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table des matières de l'œuvre d'Aristote

 

ARISTOTE

 

 

PROBLÈMES MUSICAUX

NOTES

 

NOUVELLES OBSERVATIONS

SUR LES

PROBLÈMES MUSICAUX

ATTRIBUÉS A ARISTOTE

 

Extrait de la Revue des Etudes Grecques, 1900/01 (T13, N51) --> 1900/04.

 

MM. Gevaert et Vollgraff viennent de publier le premier fascicule d'une édition, attendue depuis longtemps, des Problèmes musicaux d'Aristote. L'un de nous a dit ailleurs[1] le bien qu'il faut penser de cette très intéressante publication, et a rappelé à cette occasion le nom du regretté Wagener, premier collaborateur de M. Gevaert et auteur de quelques-unes des meilleures corrections consignées clans la nouvelle édition. Les éditeurs belges ont, comme ils s'empressent de le reconnaître, souvent tiré parti des notes que nous avons publiées ici même, il y a huit ans, sur les Problèmes musicaux; ils ont disposé ceux-ci dans un ordre rationnel analogue à celui que nous avions adopté et dans un assez grand nombre de cas ils se sont approprié nos transpositions ou nos conjectures. Nous ne croyons pas pouvoir mieux les remercier de leur courtoisie qu'en reprenant une fois de plus, à leur suite, l'étude de ce texte difficile. Nous suivrons, dans nos remarques, l'ordre de leur édition, n'hésitant pas, chemin faisant, à corriger explicitement ou implicitement notre travail de 1892 ; nous l'avons jugé avec la même liberté d'esprit que nous apporterions vis-à-vis d'une œuvre étrangère.[2]

Problème 2 (A, 1 Gevaert, p. 26 ER).

Ce problème nous offre l'occasion de rappeler un principe que nous n'avions pas suffisamment mis en lumière dans notre premier travail, à savoir qu'il y a en général une indépendance absolue entre les énoncés des problèmes et les solutions. Les énoncés sont des questions classiques qui circulaient depuis longtemps dans les écoles d'harmoniciens et de philosophes et qu’on discutait souvent inter pocula (voir Plutarque, Non posse suaviter vivi secundum Epicurum, c. 13, et Quaestiones convivales, IX, 7-9). Ils expriment en très grande majorité, des faits vrais, mais d'apparence paradoxale, et qui appellent une explication. Les solutions sont de provenance, de valeur très variées. Le plus souvent le compilateur de notre recueil a réuni sous une même rubrique (en les reliant par les formules ἢ ὅτι ou ἔτι δὲ) les différentes réponses faites dans l'école à une même question ; mais parfois aussi il a laissé subsister, à des endroits distincts, plusieurs rédactions d'une même question, avec des solutions tantôt identiques, tantôt divergentes. Ces réponses émanent souvent de gens peu intelligents et dont le savoir musical est nul ou très borné ; non seulement ils proposent des explications absurdes pour, des phénomènes véritables et construisent à cet effet, de toutes pièces, des théories physiques contredites par les faits, mais encore il leur arrive de ne pas comprendre le texte de l'énoncé, et, faute de l'avoir compris, de s'embarquer dans un raisonnement qui ne peut aboutir qu'à l'absurde. Enfin, et ceci est capital, il est arrivé, quelquefois qu'un énoncé, raisonnable à l'origine, se soit corrompu dès l'antiquité et que le « solutionniste », ayant sous les yeux un texte altéré et déraisonnable, n'ait pu nécessairement y faire qu'une réponse déraisonnable. Dans ces conditions, s'il est permis de se servir sans trop de scrupule des énoncés pour édifier la théorie de la musique antique, il faut se montrer infiniment circonspect et réservé dans l'emploi analogue des réponses.

Faisons l'application de ces observations au présent problème. L'énoncé n'est qu'une reproduction partielle d'un problème qui figure in extenso dans la section XI (Quae ad vocem pertinent) :

Problème XI, 52.

Problème XIX, 2.

Διὰ τί ἑνός τε καὶ πολλῶν φσεγγομένων ἅμα οὔτ ἴσος ὁ φθόννος, οὔτ' ἐπὶ πλεῖον γεγώνασιν, ὡς κατὰ λόγον, εἰς τὸ πόρρω

Διὰ τί πορρωτέρω ὁ αὐτὸς τῇ αὐτῇ φωνῇ γεγωνεῖμετ' ἄλλων δων καὶ βοῶν ἢ μόνος ;

 

Le premier problémiste signale un fait doublement paradoxal qu'on peut paraphraser ainsi : « Si ma voix isolée porte à 20 mètres, pourquoi, lorsque je crie en même temps que deux autres de même force,, nos voix réunies — et par conséquent la mienne pro parte — ne portent-elle ni à 20 mètres comme précédemment (οὔτ ἴσος), ni à 20 x 3=60 mètres (ὡς κατὰ λόγον), mais à une distance intermédiaire, par exemple 40 mètres ? » Le second énoncé ne retient que le premier paradoxe. Si la réponse se bornait aux §§ 4-5[3] (les voix réunies forment une seule voix, plus forte que chacune des composantes, et qui pousse l'air plus loin), il n'y aurait rien à lui objecter. Mais les §§ 2-3 introduisent une comparaison bizarre avec la ligne de 2 pieds (δίπους — on aimerait mieux διπλῆ ou διπλασία) qui engendre (une surface) non double, mais quadruple (de celle qu'engendre la ligne de un pied) ; semblablement « les choses en composition valent plus, numériquement, que lorsqu'elles étaient séparées[4] ». Cela est assez mal dit, mais, sauf erreur, la pensée semble être : la force d'impulsion totale est supérieure au total des forces composantes. Il semble donc que notre solutionniste ait mal compris l'énoncé et en ait conclu que la voix résultante portait à une distance supérieure à la somme des portées des voix isolées — proposition absurde, mais qu'il ne faut pas mettre sur le compte du problémiste.

Problème 42 (A, III a Gevaert; p. 26 ER).

