Aristote : Opuscules

ARISTOTE

OPUSCULES.

PLAN DU TRAITÉ DU SOMMEIL ET DE LA VEILLE.

Περὶ ὕπνου καὶ ἐγρηγόρσεως

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

 

 

 

PSYCHOLOGIE D'ARISTOTE

OPUSCULES

TRAITÉ DU SOMMEIL ET DE LA VEILLE.

 

 

 

 

 

PSYCHOLOGIE D'ARISTOTE

OPUSCULES

PLAN DU TRAITÉ DU SOMMEIL ET DE LA VEILLE.

Étudions maintenant le sommeil et la veille ; sachons à quelle partie de lame ou du corps appartiennent ces deux fonctions, ou bien si elles sont communes aux deux. Sachons encore si elles sont toujours compagnes l'une de l'autre, ou si elles peuvent être séparées dans certains animaux. Une conséquence de cette première étude sera de rechercher ce que c'est que le rêve, et la divination qu'on essaye parfois de tirer des songes. D'abord le sommeil et la veille sont dans la même partie de l'animal, parce que ce sont des contraires qui se produisent mutuellement, et qui sont par la nature dans un seul et même sujet. Ce qui prouve bien que le sommeil et la veille sont des contraires, c'est que le même signe qui nous fait connaître que l'homme veille, nous fait aussi connaître, en sens opposé, qu'il dort. L'homme veille tant qu'il sent : il dort dès qu'il ne sent plus. Ainsi le principe qui fait que l'homme sent est aussi celui qui est affecté par le sommeil et par la veille; or, sentir n'appartient en propre ni à l'âme ni au corps; c'est une fonction commune aux deux. Par suite, les êtres qui n'ont pas la partie sensible de l'âme, les végétaux, par exemple, qui n'ont que la partie sensitive, ne dorment ni ne veillent. Une autre conséquence, c'est qu'il n'est point d'animal qui veille toujours ou qui dorme toujours. Tout organe, quelle qu'en soit d'ailleurs la fonction naturelle, ne peut l'exercer que durant un temps limité, après lequel il tombe dans l'impuissance. Si donc la veille est le libre exercice de la sensibilité, le sommeil sera une fonction aussi indispensable qu'elle; car il faut nécessairement que tout être qui veille puisse aussi dormir, pour réparer les forces que la veille lui enlève. D'autre part, le sommeil doit également finir avec cette réparation même, puisque l'exercice de la sensibilité est l'état complet et vrai de l'animal, qui n'est ce qu'il est qu'autant qu'il est doué de sensibilité. Tous les animaux autres que l'homme ont la faculté du sommeil comme lui. Il n'y a doute que pour les coquillages, sur lesquels on n'a point fait d'observations directes.

Les insectes dorment fort peu, et c'est là ce qui a fait parfois douter qu'ils eussent cette faculté comme les autres. Ainsi tous les animaux veillent et dorment, parce qu'ils sont sensibles ; et il faut ajouter que, durant le sommeil, la nutrition dont ils ont tous besoin se fait d'une manière plus facile et plus complète.

Ces préliminaires posés, voyons la cause du sommeil et de la veille, et le sens ou les sens auxquels ces deux fonctions se rapportent. D'abord, s'il y a des animaux qui soient privés de quelque sens, tous, sans exception, possèdent le toucher et le goût; c'est un principe établi déjà dans le Traité de l'Ame. Nous y avons établi aussi qu'indépendamment de la fonction spéciale à chaque sens, il y a encore une faculté commune qui réunit et compare les sensations venues d'organes différents. Elle est simultanée au toucher, le seul sens qui puisse être séparé de tous les autres, tandis que tous les autres en sont inséparables. Ainsi, le sommeil et la veille sont des affections de ce sens général ; et, comme le toucher est commun à tous les animaux, voilà pourquoi tous aussi veillent et dorment. Les sens spéciaux peuvent agir indépendamment les uns des autres ; par suite, ils ne devraient point cesser simultanément si le sommeil ne touchait que chacun deux en particulier. Mais on conçoit très-bien que, quand le principe général sans lequel les sens ne peuvent agir, vient à cesser, tous éprouvent la modification que lui-même subit. Ce qui le démontre non moins clairement, c'est que, dans certains états du corps, dans les éva-nouissements, par exemple, dans certaines hal-lucinations, et même par suite de certaines blessures, les sens tombent dans l'impuissance d'agir, et cependant il n'y a point sommeil. Voilà pour le sens qu'affectent le sommeil et la veille. Maintenant en voici la cause. La nature fait toujours toutes choses en vue de quelque fin ; et ici la fin quelle se propose, c'est la conservation de lanimal à 1 état de veille. La veille est la fin propre de lanimal, parce que sentir et penser sont les fonctions qui le constituent réellement. Pour savoir dans quel lieu du corps se produisent le sommeil et la veille, c'est sur l'homme qu'il faut observer, parce que les faits sont les mêmes pour les animaux qui ont du sang comme lui, et tout à fait analogues chez les animaux qui n'ont pas de sang. Le corps, chez l'homme, se divise en trois parties principales: la tête, le bas-ventre, et la partie centrale, intermédiaire entre les deux autres; c'est dans cette dernière que se trouvent et le principe de la sensibilité, et celui du mouvement, et celui de la respiration. C'est le cœur et les parties qui l'environnent qui renferment ces principes; et, par conséquent, le sommeil et la veille sont primitivement des affections de ces parties. Il y a des gens qui font, dans le sommeil, beaucoup d'actes qui semblent propres à la veille ; nous en reparlerons plus loin. Nous avons aussi ex-» pliqué dans nos Problèmes comment on se souvient des songes, bien qu'on oublie souvent les actes faits durant la veille.

Quelles sont donc les circonstances physio-logiques qui accompagnent le sommeil? D'abord tout animal, par cela même qu'il est sensible, doit aussi pouvoir se nourrir. C'est le sang qui est en définitive sa nourriture, ou un fluide analogue ; et le sang circule dans les veines , qui toutes viennent du cœur. L'anatomie peut prouver ceci, ainsi que le démontrent les théories données par nous dans le Traité de la Nourriture. Nous ne les rappellerons ici qu'autant qu'elles concernent le sommeil et la veille. Les aliments modifiés arrivent dans les veines sous forme de sang, et y causent une évaporation qui se dirige vers le cœur. L'insensibilité spéciale que produit le sommeil ne vient que de cette évaporation, qui monte d abord en haut, puis retombe par un mouvement assez pareil à celui des flots de l'Euripe. En redescendant , la vapeur chasse la chaleur, et cause ainsi le sommeil. L'action des narcotiques démontre combien ces théories sont exactes : ils portent tous à la tête. La somnolence qu'on sent après le repas vient aussi de ce qu'alors l'évaporation est plus considérable. D'autre part, la fatigue, et certaines maladies provoquent le sommeil par des causes tout à fait analogues. Si la première enfance est si sujette à un lourd sommeil, c'est que l'évaporation dans les enfants se porte avec violence vers les parties supérieures; car, chez eux, elles sont toujours beaucoup plus développées que les parties infé-rieures , circonstance qui cause aussi chez ces petits êtres de fréquentes convulsions. Voilà encore pourquoi le vin ije vaut rien aux enfants, soit qu'ils le prennent directement, soit qu'ils le reçoivent indirectement par les nourrices qui les allaitent. Il ne faut pour eux rien qui provoque la congestion vers les parties su* périeures, qui sont déjà si engorgées que c'est à peine si, à cinq mois, ils peuvent tourner le cou. Cette disposition est encore plus prononcée dans le fœtus, et c'est là ce qui fait qu'il reste immobile dans le sein de la mère. On peut remarquer en outre sur les gens qui ont la tête fort grosse et des formes de nains, qu'ils sont plus portés au sommeil que les autres. Même remarque pour les gens qui ont les veines étroites, parce que l'humidité n'y peut pas cir-culer assez aisément. Au contraire, ceux qui ont les vaisseaux larges et la circulation facile dorment peu, ainsi que les mélancoliques, dont le corps, toujours froid à l'intérieur, n'a qu'une évaporation peu abondante. De tous ces faits on peut tirer cette conclusion que le sommeil est une sorte de concentration de la chaleur à l'intérieur, et comme une répercussion ; les parties supérieures du corps se refroidissent, tandis que les parties inférieures et celles du dedans s'échauffent. Le sommeil peut donc être considéré comme une sorte de refroidissement de l'intéri#ur du corps ; et cette théorie n'est pas contredite, parce que certaines boissons chaudes provoquent le sommeil. La chaleur naturelle s'éteint alors en partie, comme le feu se ralentit au moment même où l'on met du bois dessus. Quoi qu'il en soit, c'est le cerveau qui est le siège principal du sommeil; le cerveau est la partie la plus froide du corps de l'animal. L'évaporation inférieure s'y refroidit et s'y condense, ainsi que les vapeurs élevées de la terre se refroidissent et se condensent dans les régions supérieures de l'air. Gomme les veines qui environnent le cerveau sont les plus ténues et les plus étroites de tout le corps, le sang qui y arrive est aussi le plus léger et le plus pur; le sang le plus épais retombe; et c'est, quand cette sécrétion est accomplie, que le sommeil vient à cesser. La nourriture ingérée n'a plus alors le poids qui provoquait d'abord le sommeil. En résumé, l'on peut dire que la cause qui fait dormir, c'est la répercussion énergique delà chaleur naturelle sur le principe sensible; le sommeil est l'enchaînement du principe sensible réduit à l'inactivité; enfin le sommeil est indispensable à l'animal, qui ne peut se conserver et vivre que grâce au repos que le sommeil lui procure.

DU SOMMEIL ET DE LA. VEILLE.

CHAPITRE PREMIER.

Questions diverses qu'on peut se poser sur le sommeil et sur la veille, sur les rêves et sur la divination.

Le sommeil et la veille appartiennent à une même faculté ; à la sensibilité, qui est commune au corps et à l'âme.

Le sommeil et la veille doivent se succéder alternativement. — L'activité ne peut être continuelle.

Quelques exemples tirés de la physiologie comparée : volatiles, animaux aquatiques et terrestres, mollusques, insectes, etc.

Tout animal dort, parce qu'il est sensible : les végétaux ne dorment pas, parce qu'ils n'ont que la faculté nutritive, qui s'exerce mieux durant le sommeil.

§ 1. Περὶ δὲ ὕπνου καὶ ἐγρηγόρσεως ἐπισκεπτέον τίνα τε τυγχάνει ὄντα͵ καὶ πότερον ἴδια τῆς ψυχῆς ἢ τοῦ σώματος ἢ κοινά͵ καὶ εἰ κοινά͵ τίνος μορίου τῆς ψυχῆς ἢ τοῦ σώματος͵ καὶ διὰ τίν΄ αἰτίαν ὑπάρχει τοῖς ζῴοις· καὶ πότερον ἅπαντα κεκοινώνηκεν ἀμφοτέρων͵ ἢ τὰ μὲν θατέρου τὰ δὲ θατέρου μόνον͵ ἢ τὰ μὲν οὐδετέρου τὰ δὲ ἀμφοτέρων·

§ 2. πρὸς δὲ τούτοις τί ἐστι τὸ ἐνύπνιον͵ καὶ διὰ τίνα αἰτίαν οἱ καθεύδοντες ὁτὲ μὲν ὀνειρώττουσιν ὁτὲ δὲ οὔ͵ ἢ συμβαίνει μὲν ἀεὶ τοῖς καθεύδουσιν ἐνυπνιάζειν͵ ἀλλ΄ οὐ μνημονεύουσιν͵ καὶ εἰ τοῦτο γίγνεται͵ διὰ τίνα αἰτίαν γίγνεται· § 3. καὶ πότερον ἐνδέχεται τὰ μέλλοντα προορᾶν ἢ οὐκ ἐνδέχεται͵ καὶ τίνα τρόπον εἰ ἐνδέχεται· καὶ πότερον τὰ μέλλοντα ὑπ΄ ἀνθρώπου πράσσεσθαι μόνον͵ ἢ καὶ ὧν τὸ δαιμόνιον ἔχει τὴν αἰτίαν͵ καὶ φύσει γίγνεται ἢ ἀπὸ ταὐτομάτου.

