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LUCIEN

XV.

LE PÊCHEUR OU LES RESSUSCITÉS.

LES PHILOSOPHES DU DIALOGUE PRÉCÉDENT ET QUELQUES AUTRES, LUCIEN, LA VERTU, LA PHILOSOPHIE, LE SYLLOGISME, LA CONVICTION, LA DÉMONSTRATION.

1. SOCRATE. Chargez, chargez ; écrasez ce coquin d'une grêle de pierres ! Redoublez avec des mottes de terre : en avant les coquilles d'huître ! Tombez sur le scélérat à coups de bâton. Prenez garde qu'il n'échappe. Charge, Platon, et toi aussi, Chrysippe, et toi encore ; faisons la tortue contre lui :

Bâton, aide bâton ; besace, aide besace (01).

C'est un ennemi commun : il n'est aucun de nous qu'il n'ait outragé. Toi, Diogène, si jamais tu t'es servi de ton bâton, c'est le moment d'en faire usage ; pas de quartier : que le calomniateur soit puni comme il le mérite. Quoi donc, vous mollissez, Epicure et Aristippe ? vous prenez mal votre temps.

Gens sages, rappelez votre fougueux courroux (02).

2. Aristote, un peu plus d'ardeur ! A merveille ! Le monstre est pris. Nous te tenons, infâme, tu vas savoir quels hommes tu as insultés. Comment allons-nous te traiter ? Inventons plusieurs genres de morts, qui puissent nous satisfaire. Il mériterait bien que chacun de nous le fit mourir sept fois.
PLATON.
Moi, je suis d'avis, par Jupiter ! qu'on l'empale, après lui avoir crevé les yeux, et, avant tout, coupé la langue en petits morceaux : que t'en semble, Empédocle ?
EMPÉDOCLE.
Jetons-le dans les cratères de l'Etna, pour lui apprendre à outrager ceux qui valent mieux que lui.
PLATON.
Non, il vaut mieux qu'à l'exemple de Penthée ou d'Orphée,

Il périsse écrasé sous cet amas de pierres (03),

afin que chacun s'en aille avec son lambeau.
3.
LUCIEN. Oh ! non, non ! par Jupiter ! dieu des suppliants, épargnez-moi !
SOCRATE.
C'est décidé, on ne te lâchera pas ; tu sais ce que dit Homère :

Point de serments sacrés entre hommes et lions (04).

LUCIEN. C'est aussi par Homère que je vous conjure : peut-être respecterez-vous ses vers, et prendrez-vous pitié de moi, en m'entendant rapsoder :

laissez vivre un brave homme, et prenez en retour
Cet airain et cet or, objet de votre amour
(05).

PLATON. Nous ne sommes pas embarrassés pour te riposter avec Homère :

Ton or ne pourra pas, infâme, te servir :
Je te tiens, et ma main brûle de te punir
(06).

4. LUCIEN. Malheur à moi ! Homère m'est inutile, Homère, ma plus chère espérance. Essayons d'Euripide : voyons s'il me sauvera.

Ne tuez pas un suppliant,
Vous n'avez pas droit sur sa vie
(07).

PLATON. Et ceci n'est-il pas aussi d'Euripide ?

Celui qui fait le mal doit aussi l'éprouver (08).

LUCIEN.

Et pour de vains discours vous me donnez la mort (09).

PLATON. Sans doute ; Euripide a dit encore :

Une bouche sans frein, une extrême impudeur,
Entraînent l'insolent au plus affreux malheur
(10).

LUCIEN. Eh bien ! puisque vous avez résolu de me mettre à, mort, et qu'il ne reste aucun moyen de salut, voyons, dites-moi qui vous êtes, quelle impardonnable offense j'ai commise, pour allumer contre moi une colère inextinguible, et pourquoi m'arrêtez-vous afin de me faire mourir ?
PLATON.
Quelles offenses tu as commises envers nous ? Interroge-toi toi-même, scélérat ; songe à ces beaux discours où tu insultes, la Philosophie elle-même, où tu nous outrages, où tu mets en criée, comme dans un marché, des hommes sages et, qui plus est, des hommes libres. Indignés de ce procédé, nous sommes venus contre toi du fond des enfers, après avoir obtenu un congé de Pluton ; et voici Chrysippe, Épicure, moi, Platon, Aristote, le silencieux Pythagore et Diogène, avec tous ceux dont tu te moques dans tes écrits.
5.
LUCIEN. Je respire. Vous ne me tuerez pas, quand vous saurez quel je suis envers vous. Jetez ces pierres : ou plutôt gardez-les ; vous vous en servirez contre ceux qui méritent d'être lapidés.
PLATON.
Tu plaisantes : il faut que tu meures aujourd'hui, et bientôt

La tunique de pierre aura puni tes crimes (11).

