Diogène Laërce

DIOGÈNE DE LAERTE



LIVRE I

 

CHAPITRE VIII. ANACHARSIS- ΑΝΑΧΑΡΣΙΣ

LIVRE I (7 Périandre) -LIVRE I (9 Myson)

Autre traduction - Traduction Genaille sur le site de Ugo Bratelli

 

 

 

 

 

DIOGENE DE LAERTE.

 

CHAPITRE VIII.

ANACHARSIS LE SCYTHE.

ΑΝΑΧΑΡΣΙΣ

 

 

[101] Ἀνάχαρσις ὁ Σκύθης Γνούρου μὲν ἦν υἱός, ἀδελφὸς δὲ Καδουίδα τοῦ Σκυθῶν βασιλέως, μητρὸς δὲ Ἑλληνίδος· διὸ καὶ δίγλωττος ἦν. Οὗτος ἐποίησε τῶν τε παρὰ τοῖς Σκύθαις νομίμων καὶ τῶν παρὰ τοῖς Ἕλλησιν εἰς εὐτέλειαν βίου καὶ τὰ κατὰ πόλεμον ἔπη ὀκτακόσια. Παρέσχε δὲ καὶ ἀφορμὴν παροιμίας διὰ τὸ παρρησιαστὴς εἶναι, τὴν ἀπὸ Σκυθῶν ῥῆσιν.

Λέγει δὲ αὐτὸν Σωσικράτης ἐλθεῖν εἰς Ἀθήνας κατὰ τὴν τεσσαρακοστὴν ἑβδόμην Ὀλυμπιάδα ἐπὶ ἄρχοντος Εὐκράτους. Ἕρμιππος δὲ πρὸς τὴν Σόλωνος οἰκίαν ἀφικόμενον τῶν θεραπόντων τινὶ κελεῦσαι μηνῦσαι ὅτι παρείη πρὸς αὐτὸν Ἀνάχαρσις καὶ βούλοιτο αὐτὸν θεάσασθαι, ξένος τε, εἰ οἷόν τε, γενέσθαι. [102] Καὶ ὁ θεράπων εἰσαγγείλας ἐκελεύσθη ὑπὸ τοῦ Σόλωνος εἰπεῖν αὐτῷ, ὅτιπερ ἐν ταῖς ἰδίαις πατρίσι ξένους ποιοῦνται. Ἔνθεν ὁ Ἀνάχαρσις ἑλὼν ἔφη νῦν αὐτὸν ἐν τῇ πατρίδι εἶναι καὶ προσήκειν αὐτῷ ξένους ποιεῖσθαι. Ὁ δὲ καταπλαγεὶς τὴν ἑτοιμότητα εἰσέφρησεν αὐτὸν καὶ μέγιστον φίλον ἐποιήσατο.

Μετὰ χρόνον δὲ παραγενόμενος εἰς τὴν Σκυθίαν καὶ δοκῶν τὰ νόμιμα παραλύειν τῆς πατρίδος πολὺς ὢν ἐν τῷ ἑλληνίζειν, τοξευθεὶς ἐν κυνηγεσίῳ πρὸς τἀδελφοῦ τελευτᾷ, εἰπὼν διὰ μὲν τὸν λόγον ἐκ τῆς Ἑλλάδος σωθῆναι, διὰ δὲ τὸν φθόνον ἐν τῇ οἰκείᾳ ἀπολέσθαι. Ἔνιοι δὲ τελετὰς Ἑλληνικὰς ἐπιτελοῦντα διαχρησθῆναι. Καὶ ἔστιν ἡμῶν εἰς αὐτόν·

[103] Ἐς Σκυθίην Ἀνάχαρσις ὅτ’ ἤλυθε, πολλὰ πλανηθεὶς
πάντας ἔπειθε βιοῦν ἤθεσιν Ἑλλαδικοῖς.
Τὸν δ’ ἔτι μῦθον ἄκραντον ἐνὶ στομάτεσσιν ἔχοντα
πτηνὸς ἐς ἀθανάτους ἥρπασεν ὦκα δόναξ.