§ 4. Πρῶτον μὲν οὖν τοῦτό γε φανερόν͵ ὅτι τῷ αὐτῷ τοῦ ζῴου ἥ τε ἐγρήγορσις ὑπάρχει καὶ ὁ ὕπνος· ἀντίκεινται γάρ͵ καὶ φαίνεται στέρησίς τις ὁ ὕπνος τῆς ἐγρηγόρσεως· ἀεὶ γὰρ τὰ ἐναντία καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων καὶ ἐν τοῖς φυσικοῖς ἐν τῷ αὐτῷ δεκτικῷ φαίνεται γιγνόμενα͵ καὶ τοῦ αὐτοῦ ὄντα πάθη͵ λέγω δ΄ οἷον ὑγίεια καὶ νόσος͵ καὶ κάλλος καὶ αἶσχος͵ καὶ ἰσχὺς καὶ ἀσθένεια͵ καὶ ὄψις καὶ τυφλότης͵ καὶ ἀκοὴ καὶ κωφότης. Ἔτι δὲ [454a] καὶ ἐκ τῶνδε δῆλον· ᾧ γὰρ τὸν ἐγρηγορότα γνωρίζομεν͵ τούτῳ καὶ τὸν καθυπνοῦντα· τὸν δὲ αἰσθανόμενον ἐγρηγορέναι νομίζομεν͵ καὶ τὸν ἐγρηγορότα πάντα ἢ τῶν ἔξωθέν τινος αἰσθάνεσθαι ἢ τῶν ἐν αὑτῷ κινήσεων. Εἰ τοίνυν τὸ ἐγρηγορέναι ἐν μηδενὶ ἄλλῳ ἐστὶν ἢ τῷ αἰσθάνεσθαι͵ δῆλον ὅτι ᾧ περ αἰσθάνεται͵ τούτῳ καὶ ἐγρήγορε τὰ ἐγρηγορότα καὶ καθεύδει τὰ καθεύδοντα. § 6. Ἐπεὶ δὲ οὔτε τῆς ψυχῆς ἴδιον τὸ αἰσθάνεσθαι οὔτε τοῦ σώματος (οὗ γὰρ ἡ δύναμις͵ τούτου καὶ ἡ ἐνέργεια· ἡ δὲ λεγομένη αἴσθησις ὡς ἐνέργεια κίνησίς τις διὰ τοῦ σώματος τῆς ψυχῆς ἐστι)͵ φανερὸν ὡς οὔτε τῆς ψυχῆς τὸ πάθος ἴδιον͵ οὔτ΄ ἄψυχον σῶμα δυνατὸν αἰσθάνεσθαι. Διωρισμένων δὲ πρότερον ἐν ἑτέροις περὶ τῶν λεγομένων ὡς μορίων τῆς ψυχῆς͵ καὶ τοῦ μὲν θρεπτικοῦ χωριζομένου τῶν ἄλλων ἐν τοῖς ἔχουσι σώμασι ζωήν͵ τῶν δ΄ ἄλλων οὐδενὸς ἄνευ τούτου͵ δῆλον ὡς ὅσα μὲν αὐξήσεως καὶ φθίσεως μετέχει μόνον τῶν ζώντων͵ [ὅτι] τούτοις οὐχ ὑπάρχει ὕπνος οὐδὲ ἐγρήγορσις͵ οἷον τοῖς φυτοῖς (οὐ γὰρ ἔχουσι τὸ αἰσθητικὸν μόριον͵ οὔτε εἰ χωριστόν ἐστιν οὔτε εἰ μὴ χωριστόν· τῇ γὰρ δυνάμει καὶ τῷ εἶναι χωριστόν ἐστιν)· § 7. ὁμοίως δὲ καὶ ὅτι οὐδέν ἐστιν ὃ ἀεὶ ἐγρήγορεν ἢ ἀεὶ καθεύδει͵ ἀλλὰ τοῖς αὐτοῖς ὑπάρχει τῶν ζῴων ἀμφότερα τὰ πάθη ταῦτα. Οὐ γάρ͵ εἴ τι ἔστι ζῷον μὴ ἔχον αἴσθησιν͵ τοῦτ΄ ἐνδέχεται οὔτε καθεύδειν οὔτε ἐγρηγορέναι (ἄμφω γάρ ἐστι τὰ πάθη ταῦτα περὶ αἴσθησιν τοῦ πρώτου αἰσθητικοῦ)· οὐκ ἐνδέχεται δὲ οὐδὲ θάτερον τούτων ἀεὶ ὑπάρχειν τῷ αὐτῷ͵ οἷον ἀεί τι γένος ζῴων καθεύδειν ἢ ἀεί τι ἐγρηγορέναι. § 8. Ἔτι ὅσων ἔστι τι ἔργον κατὰ φύσιν͵ ὅταν ὑπερβάλλῃ τὸν χρόνον ὅσον δύναταί τι ποιεῖν͵ ἀνάγκη ἀδυνατεῖν͵ οἷον τὰ ὄμματα ὁρῶντα͵ καὶ παύεσθαι τοῦτο ποιοῦντα͵ ὁμοίως δὲ καὶ χεῖρα καὶ ἄλλο πᾶν οὗ ἔστι τι ἔργον. Εἰ δή τινός ἐστιν ἔργον τὸ αἰσθάνεσθαι͵ καὶ τοῦτο͵ ἂν ὑπερβάλλῃ ὅσον ἦν χρόνον δυνάμενον αἰσθάνεσθαι συνεχῶς͵ ἀδυνατήσει καὶ οὐκέτι τοῦτο ποιήσει. Εἰ τοίνυν τὸ ἐγρηγορέναι ὥρισται τῷ [454b] λελύσθαι τὴν αἴσθησιν͵ τῶν δ΄ ἐναντίων τῶν μὲν ἀνάγκη θάτερον ἀεὶ παρεῖναι τῶν δ΄ οὔ͵ τῷ δ΄ ἐγρηγορέναι τὸ καθεύδειν ἐναντίον͵ καὶ ἀναγκαῖον ἅπαντι θάτερον ὑπάρχειν͵ ἀναγκαῖον ἂν εἴη καθεύδειν. § 9. Εἰ οὖν τὸ τοιοῦτον πάθος ὕπνος͵ τοῦτο δ΄ ἐστὶν ἀδυναμία δι΄ ὑπερβολὴν τοῦ ἐγρηγορέναι͵ ἡ δὲ τοῦ ἐγρηγορέναι ὑπερβολὴ ὁτὲ μὲν νοσώδης ὁτὲ δὲ ἄνευ νόσου γίγνεται͵ ὥστε καὶ ἡ ἀδυναμία καὶ ἡ διάλυσις ὡσαύτως ἔσται͵ ἀνάγκη πᾶν τὸ ἐγρηγορὸς ἐνδέχεσθαι καθεύδειν· ἀδύνατον γὰρ ἀεὶ ἐνεργεῖν. Ὁμοίως δὲ οὐδὲ καθεύδειν οὐδὲν ἀεὶ ἐνδέχεται. Ὁ γὰρ ὕπνος πάθος τι τοῦ αἰσθητικοῦ μορίου ἐστίν͵ οἷον δεσμός τις καὶ ἀκινησία͵ ὥστ΄ ἀνάγκη πᾶν τὸ καθεῦδον ἔχειν τὸ αἰσθητικὸν μόριον. Αἰσθητικὸν δὲ τὸ δυνατὸν αἰσθάνεσθαι κατ΄ ἐνέργειαν· ἐνεργεῖν δὲ τῇ αἰσθήσει κυρίως καὶ ἁπλῶς ἀδύνατον καθεῦδον ἅμα· διὸ ἀναγκαῖον ὕπνον πάντα ἐγερτὸν εἶναι.

§ 10. Τὰ μὲν οὖν ἄλλα σχεδὸν ἅπαντα δῆλα κοινωνοῦνθ΄ ὕπνου͵ καὶ πλωτὰ καὶ πτηνὰ καὶ πεζά· καὶ γὰρ τὰ τῶν ἰχθύων γένη πάντα καὶ τὰ τῶν μαλακίων ὦπται καθεύδοντα͵ καὶ τἆλλα πάντα ὅσαπερ ἔχει ὀφθαλμούς· καὶ γὰρ τὰ σκληρόφθαλμα φανερὰ καὶ τὰ ἔντομα κοιμώμενα· βραχύυπνα δὲ τὰ τοιαῦτα πάντα͵ διὸ καὶ λάθοι ἄν τινα πολλάκις πότερον μετέχουσι τοῦ καθεύδειν ἢ οὔ. Τῶν δ΄ ὀστρακοδέρμων κατὰ μὲν τὴν αἴσθησιν οὐδέ πω γέγονε φανερὸν εἰ καθεύδουσιν· εἰ δέ τῳ πιθανὸς ὁ λεχθεὶς λόγος͵ τοῦτο πεισθήσεται.

§ 11. Ὅτι μὲν οὖν ὕπνου κοινωνεῖ τὰ ζῷα πάντα͵ φανερὸν ἐκ τούτων. Τῷ γὰρ αἴσθησιν ἔχειν ὥρισται τὸ ζῷον͵ τῆς δ΄ αἰσθήσεως τρόπον τινὰ τὴν μὲν ἀκινησίαν καὶ οἷον δεσμὸν τὸν ὕπνον εἶναί φαμεν͵ τὴν δὲ λύσιν καὶ τὴν ἄνεσιν ἐγρήγορσιν. Τῶν δὲ φυτῶν οὐδὲν οἷόν τε κοινωνεῖν οὐδετέρου τούτων τῶν παθημάτων· ἄνευ μὲν γὰρ αἰσθήσεως οὐχ ὑπάρχει οὔτε ὕπνος οὔτε ἐγρήγορσις· οἷς δ΄ αἴσθησις ὑπάρχει͵ καὶ τὸ λυπεῖσθαι καὶ τὸ χαίρειν· οἷς δὲ ταῦτα͵ καὶ ἐπιθυμία· τοῖς δὲ φυτοῖς οὐδὲν ὑπάρχει τούτων. Σημεῖον δ΄ ὅτι καὶ τὸ ἔργον τὸ αὑτοῦ ποιεῖ τὸ [455a] θρεπτικὸν μόριον ἐν τῷ καθεύδειν μᾶλλον ἢ ἐν τῷ ἐγρηγορέναι· τρέφεται γὰρ καὶ αὐξάνεται τότε μᾶλλον͵ ὡς οὐδὲν προσδεόμενα πρὸς ταῦτα τῆς αἰσθήσεως.

 

§ 1. Étudions maintenant le sommeil et la veille. Quels sont ces deux phénomènes? Est-ce à l'âme qu'ils appartiennent en propre? Est-ce au corps? Ou bien sont-ils communs aux deux? Et s'ils sont communs à l'un et à l'autre, à quelle partie de l'âme et du corps appartiennent-ils? Pourquoi les animaux ont-ils ces deux fonctions? Est-ce que tous les animaux possèdent les deux à la fois? Ou bien ceux-ci ont-ils l'une de ces facultés, tandis que ceux-là n'ont que l'autre? Y a-t-il des animaux qui ne jouissent d'aucune d'elles, tandis que d'autres les ont simultanément?

§ 2. On peut encore se demander ce que c'est que rêver; et pourquoi, dans le sommeil, tantôt on rêve, et tantôt on ne rêve pas. Ou bien doit-on croire qu'on rêve toujours quand on dort, et que seulement on ne s'en souvient pas? Et, s'il en est ainsi, quelle est la cause de cette continuité des rêves? § 3. De plus, peut-on découvrir l'avenir dans les songes? ou bien est-ce là une chose impossible? Et si cela se peut, comment cela se peut-il ? Ne peut-on découvrir que l'avenir qui dépend des actions des hommes? ou peut-on découvrir aussi cet avenir qui n'a pour causes que la volonté des dieux et les phénomènes naturels, c'est-à-dire les phénomènes spontanés?

§ 4. D'abord il est de toute évidence que le sommeil et la veille appartiennent à la même partie de l'animal; car ces fonctions sont opposées Tune à l'autre, et le sommeil ne paraît qu'une sorte de privation de la veille : or les contraires, pour toutes les choses que ne fait pas la nature, aussi bien que pour celles qu'elle fait, paraissent toujours se produire dans un seul et même sujet qui les peut recevoir, et ils sont les affections d'un même être. On pourrait citer bien des exemples : ainsi, la santé et la maladie, la beauté et la laideur, la force et la faiblesse, la vue et la cécité, l'ouïe et la surdité. § 5. Voici bien encore [454a] ce qui démontre l'opposition du sommeil et de la veille : c'est que le même signe qui nous fait connaître que l'homme est éveillé, nous fait connaître aussi qu'il est dans le sommeil. Quand un homme conserve sa sensibilité, nous pensons qu'il est éveillé : nous pensons que tout être qui est éveillé a la sensation, soit de l'une des choses qui se passent au dehors, soit de l'un des mouvements qui s'accomplissent en lui. Si donc être éveillé ne consiste absolument qu'à sentir, on peut conclure évidemment que le principe qui fait que l'on sent, est aussi celui par lequel les animaux veillent quand ils veillent, et dorment quand ils dorment. § 6. Or, sentir n'appartient en propre ni à l'âme ni au corps, puisque l'acte se rapporte au principe auquel se rapporte la puissance, et que ce qu' on appelle la sensation en tant qu'acte, n'est qu'une espèce de mouvement que l'âme reçoit par le moyen du corps. Par conséquent l'on peut évidemment affirmer, et que l'affection de la sensibilité n'appartient pas en propre à l'âme toute seule, et qu'un corps sans âme ne peut sentir. Antérieurement, nous avons déterminé, dans d'autres ouvrages, ce qu'on doit entendre par les parties de l'âme ; nous y avons établi que la partie nutritive peut être séparée des autres dans les êtres qui ont la vie, tandis qu'aucune des autres ne peut exister là où celle-là n'est point. Par suite, il est clair que les êtres vivants qui n'ont en partage que les fonctions d'accroissement et de destruction, n'ont ni sommeil ni veille, par exemple les végétaux : c'est qu'ils n'ont pas la partie sensible de l'âme, qu'elle soit d'ailleurs séparable ou inséparable; car, par sa fonction et par son essence, elle est séparable. § 7. Pour la même raison, il n'est point d'animal qui dorme toujours, ni qui veille toujours. Mais ces deux facultés appartiennent toutes deux à la fois aux mêmes animaux; et tout animal qui est doué de sensation doit nécessairement et sans exception ou dormir ou veiller, puisque ces deux affections sont, relativement à la sensation, les deux seules que puisse avoir le principe sensible. Mais il n'est pas possible que Tune des deux s'exerce constamment dans un même animal, c'est-à-dire que telle espèce d'animal dorme toujours, ou que telle autre veille sans cesse. § 8. En outre, pour tous les organes qui ont quelque fonction naturelle à remplir, quand on dépasse le temps durant lequel ils peuvent satisfaire à cette œuvre, quelle qu'elle soit, il faut nécessairement qu'ils tombent dans l'impuissance : ainsi les yeux, fatigués de voir, cessent de voir; il en est de même de la main, et de tout autre organe qui accomplit quelque fonction. Mais si sentir est la fonction d'un organe quelconque, et si cet organe dépasse le temps durant lequel il était capable de sentir sans discontinuité, il tombera dans l'impuissance et n'exercera plus sa fonction. Que si la veille est caractérisée [454b] par le libre exercice de la sensibilité, et qu'il faille toujours que, des deux contraires, l'un soit présent et l'autre absent; si, en outre, la veille est le contraire du sommeil, et que de toute nécessité l'un ou l'autre doive se trouver dans tout animal, dormir sera une fonction indispensable. § 9. Si donc le sommeil est une affection de ce genre, c'est-à-dire une impuissance de continuer la veille qui a dépassé ses limites, que d'ailleurs cet excès de veille soit morbide ou ne le soit pas, et que l'impuissance et la suspension d'activité qui le suit le soit ou ne le soit pas ainsi que lui, ce n'eu est pas moins une loi nécessaire que tout être qui veille puisse aussi dormir; car il est impossible d'être toujours en activité. Par le même motif, il n'est pas possible non plus qu'aucun être puisse toujours dormir. Le sommeil est une certaine affection du principe sensible, c'en est l'enchaînement et l'immobilité. Ainsi, nécessairement tout être qui dort doit posséder la partie sensible de l'âme; or, l'on n'appelle sensible que ce qui peut sentir en acte et réellement. Mais faire acte de sensation, au sens propre et absolu, est impossible quand on dort; voilà aussi pourquoi il faut nécessairement que tout sommeil puisse finir par le réveil.

