Aristote : Opuscules

ARISTOTE

OPUSCULES.

TRAITÉ DE LA SENSATION ET DES CHOSES SENSIBLES

Περὶ Αἰσθήσεως καὶ αἰσθητῶν

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

 

 

 

PSYCHOLOGIE D'ARISTOTE

OPUSCULES

PLAN DU TRAITÉ DE LA SENSATION ET DES CHOSES SENSIBLES.

 

 

 

 

 

PSYCHOLOGIE D'ARISTOTE

OPUSCULES

PLAN DU TRAITÉ DE LA SENSATION ET DES CHOSES SENSIBLES.

Il faut compléter les théories développées dans le Traité de l'Ame, en étudiant certains phénomènes qu'offrent les animaux, et qui sont de grande importance : tels sont le sommeil et la veille, la jeunesse et la vieillesse, l'inspiration et l'expiration, la vie et la mort, phénomènes connexes et unis deux à deux. Le naturaliste pourrait encore pousser plus loin ses recherches : la santé et la maladie l'intéressent presque autant qu'elles peuvent intéresser le médecin. La médecine et la physique sont des sciences tout à fait limitrophes; et la preuve, c'est que la plupart des naturalistes aboutissent à des théories médicales, et que la plupart des médecins, quand ils sont éclairés et philosophes, aboutissent à des théories sur la nature.

Quoi qu'il en puisse être, les phénomènes dont nous venons de parler se rattachent tous de très-près à la sensibilité : les uns n'en sont que des modifications et des manières d'être; les autres en sont la garantie et l'exercice régulier ; les autres enfin en sont la perte et la privation. Or l'on sait que la sensibilité est le caractère essentiel de l'animal, celui qui le distingue de tous les autres êtres, et qui le fait ce qu'il est. Il pourra donc être utile de revenir sur quelques théories relatives à la sensibilité, et de les approfondir plus qu'on ne l'a fait. Des cinq sens, les deux plus importants sont : la vue, qui nous apprend tant de choses sur le monde extérieur, et l'ouïe, qui, bien qu'indirectement, sert plus encore que la vue aux développements de l'intelligence; car les aveugles-nés sont toujours plus intelligents que les sourds-muets.

Parfois, pour se rendre plus clairement compte des sens dont la nature a doué les animaux, on les a rapprochés des divers éléments; et, pour que la comparaison fût plus complète, on a créé un cinquième élément ; dès lors chaque sens eut un élément qui lui pût correspondre. En général, on a rapporté la vue au feu ; et ce qui a rendu cette opinion assez vraisemblable, c'est que quand on se frotte l'œil, soit dans l'obscurité, soit en fermant la paupière, on voit du feu et des étincelles. Mais on n'a pas assez compris que c'est le mouvement seul qui, en divisant en quelque sorte l'œil, y cause ces apparences. Mais l'œil pour cela n'est pas de feu ; car si c'était là sa nature, on verrait ces étincelles même quand on le laisse en repos. De plus, si la vision se produisait parce que les rayons sortent de l'œil pour aller aux objets, comme l'ont cru Empédocle, et Platon dans son Timée, pourquoi ne verrait-on pas la nuit aussi bien que le jour? Platon, pour répondre à cette objection, ajoute que dans l'obscurité la vue s'éteint après être sortie de l'œil. Mais c'est là une réponse parfaitement vaine. Qu'est-ce, en effet, que s'éteindre pour le feu? C'est rencontrer un contraire, soit l'humide, soit le froid. Mais où est dans l'obscurité l'humide ou le froid qui doive éteindre le feu de la vue ? Ce sont là des phénomènes qui se rapportent aux corps ignés ; ils ne se rapportent pas à la lumière. Empédocle a si bien cru que la vision se produisait par des rayons sortis de l'œil, qu'il a comparé la vue à une lanterne qui, dans «ne nuit obscure, projette sa lumière et conduit le voyageur. Il est vrai qu'ailleurs Empédocle explique autrement la vision, et qu'alors pour lui elle est produite par des émanations sorties des objets eux-mêmes. C'est là à peu près aussi la théorie de Démocrite. Mais on ne peut pas soutenir avec lui que la vue ne soit qu'un miroir; car alors pourquoi tant d'autres objets ne verraient-ils pas comme l'œil? On peut bien admettre avec Démocrite que la vue est de l'eau; mais il faudrait ajouter que ce n'est pas en tant que la vue est de l'eau qu'elle peut voir, c'est en tant que l'œil est diaphane. D'autres philosophes ont soutenu que la lumière sortait de l'œil, et qu'à distance elle se combinait avec la lumière extérieure. Mais pourquoi cette combinaison ne se ferait-elle pas dans l'intérieur même de l'œil? Et qu'est-ce d'ailleurs qu'une combinaison de lumière? Au vrai, la vision n'est causée que par le mouvement du milieu qui est interposé entre l'œil et l'objet, lequel milieu doit toujours être éclairé. Le dedans de l'œil est diaphane, afin de pouvoir recevoir la lumière du dehors. Des faits le prouvent d'une manière incontestable : on a vu des blessures recues près des tempes provoquer une cécité instantanée et complète ; on aurait dit alors d'une lampe éteinte à l'intérieur, parce que les pores des yeux avaient été lésés. Ainsi l'on peut admettre que la vue est de l'eau; l'ouïe sera de l'air; l'odorat, du feu; le toucher, de la terre; et le goût se confond avec le toucher. Tels sont les rapports qu'on pourrait établir entre les sens et les éléments.

On a expliqué, dans le Traité de l'Ame, l'action de chacun des sens; mais il sera bon de reprendre ici quelques questions, et spécialement celles qui se rapportent à la couleur, objet de la vue ; à la saveur, objet du goût ; et à l'odeur, objet de l'odorat. On a vu que la lumière est la couleur du diaphane; mais le diaphane est indéterminé, et la lumière l'est comme lui. La couleur, au contraire, est dans le diaphane déterminé par la limite même des corps : aussi les Pythagoriciens ont-ils confondu la couleur avec la surface. C'est une erreur; car ce qui a couleur au dehors doit également l'avoir au dedans. Pourtant on pourrait définir la couleur : la limite du diaphane dans un corps déterminé. Quand la cause qui produit la lumière dans l'air est aussi dans le diaphane, elle détermine la couleur blanche ; quand cette cause est absente dans le diaphane, elle détermine la couleur noire. C'est de ces deux couleurs que sortent toutes les autres. D'abord le noir et le blanc peuvent être placés à côté l'un de l'autre, mais avec des dimensions si petites qu'ils soient séparément imperceptibles, bien que le résultat des deux puisse être perçu. De cette façon s'engendrent, comme l'on voit, d'autres couleurs que le blanc et le noir, selon le nombre même des parties de l'un et de l'autre, dont les proportions peuvent varier à l'infini. Les proportions peuvent être numériquement régulières; elles peuvent aussi ne pas être représentées par des nombres, absolument comme les proportions et les combinaisons des sons ; les consonances les plus agréables à l'oreille sont celles qui sont représentables en nombres exacts; les couleurs les plus agréables à la vue sont dans le même cas. Voilà une première manière d'expliquer la diversité des couleurs. Il en est une autre que connaissent parfaitement les peintres : c'est de superposer des couleurs différentes, de manière que les rayons de l'une se modifient en passant au travers de l'autre. Il n'est pas possible d'ailleurs de prétendre, comme l'ont fait quelques anciens, que les couleurs soient des émanations des corps. En supposant que les couleurs soient à côté les unes des autres, comme dans la première hypothèse, il faut admettre que les temps dans lesquels nous percevons les diverses couleurs, qui se combinent en une seule, sont indivisibles, et ne forment qu'un seul et même temps ; de même que les deux parties, qui séparément sont invisibles, sont perçues par une seule sensation.

Dans la seconde hypothèse, celle de la superposition, on n'a pas ces difficultés. Du reste, pour bien comprendre comment se combinent les couleurs, il faut recourir aux principes posés dans le Traité de la Mixtion; car les lois qui président à la combinaison des corps sont précisément celles aussi qui président à la combinaison de leurs couleurs.

On pourrait ici étudier le son comme on vient d'étudier la couleur, si déjà cette théorie n'avait été faite dans le Traité de l'Ame. Nous pouvons donc passer aux considérations qui regardent la saveur et l'odeur. Nous commencerons par la première. La nature des saveurs nous est mieux connue que celle des odeurs; cela tient à ce que l'odorat chez l'homme n'est pas très-délicat, et que le toucher au contraire, auquel se rapporte aussi le goût, l'est excessivement. L'eau, qui est une condition indispensable de la perception de la saveur, est par elle-même dénuée de toute saveur. Ainsi il n'y a que trois hypothèses possibles : ou l'eau renferme toutes les espèces de saveurs, mais tellement faibles qu'elles échappent à nos sens, et c'est la théorie d'Empédocle ; ou bien l'eau renferme une certaine matière, germe commun de toutes les saveurs possiblesj ou enfin, l'eau, sans saveur propre, est modifiée par des causes extérieures, la chaleur, le soleil, etc. L'erreur d'Empédocle est évidente : on peut aisément se convaincre que la chaleur, ou naturelle ou factice, donne aux fruits, par exemple, toute espèce de saveurs. Il n'est pas possible davantage que l'eau contienne le germe commun de toutes les saveurs; car nous voyons sortir de la même eau les saveurs les plus dissemblables. Reste donc la troisième hypothèse, qui suppose que les saveurs diverses viennent des diverses modifications que l'eau subit. Seulement, il ne faut pas croire que la chaleur soit la cause unique de ces modifications. La chaleur est bien une condition, mais avec celle-là il en faut d'autres. C'est elle qui sert à mettre en mouvement l'humide à travers le sec et le terreux, comme nous le voyons dans les saveurs si variées des fruits. En recourant aux principes posés dans le Traité des Éléments, on se rendra bien compte de tout le travail que fait ici la nature. Cette modification causée par la chaleur dans le sec ne s'adresse pas au sec quel qu'il soit; elle n'agit que sur le sec qui peut nourrir, sur l'élément doux, qui seul est nutritif, comme nous le prouverons dans le Traité de la Génération. La chaleur élabore les saveurs douces qui peuvent nourrir, et n'admet les autres saveurs acres et salées que comme une sorte d'assaisonnement pour rendre l'assimilation plus facile. Ainsi, pour les saveurs, l'amer et le doux sont ce que, dans les couleurs, sont le blanc et le noir. Ces saveurs primitives se combinent aussi dans diverses proportions pour former toutes les autres : les plus agréables sont celles où ces rapports sont numériquement réguliers; et les saveurs pourraient être classées à peu près comme les couleurs. Des deux côtés, les espèces sont au nombre de sept. Il ne faudrait pas d'ailleurs pousser ces rapprochements trop loin, comme l'ont fait quelques naturalistes, entre autres Démocrite : ils ramènent toutes les sensations à des perceptions tactiles; pour eux, le blanc est lisse, et le noir est rude; mais c'est là tout confondre. Démocrite va plus loin encore, et il veut que les saveurs ne soient aussi que des espèces de figures ; mais alors il est impossible d'expliquer l'opposition des saveurs; car la figure n'a pas de contraire; et,de plus, les figures sont infinies, tandis que les saveurs ne le sont pas. Il y aurait bien à présenter encore d'autres considérations sur les saveurs ; mais cette étude doit être renvoyée à celle des Végétaux, qui sont la source principale des saveurs.

Appliquons aux odeurs la même méthode que nous venons d'appliquer aux saveurs. L'odeur, perceptible dans l'air et dans l'eau, est transmise par un milieu qui est aussi le diaphane répandu dans ces deux éléments. L'eau suffit pour transmettre l'odeur, comme le prouve l'exemple des animaux aquatiques. L'odeur est le sec sapide transmis dans l'humidité que renr ferment l'air et l'eau. Il n'y a pas de corps odorant qui ne soit en même temps sapide. Le feu, l'air, l'eau, la terre, sont sans odeur, parce qu'ils n'ont pas de saveur non plus ; et les corps sont en général odorants dans la proportion où ils ont aussi de la saveur. Quelques naturalistes expliquent l'odeur par l'exhalaison farineuse, phénomène commun à l'air et à la terre; quelques autres la prennent pour une vapeur. Au fond, l'odeur n'est ni l'un ni l'autre : c'est, comme nous l'avons dit, une modification de la sécheresse sapide, filtrée en quelque sorte au travers de l'air et de l'eau. De là vient le rapport des odeurs aux saveurs ; et l'on peut presque donner les mêmes noms aux unes et aux autres. La chaleur est également indispensable à toutes deux, et le froid les émousse également. On a eu tort de prétendre que les odeurs n'ont pas d'espèces : elles en ont, et l'on peut d'abord les classer en agréables et en désagréables, tout comme on le ferait pour les saveurs des aliments dont se nourrissent les animaux. Quand l'animal est repu, l'odeur de la nourriture lui est désagréable ainsi que la nourriture elle-même. Ces odeurs, agréables ou désagréables par leurs rapports aux aliments, sont perçues par tous les animaux indistinctement. Mais il y a d'autres odeurs qui sont agréables ou désagréables par elles-mêmes, celles des fleurs, par exemple : elles ne provoquent en rien l'appétit de l'animal; elles feraient plutôt le contraire ; car, comme le dit Strattès en raillant Euripide : « Quand vous faites cuire de l'ognon, n'y versez pas de l'ambre. » La perception de ces odeurs est un privilège exclusif de l'homme. Celles-là, du reste, sont moins faciles à classer par espèces que les premières, qui, tenant à des saveurs, se classent à peu près comme elles. tl ne faut pas croire d'ailleurs que les odeurs, si elles sont inutiles à l'alimentation, le soient également à la santé de l'homme : elles servent certainement en lui à balancer la frigidité naturelle de son cerveau. La nature fait sans cesse servir la respiration à deux fins : d'abord, à la fonction propre que la poitrine doit accomplir; puis, à l'odoration; car c'est par l'air que l'odeur s'introduit dans l'animal. Cette précaution de la nature est d'autant plus remarquable que l'homme est, de tous les animaux, celui qui, relativement à son corps, a le cerveau le plus gros et le plus humide. Les animaux autres que lui n'ont que la perception de la première espèce d'odeurs, et de fait ils n'ont besoin que de celle-là. Il faut ajouter que les animaux même qui ne respirent pas directement l'air, n'en perçoivent pas moins les odeurs: tels sont les poissons et les insectes, qui sentent de fort loin leur nourriture, à cause de l'odeur qu'elle répand ; tels sont aussi les abeilles, les grandes fourmis appelées cnipes, les rougets de mer et tant d'autres. La seule question qu'on puisse poser ici, c'est de savoir par quel organe les animaux qui ne respirent pas peuvent avoir cette perception; mais il n'est pas probable qu'ils aient un sens particulier outre les cinq que l'on connaît. Dans les animaux qui respirent, l'inspiration fait lever l'opercule qui recouvre l'organe ; quant aux autres, ils perçoivent sans doute directement l'odeur sans l'intervention de cet opercule, de même que les animaux qui ont les yeux durs n'ont pas besoin de paupières. Une conséquence de cet avantage exclusivement accordé à l'homme, c'est qu'il est le seul animal à souffrir des mauvaises odeurs; les autres animaux ne souffrent des odeurs désagreables par elles-mêmes qu'autant que cette qualité se joint à d'autres qualités qui peuvent leur être nuisibles. Cependant ces mauvaises odeurs qui ne les repoussent pas les font mourir, comme elles frappent également les hommes: aussi s'a pprocherit-ils des plantes dont l'odeur est la plus repoussante, si d'ailleurs cette plante n'est pas malsaine pour eux. Si l'on odore dans l'air et dans l'eau, c'est que l'odorat tient comme le milieu entre les cinq sens, le toucher et le goût d'une part, la vue et l'ouïe d'autre part. Les Pythagoriciens ont eu tort de soutenir d'ailleurs qu'il y a des animaux qui vivent d'odeurs : c'est une opinion inexacte; car l'odeur ne contribue en rien à l'alimentation, parce que tout aliment doit avoir une certaine solidité; elle contribue seulement à la santé, comme nous venons de le dire, et l'odeur est à la santé ce que la saveur est à la nourriture.

Les organes des sens étant ainsi étudiés avec les objets spéciaux qu'ils perçoivent, nous pouvons nous poser sur la sensibilité quelques questions générales qui en épuiseront la théorie. Si tout corps était divisible à l'infini, on pourrait demander si les impressions que nous recevons des corps sont divisibles de la même manière; par exemple, celles que nous causent la couleur, la saveur, le son, le poids, le froid, le dur, etc. Ou bien cette division infinie des sensations est-elle impossible? Une première objection contre cette divisibilité infinie des corps, c'est que le corps, qui est sensible pour nous dans sa masse, se composerait alors de parties qui seraient imperceptibles pour nos sens, ce qui est impossible; car si l'organe ne les percevait pas, l'intelligence serait également hors d'état de les comprendre. Ce sont là des impossibilités, comme on l'a démontré dans le Traité du Mouvement. Les sensations que nous avons des objets sont toutes limitées; et par conséquent les parties des corps qui nous les donnent doivent l'être également. En acte, en réalité, nous ne percevons les particules des corps que quand elles ont certaines dimensions ; au-dessous d'une certaine limite, elles nous échappent, bien que nous les percevions aussi en puissance : ainsi le dièse, la partie la plus petite d'un son, n'est pas distinct pour nous, et cependant nous le percevons, puisque nous percevons le son entier, dont le dièse est une partie; de même la dix millième partie d'un grain échappe à notre vue, qui pourtant la perçoit, puisqu'elle perçoit le grain entier. Il faut donc distinguer ici, comme en tant d'autres questions , l'acte de la puissance. Pour comprendre d'ailleurs l'action des objets sur le milieu qui doit les transmettre jusqu'à nos sens, il faut admettre que les objets causent des mouvements dans cet intermédiaire, et que ces mouvements font impression sur nous suivant qu'1ls sont plus ou moins forts. Quand on est près d'un corps odorant, on le sent plus que si l'on s'en éloigne; le bruit n'arrive à l'oreille que longtemps après le coup qui l'a produit; on entend une personne parler quand on est près d'elle ; à distance, les articulations se déforment en quelque sorte, et notre oreille ne les distingue plus. En est-il de même pour la lumière, et met-elle un temps plus ou moins long pour venir du soleil jusqu'à nous, ainsi que l'a soutenu Empédocle? Cette opinion paraît fort rationnelle ; mais cependant elle n'est pas exacte. On peut soutenir la transmission successive et pour l'odeur et pour le son, qui sont certainement des mouvements; il est impossible d'en dire autant de la lumière : il semble plutôt que la lumière soit une modification d'une certaine espèce que le milieu éprouve simultanément, et c'est là ce qui fait croire qu'il n'y a pas pour elle de transmission successive.

Reste une dernière question sur la sensibilité. Peut-on percevoir plus d'une chose à la fois? peut-on avoir deux perceptions dans un seul et même instant indivisible? Il est d'abord certain qu'un plus fort mouvement en absorbe un plus faible, et qu'une sensation violente occupe notre attention de telle sorte que nous n'en percevons pas une moins vive. Il est certain également qu'on sent mieux une chose quand elle est simple que quand elle est mélangée; et ceci est vrai pour tous les sens et toutes les espèces de sensations. Il faut ajouter que certaines sensations ne peuvent en aucune façon se combiner, et ce sont celles qui s'adressent à des sens différents. Quelle unité pourraient former une couleur blanche et un son aigu? On ne peut pas sentir à la fois deux choses de ce genre ; car on ne peut pas même sentir à la fois deux choses qui s'adressent à un même sens. Dans ce dernier cas, si les mouvements des deux choses sont égaux, ils s'annulent réciproquement, et alors il n'y a pas de sensation; s'ils sont inégaux, c'est le plus fort tout seul qu'on sent, et alors on ne sent plus les deux choses. De plus, comme les contraires ne peuvent coexister dans un seul et même objet, et que les choses, en supposant qu'elles ne soient pas pareilles, se rapportent toujours de plus ou moins loin à un des contraires, il est impossible de sentir deux choses qui appartiennent à des contraires. Mais si l'on ne peut sentir à la fois des contraires qui sont dans un même genre, à plus forte raison ne peut-on sentir à la fois des analogues qui sont dans des genres différents : ainsi, par exemple, on ne peut sentir à la fois le blanc et le noir, qui sont les contraires dans la couleur; maison ne peut sentir davantage le blanc et le doux, qui sont des analogues, l'un dans la couleur, l'autre dans la saveur, genres qui sont différents. Il est vrai qu'on a prétendu résoudre la question en imputant ici à nos sens une sorte d'illusion dont nous serions dupes : les sons, dit-on, n'arrivent pas simultanément à notre oreille; seulement nous croyons qu'ils y arrivent ainsi parce que le temps qui les sépare est imperceptible pour nous. Mais c'est là une opinion insoutenable. Nous percevons les choses tout entières, et il n'y a pas dans le sentiment que nous éprouvons cette solution de continuité dont on parle. Seulement on peut dire que les choses ne nous paraissent pas toujours ce qu'elles sont; et c'est ainsi qu'on voit le soleil avec des dimensions qui ne sont certainement pas les siennes. Mais revenons à la question d'abord posée, à savoir si l'on peut percevoir plusieurs choses à la fois, c'est-à-dire dans une seule et même partie de l'âme et dans un temps indivisible. Il a été prouvé que l'âme perçoit toutes les sensations par une seule et même faculté, qui réunit les informations de tous les sens ; seulement cette faculté, tout en restant identique, change de manière d'être : c'est la même âme, mais autrement disposée; et ceci nous explique comment l'âme pourrait avoir à la fois plusieurs sensations différentes, malgré les objections que soulève cette théorie, et qui ont été exposées plus haut.

Telles sont les considérations que nous avions à présenter sur les organes des sens et les objets sensibles, pour compléter les théories du Traité de l'Ame. Il faut parler maintenant de la mémoire et de la réminiscence.

DE LA SENSATION DES CHOSES SENSIBLES.

CHAPITRE PREMIER.

Retour sur la répartition des facultés, telle qu'elle a été exposée dans le Traité de l'Ame. — Nouveaux détails : la veille et le sommeil, la jeunesse et la vieillesse, l'inspiration et l'expiration , la vie et la mort ; relation générale de la médecine à l'étude de la nature.Importance de la sensibilité ; elle est le caractère essentiel de l'animal. — Rôles des divers sens : comparaison de la vue et de l'ouïe ; les aveugles de naissance sont plus intelligents que les sourds-muets.

§ 1. Ἐπεὶ δὲ περὶ ψυχῆς καθ΄ αὑτὴν διώρισται πρότερον καὶ περὶ τῶν δυνάμεων ἑκάστης κατὰ μόριον αὐτῆς͵ ἐχόμενόν ἐστι ποιήσασθαι τὴν ἐπίσκεψιν περὶ τῶν ζῴων καὶ τῶν ζωὴν ἐχόντων ἁπάντων͵ τίνες εἰσὶν ἴδιαι καὶ τίνες κοιναὶ πράξεις αὐτῶν. Τὰ μὲν οὖν εἰρημένα περὶ ψυχῆς ὑποκείσθω͵ περὶ δὲ τῶν λοιπῶν λέγωμεν͵ καὶ πρῶτον περὶ τῶν πρώτων.

§ 2. Φαίνεται δὲ τὰ μέγιστα͵ καὶ τὰ κοινὰ καὶ τὰ ἴδια τῶν ζῴων͵ κοινὰ τῆς τε ψυχῆς ὄντα καὶ τοῦ σώματος͵ οἷον αἴσθησις καὶ μνήμη καὶ θυμὸς καὶ ἐπιθυμία καὶ ὅλως ὄρεξις͵ καὶ πρὸς τούτοις ἡδονὴ καὶ λύπη· καὶ γὰρ ταῦτα σχεδὸν ὑπάρχει πᾶσι τοῖς ζῴοις.

§ 3. Πρὸς δὲ τούτοις τὰ μὲν πάντων ἐστὶ τῶν μετεχόντων ζωῆς κοινά͵ τὰ δὲ τῶν ζῴων ἐνίοις. Τυγχάνουσι δὲ τούτων τὰ μέγιστα τέτταρες οὖσαι συζυγίαι τὸν ἀριθμόν͵ οἷον ἐγρήγορσις καὶ ὕπνος͵ καὶ νεότης καὶ γῆρας͵ καὶ ἀναπνοὴ καὶ ἐκπνοή͵ καὶ ζωὴ καὶ θάνατος·

§ 4. Περὶ ὧν θεωρητέον͵ τί τε ἕκαστον αὐτῶν͵ καὶ διὰ τίνας αἰτίας συμβαίνει.

§ 5. Φυσικοῦ δὲ καὶ περὶ ὑγιείας καὶ νόσου τὰς πρώτας ἰδεῖν ἀρχάς· οὔτε γὰρ ὑγίειαν οὔτε νόσον οἷόν τε γίγνεσθαι τοῖς ἐστερημένοις ζωῆς. Διὸ σχεδὸν τῶν περὶ φύσεως οἱ πλεῖστοι καὶ τῶν ἰατρῶν οἱ φιλοσοφωτέρως τὴν τέχνην μετιόντες͵ οἱ μὲν τελευτῶσιν εἰς τὰ περὶ ἰατρικῆς͵ [436b] οἱ δ΄ ἐκ τῶν περὶ φύσεως ἄρχονται [περὶ τῆς ἰατρικῆς]. § 6. Ὅτι δὲ πάντα τὰ λεχθέντα κοινὰ τῆς τε ψυχῆς ἐστὶ καὶ τοῦ σώματος͵ οὐκ ἄδηλον. Πάντα γὰρ τὰ μὲν μετ΄ αἰσθήσεως συμβαίνει͵ τὰ δὲ δι΄ αἰσθήσεως͵ ἔνια δὲ τὰ μὲν πάθη ταύτης ὄντα τυγχάνει͵ τὰ δ΄ ἕξεις͵ τὰ δὲ φυλακαὶ καὶ σωτηρίαι͵ τὰ δὲ φθοραὶ καὶ στερήσεις· ἡ δ΄ αἴσθησις ὅτι διὰ σώματος γίγνεται τῇ ψυχῇ͵ δῆλον καὶ διὰ τοῦ λόγου καὶ τοῦ λόγου χωρίς. § 7. Ἀλλὰ περὶ μὲν αἰσθήσεως καὶ τοῦ αἰσθάνεσθαι͵ τί ἐστι καὶ διὰ τί συμβαίνει τοῖς ζῴοις τοῦτο τὸ πάθος͵ εἴρηται πρότερον ἐν τοῖς περὶ ψυχῆς. § 8. Τοῖς δὲ ζῴοις͵ ᾗ μὲν ζῷον ἕκαστον͵ ἀνάγκη ὑπάρχειν αἴσθησιν· τούτῳ γὰρ τὸ ζῷον εἶναι καὶ μὴ ζῷον διορίζομεν. Ἰδίᾳ δ΄ ἤδη καθ΄ ἕκαστον ἡ μὲν ἁφὴ καὶ γεῦσις ἀκολουθεῖ πᾶσιν ἐξ ἀνάγκης͵ ἡ μὲν ἁφὴ διὰ τὴν εἰρημένην αἰτίαν ἐν τοῖς περὶ ψυχῆς͵ ἡ δὲ γεῦσις διὰ τὴν τροφήν· τὸ γὰρ ἡδὺ διακρίνει καὶ τὸ λυπηρὸν αὐτῇ περὶ τὴν τροφήν͵ ὥστε τὸ μὲν φεύγειν τὸ δὲ διώκειν͵ καὶ ὅλως ὁ χυμός ἐστι τοῦ θρεπτικοῦ πάθος. § 9. Αἱ δὲ διὰ τῶν ἔξωθεν αἰσθήσεις τοῖς πορευτικοῖς αὐτῶν͵ οἷον ὄσφρησις καὶ ἀκοὴ καὶ ὄψις͵ πᾶσι μὲν τοῖς ἔχουσι σωτηρίας ἕνεκεν ὑπάρχουσιν͵ ὅπως διώκωσί τε προαισθανόμενα τὴν τροφὴν καὶ τὰ φαῦλα καὶ τὰ φθαρτικὰ [437a] φεύγωσι͵ τοῖς δὲ καὶ φρονήσεως τυγχάνουσι τοῦ εὖ ἕνεκα· πολλὰς γὰρ εἰσαγγέλλουσι διαφοράς͵ ἐξ ὧν ἥ τε τῶν νοητῶν ἐγγίνεται φρόνησις καὶ ἡ τῶν πρακτῶν. § 10. Αὐτῶν δὲ τούτων πρὸς μὲν τὰ ἀναγκαῖα κρείττων ἡ ὄψις καθ΄ αὑτήν͵ πρὸς δὲ νοῦν κατὰ συμβεβηκὸς ἡ ἀκοή. Διαφορὰς μὲν γὰρ πολλὰς καὶ παντοδαπὰς ἡ τῆς ὄψεως εἰσαγγέλλει δύναμις διὰ τὸ πάντα τὰ σώματα μετέχειν χρώματος͵ ὥστε καὶ τὰ κοινὰ διὰ ταύτης αἰσθάνεσθαι μάλιστα (λέγω δὲ κοινὰ μέγεθος͵ σχῆμα͵ κίνησιν͵ ἀριθμόν)͵ ἡ δ΄ ἀκοὴ τὰς τοῦ ψόφου διαφορὰς μόνον͵ ὀλίγοις δὲ καὶ τὰς τῆς φωνῆς· κατὰ συμβεβηκὸς δὲ πρὸς φρόνησιν ἡ ἀκοὴ πλεῖστον συμβάλλεται μέρος. Ὁ γὰρ λόγος αἴτιός ἐστι τῆς μαθήσεως ἀκουστὸς ὤν͵ οὐ καθ΄ αὑτὸν ἀλλὰ κατὰ συμβεβηκός· ἐξ ὀνομάτων γὰρ σύγκειται͵ τῶν δ΄ ὀνομάτων ἕκαστον σύμβολόν ἐστιν.

§ 11. Διόπερ φρονιμώτεροι τῶν ἐκ γενετῆς ἐστερημένων εἰσὶν ἑκατέρας τῆς αἰσθήσεως οἱ τυφλοὶ τῶν ἐνεῶν καὶ κωφῶν.

§ 12. Περὶ μὲν οὖν τῆς δυνάμεως ἣν ἔχει τῶν αἰσθήσεων ἑκάστη͵ πρότερον εἴρηται.

§ 1. Nous avons antérieurement étudié l'âme en elle-même, et les facultés que possèdent chacune des parties qui la composent; c'est continuer le même sujet que de rechercher dans les animaux, et même dans tous les êtres qui jouissent de la vie, quelles sont les fonctions qui sont spéciales et celles qui sont communes. Supposons donc connu tout ce qui a été dit de l'âme, et parlons ici du reste en commençant par les choses principales.

§ 2. Les facultés les plus importantes, tant celles qui sont communes que celles qui sont spéciales dans les animaux, paraissent appartenir en commun à l'âme et au corps : par exemple la sensibilité, la mémoire, la passion, le désir, et en général l'appétit; et l'on y peut ajouter le plaisir et la peine. La plupart des animaux possèdent ces facultés.

§ 3. En outre, il y a d'autres fonctions, dont les unes appartiennent communément à tous les êtres qui jouissent de la vie, et dont les autres ne sont accordées qu'à quelques-uns des animaux. Les plus essentielles, qui seules forment quatre couples où elles sont réunies deux à deux, sont : la veille et le sommeil, la jeunesse et la vieillesse, l'inspiration et l'expiration, enfin la vie et la mort.

§ 4. Nous analyserons chacun de ces phénomènes, et nous verrons ce qu'ils sont et quelles causes les produisent.

§ 5. Il appartient encore au naturaliste de rechercher quels sont les premiers principes de la santé et de la maladie , puisque la santé et la maladie ne sauraient s'appliquer à des êtres privés de la vie. Aussi la plupart de ceux qui s'occupent de la nature, et, parmi les médecins, ceux qui comprennent le plus philosophiquement leur art, arrivent, d'une part, de l'étude de la nature à la médecine, qui l'achève; et d'autre part, [436b] commencent les études médicales par l'étude de la nature. § 6. Les fonctions énoncées plus haut sont évidemment communes au corps et à l'âme; et ce qui le prouve, c'est que toutes se manifestent, soit en même temps que la sensation, soit à la suite de la sensation. Quelques- unes ne sont que des modifications de la sensibilité et de ses manières d'être; d'antres en sont la garantie et l'exercice régulier ; les antres, au contraire, en sont la perte et la privation. Or, s'il est quelque chose d'évident, c'est que la sensation n'arrive à l'âme que par le corps; et l'on peut s'en convaincre à la fois, et par le raisonnement, et sans le raisonnement. § 7. Mais nous avons déjà dit, dans le Traité de l'Ame, ce que c'est que la sensation et ce que c'est que sentir; et nous y avons expliqué le rôle que joue cette faculté dans les animaux. Tout animal doit de tonte nécessité, en tant qu'animal, être doué de sensibilité ; car c'est par ce caractère que nous avons essentiellement distingué ce qui est animal de ce qui n'est point animal. § 8. Tous les animaux spécialement, et chacun comme tel, possèdent nécessairement les deux sens du toucher et du goût : le toucher, par la raison qui a été exposée dans le Traité de l'Ame; et le goût, en vue de l'alimentation. C'est ce sens, en effet, qui discerne dans les aliments ce qui plaît et ce qui est désagréable, afin que l'animal fuie l'un et recherche l'antre; et, en général, la saveur est l'affection propre de la partie de l'âme qui a le sens du goût. § 9. Les sensations provoquées par les choses extérieures, dans ceux des animaux qui sont doués de mouvement, et, par exemple, celles de l'odorat, de l'ouïe et de la vue, sont données à tous ceux qui en jouissent pour assurer leur conservation. Grâce à elles, après avoir senti préalablement leur nourriture, ils la recherchent; [437a] et ils fuient ce qui leur semble mauvais et dangereux. Mais dans les animaux qui sont doués en outre de la réflexion, ces facultés ont pour but d'assurer leur bien-être; elles leur apprennent à distinguer dans les choses une multitude de différences, qui leur fournissent la connaissance, et des choses que leur intelligence peut penser, et de celles qu'ils doivent faire. §10. De toutes ces facultés, la plus importante pour les besoins de l'animal, ainsi qu'en elle-même, c'est la vue; mais pour l'intelligence, bien qu'indirectement, c'est l'ouïe. Ainsi la faculté de la vue nous révèle dans les choses les différences les plus nombreuses et les plus variées ; car tous les corps, sans exception, ont couleur. Par suite, c'est surtout la vue qui nous en fait percevoir les propriétés communes ; j'appelle propriétés communes, la figure, la grandeur, le mouvement, le repos, le nombre. Au contraire, l'ouïe ne fournit, en général, que les différences du son ; et, pour quelques êtres, elle fournit aussi les différences de la voix. Mais indirectement , c'est l'ouïe qui rend les plus grands services à la pensée, puisque c'est le langage qui est cause que l'homme s'instruit, et que le langage est perçu par l'ouïe, non pas, il est vrai, en lui-même, mais indirectement. C'est que le langage se compose de mots, et que les mots ne sont jamais que des signes. § 11. Voilà bien pourquoi, parmi les hommes qui de naissance manquent de l'un de ces sens, les aveugles-nés sont plus intelligents que les sourds-muets.

§ 12 . Du reste, on a traité antérieurement des avantages spéciaux de chacun des sens.




 


 

§ * Le titre de ce traité n'est pas le même dans tons les manuscrits. Quelques-uns le donnent ainsi : « Des Organes des sens et des choses cibles. » J'ai suivi la leçon la plus ordinaire , qui a pour elle l'autorité d'Alexandre d'Aphrodise. Quelques commentateurs ont préféré l'autre ; et je citerai parmi eux Simon Simoni, qui a fait sur ce petit traité un travail spécial très-estimable , Genève , 1566 , in-folio.
 

§ 1. Antérieurement , dans le Traité de l'Ame , que tous ces opuscules ont pour but de compléter.

Dans tous les êtres qui jouissent de la vie, Aristote accorde la vie aux plantes comme aux animaux, parce qu'elles ont la faculté nutritive. Traité de l'Ame, livre II, chap. ii,

S 3. --- Spéciales.... communes, soit aux animaux , soit aux plantes : le texte a toute cette portée ; mais Aristote s'occupera exclusivement des animaux dans ce traité et dans les suivants; il n'y sera plus question des plantes, parce qu'il ne doit plus s'occuper de la nutrition.

-- En commençant par les choses principales, le texte dit mot à mot : « Premièrement par les choses premières. » J'ai repoussé cette traduction littérale , parce qu'elle me semble un peu obscure.

§ 4. Communes.... spéciales. Ces expressions semblent avoir moins d'extension que dans le paragraphe précédent. Il ne s'agit plus ici que des animaux , et non pas en général des êtres qui jouissent de la vie. Tous les animaux n'ont pas toutes les facultés. Quelques-unes sont communes à tous sans exception; d'autres sont spéciales à certaines espèces. --- En commun et l'âne et au corps. Voir le Traité de l'Aine , I , i, 9 et suiv.

--- La plupart des animaux. Cette restriction confirme l'explication qui vient d'être donnée dans ce paragraphe des mots « communes, spéciales, » employés un peu plus haut.