Le texte de ce problème étant affreusement corrompu, nous aimons mieux, au lieu d'entrer dans une controverse de détail, indiquer quelle a pu être à l'origine la forme de ce problème et par quelles causes il a pu s'altérer.

Διὰ τί, ἐάν τις ψήλας τὴν νήτην ἐπιλάβῃ, ἡ ὑπάτη μόνη δοκεῖ ὑπηχεῖν ;

"Η ὅτι ἡ νεάτη, λήγουσα καὶ μαραίνουσα, ὑπάτη γίγνεται; σημεῖον δὲ, τὸ ἀπὸ τῆς ὑπάτης τὴν νήτην δύνασθαι δειν < δίως > ὡς γὰρ < ἠχοῦς >[5] οὔσης αὐτῆς < τῆς > νεάτης, τὴν ὁμοιότητα λαμβάνουσιν ἀπ' αὐτῆς. Έπεὶ δ' < >[6] τῆς νήτης ληγούσης ἧχος ὁ αὐτός τῷ τῆς ὑπάτης φθόνγῳ, εἰκότως τ ὁμοιότητι τὴν ὑπάτην ἡ νήτη κινεῖν δοκεῖ, etc. (le reste comme chez GV.)

Ni l'interversion proposée par Bojesen à la ligne 2 de la solution (ἀπὸ τῆς νήτης ... τὴν ὑπάτην), ni le changement de λαμβάνουσιν en λαμβάνει (GV) ne nous paraissent acceptables : le sujet de λαμβ. est οἱ δοντες sous entendu.[7]

M. Gevaert dit, en outre, que le phénomène indiqué n'est pas exact : lorsqu'on pince la nète et qu'on l'arrête, toutes les cordes ébranlées rendent un sourd bourdonnement, mais le son de l'hypate ne se détache pas. Nous croyons cependant que si la vibration de la nète s'était prolongée suffisamment longtemps le phénomène se produirait dans une certaine mesure;[8] mais nous sommes si bien d'accord avec M. Gevaert sur l'insignifiance — pour ne pas dire l'inexistence — du phénomène, que nous soupçonnons fortement l'énoncé originaire du problème d'avoir été : διὰ τί, ἐάν τις ψήλας τὴν ὑπάτην ἐπιλάβῃ, ἡ νήτη μόνη δοκεῖ ὑπηχεῖν, c'est-à-dire précisément le phénomène signalé dans la célèbre épigramme d'Agathias (AP, XI, 332). Par une altération dont le texte des Problèmes offre plusieurs exemples (notamment n° 47), les mots ὑπάτη et νήτη ont opéré dès l'antiquité un chassé-croisé. Et en présence d'un texte ainsi altéré, le solutionniste a eu recours à une théorie physique inepte (la seconde vibration de la nète est l'hypate) que nous retrouverons dans un autre problème (39 b) et qui apparaît déjà dans un texte, obscur de Platon (Timée, p. 80 A).

Problème 35 b (A, IV Gevaert; pp. 27-28 ER).

GV sont d'accord avec nous pour croire que l'énoncé de ce problème s'est perdu, mais non sur la restitution de cet énoncé. Nous avons proposé : διὰ τί ἡ φωνὴ ἀνὰ μέσον ὀξυτάτη ; « pourquoi le son est-il le plus aigu au milieu de sa durée? » GV écrivent : « Pourquoi le son d'une corde pincée paraît-il monter un moment après l'attaque? » Mais, outre que les anciens ne paraissent pas avoir eu connaissance du phénomène des sons harmoniques, invoqué par GV, si le mot corde avait figuré dans l'énoncé on ne comprendrait guère le § 5 : ἡ δὲ φωνὴ ἢ ἀέρος ἢ ἄλλου τινὸς φορὰ, etc., qui s'exprime dans les termes les plus généraux et paraît, comme souvent, revenir aux termes mêmes de l'énoncé. Nous maintenons donc notre rédaction de 1892.

Problème 23 (A, V Gevaert, p. 33 ER). Au lieu de mettre entre crochets le § 5 (et de le corriger arbitrairement), il suffit d'intervertir les §§ 5 et 6. Ce dernier avait été sauté par un copiste parce qu'il se termine, comme le § 4, par le mot λαμβάνουσιν ; récrit à la marge, il a été inséré de travers ; c'est l'histoire de milliers de bourdons dans nos manuscrits.

L'un de nous a expliqué ailleurs pourquoi nous ne pouvons accepter l'explication nouvelle proposée par M. Gevaert des textes énigmatiques relatifs à la κατὰ σπασις ou ἀνάσπασις des syringes.[9] En ce qui concerne l'emploi de l’aulos double par ; les virtuoses, nous rappellerons l’anecdote célèbre sur Midas d'Agrigente (Schol. Pind., Pyth., XII), et l'affirmation d'Aristoxène (ap. Plut., De Mus., 36) que la première chose qu'on remarque dans le jeu d'un aulète c'est πότερόν ποτέ οἱ αὐλοὶ συμρωνοῦσιν.

Problème 14 (A, VII Gevaert, p. 36. ER).

Δι τί λανθάνει τὸ δι πασῶν καὶ δοχεῖ ὁμόφωνον εἶναι, οἶον ἐν τῷ φοινικίῳ καὶ ἐν τῷ ἀνθρώπῳ ; τ γρ ἐν τοῖς ὀξ<έσιν καὶ τοῖς βαρ>έσιν ὄντα οὐχ ὁμόφωνα, ἀλλ' ἀν λόγον ἀλλήλοις δι πασῶν.

Le supplément que nous avions proposé dès 1892 est évident et exigé par ἀλλήλοις; son omission s'explique facilement par l’homoioteleuton ὀξ-έσιν, βαρ-έσιν.

