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LUCIEN
XII
CHARON OU LES CONTEMPLATEURS (01)
MERCURE, CHARON, CRÉSUS ET SOLON
1. MERCURE. Pourquoi ris-tu, Charon ? pourquoi as-tu quitté ta barque afin de
venir ici, toi qui, jusqu'à ce jour, n'es pas accoutumé de fréquenter le haut
monde ?
CHARON. Je désire, Mercure, voir ce qui se passe dans la vie, ce qu'y font les
hommes et ce que regrettent tous ceux qui descendent chez nous. Aucun ne fait la
traversée sans verser des larmes. J'ai donc, à l'exemple de ce jeune Thessalien
(02),
prié Pluton de m'accorder un jour de relâche, pour venir visiter ce séjour de
lumière. Je suis charmé de te rencontrer, et j'espère que tu voudras bien me
servir de guide dans un pays où je suis étranger ; tu m'y feras tout connaître,
en dieu qui connaît tout.
MERCURE. Je n'ai pas le temps, nocher. Je vais m'acquitter d'une commission dont
Jupiter m'a chargé pour la terre. Il est fort susceptible. Si je tardais à
exécuter ses ordres, j'aurais peur qu'il ne me condamnât à rester toujours chez
vous, dans les ténèbres ou que, me traitant comme autrefois Vulcain, il ne me
prît par le pied, et ne me précipitât des demeures célestes, pour faire rire à
mon tour, échanson boiteux, les dieux de l'Olympe (03).
CHARON. Ainsi, tu me verras errer à l'aventure sur la terre, moi ton ami, ton
compagnon de voyage, moi qui suis passeur d'ombres avec toi ! il serait beau
pourtant, fils de Maïa, de ne pas oublier que je ne t'ai jamais fait vider ma
barque, ni prendre la rame : tu ronfles, étendu sur les bancs, quoique tu aies
de fortes épaules ou bien, si tu trouves quelque mort bavard, tu causes avec lui
pendant tout le trajet, et moi, vieux comme je suis, je tiens les deux rames et
fais seul la manœuvre Au nom de ton père, mon bon petit Mercure, ne me laisse
pas là, fais-moi connaître tout ce qui se passe dans la vie, que je ne m'en
aille pas sans avoir rien vu. Si tu m'abandonnes, je serai comme ces aveugles,
qui vont clopin-clopant dans les ténèbres, et déjà même je commence à avoir les
yeux éblouis par la lumière. Allons, dieu de Cyllène, rends-moi un service dont
je te saurai gré éternellement.
2. MERCURE. Cette complaisance me fera battre. Je vois en perspective quelques
coups de poing, pour me payer de t'avoir servi de guide, mais enfin, il faut
t'obliger. Comment refuser lorsque c'est un ami qui vous fait violence ?
Cependant, nocher, il n'y a pas moyen que tu voies exactement tout ce qui se
passe sur la terre. Ce serait une affaire de plusieurs années, et bientôt
Jupiter me ferait redemander par un héraut comme un esclave fugitif. En outre,
cela t'empêcherait de faire la besogne que te donne la Mort, et le royaume de
Pluton éprouverait du dommage, si tu étais longtemps sans passer les ombres. Le
publicain Éaque serait furieux, s'il ne gagnait plus une obole. Que tu voies
seulement l'essentiel, voilà ce qu'il faut considérer.
CHARON. Fais pour le mieux, Mercure, moi, je ne sais rien de ce qui se fait sur
la terre, je suis étranger.
MERCURE. Avant tout, Charon, nous avons besoin de nous placer sur quelque point
élevé, d'où tu puisses tout voir. Si tu pouvais monter avec moi dans le ciel, je
ne serais pas embarrassé. De là, comme d'un observatoire, ta vue plongerait sur
le monde entier. Mais puisque, vivant avec les ombres, il ne t'est pas permis de
mettre le pied dans le palais de Jupiter, essayons de trouver quelque haute
montagne.
3. CHARON. Tu sais, Mercure, ce que j'ai coutume de vous dire, quand nous
naviguons ? Si le vent souffle avec violence par le travers de la voile et
soulève les flots, vous autres, gens sans expérience, vous me dites de l'amener,
celui-ci de lâcher un peu le câble, celui-là de laisser tout au gré du vent, et
moi je vous dis de vous taire, parce que je sais mieux ce qui doit être fait.
Uses-en de même ici. Puisque tu sais mieux ce qui doit être fait, sois mon
pilote. Moi, comme un bon passager, je demeurerai assis en silence, tout prêt à
obéir à tes ordres.
MERCURE. C'est bien dit. Je saurai bien ce qu'il faudra faire et je trouverai un
point de vue convenable. Le Caucase ne ferait-il pas mon affaire, ou le
Parnasse, qui est le plus élevé, ou l'Olympe plus haut encore que les deux
autres ? Il me vient une bonne idée, en songeant à l'Olympe : mais il faut que
tu m'aides et me donnes un coup de main.