§ 10. Presque tous les animaux, autres que l'homme, ont comme lui la faculté du sommeil ; et cela peut se voir, et dans les volatiles et dans les animaux aquatiques et terrestres. En effet, on a observé le sommeil de toutes les espèces de poissons et de mollusques, ainsi que de tous les autres animaux qui ont des yeux. Ceux qui ont les yeux durs comme les insectes dorment évidemment ainsi que les autres; seulement, tous ces animaux dorment fort peu; et voilà ce qui a fait souvent qu'on a pu douter pour plusieurs s'ils dorment ou s'ils ne dorment pas. Quant aux animaux recouverts de coquilles, on ne sait pas encore, par des observations directes, s'ils dorment réellement; mais l'on s'en tiendra, sur ce point, à l'explication qu'on en donne, si on la trouve plausible.

§ 11. On voit donc que tous les animaux, sans exception, ont la faculté du sommeil; et en voici les raisons. Le caractère essentiel de l'animal, c'est la sensibilité qui, seule, le détermine; et nous avons dit qu'en Un certain sens le sommeil est comme l'enchaînement et l'immobilité de la sensibilité, et que la veille en est comme la délivrance et l'exercice. Or, les végétaux ne peuvent avoir en partage ni l'une ni l'autre de ces deux affections, puisque sans la sensibilité il n'y a ni sommeil ni veille. Les animaux qui sont doués de sensibilité pourront aussi éprouver les sentiments de peine et de plaisir, et ceux qui ont ces deux ordres de sentiments ont aussi le désir; or, dans les végétaux ne se trouve rien de tout cela. De plus, la preuve que durant le sommeil [455a] la partie nutritive de l'âme accomplit son œuvre bien mieux que pendant la veille, c'est que durant le sommeil les êtres se nourrissent et s'accroissent bien davantage, comme s'ils n'avaient aucun besoin, dans ces deux fonctions, du secours de la sensibilité.

§  f . Le sommeil et la  veille. Aristote a déjà annoncé cette étude, sans d'ailleurs l'avoir approfondie, dans le Traité de la Sensation, ch. 1, § 3, et dans le Traité de l'Ame, III , ix, 4.

§ 2. Ce que c'est que rêver. Ce sera l'objet du traité qui suivra celui-ci.

Qu'on rêve toujours. C'est une opinion que, dans ces derniers temps, on a soutenue comme si elle était toute nouvelle.

De cette continuité des rêves. Le texte dit simplement : « Si cela arrive. »

§ 3. Découvrir l'avenir dans les songes. C'est là l'objet du petit Traité de la Divination.

Une chose impossible. C'est là an fond l'opinion d'Aristote; mais il faut voir comment il la soutient dans l'ouvrage spécial qn*fl lui a consacré.

La volonté des dieux. Le texte dit seulement : « Le divin. »

Les phénomènes spontanés, c'est-à-dire qu'on ne peut rapporter à aucune cause bien connue.

— Aristote traitera plus tard de ces divers sujets ; dans le présent ouvrage, il n'étudie que le sommeil et la veille. Voir les traités qui suivent celui-ci.

§ 4. Sont opposées. Voir la théorie de» opposés dans les Catégories, ch. x, et dans la Métaphysique, liv. V, ch. x.

§ 5. L'opposition du sommeil et de la veille. Le texte est un peu moins précis,

Des mouvements qui s'accomplissent en lui. Il ne s'agit pas ici des sensations que peuvent causer les visions et les organes intérieurs : les commentateurs ont compris en général, et je me range à leur avis, qu'il s'agissait des actes de la pensée dont l'homme a conscience.

§ 6. Puisque l'acte se rapporte.... la puissance. Voir Traité de l'Ame, II, v, 2, le rapport de l'acte à la puissance dans la sensibilité, et aussi Métaphysique, V, 12.

 — En tant qu'acte. Traité de l'Ame, ibid.

Par le moyen du corps. Id., III, iii, 1 ; II, ii, 6, et III, iv, 5.— Dans et autres ouvrages. Le Traité de l'Ame, passim et surtout II, iii, et III, xii.

Peut être séparée. Traité de l'Ame, I, v, 27 ; II, ii, 2 et suiv.

Ni sommeil ni veille. On sait que la science moderne reconnaît dans les plantes des fonctions analogues à celles du sommeil et de la veille.

Séparable ou inséparable. Voir le Traité de l'Ame, I, v, 26 et 27.

Par sa fonction et son essence, telles que les conçoit la raison.

§ 7. Pour la même raison, c'est-à-dire parce que le sommeil et la veille sont des contraires.

A la fois, ce qui ne veut pas dire en même temps : l'animal ne peut jamais avoir l'une de ces deux facultés sans l'autre.

-- De sensation ou de sensibilité.

-- Le principe sensible. L'âme, qui , dans les théories péripatéticiennes , réside surtout dans le coeur.

--- Dans ce paragraphe, Aristote ne fait guère que répéter ce qu'il a déjà dit plus haut, mais sans le démontrer : il ne le démontrera qu'au paragraphe suivant.

§ 8. Pour tous les organes. L'expression du texte est un peu plus générale : le contexte m'a autorisé è la rendre plus particulière.

-- Sans discontinuité, sans que son action naturelle cessât un instant.

--- Par le libre exercice de la sensibilité. Le texte dit mot à mot : « Parce que la sensibilité est délivrée, déliée. »

-- Et qu'il faille toujours. C'est ce principe qui était sous-entendu au paragraphe précédent ; il était indispensable à la démonstration, qui n'est donnée que dans celui-ci.

§ 9. Une impuissance de continuer.... Le texte dit mot à mot : «Une impuissance à cause de l'excès de la veille. »

Que d'ailleurs.... Cette parenthèse ne parait pas très-nécessaire , et elle gène un peu le développement de la pensée.

Et réellement. J'ai ajouté ces deux mots pour que la pensée fût tout à fait claire.

-- Quand on dort. Voir dans le Traité de l'Ame une distinction analogue , II , 1, 5.

-- Puisse finir par le réveil , parce que tout animal qui dormirait toujours ne serait pas vraiment sensible , et c'est cependant la sensibilité qui constitue essentiellement l'animal , I , ii , 2 , et II, ii, 4.

§ 10. Les yeux durs. Voyez sur cette expression le Traité de l'Ame, III, ix, 2 et 7.

A l'explication qu'on en donne. L'expression d'Aristote est ici un peu vague ; et l'on ne saurait dire s'il entend parler d'une explication qu'il aurait personnellement donnée.

§ 11. Le caractère essentiel de l'animal. Voir le Traité de l'Ame, I, ii, 2, et II, n, 4.

Et nous avons dit, plus haut, § 9.

Or, les végétaux. La comparaison qu'Aristote fait ici des végétaux aurait peut-être exigé qu'il dît au début du paragraphe : « On voit donc que les animaux seuls, etc. »

De peine et de plaisir. Il paraît, d'après les commentateurs , que dans l'école de Platon ou avait quelquefois prêté aux plantes des sentiments de peine et de plaisir.

-- On peut trouver que tout ce chapitre , surtout dans la seconde partie, a un peu de prolixité. C'est un fait à remarquer; car il est fort rare dans Aristote.

CHAPITRE II.

Explication de la cause du sommeil et de la veille. — Quel est le sens que ces fonctions modifient?

Le toucher est accordé à tous les animaux, et il est séparable des autres sens, qui sont inséparables de lui : le sens commun, qui concentre les perceptions de tous les autres sens, est surtout celui qu'affecte le sommeil ; et ce sens étant réduit à l'inactivité , tous les autres deviennent impassibles et inactifs comme il le devient lui-même.

La cause du sommeil est le besoin indispensable de repos et de réparation qu'éprouvent tous les animaux régulièrement organisés.

Le sommeil affectant le principe sensible, il se rapporte au lieu même où résident le principe de la sensibilité et celui du mou-ment, qui se confond en lui : ce lieu est le cœur : organisation des animaux suivant qu'ils ont ou n'ont pas de sang.

§ 1.  Διὰ τί δὲ καθεύδει καὶ ἐγρήγορε καὶ διὰ ποίαν τινὰ αἴσθησιν ἢ ποίας͵ εἰ διὰ πλείους͵ σκεπτέον.

§ 2. Ἐπεὶ δ΄ ἔνια μὲν τῶν ζῴων ἔχει τὰς αἰσθήσεις πάσας͵ ἔνια δ΄ οὐκ ἔχει͵ οἷον ὄψιν͵ τὴν δ΄ ἁφὴν καὶ τὴν γεῦσιν ἅπαντα ἔχει͵ πλὴν εἴ τι τῶν ζῴων ἀτελές (εἴρηται δὲ περὶ αὐτῶν ἐν τοῖς Περὶ ψυχῆς)͵ ἀδύνατον δ΄ ἐστὶν ἁπλῶς ὁποιανοῦν αἴσθησιν αἰσθάνεσθαι τὸ καθεῦδον ζῷον͵ φανερὸν ὅτι πάσαις ἀναγκαῖον ὑπάρχειν τὸ αὐτὸ πάθος ἐν τῷ καλουμένῳ ὕπνῳ· εἰ γὰρ τῇ μέν͵ τῇ δὲ μή͵ ταύτῃ καθεῦδον αἰσθήσεται͵ τοῦτο δ΄ ἀδύνατον. § 3. Ἐπεὶ δ΄ ὑπάρχει καθ΄ ἑκάστην αἴσθησιν τὸ μέν τι ἴδιον͵ τὸ δέ τι κοινόν͵ ἴδιον μὲν οἷον τῇ ὄψει τὸ ὁρᾶν͵ τῇ δ΄ ἀκοῇ τὸ ἀκούειν͵ καὶ ταῖς ἄλλαις ἑκάστῃ κατὰ τὸν αὐτὸν τρόπον͵ ἔστι δέ τις καὶ κοινὴ δύναμις ἀκολουθοῦσα πάσαις͵ ᾗ καὶ ὅτι ὁρᾷ καὶ ἀκούει αἰσθάνεται (οὐ γὰρ δὴ τῇ γε ὄψει ὁρᾷ ὅτι ὁρᾷ͵ καὶ κρίνει δὴ καὶ δύναται κρίνειν ὅτι ἕτερα τὰ γλυκέα τῶν λευκῶν οὔτε γεύσει οὔτε ὄψει οὔτε ἀμφοῖν͵ ἀλλά τινι κοινῷ μορίῳ τῶν αἰσθητηρίων ἁπάντων· ἔστι μὲν γὰρ μία αἴσθησις͵ καὶ τὸ κύριον αἰσθητήριον ἕν͵ τὸ δ΄ εἶναι αἰσθήσει τοῦ γένους ἑκάστου ἕτερον͵ οἷον ψόφου καὶ χρώματος)͵ § 4. τοῦτο δ΄ ἅμα τῷ ἁπτικῷ μάλιστα ὑπάρχει (τοῦτο μὲν γὰρ χωρίζεται τῶν ἄλλων αἰσθητηρίων͵ τὰ δ΄ ἄλλα τούτου ἀχώριστα͵ εἴρηται δὲ περὶ αὐτῶν ἐν τοῖς Περὶ ψυχῆς θεωρήμασιν)͵ φανερὸν τοίνυν ὅτι τούτου ἐστὶ πάθος ἡ ἐγρήγορσις καὶ ὁ ὕπνος. Διὸ καὶ πᾶσιν ὑπάρχει τοῖς ζῴοις· καὶ γὰρ ἡ ἁφὴ μόνη πᾶσιν· εἰ γὰρ τῷ πάσας τι πεπονθέναι τὰς αἰσθήσεις ἐγίγνετο τὸ καθεύδειν͵ ἄτοπον εἰ αἷς οὔτε ἀνάγκη οὔτε δυνατὸν τρόπον τινὰ ἐνεργεῖν ἅμα͵ ταύτας ἀναγκαῖον ἀργεῖν ἅμα καὶ ἀκινητί ζειν· τοὐναντίον γὰρ εὐλογώτερον συνέβαινεν ἂν αὐταῖς͵ τὸ μὴ ἅμα ἠρεμεῖν. § 5. Ὡς δὲ νῦν λέγομεν͵ εὐλόγως ἔχει καὶ περὶ τούτων· τοῦ γὰρ κυρίου τῶν ἄλλων πάντων αἰσθητηρίου͵ καὶ πρὸς ὃ συντείνει τἆλλα͵ πεπονθότος τι συμπάσχειν [455b] ἀναγκαῖον καὶ τὰ λοιπὰ πάντα͵ ἐκείνων δέ τινος ἀδυνατοῦν τος οὐκ ἀνάγκη τοῦτ΄ ἀδυνατεῖν. Φανερὸν δὲ ἐκ πολλῶν ὅτι οὐκ ἐν τῷ τὰς αἰσθήσεις ἀργεῖν καὶ μὴ χρῆσθαι αὐταῖς ὁ ὕπνος͵ οὐδ΄ ἐν τῷ μὴ δύνασθαι αἰσθάνεσθαι (καὶ γὰρ ἐν ταῖς λειποψυχίαις τοιοῦτόν τι συμβαίνει· ἀδυναμία γὰρ αἰσθήσεως ἡ λειποψυχία͵ γίγνονται δὲ καὶ ἔκνοιαί τινες τοιαῦται· ἔτι δ΄ οἱ τὰς ἐν τῷ αὐχένι φλέβας καταλαμβανόμενοι ἀναίσθητοι γίγνονται)͵ ἀλλ΄ ὅταν ἡ ἀδυναμία τῆς χρήσεως μήτ΄ ἐν τῷ τυχόντι αἰσθητηρίῳ͵ μήτε δι΄ ἣν ἔτυχεν αἰτίαν͵ ἀλλά͵ καθάπερ εἴρηται νῦν͵ ἐν τῷ πρώτῳ ᾧ αἰσθάνεται πάντων· ὅταν μὲν γὰρ τοῦτ΄ ἀδυνατήσῃ͵ ἀνάγκη καὶ τοῖς αἰσθητηρίοις πᾶσιν ἀδυνατεῖν αἰσθέσθαι͵ ὅταν δ΄ ἐκείνων τι͵ οὐκ ἀνάγκη τούτῳ.