§ 3. D'autres fonctions, Aristote se sert ici, comme plus haut, d'un pluriel neutre; j'ai dû ajouter un substantif qu'il ne donne pas. Il en résulte que son expression est plus vague, et par conséquent plus générale que celle de la traduction. Le sommeil et la veille, la respiration, sont bien des fonctions; mais ce terme ne convient plus très-bien à la jeunesse et à la vieillesse, à la vie et à la mort, qui ne sont plus, à proprement parler, des fonctions, et qui sont de simples phénomènes.  Mais si le terme de phénomènes s'appliquait à ces dernières idées, il ne convenait plus aux premières : tout considéré, j'ai préféré celui de fonctions.

Communément à tous les êtres qui jouissent de la vie. II faut entendre qu'Aristote veut parler de fonctions autres que celles qu'il vient de nommer un peu plus haut; car alors ce serait lui faire attribuer même aux plantes le sommeil, la respiration, etc. La 'veille et le sommeil, la jeunesse, etc. Cette énumération prépare les traités qui vont suivre celui-ci, et donne à peu prés l'ordre dans lequel ils doivent se succéder.

-- La vie et la mort. Dans le Traité de la Longévité , ch. 1, § 4, Aristote semble promettre un ouvrage spécial sous ce titre.

§ 4. Nous analyserons, dans les traités qui suivront.

-- Phénomènes. On a pu prendre ici ce mot, après l'énumération qu'Aristote vient de faire.

§ 5. De la santé et de la maladie. Voir dans le Traité de la Respiration, ch. xxii, § 9, les mêmes idées et presque les mêmes expressions. Aristote. semble encore promettre un traité spécial sur la santé et la maladie, Traité de la Longévité, ch. 2, § 4 , en ne comptant d'ailleurs s'occuper de ce sujet a qu'autant que le comporte la philosophie de la nature. » Alexandre d'Aphrodise semble douter qu'Aristote ait jamais publié un ouvrage spécial sur la Santé et la Maladie.--I1 est probable qu'ici Aristote a en vue les travaux d'Hippocrate. C'est aussi sans doute de cette opinion du philosophe qu'est venu plus tard cet axiome : « Ubi desinit physicus,ibi incipit medicus. »

§ 7. Dans le Traité de l'Ame, passuim , mais spécialement II , ii , 4 ; II , v, 1 ; I , xii , 1, etc.

-- Nous avons essentiellement distingué, Traité de Jl'Ame, II, ii, 4.

§ 8. Exposée dans le Traité de l'Ame, III, xii, 8, et II, ii, 5 et il; II, iii, 2, 7 ; III, xiii, 1 et 2.

Le goût en vue de l'alimentation. La même théorie se retrouve dans le Traité de l'Ame, III , xii , 7. D'autres fois , c'est le sens du toucher qu'Aristote reconnait pour le sens de l'alimentation , ch., II , iii , 8. Il est vrai qu'il fait toujours du goût une sorte de toucher, II, x , I ; III , xii, 7.

 --. Qui a le sens du goût. Telle est la leçon que propose Alexandre d'Aphrodise , et que donnent aussi deux manuscrits par l'édition de Berlin. Je n'ai pas hésité à l'adopter, en ce qu'elle rend la pensée plus directe et plus claire. Les commentateurs, tels que saint Thomas, et, plus tard, Nic. Leonicus Thomeus et Simon Simoni , la rappelèrent sans l'accepter. la leçon ordinaire est : «La saveur; est l'affection propre de la partie nutritive de l'âme. » Il est certain qu'Aristote n'a point admis dans l'âme une partie à laquelle il ait attribué spécialement la fonction du goût , tandis qu'il y admet, au contraire, la partie nutritive. Néanmoins je crois la variante d'Alexandre d'Aphrodise préférable , sans condamner aussi formellement que lui celle qu'il repousse , et qu'on peut aussi adopter: le sens en est satisfaisant,

§ 9. Pour assurer leur conservation.... assurer leur bien-être. Voir clans le Traité de l'Ame , III , xi , 3, une pensée toute pareille.

§ 10. C'est la vue. Voir la théorie de la vision, Traité de l'Ame, II , vii , 1, et son usage, III , xiii, 3. Aristote .reconnaît aussi que la vue est le principal de nos sens , III, 14. Il faut se rappeler encore le bel éloge qu'il en fait au début de la Métaphysique..

Bien qu'indirectement. Ceci est expliqué à la fin même de ce paragraphe.

--- Les propriétés communes. Voir Traité de l'Ame, II, vii, 3; III, i, 5.

--- Les différences du son, qui peut venir aussi de choses inanimées.

 -- Elle fournit aussi, Alexandre retranchait le mot « aussi. » indirectement, c'est l'ouïe. L'ouïe ne reçoit directement que les sons articulés ; c'est l'entendement seul qui comprend ce que ces sons signifient.

-- Le langage qui est cause que l'homme s'instruit , et peut instruire les autres. Voir la dernière phrase du Traité de l'Ame.

Mais indirectement, ou « accidentellement, » pour prendre l'expression péripatéticienne, qu'Aristote a encore employée plus haut.

Les mots ne sont jamais que des signes. Voir une expression toute semblable, Herméneia, ch. i, § 2. C'est peut-être à ce paragraphe que se rapporte la citation du Traité de l'Aine faite dans l'Herméneia, ch. x, § 4.

--- Les aveugles-nés sont plus intelligents. C'est que l'homme apprend plus de l'homme que de la nature ; c'est que, dans le premier cas, l'individu a pour lui les travaux même de la société dans laquelle il vit et de celle qui l'a précédé; dans l'autre, il est réduit à ses seules forces personnelles. On sait combien la remarque d'Aristote est vraie; c'est peut-être la première fois qu'elle a été faite.

§ 11. Antérieurement, dans le second livre du Traité de l'Ame.

 

CHAPITRE II.

Rapports possibles des sens aux éléments. Explication du phénomène qui se passe dans les yeux et de la lumière qu'on y voit quand on se les frotte : la vue n'est pas de feu comme l'ont dit Empédocle et limée ; elle est d'eau comme l'a fort bien compris Démocrite, qui s'est d'ailleurs trompé sur la théorie des images. Effet de quelques blessures sur les yeux. — L'ouïe Se rapporte à l'air; l'odorat, au feu; le toucher et le goût se rapportent à la terre.

 § 1. Τοῦ δὲ σώματος ἐν οἷς ἐγγίγνεσθαι πέφυκεν αἰσθητηρίοις͵ ἔνιοι μὲν ζητοῦσι κατὰ τὰ στοιχεῖα τῶν σωμάτων· οὐκ εὐποροῦντες δὲ πρὸς τέτταρα πέντ΄ οὔσας συνάγειν͵ γλίχονται περὶ τῆς πέμπτης. § 2. Ποιοῦσι δὲ πάντες τὴν ὄψιν πυρὸς διὰ τὸ πάθους τινὸς ἀγνοεῖν τὴν αἰτίαν· θλιβομένου γὰρ καὶ κινουμένου τοῦ ὀφθαλμοῦ φαίνεται πῦρ ἐκλάμπειν· τοῦτο δ΄ ἐν τῷ σκότει πέφυκε συμβαίνειν͵ ἢ τῶν βλεφάρων ἐπικεκαλυμμένων· γίγνεται γὰρ καὶ τότε σκότος. Ἔχει δ΄ ἀπορίαν τοῦτο καὶ ἑτέραν. Εἰ γὰρ μὴ ἔστι λανθάνειν μὴ αἰσθανόμενον καὶ ὁρῶντα͵ ἀνάγκη ἄρ΄ αὐτὸν ἑαυτὸν ὁρᾶν τὸν ὀφθαλμόν. Διὰ τί οὖν ἠρεμοῦντι τοῦτ΄ οὐ συμβαίνει; § 3. Τὸ δ΄ αἴτιον τούτου͵ καὶ τῆς ἀπορίας καὶ τοῦ δοκεῖν πῦρ εἶναι τὴν ὄψιν͵ ἐντεῦθεν ληπτέον. Τὰ γὰρ λεῖα πέφυκεν ἐν τῷ σκότει λάμπειν͵ οὐ μέντοι φῶς γε ποιεῖν͵ τοῦ δ΄ ὀφθαλμοῦ [437b] τὸ καλούμενον μέλαν καὶ μέσον λεῖον. Φαίνεται δὲ τοῦτο κινουμένου τοῦ ὄμματος διὰ τὸ συμβαίνειν ὥσπερ δύο γίγνεσθαι τὸ ἕν. Τοῦτο δ΄ ἡ ταχυτὴς ποιεῖ τῆς κινήσεως͵ ὥστε δοκεῖν ἕτερον εἶναι τὸ ὁρῶν καὶ τὸ ὁρώμενον. Διὸ καὶ οὐ γίγνεται͵ ἐὰν μὴ ταχέως καὶ ἐν σκότει τοῦτο συμβῇ· τὸ γὰρ λεῖον ἐν τῷ σκότει πέφυκε λάμπειν (οἷον κεφαλαὶ ἰχθύων τινῶν καὶ ὁ τῆς σηπίας θολός)͵ καὶ βραδέως μεταβάλλοντος τοῦ ὄμματος οὐ συμβαίνει ὥστε δοκεῖν ἅμα ἓν καὶ δύο εἶναι τό θ΄ ὁρῶν καὶ τὸ ὁρώμενον. Ἐκείνως δ΄ αὐτὸς αὑτὸν ὁρᾷ ὁ ὀφθαλμός͵ ὥσπερ καὶ ἐν τῇ ἀνακλάσει·

§ 4. Ἐπεὶ εἴ γε πῦρ ἦν͵ καθάπερ Ἐμπεδοκλῆς φησὶ καὶ ἐν τῷ Τιμαίῳ γέγραπται͵ καὶ συνέβαινε τὸ ὁρᾶν ἐξιόντος ὥσπερ ἐκ λαμπτῆρος τοῦ φωτός͵ διὰ τί οὐ καὶ ἐν τῷ σκότει ἑώρα ἂν ἡ ὄψις; τὸ δ΄ ἀποσβέννυσθαι φάναι ἐν τῷ σκότει ἐξιοῦσαν͵ ὥσπερ ὁ Τίμαιος λέγει͵ κενόν ἐστι παντελῶς· τίς γὰρ ἀπόσβεσις φωτός ἐστιν; σβέννυται γὰρ ἢ ὑγρῷ ἢ ψυχρῷ τὸ θερμὸν καὶ ξηρόν (οἷον δοκεῖ τό τ΄ ἐν τοῖς ἀνθρακώδεσιν εἶναι πῦρ καὶ ἡ φλόξ)͵ ὧν τῷ φωτὶ οὐδέτερον φαίνεται ὑπάρχον. Εἰ δ΄ ἄρα ὑπάρχει μὲν ἀλλὰ διὰ τὸ ἠρέμα λανθάνει ἡμᾶς͵ ἔδει μεθ΄ ἡμέραν γε καὶ ἐν τῷ ὕδατι ἀποσβέννυσθαι τὸ φῶς καὶ ἐν τοῖς πάγοις μᾶλλον γίγνεσθαι σκότον· ἡ γοῦν φλὸξ καὶ τὰ πεπυρωμένα σώματα πάσχει τοῦτο· νῦν δ΄ οὐδὲν συμβαίνει τοιοῦτον. § 5. Ἐμπεδοκλῆς δ΄ ἔοικε νομίζοντι ὁτὲ μὲν ἐξιόντος τοῦ φωτός͵ ὥσπερ εἴρηται πρότερον͵ βλέπειν· λέγει γοῦν οὕτως·

ὡς δ΄ ὅτε τις πρόοδον νοέων ὡπλίσσατο λύχνον
χειμερίην διὰ νύκατα͵ πυρὸς σέλας αἰθομένοιο͵
ἅψας παντοίων ἀνέμων λαμπτῆρας ἀμοργούς͵
οἵ τ΄ ἀνέμων μὲν πνεῦμα διασκιδνᾶσιν ἀέντων͵
πῦρ δ΄ ἔξω διαθρῷσκον͵ ὅσον ταναώτερον ἦεν͵
λάμπεσκεν κατὰ βηλὸν ἀτειρέσιν ἀκτίνεσσιν·
ὣς δὲ τότ΄ ἐν μήνιγξιν ἐεργμένον ὠγύγιον πῦρ
[438a] λεπτῇσιν τ΄ ὀθόνῃσι λοχεύσατο κύκλοπα κούρην·
αἳ χοάνῃσι δίαντα τετρήατο θεσπεσίῃσιν·
αἱ δ΄ ὕδατος μὲν βένθος ἀπέστεγον ἀμφιναέντος͵
 πῦρ δ΄ ἔξω διίεσκον͵ ὅσον ταναώτερον ἦεν.

Ὁτὲ μὲν οὖν οὕτως ὁρᾶν φησίν͵ ὁτὲ δὲ ταῖς ἀποῤῥοίαις ταῖς ἀπὸ τῶν ὁρωμένων.

§ 6. Δημόκριτος δ΄ ὅτι μὲν ὕδωρ εἶναί φησι͵ λέγει καλῶς͵ ὅτι δ΄ οἴεται τὸ ὁρᾶν εἶναι τὴν ἔμφασιν͵ οὐ καλῶς· τοῦτο μὲν γὰρ συμβαίνει ὅτι τὸ ὄμμα λεῖον͵ καὶ ἔστιν οὐκ ἐν ἐκείνῳ ἀλλ΄ ἐν τῷ ὁρῶντι· ἀνάκλασις γὰρ τὸ πάθος͵ ἀλλὰ καθόλου περὶ τῶν ἐμφαινομένων καὶ ἀνακλάσεως οὐδέν πω δῆλον ἦν͵ ὡς ἔοικεν. Ἄτοπον δὲ καὶ τὸ μὴ ἐπελθεῖν αὐτῷ ἀπορῆσαι διὰ τί ὁ ὀφθαλμὸς ὁρᾷ μόνον͵ τῶν δ΄ ἄλλων οὐδὲν ἐν οἷς ἐμφαίνεται τὰ εἴδωλα.

§ 7. Τὸ μὲν οὖν τὴν ὄψιν εἶναι ὕδατος ἀληθὲς μέν͵ οὐ μέντοι συμβαίνει τὸ ὁρᾶν ᾗ ὕδωρ ἀλλ΄ ᾗ διαφανές· ὃ καὶ ἐπὶ τοῦ ἀέρος κοινόν ἐστιν. Ἀλλ΄ εὐφυλακτότερον καὶ εὐπιλητότερον τὸ ὕδωρ τοῦ ἀέρος· διόπερ ἡ κόρη καὶ τὸ ὄμμα ὕδατός ἐστιν. Τοῦτο δὲ καὶ ἐπ΄ αὐτῶν τῶν ἔργων δῆλον· φαίνεται γὰρ ὕδωρ τὸ ἐκρέον διαφθειρομένων͵ καὶ ἔν γε τοῖς πάμπαν ἐμβρύοις τῇ ψυχρότητι ὑπερβάλλον καὶ τῇ λαμπρότητι͵ καὶ τὸ λευκὸν τοῦ ὄμματος ἐν τοῖς ἔχουσιν αἷμα πῖον καὶ λιπαρόν· ὅπερ διὰ τοῦτ΄ ἐστί͵ πρὸς τὸ διαμένειν τὸ ὑγρὸν ἄπηκτον͵ καὶ διὰ τοῦτο τοῦ σώματος ἀῤῥιγότατον ὁ ὀφθαλμός ἐστιν· οὐδεὶς γάρ πω τὸ ἐντὸς τῶν βλεφάρων ἐῤῥίγωσεν. Τῶν δ΄ ἀναίμων σκληρόδερμοι οἱ ὀφθαλμοί εἰσι͵ καὶ τοῦτο ποιεῖ τὴν σκέπην.

§ 8. Ἄλογον δὲ ὅλως τὸ ἐξιόντι τινὶ τὴν ὄψιν ὁρᾶν͵ καὶ ἀποτείνεσθαι μέχρι τῶν ἄστρων͵ ἢ μέχρι τινὸς ἐξιοῦσαν συμφύεσθαι͵ καθάπερ λέγουσί τινες. Τούτου μὲν γὰρ βέλτιον τὸ ἐν τῇ ἀρχῇ συμφύεσθαι τοῦ ὄμματος. Ἀλλὰ καὶ τοῦτο εὔηθες· τό τε γὰρ συμφύεσθαι τί ἐστι φωτὶ πρὸς φῶς͵ ἢ πῶς οἷόν θ΄ ὑπάρχειν (οὐ γὰρ τῷ [438b] τυχόντι συμφύεται τὸ τυχόν)͵ τό τ΄ ἐντὸς τῷ ἐκτὸς πῶς; ἡ γὰρ μῆνιγξ μεταξύ ἐστιν.

§ 9. Περὶ μὲν οὖν τοῦ ἄνευ φωτὸς μὴ ὁρᾶν εἴρηται ἐν ἄλλοις· ἀλλ΄ εἴτε φῶς εἴτ΄ ἀήρ ἐστι τὸ μεταξὺ τοῦ ὁρωμένου καὶ τοῦ ὄμματος͵ ἡ διὰ τούτου κίνησίς ἐστιν ἡ ποιοῦσα τὸ ὁρᾶν. § 10. Καὶ εὐλόγως τὸ ἐντός ἐστιν ὕδατος· διαφανὲς γὰρ τὸ ὕδωρ͵ ὁρᾶται δὲ ὥσπερ καὶ ἔξω οὐκ ἄνευ φωτός͵ οὕτως καὶ ἐντός· διαφανὲς ἄρα δεῖ εἶναι· ἀνάγκη ἄρα ὕδωρ εἶναι͵ ἐπειδὴ οὐκ ἀήρ. Οὐ γὰρ ἐπὶ ἐσχάτου τοῦ ὄμματος ἡ ψυχὴ ἢ τῆς ψυχῆς τὸ αἰσθητικόν ἐστιν͵ ἀλλὰ δῆλον ὅτι ἐντός· διόπερ ἀνάγκη διαφανὲς εἶναι καὶ δεκτικὸν φωτὸς τὸ ἐντὸς τοῦ ὄμματος. Καὶ τοῦτο καὶ ἐπὶ τῶν συμβαινόντων δῆλον· ἤδη γάρ τισι πληγεῖσιν ἐν πολέμῳ παρὰ τὸν κρόταφον οὕτως ὥστ΄ ἀποτμηθῆναι τοὺς πόρους τοῦ ὄμματος ἔδοξε γενέσθαι σκότος ὥσπερ λύχνου ἀποσβεσθέντος͵ διὰ τὸ οἷον λαμπτῆρά τινα ἀποτμηθῆναι τὸ διαφανές͵ τὴν καλουμένην κόρην.

§ 11. Ὥστ΄ εἴπερ ἐπὶ τούτων συμβαίνει καθάπερ λέγομεν͵ φανερὸν ὡς εἰ δεῖ τοῦτον τὸν τρόπον ἀποδιδόναι καὶ προσάπτειν ἕκαστον τῶν αἰσθητηρίων ἑνὶ τῶν στοιχείων͵ τοῦ μὲν ὄμματος τὸ ὁρατικὸν ὕδατος ὑποληπτέον͵ ἀέρος δὲ τὸ τῶν ψόφων αἰσθητικόν͵ πυρὸς δὲ τὴν ὄσφρησιν § 12. (ὃ γὰρ ἐνεργείᾳ ἡ ὄσφρησις͵ τοῦτο δυνάμει τὸ ὀσφραντικόν· τὸ γὰρ αἰσθητὸν ἐνεργεῖν ποιεῖ τὴν αἴ σθησιν͵ ὥσθ΄ ὑπάρχειν ἀναγκαῖον αὐτὴν δυνάμει πρότερον. Ἡ δ΄ ὀσμὴ καπνώδης τίς ἐστιν ἀναθυμίασις͵ ἡ δ΄ ἀναθυμίασις ἡ καπνώδης ἐκ πυρός. Διὸ καὶ τῷ περὶ τὸν ἐγκέφαλον τόπῳ τὸ τῆς ὀσφρήσεως αἰσθητήριόν ἐστιν ἴδιον· δυνάμει γὰρ θερμὴ ἡ τοῦ ψυχροῦ ὕλη ἐστίν. Καὶ ἡ τοῦ ὄμμα τος γένεσις τὸν αὐτὸν ἔχει τρόπον· ἀπὸ τοῦ ἐγκεφάλου γὰρ συνέστηκεν· οὗτος γὰρ ὑγρότατος καὶ ψυχρότατος τῶν ἐν τῷ σώματι μορίων ἐστίν). § 13. Τὸ δ΄ ἁπτικὸν γῆς͵ τὸ δὲ [439a] γευστικὸν εἶδός τι ἁφῆς ἐστίν. Καὶ διὰ τοῦτο πρὸς τῇ καρδίᾳ τὸ αἰσθητήριον αὐτῶν͵ τῆς γεύσεως καὶ τῆς ἁφῆς· ἀντίκειται γὰρ τῷ ἐγκεφάλῳ αὕτη͵ καὶ ἔστι θερμότατον τῶν μορίων.

§ 14. Καὶ περὶ μὲν τῶν αἰσθητικῶν τοῦ σώματος μορίων ἔστω τοῦτον τὸν τρόπον διωρισμένα.

§ 1. Pour savoir précisément quel est le corps qui agit naturellement dans chacun des organes, on a cherché quelquefois des analogies dans les éléments des corps. Mais comme il n'est pas facile de comparer les cinq sens aux éléments, qui ne sont que quatre, on a été conduit à imaginer un cinquième élément. § 2. On s'accorde unanimement à rapporter la vue au feu, et cela tient à ce qu'on ignore la vraie cause du phénomène suivant : lorsqu'on se presse l'œil et qu'on le frotte, il semble qu'il en sorte du feu et des étincelles. Cette apparence se produit surtout dans les ténèbres, ou bien lorsque l'on ferme les paupières, parce que de cette façon aussi l'on se met dans l'obscurité. Ce phénomène d'ailleurs soulève encore une autre question : s'il est impossible, en effet, d'ignorer qu'on sent et qu'on voit ce qu'on voit, il s'ensuit nécessairement que l'œil se voit lui-même. Or, pourquoi cette sensation n'a-t-elle pas lieu quand on laisse l'œil en repos? § 3. L'explication de ce phénomène résoudra à la fois le doute qu'on élève et cette hypothèse qui veut que la vue soit de feu. Voici donc comment on peut l'expliquer : les corps lisses brillent naturellement dans l'obscurité , sans pourtant produire de lumière; or, [437b] ce qu'on appelle le milieu et le noir de l'œil paraît être lisse. Mais ce qui fait voir du feu quand l'œil est frotté, c'est qu'il arrive alors, on peut dire, que ce qui est un devient deux. La rapidité du mouvement fait que ce qui voit et ce qui est vu paraissent différents. Aussi le phénomène n'a-t-il pas lieu si l'on ne frotte pas l'œil très- vite, et s'il n'est pas dans l'obscurité; car, je le répète, les corps lisses brillent naturellement dans l'obscurité; et, par exemple, les têtes de quelques poissons et le fiel de la seiche. Quand on frotte l'œil lentement, la sensation ne se produit pas de manière à faire croire que ce qui voit et ce qui est vu soient tout à la fois deux choses et une seule; et c'est ainsi que l'œil se voit lui- même, tout comme il lui arrive également de se voir dans un miroir qui le réfléchit.

§ 4. Si l'œil était de feu, ainsi qu'Empédocle l'assure, et ainsi qu'on l'avance dans le Timée; si la vision se produisait parce que la lumière sort de l'œil comme elle sort d'une lanterne, pourquoi la vue ne verrait-elle pas aussi dans les ténèbres? Prétendre qu'elle s'éteint dans l'obscurité après être sortie de l'œil, comme le soutient Timée, c'est une assertion parfaitement vaine. Qu'entend-on, en effet, quand on dit que la lumière s'éteint ? Le chaud et le sec sont éteints par l'humide et par le froid, comme on l'observe pour le feu et la flamme dans les corps en ignition. Mais ni l'un ni l'autre de ces deux éléments ne se rencontre dans la lumière; ou du moins, s'ils y sont, et qu'ils nous échappent, parce qu'ils y sont en quantité inappréciable, il faudrait alors que la lumière s'éteignît après le jour et dans l'eau, et que l'obscurité se produisît plus forte dans les temps de gelée. Si donc la flamme et tous les corps ignés subissent ces effets, pour la lumière il n'y y a rien de pareil. § 5. Empédocle a si bien cru que la vision a lieu quand la lumière sort de l'œil, ainsi qu'on vient de le dire, que voici les expressions dont il se sert:

« De même que quand on veut sortir, on se munit d'une lampe,

« Éclair du feu brillant, dans une nuit d'hiver,

« Et qu'on allume la lanterne, qui peut braver tous les vents divers,

« Et repousser leur souffle changeant;

« La lumière, qui se projette au dehors d'autant plus loin qu'elle est plus forte,

« Éclate en jets de rayons éblouissants ;

« De même le feu dès longtemps renfermé dans les membranes,

[438a] « Se répand par ces tuniques légères dans la pupille ronde ;

« Mais ces tuniques voilent l'épaisseur de l'eau qui les inonde,

« Et le feu qui sort de l'œil s'étend d'autant plus loin. »

C'est ainsi que parfois Empédocle explique la vision; ailleurs, il soutient qu'elle est produite par les émanations des objets qu'on voit.

§ 6. Démocrite a raison quand il dit que la vue est de l'eau; mais il se trompe quand il croit que la vision û'est que l'image de l'objet. L'image se produit parce que l'œil est lisse; mais la vue ne consiste pas dans cette propriété de l'œil; elle est uniquement dans l'être qui voit, et le phénomène signalé par Démocrite n'est qu'un effet de réflexion. Mais la théorie générale des images et de la réflexion n'était pas encore bien comprise au temps de Démocrite, à ce qu'il semble. Il est étrange aussi qu'il n'ait pas poussé plus loin qu'il ne l'a fait, et qu'il ne se soit pas demandé pourquoi l'œil est seul à voir. tandis qu'aucun des autres corps où se forment également des images ne peut voir comme lui.

§ 7. Que la vue soit de l'eau, c'est donc là un point qui est vrai ; mais il n'est pas vrai que l'on voie en tant qu'elle est de l'eau; on voit en tant qu'elle est diaphane, et c'est une qualité qui est commune encore à l'air. Mais l'eau conserve le diaphane et le reçoit mieux que l'air, et voilà pourquoi la pupille et l'œil sont d'eau. Les faits eux-mêmes sont là pour le prouver. Ce qui s'écoule des yeux, quand on les perd, c'est de l'eau; et dans les animaux qui viennent de naître, la pupille est toujours d'une très-grande limpidité et d'un très-vif éclat, taudis que le blanc de l'œil, du moins dans les animaux qui ont du sang, est épais et gras. Du reste, cette organisation a pour but d'y conserver l'humidité, sans qu'elle puisse se congeler : aussi l'œil est-il la partie du corps la plus capable de résister au froid; car personne encore n'a eu le dedans des paupières gelé. Dans les animaux qui n'ont pas de sang, les yeux sont revêtus d'une peau dure, et c'est elle qui leur fait rempart.

§ 8. Mais c'est une opinion dénuée de toute raison que de prétendre que la vue voie par quelque chose qui sort d'elle, et qu'elle s'étende jusqu'aux astres; ou bien même que, sortie de l'œil, elle se combine à une certaine distance avec la lumière extérieure, ainsi que quelques-uns le soutiennent. Certes il serait beaucoup mieux que cette combinaison eût lieu dans le principe même avec l'œil. Mais cela est encore peu admissible. En effet, qu'est-ce que c'est qu'une combinaison de lumière à lumière? Comment cela peut-il se faire? [438b] Le premier corps venu ne se combine point avec un corps quelconque. Comment la lumière du dedans se combinerait-elle avec celle du dehors? et que fait-on de la membrane qui les sépare?

§ 9. On a dit ailleurs qu'il était impossible de voir sans lumière. Mais que ce soit la lumière ou l'air qui soit interposé entre l'objet qui est vu et l'œil qui le voit, c'est toujours le mouvement passant par cet intermédiaire qui produit la vision. § 10. Et voilà bien pourquoi l'on a raison de dire que le dedans de l'œil est de l'eau; c'est que l'eau est diaphane, et l'on ne voit pas plus en dedans qu'en dehors sans lumière. Il faut donc que le dedans de l'œil soit diaphane, et qu'il soit de l'eau, puisqu'il n'est pas de l'air. En effet, l'âme n'est pas certainement à l'extrémité de l'œil, pas plus que l'organe sensible de l'âme. Évidemment elle est en dedans. Il s'ensuit que nécessairement il faut que le dedans de l'œil soit diaphane, et qu'il puisse recevoir la lumière. Et cela peut bien se vérifier encore par les faits. Ainsi il est arrivé que des hommes blessés à la guerre près des tempes, de manière à ce que les pores des yeux fussent tranchés, ont senti survenir une obscurité comme si une lampe s'était éteinte, parce qu'en effet c'était bien une sorte de lampe que le diaphane et ce qu'on appelle la pupille, tranchés en eux par la blessure.

§ 11. Si, dans ces divers cas, les choses se passent comme nous venons de le dire, il est évident qu'il faut aussi rapporter et attribuer chacun des sens à quelque élément de la manière suivante : il faut supposer que la partie de l'œil qui voit est de l'eau, que ce qui entend et perçoit les sons est de l'air, et que l'odorat est du feu. § 12. En effet, ce que l'odoration est en acte, l'organe qui odore l'est en puissance, puisque c'est la chose sentie qui fait que le sens est en acte, de telle façon que nécessairement le sens n'est primitivement qu'en puissance. Mais l'odeur est une sorte d'exhalaison fumeuse, et l'exhalaison fumeuse vient du feu. Si l'organe de l'odorat est spécialement placé au lieu qui environne le cerveau, c'est que la matière du froid est chaude en puissance; et l'origine de l'oeil est toute pareille à celle de l'odorat. L'œil est formé d'une partie du cerveau ; et le cerveau est la plus humide et la plus froide de toutes les parties qui entrent dans la composition du corps. § 13. Quant au toucher, il se rapporte à la terre; et le [439a] goût n'est qu'une espèce de toucher. Et voilà pourquoi les organes propres à ces deux sens, le goût et le toucher, sont rapprochés du cœur, qui est l'opposé du cerveau, puisqu'il est la plus chaude des parties du corps.

§ 14. Bornons ici nos considérations sur les parties sensibles du corps.
 

§ 1. Pour savoir précisément quel est le corps. Ce n'est pas ainsi qu'en général les commentateurs ont compris cette phrase ; la rattachant à celle qui précède, ils la comprennent de la manière suivante : « Pour savoir dans quels organes sensibles du corps est naturellement placé chacun des sens. » La version que j'ai adoptée me semble plus claire et à la fois plus d'accord avec tout ce qui suit.

Dans les éléments des corps. Voir dans le Traité de l'Ame, I, ii, §§ 6 e t20, et I, v, § 5 et suiv., la discussion des théories qui ont rapproché l'âme des éléments des choses

-- A imaginer un cinquième élément. Selon Alexandre, ceci concerne les théories pythagoriciennes, qui reconnaissent un cinquième élément, moins subtil que l'air et plus léger que l'eau , lequel servait transmettre les odeurs, et répondait spécialement à l'odorat. Alexandra croit, en outre, voir ici une allusion aux théories du Timée de Platon ; mais cette conjecture paraît peu probable ; car Platon dit positivement, en parlant de l'odorat, « qu'aucun élément n'a été disposé pour recevoir telle ou telle odeur. » Voir la traduction de M. Cousin, p. 190. Il n'est pas à croire qu'Aristote se soit mépris.

§ 2. Unanimement, Aristote citera plus bas Empédocle et Timée. Démocrite aussi semble avoir partagé cette opinion.

Surtout dans les ténèbres. Dans ce cas, évidemment la lumière et les étincelles qu'on croit voir ne viennent point du dehors; elles viennent par conséquent de l'intérieur de l'œil ; et voilà comment quelques philosophes soutenaient que la vue était de feu, puisque d'elle-même elle produisait un phénomène de ce genre.

Une autre question, Aristote essaye de la résoudre au paragraphe suivant, en expliquant le phénomène même qui le fait maître

- L'oeil le voit lui-même. Voir la fin du paragraphe qui suit.

§ 8. Les corps lisses brillent naturellement. Ceci parait trop général : il n'y a que certains corps lisses qui aient cette propriété. Cette observation, vraie ou fausse, est déjà consignée dans le Traité de l'Ame, II, vii, 4. Aristote, dans ce passage, tout en citant les corps phosphorescents , qu'il rappelle aussi plus bas, dit que la langue grecque n'a pas de mot général pour désigner cette qualité particulière dans les corps ; ainsi l'expression de « lisses » dont il se sert ici, et ailleurs encore, n'est peut-être pas , même pour lui , fort exacte.

Paraît être lisse. Ainsi l'œil produit ces étincelles parce qu'il est lisse, et non point parce qu'il est de feu, comme l'ont cru ceux qu'Aristote réfute. Voila sa réponse pour l'explication du phénomène.

Mais ce qui fait voir. Voilà sa réponse pour la question que ce phénomène soulève, et qu'il a indiquée. La rapidité du mouvement par lequel on divise l'œil, en quelque sorte, fait que l'organe devient deux, et qu'une de ses parties voit tandis que l'autre est vue. Cette explication peut paraître insuffisante, mais je ne sais si la physiologie moderne peut en donner une meilleure. On peut voir, du reste, dans Alexandre d'Aphrodise et dans Albert le Grand, une très-longue discussion sur les diverses difficultés que peut présenter tout ce paragraphe.

§ 4. Ainsi qu'Empédocle l'assure. Plus bas, Aristote cite les vers mêmes d'Empédocle.-

Ainsi qu'on l'avance dans le Timée, comme le soutient Timée. Voir le limée de Platon, traduction de M. Cousin, page 145. Les opinions de Platon, qu'Aristote défigure quelquefois, sont ici assez fidèlement reproduites.

Ne se rencontre dans la lumière, Alexandre propose et défend une variante qui consiste a substituer le mot « d'obscurité ou ténèbres » a celui de « lui-même. » Cette variante, qu'approuve aussi saint Thomas, ne semble pas inadmissible; mais comme aucun manuscrit ne l'autorise, je conserve le texte ordinaire. Leonicus Thomasus a défendu les opinions de Platon contre les critiques d'Aristote et celles d'Alexandre.

Et que l'obscurité se produisit. Cette fin de la phrase pourrait servir à justifier la variante qu'Alexandre propose un peu plus haut. — Pour la lumière, il n'y a rien de pareil. Ceci, au contraire, confirme le texte vulgairement reçu.

§ 5. Voici les expressions dont il se sert, sans doute dans son poème de la Nature, qui contenait cinq mille vers, au rapport de Diogène de Laërce, et dont il nous reste près de cinq cents.

Le feu de longtemps renfermé, Platon semble faire allusion à cette expression dans le Timée, p. 144, en supposant que le premier organe que les dieux fabriquèrent, « ce fut l'oeil, qui nous apporte la lumière. »

Par les émanations des objets qu'on voit, Platon rappelle dans le Ménon cette doctrine d'Empédocle; voir la traduction de M. Cousin, p. 156.

§ 6. Que la vue est de l'eau. Voir le paragraphe suivant, où cette opinion est développée et défendue.

Mais il se trompe. Dans ce paragraphe , Aristote ne fera que réfuter l'erreur de Démocrite.

-- L'image se produit.... dans cette propriété de l'œil. Dans ces deux passages, le texte est obscur, parce que l'expression d'Aristote est tout indéterminée ; il se contente d'employer un pronom démonstratif au neutre, «ans substantif. Alexandre d'Aphrodise explique le second membre de phrase un peu différemment : « La vue ne consiste pas dans l'image, » La traduction que j'ai donnée me semble se rapprocher davantage du contexte. Simon Simoni avait déjà indiqué cette interprétation, qui ne diffère que très-peu de l'autre.

-- Dans l'être qui .voit, ou « dans le sens qui voit. » Ici encore l'expression d'Aristote est indéterminée.

-Signalé par Démocrite. J'ai ajouté ces mots pour être parfaitement clair. -

- Réflexion. C'est l'expression exacte; car évidemment Aristote veut parler ici de l'action des miroirs : le mot grec pourrait signifier aussi « réfraction, » et Aristote l'a employé quelquefois en ce sens en parlant des rayons brisés dans l''eau

-- L'oeil est seul à voir, parce qu'il est lisse.

§ 7.. Que la vue soit de l'eau. Voilà la première opinion de Démocrite, mentionnée au paragraphe précédent , et qu''Aristote n'approuve qu'avec restriction .-

- En tant qu'elle est diaphane. Voir la théorie du diaphane, Traité de l'Ame, II, vii, 1 et suiv.

- Et le reçoit mieux que l'air, Le mot grec est assez obscur, et je ne suis pas certain d'en avoir bien saisi le sens. On comprend bien que l'eau conserve mieux le diaphane , parce qu'elle est plis solide que l'air; mais il ne paraît pas qu'elle le reçoive mieux ou plus facilement.

Qui n'ont pas de sang, tels que les insectes. Voir Traité de l'Ame, II , viii, 9, et II , ix, 5.

--- Sont revêtus d'une peau dure , id., Il,  i ix, 2 et 7.

§ 8. C'est une opinion dénuée de raison. C'est de l'opinion de Platon qu'il s'agit. Voir le Timée , traduction de M. Cousin , p. 145. -

-- Ainsi que quelques-uns le soutiennent. C'est Platon , et peut-être aussi Empédocle et les Pythagoriciens.