CHARON. Ordonne, je te seconderai de mon mieux.
MERCURE. Le poète Homère dit que les fils d'Aloéus (04),
qui, comme nous, n'étaient que deux, et des enfants encore, s'avisèrent un jour
de déraciner le mont Ossa et de le mettre sur le mont Olympe, et qu'ensuite
posant le Pélion par-dessus, ils s'imaginèrent avoir trouvé une échelle fort
commode pour escalader le ciel (05).
Ces deux jeunes fous furent punis de leur audace, mais nous, qui n'avons aucune
mauvaise intention contre les dieux, qui nous empêche de bâtir, en roulant mont
sur mont, un observatoire élevé d'où nous puissions voir à notre aise ?
4. CHARON. Mais pourrons-nous, Mercure, à nous deux, mettre jamais Pélion sur
Ossa ?
MERCURE. Pourquoi pas, Charon ? Crois-tu que nous soyons moins forts que ces
deux petits garçons ? Ne sommes-nous pas des dieux ?
CHARON. J'en conviens, mais la chose me paraît impossible. Il y a trop
d'ouvrage.
MERCURE. On voit bien que tu es un ignorant, Charon, et que tu n'as jamais lu
les poètes. Le brave Homère, en deux vers, nous rend le ciel accessible, et met
aisément montagne sur montagne (05).
Je suis étonné que tu croies cela impossible. Ne sais-tu pas qu'Atlas porte, à
lui seul, le ciel sur ses épaules et nous tous à la fois ? N'as-tu pas ouï dire
que mon frère Hercule, pour donner quelque répit à cet Atlas, et alléger quelque
temps sa fatigue, a pris aussi cette charge sur son dos ?
CHARON. J'ai entendu parler de cela, mais est-ce vrai ? Tu le sais, Mercure,
aussi bien que les poètes.
MERCURE. C'est très vrai ! Pourquoi veux-tu que des hommes sages aient débité
des mensonges ? Allons, commençons par ébranler l’Ossa, et puis, suivant le vers
d'Homère, cet excellent architecte,
Roulons-y Pélion aux sommets ombragés
(07).
Vois-tu comme la besogne se fait aisément à la façon poétique ? Maintenant, je
vais monter pour voir si cela suffit, ou s'il faut une construction nouvelle.
5. Grands dieux ! que nous sommes encore loin de la base du ciel ! A peine du
côté de l'orient aperçoit-on l'Ionie et la Lydie. Au couchant, je ne vois pas
plus loin que l'Italie et la Sicile. Du côté de l'Ourse, ma vue s'arrête à
l'Ister, et par ici je distingue à peine la Crète. Allons, nocher, il faut
encore transporter l'OEta et, par-dessus, le Parnasse.
CHARON. Soit fait ! Seulement, prends garde que nous ne construisions un édifice
trop fragile, en l'élevant plus qu'il ne convient, nous ferions un triste
apprentissage de l'architecture homérique, si nous roulions et si nous nous
brisions le crâne.
MERCURE. Ne crains rien, tout cela est très solide. Transporte ici le mont OEta,
et roule-moi le Parnasse. Je vais remonter. Voilà qui est bien. Je vois le monde
entier. Monte à ton tour.
CHARON. Donne-moi la main, Mercure ! Ce n'est pas une petite ascension que tu me
fais faire.
MERCURE. Tu veux contempler l'univers, Charon, mais il est plus difficile que tu
ne crois de concilier ces deux choses, la sûreté et le désir de voir. Cependant
prends-moi la main, et veille à ne pas mettre le pied aux endroits glissants.
Bien ! te voilà en haut, et, puisque le Parnasse a deux sommets, asseyons-nous
chacun sur le nôtre. Jette à présent les yeux autour de toi et examine le monde.
6. CHARON. Je vois une vaste étendue de terre, environnée d'un lac immense, des
montagnes, des fleuves plus grands que le Cocyte et le Périphlégéton, de tout
petits hommes et leurs tanières.
MERCURE. Ce que tu appelles des tanières, ce sont des villes.
CHARON. Tu vois donc, Mercure, que nous n'avons rien fait qui vaille. C'est en
vain que nous avons transporté ici le Parnasse avec la fontaine de Castalie,
l'OEta et les autres montagnes.
MERCURE. Pourquoi ?
CHARON. Je ne vois rien distinctement d'une si grande élévation. Je ne demandais
pas seulement à voir les villes et les montagnes, comme sur une carte, mais les
hommes eux-mêmes. À connaître ce qu'ils font et ce qu'ils disent, ainsi que je
le faisais tout à l'heure quand tu m'as rencontré, riant de bon cœur, et que tu
m'as demandé ce qui me faisait rire. Je venais, en effet, d'entendre quelque
chose de bien réjouissant.