§ 6. Δι΄ ἣν δ΄ αἰτίαν συμβαίνει τὸ καθεύδειν͵ καὶ ποῖόν τι τὸ πάθος ἐστί͵ λεκτέον.

§ 7. Ἐπεὶ δὲ τρόποι πλείους τῆς αἰτίας (καὶ γὰρ τὸ τίνος ἕνεκεν͵ καὶ ὅθεν ἡ ἀρχὴ τῆς κινήσεως͵ καὶ τὴν ὕλην καὶ τὸν λόγον αἴτιον εἶναί φαμεν)͵ πρῶτον μὲν οὖν ἐπειδὴ λέγομεν τὴν φύσιν ἕνεκά του ποιεῖν͵ τοῦτο δὲ ἀγαθόν τι͵ τὴν δ΄ ἀνάπαυσιν παντὶ τῷ πεφυκότι κινεῖσθαι͵ μὴ δυναμένῳ δ΄ ἀεὶ καὶ συνεχῶς κινεῖσθαι μεθ΄ ἡδονῆς͵ ἀναγκαῖον εἶναι καὶ ὠφέλιμον͵ τῷ δὲ ὕπνῳ αὐτῇ τῇ ἀληθείᾳ προσάπτουσι τὴν μεταφορὰν ταύτην ὡς ἀναπαύσει ὄντι ὥστε σωτηρίας ἕνεκα τῶν ζῴων ὑπάρχει. Ἡ δ΄ ἐγρήγορσις τέλος· τὸ γὰρ αἰσθάνεσθαι καὶ τὸ φρονεῖν πᾶσι τέλος οἷς ὑπάρχει θάτερον αὐτῶν. Βέλτιστα γὰρ ταῦτα͵ τὸ δὲ τέλος βέλτιστον. § 8. Ἔτι δὲ ἀναγκαῖον ἑκάστῳ τῶν ζῴων ὑπάρχειν τὸν ὕπνον.

§ 9. Λέγω δ΄ ἐξ ὑποθέσεως τὴν ἀνάγκην͵ ὅτι εἰ ζῷον ἔσται ἔχον τὴν αὑτοῦ φύσιν͵ ἐξ ἀνάγκης τινὰ ὑπάρχειν αὐτῷ δεῖ͵ καὶ τούτων ὑπαρχόντων ἕτερα ὑπάρχειν. Ἔτι δὲ ποίας κινήσεως καὶ πράξεως ἐν τοῖς σώμασι γιγνομένης συμβαίνει τότε ἐγρηγορέναι καὶ τὸ καθεύδειν τοῖς ζῴοις͵ μετὰ ταῦτα λεκτέον. Τοῖς μὲν οὖν ἄλλοις ζῴοις καθάπερ τοῖς ἐναίμοις ὑποληπτέον εἶναι τὰ αἴτια τοῦ πάθους ἢ ταὐτὰ ἢ τὰ ἀνάλογον͵ τοῖς δ΄ ἐναίμοις ἅπερ τοῖς ἀνθρώποις· ὥστε ἐκ τούτων πάντα θεωρητέον.

§ 10. Ὅτι μὲν οὖν ἡ τῆς αἰσθήσεως ἀρχὴ γίγνεται [456a] ἀπὸ τοῦ αὐτοῦ μέρους τοῖς ζῴοις ἀφ΄ οὗπερ καὶ ἡ τῆς κινήσεως͵ διώρισται πρότερον ἐν ἑτέροις. Αὕτη δέ ἐστι τριῶν διωρισμένων τόπων ὁ μέσος κεφαλῆς καὶ τῆς κάτω κοιλίας. Τοῖς μὲν οὖν ἐναίμοις τοῦτ΄ ἐστὶ τὸ περὶ τὴν καρδίαν μέρος. Πάντα γὰρ τὰ ἔναιμα καρδίαν ἔχει͵ καὶ ἡ ἀρχὴ τῆς κινήσεως καὶ τῆς αἰσθήσεως τῆς κυρίας ἐντεῦθέν ἐστιν. Τῆς μὲν οὖν κινήσεως φανερὸν ὅτι καὶ ἡ τοῦ πνεύματος ἀρχὴ καὶ ὅλως ἡ τῆς καταψύξεώς ἐστιν ἐνταῦθα͵ καὶ τὸ ἀναπνεῖν τε καὶ τὸ τῷ ὑγρῷ καταψύχεσθαι πρός γε τὴν σωτηρίαν τοῦ ἐν τούτῳ μορίῳ θερμοῦ ἡ φύσις πεπόρικεν· ῥηθήσεται δὲ περὶ αὐτῆς ὕστερον καθ΄ αὑτήν. Τοῖς δὲ ἀναίμοις καὶ τοῖς ἐντόμοις καὶ μὴ δεχομένοις πνεῦμα ἐν τῷ ἀνάλογον τὸ σύμφυτον πνεῦμα ἀναφυσώμενον καὶ συνιζάνον φαίνεται. Δῆλον δὲ τοῦτο ἐπὶ τῶν ὁλοπτέρων͵ οἷον σφηκῶν καὶ μελιττῶν͵ καὶ ἐν ταῖς μυίαις καὶ ὅσα τοιαῦτα. § 11. Ἐπεὶ δὲ κινεῖν μέν τι ἢ ποιεῖν ἄνευ ἰσχύος ἀδύνατον͵ ἰσχὺν δὲ ποιεῖ ἡ τοῦ πνεύματος κάθεξις͵ τοῖς μὲν εἰσφερομένοις ἡ θύραθεν͵ τοῖς δὲ μὴ ἀναπνέουσιν ἡ σύμφυτος (διὸ καὶ βομβοῦντα φαίνεται τὰ πτερωτά͵ ὅταν κινῆται͵ τῇ τρίψει τοῦ πνεύματος προσπίπτοντος πρὸς τὸ ὑπόζωμα τῶν ὁλοπτέρων)͵ κινεῖται δὲ πᾶν αἰσθήσεώς τινος γενομένης͵ ἢ οἰκείας ἢ ἀλλοτρίας͵ ἐν τῷ πρώτῳ αἰσθητηρίῳεἰ δή ἐστιν ὁ ὕπνος καὶ ἡ ἐγρήγορσις πάθη τοῦ μορίου τούτου͵ ἐν ᾧ μὲν τόπῳ καὶ ἐν ᾧ μορίῳ πρώτῳ γίγνεται ὁ ὕπνος καὶ ἡ ἐγρήγορσις͵ φανερόν.  § 13. Κινοῦνται δ΄ ἔνιοι καθεύδοντες καὶ ποιοῦσι πολλὰ ἐγρηγορικά͵ οὐ μέντοι ἄνευ φαντάσματος καὶ αἰσθήσεώς τινος· τὸ γὰρ ἐνύπνιόν ἐστιν αἴσθημα τρόπον τινά· λεκτέον δὲ περὶ αὐτῶν ὕστερον. § 14. Διότι δὲ τὰ μὲν ἐνύπνια μνημονεύουσιν ἐγερθέντες͵ τὰς δ΄ ἐγρηγορικὰς πράξεις ἀμνημονοῦσιν͵ ἐν τοῖς Προβληματικοῖς εἴρηται.

 

§ 1. Voyons maintenant quelle est la cause qui fait qu'on dort et qu'on veille, et quel est le sens ou quels sont les sens, s'il y en a plusieurs, auxquels se rapportent ces fonctions.

§ 2. D'abord, s'il y a certains animaux qui possèdent tous les sens, et s'il en est d'autres qui soient privés de quelques sens, par exemple de la vue et de l'ouïe, tous ont le toucher et le goût, en exceptant toujours les animaux incomplets. C'est ce dont on a déjà parlé dans le Traité de l'Ame. Or, il est impossible que l'animal qui dort sente véritablement par aucun de ses sens ; et il est aisé de se convaincre que nécessairement cette disposition est bien celle de tous les animaux, dans cet état qu'on appelle le sommeil; car, si alors l'animal sentait par tel sens et ne sentait pas par tel autre, il aurait la sensation même de cet état quand il dort, et c'est ce qui est impossible. § 3. Mais d'autre part, chaque sens remplit à la fois une fonction spéciale et une fonction commune. La fonction spéciale à la vue c'est de voir, à l'ouïe d'entendre; et de même pour les autres sens. Mais il y a de plus une faculté commune qui accompagne tous les sens, laquelle tout ensemble voit, entend et sent. Ainsi, ce n'est certainement pas par la vue qu'on voit que l'on voit. Certes si l'on juge, et si l'on peut juger que les saveurs douces sont autres que les couleurs blanches, ce n'est pas par le sens du goût ni par celui de la vue, ni même par les deux réunis; c'est uniquement par une certaine partie de l'Ame commune à tous les organes sans exception ; car alors la sensation est une, et l'organe qui domine tous les autres est un. Ce qui n'empêche pas que l'essence de chaque genre de sensation ne soit différente, et que l'essence du son, par exemple, ne soit autre que celle de la couleur. § 4. Or, cette fonction générale est simultanée, surtout au toucher, parce que ce sens peut être séparé de tous les autres, tandis que les autres sont inséparables de celui-là. C'est ce qui a été expliqué dans nos Études sur l'Ame. Il est donc évident que le sommeil et la veille sont des affections de ce sens. Et voilà aussi pourquoi ils appartiennent à tous les animaux; car il n'y a que le toucher qui soit commun à tous. En effet, si le sommeil avait lieu par suite d'une certaine modification dans l'un des organes des sens, il serait absurde que des sens qui ne doivent point nécessairement, ni même ne peuvent en aucune façon agir ensemble, dussent nécessairement cesser d'agir ensemble et rester dans une immobilité commune. Le contraire serait bien plus naturel, et la raison concevrait bien mieux qu'ils ne pussent être en repos à la fois. § 5. L'explication que nous donnons ici n'est pas moins raisonnable, même à ce point de vue. En effet, quand le sens qui domine tous les autres et auquel tous les autres aboutissent, vient à éprouver quelque affection, [455b] il est tout simple que tous les autres, sans exception, doivent l'éprouver avec lui, tandis que quand l'un d'eux, au contraire, vient à défaillir, il ne faut pas du tout nécessairement que celui-là souffre la même défaillance. Bien des faits peuvent prouver que le sommeil ne consiste pas précisément en ce que les sens cessent d'agir et refusent leur service, ni dans l'impuissance où ils sont alors de sentir. Ainsi, il en arrive tout autant dans les évanouissements; car l'évanouissement consiste dans l'impuissance des sens; et il y a aussi quelques dérangements d'esprit qui produisent le même effet. On peut ajouter que ceux qui sont saisis par les veines du cou deviennent également insensibles. Mais quand cette impuissance à faire usage de ses sens n'affecte point seulement un organe quelconque, et n'est point amenée par une cause fortuite, mais que comme on le dit ici, elle réside dans le principe même qui nous sert à tout percevoir, du moment que ce principe est réduit à l'impuissance, il y a nécessité que tous les autres organes des sens cessent également de pouvoir sentir. Au contraire quand c'est seulement l'un d'eux qui cesse d'agir, il ne faut pas nécessairement que celui-là cesse aussi ses fonctions.

§ 6. Il faut expliquer maintenant la cause qui détermine le sommeil, et la nature de cette affection.