LUCIEN. Mais sachez donc ; bons philosophes, que c'est l'homme auquel vous devez le plus d'éloges, un ami plein d'excellentes intentions envers vous et de déférence pour vos doctrines, enfin, s'il m'est permis de le dire, le sauveur de vos travaux ; sachez que c'est lui que vous allez tuer, si vous me tuez, moi qui me suis donné tant de mal pour vous. Prenez garde d'agir comme les philosophes de notre temps, c'est-à-dire de vous montrer ingrats, vindicatifs, oublieux des services que l'on vous a rendus.
PLATON.
Quelle impudence ! Il faudra te remercier de tes calomnies ? Tu crois, en vérité, parler à des esclaves ! Mets-tu donc au rang des services l'insolence et la fureur avinée de tes discours ?
6.
LUCIEN. Mais quand et comment vous ai-je donc offensés ; moi qui ai toujours vécu en admiration devant les philosophes, qui vous ai comblés d'éloges, qui ne cesse d'avoir commerce avec les écrits que vous avez laissés ? Ce que je dis, à qui l'ai-je emprunté si ce n'est à vous, cueillant vos fleurs, comme l'abeille, pour les offrir aux hommes ? Puis les hommes les louent, et, reconnaissant à qui chaque fleur appartient, et comment je l'ai cueillie, ils me félicitent de mon adresse ; mais, en réalité, c'est à vous que vont leurs éloges, c'est à votre prairie, qui produit des bouquets riches et de couleurs variées, du moment où l'on sait en choisir les fleurs, les disposer, les assortir si bien que l'une ne jure point avec l'autre. Est-il possible qu'un homme qui vous doit tant s'avise de dire du mal de vous, qui lui rendez ce service, et auxquels il doit d'être quelque chose ? à moins qu'il ne ressemble à Thamyris et à Eurytus (12), prêt à défier les Muses qui lui ont appris l'art du chant, ou à disputer le prix de l'adresse à Apollon qui lui a enseigné à tirer de l'arc.
7.
PLATON. C'est là parler, mon cher, comme les rhéteurs: tu es tout à fait hors du sujet: tu ne fais que prouver mieux encore l'excès de ton audace, en ajoutant l'ingratitude à l'outrage. Tu nous as, dis-tu, emprunté tes meilleurs traits, mais c'est pour les décocher contre nous, et tu n'as d'autre but que de nous injurier sans réserve. Voilà la récompense que nous avons reçue de toi, pour t'avoir permis l'entrée de notre prairie, où tu as cueilli et récolté à pleine robe. Ce procédé, plus que tous les autres, te rend digne de la mort.
8.
LUCIEN. Y pensez-vous ? Vous écoutez votre courroux, et fermez l'oreille à la justice. En vérité, je n'aurais jamais cru que Platon, Chrysippe, Aristote, ou quelque autre de vous, se fût mis en colère, C'est un mouvement dont je vous croyais bien loin, seuls de tous les mortels. Mais au moins, illustres philosophes, ne me faites pas mourir sans forme de procès et sans daigner m'entendre. Il entre dans vos principes de ne point procéder par la force et par la violence ; au contraire, vous voulez qu'on termine les différends par la justice, qu'on expose et qu'ou écoute les raisons des deux parties. Ainsi, prenons un juge, accusez-moi, soit tous ensemble, soit par la bouche de celui que vous aurez choisi pour représenter les autres, et moi, je me défendrai contre vos accusations. Ensuite, s'il est évident que j'ai eu tort, et si le tribunal me condamne, je subirai la peine méritée, et vous, vous n'aurez point agi avec emportement. Si, au contraire, la cause entendue, je vous parais innocent et sans crime, et si les juges m'absolvent, vous tournerez votre colère sur ceux qui vous ont trompés et excités contre moi.
9.
PLATON. C'est mettre le cheval dans la plaine : tu espères séduire les juges et échapper. On te dit beau parleur, bon avocat, et plein d'adresse dans tes discours. Qui veux-tu donc avoir pour juge ? Où trouver un homme qui ne se laisse pas corrompre par tes présents, selon vos belles habitudes de justice, et que tu n'entraînes pas à prononcer pour toi ?
LUCIEN.
Soyez tranquilles sur ce point : je ne voudrais pas moi-même avoir un juge de cette espèce, un arbitre dont l'impartialité fût douteuse, et qui me vendit son suffrage. Voyez ; c'est la Philosophie elle-même qu'avec vous je prends pour juge.
PLATON.
Quel sera l'accusateur, si nous sommes tes juges ?
LUCIEN.
Vous serez en même temps l'un et l'autre : cela ne me fait point peur, tant je suis sûr de la bonté de ma cause et de mes moyens de justification.
10.
PLATON. Que faire, Pythagore et Socrate ? Cet homme, en demandant à être jugé, ne semble pas faire un appel contraire à la raison.
SOCRATE.
Rien de mieux que d'aller au tribunal, de prendre avec nous la Philosophie et d'écouter la défense. Condamner, en effet, sans entendre, serait indigne de nous : c'est bon pour des gens vulgaires, emportés, et qui se font justice par la violence. Nous donnerions beau jeu à ceux qui veulent nous accuser, si nous lapidions un homme sans forme de procès, nous qui nous vantons d'aimer la justice. Qu'aurai-je à dire d'Anytus et de Mélitus, mes accusateurs, et des juges qui m'ont condamné, si je fais mourir cet homme sans lui permettre de parler pendant le temps réglé par la clepsydre ?
PLATON.
Ton conseil est bon, Socrate ; allons trouver la Philosophie : qu'elle juge, et nous nous en rapporterons à sa décision.
11.
LUCIEN. Très bien, illustres philosophes ; voilà une conduite plus sage et plus conforme aux lois. Cependant, comme je l'ai dit, gardez ces pierres ; vous en aurez besoin avant peu, dans le tribunal. Mais qui pourra trouver la Philosophie ? Je ne sais point où elle habite. J'ai longtemps cherché sa maison, pour faire connaissance avec elle. J'ai bien rencontré certains personnages, enveloppés de grands manteaux, portant de longues barbes, et qui disaient venir de chez elle ; j'ai cru qu'ils savaient où elle était, et je leur adressai des questions. Mais ils ne la connaissaient pas plus que moi, et ils ne me répondaient rien, pour ne pas être convaincus d'ignorance, ou bien ils me montraient une porte au lieu d'une autre, si bien que, jusqu'à ce jour, il m'a été impossible de trouver cette demeure.
12.
Souvent, d'après ma propre conjecture ou sur la foi de quelque guide, je suis venu vers certaines portes, avec le ferme espoir que je l'avais enfin rencontrée ; je me le figurais, à voir la foule des entrants et des sortants, hommes au visage sévère, au maintien grave, à l'air sérieux et pensif. Je me faufile avec eux, et j'entre. Que vois-je ? Une espèce de femme, qui n'a rien de simple, malgré tout le soin qu'elle prend à se donner un air d'abandon, une façon négligée : je m'aperçois aussitôt que sa chevelure, qu'elle paraît laisser flotter au hasard, n'est pas dépourvue d'apprêts, que les plis de sa robe ne sont pas disposés sans affectation ; tout me prouve enfin que ce désordre apparent n'est que parure et que recherche ; je vois même poindre un peu de céruse et de fard. Ses propos sont d'une courtisane ; elle se plaît aux flatteries de ses amants, à s'entendre appeler belle : elle reçoit les cadeaux avec empressement, et, lorsqu'elle est assise auprès des riches, elle jette à peine un regard sur ses soupirants pauvres. Parfois, lorsque, sans y penser, elle se laissa voir à nu, je lui découvris des bracelets d'or plus gros que des anguilles. A cette vue, je me retire bien vite, plaignant ces malheureux qu'elle mène, non par le nez, mais par la barbe et qui, semblables à Ixion, au lieu de Junon, ne caressent qu'un fantôme.
13.
PLATON. Tu as dit vrai : la vraie porte n'est pas facile à connaître, et tout le monde ne la trouve pas. Mais nous n'aurons pas besoin d'aller chercher la Philosophie chez elle, nous l'attendrons dans le Céramique ; elle y va descendre en revenant de l'Académie, pour aller se promener au Poecilé : elle a coutume d'y paraître tous les jours. Mais la voici. Vois-tu cette femme au maintien décent, aux regards affables, marchant avec un calme conforme à ses pensées ?
LUCIEN.
J'en vois beaucoup qui ont le maintien, l'extérieur et la démarche que tu dis ; et cependant il ne doit y en avoir qu'une seule, parmi toutes, qui soit la vraie Philosophie.
PLATON.
Tu as raison ; mais dès qu'elle aura parlé, elle se fera connaître.
14.
LA PHILOSOPHIE. Eh quoi ! Platon et Chrysippe chez les vivants ? Aristote aussi et tous les autres, les princes de ma doctrine ? Qui vous fait revenir à la vie ? Quelqu'un vous chagrine-t-il dans les enfers ? Vous paraissez fâchés. Quel est ce prisonnier que vous amenez ? Est-ce un voleur d'habits, un meurtrier, un sacrilège ?