MERCURE. Qu'était-ce ?
CHARON. Un homme invité à dîner, je crois, par un de ses amis pour le lendemain,
lui disait : "Je m'y rendrai sans faute." Il parlait encore, lorsqu'une tuile
détachée du toit, je ne sais par qui, lui tombe sur la tête et le tue. J'ai bien
ri de voir qu'il ne pourrait pas remplir sa promesse. Mais je crois qu'il
vaudrait beaucoup mieux maintenant descendre un peu plus bas, afin que je puisse
voir et entendre.
7. MERCURE. Ne bouge pas ; je vais te guérir les yeux, et te rendre sur-le-champ
la vue on ne peut plus perçante, en récitant une formule d'Homère. Souviens-toi
seulement, quand j'aurai récité les vers, de ne plus t'aviser de mal voir. Songe
à voir parfaitement tous les objets.
CHARON. Parle.
MERCURE.
J'ai dissipé la nuit qui te couvrait les yeux,
Et tu vas distinguer les hommes et les dieux
(08).
CHARON. Qu'est ceci ?
MERCURE. N’y vois-tu pas parfaitement ?
CHARON. A merveille ! Lyncée (09)
lui-même était aveugle auprès de moi. Maintenant, sers-moi de maître et réponds
à mes questions. Mais veux-tu que, pour te parler, j'use aussi des vers
d'Homère. Tu verras que je ne suis pas étranger à la poésie homérique.
MERCURE. Et où donc aurais-tu pu la connaître, un nocher, un rameur comme toi ?
CHARON. Ne calomnie pas mon talent. Lorsque je passai Homère, après sa mort, je
l'entendis réciter bon nombre de ses rhapsodies, et j'en retins quelques-unes.
En ce moment même une violente tempête nous assaillit. Il s'était mis
apparemment à débiter un morceau peu favorable à la navigation, car, tandis
qu'il nous chante que Neptune a rassemblé les nuages, troublé les ondes en y
plongeant son trident comme une cuiller à pot, soulevé tous les orages, et
autres vers du même genre capables de bouleverser la mer, un véritable ouragan,
une obscurité soudaine fond sur nous et fait presque chavirer notre barque.
Notre poète lui-même, pris d'un grand mal de cœur, se met à vomir toutes les
rhapsodies qu'il a composées sur Scylla, Charybde et le Cyclope.
MERCURE. Il n'est pas étonnant que tu aies retenu quelque chose d'un si grand
vomissement.
8. CHARON. Or, dis-moi :
Quel est donc ce mortel, grand, gros, fort et robuste,
Qui domine les gens de la tête et du buste
(10)
?
MERCURE. C'est Milon de Crotone, l'athlète. Les Grecs l'applaudissent, parce
qu'il a soulevé un taureau et l'a porté à travers le stade (11).
CHARON. Comme ils auront bien plus raison de m’applaudir, Mercure, lorsque, dans
peu, j’enterrerai ce Milon lui-même, et que je mettrai dans ma barque ce lutteur
vaincu par le plus invincible des athlètes, la Mort ! Elle lui donnera un
croc-en-jambe auquel il ne s'attend guère. Alors, quels gémissements il nous
fera entendre au souvenir de ces couronnes et de ces applaudissements ! En ce
moment, il est tout fier de l'admiration qu'il excite avec son taureau. Mais
quoi ? pensons-nous qu'il songe à la nécessité de mourir un jour ?
MERCURE. Comment s’imaginer qu’il y songe, jeune et vigoureux comme il est ?
CHARON. Laissons-le, en attendant que bientôt je rie à ses dépens, lorsqu’il
passera dans ma barque, incapable désormais de porter, non plus un taureau, mais
un moucheron.
9. Maintenant, dis-moi :
Qui est, de ce côté, ce personnage auguste
(12)
?
Il n’est pas Grec, autant que j’en juge par ses vêtements.
MERCURE. Charon, c’est Cyrus, fils de Cambyse. Il a transporté aux Perses
l’empire des Mèdes. Il vient de triompher des Assyriens et de s’emparer de
Babylone. Il prépare en ce moment une expédition contre la Lydie, pour défaire
Crésus et devenir ainsi maître du monde.
CHARON. Qui est ce Crésus ?
MERCURE. Regarde par ici cette grande forteresse entourée d’un triple mur. C’est
Sardes, et tu vois Crésus lui-même assis sur un lit d’or et conversant avec
Solon d’Athènes. Veux-tu écouter de qu’ils disent ?
CHARON. Très volontiers.
10. CRÉSUS. Athénien, mon hôte, tu as vu mes richesses, mes trésors, tout ce que
j’ai d’or en lingots, tous mes biens magnifiques. Dis-moi alors qui est celui
des hommes que tu crois le plus heureux ?