-- Une combinaison de lumière à lumière. C'est une idée qu'exprime Platon , id., ib., mais sans se servir des termes mêmes qu'Aristote semblerait ici vouloir reproduire. On peut voir dans Alexandre d'Aphrodise la longue discussion qu'il a consacrée à la défense des théories d'Aristote contre celle de Platon. Albert le Grand a aussi très-amplement commenté ce passage , et les détails dans lesquels il entre prouvent qu'il avait étudié assez profondément l'anatomie de l'oeil, qu'il appelle «  un miroir animé.»

§ 9. On a dit ailleurs, Traité de l'Ame, II , vu, 1, 5 et suiv.

— Le mouvement passant par cet intermédiaire. Dans le Traité de l'Ame, Aristote a établi que le propre de la couleur, c'est de mettre en mouvement ce qu'il appelle le diaphane, lequel peut être dans l'air ou dans l'eau. Le mouvement causé dans le diaphane par la couleur produit dans l'oeil l'acte de la vision , qu'Aristote rapporte à l'âme.

§ 10. En dedans qu'en dehors sans lumière. Ainsi Aristote admet qu'il y a de la lumière au dedans de l'oeil, comme l'admet Platon; mais il ne suppose pas , comme Platon, que cette lumière doive sortir de l'oeil pour que l'acte de la vision s'accomplisse.

-- Puisqu'il n'est pas de l'air. Voir plus haut, , 7 : « ce qui sort des yeux, quand on les perd, c'est de l'eau. »

Pas plus que l'organe sensible de l'âme. Alexandre proposait ici une variante qui éclaircirait un peu le texte, mais qu'aucun manuscrit ne donne : « Pas plus que la puissance de l'âme sensible. » Le texte, tel qu'il est, offre à peu près le même sens, bien qu'en termes moins précis. On peut voir, dans le Traité de l'Ame, qu'Aristote admet un centre commun où aboutissent toutes les perceptions, et où l'âme peut les comparer; c'est le sens commun : elle n'est donc pas placée à l'extrémité de chacun des organes, liv. III, ch. ii , §§ 1 et 10 et suiv.

Et qu'il puisse recevoir la lumière, non pas la lumière qui vient du dehors, mais celle qui, suivant l'hypothèse d'Aristote , est dans l'intérieur de l'oeil , et qu'il est fait pour recevoir et conserver.

-- Les pores des yeux. J'ai conservé l'expression même d'Aristote. Il s'agit évidemment des nerfs optiques.

-- Le diaphane et ce qu'on appelle la pupille. L'action de la lumière et le jeu de la pupille devenaient inutiles du moment que le nerf optique, tranché par la blessure, ne pouvait plus transmettre la sensation jusqu'à l'encéphale.

§ 11. Chacun des sens a quelque élément. Alexandre suppose, et peut-être a•t-il raison, qu'Aristote expose ici , non sa propre pensée, mais celles des philosophes dont il a parlé au début de ce chapitre, § 1, et qu'il a semblé désapprouver du moins en partie.

La partie de l'oeil qui voit est de l'eau. C'est ce qu'Aristote vient de soutenir lui-même, en prouvant avec Démocrate cette opinion , que ne partageaient ni Empédocle ni Platon. Voir plus haut, 5 6 et suiv.

-- Que ce qui entend et perçoit les sons est de l'air. Voir le Traité de l'Âme, liv. II, ch. viii, § 6, où cette théorie est directement soutenue par Aristote et en son propre nom.

-- L'odorat est du feu. Dans le Traité de l'Âme, liv. II, ch. ix, consacré à la théorie de l'odorat, Aristote ne s'est point prononcé sur ce point; mais les paragraphes qui terminent le présent chapitre semblent prouver qu'il admet cette théorie.

12. L'organe... l'est en puissance. Voir la même pensée Traité de l'Ame, II, i , 8.

La chose sentie qui fait que le sens est en acte, id., II, xii, 2, et III, ii, 4

N'est primitivement, ou  essentiellement.

Une sorte d'exhalaison fumeuse, Voir dans la Météorologie la théorie de cette exhalaison, liv. II, ch. iv et passim.

La matière du froid est chaude en puissance. La matière dont se compose le cerveau est, en fait, en acte, la plus froide de toutes les parties du corps; mais en puissance, elle est chaude; et par là elle est en rapport avec l'organe de l'odorat, qui est du feu.

A celle de l'odorat J'ai ajouté ces mots pour être plus clair.

-— Le cerveau est la plus humide. Voir le Traité du Sommeil, ch. iii, § 16.

§ 13. Quand au toucher, il se rapporte à la terre. Aristote semble encore ici poursuivre pour son propre compte la théorie qui rapproche les sens des éléments.

Le goût n'est qu'une espèce de toucher. Voir le traité de l'Ame, on ce principe est répété plusieurs fois, II, x, i ; III, xii, 7, et passim.

Rapprochés du coeur. Ces la traduction littérale ; mais il ne faut pas entendre ceci dans le sens de la proximité matérielle. Évidemment le goût n'est pas plus rapproché du coeur que la vue ou l'ouïe;  le toucher lui-même ne l'est pas davantage puisqu'il est répandu dans toutes les parties du corps. Seulement, dans les théories d'Aristote, le goût et le toucher tiennent plus que les autres sens au cœur, qui est pour le système péripatéticien le centre des nerfs et de la sensibilité.

§ 14. Sur les parties sensibles du corps. Il semble que cette conclusion ne s'accorde pas très-bien avec tout ce qui précède dans ce chapitre.

CHAPITRE III.

Complément de la théorie de la couleur exposée dans le Traité de l'Ame ; rapport de la couleur à la lumière et au diaphane ; définition qu'en donnent les Pythagoriciens. — Génération des couleurs, les couleurs primitives étant le blanc et le noir; rapports numériques qu'on peut établir entre les couleurs comme on en établit entre les sons ; effets de la juxtaposition et de la superposition des couleurs; observations des peintres. — La couleur n'est pas l'effet d'une émanation, comme l'ont prétendu quelques anciens philosophes : elle est l'effet d'un mouvement. — Considérations générales sur le mélange des corps.

§ 1. Περὶ δὲ τῶν αἰσθητῶν τῶν καθ΄ ἕκαστον αἰσθητήριον͵ οἷον λέγω χρώματος καὶ ψόφου καὶ ὀσμῆς καὶ χυμοῦ καὶ ἁφῆς͵ καθόλου μὲν εἴρηται ἐν τοῖς περὶ ψυχῆς͵ τί τὸ ἔργον αὐτῶν καὶ τί τὸ ἐνεργεῖν καθ΄ ἕκαστον τῶν αἰσθητηρίων. Τί δέ ποτε δεῖ λέγειν ὁτιοῦν αὐτῶν͵ οἷον τί χρῶμα ἢ τί ψόφον ἢ τί ὀσμὴν ἢ χυμόν͵ ὁμοίως δὲ καὶ περὶ ἁφῆς͵ ἐπισκεπτέον͵ καὶ πρῶτον περὶ χρώματος. Ἔστι μὲν οὖν ἕκα στον διχῶς λεγόμενον͵ τὸ μὲν ἐνεργείᾳ τὸ δὲ δυνάμει.

§ 2. Τὸ μὲν οὖν ἐνεργείᾳ χρῶμα καὶ ψόφος πῶς ἐστὶ τὸ αὐτὸ ἢ ἕτερον ταῖς κατ΄ ἐνέργειαν αἰσθήσεσιν͵ οἷον ὁράσει καὶ ἀκούσει͵ εἴρηται ἐν τοῖς περὶ ψυχῆς· τί δὲ ἕκαστον αὐτῶν ὂν ποιήσει τὴν αἴσθησιν καὶ τὴν ἐνέργειαν͵ νῦν λέγωμεν. § 3. Ὥσπερ οὖν εἴρηται περὶ φωτὸς ἐν ἐκείνοις͵ ὅτι ἐστὶ χρῶμα τοῦ διαφανοῦς κατὰ συμβεβηκόςὅταν γὰρ ᾖ τι πυρῶδες ἐν διαφανεῖ͵ ἡ μὲν παρουσία φῶς͵ ἡ δὲ στέρησίς ἐστι σκότος· ὃ δὲ λέγομεν διαφανὲς οὐκ ἔστιν ἴδιον ἀέρος ἢ ὕδατος οὐδ΄ ἄλλου τῶν οὕτω λεγομένων σωμάτων͵ ἀλλά τίς ἐστι κοινὴ φύσις καὶ δύναμις͵ ἣ χωριστὴ μὲν οὐκ ἔστιν͵ ἐν τούτοις δ΄ ἔστι͵ καὶ τοῖς ἄλλοις σώμασιν ἐνυπάρχει͵ τοῖς μὲν μᾶλλον τοῖς δ΄ ἧττον· § 4. ὥσπερ οὖν καὶ τῶν σωμάτων ἀνάγκη τι εἶναι ἔσχατον͵  § 5. καὶ ταύτης ἡ μὲν οὖν τοῦ φωτὸς φύσις ἐν ἀορίστῳ τῷ διαφανεῖ ἐστίν· § 6. τοῦ δ΄ ἐν τοῖς σώμασι διαφανοῦς τὸ ἔσχατον ὅτι μὲν εἴη ἄν τι͵ δῆλον͵ ὅτι δὲ τοῦτ΄ ἐστὶ τὸ χρῶμα͵ ἐκ τῶν συμβαινόντων φανερόν. Τὸ γὰρ χρῶμα ἢ ἐν τῷ πέρατί ἐστιν ἢ πέρας (διὸ καὶ οἱ Πυθαγόρειοι τὴν ἐπιφάνειαν χρόαν ἐκάλουν)· ἔστι μὲν γὰρ ἐν τῷ τοῦ σώματος πέρατι͵ ἀλλ΄ οὐ τὸ τοῦ σώματος πέρας͵ ἀλλὰ τὴν αὐτὴν φύσιν δεῖ νομίζειν ἥπερ καὶ ἔξω [439b] χρωματίζεται͵ ταύτην καὶ ἐντός.

§ 7. Φαίνεται δὲ καὶ ἀὴρ καὶ ὕδωρ χρωματιζόμενα· καὶ γὰρ ἡ αὐγὴ τοιοῦτόν ἐστιν. Ἀλλ΄ ἐκεῖ μὲν διὰ τὸ ἐν ἀορίστῳ οὐ τὴν αὐτὴν ἐγγύθεν καὶ προσιοῦσι καὶ πόῤῥωθεν ἔχει χρόαν οὔθ΄ ὁ ἀὴρ οὔθ΄ ἡ θά λαττα· ἐν δὲ τοῖς σώμασιν͵ ἐὰν μὴ τὸ περιέχον ποιῇ μεταβάλλειν͵ ὥρισται καὶ ἡ φαντασία τῆς χρόας. Δῆλον ἄρα ὅτι τὸ αὐτὸ κἀκεῖ κἀνθάδε δεκτικὸν τῆς χρόας ἐστίν. Τὸ ἄρα διαφανὲς καθ΄ ὅσον ὑπάρχει ἐν τοῖς σώμασιν (ὑπάρχει δὲ μᾶλλον καὶ ἧττον ἐν πᾶσι) χρώματος ποιεῖ μετέχειν. § 8. Ἐπεὶ δ΄ ἐν πέρατι ἡ χρόα͵ τούτου ἂν ἐν πέρατι εἴη. Ὥστε χρῶμα ἂν εἴη τὸ τοῦ διαφανοῦς ἐν σώματι ὡρισμένῳ πέρας. Καὶ αὐτῶν δὲ τῶν διαφανῶν͵ οἷον ὕδατος καὶ εἴ τι ἄλλο τοιοῦτον͵ καὶ ὅσοις φαίνεται χρῶμα ἴδιον ὑπάρχειν͵ κατὰ τὸ ἔσχατον ὁμοίως πᾶσιν ὑπάρχει.

§ 9. Ἔστι μὲν οὖν ἐνεῖναι ἐν τῷ διαφανεῖ τοῦθ΄ ὅπερ καὶ ἐν τῷ ἀέρι ποιεῖ φῶς͵ ἔστι δὲ μή͵ ἀλλ΄ ἐστερῆσθαι. Ὥσπερ οὖν ἐκεῖ τὸ μὲν φῶς τὸ δὲ σκότος͵ οὕτως ἐν τοῖς σώμασιν ἐγγίγνεται τὸ λευκὸν καὶ τὸ μέλαν. § 10. Περὶ δὲ τῶν ἄλλων χρωμάτων ἤδη͵ διελομένοις ποσαχῶς ἐνδέχεται γίγνεσθαι͵ λεκτέον. Ἐν δέχεται μὲν γὰρ παρ΄ ἄλληλα τιθέμενα τὸ λευκὸν καὶ τὸ μέλαν͵ ὥσθ΄ ἑκάτερον μὲν εἶναι ἀόρατον διὰ σμικρότητα͵ τὸ δ΄ ἐξ ἀμφοῖν ὁρατόν͵ οὕτω γίγνεσθαι. Τοῦτο γὰρ οὔτε λευκὸν οἷόν τε φαίνεσθαι οὔτε μέλαν· ἐπεὶ δ΄ ἀνάγκη μέν τι ἔχειν χρῶμα͵ τούτων δ΄ οὐδέτερον δυνατόν͵ ἀνάγκη μεικτόν τι εἶναι καὶ εἶδός τι χρόας ἕτερον. § 11. Ἔστι μὲν οὖν οὕτως ὑπολαβεῖν πλείους εἶναι χρόας παρὰ τὸ λευκὸν καὶ τὸ μέλαν͵ πολλὰς δὲ τῷ λόγῳ (τρία γὰρ πρὸς δύο͵ καὶ τρία πρὸς τέτταρα͵ καὶ κατ΄ ἄλλους ἀριθμοὺς ἔστι παρ΄ ἄλληλα κεῖσθαι· τὰ δ΄ ὅλως κατὰ μὲν λόγον μηδένα͵ καθ΄ ὑπεροχὴν δέ τινα καὶ ἔλλειψιν ἀσύμμετρον)͵ καὶ τὸν αὐτὸν δὴ τρόπον ἔχειν ταῦτα ταῖς συμφωνίαις· τὰ μὲν γὰρ ἐν ἀριθμοῖς εὐλογίστοις χρώματα͵ καθάπερ ἐκεῖ τὰς συμφωνίας͵ τὰ ἥδιστα τῶν χρωμάτων εἶναι δοκοῦντα͵ οἷον [440a] τὸ ἁλουργὸν καὶ τὸ φοινικοῦν καὶ ὀλίγ΄ ἄττα τοιαῦτα (δι΄ ἥνπερ αἰτίαν καὶ αἱ συμφωνίαι ὀλίγαι)͵ τὰ δὲ μὴ ἐν ἀριθμοῖς τἆλλα χρώματα· ἢ καὶ πάσας τὰς χρόας ἐν ἀριθμοῖς εἶναι͵ τὰς μὲν τεταγμένας τὰς δὲ ἀτάκτους͵ καὶ αὐτὰς ταύτας͵ ὅταν μὴ καθαραὶ ὦσι͵ διὰ τὸ μὴ ἐν ἀριθμοῖς εἶναι τοιαύτας γίγνεσθαι.

Εἷς μὲν οὖν τρόπος τῆς γενέσεως τῶν χρωμάτων οὗτος͵

§ 12. εἷς δὲ τὸ φαίνεσθαι δι΄ ἀλλήλων͵ οἷον ἐνίοτε οἱ γραφεῖς ποιοῦσιν͵ ἑτέραν χρόαν ἐφ΄ ἑτέραν ἐναργεστέραν ἐπαλείφοντες͵ ὥσπερ ὅταν ἐν ὕδατί τι ἢ ἐν ἀέρι βούλωνται ποιῆσαι φαινόμενον͵ καὶ οἷον ὁ ἥλιος καθ΄ αὑτὸν μὲν λευκὸς φαίνεται͵ διὰ δ΄ ἀχλύος καὶ καπνοῦ φοινικοῦς. Πολλαὶ δὲ καὶ οὕτως ἔσονται χρόαι τὸν αὐτὸν τρόπον τῷ πρότερον εἰρημένῳ· λόγος γὰρ ἂν εἴη τις τῶν ἐπιπολῆς πρὸς τὰ ἐν βάθει͵ τὰ δὲ καὶ ὅλως οὐκ ἐν λόγῳ.

§ 13. Τὸ μὲν οὖν͵ ὥσπερ οἱ ἀρχαῖοι͵ λέγειν ἀπόῤῥοιαν εἶναι τὴν χρόαν καὶ ὁρᾶσθαι διὰ τοιαύτην αἰτίαν ἄτοπον· πάντως γὰρ δι΄ ἁφῆς ἀναγκαῖον αὐτοῖς ποιεῖν τὴν αἴσθησιν͵ ὥστ΄ εὐθὺς κρεῖττον φάναι τῷ κινεῖσθαι τὸ μεταξὺ τῆς αἰσθήσεως ὑπὸ τοῦ αἰσθητοῦ γίγνεσθαι τὴν αἴσθησιν͵ ἁφῇ καὶ μὴ ταῖς ἀποῤῥοίαις.

§ 14. Ἐπὶ μὲν οὖν τῶν παρ΄ ἄλληλα κειμένων ἀνάγκη ὥσπερ καὶ μέγεθος λαμβάνειν ἀόρατον͵ οὕτω καὶ χρόνον ἀναίσθητον͵ ἵνα λανθάνωσιν αἱ κινήσεις ἀφικνούμεναι καὶ ἓν δοκῇ εἶναι διὰ τὸ ἅμα φαίνεσθαι· ἐνταῦθα δὲ οὐδεμία ἀνάγκη͵ ἀλλὰ τὸ ἐπιπολῆς χρῶμα ἀκίνητον ὂν καὶ κινούμενον ὑπὸ τοῦ ὑποκειμένου οὐχ ὁμοίαν ποιήσει τὴν κίνησιν.  § 15. Διὸ καὶ ἕτερον φαίνεται καὶ οὔτε λευκὸν οὔτε μέλαν. Ὥστ΄ εἰ μὴ ἐνδέχεται μηδὲν εἶναι μέγεθος ἀόρατον͵ ἀλλὰ πᾶν ἔκ τινος ἀποστήματος ὁρατόν͵ καίτοι αὕτη τις ἂν εἴη χρωμάτων μίξις. § 16. Κἀκείνως δ΄ οὐδὲν κωλύει φαίνεσθαί τινα χρόαν κοινὴν τοῖς πόῤῥωθεν· § 17. ὅτι γὰρ οὐκ ἔστιν οὐδὲν μέγεθος ἀόρατον͵ ἐν τοῖς ὕστερον ἐπισκεπτέον.  § 18. Εἰ δ΄ ἔστι μίξις τῶν σωμάτων [440b] μὴ μόνον τὸν τρόπον τοῦτον ὅνπερ οἴονταί τινες͵ παρ΄ ἄλληλα τῶν ἐλαχίστων τιθεμένων͵ ἀδήλων δ΄ ἡμῖν διὰ τὴν αἴσθησιν͵ ἀλλ΄ ὅλως πάντη πάντως͵ ὥσπερ ἐν τοῖς περὶ μίξεως εἴρηται καθόλου περὶ πάντων (ἐκείνως μὲν γὰρ μείγνυται ταῦτα μόνον ὅσα ἐνδέχεται διελεῖν εἰς τὰ ἐλάχιστα͵ καθάπερ ἀνθρώπους ἢ ἵππους ἢ τὰ σπέρματα· τῶν μὲν γὰρ ἀνθρώπων ἄνθρωπος ἐλάχιστον͵ τῶν δ΄ ἵππων ἵππος· ὥστε τῇ τούτων παρ΄ ἄλληλα θέσει τὸ πλῆθος μέμεικται τῶν συναμφοτέρων· ἄνθρωπον δὲ ἕνα ἑνὶ ἵππῳ οὐ λέγομεν μεμεῖχθαι· ὅσα δὲ μὴ διαιρεῖται εἰς τὸ ἐλάχιστον͵ τούτων οὐκ ἐνδέχεται μίξιν γενέσθαι τὸν τρόπον τοῦτον ἀλλὰ τῷ πάντη μεμεῖχθαι͵ ἅπερ καὶ μάλιστα μείγνυσθαι πέφυκεν· πῶς δὲ τοῦτο γίγνεσθαι δυνατόν͵ ἐν τοῖς περὶ μίξεως εἴρηται πρότερον)

§ 19. ἀλλ΄ ὅτι ἀνάγκη μειγνυμένων καὶ τὰς χρόας μείγνυσθαι͵ δῆλον͵ καὶ ταύτην τὴν αἰτίαν εἶναι κυρίαν τοῦ πολλὰς εἶναι χρόας͵ ἀλλὰ μὴ τὴν ἐπιπόλασιν μηδὲ τὴν παρ΄ ἄλληλα θέσιν· οὐ γὰρ πόῤῥωθεν μὲν ἐγγύθεν δ΄ οὒ φαίνεται μία χρόα τῶν μεμειγμένων͵ ἀλλὰ πάντοθεν. Πολλαὶ δ΄ ἔσονται χρόαι διὰ τὸ κατὰ πολλοὺς λόγους ἐνδέχεσθαι μείγνυσθαι ἀλλήλοις τὰ μειγνύμενα͵ καὶ τὰ μὲν ἐν ἀριθμοῖς τὰ δὲ καθ΄ ὑπεροχὴν μόνον.

§ 20. Καὶ τἆλλα δὴ τὸν αὐτὸν τρόπον ὅνπερ ἐπὶ τῶν παρ΄ ἄλληλα τιθεμένων χρωμάτων ἢ ἐπιπολῆς͵ ἐνδέχεται λέγειν καὶ περὶ τῶν μειγνυμένων.

§ 21. Διὰ τίνα δ΄ αἰτίαν εἴδη τῶν χρωμάτων ἐστὶν ὡρισμένα καὶ οὐκ ἄπειρα͵ καὶ χυμῶν καὶ ψόφων͵ ὕστερον ἐπισκεπτέον.

§ 1. Quant aux choses mêmes qui sont perçues par chacun des organes des sens en particulier, c'est-à-dire la couleur, le son, l'odeur, le goût et le toucher, il a été expliqué d'une manière générale dans le Traité de l'Ame, quelle en est l'action, et comment elles sont en acte relativement à chacun des organes spéciaux. Voyons maintenant en détail ce qu'il faut entendre par chacune de ces choses, c'est-à-dire ce que c'est que la couleur, le son, l'odeur, le goût et enfin aussi le toucher.

Nous commencerons par la couleur. § 2. D'abord toutes ces choses peuvent être considérées sous deux points de vue, soit en acte, soit en puissance. Jusqu'à quel point la couleur en acte et le son en acte se rapprochent-ils ou diffèrent-ils des sensations en acte que nous avons appelées vision et audition? c'est ce qui a été discuté dans le Traité de l'Ame. Expliquons ici ce que doit être chacune de ces choses pour produire la sensation et l'acte. § 3. Ainsi qu'il a été dit dans ce même ouvrage, la lumière est la couleur du diaphane par accident. Lors donc qu'il y a un corps igné dans le diaphane, sa présence fait la lumière; et son absence, les ténèbres. Ce que nous appelons diaphane n'appartient pas exclusivement à l'air ou à l'eau ou à tout autre corps qui reçoit aussi sa dénomination de cette propriété. C'est en quelque sorte une nature et une force commune qui n'existe pas séparément, mais qui est dans ces corps, et qui est également dans les autres, plus dans ceux-ci, moins dans ceux-là. § 4. De même qu'il y a nécessairement une limite extrême pour les corps, de même aussi il y en a une pour cette force particulière. § 5. Ainsi donc la nature de la lumière est bien dans le diaphane indéterminé; mais quant au diaphane qui est dans les corps, il est bien évident qu'il a une limite. § 6. C'est là précisément ce qu'est la couleur, comme on peut s'en convaincre par l'observation des faits; car, ou là couleurs est à la limite des corps, où elle est elle-même leur limite. Aussi les Pythagoriciens appelaient-ils la Surface, couleur. En effet, la couleur est bien à la limité du corps, mais elle n'est pas précisément la limite même du corps; il faut penser au contraire que la même nature qui prend couleur en dehors [439b] la prend aussi en dedans.

§ 7. L'eau et l'air même paraissent également se colorer, et l'éclat qu'ils prennent quelquefois n'est pas autre chose qu'une couleur; mais si la mer et l'air, quand on les regarde de loin, n'ont pas la même couleur que quand on s'est approche, c'est que la couleur est alors dans une substance tout indéterminée. Au contraire pour les corps déterminés  à moins que le milieu qui les entoure n'en fasse changer l'aspect, l'apparence même de la couleur se fixé et se détermine. Ainsi, il est évident que de l'une et de l'autre part c'est bien la même chose qui reçoit la couleur; et c'est le diaphane qui, en tant qu'il est dans les corps, et il est plus ou moins dans tous, fait que tous peuvent participer de la couleur. § 8. Mais comme la couleur est dans une limite, elle doit être aussi à la limite du diaphane; et par conséquent, on pourrait définir la couleur : la limite du diaphane dans un corps déterminé. De plus, pour tous les corps qui sont diaphanes, à proprement parler, comme l'eau ou tels autres corps analogues, et même pour ceux qui paraissent avoir une couleur propre, la couleur est également à leur extrémité.

§ 9. Il est donc possible que ce qui produit la lumière dans l'air se trouve aussi dans le diaphane des corps déterminés; il est possible qu'il ne s'y trouve pas et que le diaphane en soit privé; et de même que dans l'air il y a tantôt lumière et tantôt obscurité, de même dans les corps, il y a le blanc et le noir. § 10. Quant aux autres couleurs, il faut dire avec quelques détails à quel nombre elles peuvent s'élever. D'abord le blanc et le noir pourront être placés à côté l'un de l'autre, de telle sorte que l'un et l'autre soient invisibles séparément à cause de leur petitesse, tandis que le résultat des deux sera pourtant visible. Or, ce résultat ne peut être ni blanc ni noir; mais comme nécessairement il doit avoir une couleur, et qu'aucune de ces deux-là n'est possible, il faut qu'il ait une couleur mélangée et d'une autre espèce. Voilà donc un moyen d'expliquer comment il y a beaucoup d'autres couleurs que le blanc et le noir. § 11. Le rapport des parties entre elles peut à lui seul créer aussi un grand nombre de couleurs. On peut en effet réunir trois parties contre deux ou trois contre quatre, et ainsi du reste pour d'autres nombres, et les combiner de cette façon l'une avec l'autre. Les parties qui n'ont entre elles aucun rapport numérique, soit par excès, soit par défaut, sont incommensurables ; et en ceci il est est absolument comme pour les accords de sons. Les couleurs qui pourront être exprimées par des nombres proportionnels, aussi bien que les accords qui sont dans le même cas, paraissent être les couleurs les plus agréables, telles [440a] que le pourpre, l'écarlate, et d'autres couleurs analogues. D'ailleurs elles sont peu nombreuses, par la même raison qu'il y a également fort peu d'accords de ce genre. Mais les autres douleurs sont celles qui ne sont pas exprimables en nombres; ou pour mieux dire, il serait possible de rendre toutes les couleurs par des nombres; mais les unes sont ordonnées régulièrement, les autres ne le sont pas; et ces dernières précisément, lorsque la proportion n'est pas régulière, ne sont pas ordonnées, parée qu'elles ne peuvent pas être exprimées en nombres.

Voilà donc une première manière d'expliquer la génération des couleur.

§ 12. Une seconde, c'est que les couleurs peuvent paraître les unes à travers les autres, comme le savent bien les peintres; aussi parfois ils passent Une secondé couleur sur Une autre qui est plus éclatante, et ils emploient ce procédé, par exemple, lorsqu'ils veulent représenter quelque chose qui doit être dans l'air ou dans l'eau. C'est ainsi que le soleil paraît blanc par lui-même, tandis que vu à travers un nuage ou de la fumée, il paraît rouge. Dans ce cas encore, les couleurs se multiplieront de là même façon qu'on à d'abord exposée ; c'est-à-dire qu'on pourrait établit un certain rapport des couleurs qui sont à la surface avec celles qui sont plus profonde; et il y en aura également qui ne seront pas du tout en rapport.

§ 13. Il est d'ailleurs absurde de prétendre, comme le voulaient les anciens, que les couleurs ne sont que des émanations des corps, et que c'est là la cause qui nous les fait voir. En effet, on doit nécessairement, dans ce système, réduire toutes les sensations au toucher; et alors il vaut mieux sur-le-champ admettre que c'est l'intermédiaire indispensable à la sensation qui, par le mouvement reçu de la chose sensible, produit la sensation même, qui ainsi a lieu par le toucher et non par des émanations.

§ 14. Ainsi donc, pour les couleurs placées les unes à côté des autres, on doit nécessairement supposer que, de même qu'elles ont une grandeur invisible, de même aussi le temps dans lequel elles sont perçues est insensible; de telle sorte que les mouvements des deux couleurs nous échappent, et qu'elles semblent n'en être qu'une seule parce qu'elles sont aperçues à la fois. § 15. Mais dans l'autre cas, il n'y a aucune nécessité pareille; seulement la couleur qui est à la surface étant mobile et étant mue par celle qui est au-dessous, elle ne produira pas un mouvement identique à celui qu'elle produirait étant seule. Aussi elle paraît autre et ne paraît ni blanche ni noire. § 16. Mais s'il ne peut y avoir aucune grandeur qui soit invisible, et si tout ce qui est visible a une dimension quelconque, il y aurait aussi dans ce cas un certain mélange des couleurs, et cette supposition n'empêche point encore qu'il n'en résulte une certaine couleur commune quand on regarde de loin. § 17. Nous montrerons dans ce qui va suivre qu'il n'y a pas de grandeur qui soit invisible. § 18. S'il y a mixtion des corps, [440b] ce n'est pas seulement ainsi que le croient quelques philosophes quand les formes les plus petites possible et qui échappent alors à nos sens, sont placées les unes près des autres ; mais les corps peuvent aussi se combiner tout entiers et en restant tout ce qu'ils sont, les uns avec les autres, comme on en a établi la théorie pour tous les corps au Traité de la Mixtion. Dans ce dernier sens, il n'y a de mélange que pour les corps qu'on peut réduire à leurs formes les plus petits possible, comme des hommes, des chevaux, ou graines, parce que pour les hommes, un individu homme est la forme la plus petite; pour les chevaux, c'est un cheval; et par suite c'est la juxtaposition des individus qui de la masse ces deux genres d'être forme un mélange; mais nous ne disons jamais qu'un individu homme se mêle à un individu cheval. Quant à toutes les choses qui ne peuvent pas se diviser en leurs formes les plus petites, pareilles à celles-là, il ne peut pas y avoir pour elles le genre de mélange qu'on vient d'indiquer; mais elles se mêlent absolument, et c'est de ces choses qu'on peut dire surtout que naturellement elles se mêlent. Nous avons déjà dit antérieurement, dans le Traité de la Mixtion , à quelles conditions le mélange peut le plus ordinairement devenir possible.

§ 19, Mais il est évident que quand les corps se mêlent, il faut bien que leurs couleurs se mêlent aussi, et que c'est là la cause vraie qui fait qu'il y a beaucoup de couleurs; et ce n'est pas parce qu'elles sont superposées les unes sur les autres ou juxtaposées. Car ce n'est pas en regardant de loin qu'on ne voit qu'une couleur unique aux choses mélangées, c'est en les regardant de prés, c'est de quelque façon qu'on les regarde, S'il y a plusieurs couleurs, c'est que les corps qui se mêlent peuvent se mêler dans des rapports très divers, t4neet eu conservant des proportions numériques, tantôt en ayant seulement des différences incommensurables du plus au moins, tantôt enfin aussi de la même façon que semblent se mêler les couleurs placées, soit l'une à côté le l'autre, soit l'une sur l'autre.

§ 20.Nous avons déjà parlé ailleurs du mélange des corps; nous dirons plus loin pourquoi les espèces des couleurs , des sons et des saveurs , sont limitées , et non pas infinies.

§  21. Voilà ce que nous avions à dire pour expliquer la nature de la couleur et ses nombreuses diversités.

 

 § 1. Et le toucher. Alexandre d'Aphrodise a remarqué le premier, et avec toute raison, que cette expression n'était peut-être pas très-juste, à cause de sa concision même, et que « toucher » voulait dire ici : « ce qui est perçu par le toucher. » Tous les commentateurs ont répété cette remarque d'après Alexandre. Notre langue n'a pas non plus de mot spécial.

Dans le Traité de l'Ame, liv. II, ch. v et suiv. Aristote a présenté une théorie générale de la sensibilité, et ensuite une théorie particulière de chacun des sens spéciaux.

Le goût, et enfin aussi le toucher. Aristote ne parlera ni de l'un ni de l'autre de ces sens dans ce traité. Sans doute, il aura trouvé suffisant ce qu'il en a dit dans le Traité de l'Ame.

Nous commencerons par la couleur. Dans le Traité de l'Ame, il a commencé aussi par la vision.

§ 2. Que nous avons appelées vision et audition, Traité de l'Ame, III, ii, 4.

C'est ce qui a été discuté dans le Traité de l'Ame, id., II , v, 2, et III, ii, 4 et suiv.

§ 3. Il a été dit dans ce même ouvrage, id., II, vii, 2 et suiv.

Par accident, ou « indirectement, » Aristote n'a pas fait cette restriction dans le Traité de l'Ame. Du reste, elle se comprend fort bien d'après ce qui suit. La lumière n'est la couleur du diaphane qu'accidentellement, puisqu'il faut un corps igné dans le diaphane pour qu'il y ait lumière.

Qui reçoit aussi sa dénomination de cette propriété, d'être diaphane. Le texte n'est pas tout à fait aussi précis que ma traduction.

Une force commune, à tous les corps.

Qui n'existe pas séparément, des corps dans lesquels elle est. Saint Thomas croit qu'Aristote a ici intention de critiquer Platon. Cette conjecture paraît peu probable.

Dans les autres. Quelques éditions donnent : « Dans d'autres corps. » La leçon que j'ai suivie, d'après l'édition de Berlin, semble la vraie.

§ 4. Pour les corps, sous-entendez «solides, » comme Alexandre le fait remarquer.

Pour cette force particulière. C'est là traduction exacte. Peut-être serait-Il mieux de dire « propriété, » parce que la diaphanéité dans les corps est plutôt une propriété qu'une force. La limite extrême des corps, c'est leur surface ; celle dit diaphane sera la couleur, comme il sera dît plus bas, au § 6.

§ 5. Le diaphane indéterminé, c'est-à-dire qui n'est pas considéré dans un corps particulier, m sis qui est considéré d'une manière toute générale.

Qui est dans les corps, « solides,» comme plus haut.

§ 6. C'est là précisément ce aussi la couleur. Voir plus bas, § 8, où la même pensée est répétée, et ou la couleur est nettement définie : la limite du diaphane.

Il faut penser, au contraire. On voit qu'Aristote est bien loin de ces théories qui refusent de reconnaître la couleur pour une propriété des corps, et qui la placent tout entière dans la sensation.

§ 7. L'eau et l'air même. Quoique dans ces deux corps le diaphane soit tout a fait indéterminé, la coloration s'y fait à peu près comme dans les corps solides.

Et l'éclat qu'ils prennent quelquefois. Je, n'ai pas voulu traduire avec plus de précision. Quelques commentateurs ont donné au mot qu'emploie Aristote un sens plus déterminé ; ils ont cru qu'il s'agissait de la coloration particulière que l'air et l'eau prennent au lever du soleil, à l'aurore.

Dans une substance tout indéterminée. L'air et l'eau ne sont pas terminés par eux-mêmes; ils ne le sont que par les corps qui les environnent et leur donnent des limites.

A moins que le milieu qui les entoure. Ainsi, pour prendre l'exemple même de quelques commentateurs, si l'on regarde les objets à travers un verre coloré, ils prennent pour nos yeux la couleur de ce verre.

De l'une et de l'autre part, c'est-à-dire dans les corps indéterminés et dans les corps déterminés.

Et il est plus ou moins dans tous. Voir plus haut, §3. « Diaphane » a donc pour Aristote, et dans ses théories, un tout autre sens que celui que nous lui donnons ordinairement, ou plutôt ce mot a bien plus de portée. Pour nous , un corps est diaphane quand il laisse passer la lumière au travers de ses pores ; pour Aristote, tout corps est diaphane, c'est-à-dire susceptible de couleur. C'est là une distinction qu'il ne faut jamais perdre de vue, si l'on veut bien comprendre toute cette théorie.

§ 8. La couleur est dans une limite. Voir plus haut, § 6.

La limite du diaphane dans un corps déterminé. Voilà pour les corps solides ; mais Aristote étend cette définition aux corps indéterminés, l'air et l'eau.

Qui sont diaphanes. Aristote se sert ici, pour exprimer l'idée de diaphane, d'un pluriel, tandis que pour exprimer « le diaphane, » il n'a jamais pris qu'un singulier.

A proprement parler. J'ai ajouté ces mots pour être plus précis.

Tels autres corps analogues. On peut entendre pour l'air toutes les vapeurs, de quelque genre qu'elles soient, ou plutôt, comme nous dirions aujourd'hui, tous les gaz aériformes ; et pour l'eau, tous les liquides.