Οὗτος τὴν ἄμπελον εἶπε τρεῖς φέρειν βότρυς· τὸν πρῶτον ἡδονῆς· τὸν δεύτερον μέθης· τὸν τρίτον ἀηδίας. Θαυμάζειν δὲ ἔφη πῶς παρὰ τοῖς Ἕλλησιν ἀγωνίζονται μὲν οἱ τεχνῖται, κρίνουσι δὲ οἱ μὴ τεχνῖται. Ἐρωτηθεὶς πῶς οὐκ ἂν γένοιτό τις φιλοπότης, « Εἰ πρὸ ὀφθαλμῶν, » εἶπεν, « ἔχοι τὰς τῶν μεθυόντων ἀσχημοσύνας. »

Θαυμάζειν τε ἔλεγε πῶς οἱ Ἕλληνες νομοθετοῦντες κατὰ τῶν ὑβριζόντων, τοὺς ἀθλητὰς τιμῶσιν ἐπὶ τῷ τύπτειν ἀλλήλους. Μαθὼν τέτταρας δακτύλους εἶναι τὸ πάχος τῆς νεώς, τοσοῦτον ἔφη τοῦ θανάτου τοὺς πλέοντας ἀπέχειν. [104] Τὸ ἔλαιον μανίας φάρμακον ἔλεγε διὰ τὸ ἀλειφομένους τοὺς ἀθλητὰς ἐπιμαίνεσθαι ἀλλήλοις.

« Πῶς, » ἔλεγεν, « ἀπαγορεύοντες τὸ ψεύδεσθαι ἐν ταῖς καπηλείαις φανερῶς ψεύδονται; »

Καὶ θαυμάζειν φησὶ πῶς Ἕλληνες ἀρχόμενοι μὲν ἐν μικροῖς πίνουσι, πλησθέντες δὲ ἐν μεγάλοις.

Ἑπιγράφεται δὲ αὐτοῦ ταῖς εἰκόσι·

γλώσσης, γαστρός, αἰδοίων κρατεῖν.

Ἐρωτηθεὶς εἰ εἰσὶν ἐν Σκύθαις αὐλοί, εἶπεν, « Ἀλλ’ οὐδὲ ἄμπελοι. »

Ἐρωτηθεὶς τίνα τῶν πλοίων εἰσὶν ἀσφαλέστερα, ἔφη, « Τὰ νενεωλκημένα. »

Καὶ τοῦτο ἔφη θαυμασιώτατον ἑωρακέναι παρὰ τοῖς Ἕλλησιν, ὅτι τὸν μὲν καπνὸν ἐν τοῖς ὄρεσι καταλείπουσι, τὰ δὲ ξύλα εἰς τὴν πόλιν κομίζουσι.

Ἐρωτηθεὶς πότεροι πλείους εἰσίν, οἱ ζῶντες ἢ οἱ νεκροί, ἔφη, « Τοὺς οὖν πλέοντας ποῦ τίθης; »

Ὀνειδιζόμενος ὑπὸ Ἀττικοῦ ὅτι Σκύθης ἐστίν, ἔφη, « Ἀλλ’ ἐμοῦ μὲν ὄνειδος ἡ πατρίς, σὺ δὲ τῆς πατρίδος. »

[105] Ἑρωτηθεὶς τί ἐστιν ἐν ἀνθρώποις ἀγαθόν τε καὶ φαῦλον, ἔφη, « Γγλῶσσα. »

Κρεῖττον ἔλεγεν ἕνα φίλον ἔχειν πολλοῦ ἄξιον ἢ πολλοὺς μηδενὸς ἀξίους. Τὴν ἀγορὰν ὡρισμένον ἔφη τόπον εἰς τὸ ἀλλήλους ἀπατᾶν καὶ πλεονεκτεῖν. Ὑπὸ μειρακίου παρὰ πότον ὑβρισθεὶς ἔφη, « Μειράκιον, ἐὰν νέος ὢν τὸν οἶνον οὐ φέρῃς, γέρων γενόμενος ὕδωρ οἴσεις. »

Εὗρε δ’ εἰς τὸν βίον ἄγκυράν τε καὶ κεραμικὸν τροχόν, ὥς τινες. Καὶ ἐπέστειλεν ὧδε·

Ἀνάχαρσις Κροίσῳ

Ἐγώ, βασιλεῦ Λυδῶν, ἀφῖγμαι εἰς τὴν τῶν Ἑλλήνων, διδαχθησόμενος ἤθη τὰ τούτων καὶ ἐπιτηδεύματα. Χρυσοῦ δ’ οὐδὲν δέομαι, ἀλλ’ ἀπόχρη με ἐπανήκειν ἐς Σκύθας ἄνδρα ἀμείνονα. Ἥκω γοῦν ἐς Σάρδεις, πρὸ μεγάλου ποιούμενος ἐν γνώμῃ τοι γενέσθαι.

[101] Anacharsis le Scythe, fils de Gnurus et frère de Caduïda roi des Scythes, eut pour mère une Grecque ; aussi savait-il les deux langues. Il composa un poème de huit cents vers sur les mœurs des Scythes et des Grecs , sous le rapport de la frugalité de la vie et de la tactique militaire. Sa franchise a donné lieu au proverbe : Parler comme un Scythe.