CHARON. Qu’est ce que Solon va répondre ?
MERCURE. Sois tranquille, ce sera bien dit, Charon.
SOLON. Crésus, il y a peu d’hommes heureux. Pour moi, de tous ceux que je
connais, je ne sais de très heureux que Cléobis et Biton, les enfants de la
prêtresse d’Argos.
CHARON. Il veut parler de ces deux jeunes gens qui sont morts ensemble
dernièrement, pour avoir traîné jusqu’au temple le char de leur mère, auquel ils
s’étaient attelés.
CRÉSUS. D’accord. Qu’il aient le premier rang de la félicité. Et le second, à
qui est-il ?
SOLON. À l’Athénien Tellus, qui a également vécu, et qui est mort pour sa
patrie.
CRÉSUS. Et moi donc, insolent, je ne te parais pas heureux ?
SOLON. Je n’en sais rien, Crésus, tant que tu n’es point arrivé au terme de ta
vie. C’est la mort qui juge en dernier ressort, si l’on a été heureux jusqu’à la
fin.
CHARON. Très bien, Solon, tu as raison de ne pas nous oublier, et de dire que ma
barque est le juge suprême qui tranche cette question.
11. Mais quels sont ces gens envoyés par Crésus, et que portent-ils sur leurs
épaules ?
MERCURE. Ce sont des briques d'or consacrées à Apollon Pythien, en récompense
des oracles qui bientôt causeront sa perte. Ce Crésus raffole des oracles.
CHARON. Quoi ! ce quelque chose qui brille, c'est de l'or ? Ce mélange de jaune
et de rouge ? Voilà la première fois que j'en vois, après en avoir toujours
entendu parier.
MERCURE. Oui, Charon, c'est là ce métal si vanté, cet objet de luttes
incessantes.
CHARON. Je ne vois pas à quoi il peut être bon, si ce n'est à écraser ceux qui
le portent.
MERCURE. Tu ne sais donc pas tout ce qu'il cause de guerres, de perfidies, de
vols, de parjures, de meurtres, d'emprisonnements, de longues navigations, de
marchés, d'esclavages ?
CHARON. Pourquoi donc cela ? Est-ce parce qu'il ressemble beaucoup à du cuivre ?
Le cuivre, je le connais bien. Chaque mort que je passe m'en paye une obole.
MERCURE. Justement. Mais le cuivre est commun. On ne s'en soucie pas beaucoup.
Au contraire, il faut aller chercher l'or au fond des mines, en fouillant dans
les entrailles de la terre, tandis que le cuivre, le plomb et les autres métaux
se trouvent à la surface.
CHARON. Voilà un singulier effet de la folie humaine, d'aimer si passionnément
cette chose jaune et pesante !
MERCURE. Tu vois au moins, Charon, que ce Solon n'en fait aucun cas. Il se moque
de Crésus et de toute sa jactance de Barbare. Mais il me semble qu'il va dire
quelque chose. Écoutons.
12.SOLON. Dis-moi, Crésus, crois-tu qu'Apollon Pythien ait besoin de tes briques
?
CRÉSUS. Oui, par Jupiter. Il n'a pas dans son temple une offrande pareille.
SOLON. Tu t'imagines alors que le dieu sera plus heureux, quand, avec le reste,
il possédera tes briques d'or ?
CRÉSUS. Certainement.
SOLON. En ce cas, Crésus, les dieux du ciel sont bien pauvres, s'ils ont besoin
qu'on leur envoie de l'or de la Lydie !
CRÉSUS. Mais où trouverait-on autant d'or que chez nous?
SOLON. Dis-moi, trouve-t-on aussi du fer en Lydie ?
CRÉSUS. Fort peu.
SOLON. Vous manquez donc du meilleur métal ?
CRÉSUS. Comment le fer est-il meilleur que l'or ?
SOLON. Si tu veux me répondre sans te fâcher, tu le sauras.
CRÉSUS. Interroge-moi, Solon.
SOLON. Lequel vaut mieux, de celui qui conserve ou de celui qui est conservé ?
CRÉSUS. C'est évidemment celui qui conserve.
SOLON. Eh bien ! s'il est vrai, comme on le dit, que Cyrus s'avance contre les
Lydiens, armeras-tu tes soldats avec des épées d'or, ou le fer te sera-t-il
nécessaire ?
CRÉSUS. Le fer, bien certainement.
SOLON. Et si tu ne te procures de ce métal, ton or passera bientôt aux mains des
Perses.
CRÉSUS. Pas de sinistres paroles, mon hôte !
SOLON. Puisse cela ne point arriver ! mais tu sembles convenir que le fer vaut
mieux.
CRÉSUS. Tu me conseilles donc d'envoyer au dieu des briques de fer, et de
reprendre l'or que je lui envoie ?