 7. Mais, d'abord, on distingue plusieurs espèces de causes. Ainsi, la fin en vue de laquelle se fait une chose, puis le principe d'où part le mouvement, en troisième lieu, la matière, et enfin l'essence, sont pour nous autant de causes distinctes. Nous disons donc d'abord que la nature agit toujours en vue de quelque fin, et que cette fin est toujours un bien. Mais pour tout ce qui a naturellement un mouvement, sans d'ailleurs pouvoir conserver ce mouvement toujours et continuellement, le repos est nécessairement agréable et utile; et c'est avec toute vérité que l'on applique cette métaphore au sommeil qu'on regarde comme un repos et un délassement. Par conséquent, le sommeil est donné aux animaux en vue de leur conservation. Mais la fin en vue de laquelle le sommeil a lieu, c'est la veille; car, sentir et penser est la fin véritable de tous les êtres qui ont l'une ou l'autre de ces facultés, parce qu'elles sont leur plus grand bien, et que la fin de chaque être est toujours son bien le plus grand. Ainsi il faut nécessairement que la fonction du sommeil appartienne à tout animal sans exception. § 8. Je dis : Nécessairement, en faisant l'hypothèse que si l'animal a bien la nature qui lui est propre, alors nécessairement il faut qu'il soit doué de certaines facultés, et que du moment qu'il a ces facultés, il faut aussi qu'il en ait certaines autres.

§ 9. Nous dirons plus tard quel mouvement et quelle action sont indispensables dans le corps des animaux pour les fonctions de la veille et du sommeil. Quant aux animaux qui n'ont pas de sang, on doit supposer que les causes de cette affection sont chez eux les mêmes que chez ceux qui ont du sang, ou du moins que, si elles ne sont pas identiques, elles sont analogues. Pour les animaux qui ont du sang, elles doivent être les mêmes que chez l'homme. C'est donc par l'observation de ces derniers êtres que nous devons expliquer tout le reste.

§ 10. Que le principe de la sensibilité vienne, dans les animaux, [456a] de la même partie d'où leur vient le principe du mouvement, c'est ce que nous avons établi antérieurement ailleurs. Le corps ayant trois lieux déterminés, le principe est le lieu central, situé entre la tête et le bas-ventre. Dans les animaux qui ont du sang, c'est la partie qui environne le cœur; car tous les animaux qui ont du sang ont un cœur, et c'est de là que part le principe du mouvement et de la sensibilité supérieure. Il est évident que c'est là qu'est placé, outre le principe du mouvement, le principe de la respiration, ou, d'une manière générale, celui du refroidissement. Aussi les êtres qui respirent, et ceux qui sont refroidis par l'eau, ont-ils été organisés par la nature de façon à pouvoir conserver la chaleur qui est dans cette partie. Du reste, nous parlerons plus tard de ce principe considéré en lui-même. Pour les animaux qui n'ont pas de sang, les insectes, et ceux qui ne reçoivent pas l'air, il semble que le souffle, qui est inné à leur nature, s'enfle et s'abaisse dans la partie correspondante de leur organisation : c'est ce qu'on peut observer dans les insectes à ailes pleines, comme les guêpes, les abeilles, les mouches et autres animaux de ce genre. §11. Mais il est impossible qu'un mouvement ou une action s'exécute sans une certaine force; or, retenir son souffle donne de la force, soit que ce souffle vienne du dehors, comme dans les animaux qui reçoivent l'air au dedans d'eux, ou qu'il soit intérieur et congénial, comme dans ceux qui ne respirent pas. Voilà aussi, à ce qu'il semble, pourquoi les insectes ailés bourdonnent quand ils se meuvent; c'est le bruit de l'air qui se brise en tombant sous le corselet des insectes à ailes pleines. § 12. Mais l'animal ne se meut jamais que parce qu'il a éprouvé dans le principe sensible une sensation, qui d'ailleurs peut lui être propre ou lui être étrangère. Si donc le sommeil et la veille sont des affections de cette partie, on voit clairement quels sont le lieu et la partie dans lesquels se produisent primitivement le sommeil et la veille. § 13. Il y a quelques gens qui, en dormant, se meuvent et font beaucoup d'actes propres à la veille; mais ce n'est jamais sans image et sans quelque sensation; car le rêve est bien une sorte de perception. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet. §14. Nous avons expliqué aussi dans nos Problèmes comment il se fait qu'on se souvient des songes quand on est éveillé, bien qu'on ne se rappelle pas toujours les actes faits pendant la veille.

§ 1. S'il y en a plusieurs. Aristote ae prononcera tout à la fois pour la pluralité et l'unité : suivant lui, le sens qui est vraiment affecté par le sommeil , c'est le sens commun qui recueille les impressions de tous les antres, et sans lequel elles n'auraient pas lieu.

§ 2. Dans le Traité de l'Âme, III, i, 4.

Véritablement. Le texte dit : « Absolument. » Les commentateurs pensent que ce mot est ajouté par Aristote pour exclure les rêves dans lesquels on sent, mais dans lesquels aussi les sensations qu'on éprouve sont très-différentes des sensations ordinaires.

La sensation même de cet état. Les commentateurs ont, en général, compris ce texte un peu autrement : « Il sentirait par ce sens, » ce qui ne paraît qu'une répétition inutile.

§ 3. Une fonction spéciale et une foncti on commune.Voir sur ce point, la discussion du Traitéde l'Ame, III, ii.

Les saveurs douces.... les couleurs blanches. Id., III, ii, 10.

Qui domine tous les autres. Mot à mot : « L'organe maître. »

§ 4. Surtout au toucher. Dans le Traité de l'Ame, le sens commun ne se confond pas autant avec le sens du toucher; et Aristote, au contraire , y a fait pour le sens du toucher une théorie toute spéciale.

Dans nos études su l'Ame. Aristote a, en effet, souvent montré ce rap-port intime du toucher aux autres sens ; voir le Traité de l'Ame, II, ii, 5 et 11; II, iii, 2 et 7;II, xi, 2 et 8 ; III, xn, 5; III, xiii, 1.

Des affections de ce sens. Il semble que le sommeil et la veille ne se rapportent qu'au toucher, et la pensée d'Aristote paraît très-positive; cependant ce qui précède prouve que c'est an sens commun plutôt qu'au toucher qu'il attribue ces fonctions.

Qui soit commun à tous. Voir le Traité de l'Ame, II, ii, 8 et 11; II, iii, 2 et 7; III, xii, 6; III, xiii, 1.

En effet. Léonicus trouve ce paragraphe fort obscur ; c'est exagérer : la pensée pourrait être rendue plus clairement; mais elle est très-intelligible. -

- Agir ensemble. En effet , les sens divers n'agissent pas simultanément, ou du moins l'âme ne peut percevoir é la fois deux sensations diverses ; voir plus haut le Traité de la Sensation, ch. vii, § 9 , et toute cette discussion.

-- Commune. J'ai cru devoir ajouter ce mot.

En repos à la fois, puisqu'ils agissent séparément.

§ 5. Même â ce point de vue, ou bien ; «  Méme en ce qui concerne les autres sens. »

-- Qui domine tous les autres. Voir plus haut, S 3, ii.

Tous les autres aboutissent. C'est bien du sens commun qu'il s'agit, et non pas seulement du toucher ; voir le paragraphe précédent , ii.

Dans l'impuissance où ils sont alors de sentir. Ils sont impuissants, non pas parce que le sommeil les atteint , mais parce qu'il atteint le sens principal sans lequel les autres ne sont rien.

-- Dans l'impuissance des sens. Et cependant alors il n'y a pas de sommeil.

Quelques dérangements d'esprit. Mot à mot : « Démences. »

Saisis par les veines du cou. Évidemment, Aristote veut parler de l'évanouissement que l'on peut causer par la compression des carotides : c'est une asphyxie que l'on cause ainsi.

Par une cause fortuite. Comme la compression des artères du cou. Aristote dit g les veines » » ne distinguant pas les veines des artères ; voir plus loin, ch. iii, § 3.

Dans le principe même qui nous sert à tout sentir. C'est évidemment le sens commun, et non point le toucher avec lequel Aristote a semblé le confondre.

§ 6. La cause qui détermine. Le texte dît simplement : « Par quelle cause a lieu le sommeil. » L'idée est ici tout indéfinie, précisément à cause des développements qui suivent.

§ 7. Plusieurs espèces de causes. Peut-être cette digression sur les causes n'était-elle pas ici très-né-cessaire. Ce sont, du reste, les quatre causes exposées dans la Métaphysique, V, 2, et VIII, 4.Voir aussi les Derniers Analytiques, liv. II, ch. xi.

En vue de quelque fin. Système des causes finales qu'A-ristote a toujours soutenu; voir Traité de l'Ame, II, iv, 5; III, îx, 6 ; III, xii, 3.

L'une ou l'autre de ces facultés. Parce que la pensée n'est pas réunie à la sensibilité dans tous les animaux.

De certaines facultés. La pensée et la sensibilité, par exemple.

Certaines autres. Par exemple, le sommeil et la veille, conséquences de l'exercice des autres facultés.

§ 9. Nous dirons plus tard. Voir plus loin, ch. iii.

Qui n'ont pas de sang. Le texte dit simplement : « Les autres animaux, » en les opposant à ceux qui ont du sang. Les animaux qui n'ont pas de sang, dans les théories d'Aristote, sont les insectes, les mollusques, etc.; voir le Traité de l'Ame, II, ix, 5 et 6, ii.

—- De ces derniers êtres. Il semble qu'il faudrait ici le singulier, mais les manuscrits n'offrent pas de variante.

§ 10. Antérieurement ailleurs. Dans tout le Traité de l'Ame et particulièrement,II, ii, 2, II; iv, 6, et III, i et suiv. Le corps ayant trois lieux déterminés. Aristote semble adopter ici les divisions admises par Platon dans le Timée.

Ce principe est le lieu. Cest la traduction littérale : peut-être eût-il mieux valu de dire : « Ce principe est dans le lieu. »

Qui environne le cœur. J'ai préféré cette tournure, qui se rapproche du texte, plutôt que de dire simplement « le cœur. »

Et de la sensibilité supérieure. Le texte dit : « Maîtresse. » Voir plus haut, §§ 3 et 5, nn.

Celui du refroidissement. Voir plus loin tout le Traité de la Respiration.

Qui respirent. Les animaux qui vivent dans l'air.

-- Qui sont refroidis par l'eau. Qui vivent dans l'eau et qui en tirent le refroidissement nécessaire à la conservation de la vie.

Plus tard. Dans le Traité spécial de la Respiration.

A ailes pleines, c'est-à-dire dont les ailes sont d'une seule membrane et non divisées en plumes comme dans les oiseaux ; voyez la note de Schneider dans son édition de l'Histoire des Animaux , t. III, p. 21 et 22.

§ 11. Mais il est impossible. Ce paragraphe semble une digression assez peu utile.

Intérieur et congénial. J'ai ajouté le premier mot : le texte n'a que le second.

Voilà aussi, à ce qu'il semble.... Ceci s'éloigne encore plus de la question du sommeil.

§ 12. Peut lui être propre. Par exemple, un acte de sa volonté ou une sensation venue des viscères. -

-- Ou étrangère. Causée par les objets du dehors.

§ 13. Plus loin sur ce sujet. Dans le Traité spécial des Réves.

§14. Dans nos Problèmes. Cette discussion ne se retrouve pas dans les Problèmes, tels que nous les possédons aujourd'hui ; voir plus haut une indication analogue et une lacune pareille, Traité de la Mémoire, ch. ii, § 2, n.

CHAPITRE III.

Conditions physiologiques du sommeil. — Le sommeil se rapporte à la nutrition, et vient de l'évaporation intérieure produite par les aliments : somnolence après les repas : effets des narcotiques , de la fatigue et de certaines maladies : disposition de l'enfance aux longs sommeils : action du vin sur les enfants : constitutions plus ou moins portées au sommeil : les mélancoliques.

Dans le sommeil, la chaleur naturelle se concentre à l'intérieur : disposition du cerveau : ses rapports avec l'action du cœur et le mouvement du sang.

Résumé de ce Traité.

§ 1. Ἐχόμενον δὲ τῶν εἰρημένων ἐστὶν ἐπελθεῖν τίνων γιγνομένων καὶ πόθεν ἡ ἀρχὴ τοῦ πάθους γίγνεται͵ τοῦ τ΄ ἐγρηγορέναι καὶ τοῦ καθεύδειν.