PLATON.
Oui, Philosophie, et le plus impie des sacrilèges ; il a osé t'insulter, toi la sainte des saintes, et nous tous, qui avons laissé à ceux qui viennent après nous les enseignements que nous avons reçus de toi.
LA PHILOSOPHIE.
Comment ? vous vous fâchez pour des injures, et cela, quand vous savez tout ce que la Comédie me dit aux fêtes de Bacchus (13) ! Cependant nous sommes restées bonnes amies ; je ne l'ai jamais citée en justice, je ne lui ai jamais demandé d'explication ; je la laisse s'amuser comme bon lui semble et comme il convient dans une fête, persuadée qu'une plaisanterie ne peut dépriser rien, et qu'au contraire, ce qui est vrai ment beau ressemble à de l'or, auquel les coups donnent un plus grand éclat, une plus vive splendeur. Aussi, je ne sais comment vous êtes devenus si colères, si susceptibles. Pourquoi le serrez-vous si fort ?
PLATON.
Nous avons demandé un jour, afin de le venir trouver et de le punir de toutes ses scélératesses. Un bruit public nous avait informés de tout ce qu'il débite sur notre compte parmi la foule.
15.
LA PHILOSOPHIE. Et vous allez le mettre à mort sans qu'il se justifie ? On voit qu'il a envie de parler.
PLATON.
Oh ! non: nous allons te soumettre tout, et ce que tu auras décidé terminera le procès.
LA PHILOSOPHIE.
Que dis-tu, toi ?
LUCIEN.
La même chose que lui, ô Philosophie, ma souveraine, toi qui seule peux découvrir la vérité. Mais c'est après bien des instances que j'ai obtenu que la cause te fût réservée.
PLATON.
A présent, coquin, voilà que tu appelles ta souveraine cette Philosophie que tu bafouais tout à l'heure, en met tant à la criée sur un si beau théâtre, et en adjugeant successivement pour deux oboles chacun de ses disciples.
LA PHILOSOPHIE.
Remarquez bien si c'est à la Philosophie, ou seulement à des imposteurs qui couvrent de son nom leurs actes infâmes, que s'adressent ses discours satiriques.
LUCIEN.
Tu le sauras bientôt, si tu veux écouter ma défense, Allons seulement à l'Aréopage, ou tout au moins à l’Acropole ; de là, comme d'un observatoire, nous pourrons voir tout ce qui se passe dans la ville.
16.
LA PHILOSOPHIE. Pour vous, mes amis, promenez-vous, en attendant, dans le Poecilé ; je reviendrai vous rejoindre, une fois la cause jugée.
LUCIEN.
Philosophie, quelles sont ces femmes ? Elles me paraissent avoir bon ton.
LA PHILOSOPHIE.
Cette virago est la Vertu ; cette autre, la Tempérance ; près d'elle est la Justice ; la Science marche en tête ; enfin, celle qu'on aperçoit à peine, dont la couleur est indécise, c'est la Vérité.
LUCIEN.
Je ne vois pas celle dont tu parles.
LA PHILOSOPHIE.
Tu ne vois pas cette jolie fille, nue, qui fuit, qui s'échappe ?
LUCIEN.
Ah ! je la vois, mais ce n'est pas sans peine. Mais pourquoi ne les amènes-tu pas, afin que le tribunal soit juste au complet ? J'ai l'intention de prendre la Vérité pour défenseur dans ma cause.
LA PHILOSOPHIE.
Par Jupiter ! venez aussi ; vous ne serez pas fâchées de juger une cause qui a trait à nos affaires.
17.
LA VÉRITÉ. Allez-y, vous autres. Moi, je n'ai pas besoin de rien entendre ; je connais depuis longtemps ce dont il s'agit.
LA PHILOSOPHIE.
Mais il nous importe à nous, Vérité, que tu viennes, et que tu révèles tout.
LA VÉRITÉ.
J'amènerai donc avec moi ces deux campagnes, qui me sont tout à fait dévouées !
LA PHILOSOPHIE.
Amène toutes celles que tu voudras.
LA VÉRITÉ.
Suivez-moi, Liberté et Franchise, tâchons de sauver ce malheureux qui m'aime et qui est en danger pour un injuste prétexte. Toi, Conviction, attends-nous.
LUCIEN.
Non pas, ma souveraine. Qu'elle vienne aussi, et d'autres encore. Ce ne sont point des bêtes vulgaires que j'aurai à combattre, mais des hommes retors, difficiles à convaincre, et féconds en expédients La Conviction est donc nécessaire.
LA PHILOSOPHIE.
Oui, très nécessaire ; mais tu feras mieux d'amener aussi la Démonstration.
LA VÉRITÉ.
Suivez-nous donc toutes, puisqu'on vous croit utiles au procès.
18.
ARISTOTE. Tu vas voir, Philosophie ; il va mettre la Vérité de son côté contre nous.
LA PHILOSOPHIE.
Vous avez peur, vous, Platon, Chrysippe et Aristote, que la Vérité ne mente en sa faveur ?
PLATON.
Non ; mais il est si adroit, si rosé, si flatteur, qu'il pourra lui faire croire ce qui n'est pas.
LA PHILOSOPHIE.
Rassurez-vous: on ne fera rien d'injuste, la Justice étant présente. Partons donc.
19.
Mais, dis-moi, quel est ton nom ?
LUCIEN.
Parrhésiade, fils d'Aléthion, du bourg d'Elenxiclée (14).
LA PHILOSOPHIE.
Ta patrie ?
LUCIEN.
Je suis Syrien, Philosophie, des bords de l'Euphrate (15). Mais que fait cela ? Je connais plusieurs de mes adversaires qui ne sont pas moins que moi barbares de naissance. Je n'ai pas été élevé ni instruit comme on l'est à Soli, à Chypre, à Babylone ou à Stagire (16) ; mais que t'importe qu'on ait un accent barbare, pourvu que la doctrine soit conforme à la raison et à la justice ?
20.
LA PHILOSOPHIE. C'est vrai ; ma question était inopportune. Quelle est ta profession ? c'est une chose du moins qu'il faut que je sache.
LUCIEN.
Je fais métier de haïr la forfanterie, le charlatanisme, le mensonge, l'orgueil et toute l'engeance des hommes infectés de ces vices. Ils sont nombreux, comme tu sais.
LA PHILOSOPHIE.
Par Hercule ! C'est un métier qui expose beaucoup à la haine.
LUCIEN.
Tu as raison : aussi tu vois que de gens me haïssent et à quels périls ce métier m'expose. Cependant je connais aussi parfaitement la profession opposée, c'est-à-dire celle dont l'amour est le principe. J'aime, en effet, la vérité, la probité, la simplicité, et tout ce qui est aimable de sa nature. Mais je trouve peu de gens avec qui je puisse exercer ce talent. Au contraire, le nombre de ceux qui sont dans l'autre camp, et dignes de haine, dépasse cinquante mille ; de sorte que je cours risque d'oublier le second métier, vu la rareté des occasions, et de devenir trop fort dans l'autre.
LA PHILOSOPHIE.
C'est ce qu'il ne faut pas ; car, comme l'on dit, aimer et haïr sont deux sentiments du même cœur. Ne les sépare donc point. Ils ne font qu'un seul art, tout en paraissant en faire deux.
LUCIEN.
Tu le sais mieux que moi, Philosophie. Telle est ce pendant mon humeur, que je hais les méchants, tandis que j'aime et loue les gens de bien.
21.
LA PHILOSOPHIE. Mais nous voici arrivés où nous allions. C'est ici, sous le portique du temple de Minerve Poliade, que nous allons juger. Prêtresse, fais-nous préparer des sièges, et nous, pendant ce temps, adorons la déesse.
LUCIEN.
Minerve Poliade (17) viens à mon aide contre les charlatans ; souviens-toi de tous les parjures qu'ils font entendre chaque jour ; seule, tu vois leurs crimes, qui ne peuvent tromper ta vigilance : c'est le moment de t'en venger. Pour moi, si tu me vois près de succomber, si les pierres noires sont en plus grand nombre que les blanches, ajoute à celles-ci la tienne, et sauve-moi.
22.
LA PHILOSOPHIE. C'est bien ! Nous sommes assises et prêtes à vous entendre. Philosophes, choisissez celui d'entre vous qui vous paraît le plus capable de formuler l'accusation, d'exposer vos griefs et de les prouver : car il n'y a pas moyen que vous parliez tous ensemble. Toi, Parrhésiade, tu te justifieras après.
CHRYSIPPE. Qui de nous serait plus capable que toi, Platon, de remplir les fonctions de demandeur ? L'admirable sublimité des pensées, la beauté vraiment attique du langage, la grâce persuasive, la pénétration, la justesse, le charme irrésistible des raisonnements précis, tout cela surabonde chez toi. Accepte donc le droit de parler le premier, et dis, au nom de tous, ce qui te parait convenable. N'oublie aucun de ces traits dirigés jadis contre un Gorgias, un Palus, un Prodicus, un Hippias. Celui-ci est plus terrible encore. Saupoudre-le d'ironie ; décoche-lui ces interrogations piquantes et continues ; puis, si tu juges à propos, glisse quelque belle image, dis que le grand Jupiter, poussant son char ailé, s'indignera si cet insolent n'est pas puni.
23.
PLATON. Je refuse. Choisissons plutôt quelqu'un de violent, Diogène que voici, Antisthène, Cratès, ou bien toi, Chrysippe. Ce n'est pas ici le cas de faire du beau style et de l'éloquence ; il faut un langage convaincant, il faut tout l'attirail de la chicane : ce Parrhésiade est un orateur.
DIOGÈNE.