Même ceux qui paraissent avoir une couleur propre, l'huile, par exemple. C'est ainsi que je crois devoir restreindre le sens de cette petite phrase; les commentateurs, en général, l'ont beaucoup plus étendu : ils ont cru qu'Aristote revenait ici à l'idée des corps solides et déterminés qui ont une couleur propre. Il me semble que le contexte s'oppose à cette explication, et qu'il ne s'agit toujours que des corps qui, tout en étant analogues a l'air et à l'eau, peuvent cependant avoir une couleur propre que ces deux-là n'ont pas.

§ 9. Des corps déterminés. J'ai ajouté ces mots qui sont justifiés par tout le contexte, et qui rendent la pensée beaucoup plus claire.

De même dans les corps. Cette théorie, bien qu'elle ne soit pas vraie, est cependant extrêmement ingénieuse ; et Aristote a bien senti que l'opposition du blanc et du noir supposait dans la lumière un changement également considérable : d'une part, il admet le diaphane ; et de l'autre, il le supprime, comme la science moderne admet la réflexion ou l'absorption des rayons lumineux pour expliquer les mêmes phénomènes.

Le blanc et le noir. Aristote semble en faire ici les couleurs primitives. Voir le petit Traité des Couleurs qui est apocryphe.

§ 10. Quant aux autres couleurs. Quelques commentateurs, entre autres saint Thomas et Simon Simoni, et peut-être même Albert le Grand, ont pensé qu'Aristote exposait ici non une théorie personnelle, mais les théories de quelques philosophes antérieurs, et particulièrement des Atomistes : rien dans le texte ne justifie cette conjecture, que rien non plus n'y détruit. — Voilà donc un moyen. Aristote ne dit pas que ce moyen soit à lui ou à d'autres.

Beaucoup d'autres couleurs que le blanc et le noir. Ceci ne peut guère expliquer que l'origine du gris; mais il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'expliquer, en suivant cette voie, des couleurs telles que le rouge et le bleu.

§ 11. Le rapport des parties entre elles. Il s'agit toujours des parties noires et blanches, les seules couleurs qui, dans ce système, concourent à la génération de toutes les autres.

Soit par excès, soit par défaut, qui n'ont entre elles d'autre rapport que celui d'une quantité plus considérable d'une part, moins considérable de l'autre, sans qu'on puisse assigner à cette quantité une proportion régulière.

Comme pour les accords des sons. On sait quels ont été les travaux des Pythagoriciens avant Aristote, et ceux de son élève Aristoxène.

Telles que le pourpre l'écarlate. On Voit que dans ce système, ce sont les combinaisons diverses du noir et du blanc qui doivent produire les couleurs les plus opposées à ces deux-là.

Qui ne sont pas exprimables en nombres, mais qui n'en sont pas moins le résultat des combinaisons variées dit blanc et du noir.

Sont ordonnées régulièrement, suivant une proportion régulière qu'on pourrait assigner en nombres.

N'est pas régulière. J'ai ici paraphrasé plutôt que traduit. Le texte dit mot à mot : « Lorsqu'elles ne sont pas pures. » On doit entendre qu'il s'agit non pas de la pureté ordinaire que peuvent avoir les couleurs, mais de la régularité de la proportion qu'elles suivent.

Voila donc une première manière. Léonicus, à l'exemple de plusieurs autres commentateurs, croit qu'Aristote expose ici une opinion qui n'est pas la sienne.

§ 12. Une seconde. Aristote ne dît pas que cette seconde explication lui appartienne plus que la première : il ne dit pas non plus qu'elle appartienne à d'autres.

—- Les unes à travers les autres, par superposition et non par juxtaposition, comme dans le premier système. C'est là le vrai sens de ce passage, comme le prouve ce qui suit ; tous les commentateurs ne l'ont pas bien compris.

—- Qu'on a d'abord exposée, plus haut, §11.

Un certain rapport, numérique. Aristote semble toujours admettre qu'il n'y a que deux couleurs primitives » le blanc et le noir.

§ 13. Comme le voulaient les anciens. Évidemment il s'agit ici des atomistes Leucippe et Démocrite, et peut-être aussi d'Empédocle.

Ne sont que des émanations des corps. Dans le Traité de l'Ame, Aristote soutient que la lumière ne peut être une émanation, et qu'elle est un simple mouvement, II, viii, 9 et suiv., II, x, i.

L'intermédiaire indispensable à la sensation. Le texte dit mot à mot : « L'intermédiaire de la sensation, »

 — Le mouvement reçu de la chose sensible..Voir le Traité de l'Ame, II, xi, 7.

Et non par des émanations. Quelques éditions retranchent la négation, et alors il faudrait traduire un peu autrement, bien que le sens restât le même : « Plutôt que de l'expliquer par le toucher que produiraient les émanations , » ou joint aux émanations. Le sens que j'ai préféré, d'après l'édition de Berlin, me semble plus direct et plus clair.

§ 14. Ainsi donc, pour les couleurs placées les unes à côté des autres. J'ai conservé la concision du texte, qui est un peu obscur, comme l'ont remarqué tous les commentateurs. Aristote veut dire évidemment : « Dans le premier système qui explique la génération des couleurs, en supposant que le blanc et le noir, placés l'un à côté de l'autre, dans diverses proportions, donnent naissance à toutes les autres couleurs, »

Une grandeur invisible. Voir plus haut, § 10.

§ 15. Mais dans l'autre cas, c'est-à-dire dans le système qui explique la génération des couleurs par la superposition des unes sur les autres. Voir plus haut ,§ 12.

Étant immobile. Je préfère cette leçon, qu'adopte aussi Albert le Grand et que donnent plusieurs manuscrits, à la leçon vulgaire que reproduit l'édition de Berlin : « Étant immobile.» Saint Thomas et Simoni ont pris beaucoup de peine pour expliquer cette dernière leçon; l'autre est beaucoup plus claire ; et le reste de la phrase la justifie complètement et même l'exige.

Aussi elle paraît autre. Ainsi, dans ce second système, le résultat est absolument le même que dans le premier; voir plus haut la fin du §10.

§ 16. Dans ce cas, c'est-à-dire en admettant que les grandeurs du blanc et du noir qui se combinent sont visibles et non pas invisibles, comme dans la supposition que combat Aristote. Quelques commentateurs admettent ici une forme interrogative, que donne un simple changement d'accent, mais qui ne parait pas nécessaire.

— Quand on regarde de loin. Ceci est un fait d'observation parfaitement certain.

§ 17. Dans ce qui va suivre. La fin de ce chapitre ne prouve pas précisément ce qu'indique ici Aristote ; mais ce peut être une conséquence tirée des principes qu'il pose.

§ 18. Ainsi que le croient quelques philosophes. Les commentateurs ne disent pas quels sont les philosophes qu'Aristote veut ici désigner. Il est probable que ce sont les Atomistes.

Les formes les plus petites possible. Il semblerait d'abord, d'après ce qui suit, qu'Aristote entend parler ici non pas des atomes, mais des individus qui, comme leur nom l'indique, sont les parties indivisibles et les plus petites possible de l'espèce. Il répète, en effet, la même expression en parlant plus bas des individus, hommes, chevaux, etc.; et il s'ensuivrait que ce que le texte ajoute, « et qui échappent à nos sens, » paraîtrait tout à fait contradictoire. Mais ce membre de phrase doit être regardé comme une restriction du premier ; et il a pour but de limiter la mixtion, comme l'entendent quelques philosophes, à ces parties des corps qui sont assez ténues pour échapper à nos observations.

Et en restant tout ce qu'ils sont, quand ce sont des individus tout entiers, comme dans les exemples qu'Aristote va citer.

Au Traité de la Mixtion. Il semble que ce soit un traité particulier qu'Aristote veuille désigner ici, ainsi qu'à la fin du paragraphe ; mais tous les commentateurs s'accordent à reconnaître dans cette citation la fin du Traité de la Génération et de la Corruption, où l'on trouve en effet cette théorie de la mixtion, édition 4e Berlin, p. 397, a et b. Il est possible que le petit Traité de la Mixtion ait été fondu dans cet ouvrage : ou peut-être l'expression d'Aristote, au lieu de désigner un traité spécial, ne désigne-t- elle qu'une théorie.

—- Dans ce dernier uns. En parlant d'un mélange où se mêlent des individus entiers, et non des particules.

Pareilles à celles-là. J'ai ajouté ces mots pour être pins clair.

Absolument. Aristote , pour exprimer ici un mélange de particules, emploie la même expression dont il vient de se servir pour exprimer un mélange d'individus. Ceci ajoute encore a la confusion , si ce n'est à l'obscurité de ce paragraphe. La pensée est très-claire -, mais les détails ne le sont pas. Il me semble qu'on pourrait tout éclaircir par le simple déplacement de ce membre de phrase, « et qui échappent à nos sens, » qu'on renverrait après, « en restant tout ce qu'ils sont, les uns avec les autres. » En adoptant ce léger changement, que malheureusement n'autorise aucun manuscrit, on pourrait traduire tout ce paragraphe de la manière suivante : « S'il y a mixtion des corps, ce n'est pas seulement, comme le croient quelques philosophes, par la juxtaposition des. formes les plus petites; mais les corps peuvent aussi se combiner d'une façon absolue et du tout au tout... Dans ce premier sens..., etc. Il me semble que si l'on acceptait celte modification , le texte n'offrirait plus aucune difficulté.

-- Dans le Traité de la Mixtion. Aristote se
sert ici d'un pluriel au lieu d'un singulier qu'il a employé plus haut. Ce petit changement donnerait encore plus de vraisemblance à la conjecture qui verrait en ceci la citation , non d'un traité spécial, mais d'une simple théorie.

§ 19. Mais il est évident. Aristote donne ici sa propre opinion après avoir exposé celle des autres.

--- Et ce n'est pas parce qu'elles.... Peut-
être
, pour que la pense fût complète , faudrait-il dire : « Et ce n'est pas seulement parce qu'elles.... ; » car Aristote ne rejette pas tout à fait cette théorie, comme le prouve la fin du paragraphe.

-- Des différences incommensurables du plus au moins. J'ai ici paraphrasé plutôt que traduit , afin de rendre la pensée plus claire.

§ 20. Nous avons déjà parlé ailleurs, au Traité de la Génération et de la Corruption, édit. de Berlin, ch. x, p. 327, a et b.

Nous dirons plus loin. Voir plus loin dans ce traité, ch. vi.

 

CHAPITRE IV.

Complément de la théorie du goût. — Les saveurs nous sont mieux connues que les odeurs : elles ne viennent pas toutes de l'eau seulement, comme Empédocle Ta soutenu : réfutation de trois hypothèses : opinion de quelques anciens naturalistes : origine véritable de la diversité des saveurs : action de la terre, du sec et de l'humide. — La saveur est une modification du sec nutritif : nutrition des animaux et des plantes. — Deux saveurs principales : le doux et l'amer, comme il y a deux couleurs principales : le blanc et le noir : rapport des sept saveurs aux sept couleurs : il y a, de part et d'autre, autant d'espèces primitives. — Erreurs diverses de Démocrite : il a eu tort surtout de rapporter les saveurs aux figures : cette assimilation n'est pas soutenable.

Τί μὲν οὖν ἐστὶ χρῶμα καὶ διὰ τίν΄ αἰτίαν πολλαὶ χρόαι εἰσίν͵ εἴρηται·

§ 1. [Περὶ δὲ ψόφου καὶ φωνῆς εἴρηται πρότερον ἐν τοῖς περὶ ψυχῆς·] § 2. Περὶ δὲ ὀσμῆς καὶ χυμοῦ λεκτέον. Σχεδὸν γάρ ἐστι τὸ αὐτὸ πάθος͵ οὐκ ἐν τοῖς αὐτοῖς δ΄ ἐστὶν ἑκάτερον αὐτῶν. Ἐναργέστερον δ΄ ἡμῖν ἐστι τὸ τῶν χυμῶν γένος ἢ τὸ τῆς ὀσμῆς. Τούτου δ΄ αἴτιον ὅτι χειρίστην [441a] ἔχομεν τῶν ἄλλων ζῴων τὴν ὄσφρησιν καὶ τῶν ἐν ἡμῖν αὐτοῖς αἰσθήσεων͵ τὴν δ΄ ἁφὴν ἀκριβεστάτην τῶν ἄλλων ζῴων· ἡ δὲ γεῦσις ἁφή τίς ἐστιν.

§ 3. Ἡ μὲν οὖν τοῦ ὕδατος φύσις βούλεται ἄχυμος εἶναι· ἀνάγκη δ΄ ἢ ἐν αὑτῷ τὸ ὕδωρ ἔχειν τὰ γένη τῶν χυμῶν ἀναίσθητα διὰ μικρότητα͵ καθάπερ Ἐμπεδοκλῆς φησίν͵ ἢ ὕλην τοιαύτην εἶναι οἷον πανσπερμίαν χυμῶν͵ καὶ ἅπαντα μὲν ἐξ ὕδατος γίγνεσθαι͵ ἄλλο δ΄ ἐξ ἄλλου μέρους͵ ἢ μηδεμίαν ἔχοντος διαφορὰν τοῦ ὕδατος τὸ ποιοῦν αἴτιον εἶναι͵ οἷον εἰ τὸ θερμὸν καὶ τὸν ἥλιον φαίη τις.

§ 4. Τούτων δ΄ ὡς μὲν Ἐμπεδοκλῆς λέγει λίαν εὐσύνοπτον τὸ ψεῦδος· ὁρῶμεν γὰρ μεταβάλλοντας ὑπὸ τοῦ θερμοῦ τοὺς χυμοὺς ἀφαιρουμένων τῶν περικαρπίων [εἰς τὸν ἥλιον] καὶ πυρουμένων͵ ὡς οὐ τῷ ἐκ τοῦ ὕδατος ἕλκειν τοιούτους γιγνομένους͵ ἀλλ΄ ἐν αὐτῷ τῷ περικαρπίῳ μεταβάλλοντας͵ καὶ ἐξικμαζομένους δὲ καὶ κειμένους διὰ τὸν χρόνον αὐστηροὺς ἐκ γλυκέων καὶ πικροὺς καὶ παντοδαποὺς γιγνομένους͵ καὶ ἑψομένους εἰς πάντα τὰ γένη τῶν χυμῶν ὡς εἰπεῖν μεταβάλλοντας.

§ 5. Ὁμοίως δὲ καὶ τὸ πανσπερμίας εἶναι τὸ ὕδωρ ὕλην ἀδύνατον· ἐκ τοῦ αὐτοῦ γὰρ ὁρῶμεν ὡς [ἐκ τῆς αὐτῆς] τροφῆς γιγνομένους ἑτέρους χυμούς.

§ 6. Λείπεται δὴ τῷ πάσχειν τι τὸ ὕδωρ μεταβάλλειν. Ὅτι μὲν τοίνυν οὐχ ὑπὸ τῆς τοῦ θερμοῦ μόνον δυνάμεως λαμβάνει ταύτην τὴν δύναμιν ἣν καλοῦμεν χυμόν͵ φανερόν. Λεπτότατον γὰρ πάντων τῶν οὕτως ὑγρῶν τὸ ὕδωρ ἐστί͵ καὶ αὐτοῦ τοῦ ἐλαίου (ἀλλ΄ ἐπεκτείνεται ἐπὶ πλέον τοῦ ὕδατος τὸ ἔλαιον διὰ τὴν γλισχρότητα· τὸ δ΄ ὕδωρ ψαθυρόν ἐστι͵ διὸ καὶ χαλεπώτερον φυλάξαι ἐν τῇ χειρὶ τὸ ὕδωρ ἤπερ ἔλαιον)͵ ἐπεὶ δὲ θερμαινόμενον οὐδὲν φαίνεται παχυνόμενον τὸ ὕδωρ αὐτὸ μόνον͵ δῆλον ὅτι ἑτέρα τις ἂν εἴη αἰτία· οἱ γὰρ χυμοὶ πάντες πάχος ἔχουσι μᾶλλον· τὸ δὲ θερμὸν συναίτιον.

§ 7. Φαίνονται δ΄ οἱ χυμοὶ ὅσοιπερ καὶ ἐν τοῖς περικαρπίοις͵ [441b] οὗτοι ὑπάρχοντες καὶ ἐν τῇ γῇ. Διὸ καὶ πολλοί φασι τῶν ἀρχαίων φυσιολόγων τοιοῦτον εἶναι τὸ ὕδωρ δι΄ οἵας ἂν γῆς πορεύηται. Καὶ τοῦτο δῆλόν ἐστιν ἐπὶ τῶν ἁλμυρῶν ὑδάτων μάλιστα· οἱ γὰρ ἅλες γῆς τι εἶδός εἰσιν. Καὶ τὰ διὰ τῆς τέφρας διηθούμενα πικρᾶς οὔσης πικρὸν ποιεῖ τὸν χυμόν͵ εἰσί τε κρῆναι πολλαὶ αἱ μὲν πικραί͵ αἱ δ΄ ὀξεῖαι͵ αἱ δὲ παντοδαποὺς ἔχουσαι χυμοὺς ἄλλους. § 8. Εὐλόγως δ΄ ἐν τοῖς φυομένοις τὸ τῶν χυμῶν γίγνεται γένος μάλιστα. Πάσχειν γὰρ πέφυκε τὸ ὑγρόν͵ ὥσπερ καὶ τἆλλα͵ ὑπὸ τοῦ ἐναντίου· ἐναντίον δὲ τὸ ξηρόν. Διὸ καὶ ὑπὸ τοῦ πυρὸς πάσχει τι· ξηρὰ γὰρ ἡ τοῦ πυρὸς φύσις. Ἀλλ΄ ἴδιον τοῦ πυρὸς τὸ θερμόν ἐστι͵ γῆς δὲ τὸ ξηρόν͵ ὥσπερ εἴρηται ἐν τοῖς περὶ στοιχείων. ᾟ μὲν οὖν πῦρ καὶ ᾗ γῆ͵ οὐδὲν πέφυκε ποιεῖν καὶ πάσχειν͵ οὐδ΄ ἄλλο οὐδέν· ᾗ δ΄ ὑπάρχει ἐναντιότης ἐν ἑκάστῳ͵ ταύτῃ πάντα καὶ ποιοῦσι καὶ πάσχουσιν. § 9. Ὥσπερ οὖν οἱ ἐναποπλύνοντες ἐν τῷ ὑγρῷ τὰ χρώματα καὶ τοὺς χυμοὺς τοιοῦτον ἔχειν ποιοῦσι τὸ ὕδωρ͵ οὕτως καὶ ἡ φύσις τὸ ξηρὸν καὶ γεῶδες͵ καὶ διὰ τοῦ ξηροῦ καὶ γεώδους διηθοῦσα καὶ κινοῦσα τῷ θερμῷ ποιόν τι τὸ ὑγρὸν παρασκευάζει. § 10. Καὶ ἔστι τοῦτο χυμός͵ τὸ γιγνόμενον ὑπὸ τοῦ εἰρημένου ξηροῦ πάθος ἐν τῷ ὑγρῷ͵ τῆς γεύσεως τῆς κατὰ δύναμιν ἀλλοιωτικὸν ὂν εἰς ἐνέργειαν· ἄγει γὰρ τὸ αἰσθητικὸν εἰς τοῦτο δυνάμει προϋπάρχον· οὐ γὰρ κατὰ τὸ μανθάνειν ἀλλὰ κατὰ τὸ θεωρεῖν ἐστι τὸ αἰσθάνεσθαι.

§ 11. Ὅτι δ΄ οὐ παντὸς ξηροῦ ἀλλὰ τοῦ τροφίμου οἱ χυμοὶ ἢ πάθος εἰσὶν ἢ στέρησις͵ δεῖ λαβεῖν ἐντεῦθεν͵ ὅτι οὔτε τὸ ξηρὸν ἄνευ τοῦ ὑγροῦ οὔτε τὸ ὑγρὸν ἄνευ τοῦ ξηροῦ· τροφὴ γὰρ οὐχ ἓν μόνον τοῖς ζῴοις͵ ἀλλὰ τὸ μεμειγμένον. Καὶ ἔστι τῆς προσφερομένης τροφῆς τοῖς ζῴοις τὰ μὲν ἁπτὰ τῶν αἰσθητῶν αὔξησιν ποιοῦντα καὶ φθίσιν· τούτων μὲν γὰρ αἴτιον ᾗ θερμὸν καὶ ψυχρὸν τὸ προσφερόμενον (ταῦτα γὰρ ποιεῖ καὶ [442a] αὔξησιν καὶ φθίσιν)͵ τρέφει δὲ ᾗ γευστὸν τὸ προσφερόμενον (πάντα γὰρ τρέφεται τῷ γλυκεῖ͵ ἢ ἁπλῶς ἢ μεμειγμένῳ). Δεῖ μὲν οὖν διορίζειν περὶ τούτων ἐν τοῖς περὶ γενέσεως͵ νῦν δ΄ ὅσον ἀναγκαῖον ἅψασθαι αὐτῶν. Τὸ γὰρ θερμὸν αὐξάνει͵ καὶ δημιουργεῖ τὴν τροφήν͵ καὶ τὸ κοῦφον ἕλκει͵ τὸ δ΄ ἁλμυρὸν καὶ πικρὸν καταλείπει διὰ τὸ βάρος. § 12. Ὃ δὴ ἐν τοῖς ἔξω σώμασι ποιεῖ τὸ ἔξω θερμόν͵ τοῦτο τὸ ἐν τῇ φύσει τῶν ζῴων καὶ φυτῶν· διὸ τρέφεται τῷ γλυκεῖ. Συμμείγνυνται δ΄ οἱ ἄλλοι χυμοὶ εἰς τὴν τροφὴν τὸν αὐτὸν τρόπον τῷ ἁλμυρῷ καὶ ὀξεῖ͵ ἀντὶ ἡδύσματος͵ ταῦτα δὲ διὰ τὸ ἀντισπᾶν τῷ λίαν τρόφιμον εἶναι τὸ γλυκὺ καὶ ἐπιπολαστικόν.

§ 13. Ὥσπερ δὲ τὰ χρώματα ἐκ λευκοῦ καὶ μέλανος μίξεώς ἐστιν͵ οὕτως οἱ χυμοὶ ἐκ γλυκέος καὶ πικροῦ͵ καὶ κατὰ λόγον δ΄ ἢ τῷ μᾶλλον καὶ ἧττον ἕκαστοί εἰσιν͵ εἴτε κατ΄ ἀριθμούς τινας τῆς μίξεως καὶ κινήσεως͵ εἴτε καὶ ἀορίστως͵ οἱ δὲ τὴν ἡδονὴν ποιοῦντες μειγνύμενοι͵ οὗτοι ἐν ἀριθμοῖς μόνον· ὁ μὲν οὖν λιπαρὸς τοῦ γλυκέος ἐστὶ χυμός͵ τὸ δ΄ ἁλμυρὸν καὶ πικρὸν σχεδὸν τὸ αὐτό͵ ὁ δὲ δριμὺς καὶ αὐστηρὸς καὶ στρυφνὸς καὶ ὀξὺς ἀνὰ μέσον. Σχεδὸν γὰρ ἴσα καὶ τὰ τῶν χυμῶν εἴδη καὶ τὰ τῶν χρωμάτων ἐστίν· ἑπτὰ γὰρ ἀμφοτέρων εἴδη͵ ἄν τις τιθῇ͵ ὥσπερ εὔλογον͵ τὸ φαιὸν μέλαν τι εἶναι· λείπεται γὰρ τὸ ξανθὸν μὲν τοῦ λευκοῦ εἶναι ὥσπερ τὸ λιπαρὸν τοῦ γλυκέος͵ τὸ φοινικοῦν δὲ καὶ ἁλουργὸν καὶ πράσινον καὶ κυανοῦν μεταξὺ τοῦ λευκοῦ καὶ μέλανος͵ τὰ δ΄ ἄλλα μεικτὰ ἐκ τούτων. Καὶ ὥσπερ τὸ μέλαν στέρησις ἐν τῷ διαφανεῖ τοῦ λευκοῦ͵ οὕτω τὸ ἁλμυρὸν καὶ τὸ πικρὸν τοῦ γλυκέος ἐν τῷ τροφίμῳ ὑγρῷ. Διὸ καὶ ἡ τέφρα τῶν κατακαιομένων πικρὰ πάντων· ἐξίκμασται γὰρ τὸ πότιμον ἐξ αὐτῶν.

§ 14. Δημόκριτος δὲ καὶ οἱ πλεῖστοι τῶν φυσιολόγων͵ ὅσοι λέγουσι περὶ αἰσθήσεως͵ ἀτοπώτατόν τι [442b] ποιοῦσιν· πάντα γὰρ τὰ αἰσθητὰ ἁπτὰ ποιοῦσιν. Καίτοι εἰ τοῦτο οὕτως ἔχει͵ δῆλον ὡς καὶ τῶν ἄλλων αἰσθήσεων ἑκάστη ἁφή τίς ἐστιν· τοῦτο δ΄ ὅτι ἀδύνατον͵ οὐ χαλεπὸν συνιδεῖν. § 15. Ἔτι δὲ τοῖς κοινοῖς τῶν αἰσθήσεων πασῶν χρῶνται ὡς ἰδίοις· μέγεθος γὰρ καὶ σχῆμα καὶ τὸ τραχὺ καὶ τὸ λεῖον͵ ἔτι δὲ τὸ ὀξὺ καὶ τὸ ἀμβλὺ τὸ ἐν τοῖς ὄγκοις͵ κοινὰ τῶν αἰσθήσεών ἐστιν͵ εἰ δὲ μὴ πασῶν͵ ἀλλ΄ ὄψεώς γε καὶ ἁφῆς. Διὸ καὶ περὶ μὲν τούτων ἀπατῶνται͵ περὶ δὲ τῶν ἰδίων οὐκ ἀπατῶνται͵ οἷον ἡ ὄψις περὶ χρώματος καὶ ἡ ἀκοὴ περὶ ψόφων. Οἱ δὲ τὰ ἴδια εἰς ταῦτα ἀνάγουσιν͵ ὥσπερ Δημόκριτος· τὸ γὰρ λευκὸν καὶ τὸ μέλαν τὸ μὲν τραχύ φησιν εἶναι τὸ δὲ λεῖον͵ § 16. Εἰς δὲ τὰ σχήματα ἀνάγει τοὺς χυμούς. Καίτοι ἢ οὐδεμιᾶς ἢ μᾶλλον τῆς ὄψεως τὰ κοινὰ γνωρίζειν. Εἰ δ΄ ἄρα τῆς γεύσεως μᾶλλον͵ τὰ γοῦν ἐλάχιστα τῆς ἀκριβεστάτης ἐστὶν αἰσθήσεως διακρίνειν περὶ ἕκαστον γένος͵ ὥστε ἐχρῆν τὴν γεῦσιν καὶ τῶν ἄλλων κοινῶν αἰσθάνεσθαι μάλιστα καὶ τῶν σχημάτων εἶναι κριτικωτάτην. Ἔτι τὰ μὲν αἰσθητὰ πάντα ἔχει ἐναντίωσιν͵ οἷον ἐν χρώματι τῷ μέλανι τὸ λευκὸν καὶ ἐν χυμοῖς τῷ γλυκεῖ τὸ πικρόν· σχῆμα δὲ σχήματι οὐ δοκεῖ εἶναι ἐναντίον· τίνι γὰρ τῶν πολυγώνων τὸ περιφερὲς ἐναντίον; ἔτι ἀπείρων ὄντων τῶν σχημάτων ἀναγκαῖον καὶ τοὺς χυμοὺς εἶναι ἀπείρους· διὰ τί γὰρ ὁ μὲν τῶν χυμῶν αἴσθησιν ποιήσει͵ ὁ δ΄ οὐκ ἂν ποιήσειεν; καὶ περὶ μὲν τοῦ γευστοῦ καὶ χυμοῦ εἴρηται· τὰ γὰρ ἄλλα πάθη τῶν χυμῶν οἰκείαν ἔχει τὴν σκέψιν ἐν τῇ φυσιολογίᾳ τῇ περὶ τῶν φυτῶν.

§ 1. Il a déjà été question du son et de la voix dans le Traité de l'Ame. § 2. Parlons ici de l'odeur et de la saveur. Ces affections sont à peu près les mêmes, bien qu'elles ne se produisent pas toutes les deux dans les mêmes organes. La nature des saveurs est plus claire pour nous que celle des odeurs; et la cause en est que [441a] nous avons l'odorat beaucoup moins fin que tous les autres animaux. Il faut ajouter même que l'odorat est en nous le moins bon de tous les sens dont nous sommes doués. Au contraire, nous avons le toucher plus délicat que tous les autres animaux; et le goût n'est qu'une sorte de toucher.

§ 3. D'abord la nature propre de l'eau, c'est d'être sans saveur; mais il faut nécessairement, ou que l'eau ait en elle toutes les saveurs, qui alors n'échappent à nos sens que par leur faiblesse même, comme le prétend Empédocle; ou bien, que l'eau renferme une matière qui soit en quelque sorte le germe de toutes les saveurs, et qu'ainsi toutes les saveurs viennent de l'eau, celles-ci d'une partie, celles-là d'une autre; ou bien enfin, que l'eau n'ayant en soi aucune diversité de saveurs, la cause effective des saveurs soit par exemple la chaleur et aussi le soleil.

§ 4. Mais ici l'erreur où tombe Empédocle est par trop facile à découvrir. Ainsi l'on peut bien se convaincre que les saveurs des fruits changent par l'effet dé la chaleur, quand on les a détachés de l'arbre et qu'on les fait sécher au soleil ou au feu. Dans ce cas apparemment les saveurs ne se modifient pas parce qu'elles tiennent de l'eau quelque nouveau principe; mais elles changent dans l'intérieur même du fruit, soit que se desséchant avec le temps elle deviennent sûres et amères de douces qu'elles étaient, et s'altèrent de cent façons; soit que soumises à l'action du feu elles prennent, l'on peut dire, toutes les variétés possibles sans exception.

§ 5. Il ne se peut pas davantage que l'eau soit la matière unique qui contienne le germe de toutes les saveurs; car nous voyons sortir de la même eau, comme d'une même nourriture, les saveurs lés plus différentes.

§ 6. Reste donc là dernière explication, à savoir que là saveur change parce que l'eau vient à éprouver quelques modifications. Mais il est évident que ce n'est pas par la puissance seule de là chaleur que l'eau acquiert cette puissance que nous appelons saveur. L'eau en effet est le plus léger de tous les liquides; elle est même plus légère que l'huile, bien que l'huile par sa viscosité s'étende et surnage à la surface de l'eau, qui d'ailleurs est fluide, et qu'on retiendrait plus difficilement dans là main que de l'huile. Mais comme l'eau est le seul liquide qui ne s'épaississe pas en s'échauffant, il faut évidemment chercher une autre cause à la saveur; car tous les liquides qui ont de la saveur deviennent plus épais; et ainsi, la chaleur ne fait que contribuer à cet effet que produisent aussi d'autres causes.

§ 7. Toutes les saveurs qu'on découvre dans les fruits [441b] se trouvent aussi, à ce qu'il semble, dans la terre. Du moins, plusieurs anciens naturalistes ont prétendu que l'eau variait avec la nature du sol qu'elle traverse; et cela est surtout manifeste pour les eaux salées, puisque les sels sont une espèce de terre. Ainsi, les eaux, quand elles filtrent dans la cendre qui est amère, produisent une saveur amère comme elle. Il en est de même pour les autres matières que les eaux traversent; et de fait, il y a beaucoup de sources qui sont amères, d'autres qui sont acides, d'autres enfin qui ont les saveurs les plus variées. § 8. Par là on comprend sans peine comment c'est surtout dans les végétaux que se montre la diversité des saveurs. En effet, l'humidité, comme toute autre chose, est naturellement modifiée par son contraire; or, c'est le sec qui est ce contraire. Aussi l'humidité est-elle modifiée par le feu; car la nature du feu est sèche; mais le propre du feu, c'est le chaud, comme le sec est le propre de la terre, ainsi qu'on l'a dit dans le Traité des Eléments. Du reste, en tant que feu et que terre, ces éléments ne peuvent par leur nature, ni rien faire ni rien souffrir, pas plus qu'aucun autre élément; c'est seulement en tant qu'il y a en eux une opposition des contraires qu'ils peuvent produire et souffrir des modifications de toutes sortes. § 9. Ainsi donc, de même que quand on dissout quelque couleur ou quelque saveur dans un liquide, on fait que l'eau contracte cette couleur et cette saveur, de même la nature agit sur l'élément sec et l'élément terreux; elle filtre l'humidité à travers le sec et le terreux, elle la met en mouvement par le chaud, et lui donne enfin toutes les qualités qu'elle doit avoir. § 10. La modification qui est alors produite dans l'humidité est précisément la saveur; et cette modification affecte et change le sens du goût, en le faisant passer de la puissance à l'acte, puisqu'elle amène l'organe qui sent à cet état nouveau, tandis qu'antérieurement il n'était qu'en puissance. En effet, sentir n'est pas un acte analogue à celui par lequel on apprend ce qu'on ne sait point; c'est bien plutôt un acte analogue à celui par lequel on contemple ce qu'on sait.

§11. Pour se convaincre que les saveurs sont ou une modification ou une privation, non pas du sec en général, mais seulement du sec qui peut nourrir, il suffit d'observer qu'il n'y a pas plus de sec sans humidité qu'il n'y a d'humidité sans sec; car aucun de ces éléments ne peut isolément nourrir les animaux : il n'y a que leur mélange qui soit nutritif. Dans la nourriture que s'assimilent les animaux, ce sont les parties sensibles au toucher qui seules font [442a] l'accroissement et la mort de l'animal; et la substance assimilée ne cause ces deux phénomènes qu'en tant que chaude et froide; car c'est le chaud et le froid qui font l'accroissement de l'animal et son dépérissement. Mais l'aliment assimilé ne nourrit qu'en tant qu'il est perceptible au goût, puisque que tout être ne se nourrit que de ce qui est doux en soi, ou le devient par suite d'un mélange. Nous discuterons ce sujet d'une manière complète dans le Traité de la Génération; ici nous ne ferons que l'effleurer en tant qu'il nous sera nécessaire de le faire. Ainsi, c'est la chaleur qui fait augmenter l'être qui se nourrit} elle élabore la nourriture, elle attire toutes les parties légères, et elle laisse toutes les parties amères et salées qui sont trop lourdes. § 12. Ce que la chaleur extérieure produit sur l'extérieur des corps, elle le profit aussi dans l'organisation intérieure des animaux et des végétaux; c'est par son action qu'ils ne se nourrissent que de ce qui est doux. Si les autres saveurs viennent se mêler au principe doux dans la nourriture, c'est de la même façon que l'on mêle dans celle-ci un corps salé et acide pour l'assaisonner ; et c'est en vue de contrebalancer ce que le doux et la partie qui surnage pourraient avoir de trop nutritif.

§ 13. De même que les couleurs se forment du mélange du blanc et du noir, de même les saveurs se forment de l'amer et du doux. J^es nuances des saveurs varient selon que le doux et l'amer y entrent en plus ou moins grande proportion, soit d'après certains nombres et certains mouvements précis du mélange, soit même dans des proportions tout indéterminées. Les saveurs qui, dans leur mélange, plaisent au goût, sont les seules qui soient soumises à un rapport numérique. Ainsi, le gras est la saveur du doux; le salé et l'amer sont à peu près la même saveur; le fort, l'acre, l'aigre et l'acide sont <\es nuances intermédiaires. C'est qu'en effet les espèces de saveurs ressemblent beaucoup à celles des couleurs. Des deux côtés, ces espèces sont au nombre de sept ; si l'on suppose, comme il est bon de le faire, que le gris soit une sorte de noir, il ne reste que le fauve qui se rapporte au blanc, comme le gras se rapporte au doux; l'écarlate, le violet, le vert et le bleu se placent entre le blanc et le noir, et toutes les autres couleurs ne sont que des mélanges de celles-là. Et de même que le noir est dans le diaphane la privation du blanc, de même aussi le salé et l'amer sont la privation' du doux dans l'humide nutritif. Aussi voilà pourquoi la cendre des choses brûlées est toujours très-amère; c'est que la partie potable que ces choses contenaient est épuisée.

§ 14. Démocrite et la plupart des naturalistes qui ont traité de la sensibilité, commettent ici une erreur énorme : ils croient que toutes les choses sensibles [442b] sont tangibles. Pourtant s'il en était ainsi, il faudrait évidemment que chaque sens ne fût qu'une sorte de toucher; mais il est bien facile de reconnaître que ceci est impossible. § 15. Ils confondent en outre les perceptions communes à tous les sens avec celles qui sont propres à chacun séparément. Ainsi, la grandeur, la figure, le rude et le lisse, l'aigu et l'obtus dans les masses, sont des choses que perçoivent en commun tous les sens, ou si ce n'est tous, du moins la vue et le toucher. C'est là aussi ce qui fait que les sens se trompent sur ces choses, tandis qu'ils ne se trompent pas sur les perceptions propres : la vue, sur la couleur; et l'ouïe, sur les sons. Il y a des naturalistes qui ramènent les perceptions propres aux perceptions communes, comme le fait encore Démocrite, qui, pour expliquer le blanc et le noir, prétend que l'un est rude, et l'autre, lisse. § 16. Démocrite confond aussi les saveurs et les figures ; et cependant connaître les choses communes appartiendrait à la vue bien plutôt qu'à tout autre sens, si aucun d'eux pouvait avoir cette faculté. Or, si c'était plutôt au goût qu'appartînt cette fonction, les plus petites nuances dans chaque genre d'objets devant être discernées par le sens le plus délicat, il faudrait que le goût sentît mieux qu'aucun autre seps toutes les choses communes, qu'il jugeât le mieux aussi des autres figures. Ajoutons que toutes les choses sensibles ont des contraires; ainsi, dans la couleur le noir est le contraire du blanc; et dans les saveurs, l'amer est le contraire du doux. Mais la figure ne paraît pas pouvoir être contraire à la figure; et par exemple, de quel polygone la circonférence est-elle le contraire? En outre, les figures étant infinies, il faut alors aussi que les saveurs soient infinies comme elles ; car comment telle saveur produirait-elle sensation, tandis que telle autre n'en produirait pas?