§ 2. Φανερὸν δὴ ὅτι ἐπεὶ ἀναγκαῖον τῷ ζῴῳ͵ ὅταν αἴσθησιν ἔχῃ͵ τότε πρῶτον τροφήν τε λαμβάνειν καὶ αὔξησιν͵ τροφὴ δ΄ ἐστὶ πᾶσιν ἡ ἐσχάτη τοῖς μὲν ἐναίμοις ἡ τοῦ αἵματος φύσις͵ τοῖς δ΄ ἀναίμοις τὸ ἀνάλογον͵ [456b] τόπος δὲ τοῦ αἵματος αἱ φλέβες͵ τούτων δ΄ ἀρχὴ ἡ καρδία (φανερὸν δὲ τὸ λεχθὲν ἐκ τῶν ἀνατομῶν)τῆς μὲν οὖν θύραθεν τροφῆς εἰσιούσης εἰς τοὺς δεκτικοὺς τόπους γίγνεται ἡ ἀναθυμίασις εἰς τὰς φλέβας͵ ἐκεῖ δὲ μεταβάλλουσα ἐξαιματοῦται καὶ πορεύεται ἐπὶ τὴν ἀρχήν. Εἴρηται δὲ περὶ τούτων ἐν τοῖς Περὶ τροφῆς· νῦν δὲ ἀναληπτέον ὑπὲρ αὐτῶν τούτου χάριν͵ ὅπως τὰς ἀρχὰς τῆς κινήσεως θεωρήσωμεν͵ καὶ τί πάσχοντος τοῦ μορίου τοῦ αἰσθητικοῦ συμβαίνει ἡ ἐγρήγορσις καὶ ὁ ὕπνος. § 3. Οὐ γάρ ἐστιν ὁ ὕπνος ἡτισοῦν ἀδυναμία τοῦ αἰσθητικοῦ͵ καθάπερ εἴρηται· καὶ γὰρ ἔκνοια καὶ πνιγμός τις καὶ λειποψυχία ποιεῖ τὴν τοιαύτην ἀδυναμίαν. Ἤδη δὲ γεγένηταί τισι καὶ φαντασία λειποψυχήσασιν ἰσχυρῶς. Τοῦτο μὲν οὖν ἔχει τινὰ ἀπορίαν· εἰ γὰρ ἐνδέχεται καταδαρθεῖν τὸν λειποψυχήσαντα͵ ἐνδέχοιτ΄ ἂν ἐνύπνιον εἶναι καὶ τὸ φάντασμα. Πολλὰ δ΄ ἐστὶν ἃ λέγουσιν οἱ σφόδρα λειποψυχήσαντες καὶ δόξαντες τεθνάναι· περὶ ὧν τὸν αὐτὸν λόγον ὑποληπτέον εἶναι πάντων. § 4. Ἀλλὰ γάρ͵ ὥσπερ εἴπομεν͵ οὐκ ἔστιν ὁ ὕπνος ἀδυναμία πᾶσα τοῦ αἰσθητικοῦ͵ ἀλλ΄ ἐκ τῆς περὶ τὴν τροφὴν ἀναθυμιάσεως γίγνεται τὸ πάθος τοῦτο· ἀνάγκη γὰρ τὸ ἀναθυμιώμενον μέχρι του ὠθεῖσθαι͵ εἶτ΄ ἀντιστρέφειν καὶ μεταβάλλειν καθάπερ εὔριπον. Τὸ δὲ θερ μὸν ἑκάστου τῶν ζῴων πρὸς τὸ ἄνω πέφυκε φέρεσθαι· ὅταν δ΄ ἐν τοῖς ἄνω τόποις γένηται͵ ἀθρόον πάλιν ἀντιστρέφει καὶ καταφέρεται. Διὸ μάλιστα γίγνονται ὕπνοι ἀπὸ τῆς τροφῆς· ἀθρόον γὰρ πολὺ τό τε ὑγρὸν καὶ τὸ σωματῶδες ἀναφέρεται. Ἱστάμενον μὲν οὖν βαρύνει καὶ ποιεῖ νυστάζειν· ὅταν δὲ ῥέψῃ κάτω καὶ ἀντιστρέψαν ἀπώσῃ τὸ θερμόν͵ τότε γίγνεται ὁ ὕπνος καὶ τὸ ζῷον καθεύδει. § 5. Σημεῖον δὲ τούτων καὶ τὰ ὑπνωτικά· πάντα γὰρ καρηβαρίαν ποιεῖ͵ καὶ τὰ ποτὰ καὶ τὰ βρωτά͵ μήκων͵ μανδραγόρας͵ οἶνος͵ αἶραι. Καὶ καταφερόμενοι καὶ νυστάζοντες τοῦτο δοκοῦσι πάσχειν͵ καὶ ἀδυνατοῦσιν αἴρειν τὴν κεφαλὴν καὶ τὰ βλέφαρα. Καὶ μετὰ τὰ σιτία μάλιστα τοιοῦτος ὁ ὕπνος· πολλὴ γὰρ ἡ ἀπὸ τῶν σιτίων ἀναθυμίασις. § 6. Ἔτι δ΄ ἐκ κόπων ἐνίων· ὁ μὲν γὰρ κόπος συντηκτικόν͵ τὸ δὲ σύντηγμα γίγνεται ὥσπερ τροφὴ [457a] ἄπεπτος͵ ἂν μὴ ψυχρὸν ᾖ. Καὶ νόσοι δέ τινες τὸ αὐτὸ τοῦτο ποιοῦσιν͵ ὅσαι ἀπὸ περιττώματος ὑγροῦ καὶ θερμοῦ͵ οἷον συμβαίνει τοῖς πυρέττουσι καὶ ἐν τοῖς ληθάργοις.  § 7. Ἔτι δ΄ ἡ πρώτη ἡλικία· τὰ γὰρ παιδία καθεύδει σφόδρα διὰ τὸ τὴν τροφὴν ἄνω φέρεσθαι πᾶσαν. Σημεῖον δὲ τὸ ὑπερβάλλειν τὸ μέγεθος τῶν ἄνω πρὸς τὰ κάτω κατὰ τὴν πρώτην ἡλικίαν͵ διὰ τὸ ἐπὶ ταῦτα γίγνεσθαι τὴν αὔξησιν. § 8. Διὰ ταύτην δὲ τὴν αἰτίαν καὶ ἐπιληπτικὰ γίγνεται· ὅμοιον γὰρ ὁ ὕπνος ἐπιλήψει͵ καὶ ἔστιν τρόπον τινὰ ὁ ὕπνος ἐπίληψις. Διὸ καὶ συμβαίνει τισὶν ἡ ἀρχὴ τούτου τοῦ πάθους καθεύδουσιν͵ καὶ καθεύδοντες μὲν ἁλίσκονται͵ ἐγρηγορότες δ΄ οὔ· ὅταν γὰρ πολὺ φέρηται τὸ πνεῦμα ἄνω͵ καταβαῖνον πάλιν τὰς φλέβας ὀγκοῖ͵ καὶ συνθλίβει τὸν πόρον δι΄ οὗ ἡ ἀναπνοὴ γίγνεται.

§ 9. Διὸ τοῖς παιδίοις οὐ συμφέρουσιν οἱ οἶνοι͵ οὐδὲ ταῖς τίτθαις (διαφέρει γὰρ ἴσως οὐδὲν αὐτὰ πίνειν ἢ τὰς τίτθας)͵ ἀλλὰ δεῖ πίνειν ὑδαρῆ καὶ ὀλίγον· πνευματῶδες γὰρ ὁ οἶ νος καὶ τούτου μᾶλλον ὁ μέλας. Οὕτω δὲ τὰ ἄνω πλήρη τροφῆς τοῖς παιδίοις͵ ὥστε πέντε μηνῶν οὐδὲ στρέφουσι τὸν αὐχένα· ὥσπερ γὰρ τοῖς σφόδρα μεθύουσιν͵ ὑγρότης ἀναφέρεται πολλή. § 10. Εὔλογον δὲ τοῦτ΄ εἶναι τὸ πάθος αἴτιον καὶ τοῦ ἠρεμεῖν ἐν ταῖς μήτραις τὰ ἔμβρυα τὸ πρῶτον. Καὶ τὸ ὅλον δὲ φίλυπνοι οἱ ἀδηλόφλεβοι καὶ οἱ νανώδεις καὶ οἱ μεγαλοκέφαλοι· τῶν μὲν γὰρ αἱ φλέβες στεναί͵ ὥστ΄ οὐ ῥᾴδιον διαρρεῖν κατιὸν τὸ ὑγρόν͵ τοῖς δὲ νανώδεσι καὶ μεγαλοκεφάλοις ἡ ἄνω ὁρμὴ πολλὴ καὶ ἀναθυμίασις. § 11. Οἱ δὲ φλεβώδεις οὐχ ὑπνωτικοὶ δι΄ εὔροιαν τῶν πόρων͵ ἂν μή τι ἄλλο πάθος ἔχωσιν ὑπεναντίον. Οὐδ΄ οἱ μελαγχολικοί· κατέψυκται γὰρ ὁ εἴσω τόπος͵ ὥστ΄ οὐ γίγνεται πλῆθος αὐτοῖς ἀναθυμιάσεως. Διὰ τοῦτο γὰρ καὶ βρωτικοί͵ σκληφροὶ ὄντες· ὥσπερ γὰρ οὐδὲν ἀπολελαυκότα διάκειται τὰ σώματα αὐτοῖς. Ἡ δὲ μέλαινα χολὴ φύσει ψυχρὰ οὖσα καὶ τὸν θρεπτικὸν τόπον ψυχρὸν ποιεῖ καὶ τὰ ἄλλα μόρια͵ ὅπου ἂν ὑπάρχῃ δυνάμει τὸ τοιοῦτον περίττωμα.

§ 12. Ὥστε φανερὸν ἐκ [457b] τῶν εἰρημένων ὅτι ὁ ὕπνος ἐστὶ σύνοδός τις τοῦ θερμοῦ εἴσω καὶ ἀντιπερίστασις φυσικὴ διὰ τὴν εἰρημένην αἰτίαν· διὸ πολλὴ ἡ κίνησις τοῦ ὑπνοῦντος. Ὅθεν δ΄ ἐκλείπει͵ καταψύχε ται καὶ διὰ ψῦξιν καταπίπτει τὰ βλέφαρα͵ καὶ τὰ μὲν ἄνω κατέψυκται καὶ τὰ ἔξω͵ τὰ δ΄ ἔντος καὶ τὰ κάτω θερμά͵ οἷον τὰ περὶ τοὺς πόδας καὶ τὰ εἴσω.

§ 13. Καίτοι τοῦτό τις ἀπορήσειεν ἄν͵ ὅτι μετὰ τὰ σιτία ἰσχυρότατος ὁ ὕπνος γίγνεται͵ καὶ ἔστιν ὑπνωτικὰ οἶνος καὶ ἄλλα θερμότητα ἔχοντα τοιαῦτα͵ ἔστι δ΄ οὐκ εὔλογον τὸν μὲν ὕπνον εἶναι κατάψυξιν͵ τὰ δ΄ αἴτια τοῦ καθεύδειν θερμά. Πότερον οὖν τοῦτο συμβαίνει ὅτι ὥσπερ ἡ κοιλία κενὴ μὲν οὖσα θερμή ἐστιν͵ ἡ δὲ πλήρωσις αὐτὴν καταψύχει διὰ τὴν κίνησιν͵ οὕτω καὶ οἱ ἐν τῇ κεφαλῇ πόροι καὶ τόποι καταψύχονται ἀναφερομένης τῆς ἀναθυμιάσεως; ἢ ὥσπερ τοῖς προσχεομένοις τὸ θερμὸν ἐξαίφνης φρίκη γίγνεται͵ κἀκεῖ ἀνιόντος τοῦ θερμοῦ ἀθροιζόμενον τὸ ψυχρὸν καταψύχει͵ καὶ τὸ κατὰ φύσιν θερμὸν ποιεῖ ἐξαδυνατεῖν καὶ ὑποχωρεῖν;  § 14. ἔτι δὲ πολλῆς ἐμπιπτούσης τροφῆς͵ ἣν ἀνάγει τὸ θερμόν͵ ὥσπερ τὸ πῦρ ἐπιτιθεμένων τῶν ξύλων͵ καταψύχεται͵ ἕως ἂν καταπεφθῇ. Γίγνεται γὰρ ὁ ὕπνος͵ ὥσπερ εἴρηται͵ τοῦ σωματώδους ἀναφερομένου ὑπὸ τοῦ θερμοῦ διὰ τῶν φλεβῶν πρὸς τὴν κεφαλήν· ὅταν δὲ μηκέτι δύνηται͵ ἀλλὰ τῷ πλήθει ὑπερβάλλῃ τὸ ἀναχθέν͵ πάλιν ἀνταπωθεῖται καὶ κάτω ῥεῖ § 15. (διὸ καὶ πίπτουσί γε ὑποσπωμένου τοῦ θερμοῦ τοῦ ἀνάγοντος οἱ ἄνθρωποι· μόνον γὰρ ὀρθὸν τῶν ζῴων)͵ καὶ ἐπιπεσὸν μὲν ἔκνοιαν ποιεῖ͵ ὕστερον δὲ φαντασίαν.