Eh bien ! c'est moi qui l'accuserai : je n'aurai pas besoin, je pense, de longues phrases. D'ailleurs, il m'a insulté plus que tous les autres, il m'a vendu naguère pour deux oboles.
PLATON.
Philosophie. Diogène parlera pour nous tous. Pour toi, mon brave, souviens-toi que ce n'est pas seulement la cause que tu plaides, mais la cause commune. Si dans notre enseignement nous différons sur quelques points, ne recherche pas, en ce moment, ne dis pas qui te paraît le plus avoir raison. Ne te fâche qu'au nom de la Philosophie outragée, calomniée dans les écrits de Parrhésiade : laisse de côté les sectes et les dissidences, et ne défends que ce qui nous est commun à tous. Songes-y bien ; nous t'avons choisi ; de toi dépend l'issue de cette alternative, ou de paraître estimables, ou de passer pour tels qu'il nous a représentés.
24.
DIOGÈNE. Soyez tranquilles : je ne faudrai en rien, je parlerai pour tous. Si même la Philosophie, attendrie par ses discours, car elle est de nature bonne et douce, songeait à l'absoudre, moi, je ne lui manquerai pas, et je lui ferai voir que ce n'est pas pour rien que je porte bâton.
LA PHILOSOPHIE.
Je ne veux pas de cela : c'est du raisonnement, ce qui est plus convenable, et non du bâton, qu'il faut user ici : mais plus de délais ; l'eau est versée (18), et le tribunal a les yeux sur toi.
LUCIEN.
Que les autres s'asseyent, Philosophie, pour voter avec les juges, et que Diogène soit seul à m'accuser.
LA PHILOSOPHIE.
Tu ne crains donc pas qu'ils ne votent contre toi ?
LUCIEN.
Nullement: je veux, au contraire, avoir plus de suffrages en ma faveur.
LA PHILOSOPHIE.
C'est agir bravement. Asseyez-vous donc ; toi, Diogène, tu as la parole.
25.
DIOGÈNE. Quels hommes nous avons été durant notre vie, Philosophie, tu le sais et je n'ai pas besoin de le dire. Sans parler de moi, qui donc ne connaît pas Pythagore, Aristote, Platon, Chrysippe ? qui donc ignore tous les services qu'ils ont rendus au genre humain ? Maintenant de quels outrages Parrhésiade, ce triple coquin, s'est-il permis d'accabler des hommes tels que nous ? Le voici. Après avoir été, dit-on, quelque chose comme avocat, il a quitté les tribunaux, et renonçant à la réputation qu'il s'y était faite par la force et la prestesse de sa parole, il a dirigé contre nous tout son attirail oratoire, sans jamais faire trêve à ses insolences. Charlatans, imposteurs, voilà les noms qu'il nous donne, et il conseille à la foule de se moquer de nous et de nous mépriser comme des gens de rien. De cette manière, il est déjà parvenu à soulever la haine de plusieurs hommes contre nous et contre toi-même, Philosophie, en appelant billevesées et sornettes tes doctrines et les graves leçons que tu nous as données ; il les expose, en les tournant en ridicule, afin de se faire louer et applaudir, et de nous faire huer par les spectateurs. Telle est, en effet, la nature du vulgaire : il aime à entendre les railleries et les insultes, et surtout celles qui s'attaquent aux objets qui paraissent les plus respectables. C'est ainsi que jadis on se plut aux pièces dans lesquelles Aristophane et Eupolis livraient à la risée notre Socrate, en le mettant sur la scène et en lui faisant jouer un rôle absurde dans les comédies. Cependant ces poètes n'osaient agir ainsi que contre un seul homme et dans les fêtes de Bacchus, où l'on tolérait cette licence. La plaisanterie semblait alors faire partie de la solennité ; et le dieu s'en amuse sans doute, étant de joyeuse humeur.
26.
Mais lui, réunissant une assemblée d'élite, il commence par méditer et préparer son œuvre, il compose un épais volume d'injures, puis il vient calomnier à haute voix Platon, Pythagore, Aristote que voici, Chrysippe que voilà, moi-même et tous les autres, sans qu'une fête l'y autorise, et sans qu'aucun de nous l'ait attaqué. Il serait excusable, en effet, s'il se défendait et s'il n'était pas l'agresseur. Mais le comble de l'impudence, c'est qu'en agissant ainsi, il s'abrite sous ton nom, Philosophie, et que s'appropriant le Dialogue, autrefois notre ami (19), il s'en fait un auxiliaire, un acteur qui se raille de nous. Il a su même engager Ménippe, un de nos camarades, à jouer un rôle dans ses comédies : aussi ce philosophe est-il le seul qui ne soit point avec nous parmi les accusateurs, trahissant ainsi la cause commune.
27.
Tels sont les griefs pour lesquels Parrhésiade mérite un châtiment. Que pourrait-il répondre, en effet, après avoir déchiré ce qu'il y a de plus respectable, devant un si grand nombre de témoins ? Ce supplice, d'ailleurs, ne sera point inutile aux autres : quand on l'aura vu punir, on apprendra à ne plus insulter désormais la Philosophie. Pour nous, garder le silence en cette occasion, et supporter une pareille offense, ce n'eût pas été de la modération, mais plutôt de la lâcheté et de la sottise. Car enfin qui pourrait le souffrir ? Un homme nous met en criée dans un marché comme des esclaves, il prépose un crieur à la vente, et nous adjuge, dit-on, les uns pour beaucoup, les autres pour quelques mines attiques, et moi, le scélérat, pour deux oboles : grand sujet de joie pour les assistants ! Cette insulte nous a fait revenir à la vie tout indignés, et nous te prions de nous venger de l'outrage sanglant que nous avons reçu.
28.
LES RESSUSCITÉS. A merveille, Diogène ! Tu as dit en notre nom tout ce qu'il fallait dire.
LA PHILOSOPHIE.
Cessez vos applaudissements. Verse l'eau pour l'accusé. Parrhésiade, à ton tour ; l'eau coule déjà pour toi : commence.
29.
PARRHÉSIADE. Diogène, en m'accusant, Philosophie, n'a pas révélé tous mes crimes; je ne sais par quelle distraction, il en a omis un grand nombre et des plus affreux. Pour moi, loin de nier ce que j'ai dit, loin de songer à m'en justifier, j'ai résolu d'ajouter à ses griefs ceux qu'il a passés sous silence et dont je n'ai pu vous entretenir le premier. Par là, vous connaîtrez mieux ceux que j'ai mis en criée et que j'ai outragés en les appelant fanfarons et charlatans. Examinez seulement une chose, si je dis en tout la vérité; et, si mon discours vous paraît avoir quelque chose de blessant et de dur, ne vous en prenez point à moi, qui cherche à confondre l'imposture, mais ce qui est plus juste, selon moi, accusez-en les imposteurs. A peine eus-je connu tous les désagréments de la profession d'avocat, la fourberie, le mensonge, l'impudence, les cris, les luttes, et mille autres choses encore, je laissai là, comme de juste, cette profession, et je me réfugiai, Philosophie, vers les biens que tu promets: je résolus de passer le reste de mes jours sous ta tutelle, comme un marin qui, échappé à l'orage et aux flots, vient aborder à un port tranquille.
30.
Je n'eus pas plutôt entrevu les objets dont vous vous occupez, que je fus naturellement saisi d'admiration et pour toi et pour tous les philosophes, ces législateurs de la meilleure vie, qui tendent la main à quiconque y aspire, qui nous donnent les conseils les plus beaux et les plus utiles, du moment qu'on n'y manque pas et qu'on ne fait pas fausse route, mais que l'œil fixé sur ces lois par vous établies, on se règle d'après elles, et l'on y conforme toute sa conduite : ce qui, par Jupiter ! n'est mis en pratique de nos jours que par bien peu de gens !
31.
Voyant donc qu'un grand nombre d'hommes, non pas épris de l'amour de la Philosophie, mais séduits par la gloire qu'ils en pouvaient recueillir, ne ressemblaient aux gens vertueux que par ces côtés extérieurs et publics, qu'il est facile d'imiter, je veux dire la barbe, la démarche, le maintien, tandis que leurs actions et leur conduite étaient en contradiction avec cette apparence, et que leurs goûts, contraires à vos préceptes, déshonoraient la dignité de votre profession, j'étais transporté d'indignation : je croyais voir en eux un acteur tragique, qui, plein de mollesse efféminée, voudrait représenter Achille, Thésée on bien Hercule, sans avoir ni la démarche, ni le ton héroïque, mais je ne sais quoi d'énervé sous un masque aussi auguste : jamais Hélène autrefois, jamais Polyxène n'eussent toléré qu'on exagérât à ce point la ressemblance avec elles (20) ; à plus forte raison, selon moi, Hercule, cet illustre vainqueur, écraserait-il sur-le-champ et l'acteur et le masque, en les frappant de sa massue, lorsqu'il se verrait si odieusement travesti en femme.
32.