§ 17. Voilà ce qu'il y avait à dire ici sur la saveur et sur ses rapports aux objets que perçoit le goût. Les autres faits relatifs aux saveurs doivent être étudiés spécialement dans cette partie de l'histoire fie la nature qui concerne les végétaux.




 

§ 1. Du son et de la voix dans le Traité de l'Ame, II, viii, 4 et 9. Ici  Aristote ne traitera point du ton spécialement, bien qu'il ait semblé L'annoncer plus haut. Voir ch. iii, § 2.

§ 2. Parlant ici de l'odeur. Voir plus loin, ch. v.

Sont à peu près les mêmes. Voir le Traité de l'Ame, II, ix, 2 et suiv.

Que tous les autres animaux. Id., ibid.

Le toucher plus délicat. Id., ibid.

Une sorte de toucher. Id., III, xii, 7.

§ 3. D'abord la nature propre de l'eau, c'est d'être sans saveur. Ceci semble une sorte d'axiome admis par tontes les écoles. Aristote a établi aussi, comme on principe incontestable , que l'humide était indispensable pour la sensation du goût, Traité de l'Ame, II, x, i et suiv.

Qui soit en quelque sorte le germe. Alexandre croit que cette seconde théorie est celle de Démocrite : cette conjecture semble tout à fait certaine à Simoni, parce qu'Aristote emploie ici un mot qui est propre au système de Démocrite.

Ou bien enfin. Cette troisième opinion est rapportée par les commentateurs à Anaxagore ; rien ne contredit cette hypothèse.

§ 4. Quand on les a détaches de l'arbre. Je préfère ce sens, parce qu'il s'accorde mieux avec tout le contexte » et qu'il rend la réfutation plus frappante. Mais on peut comprendre aussi, comme le remarque Alexandre, que l'écorce des fruits est incisée, et que cette simple circonstance suffit pour apporter dans leur saveur des modifications, qui dès lors ne tiennent plus à l'eau que leurs racines puisent dans la terre.

Apparemment. J'ai ajouté ce mot pour être plus clair.

Dans l'intérieur même du fruit. Ici encore le texte peut être compris de manière à rester d'accord avec l'autre explication que propose Alexandre.

Soit que. L'expression d'Aristote n'est pas tout à fait aussi précise.Mais cette alternative que je mets dans ma traduction se trouve exprimée dans la phrase précédente : « Au soleil ou au feu. »

§ 5. Il ne se peut pas davantage. C'est la seconde opinion citée au § 3, elle est sans doute de Démocrite.

Comme d'une même nourriture. Ceci peut s'entendre aussi, comme le veut Alexandre, du corps humain, ou une même nourriture produit des nerfs, des muscles, des os, des tendons, etc. ; ou bien d'une manière plus spéciale, on peut l'appliquer aux plantes, où Souvent la saveur du fruit n'est pas la même que celle des feuilles, du bois, des racines, comme dans le figuier, pour prendre l'exemple que citent les commentateurs.

§ 6. Quelques modifications. Par l'action du soleil ou du feu ; voir la fin du § 3 ci-dessus.

Par la puissance.... cette puissance. Cette répétition est dans le texte; j'ai cru devoir la conserver.

Elle est même plus légère que l'huile. Tout ce passage concernant l'huile ne fait que ralentir ici la pensée, et n'importe en rien au sujet. C'est peut-être une interpolation.

Tous les liquides qui ont de la saveur. Le texte dit littéralement : « Toutes les saveurs.»

Ne fait que contribuer. J'ai ici paraphrasé un peu le texte pour le rendre plus clair.

§ 7. Plusieurs anciens naturalistes. Il paraîtrait, d'après un passage d'Alexandre d'Aphrodise, dans son commentaire sur le second livre de la Météorologie, qu'Aristote désigne ici Métrodore et Anaxagore; voir le début du second livre de la Météorologie, édit. d'Ideler, t. I, p. 269.

Il y a beaucoup de sources, Alexandre renvoie ici à l'ouvrage de Théophraste, intitulé de l'Eau, où toutes ces questions semblent avoir été traitées : cet ouvrage n'est pas parvenu jusqu'à nous.

§ 8. C'est le sec qui est son contraire, et le sec est surtout dans la terre, comme Aristote le dit quelques lignes plus bas.

Dans le Traite des Éléments. Alexandre et tous les commentateurs à sa suite ont prétendu qu'Aristote voulait désigner ici son Traité de la Génération et de la Corruption; et, en effet, ces questions y sont traitées, liv. II, édit. de Berlin, p. 328 et suiv. Dans le catalogue de Diogène de Laërte, on trouve un Traité des Éléments, en trois livres.

§ 9. Ainsi donc, de même. Voilà l'opinion personnelle d*Aristote sur la diversité des saveurs : elles sont produites, selon lui, par ces trois causes réunies : l'humide, le sec et la chaleur. C'est ainsi qu'il modifie en partie la troisième opinion ; et cette modification était déjà indiquée à la fin du § 6.

— Toutes les qualités quelle doit avoir. Le texte dit littéralement : « La rend telle. »

§ 10. En le faisant passer de la puissance à l'acte. Il faut se rappeler toute la théorie d'Aristote sur la sensibilité, qui n'est pour lui qu'une simple puissance tant que l'objet extérieur ne vient pas, en agissant sur elle, la faire passer à l'acte ; voir Traité de l'Ame, II, v, 2 et suiv.

— On apprend ce qu'on ne sait point. J'ai paraphrasé le texte pour qu'il fut parfaitement clair; voir, du reste, cette comparaison déjà employée, Traité de l'Ame, liv. II, i, 3 et suiv.

On contemple ce qu'on sait, ld., ibid.

§ 11. Une privation. Aristote veut simplement désigner par là les contraires : ainsi le doux est la privation de l'amer, etc.

Du sec qui peut nourrir. Léonicus remarque avec raison que le or sec qui peut nourrir » se confond ici avec le sec perceptible au goût.

Qu'il n'y a pas plus de sec sans humidité dans les aliments que peut prendre l'animal.

Que s'assimilent les animaux, et aussi les plantes, d'après les théories exposées dans le Traité de l'Ame, liv. II, ch. iv.

Sensibles au toucher. Id., ibid., § 13.

Dans le Traité de la Génération. Le texte n'achève pas le titre de ce traité tel que nous le possédons aujourd'hui. Les commentateurs croient que c'est le Traité de la Génération et de la Corruption ; mais cette question n'y est pas discutée tout au long ni directement, comme Aristote le promet ici : ce serait peut-être plutôt le Traité de la Génération des Animaux.

C'est la chaleur. Voir le rôle attribué à la chaleur, Traité de l'Ame, II, iv, 16.

L'être qui se nourrit. J'ai ajouté ces mots.

Amères et salées, ne prenant que les parties douces.

§ 12. Dans l'organisation intérieure. J'ai ajouté ce dernier mot pour que la pensée fût plus complètement rendue.

Que de ce qui est doux. Aristote a expliqué à la fin du paragraphe précédent l'action de la chaleur sur les parties légères de la nourriture : ce sont celles-là qui surnagent et qui nourrissent l'animal, parce qu'elles sont douces ; les parties amères et salées, qui sont plus lourdes, ne sont pas vaporisées par la chaleur, et n'entrent point dans la nutrition.

§ 13. Se forment du mélange du blanc et du noir. Voir plus haut cette théorie, ch. iii, §§ 9 et 10.

Précis. J'ai ajouté ce mot pour compléta la pensée.

-— Le gras est la saveur du doux. Le gras et le doux se confondent : notre langue ne peut offrir d'expressions plus convenables pour rendre celles d'Aristote.

Le salé, etc. Il y aurait ici huit saveurs et non sept, si l'on ne réunissait en une seule le gras et le doux. C'est ce que quelques commentateurs n'ont pas assez remarqué.

Ces espèces sont au nombre de sept. Il est très-remarquable que l'antiquité, tout en partant de principes faux , soit arrivée au vrai en ce qui concerne le nombre des couleurs primitives. Il faut voir, du reste, des théories tout à fait analogues dans le Timée de Platon, pour les saveurs , p. 188, et pour les couleurs, p. 194 , trad. de M. Cousin. Aristote a beaucoup emprunté à son maître, tout en le modifiant ; mais ces théories sont, selon toute apparence , antérieures même à Platon ; voir l'édit. de Timée de M. Henri Martin, t. II, p. 285 et suiv.

§ 14. Démocrite et la plupart des naturalistes. On ne voit pas bien comment ceci se rattache à ce qui précède : ce n'est qu'au § 16 qu'Aristote reviendra à la véritable question, c'est-à-dire à celle des saveurs. Quelques commentateurs, et entre autres Simoni, ont remarqué ce vice de rédaction. Il est bien vrai que, pour expliquer l'erreur de Démocrite en ce qui concerne les saveurs, Aristote remonte à son erreur générale sur la sensibilité ; mais la pensée pouvait être présentée d'une manière plus nette et plus directe.

Ne fût qu'une sorte de toucher. Aristote, qui blâme ici cette opinion, l'a soutenue en partie lui-même , Traité de l'Ame, III, xiii, 1 ; seulement il a montré les différences du toucher, qui n'a pas besoin d'un intermédiaire pour sentir les objets, et des autres sens qui tous ont absolument besoin d'un intermédiaire.

§ 15. Les perceptions communes, Aristote a distingué profondément ces deux ordres de perceptions, Traité de l'Ame, II, vi, 3.

Le rude et le lisse, l'aigu et l'obtus. Ces perceptions ne sont pas, dans le Traité de l'Ame, énumérées parmi les perceptions communes. Id., ibid.

Ne se trompent pas sur les perceptions propres. Traité de l'Ame, II, vi, 2.

Il y a des naturalistes. C'est l'erreur inverse de celle qui vient d'être réfutée.

Pour expliquer le blanc et le noir, qui sont des perceptions propres.

L'un est rude, et l'autre, lisse, perceptions communes, suivant la théorie exposée dans ce paragraphe.

§ 16. Démocrite confond aussi les saveurs et les figures. Voilà le véritable point de la discussion.

Appartiendrait. .. bien plutôt. J'ai mis ici un conditionnel pour indiquer que ce n'est point la pensée d'Aristote.

Si aucun d'eux. J'ai dît paraphraser le texte pour en rendre toute la force.

Plutôt au goût. En admettant les théories de Démocrite.

Des autres figures. Le mot « autres, » que donnent quelques manuscrits et quelques éditions, et que n'a point adopté celle de Berlin , me semble indispensable. C'est la aussi l'opinion d'Alexandre d'Aphrodise, comme le prouve son commentaire. Cette conséquence absurde sous laquelle Aristote prétend accabler la théorie de Démocrite, serait, sans ce mot, beaucoup moins évidente.

Ajoutons. Nouvelle objection contre la théorie de Démocrite, qui, réduisant les saveurs aux figures, ne peut expliquer l'opposition des saveurs contraires.

Les figures étant infimes, tandis qu'au contraire les saveurs sont limitées ; voir plus haut, § 13.

Car comment. Aristote omet ici une idée intermédiaire, comme le remarque Alexandre : « Or les saveurs ne sont pas infinies ; car si elles l'étaient, comment, etc.»
 

Telle autre n'en produirait pas, puisque l'observation démontre, du moins suivant Aristote, que le nombre des saveurs est fini.

§ 17. Cette partie de l'histoire de la nature qui concerne les végétaux. Alexandre d'Aphrodise fait remarquer qu'il n'y a point d'ouvrage d'Aristote sur les plantes, et que Théophraste seul a écrit sur ce sujet. Cette observation d'Alexandre suffirait à elle seule pour infirmer l'authenticité du Traité des Plantes qui est compris habituellement parmi les œuvres d'Aristote. En effet, Aristote ne dit point qu'il a étudié ou qu'il étudiera, personnellement ces faits; il parle d'une manière tonte générale. Cependant, Simoni prétend retrouver, à la fin du second livre du Traité des Plantes , la discussion qui est indiquée ici.

 

CHAPITRE V.

Complément de la théorie de l'odeur. — Rapports des odeurs aux saveurs : odeurs des différents corps. — Réfutation d'une opinion d'Héraclite sur la nature de l'odeur : l'odeur est une modification de l'humidité de l'air et de l'eau, causée par la sécheresse sapide. — Deux espèces principales d'odeurs, comme il y a aussi deux espèces principales de saveurs : les unes sont bonnes ou mauvaises Indirectement, les autres le sont par elles-mêmes : l'homme est le seul animal qui ait la perception de cette seconde espèce d'odeurs : action des odeurs sur le cerveau, — Organisation spéciale des poissons et des insectes pour la perception des odeurs. — L'odorat tient à peu près le milieu entre les cinq sens : le toucher et le goût d'une part, la vue et l'ouïe de l'autre. — Réfutation d'une opinion des Pythagoriciens, qui soutiennent que certains animaux se nourrissent d'odeurs : l'odeur peut contribuer à la santé, mais non à l'alimentation.

§ 1.Τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον δεῖ νοῆσαι καὶ περὶ τὰς ὀσμάς· ὅπερ γὰρ ποιεῖ ἐν τῷ ὑγρῷ τὸ ξηρόν͵ τοῦτο ποιεῖ ἐν ἄλλῳ γένει τὸ ἔγχυμον ὑγρόν͵ ἐν ἀέρι καὶ ὕδατι ὁμοίως. (Κοινὸν δὲ κατὰ τούτων νῦν μὲν λέγομεν τὸ διαφανές͵ ἔστι δ΄ [443a] ὀσφραντὸν οὐχ ᾗ διαφανές͵ ἀλλ΄ ᾗ πλυτικὸν καὶ ῥυπτικὸν ἐγχύμου ξηρότητος.) § 2. Οὐ γὰρ μόνον ἐν ἀέρι ἀλλὰ καὶ ἐν ὕδατι τὸ τῆς ὀσφρήσεώς ἐστιν. Δῆλον δ΄ ἐπὶ τῶν ἰχθύων καὶ τῶν ὀστρακοδέρμων· φαίνονται γὰρ ὀσφραινόμενα οὔτε ἀέρος ὄντος ἐν τῷ ὕδατι (ἐπιπολάζει γὰρ ὁ ἀήρ͵ ὅταν ἐγγένηται) οὔτ΄ αὐτὰ ἀναπνέοντα. Εἰ οὖν τις θείη καὶ τὸν ἀέρα καὶ τὸ ὕδωρ ἄμφω ὑγρά͵ εἴη ἂν ἡ ἐν ὑγρῷ τοῦ ἐγχύμου ξηροῦ φύσις ὀσμή͵ καὶ ὀσφραντὸν τὸ τοιοῦτον.

§ 3. Ὅτι δ΄ ἀπ΄ ἐγχύμου ἐστὶ τὸ πάθος͵ δῆλον ἐκ τῶν ἐχόντων καὶ μὴ ἐχόντων ὀσμήν· τά τε γὰρ στοιχεῖα ἄοσμα͵ οἷον πῦρ ἀὴρ γῆ ὕδωρ͵ διὰ τὸ τά τε ξηρὰ αὐτῶν καὶ τὰ ὑγρὰ ἄχυμα εἶναι͵ ἂν μή τι μειγνύμενον ποιῇ. Διὸ καὶ ἡ θάλαττα ἔχει ὀσμήν (ἔχει γὰρ χυμὸν καὶ ξηρότητα)͵ καὶ ἅλες μᾶλλον νίτρου ὀσμώδεις (δηλοῖ δὲ τὸ ἐξικμαζόμενον ἐξ αὐτῶν ἔλαιον)͵ τὸ δὲ νίτρον γῆς ἐστι μᾶλλον. Ἔτι λίθος μὲν ἄοσμον͵ ἄχυμον γάρ͵ τὰ δὲ ξύλα ὀσμώδη͵ ἔγχυμα γάρ· καὶ τούτων τὰ ὑδατώδη ἧττον. Ἔτι ἐπὶ τῶν μεταλλευομένων χρυσὸς ἄοσμον͵ ἄχυμον γάρ͵ ὁ δὲ χαλκὸς καὶ ὁ σίδηρος ὀσμώδη· ὅταν δ΄ ἐκκαυθῇ τὸ ὑγρόν͵ ἀοσμότεραι αἱ σκωρίαι γίγνονται πάντων· ἄργυρος δὲ καὶ καττίτερος τῶν μὲν μᾶλλον ὀσμώδη τῶν δ΄ ἧττον· ὑδατώδη γάρ.

§ 4. Δοκεῖ δ΄ ἐνίοις ἡ καπνώδης ἀναθυμίασις εἶναι ὀσμή͵ οὖσα κοινὴ γῆς τε καὶ ἀέρος [καὶ πάντες ἐπιφέρονται ἐπὶ τοῦτο περὶ ὀσμῆς]· διὸ καὶ Ἡράκλειτος οὕτως εἴρηκεν͵ ὡς εἰ πάντα τὰ ὄντα καπνὸς γένοιτο͵ ῥῖνες ἂν διαγνοῖεν͵ καὶ πάντες ἐπιφέρονται ἐπὶ τοῦτο περὶ ὀσμῆς͵ οἱ μὲν ὡς ἀτμίδα͵ οἱ δ΄ ὡς ἀναθυμίασιν͵ οἱ δ΄ ὡς ἄμφω ταῦτα· ἔστι δ΄ ἡ μὲν ἀτμὶς ὑγρότης τις͵ ἡ δὲ καπνώδης ἀναθυμίασις͵ ὥσπερ εἴρηται͵ κοινὸν ἀέρος καὶ γῆς· καὶ συνίσταται ἐκ μὲν ἐκείνης ὕδωρ͵ ἐκ δὲ ταύτης γῆς τι εἶδος. Ἀλλ΄ οὐδέτερον τούτων ἔοικεν· ἡ μὲν γὰρ ἀτμίς ἐστιν ὕδατος͵ ἡ δὲ καπνώδης ἀναθυμίασις ἀδύνατος ἐν ὕδατι γενέσθαι· ὀσμᾶται δὲ καὶ τὰ ἐν τῷ ὕδατι͵ [443b] ὥσπερ εἴρηται πρότερον. Ἔτι ἡ ἀναθυμίασις ὁμοίως λέγεται ταῖς ἀποῤῥοίαις· εἰ οὖν μηδ΄ ἐκεῖναι καλῶς͵ οὐδ΄ αὕτη καλῶς.

§ 5.  Ὅτι μὲν οὖν ἐνδέχεται ἀπολαύειν τὸ ὑγρόν͵ καὶ τὸ ἐν τῷ πνεύματι καὶ τὸ ἐν τῷ ὕδατι͵ καὶ πάσχειν τι ὑπὸ τῆς ἐγχύμου ξηρότητος͵ οὐκ ἄδηλον· καὶ γὰρ ὁ ἀὴρ ὑγρὸν τὴν φύσιν ἐστίν. § 6. Ἔτι δ΄ εἴπερ ὁμοίως ἐν τοῖς ὑγροῖς ποιεῖ καὶ ἐν τῷ ἀέρι οἷον ἀποπλυνόμενον τὸ ξηρόν͵ φανερὸν ὅτι δεῖ ἀνάλογον εἶναι τὰς ὀσμὰς τοῖς χυμοῖς. Ἀλλὰ μὴν τοῦτό γε ἐπ΄ ἐνίων συμβέβηκεν· καὶ γὰρ δριμεῖαι καὶ γλυκεῖαί εἰσιν ὀσμαὶ καὶ αὐστηραὶ καὶ στρυφναὶ καὶ λιπαραί͵ καὶ τοῖς πικροῖς τὰς σαπρὰς ἄν τις ἀνάλογον εἴποι· διὸ ὥσπερ ἐκεῖνα δυσκατάποτα͵ τὰ σαπρὰ δυσανάπνευστά ἐστιν. Δῆλον ἄρα ὅτι ὅπερ ἐν τῷ ὕδατι ὁ χυμός͵ τοῦτ΄ ἐν τῷ ἀέρι καὶ ὕδατι ἡ ὀσμή. Καὶ διὰ τοῦτο τὸ ψυχρὸν καὶ ἡ πῆξις καὶ τοὺς χυμοὺς ἀμβλύνει καὶ τὰς ὀσμὰς ἀφανίζει· τὸ γὰρ θερμὸν τὸ κινοῦν καὶ δημιουργοῦν ἀφανίζουσιν ἡ ψύξις καὶ ἡ πῆξις.

§ 7. Εἴδη δὲ τοῦ ὀσφραντοῦ δύο ἐστίν· οὐ γάρ͵ ὥσπερ τινές φασιν͵ οὐκ ἔστιν εἴδη τοῦ ὀσφραντοῦ͵ ἀλλ΄ ἔστιν. Διοριστέον δὲ πῶς ἔστι καὶ πῶς οὐκ ἔστιν· τὸ μὲν γάρ ἐστι κατὰ τοὺς χυμοὺς τεταγμένον αὐτῶν͵ ὥσπερ εἴπομεν͵ καὶ τὸ ἡδὺ καὶ τὸ λυπηρὸν κατὰ συμβεβηκὸς ἔχουσιν (διὰ γὰρ τὸ τοῦ θρεπτικοῦ πάθη εἶναι͵ ἐπιθυμούντων μὲν ἡδεῖαι αἱ ὀσμαὶ τούτων εἰσί͵ πεπληρωμένοις δὲ καὶ μηδὲν δεομένοις οὐχ ἡδεῖαι͵ οὐδ΄ ὅσοις μὴ καὶ ἡ τροφὴ ἡ ἔχουσα τὰς ὀσμὰς ἡδεῖα͵ οὐδὲ τούτοις)ὥστε αὗται μέν͵ καθάπερ εἴπομεν͵ κατὰ συμβεβηκὸς ἔχουσι τὸ ἡδὺ καὶ λυπηρόν͵ διὸ καὶ πάντων εἰσὶ κοιναὶ τῶν ζῴων· αἱ δὲ καθ΄ αὑτὰς ἡδεῖαι τῶν ὀσμῶν εἰσιν͵ οἷον αἱ τῶν ἀνθῶν· οὐδὲν γὰρ μᾶλλον οὐδ΄ ἧττον πρὸς τὴν τροφὴν παρακαλοῦσιν͵ οὐδὲ συμβάλλονται πρὸς ἐπιθυμίαν οὐδέν͵ ἀλλὰ τοὐναντίον μᾶλλον· ἀληθὲς γὰρ ὅπερ Εὐριπίδην σκώπτων εἶπε Στράττις͵ ὅταν φακῆν ἕψητε͵ μὴ ΄πιχεῖν μύρον. Οἱ δὲ νῦν μειγνύν [444a] τες εἰς τὰ πόματα τὰς τοιαύτας δυνάμεις βιάζονται τῇ συνηθείᾳ τὴν ἡδονήν͵ ἕως ἂν ἐκ δύ΄ αἰσθήσεων γένηται τὸ ἡδὺ ὡς ἂν καὶ ἀπὸ μιᾶς. § 8. Τοῦτο μὲν οὖν τὸ ὀσφραντὸν ἴδιον ἀνθρώπου ἐστίν͵ ἡ δὲ κατὰ τοὺς χυμοὺς τεταγμένη καὶ τῶν ἄλλων ζῴων͵ ὥσπερ εἴρηται πρότερον· κἀκείνων μέν͵ διὰ τὸ κατὰ συμβεβηκὸς ἔχειν τὸ ἡδύ͵ διῄρηται τὰ εἴδη κατὰ τοὺς χυμούς͵ ταύτης δ΄ οὐκέτι͵ διὰ τὸ τὴν φύσιν αὐτῆς εἶναι καθ΄ αὑτὴν ἡδεῖαν ἢ λυπηράν. Αἴτιον δὲ τοῦ ἴδιον εἶναι ἀνθρώπου τὴν τοιαύτην ὀσμὴν διὰ τὴν ἕξιν τὴν περὶ τὸν ἐγκέφαλον. Ψυχροῦ γὰρ ὄντος τὴν φύσιν τοῦ ἐγκεφάλου͵ καὶ τοῦ αἵμα τος τοῦ περὶ αὐτὸν ἐν τοῖς φλεβίοις ὄντος λεπτοῦ μὲν καὶ καθαροῦ͵ εὐψύκτου δέ (διὸ καὶ ἡ τῆς τροφῆς ἀναθυμίασις ψυχομένη διὰ τὸν τόπον τὰ νοσηματικὰ ῥεύματα ποιεῖ)͵ τοῖς ἀνθρώποις πρὸς βοήθειαν ὑγιείας γέγονε τὸ τοιοῦτον εἶδος τῆς ὀσμῆς· οὐδὲν γὰρ ἄλλο ἔργον ἐστὶν αὐτῆς ἢ τοῦτο. § 9. Τοῦτο δὲ ποιεῖ φανερῶς· ἡ μὲν γὰρ τροφὴ ἡδεῖα οὖσα͵ καὶ ἡ ξηρὰ καὶ ἡ ὑγρά͵ πολλάκις νοσώδης ἐστίν͵ ἡ δ΄ ἀπὸ τῆς ὀσμῆς τῆς καθ΄ αὑτὴν ἡδείας εὐωδία ὁπωσοῦν ἔχουσιν ὠφέλιμος ὡς εἰπεῖν αἰεί. § 10. Καὶ διὰ τοῦτο γίγνεται διὰ τῆς ἀναπνοῆς͵ οὐ πᾶσιν ἀλλὰ τοῖς ἀνθρώποις καὶ τῶν ἐναίμων οἷον τοῖς τετράποσι καὶ ὅσα μετέχει μᾶλλον τῆς τοῦ ἀέρος φύσεως· ἀναφερομένων γὰρ τῶν ὀσμῶν πρὸς τὸν ἐγκέφαλον διὰ τὴν ἐν αὐταῖς τῆς θερμότητος κουφότητα ὑγιεινοτέρως ἔχει τὰ περὶ τὸν τόπον τοῦτον· ἡ γὰρ τῆς ὀσμῆς δύναμις θερμὴ τὴν φύσιν ἐστίν. Κατακέχρηται δ΄ ἡ φύσις τῇ ἀναπνοῇ ἐπὶ δύο͵ ὡς ἔργῳ μὲν ἐπὶ τὴν εἰς τὸν θώρακα βοή θειαν͵ ὡς παρέργῳ δ΄ ἐπὶ τὴν ὀσμήν· ἀναπνέοντος γὰρ ὥσπερ ἐκ παρόδου ποιεῖται διὰ τῶν μυκτήρων τὴν κίνησιν. § 11. Ἴδιον δὲ τῆς τοῦ ἀνθρώπου φύσεώς ἐστι τὸ τῆς ὀσμῆς τῆς τοιαύτης γένος διὰ τὸ πλεῖστον ἐγκέφαλον καὶ ὑγρότατον ἔχειν τῶν ἄλλων ζῴων ὡς κατὰ μέγεθος· διὰ γὰρ τοῦτο καὶ μόνον ὡς εἰπεῖν αἰσθάνεται τῶν ζῴων ἄνθρωπος καὶ χαίρει ταῖς τῶν ἀνθῶν καὶ τῶν τοιούτων ὀσμαῖς· σύμμετρος γὰρ αὐτῶν [444b] ἡ θερμότης καὶ ἡ κίνησις πρὸς τὴν ὑπερβολὴν τῆς ἐν τῷ τό πῳ ὑγρότητος καὶ ψυχρότητός ἐστιν. § 12. Τοῖς δ΄ ἄλλοις ὅσα πνεύμονα ἔχει διὰ τοῦ ἀναπνεῖν τοῦ ἑτέρου γένους τῆς ὀσμῆς τὴν αἴσθησιν ἀποδέδωκεν ἡ φύσις͵ ὅπως μὴ δύο αἰσθητήρια ποιῇ· ἀπόχρη γάρ͵ ἐπείπερ καὶ ὣς ἀναπνέουσιν͵ ὥσπερ τοῖς ἀνθρώποις ἀμφοτέρων τῶν ὀσφραντῶν͵ τούτοις τῶν ἑτέρων μόνων ὑπάρχουσα ἡ αἴσθησις. § 13. Τὰ δὲ μὴ ἀναπνέοντα ὅτι μὲν ἔχει αἴσθησιν τοῦ ὀσφραντοῦ͵ φανερόν· καὶ γὰρ ἰχθύες καὶ τὸ τῶν ἐντόμων γένος πᾶν ἀκριβῶς καὶ πόῤῥωθεν αἰσθάνεται͵ διὰ τὸ θρεπτικὸν εἶδος τῆς ὀσμῆς͵ ἀπέχοντα πολὺ τῆς οἰκείας τροφῆς͵ οἷον αἵ τε μέλιτται [ποιοῦσι πρὸς τὸ μέλι] καὶ τὸ τῶν μικρῶν μυρμήκων γένος͵ οὓς καλοῦσί τινες κνῖπας͵ καὶ τῶν θαλαττίων αἱ πορφύραι͵ καὶ πολλὰ τῶν ἄλλων τῶν τοιούτων ζῴων ὀξέως αἰσθάνεται τῆς τροφῆς διὰ τὴν ὀσμήν. § 14. Ὅτῳ δὲ αἰσθάνεται͵ οὐχ ὁμοίως φανερόν. Διὸ κἂν ἀπορήσειέ τις τίνι αἰσθάνονται τῆς ὀσμῆς͵ εἴπερ ἀναπνέουσι μὲν γίγνεται τὸ ὀσμᾶσθαι μοναχῶς (τοῦτο γὰρ φαίνεται ἐπὶ τῶν ἀναπνεόντων συμβαῖνον πάντων)͵ ἐκείνων δ΄ οὐθὲν ἀναπνεῖ͵ αἰσθάνεται μέντοι͵ εἰ μή τις παρὰ τὰς πέντε αἰσθήσεις ἑτέρα. Τοῦτο δ΄ ἀδύνατον· τοῦ γὰρ ὀσφραντοῦ ὄσφρησις͵ ἐκεῖνα δὲ τούτου αἰσθάνεται͵ ἀλλ΄ οὐ τὸν αὐτὸν ἴσως τρόπον͵ ἀλλὰ τοῖς μὲν ἀναπνέουσι τὸ πνεῦμα ἀφαιρεῖ τὸ ἐπικείμενον ὥσπερ πῶμά τι (διὸ οὐκ αἰσθάνεται μὴ ἀναπνέοντα)͵ τοῖς δὲ μὴ ἀναπνέουσιν ἀφῄρηται τοῦτο͵ καθάπερ ἐπὶ τῶν ὀφθαλμῶν τὰ μὲν ἔχει βλέφαρα τῶν ζῴων͵ ὧν μὴ ἀνακαλυφθέντων οὐ δύναται ὁρᾶν͵ τὰ δὲ σκληρόφθαλμα οὐκ ἔχει͵ διόπερ οὐ προσδεῖται οὐδενὸς τοῦ ἀνακαλύψοντος͵ ἀλλ΄ ὁρᾷ ἐκ τοῦ δυνατοῦ ὄντος αὐτοῖς εὐθύς.

§ 15. Ὁμοίως δὲ καὶ τῶν ἄλλων ζῴων ὁτιοῦν οὐδὲν δυσχεραίνει τῶν καθ΄ αὑτὰ δυσωδῶν τὴν ὀσμήν͵ ἂν μή τι τύχῃ φθαρτικὸν ὄν͵ ὑπὸ τούτων δ΄ ὁμοίως φθαρεῖται καθάπερ καὶ οἱ ἄνθρωποι ὑπὸ τῆς τῶν ἀνθράκων ἀτμίδος καρηβαροῦσι καὶ φθείρονται πολλάκις· οὕτως ὑπὸ τῆς τοῦ θείου δυνάμεως καὶ τῶν ἀσφαλτωδῶν φθείρεται [445a] τἆλλα ζῷα͵ καὶ φεύγει διὰ τὸ πάθος. Αὐτῆς δὲ καθ΄ αὑτὴν τῆς δυσωδίας οὐδὲν φροντίζουσιν (καίτοι πολλὰ τῶν φυομένων δυσώδεις ἔχει τὰς ὀσμάς)͵ ἐὰν μή τι συμβάλληται πρὸς τὴν γεῦσιν ἢ τὴν ἐδωδὴν αὐτοῖς.

§ 16. Ἔοικε δ΄ ἡ αἴσθησις ἡ τοῦ ὀσφραίνεσθαι͵ περιττῶν οὐσῶν τῶν αἰσθήσεων καὶ τοῦ ἀριθμοῦ ἔχοντος μέσον τοῦ περιττοῦ͵ καὶ αὐτὴ μέση εἶναι τῶν τε ἁπτικῶν͵ οἷον ἁφῆς καὶ γεύσεως͵ καὶ τῶν δι΄ ἄλλου αἰσθητικῶν͵ οἷον ὄψεως καὶ ἀκοῆς. Διὸ καὶ τὸ ὀσφραντὸν τῶν θρεπτικῶν ἐστὶ πάθος τι (ταῦτα δ΄ ἐν τῷ ἁπτῷ γένει)͵ καὶ τοῦ ἀκουστοῦ δὲ καὶ τοῦ ὁρατοῦ͵ διὸ καὶ ἐν ἀέρι καὶ ἐν ὕδατι ὀσμῶνται. Ὥστ΄ ἐστὶ τὸ ὀσφραντὸν κοινόν τι τούτων ἀμφοτέρων͵ καὶ τῷ τε ἁπτῷ ὑπάρχει καὶ τῷ ἀκουστῷ καὶ τῷ διαφανεῖ· διὸ καὶ εὐλόγως παρείκασται ξηρότητος ἐν ὑγρῷ καὶ χυτῷ οἷον βαφή τις εἶναι καὶ πλύσις.

§ 17. Πῶς μὲν οὖν εἴδη δεῖ λέγειν καὶ πῶς οὐ δεῖ τοῦ ὀσφραντοῦ͵ ἐπὶ τοσοῦτον εἰρήσθω.

§ 18. Ὃ δὲ λέγουσί τινες τῶν Πυθαγορείων͵ οὐκ ἔστιν εὔλογον· τρέφεσθαι γάρ φασιν ἔνια ζῷα ταῖς ὀσμαῖς. Πρῶτον μὲν γὰρ ὁρῶμεν ὅτι τὴν τροφὴν δεῖ εἶναι συνθετήν (καὶ γὰρ τὰ τρεφόμενα οὐχ ἁπλᾶ ἐστιν͵ διὸ καὶ περιττώματα γίγνεται τῆς τροφῆς͵ ἢ ἐν αὐτοῖς ἢ ἔξω͵ ὥσπερ τοῖς φυτοῖς͵ ἐπεὶ δ΄ οὐδὲ τὸ ὕδωρ ἐθέλει αὐτὸ μόνον ἄμεικτον ὂν τρέφεινσω ματῶδες γάρ τι δεῖ εἶναι τὸ συστησόμενονἔτι πολὺ ἧττον εὔλογον τὸν ἀέρα σωματοῦσθαι)· πρὸς δὲ τούτοις͵ ὅτι πᾶσιν ἔστι τοῖς ζῴοις τόπος δεκτικὸς τῆς τροφῆς͵ ἐξ οὗ ἕλκον λαμβάνει τὸ σῶμα· τοῦ δ΄ ὀσφραντοῦ ἐν τῇ κεφαλῇ τὸ αἰσθητήριον͵ καὶ μετὰ πνευματώδους εἰσέρχεται ἀναθυμιά σεως͵ ὥστ΄ εἰς τὸν ἀναπνευστικὸν βαδίζοι ἂν τόπον. § 19. Ὅτι μὲν οὖν οὐ συμβάλλεται εἰς τροφὴν τὸ ὀσφραντόν͵ ᾗ ὀσφραντόν͵ δῆλον· ὅτι μέντοι εἰς ὑγίειαν͵ καὶ ἐκ τῆς αἰσθήσεως καὶ ἐκ τῶν εἰρημένων φανερόν͵ ὥστε ὅπερ ὁ χυμὸς ἐν τῷ θρεπτικῷ καὶ πρὸς τὰ τρεφόμενα͵ τοῦτ΄ ἐστὶ πρὸς ὑγίειαν τὸ [445b] ὀσφραντόν.

Καθ΄ ἕκαστον μὲν οὖν αἰσθητήριον διωρίσθω τὸν τρόπον τοῦτον.

§ 1. C'est en suivant encore la même marche qu'il faut traiter des odeurs, parce que l'effet que le sec produit dans l'humide, l'humide sapide le produit également, en un autre genre, dans l'air et dans l'eau. Ici aussi, pour les odeurs, nous rappelons que le diaphane est commun à ces deux éléments; [443a] mais le diaphane est odorable, non pas en tant qu'il est diaphane, mais en tant qu'il peut transmettre et retenir la sécheresse sapide. § 2. En effet, l'odoration a lieu, non pas seulement dans l'air, mais encore dans l'eau; c'est ce qu'on peut voir bien évidemment par les poissons et par les animaux à écailles. Certainement ils perçoivent les odeurs, bien qu'il n'y ait pas d'air dans l'eau, l'air, quand il y en a dans l'eau, remontant à la surface; et que de plus ces animaux ne respirent point. Si donc l'on admet que l'eau et l'air sont tous deux humides, la nature du sec sapide dans l'humide sera précisément l'odeur; et le corps qui aura ces qualités sera un corps odorant.