SOLON. Il n'a besoin ni d'or, ni de fer, car, quoi que tu lui dédies, or ou fer,
ton offrande deviendra bientôt la proie des Phocéens, des Béotiens, des
Delphiens eux-mêmes, ou de quelque tyran voleur. Pour Apollon, il ne s'inquiète
guère de tes orfèvres.
CRÉSUS. Tu fais toujours la guerre à mes richesses. Tu en es jaloux (13).
13. MERCURE. Le Lydien, Charon, ne peut souffrir la parole franche et vraie du
philosophe. Il trouve étrange qu'un homme pauvre, d'un esprit indépendant, lui
parle avec sincérité. Dans peu, il se souviendra de Solon, quand arrivera
l'instant où, devenu prisonnier de Cyrus, il sera forcé de monter sur le bûcher.
Dernièrement, en effet, j'entendais Clotho lire le livre de la destinée des
hommes. Il y était écrit que Crésus serait pris par Cyrus, et que Cyrus, à son
tour, périrait par la main de la reine des Massagètes. Vois-tu cette femme
scythe, montée sur un cheval blanc ?
CHARON. Oui, par Jupiter !
MERCURE. C'est Tomyris. Elle doit couper la tête de Cyrus et la plonger dans une
outre pleine de sang. Vois-tu le jeune fils de Cyrus ? C'est Cambyse. Il doit
régner après son père. Après mille revers, après avoir échoué en Libye et en
Éthiopie, il doit finir par mourir fou et meurtrier du bœuf Apis.
CHARON. Comme il y a là de quoi rire ! Et cependant on ose à peine les regarder,
ces potentats superbes et méprisants. Qui croirait que tout à l'heure celui-ci
sera fait prisonnier, et que celui-là aura la tête dans une outre pleine de sang
?
14. Mais quel est donc cet autre, Mercure, affublé d'un grand manteau de
pourpre, ceint d'un diadème, à qui son cuisinier présente un anneau trouvé dans
un poisson ?
Une île est son séjour, il a des airs de
roi (14).
MERCURE. Ta parodie est excellente, Charon. Tu vois Polycrate, tyran de Samos,
qui se croit le plus fortuné des hommes, mais bientôt livré au satrape Cratès
par Méandre, un de ses serviteurs, il sera mis en croix, le malheureux, déchu de
son bonheur en un clin d'œil J'ai entendu dire cela à Clotho.
CHARON. Allons, Clotho, du courage ! mets en croix les uns, ma chère, coupe la
tête aux autres, afin qu'ils voient qu'ils sont hommes. Élève-les bien haut,
pour que leur chute soit plus douloureuse. Moi, je rirai quand je reconnaîtrai
chacun d'eux dans ma barque, nu, sans habit de pourpre, sans tiare, sans trônes
dorés.
15. MERCURE. Et ce sera là leur sort. Mais, vois-tu, Charon, cette multitude de
gens qui naviguent, font la guerre, sont en procès, labourent, prêtent à usure
ou mendient ?
CHARON. Oui, je vois une foule considérable, une vie aux mouvements tumultueux,
des villes semblables à des ruches, où chacun a son aiguillon et pique le
voisin. Quelques-uns, véritables guêpes, pillent et rançonnent les plus faibles.
Mais quel est cet essaim qui tourne en secret autour d'eux ?
MERCURE. C'est L'Espérance, la Crainte, la Déraison , la Volupté, l’Avarice, la
Colère, la Haine, et le reste. Au-dessous est la Folie (15),
qui séjourne chez les hommes, ou elle a droit de bourgeoisie, ma foi, et
qu'accompagnent la Haine, la Colère, la Jalousie, l'Ignorance, le Doute et la
Cupidité. Au-dessus voltigent la Crainte et l'Espoir. L'une frappe d'effroi les
hommes et les fait trembler, l'autre, planant sur leurs têtes, s'envole quand
ils croient saisir le bien promis, et les laisse la bouche ouverte, comme
Tantale, que tu vois dans les Enfers, trompé par les eaux.
16. Si tu portes les yeux plus loin, tu apercevras les Parques filant à chacun
sa destinée. Vois-tu comme ils sont tous suspendus à ce fil délié, ainsi qu'une
araignée à sa toile ?
CHARON. Oui, je vois un fil très mince attaché à chaque homme, et plusieurs de
ces fils se nouant les uns avec les autres.
MERCURE. C'est tout naturel, nocher, car il est arrêté par les Destins que
celui-ci doit être tué par celui-là, que cet autre doit hériter d'un homme dont
le fil est plus court que le sien, et réciproquement. Voilà ce que signifient
les nœuds des fils. Vois-tu comme tous sont suspendus à un fil mince ? Le fil de
l'un, tiré en haut, élève celui auquel il tient, puis il se rompt, brisé par le
poids, et l'homme tombe avec un grand bruit. Au contraire, cet autre, à peine
soulevé de terre, retombe sans fracas, et c'est à peine si ses voisins
s'aperçoivent de sa chute.