Ἢ αἱ μὲν νῦν λεγόμεναι λύσεις ἐνδεχόμεναι μέν εἰσι τοῦ γίγνεσθαι τὴν κατάψυξιν͵

§ 16. οὐ μὴν ἀλλὰ κύριός γ΄ ἐστὶν ὁ τόπος ὁ περὶ τὸν ἐγκέφαλον͵ ὥσπερ ἐν ἄλλοις εἴρηται. Πάντων δ΄ ἐστὶ τῶν ἐν τῷ σώματι ψυχρότατον ὁ ἐγκέφαλος͵ τοῖς δὲ μὴ ἔχουσι τὸ ἀνάλογον τούτῳ μόριον. Ὥσπερ οὖν τὸ ἀπατμίζον ὑγρὸν ὑπὸ τῆς τοῦ ἡλίου θερμότητος͵ ὅταν ἔλθῃ εἰς τὸν ἄνω τόπον͵ διὰ τὴν ψυχρότητα αὐτοῦ καταψύχεται καὶ συστὰν καταφέρεται [458a] γενόμενον πάλιν ὕδωρ͵ οὕτως ἐν τῇ ἀναφορᾷ τοῦ θερμοῦ τῇ πρὸς τὸν ἐγκέφαλον ἡ μὲν περιττωματικὴ ἀναθυμίασις εἰς φλέγμα συνίσταται (διὸ καὶ οἱ κατάρροι φαίνονται γιγνόμενοι ἐκ τῆς κεφαλῆς)͵ ἡ δὲ τρόφιμος καὶ μὴ νοσώδης καταφέρεται συνισταμένη καὶ καταψύχει τὸ θερμόν. § 17. Πρὸς δὲ τὸ καταψύχεσθαι καὶ μὴ δέχεσθαι ῥᾳδίως τὴν ἀναθυμίασιν συμβάλλεται καὶ ἡ λεπτότης καὶ [ἡ] στενότης τῶν περὶ τὸν ἐγκέφαλον φλεβῶν. Τῆς μὲν οὖν καταψύξεως τοῦτ΄ ἐστὶν αἴτιον͵ καίπερ τῆς ἀναθυμιάσεως ὑπερβαλλούσης τῇ θερμότητι. Ἐγείρεται δ΄ ὅταν πεφθῇ καὶ κρατήσῃ ἡ συνεωσμένη θερμότης ἐν ὀλίγῳ πολλὴ ἐκ τοῦ περιεστῶτος͵ καὶ διακριθῇ τό τε σωματωδέστερον αἷμα καὶ τὸ καθαρώτερον. Ἔστι δὲ λεπτότατον μὲν αἷμα καὶ καθαρώτατον τὸ ἐν τῇ κεφαλῇ͵ παχύτατον δὲ καὶ θολερώτατον τὸ ἐν τοῖς κάτω μέρεσιν. Παντὸς δὲ τοῦ αἵματος ἀρχή͵ ὥσπερ εἴρηται καὶ ἐνταῦθα καὶ ἐν ἄλλοις͵ ἡ καρδία. § 18. Τῶν δ΄ ἐν τῇ καρδίᾳ ἑκατέρας τῆς θαλάμης κοινὴ ἡ μέση· ἐκείνων δ΄ ἑκατέρα δέχεται ἐξ ἑκατέρας τῆς φλεβός͵ τῆς τε μεγάλης καλουμένης καὶ τῆς ἀορτῆς· ἐν δὲ τῇ μέσῃ γίγνεται ἡ διάκρισις. Ἀλλὰ τὸ μὲν διορίζειν περὶ τούτων ἑτέρων ἐστὶ λόγων οἰκειότερον· § 19. διὰ δὲ τὸ γίγνεσθαι ἀδιακριτώτερον τὸ αἷμα μετὰ τὴν τῆς τροφῆς προσφορὰν ὕπνος γίγνεται͵ ἕως ἂν διακριθῇ τοῦ αἵματος τὸ μὲν καθαρώτερον εἰς τὰ ἄνω͵ τὸ δὲ θολερώτερον εἰς τὰ κάτω· ὅταν δὲ τοῦτο συμβῇ͵ ἐγείρονται ἀπολυθέντα τοῦ ἐκ τῆς τροφῆς βάρους.

§ 20. Τί μὲν οὖν τὸ αἴτιον τοῦ καθεύδειν εἴρηται͵ ὅτι ἡ [ὑπὸ] τοῦ σωματώδους τοῦ ἀναφερομένου ὑπὸ τοῦ συμφύτου θερμοῦ ἀντιπερίστασις ἀθρόως ἐπὶ τὸ πρῶτον αἰσθητήριον· καὶ τί ἐστιν ὁ ὕπνος͵ ὅτι τοῦ πρώτου αἰσθητηρίου κατάληψις πρὸς τὸ μὴ δύνασθαι ἐνεργεῖν͵ ἐξ ἀνάγκης μὲν γινόμενος (οὐ γὰρ ἐνδέχεται ζῷον εἶναι μὴ συμβαινόντων τῶν ἀπεργαζομένων αὐτό)͵ ἕνεκα δὲ σωτηρίας· σῴζει γὰρ ἡ ἀνάπαυσις.
 

§ 1. Une suite de ce qui précède, c'est d'étudier les circonstances qui accompagnent le sommeil et la veille, et de voir quel est le principe de cette affection.

§ 2. Il est d'abord de toute évidence que l'animal, dès qu'il a la sensibilité, doit nécessairement prendre de la nourriture, et par la nourriture, son accroissement. Dans tous les animaux qui ont du sang, c'est la nature du sang qui est en définitive ce qui les nourrit; et dans les animaux qui n'ont pas de sang, c'est le fluide qui correspond au sang. [456b] Le lieu du sang ce sont les veines; et le principe des veines, c'est le cœur. On peut bien s'en convaincre par l'Anatomie. Dès que les aliments arrivent du dehors dans les lieux propres à les recevoir, il y a évaporation dans les veines; là les aliments subissent un changement qui les convertit en sang, et ils se dirigent vers le principe [c'est-à-dire vers le cœur]. On a expliqué tout cela dans le Traité de la Nourriture. Mais, ici, il ne faut résumer nos explications à ce sujet, que pour bien faire voir quels sont les principes du mouvement, et quelle est la modification que doit éprouver la partie sensible de l'âme, pour que le sommeil et la veille puissent avoir lieu. § 3. En effet, le sommeil n'est pas, je le répète, une impuissance quelconque de sentir; la folie, la suffocation et l'évanouissement peuvent amener une impuissance de ce genre; quelquefois même l'imagination subsiste encore avec toute sa vivacité chez ceux qui éprouvent une syncope. Ceci offre donc quelque difficulté; car s'il est possible de dire qu'où dort quand on est évanoui, il se pourrait aussi que l'image vue dans cet état fût un rêve. Or il y a beaucoup de choses racontées par ceux qui ont éprouvé de ces longs évanouissements, et qui semblaient être morts; et tous ces accidents doivent être rapportés à une même explication. § 4. Mais comme nous l'avons dit, le sommeil n'est pas toute impuissance quelconque de la sensibilité; cette affection ne vient que de l'évaporation que produit la nourriture. Il faut que tout ce qui s'évapore monte jusqu'à un certain point, puis revienne en sens contraire, et subisse un changement comme les flots de l'Euripe; or, la chaleur qui est dans chaque animal, se porte naturellement à la partie supérieure ; et une fois arrivée aux parties les plus hautes, alors elle retombe en masse et se dirige en bas. Voilà pourquoi le sommeil vient surtout après les repas; car, à ce moment, l'humidité qui est considérable et fort épaisse, est portée en haut; et, s'y arrêtant, elle alourdit et fait sommeiller. Puis, quand elle redescend, et qu'en rétrogradant elle chasse la chaleur, alors vient le sommeil, et l'animal s'endort. § 5. L'effet des narcotiques prouve bien ce que nous avançons. Tous les narcotiques donnent des pesanteurs de tête, ceux qu'on boit comme ceux qu'on mange : le pavot, la mandragore, le vin, l'ivraie; frappés de vertiges et tout endormis , on voit alors les gens qui en ont pris ne pouvoir relever la tête ni ouvrir les paupières; et c'est surtout après le repas qu'on est saisi de ce sommeil pesant, parce que l'évaporation qui vient alors des aliments est considérable. § 6. Parfois encore, le sommeil arrive à la suite de certaines fatigues ; car l'effet de la fatigue, c'est de relâcher le corps et de le liquéfier; et tout relâchement est une sorte [457a] d'indigestion, à moins qu'il ne soit froid. Il y a encore certaines maladies qui produisent le même effet, celles qui viennent d'un excès d'humide et de chaud; et c'est ce qu'on observe dans la fièvre et dans les léthargies. § 7. La première enfance est sujette aussi à ce lourd sommeil ; car les enfants dorment beaucoup, parce que toute la nourriture se porte en haut ; et ce qui le prouve bien, c'est que dans le premier âge la grandeur des parties supérieures l'emporte de beaucoup sur les parties inférieures, parce que c'est surtout vers le haut du corps que se fait le développement. § 8. Telle est également la cause qui les rend épileptiques; le sommeil, en effet, ressemble à l'épilepsie, et dans un certain sens, c'est une épilepsie réelle. Il ne faut donc pas s'étonner que fort souvent cette affection commence durant le sommeil, et que l'accès ait lieu quand on dort et qu'il cesse avec le réveil. En effet, quand l'air, après s'être porté en haut en quantité considérable, redescend ensuite, il gonfle les veines, et rétrécit l'ouverture par où la respiration a lieu.

§ 9. Voilà aussi pourquoi le vin ne vaut rien aux enfants, non plus qu'à leurs nourrices; car que ce soient les enfants eux-mêmes ou les nourrices qui en boivent, cela revient à peu près au même. Il faut que les enfants boivent le vin trempé de beaucoup d'eau et en petite quantité , parce que le vin est spiritueux, et surtout le vin de couleur foncée. Les parties supérieures du corps chez les enfants sont tellement pleines de nourriture que même à cinq mois ils ne peuvent pas encore tourner le cou. C'est que chez eux, de même que chez les gens qui sont tout à fait ivres, une quantité énorme d'humidité se porte en haut. § 10. C'est là très-probablement aussi ce qui fait que les fœtus restent d'abord immobiles dans le sein de la mère. Voilà encore pourquoi, en général, les gens les plus portés au sommeil sont ceux qui ont de petites veines, et ceux qui sont conformés dans le genre des nains et qui ont de très-grosses têtes. Chez les premiers, en effet, les veines sont tellement étroites que l'humidité qui redescend ne peut facilement y circuler, de même que chez ceux qui sont conformés comme les nains et ont la tête très-forte, l'impulsion vers le haut et l'évaporation sont très violentes. Au contraire, ceux qui ont de larges veines ne sont pas dormeurs, parce que la circulation est très-facile dans leurs vaisseaux, à moins qu'ils n'aient quelque autre affection qui la trouble. §11. Les mélancoliques ne sont pas non plus très-dormeurs, parce que l'intérieur de leur corps est toujours froid, et que par conséquent il n'y a pas chez eux une évaporation abondante. C'est là également ce qui les rend grands mangeurs et leur donne une chair dure; car leur corps est toujours comme s'il ne pouvait rien absorber. C'est que la bile noire étant froide de sa nature, rend froide comme elle le lieu où se fait la nutrition, et les autres parties, où devrait pouvoir s'opérer l'excrétion.

§ 12. Il résulte donc évidemment de [457b] ce qui précède que le sommeil est une sorte de concentration de la chaleur au dedans, et une répercussion qui tient à la cause qu'on a dite. Voilà aussi pourquoi on se remue beaucoup dans le sommeil. Du moment qu'on commence à perdre connaissance, on se refroidit, et par suite de ce refroidissement les paupières s'abaissent; ce sont les parties supérieures et celles du dehors qui deviennent froides; mais les parties intérieures et celles d'en bas sont chaudes; par exemple, les pieds et le dedans du corps.

§ 13. On pourrait cependant demander ici pourquoi le sommeil est plus fort après le repas, et pourquoi le vin et toutes les substances de ce genre qui ont beaucoup de chaleur, provoquent le sommeil. Il semble contradictoire d'avancer que le sommeil soit un refroidissement, et de soutenir que les choses qui causent le sommeil soient chaudes. Doit-on dire que, de même que quand l'estomac est vide, il est chaud, et que la réplétion le refroidit par le mouvement qu'elle lui donne, de même aussi les pores et les lieux divers qui sont dans la tête sont refroidis quand l' évaporation s'y porte? Ou bien, doit-on dire que, comme le frisson saisit tout à coup ceux qui boivent une boisson chaude, de même ici la chaleur venant à monter, le froid qui se concentre refroidit le corps, et réduit à l'impuissance la chaleur naturelle qu'il chasse ? § 14. Cet effet se produit encore quand la nourriture ingérée en quantité considérable est soulevée par la chaleur; c'est alors comme le feu au moment où l'on met du bois dessus; et cet effet dure jusqu'à ce que la nourriture ait été digérée. C'est que le sommeil a lieu, ainsi qu'on l'a déjà dit, quand une évaporation trop matérielle est portée par la chaleur au travers des veines jusqu'à la tête. Mais, quand la masse ainsi soulevée ne peut plus monter parce qu'elle est trop considérable, elle se trouve alors repoussée en sens contraire, et elle coule en bas. § 15. Voilà comment les hommes se couchent, quand la chaleur qui poussait en haut vient à être soustraite; car l'homme est le seul des animaux qui se tienne debout; et du moment que la chaleur retombe, on perd connaissance, et bientôt c'est l'imagination toute seule qui agit.

Les explications que l'on vient de donner ici paraitront-elles suffisantes pour rendre compte de la cause du refroidissement ?

§ 16. Quoi qu'il en soit, c'est bien toujours le lieu du cerveau qui est le siège principal du sommeil, comme on l'a dit ailleurs. Le cerveau est tout ce qu'il y a de plus froid dans le corps; et dans les animaux qui n'ont pas de cerveau, c'est la partie qui le remplace. De même donc que l'humide vaporisé par la chaleur du soleil, en arrivant à la région supérieure, s'y refroidit par le froid qu'il y trouve, et se condensant retombe de nouveau [458a] sous forme d'eau, de même dans le mouvement d'ascension de la chaleur au cerveau, l'évaporation des excrétions se tourne en humeur flegmatique; et c'est là aussi pourquoi l'on voit les catarrhes venir de la tête; tandis que l'évaporation qui est capable de nourrir le corps et qui n'a rien de morbide, est portée en bas quand elle s'est condensée, et y tempère la chaleur. § 17. Ce qui aide encore à ce refroidissement et contribue à ce que l'évaporation ne pénètre pas trop aisément, c'est la ténuité et l'étroite dimension des veines qui entourent le cerveau; c'est donc là ce qui est cause du refroidissement malgré l'excessive chaleur de l'évaporation. Mais on se réveille quand la chaleur, qui, sortant abondamment de toutes les parties environnantes a été resserrée en un petit espace, est digérée et qu'elle est devenue dominante; et alors aussi, la partie la plus substantielle et la plus pure du sang est sécrétée. Le sang qui est dans la tête est le plus léger et le plus pur, tandis que le plus épais et le plus bourbeux est celui qui est dans les parties inférieures; et c'est le cœur qui, comme on l'a dit soit ici soit ailleurs, est le principe de tout le sang. § 18. Quant aux parties qui sont dans le cœur, la veine médiane est commune aux deux ventricules; et chacun d'eux reçoit le sang de l'une et l'autre veine, c'est-à-dire, et de celle qu'on appelle la grande veine et de l'autre ; et la sécrétion du sang a lieu dans la veine médiane. Mais ces détails appartiennent plus spécialement à d'autres études. § 19. C'est parce que la sécrétion du sang est beaucoup moins facile après l'ingestion de la nourriture que le sommeil survient; et il a lieu jusqu'à ce que la partie la plus légère du sang se sépare et aille en haut, et que la partie la plus bourbeuse se précipite en bas. Quand cette séparation est accomplie, on s'éveille délivré du poids de la nourriture.