La solution débute ainsi : "H ὅτι ὥσπερ ὁ αὐτός εἶνάι δοκεῖ φθόγγος δι τὸ ἀν λόγον ἰσότης ἐπὶ φθόγγων; GV ont adopté notre correction ἰσότης <τις> ἐστὶ,[10] mais au lieu de supprimer les mots espacés — qui sont en toute probabilité une glose de δοκεῖ ὁμόφωνον εἶνάι (dans l'énoncé) — ils ont proposé une interversion : ὥσπερ ὁ αὐτός εἶνάι δοκεῖ φθόγγος ὅτι δι τὸ etc. Cette manière de parler prolixe n'est pas conforme à l'invariable usage de nos solutionnistes ; ils ne coupent jamais la locution stéréotypée ὅτι par un mot quelconque, à plus forte raison par toute une phrase.

Problème 8 (A, VIII Gevaert; p. 33 ER).

Διὰ τί ἡ βαρεῖα τὸν τῆς ὀξείας ἰσχύει φθόγγον;

Que cet énoncé signifie, comme le traduisent GV, « pourquoi le son grave prévaut-il sur l'aigu? »[11] c'est ce que nous croyons volontiers, et plus qu'eux-mêmes, puisque au problème 7 (C II b) ils rendent ces mêmes mots par : « la corde grave contient le son de la corde aiguë ». Mais pas plus qu'en 1892 nous ne comprenons qu'on puisse extraire ce sens de « prévaloir » du grec : ἰσχύω est généralement verbe neutre; quand il s'emploie activement avec un complément direct, ce qui est rarissime (Polyb., V, 26, 13), il ne signifie jamais que valoir, équivaloir; or, cette acception est ici inadmissible, et ce n'est pas ainsi d'ailleurs que le solutionniste a compris, puisqu'il compare le grave à l'angle obtus qui est plus grand que l'angle aigu. Nous avions, en 1892, pensé à la correction ἴσχει, mais dans la prose ordinaire ce verbe ne signifie que arrêter. Remarquons encore que le problème 8 suit immédiatement dans les manuscrits le problème 7, où l'on se demande pourquoi l'ancien heptacorde conservait l'hypate et non la nète. Réponse : "H (mss. ἀλλ') ὅτι ἡ βαρύτερα ἰσχύει τὸν τῆς ὀξυτέρας φθόγγον, ὥστε μᾶλλον ἡ ὑπάτη ἀπεδίδου τὸ ἀντίφωνον ἢ ἡ νήτη ; N'y aurait-il pas eu primitivement ἰσχύει <πλέον> τῆς ὀξυτέρας (cf. prob. 2, τὰ συντιθέμενα πλέον ἰσχύει, κατὰ τὸν ἀριθμόν) ? Puis, après l'altération accidentelle de πλέον en τὸν, on aurait ajouté φθόγγον pour faire un semblant de construction, et la phrase ainsi mutilée aurait fourni la matière de l'énoncé du problème 8? Nous avons, dans cette section même, un autre exemple de problèmes ainsi greffés l'un sur l'autre (18-19).

Problème inédit 92 d'Usener (A, IX Gev., p. 111 Jan).

Διὰ τί ἡ σῦρινξ καὶ ἡ ὀξεῖα φωνὴ ἁπλῶς ὥσπερ ἐρημίαν ποιεῖ φαίνεσθαι; GV traduisent : « pourquoi la flûte et la voix aiguë font-elles simplement paraître une sorte d'isolement ? » Nous croyons : 1° que σῦριγξ employé seul désigne toujours la flûte de Pan ; 2° que ἁπλῶς est ici synonyme de ὅλως (les sons aigus, en général : le timbre de la flûte de Pan étant aigu);[12] 3° que ἐρημία signifie « solitude » et non pas isolement. Un chant aigu, de chalumeau ou de voix, évoque l'idée de la solitude, du désert : c'est une observation esthétique fondée sur des associations d'idées. Comparez le solo de cor anglais dans Manfred de Schumann.

Problème 39 a (B, I Gevaert; p. 38 ER).

Διὰ τί ἥδιόν ἐστι τὸ (ἀντί)φωνον (Bojesen cum Gaza ; mss. σύμφωνον) τοῦ ὁμοφώνου; ἡ ὅτι τὸ μὲν ἀντίφωνον σύμφωνόν ἐστι διὰ πασῶν [13]... τὸ όμόφωνον δὲ άπλοΰν ἔχει φθόγγον. Nous marquons ainsi l'antithèse qui domine la solution tout entière; elle disparaît dans la traduction de GV., qui font de la dernière phrase une sorte d'incidente (« l'unisson n'exhibant qu'un son simple »).

Les voix des enfants et celles des adultes διεστᾶσι τοῖς τόνοις ὡς νήτη πρὸς ὑπάτην. GV : « ... distantes les unes des autres d'autant de degrés que la nète est distante de l'hypate. » Τοῖς τόνοις ne peut signifier les « degrés » ; il fallait dire « par la tension ».

Problème 16 a (B, II Gevaert; p. 37 ER).

Διὰ τί ἥδιον τὸ ἀντίφωνον τοῦ συμφώνου;

Nous avons la conviction que συμφώνου est un lapsus pour ὁμοφώνου (comme dans le prob. 39 a σύμφωνον par ἀντίφωνον) et que, par conséquent, notre problème — dont la réponse est perdue — n'est qu'un doublet de 39 a. L'octave étant elle-même une consonance, la phrase « pourquoi l'octave est-elle plus agréable qu'une consonance » n'aurait point de sens ; la question devrait être posée comme dans 35 a : διὰ τί ἡ διὰ πασῶν καλλίστη συμφωνία;