CHARON. Cela est tout à fait plaisant, Mercure.
17. MERCURE. Non, tu ne saurais t'imaginer, Charon, combien la destinée des
hommes est risible, surtout lorsqu'au milieu de leurs poursuites et de leurs
espérances, ils disparaissent, enlevés par cette excellente Mort. Elle a
pourtant bien des messagers, bien des ministres, comme tu vois, le Frisson, la
Fièvre, la Phtisie, la Pulmonie, les Épées, les Voleurs, les Poisons, les Juges,
les Tyrans. Ils n'y songent pas, tant qu'ils sont heureux, mais survient-il
quelque trouble, alors que d'hélas ! que de "Grands dieux !" que de "Malheur à
moi !" Si, dès le principe, les hommes faisaient réflexion qu'ils sont mortels,
qu'après avoir voyagé quelque temps dans la vie, ils doivent en sortir, comme
d'un rêve, et laisser tout sur cette terre, ils vivraient plus sagement et
mourraient avec moins de regrets. Maintenant, comme ils espèrent jouir
éternellement de ce qu'ils possèdent, lorsque le ministre de la Mort les appelle
ou les entraîne par une fièvre ou par une maladie de langueur, ils sont furieux
de se voir arrachés à la vie contre leur attente. Que ferait un homme si,
lorsqu'il s'applique à faire bâtir une maison et qu'il presse ses ouvriers, il
apprenait que, le toit à peine posé, il en laissera la jouissance à ses
héritiers, et n'aura pas même la satisfaction d'y faire un repas ? Un autre se
réjouit de ce que sa femme lui a donné un garçon, il invite ses amis à un
festin, il donne au nouveau-né le nom de son frère. S'il savait que ce fils doit
mourir à sept ans, crois-tu qu'il se réjouirait beaucoup de sa naissance ? Sa
joie éclate, parce qu'il voit au comble du bonheur le père de quelque athlète
vainqueur aux jeux olympiques. Quant au voisin, qui suit les funérailles de son
enfant, il ne le voit pas et il ne songe pas à quelle trame fragile le sien est
suspendu. Vois combien de gens disputent pour étendre les limites de leurs
terres, combien entassent des richesses, puis, avant qu'ils aient commencé à en
jouir, ils sont appelés par ces messagers et, ces ministres dont j'ai parlé.
18. CHARON. Lorsque je vois tout cela, je ne puis concevoir quel charme ils
trouvent dans la vie ni ce qui peut les faire gémir quand ils en sont privés. Si
l'on considère les rois, qui passent pour les plus heureux des hommes, on voit
qu'outre l'instabilité, dis-tu, et l'incertitude de leur fortune, ils sont
exposés à plus de peines que de plaisirs, sans cesse en butte aux craintes, aux
troubles, aux haines, aux embûches, aux ressentiments, aux flatteries. Tous en
sont assiégés. Je ne parle pas des deuils, des maladies, des souffrances, sous
le niveau desquels ils passent comme les autres. Juge seulement d'après leurs
maux ce que doivent être ceux des simples particuliers.
19. Te dirai-je aussi, Mercure, à quoi je compare les hommes et leur vie tout
entière ? Tu as vu quelquefois les gouttes d'eau que produit la chute d'un
torrent, je veux dire les bulles couronnées d'écume. Quelques-unes, fort
légères, s'évanouissent à peine formées, d'autres durent plus longtemps, et se
grossissent du mélange de leurs voisines, qui les enflent outre mesure, mais
bientôt elles crèvent elles-mêmes et ne peuvent échapper à leur sort. Telle est
la vie des hommes. Tous sont enflés par je ne sais quel souffle, les uns plus,
les autres moins. Ceux-ci périssent vite, leur enflure ne dure qu'un instant,
ceux-là manquent, au moment même où ils prenaient de la force, mais tous
finissent nécessairement par crever.
MERCURE. Voilà, Charon, une comparaison aussi belle que celle d'Homère,
lorsqu'il dit que la race humaine est semblable aux feuilles des arbres (16)
!
20. CHARON. Et cependant ainsi faits, Mercure, tu vois comme ils se conduisent,
comme ils se disputent le pouvoir, comme ils luttent pour des honneurs, pour des
biens qu'il leur faudra quitter, afin de venir chez nous, réduits à une seule
obole. Veux-tu, puisque nous sommes sur une hauteur, que je leur crie de toute
ma force, en manière de conseil, de s'abstenir de tous ces vains travaux, de
vivre comme si la Mort était toujours présente à leurs yeux, prête à leur dire (17)
: "Insensés, pourquoi cette poursuite stérile ? Cessez de vous fatiguer. Vous ne
vivrez pas toujours. Rien ne doit durer de ce qui paraît ici bas digne d'envie.