Quand je vis l'insulte qui vous était faite par des gens de cette espèce, je n'ai pu supporter cette honteuse comédie, ni que ces singes, audacieusement couverts d'un masque de héros, vinssent imiter ici l'âne de Cymé (21). Cet âne, vêtu d'une peau de lion, s'imaginait être un lion véritable, et les Cyméens, qui ne le reconnaissaient pas, avaient peur de ses rugissements affreux, lorsqu'un étranger, qui se connaissait en lions et en ânes, reconnut sa ruse, et le chassa à coups de bâton. Mais ce qui me parut surtout révoltant, Philosophie, ce fut de voir que, si quelqu'un d'entre eux tenait une conduite dépravée, indécente, débauchée, aussitôt les hommes en rejetaient la faute sur la Philosophie elle-même, sur Chrysippe, Platon, Pythagore, ou sur celui dont le coupable avait usurpé le nom et dont il prétendait enseigner la doctrine. Sa vie donnait une mauvaise opinion de la vôtre, d'autant plus qu'étant morts depuis plusieurs siècles, vous ne pouviez, vivants, lui être comparés. Vous étiez donc bien loin, lorsqu'il faisait publiquement les actions les plus laides et les plus honteuses, de sorte qu'on vous enveloppait, sans défenseur possible, dans sa condamnation, et qu'on vous déchirait des mêmes injures.
33.
Je n'ai pu supporter ce spectacle : je les démasquai et les séparai de vous. Et vous, qui devriez m'en récompenser, vous me traînez au tribunal ! Eh quoi ! si je voyais un initié révéler les mystères de nos deux déesses (22), et danser hors du lieu sacré (23) ; si, dans mon indignation, je lui en faisais des reproches, passerais-je dans votre esprit pour un impie ? Ce serait injuste. Les athlothètes (24) ont coutume de faire fouetter l'acteur qui, s'étant chargé du rôle de Minerve, de Neptune ou de Jupiter, le joue mal et n'a pas la noblesse qui convient à des divinités ; et cependant ces dieux ne témoignent pas là moindre colère de ce qu'on a livré aux fouetteurs un homme couvert de leur masque, revêtu de leur costume. Que dis-je ? ils sont enchantés de le voir punir : car, de mal jouer le rôle d'un esclave ou d'un héraut, c'est une faute sans conséquence ; mais déshonorer aux yeux des spectateurs, par la bassesse de son jeu, Hercule ou Jupiter, c'est un sacrilège, une infamie.
34.
Mais l'étrangeté la plus absurde, c'est que la plupart de ces hommes, qui paraissent connaître à fond votre doctrine, vivent de manière à faire croire qu'ils ne l'ont lue et étudiée que pour en prendre le contre-pied. Tout ce qu'ils disent sur le dédain des richesses et de la gloire, sur la poursuite exclusive de ce qui est bien et honnête, sur la nécessité de réprimer la colère, sur le mépris des grands qu'il faut considérer comme nos égaux, tout cela, bons dieux, est parfait, sage, admirable en tout point. Mais ces mêmes hommes ne donnent ces leçons que moyennant un salaire ; ils s'extasient devant les riches ; ils sont avides d'argent, plus colères que les chiens, plus peureux que les lièvres, plus flatteurs que les singes, plus lascifs que les ânes (25), plus voleurs que les chats et plus querelleurs que les coqs. N'est-ce pas un beau sujet de raillerie de les voir courir après ces jouissances, se pousser à la porte des riches, rechercher les festins splendides, y flagorner sans vergogne, se gorger de plus de mets que ne le veut la bienséance, se plaindre de n'être pas assez largement servis, philosopher lourdement et sans logique au milieu des pots, et ne pouvoir contenir le vin qu'ils ont bu ? Cependant tous les niais de convives raillent et conspuent la Philosophie, qui produit ces rebuts de la société.
35.
Mais ce qu'il y a de plus honteux, c'est que chacun d'eux prétend n'avoir besoin de rien ; ils crient que le sage est le seul véritablement riche ; puis ils vont quêter un instant après, et s'indignent de ne rien recevoir ; semblables à un homme qui, revêtu d'habits royaux, la tête ceinte d'une tiare et d'un diadème, paré de tous les insignes de la royauté, irait demander l'aumône à de plus pauvres que lui. Lors donc qu'ils espèrent recevoir quelque chose, ils font une longue dissertation sur la communauté des biens, ils essayent de prouver combien la richesse est chose indifférente : "Qu'est-ce, disent-ils, que l'or et que l'argent ? En quoi diffèrent-ils des cailloux, du rivage ?" Cependant, si un vieux camarade dans le besoin, si un homme qu'ils traitent d'ami depuis longues années, vient leur demander quelque secours, silence complet, impossibilité, ignorance, palinodie de ce qu'ils avançaient tout à l'heure, voilà leur réponse (26) : tous leurs beaux discours sur l'amitié, la vertu, l’honnêteté, prennent l'essor et s'envolent je ne sais où, comme ces paroles, ailées, dont ils usent chaque jour dans leurs écoles, pour combattre des fantômes.
36.
En effet, on peut être leur ami, tant qu'il ne s'agit ni d'or ni d'argent : leur montre-t-on une obole, la paix est rompue ; il n'y a plus ni trêves ni traités : les livres sont effacés, la vertu mise en fuite. On dirait des chiens au milieu desquels on jette un os : ils s'élancent, s'entre-mordent, et aboient contre celui qui s'en est saisi le premier. On dit qu'un jour un roi d'Egypte (27) fit apprendre à danser la pyrrhique à des singes, animaux qui imitent aisément les actions des hommes : en un instant, ils furent instruits et prêts à se mettre en danse, revêtus de robes de pourpre et masqués : ce spectacle eut longtemps la vogue, lorsqu'un spectateur pour s'amuser, prit des noix qu'il avait sous sa robe et les jeta au milieu du théâtre : à cette vue, les singes, oubliant la pyrrhique, et se rappelant qu'ils sont singes avant d'être danseurs, déchirent leurs masques, mettent en pièces leurs habits, et se battent pour avoir des noix ; voilà la danse désorganisée et le rire parmi les spectateurs.
37.
Telle est la conduite de nos philosophes ; tels sont les gens que j'ai drapés, et je ne cesserai de les démasquer ni de les mettre en scène. Quant à vous et à ceux qui vous ressemblent, car il en est qui suivent sincèrement les préceptes de la Philosophie et qui observent vos lois, loin de moi la folie d'en rien dire d'outrageant ou de blessant ! Mais à quoi bon cette précaution oratoire ? Est-ce que vous avez vécu comme eux ? Ces imposteurs, au contraire, ces ennemis des dieux, je les crois dignes de toute haine. Parlez donc, Pythagore, Platon, Chrysippe, Aristote, dites-moi quel rapport ils peuvent avoir avec vous. Y a-t-il la moindre affinité, la moindre parenté entre vous ? Quelle parité, comme on dit, entre Hercule et un singe ? Parce qu'ils ont la barbe longue, qu'ils se disent philosophes, qu'ils ont la mine renfrognée, est-ce à dire qu'on puisse vous les comparer ? Je les supporterais même, s'ils étaient vrais dans leur imitation ; mais on verra plutôt un vautour imiter un rossignol, qu'eux les philosophes. J'ai fini ce que j'avais à dire pour ma défense ; toi, Vérité, viens témoigner devant les juges que j'ai dit vrai.
38.
LA PHILOSOPHIE. Éloigne-toi, Parrhésiade. Encore plus loin. Que ferons-nous ? Comment trouvez-vous que cet homme a parlé ?
LA VÉRITÉ.
Pour moi, Philosophie, pendant tout son discours, j'aurais voulu être sous terre, tant ce qu'il a dit est véritable. Je reconnaissais, en l'entendant, chacun de ceux qui agissent comme il le prétend, et, faisant l'application de ses griefs, je disais : "Un tel agit ainsi, tel autre de la sorte ; " en un mot, il a montré ces hommes-là au grand jour ; il en a tracé un portrait si frappant, que ce n'est pas seulement leur physionomie, c'est leur âme même que reproduit la fidélité de sa peinture.
LA TEMPÉRANCE.
Moi, je rougissais, Vérité.
LA PHILOSOPHIE.
Et vous, qu'avez-vous à dire ?
LES RESSUSCITES.
Rien, sinon qu'il faut le renvoyer de la plainte, et l'inscrire au nombre de nos amis et de nos bienfaiteurs. Il nous est arrivé la même aventure qu'aux habitants d'Ilion : nous avons suscité contre nous un tragédien qui nous a chanté les malheurs de la Phrygie (28). Qu'il chante donc, et qu'il bafoue dans sas tragédies les ennemis des dieux !
DIOGÈNE.
Moi-même, Philosophie, je donne les plus grands éloges à Parrhésiade, je me désiste de mon accusation, et j'en fais mon ami ; c'est un brave homme.
39.
LA PHILOSOPHIE. C'est bien. Avance, Parrhésiade : nous te renvoyons de la plainte, à l'unanimité; et pour le reste, sache que tu es des nôtres.
LUCIEN.
J'ai fait, au début, une prière à Minerve que voici; il faut à présent en adresser une qui soit plus tragique et plus solennelle (29) :