En tout cas, que notre problème soit un doublet de 39 a ou de 35 a, il ne fait qu'énoncer une comparaison banale entre un accord unique d'octave et une homophonie (ou une consonance) également unique. Nous ne saurions donc accepter la traduction de GV (« pourquoi la mélodie antiphone est-elle plus agréable que la musique composée d'accords divers »), ni les développements séduisants que M. Gevaert a rattachés à cette traduction. Sans doute, tout le monde est d'accord pour reconnaître que la musique instrumentale et le duo mixte (voix et instrument) des anciens ont connu l'emploi d'accords autres que l'octave, mais nulle part il n'est question de successions d'accords identiques, de suites de quintes ou de quartes. Il serait bien étonnant, alors que la harpe et le duo vocal n'employaient que les successions d'octaves (prob. 18 : μαγαδίζουσι γὰρ ταύτην, ἄλλην δὲ οὐδεμίαν), que le duo instrumental ou mixte eût pratiqué des chaînes de quartes ou de quintes qui répugnent à une oreille musicale. Les deux textes invoqués par M. Gevaert ne semblent pas probants. Celui de Platon (Lois, VII, p. 812) parle d'un accompagnement hétérophone qui met en usage ξύμφωνον καὶ ἀντίφωνον; mais, outre que le texte est probablement altéré (on ne peut le construire grammaticalement), il en résulterait tout au plus que Platon employait ἀντίφωνον dans le sens de διάφωνον.[14] Quant au texte de Plutarque (De amicorum multitudine, p. 96 F) le langage en est vague et peu technique. Quand Plutarque dit — copiant sans doute un ancien — que l'harmonie instrumentale, à la différence du concert de l'amitié, δι' ἀντιφώνων ἔχει τὸ σύφοωνον, il veut dire simplement que la musique combine deux notes différentes pour réaliser une consonance ; c'est altérer le sens que de traduire ces mots par « acquiert le simultané au moyen de passages antiphones[15] », ces « passages antiphones » étant « des successions de quintes ou de quartes ».

Problème 13 a (B, IV Gevaert; p. 30 ER).

Διὰ τί ἐν τῇ διὰ πασῶν τοῦ μὲν ὀξέος ἀντίφωνον γίνεται τὸ βαρὺ, τούτου δὲ τὸ ὀξὺ οὔ ;

GV combinent, à notre exemple, cette question avec la réponse du n° 12 ; en admettant ce chassé croisé, qui continue à nous paraître vraisemblable, il en résulte que le solutionniste a compris ἀντίφωνον dans le sens de « équivalent » et l'on peut comparer le problème 7, où on lit ὥστε μᾶλλον ἡ ὑπάτη ἀπεδίδου τὸ ἀντίφωνον (l'accord d'octave) ἢ ἡ νήτη. D'après cela, dans un langage rigoureux, le mot ἀντίφωνος ne devrait s'employer que des sons graves par l'apport aux sons aigus et non réciproquement. Mais cette règle n'est observée ni par les anciens poètes ni par les compilateurs tardifs. Cf. Euripide. Sappl. 798 suiv. : στεναγμὸν ὧ ματέρες | τῶν κατὰ χθονὸς νεκρῶν | ἀῦσατ' ἀπύσατ' αντίφων' ἐμῶν | στεναγμάτων κλύουσαι. Le στεναγμός des mères (si les choreutes avaient été des femmes) eût été à l'octave aiguë de celui d'Adraste. De même dans Gaudence, c. 20 (p. 347, 1. 26 Jan), il est dit que la mèse est antiphone du proslambanomène (situé à l'octave grave). De plus, le solutionniste du problème 18 dit formellement que dans l'accord d'octave l'une ou l'autre note contient l'accord tout entier (ἡ γὰρ μία τρόπον τινὰ τάὰ ἀμφοτέρων ἔχει φωνάς). La doctrine de notre problème reste donc isolée et nous hésitons beaucoup à y voir la preuve que « le phénomène des sons partiels (harmoniques) n'avait pas totalement échappé à l'attention des anciens ».

Problème 39 b (B, V Gevaert; p. 38 ER).

En raison de l'intérêt et de la difficulté de ce problème, nous croyons devoir en reproduire intégralement le texte, tel que nous le reconstituons aujourd'hui, et la traduction que nous en proposons. Nous indiquons en note les corrections proposées par GV ; une discussion nous entraînerait trop loin.

<Διὰ τί> μαγαδίζουσι <μόνον> [16] ἐν τῇ διὰ πασῶν συμφωνίᾳ ; <Ή> [17] ὅτι, καθάπερ ἐν τοῖς μέτροις οἱ πόδες ἔχουσι πρὸς αὑτοὺς λόγον ἴσον πρὸς ἴσον ἢ δύο πρὸς ἓν ἢ καὶ τίνα ἄλλον, οὕτω καὶ οἱ ἐν τῇ συμφωνί φθόγγοι λόγον ἔχουσι κινήσεως πρὸς αὑτοὺς; Τῶν μὲν οὖν ἄλλων συμφωνιῶν ἀτελεῖς αἱ θατέρου καταστροφαί εἰσιν, εἰς ἥμισυ <ἢ τρίτον> [18] τελευτῶσαι διό τῇ δυνάμει οὐκ ἴσαι εἰσίν, οὖσαι δ' ἄνισοι, διάφορ(οι) [19] τῇ αἰσθήσει, καθάπερ ἐν τοῖς χοροῖς [ἐν τῷ καταλύειν],[20] μεῖζον ἄλλων [21] φθεγγομέν(ων),[22] <αἰσθάνεσ-θαι> [23] ἐστίν. (Τῇ) [24] δὲ ὑπάτη συμβαίνει τὴν αὐτὴν <τῇ νήτῃ> [25] τελευτήν τῶν ἐν τοῖς φθόγγοις περιόδων ἔχειν ἡ γὰρ δευτέρα τῆς νεάτης πληγὴ τοῦ ἀέρος ὑπάτη ἐστίν τελευτώσαις [26] δ' εἰς ταὐτὸν, οὐ ταὐτὸν <τἄλλα> [27] ποιούσαις, ἓν καὶ κοινὸν τὸ ἔργον συμβαίνει γίγνεσθαι, καθάπερ τοῖς ὑπὸ τὴν ᾠδὴν κρούουσιν καὶ γὰρ οὖτοι, τἄλλα οὐ προσαυλοῦντες, ἐὰν εἰς ταὐτὸν καταστρέφωσιν, εύφραίνουσι μᾶλλον τῷ τέλει ἢ λυποῦσι ταῖς πρὸ τοῦ τέλους διαφοραῖς, τῷ τὸ [28] ἐκ διαφόρων κοινὸν [29] ἥδιστον [ἐκ τοῦ διὰ πασῶν] [30] γίγνεσθαι.