Vous n'emporterez rien, en mourant, de ce qui était à vous. Il faut partir tout
nu. Cette maison, ce champ, cet or, doivent passer à d'autres mains et changer
de maîtres. "Si je leur criais cela et autres choses encore, de manière à me
faire entendre, penses-tu qu'ils n'en retireraient pas un grand profit pour la
vie, et qu'ils ne deviendraient pas beaucoup plus sages ?
21. MERCURE. Mon cher, tu ne sais pas à quel point ils en sont d'ignorance et
d'erreur. Une tarière ne pourrait pas leur percer les oreilles, tant elles sont
bouchées avec de la cire, comme Ulysse ferma celles de ses compagnons, afin
qu'ils n'entendissent pas les Sirènes (18).
Comment alors entendraient-ils ta voix, lors même que tu crierais à te rompre ?
Ce que fait chez nous le Léthé, l'ignorance le produit chez eux. À peine y en
a-t-il quelques-uns qui, n'ayant pas mis de cire dans leurs oreilles, se
dirigent vers la vérité, voient clairement les objets et reconnaissent ce qui en
est.
CHARON. Eh bien ! crions pour ceux-là !
MERCURE. Peine inutile ! à quoi bon leur dire ce qu'ils savent ! Regarde :
placés à l'écart, ils rient de tout ce qu'ils voient faire et n'en approuvent
rien. Il est même évident qu'ils songent à quelque moyen de sortir de la vie et
de venir chez nous. On les déteste, en effet, parce qu'ils reprochent aux autres
leur ignorance.
CHARON. Courage, cœurs généreux ! mais ils ne sont pas nombreux, Mercure.
MERCURE. Ils sont en nombre suffisant (19).
Maintenant descendons.
22. CHARON. Ah ! Mercure, je voudrais encore savoir une chose ; lorsque tu me
l'auras apprise, ta description sera parfaite : montre-moi les lieux où ils
déposent les morts, où ils les enfouissent.
MERCURE. Ils appellent cela, Charon, des monuments, des tombeaux, des sépulcres.
Vois-tu, à l'entrée des villes, ces amas de terre, ces colonnes, ces pyramides ?
Ce sont les endroits destinés à recevoir les morts et à garder les cadavres.
CHARON. Pourquoi donc couronnent-ils ces pierres et les frottent-ils de parfums,
tandis que d'autres, élevant un bûcher près des tombes, creusent des fosses, y
font cuire des mets splendides et y versent, si je ne me trompe, du vin et de
l'hydromel (20).
MERCURE. Je ne sais pas, nocher, à quoi cela peut servir, quand on est chez
Pluton. Ils s'imaginent peut-être que les âmes volent d'en bas vers les dîners
qu'on leur présente, qu'elles se régalent de la fumée des viandes et qu'elles
boivent l'hydromel répandu sur les fosses.
CHARON. Eux ! boire et manger, des crânes tout secs ! Tu te rirais de moi, si je
te parlais de cette façon, à toi qui les conduis ici tous les jours. Tu sais, en
effet, s'ils peuvent revenir, une fois descendus sous la terre. Certes, ce
serait amusant pour toi, Mercure, qui as déjà tant à faire, d'être obligé non
seulement de les amener, mais de les reconduire quand ils veulent boire. Fous
que vous êtes ! mortels insensés, qui ne voyez pas quel immense abîme il y a
entre les affaires des vivants et celles des morts, et comment se gouverne notre
empire !
Les morts sont tous égaux, ensevelis ou non,
Qu'ils s'appellent Irus ou bien Agamemnon ;
Quoique Achille soit fils d'une belle déesse,
À côté de Thersite il se perd dans la presse
Cadavres décharnés, tous les morts confondus,
Dans le pré d'Asphodèle errent pâles et nus
(21).
23. MERCURE. Par Hercule ! comme tu nous débites ton Homère ! Mais puisque tu
m'y fais songer, je veux te montrer le tombeau d'Achille. Regarde, c'est cette
éminence près de la mer, au promontoire de Sigée, voisine de Troie. En face est
le tombeau d'Ajax, sur le Rhétée (22).
CHARON. Bien petits tombeaux, Mercure ! Maintenant montre-moi ces villes
célèbres que nous avons entendu vanter aux Enfers, la Ninive de Sardanapale,
Babylone, Mycènes, Cléones (23),
et surtout Ilion. Je me souviens d'avoir passé beaucoup de morts qui venaient de
ce pays-là, et pendant dix ans je n'ai eu le temps ni de relâcher ni de radouber
ma barque.