O toi, respectable Victoire,
Répands ton éclat sur mes jours;
Daigne me couronner de gloire.
En ce moment et pour' toujours!

LA VERTU. Maintenant, commençons la seconde libation: citons ces philosophes à notre tribunal, pour qu'ils portent la peine des insultes qu'ils ne cessent de nous faire : Parrhésiade sera leur accusateur.
PARRHÉSIADE.
Très bien, Vertu. Et toi, Syllogisme, mon garçon, penche-toi sur la ville et appelle les philosophes.

40. LE SYLLOGISME. Écoutez, silence ! Que tous les philosophes montent à l'Acropole, pour y rendre compte de leur conduite devant la Vertu, la Philosophie et la Justice.
PARRHÉSIADE
. Voyez-vous? Combien peu s'approchent, après avoir entendu la proclamation ! Ils redoutent le procès; et puis bon nombre d'entre eux n'ont pas le temps de venir, ils sont chez les riches; mais si tu veux les voir tous accourir, Syllogisme, tu n'as qu'à crier ceci:
LA PHILOSOPHIE.
Arrête, Syllogisme; toi, Parrhésiade, appelle-les à ta façon.
41.
PARRHÉSIADE. Ce n'est pas difficile. Écoutez, silence! Que tous ceux qui se disent philosophes, et qui pensent que ce nom leur convient, montent à l'Acropole pour une distribution. On donnera deux mines à chacun et un gâteau de sésame. Quiconque étalera une bouche large et épaisse, celui-là recevra en plus un panier de figues. Il n'est besoin d'avoir ni modération, ni justice, ni tempérance; si on ne les a pas, on peut s'en passer, Mais il faut être muni de cinq syllogismes: sans cela, il n'est pas permis d'être philosophe.