Τὸ δὲ μαγαδίζειν [31] ἐξ ἐναντίων φωνών διὰ ταῦτα ἐν τῇ διὰ πασῶν μαγαδίζουσιν.

Traduction :

« Pourquoi ne magadise-t-on que dans la consonance d'octave ?

« N'est-ce point parce que, de même que dans les mesures rythmiques[32] les temps frappés[33] sont entre eux dans le rapport égal, ou dans le rapport double, ou dans quelque autre rapport,[34] de même aussi les sons qui composent la consonance sont entre eux dans un certain rapport de vitesse?[35] Or, dans les consonances autres que l'octave, les vitesses terminales de l'un des sons, comparé à l'autre, sont toujours fractionnaires, elles s'achèvent à la moitié ou au tiers; les terminaisons des deux sons n'ont donc pas une puissance égale, et, étant inégales, elles font sur la sensibilité une impression différente, comme il arrive dans un chœur [à la cadence] lorsque certains choreutes chantent plus fort que d'autres. Au contraire, l'hypate se trouve avoir, dans la série périodique de ses sons,[36] la même terminaison que la nète : car, la seconde percussion imprimée à l'air par la nète est une hypate;[37] comme donc ces deux notes ont même conclusion sans être identiques le reste du temps, il en résulte une impresssion unique et commune, ainsi qu'il arrive lorsqu'un joueur de flûte accompagne le chant : lui aussi, après s'être écarté du chant pendant le reste du morceau, s'il achève sa cadence à l'unisson du chant, réjouit plus la sensibilité par la conclusion qu'il ne l'a froissée par les divergences qui l'ont précédée, et cela par la raison que rien n'est plus agréable que l'unité succédant à la diversité. Maintenant comme le jeu de magadis combine des sons opposés, voilà pourquoi ce jeu emploie la consonance d'octave. »

Sauf une observation profonde sur l'unité succédant à (ou résultant de) la diversité, cette longue réponse, qui doit émaner du même auteur que celle du numéro 42, est un tissu d'observations fausses et de théories physiques erronées. En particulier, l'auteur n'a pas réfléchi qu'un son est toujours l'octave d'un autre et que par conséquent si (comme il le prétend) Ut 3 à la fin de sa durée devient Ut 2, de même Ut 2 deviendra Ut 1 et dès lors il n'y aura plus unisson in extremis entre Ut 3 et Ut 2. Mais, en philologie, il s'agit d'expliquer les textes tels que leurs auteurs les ont conçus et non d'y substituer des théories plus ou moins savantes et voisines de nos connaissances scientifiques actuelles. La décomposition du son en vibrations élémentaires, la comparaison des vitesses vibi'atoires des sons, sont des notions étrangères à nos problémistes ; le mot καταστροφαί au début de notre réponse, rapproché de εἰς ταὐτὸν καταστρέφωσιν à la fin, n'est susceptible que d'une seule traduction.

Problème 18 (B, VI Gevaert; p, 36 ER).

Ici encore le plus court sera de reproduire le texte primitif tel que nous le concevons; nous plaçons les gloses entre crochets droits.

Διὰ τί ἡ διὰ πασῶν συμφωνία ᾄδεται μόνη ; μαγαδίζουσι γὰρ ταὐτην, ἄλλην δὲ οὐδέμίαν.

"Η ὅτι μόνη ἐξ ἀντιφώνων ἐστὶ χορδῶν, ἐν δὲ τοῖς [38] ἀντιφώνοις καὶ τὴν ἑτέραν ἐὰν <ἄδῃ καὶ ἐὰν ἄμφω> [39] ἄδῃ, τὸ αὐτό ποιεῖ ἡ γὰρ μία τρόπον τινὰ τὰς ἀμφοτέρων ἔχει φωνάς, ὥστε καὶ μιᾶς δομένης [ἐν ταύτῃ τῇ συμφωνία] [40] ᾄδεται συμφωνία.[41] ("-Ετι) [42] ἄμφω δοντες,[43] ἢ τῆς μὲν δομένης τῆς δὲ αὐλουμένης, ὥσπερ μίαν [44] [ἄμφω] ᾄδουσιν. Διὸ μόνη μελῳδεῖται, ὅτι μιᾶς ἔχει χορδῆς φωνὴν τὰ ἀντίφωνα.

Les mots τὸ αὐτό ποιε ne peuvent, en grec, signifier que « faire la même chose » (et non pas « produire le mélos lui-même »). Dès lors il faut qu'une double hypothèse ait été exprimée.

A la fin μελῳδεῖται est synonyme de δεται, comme dans les Excerpta Neapolitana § 8 Jan (Mus. scr., p. 413, l. 8), ὅτι ἀρχόμενοι ἐπιτείνειν προσλαμβάνοντες τὸν ἀέρα μελωδοῦμεν.

Jan rappelle un passage de Xénophon (Anab., VII, 3, 32) où il est parlé de Thraces κεράσι αὐλοῦντες (?) καὶ σάλπιγξιν οἶον μαγάδι σαλπίζοντες. Mais le texte et le sens de ce passage sont également douteux.

Le problème 19 (B, VII Gev.) qui est greffé sur 18 ne mérite pas qu'on s'y arrête, mais notre conjecture ἰσότης (codd. μεσότης) devait, croyons-nous, être insérée dans le texte : la même expression se retrouve au n° 14.

Problème 17 (B, VIII Gevaert; p. 36 ER).