§ 3. Que toute cette modification des corps vienne de leur sapidité, c'est ce dont on peut facilement se convaincre en observant les choses qui ont de l'odeur et celles qui n'en ont pas. Ainsi, les éléments, c'est-à-dire le feu, l'air, l'eau, la terre, sont sans odeur, parce que leurs parties sèches et leurs parties humides sont privées de saveur, à moins que quelque chose d'étranger ne s'y mêle et ne leur en donne. Voilà aussi pourquoi la mer a de l'odeur; car elle a de la saveur et de la sécheresse; et le sel est plus odorant que le nitre, comme le prouve bien l'huile qu'on tire de tous deux en les desséchant ; mais le nitre est plutôt de la terre. La pierre est aussi sans odeur, parce qu'elle est insipide; mais les bois sont odorants, parce qu'ils ont une saveur; et ceux qui sont aqueux en ont moins que les autres. Parmi les métaux, l'or est sans odeur, parce qu'il est sans saveur; mais l'airain et le fer sont odorants. Quand l'humide des métaux a été calciné par le feu, les scories ont toujours moins d'odeur; l'argent et le plomb sont plus ou moins odorants que quelques autres métaux, parce qu'ils sont aqueux.

§ 4. Quelques naturalistes pensent que l'exhalaison fumeuse qui est commune à la fois à l'air et à la terre, est l'odeur; et tous ceux qui ont traite de l'odeur se jettent dans cette explication. Aussi Héraclite a-t-il dit que si tout venait à se réduire en fumée, ce seraient les net qui connaîtraient toutes choses. Dans ce système que tous appliquent à l'odeur, on là considère, tantôt comme une vapeur, tantôt comme une exhalaison, parfois aussi comme l'un et l'autre à là fois. Or, la vapeur est une sorte d'humidité, et l'exhalaison fumeuse est bien, comme on l'a dit, commune à la terre et à l'air; et c'est de celle-là que l'eau se compose, comme de celle-ci se forme une espèce de terre. Mais l'odeur ne paraît être ni l'un ni l'autre; car là vapeur est bien de eau, et il est impossible que l'exhalaison fumeuse se produise jamais dans l'eau; [443b] or, les êtres qui vivent dans l'eau ont là perception de l'odeur, comme on vient de le dire. De plus, dans ce système, l'exhalaison ressemble beaucoup aux émanations ; et si cette hypothèse n'est pas admissible (pour la vue), elle ne l'est pas non plus (pour l'odeur).

§ 5. Il est donc clair que l'humide, tant celui qui est dans l'air que celui qui est dans l'eau, peut recevoir et souffrir quelque modification de la part de la sécheresse sapide; car l'air est humide par sa nature. § 6. Il est tout aussi clair que, si le sec qui est comme filtré dans les liquides agit également dans l'air, il faut que les odeurs soient analogues aux saveurs; et cette ressemblance est réelle eh effet à certains égards; par exemple, les odeurs sont âpres et douces, rudes et fortes, grasses même; et l'on pourrait dire que les odeurs fétides correspondent aux saveurs acres. Aussi de même qu'on ne peut boire les saveurs de ce genre, de même on ne peut respirer les odeurs fétides. Il est donc évident que ce que la saveur est dans l'eau, l'odeur l'est dans l'air et dails l'eau tout à la fois, et que c'est ce qui fait que le froid et la congélation, qui émoussent les saveurs, annulent aussi les odeurs; car le refroidissement et la congélation font disparaître la chaleur qui met en mouvement et élabore les unes et lés autres.

§ 7; Il y a deux espèces principales d'odeurs; car on a tort de soutenir que les odeurs n'ont pas d'espèces, comme quelques-uns le disent. Il est certain qu'elles en ont; nous montrerons ici comment cela est; et jusqu'à quel point cela n'est pas. D'abord on a pu essayer de les classer comme les saveurs, ainsi que nous l'avons dit; et alors c'est indirectement qu'elles sont agréables et désagréables. En effet, comme les saveurs sont des affections de la faculté nutritive, les odeurs des aliments sont agréables à l'animal quand il désire sa nourriture; mais elles cessent de lui plaire quand il s'est repu, et qu'il n'a plus besoin de rien; la nourriture même qui exhale ces odeurs ne lui plaît pas alors davantage. Ainsi donc, nous pouvons le redire, ces odeurs ne sont agréables et pénibles qu'indirectement et par accident; et voilà aussi pourquoi celles-là sont perçues indistinctement par tous les animaux. Mais il y en a d'autres qui sont agréables par elles-mêmes, comme celles des fleurs; celles-là n'excitent ni plus ni moins l'animal à prendre ses aliments ; elles ne contribuent en rien à provoquer son appétit; elles feraient plutôt le contraire; car le mot de Strattès, se moquant d'Euripide, est très-juste : « Quand vous faites cuire de l'oignon, n'y versez pas de l'ambre. » Et ceux qui aujourd'hui [444a] mettent ainsi des aromates dans leurs boissons, forcent le plaisir par l'habitude même, jusqu'à ce que des deux sensations diverses qu'ils reçoivent, il se forme comme une seule impression agréable, et que le plaisir leur vienne d'une sensation unique. § 8. Ainsi, la perception de cette espèce d'odeurs est propre à l'homme. Quant à la perception des odeurs qui tiennent aux saveurs, elle appartient aussi aux autres animaux, comme on vient de le dire. Et c'est parce que ces odeurs ne sont agréables que par accident qu'on a pu classer leurs espèces selon les saveurs mêmes; mais on ne peut classer ainsi les autres, parce que leur nature est par elle-même ou agréable ou pénible. Ce qui fait que cette odoration est spéciale à l'homme, c'est la frigidité même qui règne autour de son cerveau. En effet, comme le cerveau est froid naturellement, comme le sang des veines qui l'environnent est léger et très-pur, mais facile à se refroidir, et que par suite l'évaporation de la nourriture en se refroidissant dans ces parties produit des fluxions morbides, cette espèce particulière d'odeurs a été donnée à l'homme comme un moyen puissant de santé. Elle n'a pas certainement un autre objet que celui-là, et bien évidemment elle remplit cette fonction. § 9. Ce qui le prouve, c'est que souvent la nourriture, tout agréable qu'elle est, soit sèche, soit liquide, est dangereuse; mais celle qui plaît parce qu'elle exhale une odeur bonne en soi-même, quelle que puisse être d'ailleurs la disposition de l'individu, celle-là, on peut dire, lui est toujours favorable. § 10. Voilà pourquoi c'est par la respiration que l'odeur est perceptible, non pas à tous les animaux il est vrai, mais aux hommes; et parmi les animaux qui ont du sang, aux quadrupèdes, et à tous ceux en général qui par leur organisation sont davantage en rapport avec l'air. Les odeurs étant portées vers le cerveau par la légèreté même de la chaleur qu'elles contiennent, les parties qui environnent cet organe en sont plus saines. C'est que la puissance de l'odeur est naturellement chaude, et que la nature emploie la respiration à deux fins : directement, à la fonction qu'accomplit la poitrine, et indirectement et par surcroît, à celle de l'odorat. En effet, quand on respire, on produit, comme en passant, le mouvement qui a lieu par les narines. §11. Mais ce mode particulier d'odoration appartient spécialement à l'organisation de l'homme, parce que, relativement à sa grandeur, il a le cerveau plus humide et plus gros que le reste des animaux. Aussi l'homme est pour ainsi dire le seul des animaux qui sente, et qui goûte avec plaisir l'odeur des fleurs et toutes les autres odeurs analogues; [444b] car la chaleur et le mouvement de ces odeurs sont en rapport avec l'excès d'humidité et de fraîcheur qui est dans le cerveau humain. § 12. Quant à tous les autres animaux qui ont des poumons parce qu'ils respirent, la nature ne leur adonné que la sensation de l'autre espèce d'odeur, afin de ne pas faire deux organes; et il leur suffit, quoiqu'ils respirent les deux espèces d'odeurs comme les hommes, d'avoir uniquement la perception de l'une des deux. § 13. Il est du reste évident que les animaux mêmes qui ne respirent pas ont aussi la sensation de l'odeur. Ainsi, les poissons et toute la race des insectes sentent de loin, et fort bien, la nourriture spéciale qui leur convient, à quelque distance qu'ils en soient, à cause des qualités nutritives de l'odeur. C'est ce que font les abeilles pour leur miel, et cette espèce de petites fourmis qu'on appelle knipes en quelques lieux; et les rougets de mer, et beaucoup d'autres animaux, qui sentent très-finement leur nourriture par l'odeur qu'elle exhale. § 14. Ce qu'on ne sait pas également bien, c'est par quel organe ils sentent; et l'on pourrait se demander comment ils perçoivent l'odeur, puisque c'est uniquement en respirant quel 'odo-ration est possible, comme on peut l'observer dans tous les animaux qui respirent. Mais aucun de ceux dont nous parlons n'a la respiration, et pourtant ils sentent l'odeur. Admettre qu'ils ont encore quelqu'autre sens, outre les cinq qu'on connaît, est chose impossible; car c'est l'odoration qui doit s'appliquer à l'odorable. Or, ces animaux perçoivent l'odorable; mais ce n'est peut-être pas de la même façon que les autres. Dans les animaux qui respirent, le souffle fait lever la partie qui est placée sur la membrane comme une sorte de couvercle; et voilà pourquoi ils ne sentent pas quand ils n'aspirent pas. Au contraire dans les animaux qui ne respirent point, cet opercule est tout enlevé; c'est comme pour l'organisation des yeux : certains animaux ont des paupières qu'ils doivent ouvrir sous peine de ne pas voir, tandis que les animaux à yeux durs n'en ont pas, et qu'ainsi ils n'ont pas besoin de tégument, et voient sur-le-champ du moment qu'il leur est possible de voir.

§ 15. De même aucun des animaux autres que l'homme, ne souffre de l'odeur des corps qui sentent mauvais par eux-mêmes, à moins que d'ailleurs ces corps ne leur soient nuisibles. Cependant ces odeurs les font mourir tout aussi bien ; et de même que souvent les hommes ont la tête appesantie et meurent par la vapeur du charbon, de même aussi les animaux autres que l'homme sont tués par la force du soufre et des corps bitumineux; [445a] et la douleur les fait fuir. D'ailleurs, bien que beaucoup de plantes aient des odeurs repoussantes , ils ne s'inquiètent en rien de la mauvaise odeur pour elle-même, à moins que l'odeur n'agisse sur leur goût et n'importe à leur alimentation.

§ 16. Comme les sens sont en nombre impair, et que tout nombre impair a un milieu, il semble que l'odorat tienne aussi une sorte de place moyenne, d'une part entre les sens qui touchent directement leurs objets, je veux dire le toucher et le gout; et de l'autre, entre les sens qui ne perçoivent que par un intermédiaire, je veux dire la vue et l'ouïe. Voilà aussi pourquoi l'odeur est à la fois une qualité des aliments, (et les aliments appartiennent au même genre que le toucher), et une qualité des milieux nécessaires à la vue et à l'ouïe; en d'autres termes, on odore dans l'air et dans l'eau. Ainsi, l'odorable est quelque chose de commun à ces deux éléments, et se retrouve également dans le milieu propre au toucher, dans celui de l'ouïe et dans le diaphane. C'est donc avec quelque raison qu'on a pu assimiles l'odeur à une sorte de teinture et d'ablution de la sécheresse qui est dans l'humide et dans le fluide.

§ 17. Bornons-nous à ce qui précède sur la question de «avoir jusqu'à quel point l'odeur a ou n'a pas d'espèces.

§ 18. Mais il est une opinion soutenue par quelques Pythagoriciens, qui n'est pas fort exacte : ils prétendent qu'il y a des animaux qui se nourrissent d'odeurs. D'abord nous voyons que toute nourriture doit être composée, car les êtres qui se nourrissent ne sont pas simples eux-mêmes; et voilà pourquoi il se forme des résidus des aliments, soit dans les êtres eux-mêmes, soit en dehors, comme dans les végétaux. De plus, l'eau toute seule et sans mélange est incapable de nourrir, car il faut toujours que la matière qui doit être assimilée ait une sorte de solidité corporelle ; à bien plus forte raison ne peut-on, avec quelque apparence, supposer que l'air puisse prendre un corps. Ajoutons que tous les animaux ont un organe qui reçoit la nourriture, et d'où le corps la tire pour se l'assimiler ; mais l'organe qui perçoit l'odeur est placée dans la tête, et l'odeur entre avec l'exhalaison aériforme de sorte qu'elle va au lieu même qui sert à respirer. § 19. Il est donc évident que l'odorable, en tant qu'odorable, ne contribue en rien à l'alimentation. Mais il n'est pas moins clair qu'il contribue à la santé comme le prouve la sensation même, et comme le prouve aussi ce que nous venons de dire. Par conséquent, le rôle que la saveur joue dans la nourriture, pour les êtres quand ils se nourrissent, l'odeur [445c] le remplit pour la santé.

§ 20. Bornons-nous aux détails qui précèdent sur chacun des organes des sens.

§ 1. La même marche, celle qu'il a suivie pour expliquer les couleurs et les saveurs.

L'effet que le sec produit dans l'humide. Voir au chapitre précédent, § 9, comment Aristote explique l'origine des saveurs : l'humide filtre à travers le sec et le terreux.

L'humide sapide. La saveur produit l'odeur en se répandant soit dans l'air, soit dans l'eau, où elle trouve un milieu qui est propre a la dégager et à la transmettre.

En un autre genre. Le genre des odeurs.

—- Ici aussi pour les odeurs. Le texte est beaucoup moins précis : j'ai dû l'être plus que lui pour être clair.

Mais le diaphane est odorable. Même remarque. On pourrait encore entendre que ce sont l'air et l'eau qui sont odorables; mais j'ai préféré, à cause de ce qui suit, rapporter au diaphane l'adjectif neutre qu'Aristote emploie sans y joindre de substantif déterminé. Dans le Traité de l'Ame, II, vii, 9, Aristote a dit que le milieu propre des odeurs n'avait pas de nom spécial.

La sécheresse sapide. Aristote vient de dire quelques lignes plus haut : « L'humide sapide. » Des commentateurs ont cru qu'il avait voulu désigner une même chose par des mots aussi différents. C'est une erreur : dans sa théorie, l'humide sapide forme les saveurs, d'où nait la sécheresse sapide qui forme les odeurs.

§ 2. L'odoration. On peut entendre ici l'acte ou la qualité de l'odoration : l'expression du texte est tout indéterminée.

Certainement ils perçoivent les odeurs. Aristote a déjà constaté ce fait. Traité de l'Ame, II, vii, 9. Les poissons sont attirés de fort loin par l'odeur de leur proie; id., II, ix, 5.

Ne respirent point à la manière des autres animaux qui vivent dans l'air; mais respirent par des branchies.

Sera précisément l'odeur. Définition de l'odeur ; Aristote ne l'a point donnée , dans le Traité de l'Ame, d'une manière aussi précise ; voir le Traité de l'Ame, II, ix, 4 et suiv ; et spécialement, § 8.

Ces qualités. Le texte est un peu moins précis et par suite moins clair.

§ 3. Que toute cette modification. Ainsi Aristote fait venir l'odeur de la saveur, : ceci résulte de la définition même qu'il vient de donner.

De la saveur et de la sécheresse. Il est singulier de dire que la mer a de la sécheresse ; mais c'est le sel de la mer qui, dans les théories d'Aristote, représente l'élément sec, comme le remarque Alexandre d'Aphrodise.

L'or est sans odeur. Alexandre fait observer que ce qui prouve que l'or est sans odeur, c'est qu'il n'est jamais atteint, comme l'est le fer, par la rouille ; la rouille était considérée par les anciens comme une sorte d'exsudation de l'élément humide. On peut voir, du reste, pour des détails analogues , le quatrième livre de la Météorologie.

§ 4. L'exhalaison fumeuse. Voir dans la Météorologie, liv. I, iv, 2, la distinction que fait Aristote entre les deux espèces d'évaporation, dont l'une vient de l'eau, et l'autre, de la terre et de l'air; c'est cette seconde qui est l'exhalaison fameuse , parce que la terre est sèche dans son principe ainsi que l'air.

En fumée. Ce qui revient à prendre l'exhalaison fumeuse pour l'odeur.

Tantôt comme une vapeur. La vapeur venant de l'humide.

— Tantôt comme une exhalaison. L'exhalaison venant du sec .

Comme on l'a dit au débat même du paragraphe, ou au premier livre de la Météorologie, ch. iv, § 2.

Une espèce de terre. Alexandre d'Àphrodise croit qu' Aristote entend parler de la cendre et de la suie.

Comme on vient de le dire plus haut, § 2.

Dans ce système. J'ai ajouté ces mots.

Aux émanations, par lesquelles Empédocle et Platon essayaient d'expliquer la vision ; voir plus haut, ch. ii,  § 4.

— (Pour la vue)... (Pour l'odeur). 'ai ajouté ces mots pour rendre la pensée parfaitement claire ; et c'est aussi le sens que les commentateurs donnent a ce passage.

§ 5. La sécheresse sapide. Voir plus haut, § 1.

§ 6. Agit également dans l'air. C'est-a-dire, produit l'odeur dans l'air, comme il produit la saveur dans lès liquides.

A certains égards, ou « pour certaines odeurs. »

L'odeur l'est dans l'air et dans l'eau. Voir plus haut, § 2.

La chaleur qui met en mouvement. Voir plus haut, ch. iv, § 11.

§ 7. Comme quelques-uns le disent. C'est l'opinion de Platon , voir le Timée, p. 190, trad. de M. Cousin.

Ainsi que nous l'avons dit au paragraphe précédent.

C'est indirectement, ou, comme dit le texte, « par accident » : c'est la première espèce d'odeurs. Ce qui suit explique fort bien pourquoi c'est indirectement qu'elles sont agréables et désagréables : c'est parce qu'elles poussent l'animal à sa nourriture ou l'en éloignent.

Comme les saveurs. Le texte est moins précis.

Qu'indirectement et par accident. J'ai mis ici cet deux expressions, dont l'une ne fait que paraphraser l'autre.

Mais il y en a et autres. Voilà la seconde espèce d'odeurs.

Agréables par elles-mêmes, ou désagréables; Aristote ne le dit pas ; mais la chose est évidente : et tous les commentateurs l'ont bien senti.

Elles feraient plutôt le contraire, et c'est là ce qui justifie le mot piquant de Strattès contre Euripide. Alexandre d'Aphrodite nous apprend que Strattès était un poète comique.

Des deux sensations diverses, l'une par le goût, l'autre par l'odorat.

§ 8. Est propre à l'homme. Voir plus loin, §§ 10 et 11.

Comme on vient de le dire au paragraphe précédent.

Classer ainsi. C'est-à-dire , par rapport aux saveurs.

La frigidité même qui règne autour du cerveau. Voir plus loin le Traité du Sommeil, ch. iii, § 16, où ces théories sont répétées et développées.

Comme un moyen puissant de santé, parce qu'elle réchauffe le cerveau ; voir le paragraphe suivant.

Bien évidemment elle remplit cette fonction. Aristote aimait beaucoup les odeurs, comme on sait : et c'est sans doute un goût personnel qu'il érige ici en théorie ; voir Diogène de Laërte, vie Aristote.

§ 9. Souvent la nourriture. C'est la traduction fidèle du texte ; mais il s'agit ici, comme le remarque Simoni, et comme le prouve le commentaire d'Alexandre, non pas précisément de la nourriture, mais de l'odeur qui provient de la saveur de la nourriture.

Odeur bonne en soi-même, qui plairait, même quand elle ne serait pas dans les aliments.

§ 10. Mais aux hommes. Voir le paragraphe suivant, et plus haut, § 8.

Par leur organisation, parce qu'ils ont des poumons.

Indirectement et par surcroît. J'ai mis ici deux expressions au lieu d'une; mais je n'ai pas pu rendre l'espèce de jeu de mots qui est dans le texte.

—  J'ai tâché de conserver l'image du texte, qui n'est peut-être pas très-juste.

§11. Spécialement, et non exclusivement, comme le prouve le paragraphe antérieur.

L'homme est pour ainsi dire le seul. On doit reremarquer combien cette observation est vraie et ingénieuse, quelle que soit d'ailleurs la cause finale qu'Aristote assigne a ce phénomène.

§ 12. Afin de ne pas faire deux organes. D'après ce principe, si souvent répété par Aristote, que la nature ne fait rien en vain.

§ 13. Ainsi, les poissons. Voir plus haut, § 2.

Des qualités nutritives. L'expression est peut-être un peu trop concise! mais la pensée est claire. L'odeur ne nourrit pas ; mais elle révèle la nourriture que cherche l'animal.

Pour leur miel. Même remarque : pour les fleurs dont elles tirent leur miel.

—- De petites fourmis. L'édition de Berlin, par le simple changement d'une lettre, dit : « Petites fourmis. » La leçon la plus ordinaire que donnent divers manuscrits est : « Grandes fourmis.

Knipes, ou sknipes, selon d'autres manuscrits. Aristote en parle encore, Histoire des Animaux, IV, vii, 43, édit. de Schneider.

§ 14. C'est uniquement en respirant. Voir le Traité de l'Ame, II, vii, 9.

Ce n'est peut-être pas de la même façon. Aristote va expliquer dans ce qui suit la différence qu'il signale ; et alors peut-être faudrait-il ajouter, pour que la transition fût bien marquée : « Et voici comment. » Je n'ai pas osé faire cette addition, qui ne serait guère dans Les habitudes concises d'Aristote.

Fait lever la partie. Le texte est un peu moins précis.

Comme une sorte de couvercle. C'est le nez proprement dit.

Quand ils n'aspirent pas. Voir Traité de l'Ame, II, ix, 6.

Dans les animaux qui ne respirent point, et c'est le cas de ceux dont il est parlé ici.

Les animaux à yeux durs. Voir le Traité de l'Âme, II, ix, 2 et 7.

Et voient sur-le-champ. Sans avoir besoin d'un mouvement particulier des paupières.

§ 15. Qui sérient mauvais par eux-mêmes. Il faut se rappeler la distinction faite plus haut,  § 7, entre les odeurs agréables ou mauvaises, in» directement ou directement

Ces corps ne leur soient nuisibles. Alors c'est indirectement qu'ils fuient la mauvaise odeur.

§ 16. Qui touchent directement leurs objets. On peut voir toute cette théorie développée dans le Traité de l'Ame, II, xi, 7 ; voir la théorie de chacun des sens et particulièrement celle du toucher.

Que le toucher. J'ai ajouté ces mots pour compléter la pensée.

Et dans le diaphane. Voir plus haut, § 1.

De teinture et d'ablution. Voir plus haut, § 6.

Et dans le fluide. Aristote veut sans doute par là désigner l'air, comme le croit saint Thomas, d'après Alexandre d'Aphrodise.

§17. L'odeur a ou n'a pas d'espèces. Toute cette discussion sur l'odeur est remplie des observions et des vues les plus ingénieuses. Reid, à certains égards, moins complet qu'Aristote ; voir Recherches sur l'Entendement humain, ch. ii, sur l'odorat.

§ 18. Ne sont pas simples eux-mêmes. Voir le Traité de l'Ame, liv. III, ch. xii, 5 et ch- xiii, i.

Comme dans les végétaux. Alexandre croit qu'Aristote veut désigner ici les gommes et les excroissances que présentent souvent les végétaux.

Solidité corporelle. J'ai conservé le mot même du texte.

Au lieu qui sert à respirer. Et, par exemple, dans l'homme; elle va au poumon, et non à l'estomac qui nourrit, et où elle devrait aller si les théories pythagoriciennes étaient vraies

§ 19. Il contribue à la santé. Voir plus haut, § 8.

 — La sensation même. J'ai conservé la concision du texte, qui est assez clair.

Ce que nous tenons de dire plus haut § 8, § 20. Sur chacun des organes des sens. Voir plus haut la note sur le titre même de ce traité au début* Aristote n'a, du reste, parlé ici que de la vue, du goût et de l'odorat.
 

CHAPITRE VI.

Complément de la théorie générale de la sensibilité. — Deux questions : 1° Nos sensations peuvent-elles aller à l'infini comme la divisibilité des corps eux-mêmes? Il faut distinguer ici l'acte de la puissance : en puissance, nous sentons les parties infiniment petites des corps : en acte, nous ne les sentons que quand elles ont une certaine masse. 2° Les corps, ou seulement les mouvements qu'ils causent, agissent-ils sur le milieu où ils sont placés? Propagation et mouvement de la lumière suivant Empédocle : propagation de l'odeur et du son : tous ces phénomènes peuvent s'expliquer par des mouvements successifs : exception pour la lumière que nous sentons tout d'un coup.

§ 1. Ἀπορήσειε δ΄ ἄν τις͵ εἰ πᾶν σῶμα εἰς ἄπειρον διαιρεῖται͵ ἆρα καὶ τὰ παθήματα τὰ αἰσθητά͵ οἷον χρῶμα καὶ χυμὸς καὶ ὀσμὴ καὶ ψόφος͵ καὶ βαρῦ καὶ κοῦφον͵ καὶ θερμὸν καὶ ψυχρόν͵ καὶ σκληρὸν καὶ μαλακόν͵ ἢ ἀδύνατον. Ποιητικὸν γάρ ἐστιν ἕκαστον αὐτῶν τῆς αἰσθήσεως (τῷ δύνασθαι γὰρ κινεῖν αὐτὴν λέγεται πάντα)͵ ὥστ΄ ἀνάγκη͵ εἰ ἡ δύναμις͵ καὶ τὴν αἴσθησιν εἰς ἄπειρα διαιρεῖσθαι καὶ πᾶν εἶναι μέ γεθος αἰσθητόν (ἀδύνατον γὰρ λευκὸν μὲν ὁρᾶν͵ μὴ ποσὸν δέ)· § 2. εἰ γὰρ μὴ οὕτως͵ ἐνδέχοιτ΄ ἂν εἶναί τι σῶμα μηδὲν ἔχον χρῶμα μηδὲ βάρος μηδ΄ ἄλλο τι τοιοῦτον πάθος͵ ὥστ΄ οὐδ΄ αἰσθητὸν ὅλως· ταῦτα γὰρ τὰ αἰσθητά. Τὸ ἄρ΄ αἰσθητὸν ἔσται συγκείμενον οὐκ ἐξ αἰσθητῶν. Ἀλλ΄ ἀναγκαῖον· οὐ γὰρ δὴ ἔκ γε τῶν μαθηματικῶν. § 3. Ἔτι τίνι κρινοῦμεν ταῦτα καὶ γνωσόμεθα; ἢ τῷ νῷ; ἀλλ΄ οὐ νοητά͵ οὐδὲ νοεῖ ὁ νοῦς τὰ ἐκτὸς μὴ μετ΄ αἰσθήσεως. § 4. Ἅμα δ΄ εἰ ταῦτ΄ ἔχει οὕτως͵ ἔοικε μαρτυρεῖν τοῖς τὰ ἄτομα ποιοῦσι μεγέθη· οὕτω γὰρ ἂν λύοιτο ὁ λόγος. Ἀλλ΄ ἀδύνατα· εἴρηται δὲ περὶ αὐτῶν ἐν τοῖς λόγοις τοῖς περὶ κινήσεως.

§ 5. Περὶ δὲ τῆς λύσεως αὐτῶν ἅμα δῆλον ἔσται καὶ διὰ τί πεπέρανται τὰ εἴδη καὶ χρώματος καὶ χυμοῦ καὶ φθόγγων καὶ τῶν ἄλλων αἰσθητῶν. Ὧν μὲν γάρ ἐστιν ἔσχατα͵ ἀνάγκη πεπεράνθαι τὰ ἐντός· τὰ δ΄ ἐναντία ἔσχατα͵ πᾶν δὲ τὸ αἰσθητὸν ἔχει ἐναντίωσιν͵ οἷον ἐν χρώματι τὸ λευκὸν καὶ τὸ μέλαν͵ ἐν χυμῷ γλυκὺ καὶ πικρόν· καὶ ἐν τοῖς ἄλλοις δὴ πᾶσίν ἐστιν ἔσχατα τὰ ἐν αντία.

§ 6. Τὸ μὲν οὖν συνεχὲς εἰς ἄπειρα τέμνεται ἄνισα͵ εἰς δ΄ ἴσα πεπερασμένα· τὸ δὲ μὴ καθ΄ αὑτὸ συνεχὲς εἰς πεπερασμένα εἴδη. § 7. Ἐπεὶ οὖν τὰ μὲν πάθη ὡς εἴδη λεκτέον͵ ὑπάρχει δὲ συνέχεια ἀεὶ ἐν τούτοις͵ ληπτέον ὅτι τὸ δυνάμει καὶ τὸ ἐνεργείᾳ ἕτερον· καὶ διὰ τοῦτο τὸ μυριοστημόριον λανθάνει [446a] τῆς κέγχρου ὁρωμένης͵ καίτοι ἡ ὄψις ἐπελήλυθεν͵ καὶ ὁ ἐν τῇ διέσει φθόγγος λανθάνει͵ καίτοι συνεχοῦς ὄντος ἀκούει τοῦ μέλους παντός· τὸ δὲ διάστημα τὸ τοῦ μεταξὺ πρὸς τοὺς ἐσχάτους λανθάνει. Ὁμοίως δὲ καὶ ἐν τοῖς ἄλλοις αἰσθητοῖς τὰ μικρὰ πάμπαν· δυνάμει γὰρ ὁρατά͵ ἐνεργείᾳ δ΄ οὔ͵ ὅταν μὴ χωρὶς ᾖ· καὶ γὰρ ἐνυπάρχει δυνάμει ἡ ποδιαία τῇ δίποδι͵ ἐνεργείᾳ δ΄ ἤδη ἀφαιρεθεῖσα. Χωριζόμεναι δ΄ αἱ τηλικαῦται ὑπεροχαὶ εὐλόγως μὲν ἂν καὶ διαλύοιντο εἰς τὰ περιέχοντα͵ ὥσπερ καὶ ἀκαριαῖος χυμὸς εἰς τὴν θάλατταν ἐγχυθείς. Οὐ μὴν ἀλλ΄ ἐπειδὴ οὐδ΄ ἡ τῆς αἰσθήσεως ὑπεροχὴ καθ΄ αὑτὴν αἰσθητὴ οὐδὲ χωριστή (δυνάμει γὰρ ἐνυπάρχει ἐν τῇ ἀκριβεστέρᾳ ἡ ὑπεροχή)͵ οὐδὲ τὸ τηλικοῦτον αἰσθητὸν χωριστὸν ἔσται ἐνεργείᾳ αἰσθάνεσθαι. Ἀλλ΄ ὅμως ἔσται αἰσθητόν· δυνάμει τε γάρ ἐστιν ἤδη͵ καὶ ἐνεργείᾳ ἔσται προσγενόμενον.

§ 8. Ὅτι μὲν οὖν ἔνια μεγέθη καὶ πάθη λανθάνει͵ καὶ διὰ τίν΄ αἰτίαν͵ καὶ πῶς αἰσθητὰ καὶ πῶς οὔ͵ εἴρηται. Ὅταν δὲ δὴ ἐνυπάρχῃ τούτῳ τοσαῦτα ὥστε καὶ ἐνεργείᾳ αἰ σθητὰ εἶναι͵ καὶ μὴ μόνον ὅτι ἐν τῷ ὅλῳ ἀλλὰ καὶ χωρίς͵ πεπερασμένα ἀνάγκη εἶναι τὸν ἀριθμόν͵ καὶ χρώματα καὶ χυμοὺς καὶ φθόγγους.

§ 9. Ἀπορήσειε δ΄ ἄν τις͵ ἆρ΄ ἀφικνοῦν ται ἢ τὰ αἰσθητὰ ἢ αἱ κινήσεις αἱ ἀπὸ τῶν αἰσθητῶν (ὁποτέρως ποτὲ γίγνεται ἡ αἴσθησις)͵ ὅταν ἐνεργῶσιν͵ εἰς τὸ μέσον πρῶτον͵ οἷον ἥ τε ὀσμὴ φαίνεται ποιοῦσα καὶ ὁ ψόφος· πρότερον γὰρ ὁ ἐγγὺς αἰσθάνεται τῆς ὀσμῆς͵ καὶ ὁ ψόφος ὕστερον ἀφικνεῖται τῆς πληγῆς. Ἆρ΄ οὖν οὕτω καὶ τὸ ὁρώμενον καὶ τὸ φῶς͵ καθάπερ καὶ Ἐμπεδοκλῆς φησιν ἀφικνεῖσθαι πρότερον τὸ ἀπὸ τοῦ ἡλίου φῶς εἰς τὸ μεταξὺ πρὶν πρὸς τὴν ὄψιν ἢ ἐπὶ τὴν γῆν; δόξειε δ΄ ἂν εὐλόγως τοῦτο συμβαίνειν· τὸ γὰρ κινούμενον κινεῖταί ποθέν ποι͵ ὥστ΄ ἀνάγκη εἶναί τινα καὶ χρόνον ἐν ᾧ κινεῖται ἐκ θατέρου πρὸς θάτερον· ὁ δὲ [446b] χρόνος πᾶς διαιρετός͵ ὥστε ἦν ὅτε οὔ πω ἑωρᾶτο ἀλλ΄ ἔτ΄ ἐφέρετο ἡ ἀκτὶς ἐν τῷ μεταξύ. § 10. Καὶ εἰ καὶ ἅπαν ἅμα ἀκούει καὶ ἀκήκοε͵ καὶ ὅλως αἰσθάνεται καὶ ᾔσθηται͵ καὶ μή ἐστι γένεσις αὐτῶν͵ ἀλλ΄ εἰσὶν ἄνευ τοῦ γίγνεσθαι͵ ὅμως οὐδὲν ἧττον͵ ὥσπερ ὁ ψόφος ἤδη γεγενημένης τῆς πληγῆς οὔ πω πρὸς τῇ ἀκοῇδηλοῖ δὲ τοῦτο καὶ ἡ τῶν γραμμάτων μετασχημά τισις͵ ὡς γιγνομένης τῆς φορᾶς ἐν τῷ μεταξύ· οὐ γὰρ τὸ λεχθὲν φαίνονται ἀκηκοότες διὰ τὸ μετασχηματίζεσθαι φερόμενον τὸν ἀέρα

§ 11. ἆρ΄ οὖν οὕτω καὶ τὸ χρῶμα καὶ τὸ φῶς; οὐ γὰρ δὴ τῷ πως ἔχειν τὸ μὲν ὁρᾷ τὸ δ΄ ὁρᾶται͵ ὥσπερ ἴσα ἐστίν· οὐθὲν γὰρ ἂν ἔδει που ἑκάτερον εἶναι· τοῖς γὰρ ἴσοις γιγνομένοις οὐδὲν διαφέρει ἢ ἐγγὺς ἢ πόῤῥω ἀλλήλων εἶναι.

§ 12. Ἢ περὶ μὲν τὸν ψόφον καὶ τὴν ὀσμὴν τοῦτο συμβαίνειν εὔλογον· ὥσπερ γὰρ ὁ ἀὴρ καὶ τὸ ὕδωρ͵ συνεχῆ μέν͵ μεμέρισται δ΄ ἀμφοτέρων ἡ κίνησις. Διὸ καὶ ἔστι μὲν ὡς τὸ αὐτὸ ἀκούει ὁ πρῶτος καὶ ὁ ὕστερος καὶ ὀσφραίνεται͵ ἔστι δ΄ ὡς οὔ. Δοκεῖ δέ τισιν εἶναι ἀπορία καὶ περὶ τούτων· ἀδύνατον γάρ φασί τινες ἄλλον ἄλλῳ τὸ αὐτὸ ἀκούειν καὶ ὁρᾶν καὶ ὀσφραίνεσθαι· οὐ γὰρ οἷόν τ΄ εἶναι πολλοὺς καὶ χωρὶς ὄντας ἓν ἀκούειν καὶ ὀσφραίνεσθαι· τὸ γὰρ ἓν χωρὶς ἂν αὐτὸ αὑτοῦ εἶναι. Ἢ τοῦ μὲν κινήσαντος πρώτου͵ οἷον τῆς κώδωνος ἢ λιβανωτοῦ ἢ πυρός͵ τοῦ αὐτοῦ καὶ ἑνὸς ἀριθμῷ αἰσθάνονται πάντες͵ τοῦ δὲ δὴ ἰδίου ἑτέρου ἀριθμῷ͵ εἴδει δὲ τοῦ αὐτοῦ͵ διὸ ἅμα πολλοὶ ὁρῶσι καὶ ὀσμῶνται καὶ ἀκούουσιν; § 13. ἔστι δ΄ οὔτε σώματα ταῦτα͵ ἀλλὰ πάθος καὶ κίνησίς τις (οὐ γὰρ ἂν τοῦτο συνέβαινεν)͵ οὔτ΄ ἄνευ σώματος.