On vous propose, en outre, un double talent d’or,
Présent qui du vainqueur doit payer l'éloquence
(30).

42. Bon Dieu ! comme la colline se remplit de gens qui se poussent pour avoir les deux mines, à peine promises ! Ils arrivent les uns du côté du Pélasgique, les autres du temple d'Esculape, un grand nombre par l'Aréopage, quelques-uns en longeant le tombeau de Talus (31) ; d'autres, appliquant des échelles au temple des Dioscures, font l'escalade en bourdonnant, comme un essaim qui se suspend en grappes, suivant 1'expression d'Homère (32) ; mille s'avancent de ce côté, dix mille de celui-la,

Nombreux comme au printemps les feuilles et les fleurs (33).

En un instant l'Acropole va être pleine de leur foule, qui s'assoit en tumulte : on ne voit partout que besaces, barbes, flatterie, impudence, bâtons, gourmandise, syllogismes, cupidité. Le petit nombre de ceux qui étaient venus au premier appel a disparu : rien du moins ne les fait voir et ne les distingue ; ils sont perdus dans la foule, et échappent par la ressemblance de leur extérieur. C'est, du reste, une chose étrange, Philosophie, et dont on pourrait te faire un reproche, que tu ne leur aies encore imposé aucun signe : ces charlatans sont souvent bien plus habiles à se faire croire que les vrais philosophes.
LA PHILOSOPHIE.
Avant peu tu seras satisfait : mais allons les recevoir.
43.
LES PLATONICIENS. C'est à nous, Platoniciens, à les recevoir les premiers.
LES PYTHAGORICIENS.
Non ; c'est à nous, Pythagoriciens ; Pythagore a précédé Platon.
LES STOÏCIENS.
Vous plaisantez : les philosophes du Portique doivent passer avant.
LES PÉRIPATÉTICIENS.
Non pas ; mais, puisqu'il s'agit d'argent, nous devons être les premiers, nous qui tirons notre nom de la promenade (34).
LES ÉPICURIENS.
A nous, Epicuriens, donnez-nous les gâteaux et les figues : quant aux deux mines, nous les attendrons, dussions-nous être les derniers à les recevoir.
LES ACADÉMICIENS.
Où sont donc les deux talents ? Nous montrerons, nous autres Académiciens, que personne n'est plus batailleur que nous.
LES STOÏCIENS.
Non pas, quand les Stoïciens sont là.
44.
LA PHILOSOPHIE. Cessez vos querelles. Et vous, Cyniques, ne vous jetez pas sur les autres et ne frappez personne avec vos bâtons. Sachez que c'est pour tout autre chose que vous êtes convoqués. Aujourd'hui, nous Philosophie, assistée de la Vertu et de la Vérité, nous voulons juger quels sont les vrais philosophes. Tous ceux que nous trouverons vivant d'après nos principes, seront heureux et jugés excellents ; mais les imposteurs, qui n'ont aucun rapport avec nous, seront écrasés comme ils le méritent, afin qu'ils ne viennent plus, dans leur impudence, jouer des personnages à la hauteur desquels ils n'atteignent pas. Qu'est-ce donc ? Par Jupiter ! vous fuyez la plupart à travers les précipices ! L'Acropole est vide : il n'y en a plus que quelques-uns qui sont restés, sans craindre le jugement.
45.
Esclaves, ramassez cette besace qu'un Cynique a laissée tomber en fuyant. Voyons ce qu'elle contient ! Des lupins, sans doute, des livres et du pain cuit sur la braise ?
PARRHÉSIADE.
Non pas ; c'est de l'or, des parfums, un petit couteau pour les repas de prêtres, un miroir, des dés.
LA PHILOSOPHIE.
Ah ! ah ! mon brave ; voilà donc le bagage de tes exercices philosophiques ? Et c'est avec cela que tu te croyais en droit d'invectiver contre tous et d'être le précepteur des autres ?
PARRHÉSIADE.
Voilà comme ils sont tous. Mais il faut examiner par quel moyen nous pouvons signaler ces abus, afin d'y mettre un terme, et à quelle marque les passants pourront reconnaître les bons philosophes et ceux qui mènent une tout autre vie. Vérité, trouve-nous ce moyen ; car c'est à toi d'empêcher que le Mensonge ne domine à ta place, et que les méchants ne te jettent dans l'erreur et ne t'échappent en se donnant des airs d'hommes de bien.
46.
LA VÉRITÉ. C'est à Parrhésiade lui-même, si vous le voulez bien, que nous confierons cet emploi : nous connaissons sa probité, son bon vouloir pour nous, et particulièrement son admiration pour toi, Philosophie : qu'il prenne avec lui la Conviction, et qu'il aille trouver tous ceux qui se disent philosophes. Quand il rencontrera un véritable enfant de la Philosophie, il le couronnera d'une branche d'olivier et l'appellera au Prytanée ; mais quand il mettra la main sur l'un de ces coquins, et il n'en manque pas, qui jouent la comédie philosophique, vite, qu'il lui arrache son manteau, qu'il lui rase la barbe jusqu'à la peau avec le fer qui sert à tondre les boucs, qu'il lui imprime un stigmate au front, ou plutôt qu'il lui brûle l'entre-deux des sourcils ; et cette empreinte sera un renard ou un singe...
LA PHILOSOPHIE.
Bien dit, Vérité. Eprouvons-les, Parrhésiade, comme on dit que l'aigle éprouve ses petits aux rayons du soleil (36). Seulement ce n'est pas avec la lumière qu'il te faut ici faire l'expérience, c'est en leur présentant de l'or, de la gloire, des plaisirs ; celui que tu verras n'y point arrêter sa vue, mais se détourner à l'instant, couronne-le sur-le-champ de la branche d'olivier ; celui, au contraire, qui ne craindra pas d'y fixer ses regards, et qui tendra sa main vers l'or, rase-lui la barbe et conduis-le au fer chaud.
47.
PARRHÉSIADE. Tes ordres seront suivis, Philosophie : bientôt tu verras un grand nombre de gens marqués au renard ou au singe, mais bien peu de couronnés. Cependant, si vous voulez, je m'en vais, par Jupiter, vous en ramener quelques-uns.
LA PHILOSOPHIE.
Que dis-tu ? Tu ramènerais ici nos fugitifs ?
PARRHÉSIADE.
Sans doute : si la Prêtresse veut prêter, pour un moment, la ligne et l'hameçon offerts par le pêcheur du Pirée.
LA PRÊTRESSE.
Les voici, avec le roseau ; prends tout.
PARRHÉSIADE.
Maintenant, Prêtresse, donne-moi, pour compléter l'affaire, quelques figues et un peu d'or.
LA PRÊTRESSE.
Tiens.
LA PHILOSOPHIE.
Quel est donc son dessein ?
LA PRÊTRESSE.
Il a mis à l'hameçon les figues et l'or, il s'est assis sur le haut d'un mur, et il a jeté la ligne dans la ville.
LA PHILOSOPHIE.
Que fais-tu donc là, Parrhésiade ? As-tu dessein de pêcher des pierres dans le Pélasgique ?
PARRHÉSIADE.
Chut, ô Philosophie ! attends que je prenne quelque chose. Pour toi. Neptune, dieu des pêcheurs, et toi, chère Amphitrite, envoyez-nous beaucoup de poissons.
48.
Ben ! j'aperçois un énorme loup de mer, ou plutôt une dorade.
LA CONVICTION.
Non ; c'est un chat marin ; il court, la gueule ouverte, du côté de l'hameçon : il flaire l'or ; il s'approche ; il a mordu ; il est pris ; tirons !
PARRHÉSIADE.
Conviction, aide-moi à soutenir la ligne. La voilà en haut. Allons, dis-moi, qui es-tu, beau poisson ? C'est un chien ! Par Hercule ! quelles dents ! Eh quoi, mon brave, tu t'es laissé prendre au moment ou tu léchais les pierres sous lesquelles tu espérais te cacher ? On va te voir maintenant : nous allons te suspendre par les ouïes. Arrachons l'appât et l'hameçon. Eh bien, il n'y a plus rien à l'hameçon' Tu as déjà avalé la figue et l'or ; ils sont dans ton ventre !
DIOGÈNE.
Par Jupiter ! il faut qu'il les vomisse. Nous en avons besoin pour en prendre d'autres.
PARRHÉSIADE.
Voilà qui est bien. Qu'en dis-tu, Diogène ? sais-tu quel est cet homme ? Est- il de ta secte ?
DIOGÈNE.
Nullement.
PARRHÉSIADE.
Eh bien ! à quel prix faut-ill'évaluer ? Moi, je l'ai estimé dernièrement deux oboles.
DIOGÈNE.
C'est trop cher. Il n'est pas mangeable, il est affreux, coriace ; il ne vaut rien. Envoie-le, la tête la première, par dessus le rocher ! Maintenant jette l'hameçon et pêches-en un autre ; mais prends garde, Parrhésiade, que le roseau ne se courbe trop et ne se brise.
PARRHÉSIADE.
N'aie pas peur, Diogène ; ils sont légers et pèsent moins que des loches.
DIOGÈNE.
Par Jupiter ! ils sont plus loches que des loches ! Mais tire toujours.
49.
PARRHÉSIADE. Regarde: quel est ce poisson plat, à moitié coupé, qui s'avance ? C'est une plie : il arrive la gueule ou verte vers l'hameçon : il avale ; il y est. DIOGÈNE. Tire ! Qu'est-ce que c'est ?
LA CONVICTION.
Il dit qu'il est platonicien.
PLATON.
Et toi aussi, coquin, tu te jettes sur l'or ?
PARRHÉSIADE.
Qu'en dis-tu, Platon ? Que ferons-nous de lui ?
PLATON.
Jette-le aussi par-dessus le rocher.
50.
DIOGÈNE. A un autre !
PARRHÉSIADE.
J'en aperçois un qui s'avance : il est superbe, autant qu'on en peut juger à cette profondeur ; il est nuancé, il a des raies d'or sur le dos. Vois-tu, Conviction ? Il se donne des airs d'Aristote. Il approche. Non ; il s'éloigne en nageant. Il regarde avec défiance : il revient ; il ouvre la gueule ; il est pris : tirons !
ARISTOTE.
Ne me demande pas quel il est, Parrhésiade, je ne le connais pas.
PARRHÉSIADE.
Eh bien ! Aristote, il fera aussi la culbute du rocher.
51.
DIOGÈNE. Voyez donc ; j'aperçois une grande quantité de poissons, tous de même couleur, hérissés d'épines, le corps armé de pointes, plus difficiles à saisir que des hérissons. Nous aurions besoin d'un filet pour les pêcher, mais nous n'en avons pas. Il suffira d'en prendre un de la bande. Le plus hardi ne manquera pas de se jeter sur l'hameçon.
LA CONVICTION.
Jette la ligne, s'il te plaît : mais auparavant garnis-la bien de fer, de peur qu'en dévorant l'or, il ne la coupe avec ses dents...
PARRHÉSIADE.
Elle est à l'eau. O Neptune, favorise ma pêche. Ah ! ils se disputent l'appât : les uns, en grand nombre, rongent la figue ; d'autres s'attachent à l'or. A merveille ! En voilà un magnifique à l'hameçon. Voyons, dis-nous comment tu t'appelles. Mais je suis plaisant de vouloir faire parler un poisson ! Ils sont muets. Allons, Conviction, dis-nous quel est son maître.
LA. CONVICTION.
C'est Chrysippe que voici.
PARRHÉSIADE.
J'entends : il y a, en effet, de l'or dans ce nom là (37). Et toi, Chrysippe, dis-nous, par Minerve, si ces gens sont de ta connaissance et si tu leur conseillais d'agir ainsi.
CHRYSIPPE. Par Jupiter, tu me fais une question injurieuse, Parrhésiade, en ayant l'air de croire que des gens de cette sorte ont quelque rapport avec nous.
PARRHÉSIADE.
Très bien, Chrysippe, tu es un homme de cœur. Il va donc aller rejoindre les autres la tête la première ; avec ses épines (38) je crains, ma foi, qu'on ne s'étrangle en voulant le manger.
52.
LA PHILOSOPHIE. Finissons là notre pêche, Parrhésiade, de peur que cette foule nombreuse ne vienne à bout d'emporter, en fuyant, l'or et l'hameçon, qu'il te faudrait payer à la Prêtresse. Allons maintenant faire un tour de promenade. Il est temps d'ailleurs que vous retourniez d'où vous êtes venus, afin de ne point dépasser l'heure de votre congé. Pour vous, Parrhésiade et Conviction, allez faire la ronde chez tous les philosophes, et couronnez ou brûlez, comme je l'ai dit.
PARRHÉSIADE.
Ainsi ferai-je, Philosophie. Adieu, les meilleurs des hommes ! Descendons, Conviction, et exécutons les ordres que nous avons reçus. Vers quel endroit devons-nous d'abord nous diriger ? Irons-nous à l'Académie ou au Portique ? Commençons par le Lycée. Peu importe ! Seulement je sais qu'en y arrivant, nous aurons moins de couronnes à distribuer que de brûlures.