« Pourquoi ne chante-t-on pas voix contre voix à la quarte ou à la quinte ? N'est-ce pas parce que, dans ces consonances, l'un des sons n'est pas le même que le consonant (τῇ συμφώνῳ avec Jan et GV ; mss. τῇ συμφωνίᾳ) comme dans l'octave? ἔχει [45] γὰρ ἐν τῷ <διά πασῶν ἡ βαρεῖα ἐν τῷ> [46] βαρεί άνὰ λόγον ὡς ἡ ὀξεία ἐν τῷ όξεί ὥσπερ οὖν ἡ αὐτή ἐστιν ἅμα [47] καὶ ἄλλη. [Α] Αἱ δὲ ἐν τῷ διὰ πέντε καὶ διὰ τεττάρων οὐκ ἔχουσιν οὕτως, [Β] ὥστε οὐκ ἐμφαίνεται ὁ τῆς ντιθέτου φθόγγος [C] οὐ γάρ ἐστιν ὁ αὐτός. » GV intervertissent les membres [A] et [B], ce qui donne un sens acceptable (à la condition de traduire ὁ τῆς ἀντιθέτου φθόγγος par « le son opposé à l'octave » et non « le son adventice »), mais laisse en l'air les mots οὐ γάρ ἐστιν αὐτός : la traduction « car là l'intervalle n'est pas toujours identique » ne repose sur rien. Nous aimerions mieux conserver l'ordre du texte et écrire [Β] ὥστε μφαίνεται (supprimant οὐκ, né par influence des autres οὐκ) ὁ τῆς ἀντιθέτου φθόγγος : « de telle sorte que le son opposé se détache » (au lieu de se fondre avec l'autre comme dans l'octave).

Problème 41 (B, IX a Gevaert; p. 34 ER).

« Pourquoi la double quinte, la double quarte ne sont-elles pas des consonances, tandis que la double octave en est une? » Les mots de la réponse ὄντων ἡμιολίων τριῶν ξς ἀριθμῶν, quoique à la rigueur incorrects, se comprennent très bien ; ils désignent une série de la forme a, a x 3/2, a x (3/2)2. Il faut bien se garder de corriger τριῶν en δυοῖν avec Bojesen, ou alors il faut aussi changer ἀριθμῶν en λόγων.

La réponse du problème 34 (B, IX b), doublet de 41, est visiblement tronquée puisqu'elle se contente de dire que la double quinte et la double quarte n'offrent pas un rapport simple (πιμόριον Jan, νὰ λόγον ER et GV), sans ajouter, ce qui est nécessaire, que la double octave est νὰ λόγον. Au lieu donc des mots τὰ δὲ διὰ τεττάρων καὶ διὰ πέντε qui terminent le texte, on attendrait τὸ δὲ διὰ <πασῶν στιν>·. La corruption peut être née d'une glose διὰ πέντε destinée à expliquer le terme pythagoricien δι' ὀξειῶν.

Problème 33 (C, 1 Gevaert, p. 29 ER).

Ce problème offre un exemple remarquable d'un phénomène fréquent en paléographie : un membre de phrase omis par un copiste, récrit en marge, et inséré ensuite à un faux endroit. Voici, en effet, le texte des manuscrits :

L. 1. Διὰ τί εὐαρμοστότερον ἐπὶ τὸ βαρὺ ἢ ἀπὸ τοῦ βαρέος ἐπὶ τὸ ὀξύ;

L. 5. "Η ὅτι τὸ βαρὺ ἀπὸ τοῦ ὀξέος γενναιότερον καὶ εὐφωνότερον;

Les mots ἀπὸ τοῦ ὀξέος manquent à la l. 1 (où ils ont été rétablis par Bekker) ; en revanche, ils sont de trop à la l. 5, car celle-ci n'est qu'une variante des formules ὅτι μεῖζον τὸ βαρὺ (pr. 8), τὸ βαρὺ μέγα ἐστὶν ὥστε κρατερόν (pr. 12), ἐν τῷ βαρεῖ μεῖζον γάρ (pr. 13), et surtout ὅτι χείρον (τὸ ὀξὺ) τοῦ βαρέος (pr. 26).

Problème 47 (C, III Gevaert; p. 47 ER).

Le solutionniste a mal compris l'énoncé ou tout au moins joué sur les mots. Le problémiste, qui paraît avoir eu en vue l'ancien heptacorde conjoint, demande pourquoi on y laissait subsister l'hypate (Mi grave) et non la nète (Mi aigu). Il prend évidemment ce mot nète au sens vulgaire de note des disjointes, ou, comme dit un auteur copié par Plutarque, de nète dorienne (Plut., De Mus., c. 28).

Le solutionniste, au contraire, en prétendant que les anciens employaient bien la nète mais supprimaient la paramèse et la διάζευξις, prend le mot nète dans le sens de nète des conjointes. On pourrait, il est vrai, à s'en tenir à la première phrase, supposer qu'il a en vue l'heptacorde-octave de Philolaos (Nicom., Ench., p. 17 Meib), mais la suite du texte prouve qu'il n'en est rien, et qu'il pense, lui aussi, à l'heptacorde conjoint puisqu'il dit que la mèse était[48] moyenne proportionnelle entre les deux extrêmes et formait « la fin du tétracorde supérieur et le commencement de l'inférieur ».

Dans le problème 7 (C, II b Gevaert), doublet de 47, au § 2 nous ne voyons pas la nécessité des transpositions ni des crochets. — Nous avons déjà fait remarquer que le problème 8 est greffé sur celui-ci, et qu'on a eu tort de traduire différemment dans les deux problèmes les mots énigmatiques βαρυτέρα ἰσχύει τὸν τῆς ὀξυτέρας φθόγγον.

Problème 32 (C, III Gevaert, p. 50 ER).