§ 14. Περὶ δὲ τοῦ φωτὸς ἄλλος λόγος· τῷ ἐνεῖναι γάρ τι τὸ φῶς ἐστιν͵ ἀλλ΄ οὐ κίνησίς τις. Ὅλως δὲ οὐδὲ ὁμοίως ἐπί τε ἀλλοιώσεως ἔχει καὶ φορᾶς· αἱ μὲν γὰρ φοραὶ εὐλόγως εἰς τὸ μεταξὺ πρῶτον ἀφικνοῦνται (δοκεῖ δ΄ ὁ ψόφος εἶναι φερομένου [447a] τινὸς κίνησις)͵ ὅσα δ΄ ἀλλοιοῦται͵ οὐκέτι ὁμοίως· ἐνδέχεται γὰρ ἀθρόον ἀλλοιοῦσθαι͵ καὶ μὴ τὸ ἥμισυ πρότερον͵ οἷον τὸ ὕδωρ ἅμα πᾶν πήγνυσθαι. Οὐ μὴν ἀλλ΄ ἂν ᾖ πολὺ τὸ θερμαινόμενον ἢ πηγνύμενον͵ τὸ ἐχόμενον ὑπὸ τοῦ ἐχομένου πάσχει͵ τὸ δὲ πρῶτον ὑπ΄ αὐτοῦ τοῦ ἀλλοιοῦντος μεταβάλλει καὶ ἀνάγκη ἅμα ἀλλοιοῦσθαι καὶ ἀθρόον. Ἦν δ΄ ἂν καὶ τὸ γεύεσθαι ὥσπερ ἡ ὀσμή͵ εἰ ἐν ὑγρῷ ἦμεν καὶ ποῤῥωτέρωθεν πρὶν θιγεῖν αὐτοῦ ᾐσθανόμεθα. Εὐλόγως δὴ ὧν ἐστι μεταξὺ τοῦ αἰσθητηρίου͵ οὐχ ἅμα πάντα πάσχει͵ πλὴν ἐπὶ τοῦ φωτὸς διὰ τὸ εἰρημένον͵ διὰ τὸ αὐτὸ δὲ καὶ ἐπὶ τοῦ ὁρᾶν· τὸ γὰρ φῶς ποιεῖ τὸ ὁρᾶν.

§ 1. On peut se demander si tout corps étant divisible à l'infini, les impressions sensibles que les corps nous causent se divisent aussi de cette façon ; et je prendrai pour exemple les impressions que nous recevons de la couleur, de la saveur, de l'odeur, du son, du poids, du froid, du chaud, du léger, du dur et du doux? Ou bien cette division infinie est-elle impossible? D'abord chacune de ces qualités produit la sensation; et toutes, elles n'ont reçu leurs noms divers que parce qu'elles peuvent la produire. Si la force se divise à l'infini , par suite il faudrait nécessairement que la sensation se divisât aussi de même, et que toute grandeur fût sensible, puisqu'on ne peut voir qu'un objet est blanc, si en même temps cet objet n'a quelque dimension. § 2. S'il en était autrement, il pourrait y avoir des corps qui n'auraient ni couleur, ni poids, ni aucune autre qualité de ce genre, qui par conséquent ne seraient pas non plus du tout perceptibles pour nous, puisque ce sont là les qualités sensibles; et ainsi le sensible serait composé de parties qui échapperaient à nos sens. Mais il est absolument nécessaire qu'un corps soit composé de parties sensibles; car certainement il ne peut pas l'être de parties mathématiques. § 3. Mais comment jugeons-nous et connaissons-nous toutes les choses sensibles ? Est-ce par l'intelligence? Mais ce ne sont pas là des choses intelligibles, et l'intelligence ne peut pas penser les choses du dehors si elles ne sont pas accompagnées de la sensation; elle les connaît en même temps que l'organe les sent, § 4. S'il en est ainsi [et que les corps soient composés de parties insensibles], cela semblerait donner raison à ceux qui admettent des grandeurs indivisibles; car par là le problème serait résolu. Mais tout ceci est impossible, et c'est ce qu'on a prouvé dans les études sur le Mouvement.

§ 5. La solution de ces questions nous permettra en même temps de voir avec évidence pourquoi les sensations spécifiquement causées par la couleur, la saveur, les sens et les autres objets sensibles, sont limitées. C'est que dans toutes les choses qui ont dés entrâmes, il faut aussi que les points intermédiaires soient limités; or, ce sont les contraires qui sont les extrêmes, et dans tout: ce qui est perçu par nos sens il y a toujours des contraires, par exemple dans la couleur c'est le blanc et le noir, et dans la saveur, le doux et l'amer. Dans tous les autres sens, les contraires sont pareillement les extrêmes.

§ 6. Ainsi donc, tout corps continu peut être divisé en un nombre infini de parties, si les parties qu'enlève la division sont inégales; mais si ces parties sont égales le nombre en sera limité. Quant à ce qui n'est pas continu par soi-même, les espèces dans lesquelles il se divise sont limitées. § 7. Puis donc qu'il faut reconnaître les qualités des corps pour des espèces, et que la continuité se retrouve aussi toujours en elles, on doit ici distinguer avec soin ce qui est en acte de ce qui n'est qu'en puissance; et voilà comment la dix-millième partie d'un grain nous échappe, [446a]  bien que cependant nous la voyions, et que notre vue la parcoure. C'est encore ainsi que le son du dièse nous échappe également, bien qu'on entende parfaitement toute la mélodie sans discontinuité; mais l'intervalle intermédiaire nous est imperceptible et se perd dans les derniers sons. Il en est de même pour les choses infiniment petites qui ressortent aux autres sens; elles sont visibles en puissance, mais elles ne le sont en acte que quand elles sont isolées. C'est ainsi que la ligne d'un pied est bien en puissance dans la ligne de deux pieds; mais elle n'est en acte que quand elle est seule. Du reste on comprend sans peine que des quantités excessivement petites, quand elles sont séparées, se perdent facilement dans les corps qui les environnent, comme un grain de parfum se perd dans la mer où on le verse. Cependant comme cette quantité excessivement petite qui dépasse la sensation, n'est point sensible par elle-même, elle ne l'est pas davantage quand elle est séparée; car avec cette ténuité extrême elle n'est qu'en puissance dans une quantité qu'on peut percevoir plus exactement qu'elle. Il s'ensuit qu'un objet sensible de ce genre ne pourrait être senti en acte, même s'il était séparé; et cependant il faut dire qu'il est sensible, car il l'est déjà en puissance; et il le deviendra en acte si on l'accroît.

§ 8. On voit donc qu'il y a certaines grandeurs, certaines qualités des corps, qui nous échappent; et l'on a dit pourquoi et comment elles sont sensibles et ne le sont pas. Mais lorsqu'elles sont assez nombreuses dans un corps pour être perceptibles en acte, et pour l'être, non pas seulement dans l'ensemble du corps lui-même, mais encore quand elles en sont séparées, il faut nécessairement qu'il y ait des limites aux impressions causées par les couleurs, les saveurs et les sons.

§ 9. On pourrait demander encore si les objets sensibles ou les mouvements partis de ces objets, quelle que soit d'ailleurs la sensation, agissent d'abord, lorsqu'ils sont en acte, sur le milieu qu'ils traversent, comme paraissent agir l'odeur et le son; car celui qui est plus près du corps odorant sent d'abord l'odeur, et le bruit n'arrive à l'oreille que longtemps après le coup qui l'a produit. En est-il donc de même de l'objet visible et de la lumière, comme le veut Empédocle, quand il prétend que la lumière du soleil traverse d'abord l'espace intermédiaire avant d'arriver à notre vue et sur la terre? Cette théorie semble du reste fort rationnelle. En effet, tout mobile se meut d'un lieu vers un autre lieu, de telle sorte qu'il faut toujours nécessairement qu'il y ait un certain temps pendant lequel il se meut de l'un à l'autre. Or, [446b] le temps est toujours divisible; et ainsi le rayon dé la lumière existait avant même qu'il fût aperçu de nous, et alors il marchait encore dans l'espace qu'il devait traverser § 10. Mais en supposant même que la sensation du son que l'on entend, se confonde toujours dans un même temps avec la sensation du son qu'on vient d'entendre ; ou d'une manière générale, en supposant que la sensation présente se confonde dans un même temps arec la sensation antérieure, et qu'il n'y ait point ici de génération successive des sensations, mais qu'elles soient, sans avoir le temps de devenir, le phénomène existe néanmoins de la façon qu'existe le son qui, après que le coup a été frappé, n'est pas encore parvenu à l'ouïe. D'un autre coté, les altérations qu'éprouve l'articulation des lettres dans le langage le montrent bien aussi : on dirait qu'elles ont à traverser un milieu, car les assistants semblent n'avoir pas bien entendu ce qui a été dit, parce que l'air, dans le mouvement qu'il a reçu, a eu le temps de se déformer.

§ 11. En est-il donc ainsi de la couleur et de la lumière? D'abord, ce n'est pas dans une position quelconque que la vue peut voir, et la chose, être vue ; la vue et l'objet ne sont pas dans le cas des choses égales. Pour ces dernières, en effet, il n'est pas besoin, ainsi qu'on l'a montré, que l'une et l'autre soient en un lieu précis) car, du moment qu'elles sont égales, peu importe qu'elles soient proches ou qu'elles soient éloignées l'une de l'autre.

§ 12. Ou bien doit-on croire que cette transmission successive a lieu pour le son et pour l'odeur ? car c'est ainsi que l'air et l'eau ont beau être continus, le mouvement de tous les deux n'en est pas moins divisible. C'est là ce qui fait qu'il se peut à la fois, et que celui qui est le plus proche et celui qui est le plus éloigné, entendent et odorent la même chose; et aussi que cela ne se peut pas. Mais ceci pour quelques esprits présente la difficulté suivante : on prétend qu'il est impossible qu'une autre personne entende, voie, ou odore la même chose, dans des conditions qui sont autres; car il n'est pas possible qu'étant réunies, diverses personnes entendent ou odorent comme quand elles sont séparées, puis-qu'alors la chose sentie qui est une devrait être séparée d'elle-même. Mais ne peut-on pas répondre que diverses personnes percevant le son de la cloche, l'odeur de l'ambre, ou la chaleur du feu, en un mot l'action de l'objet qui a causé primitivement le mouvement, cet objet reste identique et un numériquement; mais que du moment qu'il devient propre à chacun, il est autre numériquement, tout en demeurant spécifiquement le même? Et voilà comment plusieurs personnes voient, odorent et entendent à la fois la même chose. §13. Mais le son et l'odeur ne sont pas des corps : ce n'est qu'une affection des corps et une certaine espèce de mouvement; car autrement, ces phénomènes ne se produiraient pas. D'un autre coté, il est vrai que le son et l'odeur ne peuvent point être non plus sans les corps.

§ 14. Il en est tout autrement de la lumière. La lumière est, parce qu'elle est un être particulier; elle n'est pas un simple mouvement. Mais l'altération ne doit pas se confondre en général avec le mouvement de translation , et elle n'est pas du tout semblable. Les translations doivent en effet tout d'abord et naturellement traverser un milieu; et le son, par exemple, semble bien être le mouvement [447a] d'une chose qui se déplace. Mais pour les choses qui ont un mouvement d'altération, il n'en est plus ainsi. Ces choses peuvent s'altérer en masse, sans que ce soit une moitié qui commence à changer, comme l'eau qui gèle tout entière d'un seul coup) mais il est possible encore, si la masse d'eau échauffée ou gelée est considérable, qu'elle s'altère et change de proche en proche , et qu'il y ait une première partie qui change sous l'action du corps qui l'altère, sans que nécessairement la masse s'altère d'un seul coup. Nous pourrions sentir d'ailleurs f si nous étions dans un liquide, le goût d'une saveur, comme on sent une odeur, et même de plus loin, longtemps avant de toucher le corps lui-même. § 15. Il est donc tout simple que pour les sens qui ont besoin d'un intermédiaire, les sensations éprouvées n'aient pas lieu en même temps, si ce n'est pour la lumière, qui s'explique par la cause qu'on vient de dire; et cette explication convient aussi à la vision, puisque c'est la lumière qui fait voir






 

§ 1. Tout corps étant divisible à à l'infini. Sans traiter directement cette question , Descartes semble l'avoir comprise et résolue comme le fait Aristote. Dans une de ses lettres à Morus, t. X, p. 194, édit. de M. Cousin, il pose ces maximes, qui semblent pour lui le résultat d'un système : « Qu'il n'est point nécessaire que toute matière soit sensible; qu'au contraire il n'y en a point qui ne soit entièrement insensible , si elle est divisée en parties beaucoup plus petites que celles de nos nerfs, et si elles ont d'ailleurs chacune en particulier un mouvement assez rapide. »

— Ou bien cette division infinie. Le texte n'est pas aussi précis.

Si la force se divise à l'infini. Je prends le mot de « force » et non celui de « puissance , » à cause de l'acception toute spéciale qu'Aristote donne à ce dernier mot : il s'agit ici de la propriété des corps de se diviser à l'infini. L'édition de Berlin supprime ce membre de phrase, qui, sans être indispensable, complète cependant la pensée , et que donnent la plupart des éditions et des commentateurs. On ne pourrait facilement juger, d'après le commentaire d'Alexandre d'Aphrodite , s'il avait cette phrase.

Que toute grandeur, quelque petite qu'elle pût être.

§ 2. S'il en était autrement. C'est-à-dire, si l'on n'admettait pas que toute grandeur doit être sensible.

Le sensible serait composé de parties qui échapperaient à nos sens. Il est assez remarquable que Voltaire renouvelle cet argument dans des termes presque semblables; voir la correspondance avec Frédéric, lettre xix, 1737 : « Si ces premiers principes sont indivisibles, simples, sans étendue, il s'ensuivrait alors qu'ils ne seraient pas corps ; il se trouverait que la matière ne serait pas composée de matière, et que les corps ne seraient pas composés de corps : ce qui serait un peu étrange.» Le bon sens est en ceci d'accord avec la philosophie.

 — De parties mathématiques. Les êtres mathématiques ne sont que des abstractions , comme le remarque Alexandre; voir aussi le Traité de l'Ame, liv. I, i, à la fin, et III, vii, 7, où cette idée est nettement exprimée.

§ 3. Est-ce part intelligence. Il faut voir dans le Traité de l'Ame, III, v, l'immense intervalle qu'Aristote met toujours entre la sensibilité et l'entendement.

— En même temps que l'organe les sent. Toute cette phrase n'est exprimée dans le texte que par un adverbe et une conjonction. L'idée est fort importante, comme l'on voit ; et je crois que c'est bien là le sens de ce passage ; mais l'édition de Berlin et quelques autres suppriment une conjonction, et joignent alors cette phrase à la suivante , où elle perd le sens spécial que je lui donne. Ce sens me parait tout à lait d'accord avec le contexte.

§ 4. Et que les corps soient composés de parties insensibles. J'ai ajouté cette paraphrase pour que la pensée fat parfaitement claire.

Des grandeurs indivisibles, des atomes, comme Leucippe et Démocrate qui avaient soutenu ce système.

Le problème serait résolu. Voir plus haut , § 4 ; et il y aurait des corps qui échapperaient à nos sens, parce qu'ils seraient divisés à l'infini.

Les études sur le Mouvement. Les commentateurs, Alexandre en tète, n'hésitent pas à reconnaître dans cette indication les Leçons de Physique, dont la fin est consacrée, en effet, à prouver que les atomes sont impossibles.

§ 5.. La solution de ces questions, posées au § 4.

Les sensations spécifiquement causées par... Le texte dit mot à mot : « Les espèces de la couleur....»

Ce sont les contraires qui sont des extrêmes. Voir la définition des contraires dans la Métaphysique, liv. V, x.

Dans tous les autres sens, ou d'une manière plus générale, « dans toutes les autres choses. »

§ 6. Ainsi donc, tout corps continu. Voici comment les commentateurs expliquent ce passage : Si à un corps on enlève le dixième de sa quantité, puis de ce qui reste encore, un dixième, et en continuant toujours ainsi, le nombre de ses parties peut être infini; car la seconde opération ne prendra qu'un centième du corps entier, la troisième un millième, etc. Mais si on enlève des parties toujours égales, le corps sera bientôt épuisé; en deux fois, si ce sont des. moitiés; en trois, si ce sont des tiers; en quatre, si ce sont des quarts, etc.

Qu'enlève la division. J'ai ajouté ces mots pour être plus clair.

Quant à ce qui n'est pas continu. La couleur, par exemple : en tant que couleur, elle n'est pas continue ; mais elle a diverses espèces.

§ 7. Pour des espèces. Il faut entendre ici, comme au paragraphe précédent, le mot « espèces » dans le sens d'intensité. Il y a un degré de ténuité où les qualités des corps cessent d'être perceptibles pour nous. Il y a un certain degré d'intensité où elles commencent à être perçues. Il n'y a pas plus de discontinuité dans ces divers degrés qu'il n'y en a entre les parties diverses dont se compose matériellement le corps ; et c'est là ce qu'Aristote veut exprimer en disant que « la continuité se retrouve toujours en elles.»

Distinguer avec soin l'acte de la puissance; voir Traité de l'Ame, II, v, 2 et suiv.

Le son du dièse. Il paraît que le dièse, pour les Grecs, était un quart de ton : pour nous , ce n'est qu'un demi-ton.

Aux autres sens. Il n'a été question jusqu'à présent que de la vue et de l'ouïe.—Elles sont visibles. Il semble qu'il faudrait ici, pour répondre à la généralité de l'idée, « sensibles » au lieu de « visibles ; » mais les manuscrits ne donnent point de variante.

Elle n'est en acte. Elle n'est réellement une ligne d'un pied.

Qui dépasse la sensation, c'est-à-dire qui lui échappe par sa petitesse même. J'ai conservé en partie l'image du mot grec.

§ 8. On voit donc. C'est la réponse d'Aristote à la question posée au début de ce chapitre.

Elles sont sensibles en puissance.

Et ne le sont pas en acte.

Aux impressions causées par les couleurs. Le texte dit seulement : « Il faut que les couleurs soient limitées en nombre, etc. » L'expression est un peu obscure, parce qu'elle est trop concise : j'ai cru devoir la développer.
 

§ 9. On pourrait demander encore. J'ai ajouté ce dernier mot pour bien distinguer cette seconde question de la première,

Les objets sensibles, en admettant le système des émanations, comme l'a fait Démocrite.

Ou les mouvements partis de ces objets. Ce qui est le système d'Aristote.

Quelle que soit d'tailleurs la sensation. Quel que soit le sens auquel l'objet se rapporte.

Sur le milieu qu'ils traversent. Le texte est un peu moins précis ; mais j'ai voulu rendre par là la force de la préposition qui indique le mouvement.

Du corps odorant. J'ai ajouté ces mois afin d'être plus clair.

Que longtemps après le coup. C'est en comparant les perceptions de la vue et de l'ouïe qu'on a pu mesurer la rapidité du son.

En est-il de même.... de la lumière. Aristote soutiendra le contraire plus bas, § 14.

Traverse... ; l'espace intermédiaire. C'est là ce qu'a constaté la science moderne, qui en est revenue à l'opinion d'Empédocle : on a pu mesurer exactement la marche de la lumière du soleil jusqu'à la terre.

— Cette théorie, du reste, semble fort rationnelle. Aristote n'adopte pas cependant cette opinion, malgré l'approbation qu'il y donne; voir plus bas, § 14. Il est remarquable qu'il apporte des arguments en faveur de cette théorie pour l'abandonner un peu plus loin.

Avant même qu'il fût aperçu de nous. Ceci est aujourd'hui démontré.

Il marchait encore dans l'espace. C'est ainsi qu'il y a des étoiles dont la lumière ne nous attire qu'en plusieurs années.

§ 10. La sensation du son que ton entend. Le texte est beaucoup plus concis : k clarté m'a fait une loi de le développer un peu : la pensée d'Aristote revient à ceci : « En supposant même que dans la sensation proprement dite, il n'y ait point de succession appréciable, il y en a toujours une dans le phénomène lui-même, comme on le voit manifestement dans le son qui ne parvient à l'ouïe qu'après un temps esses long, »

Les altérations qu'éprouve l'articulation. Ici encore j'ai dû paraphraser plutôt que traduire, afin d'être clair.

§ 11. En est-il donc ainsi. C'est-à-dire la lumière et la couleur nous sont-elles transmises successivement, ou bien nous arrivent-elles tout d'un coup?

D'abord, ce n'est pas. Il serait difficile de dire si cet argument est pour ou contre la théorie de la transmission : selon qu'on l'interprète, il peut servir à la soutenir ou à la renverser. Cest ce dernier sens qu'en général les commentateurs ont adopté et qu'exige le contexte.

Ainsi qu'on l'a montré. J'ai dû ajouter ces mots pour rendre la force de l'imparfait qu'emploie le texte. Il peut s'agir ici soit des Catégories, soit de la Métaphysique, où a été développée la théorie des Relatifs : Catégories, ch. vii, et Métaphys.,V, xv.

§ 12. Ou bien doit-on croire. Argument contre la transmission successive de la lumière : il n'y a que l'odeur et le son qui traversent ainsi un milieu avant d'arriver à nos sens.

 — Cette transmission successive. Le texte dit simplement: « cela, »

N'en est pas moins divisible, ou « divisé , » pour traduire plus littéralement.

Qu'il se peut... et que cela ne se peut pas. La fin du paragraphe expliquera et conciliera cette contradiction apparente.

Dans des conditions qui sont autres, ou simplement : «  Qu'une autre personne. » Le texte peut offrir également ces deux sens.

 — Devrait être séparée d'elle-même , pour être sentie par des personnes séparées, au lieu de Pétre par une seule.

Mais ne peut-on pas répondre. Le texte n'est pas aussi précis; mais le sens est très-clair.

Numériquement spécifiquement. Voilà ce
qui concilie la contradiction apparente signalée plus haut.

§ 13. Mais le son et l'odeur. Le texte dit simplement : «Ces choses. » — Ces phénomènes ne se produiraient pas. Le texte est encore ici tout indéterminé.

§ 14. La lumière est, parce qu'elle est un être particulier. Voir la définition de la lumière, Traité de l'Ame 9 II, vii, 2 et 5. La lumière est l'acte du diaphane, qui est le milieu spécial de la lumière.

Elle n'est pas un simple mouvement. Ceci ne parait pas tout à fait d'accord avec les théories du Traité de l'Ame ; Aristote y a établi que la couleur met le diaphane en mouvement, II, vii, 1 et 5 : il est vrai qu'il y a établi aussi que la lumière n'est ni un corps ni une émanation d'un corps. Il est donc probable que la lumière est uniquement pour lui un mouvement d'altération, et non un mouvement de déplacement comme le son et l'odeur.  Il distingue partout avec soin ces deux espèces de mouvement ; mais au fond, la lumière n'en reste pas moins un mouvement.

Peuvent s'altérer en masse. Cest là ce qu'Aristote semble penser de la lumière, et alors il repousserait complètement la théorie d'Empédocle, rappelée plus haut, § 9 : il ne voudrait point supposer que la lumière mit un certain tempsà nous yenir du soleil) mais pourtant il ajoute dans ce qui suit une restriction qui limite son opinion et la rapproche beaucoup de celle d'Empédocle. Les choses dans lesquelles se passe un mouvement d'altération peuvent l'éprouver de proche en proche; et c'est là précisément ce qu'admet la science moderne dans la théorie des vibrations. La lumière se propage de proche en proche depuis le soleil jusqu'à la terre.

Mais il est possible encore. Voilà comment l'opinion d'Aristote se rapproche de celle d'Empédocle.

S'altère d'un seul coup. C'est cependant ce qu'Aristote semblait d'abord soutenir pour la lumière.

Nous pourrions sentir. Il n'est pas aisé de rattacher ceci à ce qui précède ni à ce qui sait; peut-être est-ce une interpolation ; mais peut-être aussi Aristote veut-il dire seulement que le liquide peut s'altérer par une saveur, comme une masse d'eau s'altère de proche en proche par Faction du feu ou celle du froid.

§ 15. Pour les sens qui ont besoin d'un intermédiare. Aristote eût peut-être mieux fait d'indiquer spécialement ces sens, puisqu'il va faire une exception pour la lumière , qui, elle aussi, a bien un milieu, comme l'odeur et le son.

Les sensations éprouvées n'ont pas lieu en même temps que se produit le phénomène qui les doit causer.

Par la cause qu'on vient de dire au paragraphe précédent, et qui réduit la lumière à une simple altération.

CHAPITRE VII.

Dernière question sur la sensibilité : Peut-on percevoir plusieurs choses à la fois? — Position de quelques principes sur la combinaison des mouvements et sur la combinaison des choses en général.

Objection : On ne peut pas sentir à la fois, dans un instant indivisible , deux choses qui tombent sons un seul et même sens; à plus forte raison, des choses qui relèvent de sens différents. — Théorie fausse sur les accords des sons : ils arrivent aimul-tanément à l'oreille, et il n'y a pas d'intervalle qui soit imperceptible pour nous.

Réponse : Nous percevons les choses tout entières, et rien n'échappe à nos sens : l'âme, identique et une-, perçoit successivement toutes les sensations; mais elle ne perçoit pas l'indivisible.

§ 1. Ἔστι δ΄ ἀπορία καὶ ἄλλη τις τοιάδε περὶ τὰς αἰσθήσεις͵ πότερον ἐνδέχεται δυεῖν ἅμα αἰσθάνεσθαι ἐν τῷ αὐτῷ καὶ ἀτόμῳ χρόνῳ͵ ἢ οὔ. Εἰ δὴ ἀεὶ ἡ μείζων κίνησις τὴν ἐλάττω ἐκκρούειδιὸ ὑποφερομένων ὑπὸ τὰ ὄμματα οὐκ αἰσθάνονται͵ ἐὰν τύχωσι σφόδρα τι ἐννοῦντες ἢ φοβούμενοι ἢ ἀκούοντες πολὺν ψόφοντοῦτο δὴ ὑποκείσθω͵ καὶ ὅτι ἑκάστου μᾶλλον ἔστιν αἰσθάνεσθαι ἁπλοῦ ὄντος ἢ κεκραμένου͵ οἷον οἴνου ἀκράτου ἢ κεκραμένου͵ καὶ μέλιτος͵ καὶ χρόας͵ καὶ τῆς νήτης μόνης ἢ ἐν τῇ διὰ πασῶν͵ διὰ τὸ ἀφανίζειν ἄλληλα. Τοῦτο δὲ ποιεῖ ἐξ ὧν ἕν τι γίγνεται. Εἰ δὴ ἡ μείζων τὴν ἐλάττω κίνησιν ἐκκρούει͵ ἀνάγκη͵ ἂν ἅμα ὦσι͵ καὶ αὐτὴν ἧττον αἰσθητὴν εἶναι ἢ εἰ μόνη ἦν· ἀφαιρεῖται γάρ τι ἡ ἐλάττων μειγνυμένη͵ εἴπερ ἅπαντα τὰ ἁπλᾶ μᾶλλον αἰσθητά ἐστιν. Ἐὰν ἄρα ἴσαι ὦσιν ἕτεραι οὖσαι͵ οὐδετέρας ἔσται αἴσθησις· ἀφανιεῖ γὰρ ἡ ἑτέρα ὁμοίως τὴν ἑτέραν͵ ἁπλῆς δ΄ οὐκ ἔστιν αἰσθάνεσθαι. Ὥστε ἢ οὐδεμία ἔσται αἴσθησις͵ ἢ ἄλλη ἐξ ἀμφοῖν· ὅπερ καὶ γίγνεσθαι δοκεῖ ἐπὶ τῶν κεραννυμένων ἐν ᾧ ἂν μειχθῶσιν. § 2. Ἐπεὶ οὖν ἐκ μὲν ἐνίων γίγνεταί τι͵ ἐκ δ΄ ἐνίων οὐ γίγνεται͵ τοιαῦτα δὲ τὰ ὑφ΄ ἑτέραν αἴσθησιν (μείγνυνται γὰρ [447b] ὧν τὰ ἔσχατα ἐναντία· οὐκ ἔστι δ΄ ἐκ λευκοῦ καὶ ὀξέος ἓν γίγνεσθαι ἀλλ΄ ἢ κατὰ συμβεβηκός͵ ἀλλ΄ οὐχ ὡς ἐξ ὀξέος καὶ βαρέος συμφωνία)͵ οὐκ ἄρα οὐδ΄ αἰσθάνεσθαι ἐνδέχεται αὐτῶν ἅμα. Ἴσαι μὲν γὰρ οὖσαι αἱ κινήσεις ἀφανιοῦσιν ἀλλήλας͵ ἐπεὶ μία οὐ γίγνεται ἐξ αὐτῶν· ἂν δ΄ ἄνισοι͵ ἡ κρείττων αἴσθησιν ἐμποιήσει. § 3. Ἔτι μᾶλλον ἅμα δυοῖν αἴσθοιτ΄ ἂν ἡ ψυχὴ τῇ μιᾷ αἰσθήσει ὧν μία αἴσθησις͵ οἷον ὀξέος καὶ βαρέος (μᾶλλον γὰρ ἅμα ἡ κίνησις τῇ μιᾶς αὐτὴ ἑαυτῇ ἢ τοῖν δυοῖν͵ οἷον ὄψεως καὶ ἀκοῆς)͵ τῇ μιᾷ δὲ ἅμα δυοῖν οὐκ ἔστιν αἰσθάνεσθαι ἂν μὴ μειχθῇ (τὸ γὰρ μεῖγμα ἓν βούλεται εἶναι͵ τοῦ δ΄ ἑνὸς μία αἴσθησις͵ ἡ δὲ μία ἅμα αὑτῇ)͵ ὥστ΄ ἐξ ἀνάγκης τῶν μεμειγμένων ἅμα αἰσθάνεται͵ ὅτι μιᾷ αἰσθήσει κατ΄ ἐνέργειαν αἰσθάνεται· ἑνὸς μὲν γὰρ ἀριθμῷ ἡ κατ΄ ἐνέργειαν μία͵ εἴδει δὲ ἡ κατὰ δύναμιν μία· καὶ εἰ μία τοίνυν ἡ αἴσθησις ἡ κατ΄ ἐνέργειαν͵ ἓν ἐκεῖνα ἐρεῖ. Μεμεῖχθαι ἄρα ἀνάγκη αὐτά. Ὅταν ἄρα μὴ ᾖ μεμειγμένα͵ δύο ἔσονται αἰσθήσεις αἱ κατ΄ ἐνέργειαν. Ἀλλὰ κατὰ μίαν δύναμιν καὶ ἄτομον χρόνον μίαν ἀνάγκη εἶναι τὴν ἐνέργειαν· μιᾶς γὰρ ἡ εἰσάπαξ μία χρῆσις καὶ κίνησις͵ μία δὲ ἡ δύναμις. Οὐκ ἄρα ἐνδέχεται δυοῖν ἅμα αἰσθάνεσθαι τῇ μιᾷ αἰσθήσει. Ἀλλὰ μὴν εἰ τὰ ὑπὸ τὴν αὐτὴν αἴσθησιν ἅμα ἀδύνατον͵ ἐὰν ᾗ δύο͵ δῆλον ὅτι ἧττον ἔτι τὰ κατὰ δύο αἰσθήσεις ἐνδέχεται ἅμα αἰσθάνεσθαι͵ οἷον λευκὸν καὶ γλυκύ. Φαίνεται γὰρ τὸ μὲν τῷ ἀριθμῷ ἓν ἡ ψυχὴ οὐδενὶ ἑτέρῳ λέγειν ἀλλ΄ ἢ τῷ ἅμα͵ τὸ δὲ τῷ εἴδει ἓν τῇ κρινούσῃ αἰσθήσει καὶ τῷ τρόπῳ. Λέγω δὲ τοῦτο͵ ὅτι ἴσως τὸ λευκὸν καὶ τὸ μέλαν͵ ἕτερον τῷ εἴδει ὄν͵ ἡ αὐτὴ κρίνει͵ καὶ τὸ γλυκὺ καὶ τὸ πικρὸν ἡ αὐτὴ μὲν ἑαυτῇ͵ ἐκείνης δ΄ ἄλλη͵ ἀλλ΄ ἑτέρως ἑκάτερον τῶν ἐναντίων͵ ὡς δ΄ αὔτως ἑαυταῖς τὰ σύστοιχα͵ οἷον ὡς ἡ γεῦσις τὸ γλυκύ͵ οὕτως ἡ ὄψις τὸ [448a] λευκόν͵ ὡς δ΄ αὕτη τὸ μέλαν͵ οὕτως ἐκείνη τὸ πικρόν.

§ 4. Ἔτι εἰ αἱ τῶν ἐναντίων κινήσεις ἐναντίαι͵ ἅμα δὲ τὰ ἐναντία ἐν τῷ αὐτῷ καὶ ἀτόμῳ οὐκ ἐνδέχεται ὑπάρχειν͵ ὑπὸ δὲ τὴν αἴ σθησιν τὴν μίαν ἐναντία ἐστίν͵ οἷον γλυκὺ πικρῷ͵ τούτων οὐκ ἂν ἐνδέχοιτο αἰσθάνεσθαι ἅμα. Ὁμοίως δὲ δῆλον ὅτι οὐδὲ τὰ μὴ ἐναντία· τὰ μὲν γὰρ τοῦ λευκοῦ τὰ δὲ τοῦ μέλανός ἐστιν͵ καὶ ἐν τοῖς ἄλλοις ὁμοίως͵ οἷον τῶν χυμῶν οἱ μὲν τοῦ γλυκέος οἱ δὲ τοῦ πικροῦ. Οὐδὲ τὰ μεμειγμένα ἅμα (λόγοι γάρ εἰσιν ἀντικειμένων͵ οἷον τὸ διὰ πασῶν καὶ τὸ διὰ πέντε)͵ ἐὰν μὴ ὡς ἓν αἰσθάνηται. Οὕτως δ΄ εἷς ὁ λόγος ὁ τῶν ἄκρων γίγνεται· ἄλλως δ΄ οὔ͵ ἔσται γὰρ ἅμα ὁ μὲν πολλοῦ πρὸς ὀλίγον ἢ περιττοῦ πρὸς ἄρτιον͵ ὁ δ΄ ὀλίγου πρὸς πολὺ ἢ ἀρτίου πρὸς περιττόν. Εἰ οὖν πλεῖον ἔτι ἀπέχει ἀλλήλων καὶ διαφέρει τὰ συστοίχως μὲν λεγόμενα ἐν ἄλλῳ δὲ γένει τῶν ἐν τῷ αὐτῷ γένει (λέγω δ΄ οἷον τὸ γλυκὺ καὶ τὸ λευκὸν καλῶ σύστοιχα͵ γένει δ΄ ἕτερα͵ τὸ γλυκὺ δὲ τοῦ λευκοῦ πλεῖον ἔτι τῷ εἴδει διαφέρει ἢ τὸ μέλαν)͵ ἔτι ἂν ἧττον ἅμα ἐνδέχοιτο αὐτὰ αἰσθάνεσθαι ἢ τὰ τῷ γένει ταὐτά. Ὥστ΄ εἰ μὴ ταῦτα͵ οὐδ΄ ἐκεῖνα.

§ 5. Ὃ δὲ λέγουσί τινες τῶν περὶ τὰς συμφωνίας͵ ὅτι οὐχ ἅμα μὲν ἀφικνοῦνται οἱ ψόφοι͵ φαίνονται δέ͵ καὶ λανθάνει͵ ὅταν ὁ χρόνος ᾖ ἀναίσθητος͵ πότερον ὀρθῶς λέγεται ἢ οὔ; τάχα γὰρ ἂν φαίη τις καὶ νῦν παρὰ τοῦτο δοκεῖν ἅμα ὁρᾶν καὶ ἀκούειν͵ ὅτι οἱ μεταξὺ χρόνοι λανθάνουσιν. Ἢ τοῦτ΄ οὐκ ἀληθές͵ οὐδ΄ ἐνδέχεται χρόνον εἶναι ἀναίσθητον οὐδένα οὐδὲ λανθάνειν͵ ἀλλὰ παντὸς ἐνδέχεται αἰσθάνεσθαι; εἰ γάρ͵ ὅτε αὐτὸς αὑτοῦ τις αἰσθάνεται ἢ ἄλλου ἐν συνεχεῖ χρόνῳ͵ μὴ ἐνδέχεται τότε λανθάνειν ὅτι ἔστιν͵ ἔστι δέ τις ἐν τῷ συνεχεῖ καὶ τοσοῦτος ὅσος ὅλως ἀναίσθητός ἐστι͵ δῆλον ὅτι τότε λανθάνοι ἂν εἰ ἔστιν αὐτὸς αὑτόν͵ καὶ εἰ ὁρᾷ καὶ αἰσθάνεται [καὶ εἰ αἰσθάνεται]. § 6. Ἔτι οὐκ ἂν εἴη [448b] οὔτε χρόνος οὔτε πρᾶγμα οὐδὲν ὃ αἰσθάνεται ἢ ἐν ᾧ͵ εἰ μὴ οὕτως͵ ὅτι ἐν τούτου τινὶ ἢ ὅτι τούτου τι ὁρᾷ͵ εἴπερ ἔστι τι μέγεθος καὶ χρόνου καὶ πράγματος ἀναίσθητον ὅλως διὰ μικρότητα· εἰ γὰρ τὴν ὅλην ὁρᾷ͵ καὶ αἰσθάνεται τὸν αὐτὸν συνεχῶς χρόνον͵ οὕτω͵ τῷ ἐν τούτου τινί͵ ἀφῃρήσθω τὸ ΓΒ͵ ἐν ᾧ οὐκ ᾐσθάνετο. Οὐκοῦν ἐν ταύτης τινί ἢ ταύτης τι͵ ὥσπερ τὴν γῆν ὁρᾷ ὅλην͵ ὅτι τοδὶ αὐτῆς͵ καὶ ἐν τῷ ἐνιαυτῷ βαδίζει͵ ὅτι ἐν τῳδὶ τῷ μέρει αὐτοῦ. Ἀλλὰ μὴν ἐν τῷ ΓΒ οὐδὲν αἰσθάνεται. Τῷ ἄρα ἐν τούτου τινὶ τοῦ ΑΒ αἰσθάνεσθαι λέγεται τοῦ ὅλου αἰσθάνεσθαι καὶ τὴν ὅλην. Ὁ δ΄ αὐτὸς λόγος καὶ ἐπὶ τῆς ΑΓ· ἀεὶ γὰρ ἐν τινὶ καὶ τινός͵ ὅλου δ΄ οὐκ ἔστιν αἰσθάνεσθαι. Ἅπαντα μὲν οὖν αἰσθητά ἐστιν͵ ἀλλ΄ οὐ φαίνεται ὅσα ἐστίν· τοῦ γὰρ ἡλίου τὸ μέγεθος ὁρᾷ καὶ τὸ τετράπηχυ πόῤῥωθεν͵ ἀλλ΄ οὐ φαίνεται ὅσον͵ ἀλλ΄ ἐνίοτε ἀδιαίρετον͵ ὃ ὁρᾷ δ΄ οὐκ ἀδιαίρετον. Ἡ δ΄ αἰτία εἴρηται ἐν τοῖς ἔμπροσθεν περὶ τούτου. Ὅτι μὲν οὖν οὐθείς ἐστι χρόνος ἀναίσθητος͵ ἐκ τούτων φανερόν· περὶ δὲ τῆς πρότερον λεχθείσης ἀπορίας σκεπτέον͵ πότερον ἐνδέχεται ἅμα πλειόνων αἰσθάνεσθαι ἢ οὐκ ἐνδέχεται. Τὸ δ΄ ἅμα λέγω ἐν ἑνὶ καὶ ἀτόμῳ χρόνῳ πρὸς ἄλληλα.