 

(01) Parodie de l'Iliade, II, v. 363.

(02Parodie de l'Iliade, VI, v. 112.

(03 Parodie d'Euripide.

(04 Iliade. XXII, v. 262.

(05Parodie de l'Iliade X, v. 378 ; I, v 23.

(06 Parodie de l'Iliade, X, v 447.

(07 Euripide, Frag. CLXXX.

(08 Euripide, Oreste, v, 413.

(09 Euripide, Frag. CXXXI,

(10)   Euripide. Bacch. v. 385

(11)  Homère. Iliade, III, v. 57.

(12 Voy. ces mots dans le Dict. de Jacobi.

(13) Allusion aux Nuées d'Aristophane.

(14Parrhésiade, de parrhsiast®w qui parle avec franchise ; Aléthion, du mot Žlhy®w vrai; Elenxiclée, de¦legxow, conviction.

(15 Voy. la notice sur Lucien.

(16Soli, patrie du poète Aratus et des philosophes Craton et Aristippe ; Chypre, où se trouvait Cittium, ville natale de Zénon ; Babylone, ou plutôt Séleucie, patrie de Diogène le Stoïque ; Stagire, patrie d'Aristote.

(17 C'est-à-dire protectrice de la ville. Aristophane et Pindare l'appellent de même, PolÝtiw, Polioèxow.

(18) Allusion à la clepsydre ou horloge d'eau, dont il a été déjà question et que mentionnent souvent les orateurs grecs et latins.

(19 Cf. le traité : Tu es un Prométhée, chap, VI et VII.

(20Les rôles de femmes étaient joués par des hommes.

(21) Fable indienne et ésopique qui remonte à une haute antiquité. Voy. Édélestand du Méril, Poésies inédites du moyen âge, précédées d'une histoire de la fable ésopique, p. 22, et Philibert Soupé, Essai critique sur lu littérature indienne, p. 62.

(22 Voy, Horace. Ode II du livre III, v. 26.

(23) Cf. De la danse, chap, XV.

(24)  Magistrats qui présidaient aux jeux

(25) Voy. Philibert Soupé, 1. c.

(26Comparez avec un beau fragment attribué à Ménandre ou à Philémon, dans Stobée, titre XXX, ou dans le Ménandre de Meineke, p. 300.

(27On attribue ce fait à Cléopâtre. Cf. Apologie pour ceux qui sont aux gages des grands, chap. V.

(28"Un auteur célèbre passant à Troie, les habitants l'engagèrent à jouer quelques tragédies : Il se refusa longtemps à leurs instances; mais enfin, obligé de s'y rendre, il représenta aux Troyens la prise de leur ville et leurs propres malheurs. Les philosophes disent qu'ils ont éprouvé la même chose que les Troyens, parce qu'ayant forcé Parrhésiade à parler, il leur a présenté le tableau des outrages faits à la philosophie et à eux-mêmes. Voy. Dion Chrysostome, in Tarsico primo. " BELIN DE BALLU.

(29) Vers formés de morceaux empruntés à Euripide, dans Oreste, Iphigénie en Tauride, les Phéniciennes, vers 1752. Cf. Pindare, Isthmiques, Ode XV, au commencement.

(30 Iliade, XVIII, v. 507.

(31) Voy. la description d'Athènes dans le Voyage d'Anacharsis, chap. III

(32) Iliade, II, v. 89.

(33 Id., ibid., v, 468.

(34) Voy, la préface de la traduction de Marc Aurèle, par A. Pieron.

(35 PerÛpatow d'ou le nom des Péripatéticiens.

(36Cf. la lettre de l'empereur Julien au philosophe Maximus, Ep. XVI et Claudien, préface du Panégyrique sur le troisième consulat d'Honorius.

(37) Xræsippow, est formé de xrusñw, or et áppow, cheval.

(38Allusion aux sophismes des Stoïciens.