L'auteur de la solution n'est pas mieux informé que ses confrères des numéros 47 et 7 ; mais ce n'est pas une raison pour la « crocheter ». Ce grammairien suppose que Terpandre a supprimé la trite pour ajouter la nète (dorienne). Si l'on prenait ces mots au pied de la lettre, c'est-à-dire en entendant par trité l'ancienne trité-paramèse (Si bémol) qui seule existait dans l'heptacorde primitif, il faudrait en conclure que l'heptacorde-octave de Terpandre avait la forme :

Mi Fa Sol La — Ut Ré Mi

Mais cette forme anti-harmonique n'est nulle part attestée et nous savons au contraire que l'heptacorde-octave de Philolaos, identique en toute apparence à celui de Terpandre, avait la forme ·

Mi Fa Sol La Si — Ré Mi

Il est donc probable que le solutionniste, dans son langage inexact, a pris trité au sens moderne (trité des disjointes) et a eu vue précisément l'heptacorde de Philolaos. D'après lui, c'est au temps de Terpandre (ἐπὶ τούτου) que cet heptacorde a pris le nom de διὰ πασῶν ; GV ont traduit : « est-ce là pourquoi, etc. » ; mais pourquoi se dirait διὰ τοῦτο, jamais ἐπὶ τούτου.[49]

Problème 44 (C, IV a Gevaert, p. 48 ER).

« Pourquoi dit-on mèse, puisque le nombre huit n'a pas de milieu? N'est-ce pas parce que les gammes se composaient autrefois de sept cordes? or, sept a un milieu. » Le texte continue ainsi :

"Ετι, ἐπειδὴ τῶν μεταξὺ τῶν [50] ἄκρων τὸ μέσον μόνον ἀρχή τίς ἐστιν— ἔστι-γὰρ τῶν (εἰς?) θάτερον τῶν ἄκρων νευόντων ἔν τινι διαστήματι ἀνὰ μέσον ἡ ἀρχή τοῦτ' ἔσται μέσον — ἐπεὶ δὲ ἔσνατα μέσον ἐστὶν ἁρμονίας νεάτη καὶ ὑπάτη, τούτων δὲ ἀνὰ μέσον οἱ λοιποὶ φθόγγοι, ὧν ἡ μέση καλούμενη μόνη ἀρχή ἐστι, θατέρου τετραχόρδου, δικαίως μέση καλεῖται τῶν γὰρ μεταξύ τινων ἄκρων τὸ ἀέσον ἧν ἀρχή μόνον.

Il faut avouer que les mots espacés sont non seulement inintelligibles, mais parfaitement inutiles. Le raisonnement qu'on entrevoit à travers ces corruptions paraît être celui-ci (tout à fait distinct de la première explication, qui est historique) : « En second lieu, de tous les termes placés entre deux extrêmes, seul le milieu est un commencement.

Or, l'hypate et la nète sont les extrêmes de la gamme; les autres sons sont placés entre elles, et parmi ces sons, seule la mèse est un commencement, à savoir du tétracorde grave : c'est donc à bon droit qu'on l'appelle milieu. » Jan rapproche Métaph., IV, 11, 5, où il est parlé de choses appelées ἀρχαί en raison de leur ordre : οἶον παραστάτης τριτοστάτου πρότερον καὶ παρανήτη νήτης ἔνθα μὲν γὰρ ὁ κορυφαῖος, ἔνθα δὲ μέση ἀρχή. Mais dans ce texte, qui semble se placer sur le terrain de l'heptacorde, la mèse est considérée comme ἀρχή des deux moitiés de la gamme, et spécialement delà moitié supérieure, tandis que dans le nôtre elle l'est seulement comme αργή du tétracorde inférieur.

Il y a trop d'inconnues pour que nous tentions de restituer le texte primitif et les gloses qui l'ont altéré.

Problème 36 (C, V Gevaert; p. 41 ER).

« Pourquoi en désaccordant la mèse, désaccorde-t-on toute la lyre ? — Parce que l'accord de toutes les cordes est réglé sur la tension de la mèse. » Άρθέντος οὖν τοῦ αἰτίου τοῦ ἡρμόσθαι καὶ τοῦ συνέχοντος οὐκέτι ὁμοίως φαίνεται ὑπάρχειν. On ne voit pas quel est le sujet de φαίνεται. Jan proposait dubitativement de substituer ἁρμονία à ὁμοίως. Wagener corrigeait τοῦ συνέχοντος en συνεχόμενον, Vollgraff le corrige en τὸ συνέχον, mais la traduction n'est pas d'accord avec le texte : « la cause première de l'harmonie et son élément cohésif (τοΰ συνέχοντος) venant à disparaître, rien ne semble plus subsister dans le même état. » Cette traduction suppose qu'au lieu de οὐκέτι on lise οὐδὲν ἔτι, ce qui peut se défendre.

Dans le doublet de ce problème (prob. 20, C, VI Gevaert) il y a une comparaison très ingénieuse entre la mèse, lien des sons, et les particules qui sont le lien de la phrase ; mais elle se termine par une phrase incompréhensible : οὕτω καὶ τῶν φθόγγων ἡ μέση ὥσπερ σύνδεσμος ἐστι, καὶ μάλιστα τῶν καλν. Nous admettons volontiers avec GV que τῶν φθόγγων n'est pas régi par σύνδεσμος, et doit se traduire : « ainsi, parmi les sons, la mèse, etc. ». Mais alors il manque un complément à σύνδεσμος et nous n'en voyons pas d'autre possible que μελν qu'il faut intercaler sans doute après μέση. Les mots καὶ μάλιστα τῶν καλν s'expliquent alors par l'observation précédente de l'auteur que l'emploi fréquent de la mèse caractérise τὰ χρηστὰ μέλη. Quant à la correction de M. Gevaert, κώλν (les « interludes dès instruments ») au lieu de καλν, elle est plus ingénieuse que plausible. Pourquoi la mèse aurait-elle été plus employée dans les κλα que dans les μέλη?

Problèmes 22 et 45 (D, I a et b, Gevaert ; p. 31 ER).

Un chœur nombreux chante plus juste parce que les chanteurs regardent davantage le chef καὶ βραδύτερον ἄρχονται. Nous continuons à ne pas comprendre ἄρχονται, sans insister sur notre ancienne conjecture (ἔρχονται). Il ne s'agit pas « d'attaquer plus posément », mais de chanter plus lentement.

Problème 21 (D, II Gevaert; p. 31 ER).