§ 7. Πρῶτον μὲν οὖν ἆρ΄ ὧδ΄ ἐνδέχεται͵ ἅμα μέν͵ ἑτέρῳ δὲ τῆς ψυχῆς αἰσθάνεσθαι͵ κἀν [οὐ τῷ ἀτόμῳ] οὕτως ἀτόμῳ ὡς παντὶ ὄντι συνεχεῖ; ἢ [ὅτι] πρῶτον μὲν κατὰ τὴν μίαν αἴσθησιν͵ οἷον λέγω ὄψιν͵ εἰ ἔσται ἄλλῳ αἰσθανομένη ἄλλου καὶ ἄλλου χρώματος͵ πλείω γε μέρη ἕξει εἴδει ταὐτά; καὶ γὰρ ἃ αἰσθάνεται ἐν τῷ αὐτῷ γένει ἐστίν. Εἰ δέ͵ [ὅτι] ὡς ὄμματα δύο͵ φαίη τις οὐδὲν κωλύειν οὕτω καὶ ἐν τῇ ψυχῇ͵ [ὅτι] ἴσως ἐκ μὲν τούτων ἕν τι γίγνεται καὶ μία ἡ ἐνέργεια αὐτῶν· ἐκεῖ δέ͵ εἰ μὲν ἓν τὸ ἐξ ἀμφοῖν͵ ἐκεῖνο τὸ αἰσθανόμενον ἔσται͵ εἰ δὲ χωρίς͵ οὐχ ὁμοίως ἕξει. Ἔτι αἰσθήσεις αἱ αὐταὶ πλείους ἔσονται͵ ὥσπερ εἴ τις ἐπιστήμας [449a] διαφόρους φαίη· οὔτε γὰρ ἡ ἐνέργεια ἄνευ τῆς κατ΄ αὐτὴν ἔσται δυνάμεως͵ οὔτ΄ ἄνευ ταύτης αἴσθησις ἔσται. § 8. Εἰ δὲ τούτων ἐν ἑνὶ καὶ ἀτόμῳ μὴ αἰσθάνεται͵ δῆλον ὅτι καὶ τῶν ἄλλων· μᾶλλον γὰρ ἐνεδέχετο τούτων ἅμα πλειόνων ἢ τῶν τῷ γένει ἑτέρων. Εἰ δὲ δὴ ἄλλῳ μὲν γλυκέος ἄλλῳ δὲ λευκοῦ αἰ σθάνεται ἡ ψυχὴ μέρει͵ ἤτοι τὸ ἐκ τούτων ἕν τί ἐστιν ἢ οὐχ ἕν. Ἀλλ΄ ἀνάγκη ἕν· ἓν γάρ τι τὸ αἰσθητικόν ἐστι μέρος. Τίνος οὖν ἐκεῖνο ἑνός; οὐδὲν γὰρ ἐκ τούτων ἕν. Ἀνάγκη ἄρα ἕν τι εἶναι τῆς ψυχῆς ᾧ ἅπαντα αἰσθάνεται͵ καθάπερ εἴρη ται πρότερον͵ ἄλλο δὲ γένος δι΄ ἄλλου. § 9. Ἆρ΄ οὖν ᾗ μὲν ἀδιαίρετόν ἐστι κατ΄ ἐνέργειαν͵ ἕν τί ἐστι τὸ αἰσθητικὸν γλυκέος καὶ λευκοῦ͵ ὅταν δὲ διαιρετὸν γένηται κατ΄ ἐνέργειαν͵ ἕτερον; ἢ ὥσπερ ἐπὶ τῶν πραγμάτων αὐτῶν ἐνδέχεται͵ οὕτως καὶ ἐπὶ τῆς ψυχῆς; τὸ γὰρ αὐτὸ καὶ ἓν ἀριθμῷ λευκὸν καὶ γλυκύ ἐστι͵ καὶ ἄλλα πολλά· εἰ γὰρ μὴ χωριστὰ τὰ πάθη ἀλλήλων͵ ἀλλὰ τὸ εἶναι ἕτερον ἑκάστῳ. Ὁμοίως τοίνυν θετέον καὶ ἐπὶ τῆς ψυχῆς τὸ αὐτὸ καὶ ἓν εἶναι ἀριθμῷ τὸ αἰσθητικὸν πάντων͵ τὸ μέντοι εἶναι ἕτερον καὶ ἕτερον τῶν μὲν γένει τῶν δὲ εἴδει. Ὥστε καὶ αἰσθάνοιτ΄ ἂν ἅμα τῷ αὐτῷ καὶ ἑνί͵ λόγῳ δ΄ οὐ τῷ αὐτῷ.

§ 10. Ὅτι δὲ τὸ αἰσθητὸν πᾶν ἐστι μέ γεθος καὶ οὐκ ἔστιν ἀδιαίρετον αἰσθητόν͵ δῆλον. Ἔστι γὰρ ὅθεν μὲν οὐκ ἂν ὀφθείη ἄπειρον τὸ ἀπόστημα͵ ὅθεν δὲ ὁρᾶται͵ πεπερασμένον· ὁμοίως δὲ καὶ τὸ ὀσφραντὸν καὶ ἀκουστὸν καὶ ὅσων μὴ αὐτῶν ἁπτόμενοι αἰσθάνονται. Ἔστι δή τι ἔσχατον τοῦ ἀποστήματος ὅθεν οὐχ ὁρᾶται͵ καὶ πρῶτον ὅθεν ὁρᾶται. Τοῦτο δὴ ἀνάγκη ἀδιαίρετον εἶναι͵ οὗ ἐν μὲν τῷ ἐπέκεινα οὐκ ἐνδέχεται αἰσθάνεσθαι ὄντος͵ ἐν δὲ τῷ ἐπὶ τάδε ἀνάγκη αἰσθάνεσθαι. Εἰ δή τι ἔστιν ἀδιαίρετον αἰσθητόν͵ ὅταν τεθῇ ἐπὶ τῷ ἐσχάτῳ ὅθεν ἐστὶν ὕστατον μὲν οὐκ αἰσθητὸν πρῶτον δ΄ αἰσθητόν͵ ἅμα συμβήσεται ὁρατὸν εἶναι καὶ ἀόρατον· τοῦτο δ΄ ἀδύνατον.

[449b] § 11. Περὶ μὲν οὖν τῶν αἰσθητηρίων καὶ τῶν αἰσθητῶν τίνα τρόπον ἔχει καὶ κοινῇ καὶ καθ΄ ἕκαστον αἰσθητήριον εἴρη ται· τῶν δὲ λοιπῶν πρῶτον σκεπτέον περὶ μνήμης καὶ τοῦ μνημονεύειν.

§ 1. Abordons encore une autre question concernant les sens, celle de savoir si l'on peut ou non sentir deux choses à la fois dans un seul et même moment indivisible. Nous prenons comme démontré que toujours un plus fort mouvement en absorbe un plus faible ; et c est pour cela que l'on a beau avoir les choses sous les yeux, on ne les voit point quand la pensée est fortement occupée de quelque autre objet, ou qu'on a peur, ou qu'on entend un bruit violent. Admettons aussi l'exactitude de cet autre principe, à savoir, que l'on peut toujours beaucoup mieux sentir une chose quand elle est simple que quand elle est mélangée avec d'autres; par exemple, on goûte mieux du vin pur que du vin trempé, du miel pur que du miel mêlé à d'autres saveurs ; on voit mieux la couleur quand elle est unique, et l'on entend mieux la tonique, quand elle est seule, que quand elle est mêlée à la quinte, parce que ces sensations s'effacent mutuellement; et c'est ce qui arrive dans les choses qui se réunissent en une seule. Puis donc que le plus grand mouvement absorbe le plus petit, il s'ensuit nécessairement que, quand ils sont simultanés, le plus grand se sent moins que s'il était tout seul, parce que le plus petit en s'y mêlant lui enlève pour cela même quelque chose de sa force, et parce que les choses quand elles sont simples sont toujours plus sensibles. Si donc tout en étant autres, des mouvements sont égaux, on ne sentira aucun des deux, car l'un pourra également annuler l'autre; ou du moins, on ne peut certes pas sentir l'un des deux comme s'il était simple; dans ce cas, ou il n'y aura pas du tout de sensation, ou il y en aura une différente, formée des deux mouvements. C'est aussi ce qui paraît arriver pour les choses mélangées dans la chose à laquelle on les mêle. § 2. Il y a donc certaines choses qui se combinent en une, et certaines autres qui ne se combinent point; [447b] ces dernières sont celles qui tombent sous des sens différents. Ainsi, les choses dont les extrêmes sont des contraires peuvent se combiner. Mais il n'est pas possible que d'une couleur blanche et d'un son aigu, il se forme une unité réelle, si ce n'est indirectement; et alors cette unité ne ressemble pas du tout à l'accord harmonique qui se forme du grave et de l'aigu. On ne saurait donc non plus percevoir les choses de ce genre en même temps; car si les mouvements en sont égaux, ils s'annulent mutuellement, parce que des deux il n'en résulte pas un seul; et s'ils sont inégaux, le plus fort est le seul qui produise une sensation. § 3. Ajoutez que l'âme sentirait plutôt les deux choses par une seule sensation, quand elles se rapportent à un seul sens comme le grave et l'aigu, parce que le mouvement d'un seul sens serait simultané à lui-même plutôt que celui de deux sens différents, comme la vue et l'ouïe. Or, il est impossible de sentir deux choses par une seule sensation, à moins que ces deux choses ne soient mêlées; car le mélange tend toujours à l'unité, et il n'y a qu'une seule sensation pour l'unité. Mais une sensation unique est simultanée à elle-même, et par conséquent il faut nécessairement que l'on sente à la fois les choses mêlées, parce qu'on les sent par une seule sensation en acte; car c'est un seul sens en acte qui sent l'objet quand il est un numériquement; de même que si l'objet est spécifiquement un, c'est le sens un en puissance qui le sent. Si donc la sensation en acte est unique, l'âme croira que les choses senties n'en forment qu'une; et nécessairement c'est que ces choses se seront combinées. Si au contraire elles ne sont pas combinées, il y a deux sensations en acte. Mais nécessairement l'acte doit être unique par rapport à une puissance unique, et à un temps indivisible; car l'exercice et le mouvement d'un seul sens dans un moment donné sont uniques, de même qu'il n'y a qu'une seule puissance. Ainsi donc, on ne saurait sentir deux choses à la fois par un sens unique. Mais si deux choses qui tombent sous un même sens ne peuvent être perçues à la fois du moment qu'elles sont deux, à plus forte raison évidemment ne peut-on sentir à la fois les choses qui tombent sous des sens différents; par exemple, la couleur blanche et la saveur douce. C'est qu'en effet l'âme ne semble reconnaître ce qui est numériquement un, que parce qu'elle le sent dans le même temps, tandis que ce qui est un en espèce, elle le reconnaît à la fois, et par le sens qui perçoit, et par la manière dont cet objet agit sur lui : je veux dire, par exemple, que c'est bien toujours le même sens identique à lui-même qui juge le blanc et le noir, tout différents que le blanc et le noir sont en espèce, comme c'est aussi un même sens qui juge le doux et l'amer. Mais dans un des cas, le sens est différent de ce qu'il est dans l'autre cas; il juge autrement de chacun des contraires; et c'est ainsi que chacun de ces sens perçoit de la même façon les objets qui se correspondent, et que par exemple, de même que le goût perçoit le doux, et que la vue perçoit [448a] le blanc, de même aussi la vue voit le noir, et le goût sent l'amer.

§ 4. De plus, si les mouvements des contraires sont contraires, et que les contraires ne puissent jamais être en même temps dans un seul et même individu, bien qu'ils puissent tomber sous un même sens, comme le doux et l'amer, il s'ensuit que l'on ne peut pas non plus les sentir tous deux à la fois. Il est tout aussi clair qu'on ne peut pas davantage sentir ainsi les choses qui ne sont pas contraires; car [parmi les couleurs] les unes se rapportent au noir et les autres au blanc; et cette remarque s'applique également aux autres sensations; et par exemple aux saveurs, dont les unes se rapportent au doux et les autres à l'amer. Il n'est pas même possible de sentir à la fois les choses mêlées, parce qu'elles appartiennent dans leurs rapports à des opposés, et par exemple, la tonique et la quinte, à moins qu'elles ne soient senties comme une seule et même chose; et c'est ainsi seulement qu'il n'y a qu'une notion unique des extrêmes, mais non pas autrement; car il y aura notion simultanée, tantôt du rapport du grand au petit, ou de l'impair au pair, et tantôt du rapport du petit au grand ou du pair à l'impair. Si donc des choses analogues, mais de genre différent, sont encore plus éloignées les unes des autres, et sont plus dissemblables entre elles que les choses qui sont dans un même genre, par exemple je yeux dire le doux et le blanc, que j'appelle analogues, mais qui sont de genre différent, le doux s'éloignant spécifiquement plus encore du noir que du blanc, il est encore moins possible de sentir simultanément ces dernières choses que celles d'un même genre; et il s'ensuit que si les choses d'un genre identique ne sont pas perçues à la fois, les autres ne le sont pas davantage.

§ 5. D'autre part, on a prétendu quelquefois, pour les accords des sons entre eux, que les sons n'arrivent pas en même temps-à notre oreille, mais qu'ils paraissent seulement y arriver ainsi, et que cette illusion vient de ce que le temps qui sépare chaque son est imperceptible; cette opinion ost-elle juste ou ne l'est-elle pas ? Ajoutons qu'on pourrait fort aisément étendre cette explication, et dire aussi qu'on croit voir et entendre à la fois une seule et même chose, parce que les intervalles de temps [qui séparent la vue et l'ouïe] nous échappent. Ou bien doit-on dire que cela n'est pas exact, et qu'il n'est pas possible qu'il y ait un temps qui soit insensible pour nous et nous échappe, et que nous pouvons toujours le percevoir quel qu'il soit? En effet, si lorsqu'on se sent soi-même, ou même lorsqu'on sent quelque autre chose dans un temps continu, on ne peut point ignorer sa propre existence ou celle de la chose; et si dans cette durée continue il y avait un moment, quelque court qu'on le fasse, où l'on fût tout à fait insensible, il est clair aussi que dans cet instant on ne saurait même pas si l'on existe soi-même, ou si l'on voit quelque objet; et qu'alors, et tout à la fois, on pourrait dire qu'on ne sent pas et qu'on sent. § 6. En outre, [448b] il n'y aura plus de temps ou de chose perçue dont on ne puisse dire aussi, ou qu'on n'a senti que dans une partie de ce temps, ou qu'on n'a vu qu'une partie de cette chose, du moment qu'on suppose qu'il y a quelque parcelle du temps ou des choses qui devienne tout à fait insensible pour nous à cause de sa petitesse. Admettons que l'on voie la chose entière, et qu'on sente le temps lui-même tout entier sans discontinuité, seulement parce qu'on aura senti une partie du temps où qu'on aura vu une partie de la chose, et admettons aussi qu'il y ait quelque parcelle insensible. Retranchons CB qui est cette parcelle dans laquelle on ne sent pas. Il s'ensuivra qu'il suffit, pour sentir le tout, d'une partie du temps ou d'une partie de la chose; par exemple, qu'on voit la terre entière parce qu'on en voit telle partie, et que l'on marche durant l'année entière parce que l'on marche durant une partie de l'année. Mais on ne sent rien en BC; c'est donc parce que l'on sent dans quelque partie de AB que l'on dit qu'on sent le tout et la terre entière. Mais le même raisonnement serait bon pour AC; car c'est toujours dans quelque partie du temps que l'on sent, ou c'est toujours quelque partie de la chose, et l'on ne sent jamais le tout. Ce qu'il faut affirmer, c'est que l'on sent les choses tout entières, mais qu'elles ne paraissent pas toujours tout ce qu'elles sont. C'est ainsi qu'on voit les dimensions du soleil, et de loin, celles d'un objet de quatre coudées, sans qu'elles paraissent aussi grandes qu'elles le sont réellement. Mais parfois elles nous semblent indivisibles, et l'on ne voit pas l'indivisible; nous en avons expliqué la cause dans ce qui précède. Concluons donc de là qu'évidemment il n'y a pas du tout de temps qui soit imperceptible pour nous.

§ 7. Pour revenir à la première question qui avait été soulevée, il s'agit de savoir si l'on peut ou si l'on ne peut pas sentir plusieurs choses à la fois. Quand je dis à la fois, je comprends que les phénomènes se passent l'un par rapport à l'autre dans une seule partie de l'âme et dans un temps indivisible. D'abord donc, est-il possible de sentir plusieurs choses à la fois en les percevant par une partie de l'âme qui serait différente et qui serait indivisible, de façon qu'elle serait tout entière continue ? Mais pour ne parler d'abord que des choses relatives à un seul sens, à la vue par exemple, si la vue a besoin d'une autre partie pour sentir une autre couleur, ne sera-ce pas donner à ce sens plusieurs parties qui seront identiques en espèce? car les choses qu'il sent ici sont dans le même genre. On prétend, il est vrai, que les deux yeux n'empêchant pas de voir l'objet unique, il en peut être de même aussi dans l'âme. A cela l'on peut répondre que pour les deux yeux sans doute ils ne causent qu'une seule perception, et qu'il n'y a pour eux qu'un seul et même acte ; mais si, dans l'âme, la partie qui est affectée par les deux objets est une, cette partie sera précisément celle qui sent, tandis que si les sensations sont séparées, ce ne sera plus le même phénomène que pour les yeux. De plus, il s'ensuivrait que les mêmes sensations seraient multiples, ce qui reviendrait à dire que les connaissances données par elles sont [449a] différentes ; car il n'y a pas d'acte de sensation sans la faculté spéciale à laquelle il se rapporte, pas plus qu'il n'y a de sensation sans cet acte. § 8. Mais si l'âme perçoit les sensations [de sens différents] dans une partie une et indivisible, évidemment elle sentira de même aussi les autres sensations; car il était plus facile de percevoir plusieurs de ces dernières à la fois plutôt que celles qui sont de genres différents. Au contraire si l'âme perçoit la couleur blanche par une partie et la saveur douce par une autre, le résultat de ces sensations est-il un ou n'est-il pas un? Il faut nécessairement que ce résultat soit un; car, dans l'âme, la partie qui sent est une aussi. Mais à quelle unité le résultat répond-il ici? car les choses senties ne forment pas une unité. Il faut donc que dans l'âme il y ait une unité qui sente tout, ainsi qu'on l'a dit  précédemment ; seulement elle sent un autre genre d'objets par un autre organe. § 9. Peut-on donc expliquer ceci en disant que c'est comme indivisible que la faculté qui sent à la fois le blanc et le doux reste quelque chose d'un en acte, et qu'elle n'est autre en acte que quand elle devient divisible? Ou bien encore en serait-il pour l'âme de même qu'il en est pour les choses? Ainsi, une seule et même chose peut, tout en gardant son unité numérique, être blanche et douce, et avoir beaucoup d'autres qualités encore. En effet, si les modifications des choses ne sont pas séparées les unes des autres, et que la manière d'être seulement soit différente pour chacune d'elles, il faut supposer qu'il en est de même pour l'âme, que ce qui perçoit en elle toutes les sensations diverses est numériquement une seule et même chose, et que cependant cette faculté est autre par sa manière d'être, ici pour les choses de genre différent, et là pour les choses d'espèce différente. Par conséquent, l'âme perçoit en même temps les choses par une seule et même faculté; seulement, le rapport n'est pas le même.

§ 10. Il est donc évident que tout ce qui est perceptible à nos sens a une certaine grandeur, et qu'il n'y a pas d'indivisible qui soit perceptible pour nous. En effet, la distance d'où l'on ne peut pas voir une chose est infinie, celle d'où l'on peut la voir est limitée. Même remarque pour l'objet qu'on peut percevoir par l'odorat, pour celui qu'on peut percevoir par l'ouïe, et pour tous les objets que l'on perçoit sans les toucher directement. Ainsi, il y a un point dernier dans la distance d'où l'on ne voit pas, et un premier d'où l'on voit. Il faut donc nécessairement considérer comme indivisible ce point au delà duquel il est impossible de sentir l'existence de la chose, et en deçà duquel, au contraire, on doit la percevoir. Mais si l'on admet qu'un indivisible peut être perceptible à nos sens, en le plaçant à cette extrémité d'où l'on cesserait de sentir au delà et où l'on commencerait à sentir en deçà, il en résulterait qu'un objet serait à la fois visible et invisible; or, c'est ce qui est impossible.

[449b] § 11. On a donc expliqué ce que sont les organes des sens et les objets sensibles ; et l'on a montré ce qu'est en commun et en particulier chacun d'eux. Parmi les questions qu'il nous reste à étudier, il faut nous occuper d'abord de la mémoire et du souvenir.

FIN DU TRAITÉ DE LA SENSATION ET DES CHOSES SENSIBLES.

§ 1. Sentir deux choses à la fois. Cette question est, comme l'on voit, fort ingénieuse; et, bien résolue, elle peut jeter beaucoup de jour sur l'action de la sensibilité. Aristote est, ce semble, le seul psychologue qui se la soit posée.

Un plus fort mouvement. Il faut limiter cet axiome à la sensibilité. Quand elle est fortement émue par un objet, elle ne sent point un objet qui l'émeut moins vivement. De deux maux, l'un plus faible, l'autre plus fort, on ne sent que le dernier, si la différence est considérable. C'est sur ce principe que tout fondée tous les remèdes de médecine appelés dérivatifs.

Beaucoup mieux sentir une chose. L'expression est peut-être un peu vague : j'aurais dû beaucoup allonger la phrase pour la rendre plus précise : peut-être aussi on pourrait traduire : « Plus distinctement » au lieu de « beaucoup mieux, » J'ai cru devoir laisser l'indétermination du texte.

La tonique.... la quinte. J'ai pris nos expressions musicales actuelles, qui ne répondent peut-être pas très-exactement à celles d'Aristote. Mais la pensée est fort claire.

-- Ces sensations. Le texte dit d'une manière plus vague : « Ces choses. »

Et c'est ce qui arrive. C'est-à-dire que les sensations se gênent mutuellement.

Qui se réunissent en une seule. Comme dans les exemples qu'Aristote vient de citer, deux saveurs réunies en une seule, deux couleurs, deux sons.

Le plus grand se sent moins. Cette conséquence paraît fausse : il est bien vrai que le plus petit mouvement disparaît; mais le plus fort s'en accroît, à ce qu'il semble, au lieu d'en être diminué.

 — De sa force. Le texte dit simplement : « Lui enlève quelque chose. »

Ou du moins. La restriction parait en effet très-nécessaire.

§ 2. Il y a donc certaines choses. Il faut restreindre ceci aux sensations : le principe n'est pas pris dans toute sa généralité, comme la suite le prouve.

Dont les extrêmes sont des contraires. Comme la couleur dont les extrêmes, le blanc et le noir, sont des contraires ; comme le son, dont les extrêmes sont le grave et l'aigu, etc.

Si ce n'est indirectement. Voir le Traité de l'Ame, III, ii, 10 et 13, sur le rôle du sens commun qui réduit à l'unité les sensations diverses.

§ 3. La pensée générale de ce paragraphe est très-claire : Aristote veut dire que deux perceptions simultanées ne sont pas possibles pour un seul et même sens, et qu'à plus forte raison elles ne le sont pas pour des sensation, qui s'adressent à des organes divers ; mais si l'ensemble est clair, les détails ne le sont pas également; et Simoni a remarqué avec raison qu'Aristote n'avait pas été ici très-fidèle à sa concision ordinaire (verbosius certe quam soleat).

Le mouvement..., serait simultané. J'ai conservé l'ex-ression du texte, qui est peut-être un peu obscure à force d'être concise.

Ne soient mêlées, et alors elles n'en forment plus qu'une seule.

Pour l'unité, ou « pour ce qui est réduit à l'unité. »

Est simultanée à elle-même, Cest ce qui vient déjà d'être dit quelques lignes plot haut.

Que l'on sente à la fois, et alors il n'y a plus qu'une seule chose et non deux.

Sensation en acte. Voir, pour l'explication de cette expression, Traité de l'Ame, II, v, î.

Spécifiquement un, c'est-à-dire un en espèce ou en genre : ainsi, c'est la sensation une en puissance et non en acte qui perçoit le blanc et le noir, lesquels sont un spécifiquement, comme appartenant tous deux à la couleur et au sens de la vue; mais il faut deux sensations en acte pour percevoir d'abord le blano et ensuite le noir.

Deux sentations en acte, ou « effectives. » 

Ainsi donc. Voilà la première conclusion de tout ce raisonnement : « On ne peut avoir deux perceptions simultanées par un seul sens; à plus forte raison, etc. »

Ce qui est un en espèce. Le blanc, qui spécifiquement est un avec le noir, et est dans le mémo genre que lui, celui do la couleur.

Et par le sens qui perçoit, La vue, si, par exemple, il s'agit de couleurs diverses.

Et par la manière dont cet objet agit. La sensation que cet objet donne à l'organe : la vue ne confond pas le blanc avec le noir, quoiqu'ils soient tous deux des couleurs, parce que l'un agit sur elle différemment de l'autre.

Dans un des cas. Quand le sens juge l'une des deux couleurs ou l'une des deux saveurs.

Il juge autrement.. . des contraires. Il les discerne l'un de l'autre.

Les objets qui se correspondent, qui. dans chaque genre, occupent une place analogue et correspondante. Ce qui suit explique clairement cette expression.

§ 4. Et que les contraires ne puissent jamais. Voir les Catégories, ch. xi, et la Métaphysique, liv. V, ch. x.

Qu'on ne peut pas... les sentir tous les deux à la fois. C'est que la plupart des sensations sont con» traira, comme la suite le prouve; et voilà comment Aristote peut tirer de la nature des contraires un argument de plus en faveur de son opinion.

Les choses qui ne sont pas contraires, qui, sans être contraires, participent cependant de la nature des contraires.

—- Parmi les couleurs. J'ai ajouté ces mots que justifie le contexte.

Au noir.... au blanc.... Qui sont des contraires dont participent les nuances intermédiaires.

Au doux.... à l'amer. Même remarque.

A des opposés.  qui sont aussi des contraires.

La tonique et la quinte. Ce sont les mêmes expressions déjà employées plus haut, § 1.

Comme une seule et même chose. Et alors il n'y a plus une double sensation,

Et cest ainsi seulement. C'est-à-dire, quand les deux phénomènes se réunissent en un seul.

Du grand au petit ou de l'impair au pair. Ces expressions obscures peuvent s'entendre de la tonique et de la quinte , entre lesquelles on peut remarquer un rap~ port de ce genre.

Des choses analogues. La suite explique ce qu'Aristote entend par ce mot.

Les autres, c'est-à-dire les analogues de genre différent.

§ 5. On a prétendu quelquefois. Les commentateurs ne disent pas à qui s'adresse cette critique. Il est possible que l'opinion combattue ici ait appartenu soit aux Pythagoriciens, soit même à quelques-uns des disciples d'Aristote, qui, comme Aristoxène ont cultivé la musique et en ont fondé la théorie mathématique.

Voir et entendre à la fois. D'un seul sens, pour lequel on nie la simultanéité, on peut aller à deux sens différents pour lesquels on la niera à bien plus forte raison.

Qui séparent la vue et l'ouie. J'ai ajouté ces mou afin d'être plus clair.

Que cela n'est pas exact. C'est par la négative qu'Aristote résoudra la question.

Quelque autre chose, ou « quelque autre homme, » comme le veulent les commentateurs. J'ai cru devoir prendre l'expression la plus générale possible : le texte la permet aussi bien que l'autre.

On ne peut point ignorer sa propre existence ou celle de la chose. J'ai dû ajouter oe complément pour rendre toute la pensée du texte.

Qu'on ne sent pas et qu'on sent. Contradiction absurde, qui est la conséquence du principe posé, et qui prouve combien il est faux.
 

§ 6. En outre, il n'y aura plus de temps. Tout ce paragraphe a de l'obscurité, ainsi que le remarque Alexandre d'Apbrodise lui-même. La pensée générale en est claire, mais les détails ne le sont pas. Aristote veut prouver que si Pon admet qu'une partie du temps, ou une partie de l'étendue est imperceptible pour nous, on détruira par là toute notion du temps et toute notion de l'étendue; car le même raisonnement pourra s'adresser à toutes les parties du temps ou de l'étendue , et les détraira toutes les unes iprès les autres. J'ai dù souvent paraphraser plutôt que traduire , parce que le texte est parfois très  concis.

Retranchons CB. Pour bien comprendre ce passage, il faut tracer une ligne dont les deux extrémités seraient désignées par À et B st le milieu par G.

Qu'on voit la terre entière. Conséquence absurde pour l'étendue.

Et que l'on marche durant l'année entière. Conséquence absurde pour le temps.

Serait bon pour AC. La partie du temps ou de retendue qu'on suppose perceptible.

Et l'on ne sent jamais le tout. Ainsi ce raisonnement détruit la partie qu'on supposait perceptible, tout aussi bien que celle qu'on supposait imperceptible; et alors disparait toute notion de temps ou d'étendue.

On sent les choses tout entières. Sans qu'il y ait aucune parcelle qui échappe à nos sens.

Dans ce qui précède. Voir plus haut toute la discussion du ch. vi, et par» ticulièrement § 7.

§ 7. Pour retenir à la première question. Aristote lui-même semble blâmer la longueur des développements qui précèdent, et qui ont presque fait perdre de vue la question principale.

Dans une seule partie de l'âme. La suite prouve que c'est bien là le sens qu'il faut donner à ce passage. On pourrait croire aussi qu'il ne s'agit que d'un temps un et indivisible : plusieurs commentateurs s'y sont trompés.

Et dans un temps indivisible. Comme l'idée de temps ne reparait plus dans le reste du paragraphe, la pensée serait plus claire si l'on retranchait ici ce mot ; mais aucun manuscrit n'autorise cette suppression; et le commentaire d'Alexandre d'Aphrodise ne peut laisser le moindre doute.

Quelle serait tout entière continue. Je fais rapporter ceci à l'âme : la plupart des commentateurs le font rapporter au temps indivisible et continu. C'est la aussi le premier sens qu'adopte Alexandre d'Aphro-dise; mais il revient ensuite à celui que j'adopte, en donnant une variante qui n'a pas, d'ailleurs, d'importance par elle-même. Je crois ce second sens préférable, parce qu'il est plus d'accord avec le contexte.

Plusieurs parties qui seront identiques en espèce. Cest-à-dire que dans la vue, il y aurait plusieurs parties qui pourraient voir également, et non une seule qui serait faite pour voir tous les objets visibles.

Sont dans le même genre. C'est-à-dire, sont tous des objets visibles : ainsi les objets étant du même genre : les parties qui les perçoivent doivent être entre elles de même espèce.

Sans doute. Alexandre d'Aphrodise prétend que, par cette expression de doute, Aristote veut faire entendre qu'il n'a pas suffisamment examiné ce sujet.

Le même phénomène que pour les yeux. J'ai du un peu développer le texte, qu'Alexandre trouve obscur.

De plus il s'ensuivrait. Si l'on admettait que l'on peut percevoir plusieurs choses à la fois par différentes parties des de l'Ame.

 — Sont différentes, et, par conséquent, on ne sentirait pas les choses en même temps.

Sans la faculté spéciale, etc. J'ai un peu développé le texte.

De sensation sans cet acte. Voir le Traité de l'Ame, II, v. 2 et suiv.

§ 8. Mais si l'âme perçoit les sensations. Alexandre d'Aphrodise voudrait ici corriger le texte et introduire deux négations, parce qu'il comprend qu'il s'agit d'un temps un et indivisible, et non point d'une partie indivisible de l'Ame. J'ai conservé la leçon ordinaire.

De sens différents. J'ai ajouté ces mots pour être plus clair.

Dans une partie une et indivisible. Je fais rapporter le texte, qui est indéterminé, à une partie de l'Ame et non au temps, comme le font là plupart des commentateurs : il me semble que tout le contexte s'arrange beaucoup mieux du sens que j'adopte.

Car il était plus facile. Le raisonnement se suit très-bien dans ce passage; en admettant la petite addition que j'ai dû faire plus haut : « De sens différents, »  Cest ainsi que le commentaire de Leonicus explique le texte; et j'adopte entièrement cette explication qui rend inutile la correction proposée par Alexandre ; et que confirme ce qui suit

La partie qui sent est une aussi. Voir le Traité de l'Ame ; III ; ii, 1 et suiv.

Une unité qui sente tout. C'est le sens commun.

-- Ainsi qu'on la dit précédemment, Voir le Traité de l'Ame; III, ii, 1i et suiv où ceci est développé.

§ 9. Peut-on donc expliquer ceci. J'ai dû paraphraser an peu le texte afin d'être tout à fait intelligible. Saint Thomas remarque avec raison que ce passage est obscur parce qu'il est concis, et qu'Aristote s'en réfère probablement aux explications données dans le Traité de l'Ame.

C'est comme indivisible.... d'un en acte.... elle devient divisible. Voir le Traité de l'Ame, III, ii, 1 et 13 surtout. Le sens commun, qui réunit les perceptions de tous les autres et les compare peut être, comme le point, indivisible, en tant qu'il est le centre où se joignent les diverses lignes, ou divisible, eu tant qu'a est le commencement des unes et la fin des autres.

Ou bien encore. Seconde explication du pro blême posé au début de ce chapitres

Tout en gantant son unité numérique. C'est là le caractère essentiel de la substance ; voir les Catégories, ch. v, § 21.

Ne sont pas séparées les unes des autres, en ce sens qu'elles se passent dans une seule et même substance.

Si la manière d'être de la substance qui reçoit ces modifications.

Est autre par sa manière d'être. Ce sont les expressions mêmes du Traité de l'Ame, III, ii, 13 et 15.

Pour les choses de genre différent. Par exemple, les couleurs et les saveurs.

Pour les choses d'espèce différente. Par exemple , le blanc et le noir, dans les couleurs; le doux et l'amer, dans les saveurs, etc.

—- Seulement le rapport nest pas le même. On pourrait entendre encore le texte autrement, et traduire : « Mais rationnellement ce n'est pas par la même faculté. » C'est-à-dire, si en réalité il n'y a qu'une seule faculté, rationnellement on y peut distinguer diverses manières d'être.

§ 10. A une certaine grandeur. C'est là ce qu'Aristote voulait prouver par ce qui précède.

D'indivisible. C'est-à-dire, de chose sans grandeur, sans dimensions appréciables.

L'on ne peut pas voir. Aristote prend ici l'exemple de la vue ; mais cette remarque s'étend, comme la suite le prouve, à l'ouïe et à l'odorat; et elle concerne ainsi tous les sens qui ne touchent pas directement leurs objets.

Serait à la fois visible et invisible. Conséquence absurde qui établit par conséquent U proposition contraire, à savoir que nos sens ne perçoivent que ce qui a une certaine dimension.
 

§ 11. Ce paragraphe, que l'édition de Berlin rejette au commencement du traité suivant, appartient à celui-ci, comme le prouve l'ordre des idées, et aussi le commentaire d'Alexandre d'Aphrodise, que tous les éditeurs ont suivi avec raison.

Les organes des sens. Voir plus haut, ch. i, § 1, la note sur le titre de ce traité.

 — De la mémoire et du souvenir. Notre langue n'a pu me fournir un verbe tiré du même radical que le mot « mémoire, » comme le fait le texte grec. J'ai conservé autant que je l'ai pu cette parité, puisque le mot de « souvenir » est pour nous un verbe en même temps qu'un substantif.