50 Sosicrate prétend qu’il vint à Athènes vers la quarante-huitième olympiade, sous l’archontat d’Eucratès. Hermippe rapporte, de son côté, qu’il se présenta un jour chez Solon et lui fit annoncer par un serviteur qu Anacharsis le Scythe était à sa porte, qu’il désirait le voir et lui offrait même de devenir son hôte, si cela était possible. [102] Solon lui ayant fait répondre qu’il ne pouvait y avoir de rapports d’hospitalité qu’entre habitants d’une même patrie, il entra et dit qu’il était maintenant dans sa patrie, et qu’il pouvait dès lors s’unir par les liens de l’hospitalité. Frappé de l’à-propos de cette réponse, Solon l’admit et contracta avec lui une étroite amitié.

De retour en Scythie , il songeait à changer les lois du pays pour y substituer celles de la Grèce, lorsque son frère le perça d’une flèche dans une partie de chasse. Il s’écria en mourant que, grâce à la philosophie, il était sorti sain et sauf de la Grèce, pour venir dans sa patrie succomber aux traits de l’envie. D’autres prétendent qu’il fut tué au moment où il faisait un sacrifice selon le rite des Grecs. J’ai fait sur lui cette épigramme :

[103] Anacharsis de retour en Scythie, après de longues pérégrinations,
Propose à ses compatriotes d’adopter les mœurs de la Grèce;
Mais sa bouche n’a pas encore achevé celle parole
Qu’une flèche ailée le ravit h l’instant parmi les immortels.

Il disait que la vigne porte trois espèces de fruits : le plaisir, l’ivresse, le repentir. Il s’étonnait de ce que dans les concours, les Grecs fissent juger les artistes par des gens qui ne l’étaient pas. On lui demandait quel était le meilleur moyen de se garantir de l’ivrognerie : « C’est, dit-il, de se représenter la dégradation des gens ivres. »

51 Il ne pouvait comprendre que les Grecs, dont les lois punissaient toute espèce de violence, honorassent les athlètes pour les coups qu’ils se portaient. Ayant appris que l’épaisseur d’un navire n’était que de quatre doigts : « Alors, s’écria-t-il, quatre doigts seulement séparent les navigateurs de la mort. » [104] Il disait que l’huile est une drogue qui rend fou, puisque les athlètes, après s’en être frottés, deviennent furieux les uns contre les autres.

« Comment se fait-il, disait-il quelquefois, que les Grecs qui défendent le mensonge, mentent publiquement dans les tavernes? »

Il s’étonnait de voir les Grecs boire dans de petites coupes au commencement des repas , et dans de grandes lorsqu’ils étaient rassasiés.

Ses statues portent cette inscription :

Commandez à votre langue, à votre ventre et à l’amour.

Quelqu’un lui ayant demandé si les Scythes connaissaient l’usage de la flûte, il répondit qu’ils ne connaissaient pas même la vigne (01).

On lui demanda une autre fois quels étaient les navires les plus sûrs : « Ceux, dit-il, qui sont entrés au port. »

Ce qui l’avait le plus étonné chez les Grecs, disait-il , c’est qu’en apportant le bois à la ville ils laissaient la fumée dans les forêts.

Quelqu’un voulait savoir de lui si les vivants étaient plus nombreux que les morts. « Dans quelle classe, dit-il, placez-vous les navigateurs? »

Un habitant de l’Attique lui ayant reproché d’être 52 Scythe, il lui dit : « Ma patrie me fait honte, et toi tu fais honte à la tienne. »

[105] On lui proposa un jour cette question : « Quelle est, dans l’homme, la chose qui est en même temps bonne et mauvaise? — La langue , » dit-il.

Il prétendait que mieux vaut un seul ami estimable qu’une foule d’amis vicieux. Il définissait la place publique : « Un lieu établi pour se tromper mutuellement et s’enrichir par des moyens déshonnêtes. » Un jeune homme l’ayant insulté dans un repas, il lui dit : « Jeune homme, si tu ne peux porter le vin à ton âge, tu porteras l’eau quand tu seras vieux. »

Quelques auteurs lui attribuent l’invention de deux objets usuels, l’ancre et la roue du potier. On a de lui cette lettre :

ANACHARSIS A CRÉSUS.

Roi des Lydiens, je suis venu chez les Grecs pour étudier leurs mœurs et leurs institutions; mais je n’ai pas besoin d’or. Il me suffit de retourner chez les Scythes meilleur que je n’en suis venu. J’irai à Sardes cependant, mais seulement parce que je tiens à te voir et à mériter ton estime.

(01C’est-à-dire : Il ne convient qu’à des gens ivres de danser au son de la flûte, et les Scythes ne connaissent pas l’ivresse.