MERCURE. Ninive, cher nocher, est entièrement détruite. Il n’en reste pas la
moindre trace, et l'on ne peut dire où elle était. Babylone est ce que tu vois,
environnée de tours et s étendant sur un immense espace. Bientôt on la cherchera
dans ses ruines comme Ninive. Quant à Mycènes et Cléones, j'aurais honte de te
les faire voir, et surtout Ilion. De retour aux Enfers, tu étranglerais
peut-être Homère, pour l'exagération poétique de ses vers. Villes autrefois
florissantes, aujourd'hui elles sont mortes, car les villes meurent, nocher,
aussi bien que les hommes (24).
Que dis-je ? Les fleuves mêmes disparaissent, et l'on ne peut plus trouver à
Argos le lit de l'Inachus.
CHARON. Pourquoi donc, Homère, ces éloges, ces épithètes pompeuses :
Ilion la divine, Ilion aux larges rues, Cléones aux beaux édifices (25)
?
24. Mais pendant que nous causons, quels sont ces gens qui se battent ? pourquoi
veulent-ils s’entr'égorger ?
MERCURE. Ce sont, Charon, les Argiens et les Lacédémoniens. Voici Othryade,
général de Sparte, qui, à moitié mort, inscrit de son sang sa victoire sur un
trophée (26).
CHARON. Et pourquoi se battent-ils, Mercure ?
MERCURE. Pour le champ même sur lequel ils combattent.
CHARON. Les fous ! Ils ne savent pas que, quand chacun d'eux posséderait tout le
Péloponnèse, à peine obtiendra-t-il d'Éaque un pied de terre. D'autres
laboureront ce champ, et la charrue détruira complètement le trophée.
MERCURE. Voilà, Charon, ce que c'est que le monde ! Redescendons maintenant.
Remettons ces montagnes à leur place, et retirons-nous. Moi, je vais remplir ma
commission. Toi, tu retournes à ta barque. Je ne tarderai pas à te faire visite,
et je t'amènerai des morts.
CHARON. Tu m'as rendu un grand service, Mercure. Je t'inscris au rang de mes
bienfaiteurs. Grâce à toi, j'ai fait un voyage utile. Pauvres humains ! Ce ne
sont chez eux que rois, briques d'or, hécatombes, combats ! Et de Charon, pas un
mot (27)
!
(01)
Comparez avec le Diable boiteux de
Lesage.
(02) Protésilas.
Voy. le 23ème Dialogue des morts.
(03)
Allusion au vers 690 du XVIIIème chant de l'Iliade.
(04)
Voy. le Dict. de Jacobi.
(05)
Voy. Homère, Odyssée, XI, v. 315, et
Quintus de Smyrne, I, v. 514.
(06)
Voy. Odyssée, au passage cité.
(07)
Odyssée, XI, v, 314.
(08) Iliade,
V, v. 127.
(09) Un
des Argonautes, renommé pour l'excellence de sa vue.
(10)
Iliade, III, v. 220, 227.
(11)
Notre grand sculpteur Puget a popularisé le nom et les aventures de Milon de
Crotone.
(12) Parodie
de quelque pièce.
(13) Voy.,
pour toute celte conversation, Plutarque, Vie
de Solon ; Hérodote, I, chap. XXXII ; Platon,
Axiochus
; Thémistius, Orat. XVII ; Cicéron,
Tusculanes, I, chap. XLVII, et Des
vrais biens et des vrais maux, II, chap. XXVII.
(14) Samos.
Parodie de l'Odyssée, I, v. 60 et 180.
(15)
Voy. l'Eloge de la folie d'Érasme.
(16) Iliade,
VI, v. 146 et suivants.
(17) Voy.
le beau chapitre de Montaigne : Que
philosopher c'est apprendre à mourir,
Essais,
I, chap. XIX. Cf. Horace, Ode III du
livre II.
(18)
Odyssée, XII, v. 39, 183.
(19)
Allusion aux Cyniques et aux Stoïciens.
(20)
Voy. le traité Sur le deuil.
(21)
Ces vers sont pris de plusieurs passages d'Homère :
Iliade IX, v. 319, 320 et 363 ;
Odyssée,
X, V. 621 ; ibid, XI, 538 et 572.
(22)
Sur le tombeau d'Achille voy.
Cicéron,
Pro Archia, chap.
X et Epîtres à divers, V, XII, XXIV ; Arrien, I, IV, X ; Plutarque,
Alex., XXIV ; Quinte-Curce, II. IX.
(23)
Ancienne ville de l'Argolide.
(24)
Cf. Cicéron,
Épîtres
familières, IV, V.
(25)
Pour Ilion, voy. Homère, passim. Il n'est point question de Cléones dans Homère, mais Lucien
lui applique une épithète homérique.
(26)
Sur Othryade, voy. Valère-Maxime, III, II, Ext., § 4 ; Sénèque le père,
Controverses, II. Les Argiens et les Lacédémoniens se disputaient pour le
champ de Thyrrée.
(27)
Plaisanterie de Xanthias dans les Grenouilles d'Aristophane.
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