§ 20. Telle est donc la cause qui fait dormir : c'est la répercussion énergique sur le principe sensible de l'élément substantiel porté en haut par la chaleur naturelle. Nous savons aussi ce qu'est le sommeil : c'est l'envahissement du principe sensible réduit à ne plus pouvoir agir. Enfin, nous savons que cette fonction est nécessaire , parce que l'animal ne peut vivre sans les conditions qui le constituent; et le sommeil lui est indispensable pour sa conservation, parce que c'est le repos qui le conserve.

FIN DU TRAITÉ DU SOMMEIL ET DE LA VEILLE.
 

 §  1. Les circonstances physiologignes, comme le prouvent toutes des discussions de ce chapitre.

§ 2. Dès qu'il a la sensibilité, c'est-à-dire dès sa naissance. On pourrait entendre aussi : « Puisqu'il a la sensibilité ; » et cette seconde version s'accorderait bien avec les théories du Traité de l'Ame, où il a été établi que la sensibilité ne vient jamais qu'après la nutrition ; voir liv. II, ii, 2 et suiv., et II, iii, 7.

--- La nature du sang. C'est la traduction littérale : cela revient à dire : le sang avec ses propriétés naturelles.

En définitive. Après toutes les élaborations successives que subissent les aliments lorsqu'ils ont été ingérés.

--- Le fluide qui correspond. Le texte dit simplement :
« Ce qui correspond. v

- Et le principe des veines, c'est le coeur. C'est là, comme on le sait, le principe péripatéticien emprunté à Platon ; voir le Timée, p. 198, trad. de M. Cousin ; et ce principe est exact en un certain sens. De plus, Aristote faisait aussi du coeur le principe des nerfs, ce qui n'est exact en aucune façon.

-- Par  l'anatomie. On peut entendre qu'il s'agit ici de l'anatomie en général; mais ce sont peut-être les Traités d'Anatomie dont parle Diogène de Laërte dans son catalogue. Il y mentionne un ouvrage d'anatomie en huit livres, et un autre qui parait avoir été un abrégé de celui-là. J'ai tâché de conserver dans ma traduction l'indécision du texte, qui, d'ailleurs, a le pluriel au lieu d'un singulier que j'emploie.

-- Les lieux propres à les recevoir. L'estomac et le tube intestinal.

--- Évaporation. C'est le mot dont se sert Aristote : on peut le trouver peu exact ; ce serait plutôt  « transmission, » ou tout autre mot analogue. C'est-à- dire vers le coeur. J'ai cru pouvoir ajouter cette paraphrase justifiée par le contexte.

--- Dans le Traité de la Nourriture. Ce traité a malheureusement péri; mais on voit par ce passage quel devait en être le contenu. Michel d'Éphèse semble croire qu'il s'agit seulement du Traité des Parties des Animaux et de l'Histoire des Animaux. Diogène de Laërte ne le mentionne pas dans son catalogue; Aristote a semblé l'indiquer dans un passage du Traité de l'Ame , II, 10, n.

-- Du mouvement. On peut entendre qu'il s'agit seulement du mouvement spécial qui amène le sommeil; voir dans le chapitre précédent, § 9, une expression pareille, qui doit être entendue ici en un sens restreint.

§ 3. Je le répète. Voir plus haut, ch. ii, § 5, la même pensée déjà exprimée.

- La suffocation. Id., ib. Seulement , ici l'idée d'Aristote est rendue d''une manière à la fois plus concise et plus claire.

- Ceci offre donc quelque difficulté. Il est donc difficile d'admettre que le sommeil ne soit qu'une impuissance de sentir ; car l'impuissance de sentir ne peut se confondre avec le sommeil dans une foule de cas.

Il se pourrait aussi. Mais ceci n'est point ; donc le sommeil n'est pas une simple impossibilité de sentir. Aristote n'ajoute pas ce développement, qui eût cependant été utile pour compiéter la pensée.

-- À une même explication. La pensée n'est pas ici fort claire. Aristote veut-il dire que l'explication qu'il donnera du sommeil s'appliquera également à la syncope? ou entend-il parler d'une explication différente qu'il se réserve de donner ultérieurement?

§ 4. Comme nous l'avons dit au paragraphe précédent , et plus haut, ch. II, § 5.

-- L'évaporation.... la nourriture. Voir plus haut , 8 i , une expression identique.

-- Comme les flots de l'Euripe. Peut-être la coin-paraison est-elle un peu ambitieuse. On sait que l'Euripe avait un flux et un reflux assez sensible, phénomène qui se répète sur plusieurs points des côtes de la Méditerranée; mais qui devait paraitre fort extraordinaire à ceux qui n'avaient pas vu l'Océan.

-- Et fait sommeiller. Porte au sommeil sans le produire encore tout à fait.

-- L'explication que donne ici Aristote est ingé - nieuse , et elle est vraie dans bien des cas ; mais peut-être rattache-t-il le sommeil trop étroitement à la nutrition. Il semblerait , d'après ses théories , que la digestion , avec toutes ses suites, est à peu près indispensable pour le sommeil : on peut voir par l'expérience de chaque jour qu'il n'en est rien . On dort fort souvent sans que l'estomac ait reçu depuis longtemps des aliments. Ce qui n'empêche pas que , comme le remarque Aristote, le repas aussi ne provoque très-souvent le sommeil. D'une manière générale, il semble que c'est la fatigue de la veille et le besoin de réparation qui causent le sommeil le plus ordinairement.

§ 5. Le vin. Il est assez singulier qu'Aristote classe le vin parmi les narcotiques : il eût fallu ajouter : Le vin pris en grande quantité. Au contraire, pris avec mesure, il contribuerait plutôt à prolonger la veille par la légère excitation qu'il produit toujours.

§ 6. Le sommeil. Le texte est indéterminé. Je le fais rapporter au sommeil, qui est le sujet spécial que traite ici Aristote ; mais il pourrait se rapporter aussi â l'évaporation dont il est question dans la phrase précédente.

De relâcher le corps. Notre langue ne m'a point présenté un mot plus convenable. Celui dont se sert Aristote est lui-mème assez vague en grec. Voir l'explication qu'il en donne en développant cette idée, Traité de la Génération des Animaux , liv. I , ch. xviii , édit. de Berlin , p. 724 , b, 27.

-- Et de liquefier. J'ai dû employer deux mots pour rendre toute la force du mot grec.

§ 7. Est sujette aussi à ce lourd sommeil. J'ai ajouté les derniers mots pour compléter la pensée qui est rendue d'une manière très-concise.

§ 8. Qui les rend épileptigues. Le texte est un peu vague; et l'on pour-rait aussi comprendre qu'il s'agit de l'épilepsie en général, et non des convulsions des enfants en particulier ; mais le paragraphe précédent et le suivant se rapportent aux enfants : il est naturel de penser que celui-ci les concerne également , du moins en partie ; et la grammaire s'accommode mieux aussi de cette explication.

Quand on dort, ou quand ils dorment, en rapportant ceci plus spécialement aux enfants.

§ 9. Le vin ne font rien aux enfants. Observation très-exacte et très-ingénieuse; mais on peut trou-ver qu'ici elle fait un peu digression , surtout è cause du développement que lui donne Aristote.

 --De couleur foncée. Mot à mot : « Noir; » peut-étre est-ce certains vins rouges qu'Aristote veut ici désigner.

§ 10. D'abord immobiles. Ils seraient engourdis par une sorte de congestion cérébrale.

Qui ont de petites veines. Toutes ces observations physiologiques sont parfaitement eaactes, si d'ailleurs les explications qu'en donne Aristote sont contestables.

-- Dans le genre des nains. Voir plus haut le Traité de la Mémoire, ch. ii, §§ 19 et 20.

§ 11. L'intérieur de leur corps est toujours froid. Ici encore on ne peut qu'admirer l'exactitude d'Aristoter

-- Il n'y a pas chez eux une évaporation abondante. Tous les mélancotiques, en effet , souffrent et se plaignent d'une sorte de sécheresse intérieure qui géne toutes les fonctions; et voilà comment les bains tièdes leur sont en général si favorables.

Grands mangeurs. C'est là un fait certain et qu'ont reconnu tous les physiologistes qui se sont occupés de ces affections : les mélancoliques digèrent mal et mangent beaucoup, en général, parce que l'assimilation à l'intérieur se fait d'une façon très-incomplète.

Une chair dure. Fait encore très-exact , et qui tient à toutes les causes qu'Ariatote vient d'énumérer et à celle qu'il ajoute ; voir Hippocrate , Traité des Maladies, article de la Consomption dorsale.

§ 14. Est une sorte de concentration. Je ne sais si la science moderme pourrait donner du sommeil une explication plus satisfaisante.

-- A la cause qu'on a dite, c'est-à-dire à l'influence de la digestion sur le cerveau.

Dans le sommeil. Léonicus et plusieurs autres traducteurs semblent avoir eu ici une leçon différente : « Dans la contemplation, dans la pensée. » Aucun manuscrit ne l'autorise : j'ai suivi l'édition de Berlin.

— Si, d'ailleurs, il est vrai que l'on se remue souvent dans le sommeil , il est vrai au moins aussi souvent qu'on ne se remue pas.

On se refroidit. Je ne sais si cette observation est aussi exacte que les précédentes.

--  Par exemple, les pieds. Celle-ci est vraie.

§ 13. On pourrait cependant demander. L'objection est très-juste, et Aristote a bien fait de la prévenir.

-- Le corps. J'ai ajouté ces mots pour compléter la pensée.

Réduit à l'impuissance. C'est la traduction littérale de l'original.

§ 14. C'est alors comme le feu. Le texte est un peu moins précis ; et j'ai dû le paraphraser pour le rendre parfaitement clair.

Ainsi qû on l'a déjà dit. Voir plus haut la fin du § 4 et suiv.

-- En sens contraire. Id., ibid. Voir la comparaison de ce double mouvement avec le flux et le reflux de l'Euripe.

§ 15. Vient à être soustraite. Plus haut, §§ 4 et 12 ; il a été établi que le sommeil a besoin, et est en générai précédé, d'un refroidissement.

-- Qui se tienne debout. Je crois qu'on peut soutenir cette affirmation , comme le fait Aristote. La station des oiseaux est fort différente de la nôtre ; et celle des singes n'est qu'accidentelle. Le texte dit mot à mot : « Qui soit droit. »

-- Et bientôt. J'ai ajouté ce dernier mot; le texte ne l'a pas, et il est d'ailleurs un peu moins précis que ma traduction. Par « l'imagination, » Aristote entend l'apparition des rêves.

-- Les explications que l'on vient de donner. Cette phrase incidente peut paraître ici assez singulièrement placée. On pourrait aussi ne lui point donner la forme interrogative; mais le sens en serait alors encore moins satisfaisant.

§ 18. Comme on l'a dit ailleurs. On peut comprendre qu'il s'agit d'ouvrages autres que celui-ci; mais il est possible encore que cette indication se rapporte simplement à ce qui vient d'être dit, un peu plus haut , soit dans le § 14 , soit dans les paragraphes précédents. J'adopterais cependant plutôt la première conjecture. Si l'on joignait ce petit membre de phrase à ce qui suit, au lieu de le faire rapporter à ce qui précède , on pourrait croire qu'il s'agit du Traité de la Sensation, où, ch. v, § 8 , les mêmes idées sur la frigidité du cerveau ont été déjà
présentées.

--- Vaporisé par la chaleur du soleil. Le phénomène de la pluie est ici, comme on le voit, parfaitement décrit. -

- Se condensant. Le mot grec est tout à fait l'équivalent de celui-là.

-- L'évaporation des excr'élions, ou excrémentitielle.

§ 17. La ténuité et l'étroite dimension. Je ne sais si l'anatomie confirmerait tout à fait cette théorie d'Aristote.

-- Et qu'elle est devenue dominante,sur le froid causé par l'évaporation des aliments.

-- La plus substantielle. Le texte dit mot à mot : « La plus corporelle. »

--- Le plus léger et le plus pur. Voir plus haut le Traité de la Sensation , ch. v, § 8.

-- Soit ailleurs. On peut croire qu'il s'agit, en général, de tous les traités qu'Aristote a consacréa aux diverses parties de l'histoire naturelle.

§ 18. La veine médiane est commune aux deux ventricules. Il n'est pas besoin de faire remarquer que ces détails anatomiques ne sont pas très-exacts ni très-complets; ils semblent prouver cependant qu'Aristote avait disséqué des cadavres humains.

Mais ces détails.... à d'autres études. Sans doute aux Traités de la Génération des Animaux et des Parties des Animaux. On se rappelle qu'Aristote avait fait aussi divers traités d'anatomie; et ce sont peut-étre ces ouvrages qu'il veut désigner ici.

§ 19. Ce paragraphe entier semble être une répétition assez peu nécessaire de ce qui précède.

 -- On s'éveille. Il est clair qu'Aristote ne parle ici que des phénomènes réguliers et normaux , tels que les pré-sente l'état de santé.

§ 20. Telle est donc la cause qui fait dormir. Résumé de tout ce petit traité.

De l'élément substantiel. Le texte dit mot à mot : « Du corporel. »

Le principe sensible.... du principe sensible. Le texte dit dans ces deux cas : « Le premier organe de la sensation; » ma traduction a dû être plus précise.