit-il.

Il répétait souvent qu’il est plus agréable d’être juge entre ses ennemis qu’entre ses amis ; car dans le premier cas on gagne un de ses ennemis ; dans le second on s’aliène certainement un ami.

On lui demandait à quoi l’homme prend le plus de plaisir : « Au gain, » répliqua-t-il.

Il disait encore qu’il faut envisager la vie comme si elle devait être tout à la fois longue et courte, et qu,’on doit aimer comme si l’on devait haïr un jour, parce que la plupart des hommes sont pervers. On lui doit les préceptes suivants : « Ne vous hâtez pas d’entreprendre une affaire; mais une fois décidé, persistez fortement dans votre résolution. — Ne vous pressez pas de parler; c’est une preuve de sottise. — Soyez prudent. [88] — Au sujet des dieux, contentez-vous de dire qu’ils existent. — Ne louez pas un homme pervers à cause de ses richesses. — Quand vous voudrez obtenir quelque chose, ayez plutôt recours à la persuasion qu’à la violence. — Tout ce que vous faites de bien, rapportez-le aux dieux. — Pendant que vous êtes jeune, faites-vous de la sagesse un viatique pour la vieillesse; car c’est là le moins fragile de tous les biens. »

Nous avons déjà dit qu’Hipponax fait mention de Bias. Le morose Héraclite lui-même fait de lui ce pom- 13  peux éloge : « Priène a donné le jour à Bias, le plus illustre de tous les sages. » Les habitants de Priène lui dédièrent une chapelle qu’ils appelèrent Teutamium. Sa maxime était : « La plupart des hommes sont méchants. »


 

(01)  Je rétablis le texte vulgaire

Ἀστοῖσιν ἄρεσκε π$ασιν ἐν πόλει αἴκε μένῃς.