« Pourquoi, parmi les chanteurs, ceux qui ont une voix grave se font-ils plus remarquer s'ils se trompent que ceux qui ont une voix aiguë? »

Nous doutons beaucoup de la vérité de cette observation. Mais, en tout cas, puisque l'explication est fondée sur la lenteur des sons graves, les mots ὁμοίω; δὲ κἀν τῷ ῥυθμῷ οἱ ἐν τῷ βραδιιτέρῳ πλημμελοῦντες κατὰδηλοι μᾶλλον doivent, comme nous l'avons déjà fait observer, être rattachés à l'explication et non à la question. Dans l'explication elle-même nous écririons maintenant : ὅτι πλείων χρόνος ὁ τοῦ βαρέος, οὕτω δὲ μᾶλλον αἰσθητός, ὅτι (mss. ὅτι) ἐν πλείονι χρόνῳ πλείω αἴσθητιν παρέχει.

Problème 37 (D, III Gevaert ; p. 30 ER).

Nous lisons ainsi les derniers mots de la réponse : διὰ καὶ οἱ ἑκτικο ὀξύφωνοι, καὶ ἔργον <μᾶλλον > τὰ ἄνω δειν < > τὰ κάτω. « Voilà pourquoi il est à la fois vrai que les gens étiques ont la voix aiguë, et qu'il est plus difficile de chanter l'aigu que le grave. » Il n'y a rien à transposer ni à crocheter.

Problème 26 (D, IV a Gevaert ; p. 31 ER).

« Pourquoi la plupart des chanteurs détonent-ils vers l'aigu? Est-ce parce qu'il est plus facile de chanter l'aigu que le grave?[51] ou parce que l'aigu est pire que le grave (χεῖρον τοῦ βαρέος), et que se tromper c'est pratiquer le pire? » GV ont été choqués de l'obscurité de ces explications, mais nous avons déjà vu (prob. 33) que le grave est γενναιότερον τοῦ ὀξέος. Ici et dans la réponse du doublet n° 46 (D, IV b) les crochets sont à supprimer. Nous écririons simplement καὶ ἐν < δε>> δουσιν ἁμαρτάνουσιν.

Problème 3 (D, Y Gevaert; p. 29 ER).

« Pourquoi en chantant la parhypate a-t-on souvent la voix brisée comme pour la nète et les notes supérieures? » "H ὅτι χαλεπώτατα ταύτην δουσι καὶ αὕτή ἀρχή; à moins qu'on ne prenne ἀρχή dans le sens insolite de αἰτία, nous ne comprenons pas les mots espacés. La paraphrase de GV. — « la parhypate étant un élément premier, l'intervalle minime de l'échelle musicale » — suppose une incorrection de langage extrême : un son pris pour un intervalle. Peut-être ces mots sont-ils une altération d'une incise telle que καί <τοι> αὕτή <ἐν> ἀρχ, qui faisait partie de l'énoncé : « quoique celle-ci (la parhypate) soit au commencement de l'échelle. » Mais ce n'est que par exception et tardivement qu'on a commencé les gammes par le grave.

Le problème 4 (D, VI Gevaert) rebondit sur la solution du n° 3 : διὰ τί δὲ ταύτην (la parhypate) χαλεπῶς, τὴν δὲ ὑπάτην ῥδίως, καίτοι δίεσις ἑκατέρας; Les mots espacés sont d'une grécité plus que douteuse; il faudrait καίτοι <μόνον> δίεσις μεταξὺ ἀμφοτέρων ou quelque chose d'approchant. En outre, il est évident que le solutionniste a compris l'énoncé comme s'il y avait : « Pourquoi est-il difficile de chanter la parhypate après l'hypate, et facile de chanter l'hypate après la parhypate, quoique l'intervalle soit le même? » Les mots soulignés (correspondant à ἀπὸ ὑπάτης, ἀπὸ παρυπάτης) ont-ils fait partie de l'énoncé dans son état originel? La réponse est qu'après une tension le relâchement de la voix s'opère avec facilité. Il est clair que les mots du texte ἄνω βάλλειν sont corrompus, mais notre correction κάτω βάλλειν nous semble tout aussi claire et plus facile que le ἀναχαλᾶν de Jan. Quant aux mots qui suivent, διὰ ταὐτὸ δὲ ἔοικε καὶ τὰ πρὸς μίαν λεγόμενα πρὸς ταύτην ἢ παρανήτην, on ne peut qu'adhérer à l'opinion de Jan : omni sensu carent. La phrase qu'y substituent GV. (δ. τ. δὲ ἔοικε κατὰ προτιμίαν δομένη πρὸς τρίτην παραμέση), même en admettant la légitimité d'un changement aussi radical, ne comporte pas le sens qu'ils lui donnent, car : 1° il faudrait prouver que κατὰ προτιμίαν pût signifier « par prédilection » ; 2° πρὸς τρίτην voudrait dire en même temps que la trité (cf. Plut., De mus., 19); il faudrait μετὰ τρίτην, correction qui ferait disparaître le seul mot commun au texte des manuscrits et à la conjecture. Nous sommes portés à croire que la phrase en question, sans doute altérée, est un débris d'un autre problème.

Problème 12, combiné avec la réponse 13 (E, I Gevaert, p. 39 ER). Nous restituons ainsi le texte ;

Διὰ τί τῶν χορδῶν ἡ βαρύτερα ἀεὶ τὸ μέλος λαμβάνει ; ἐὰν γὰρ δέῃ; τὴν παραμέσην συμψῆλαι τῇ μέσῃ, γίγνεται τὸ <τῆς μέσης μέλος> οὐθὲν ἧττον ἐὰν δὲ τὴν ὑπάτην (libri μέσην), οὐ γίγνεται.

Rien ne nous paraît plus évident que la correction συμψῆλαι pour l'absurde σὺν ψιλῇ [52] des manuscrits, correction que nous avons déjà proposée en 1892. Quant à τὸ τῆς μέσης μέλος (mss. μέσον) cette correction, due en partie à Vincent, s'impose jusqu'à ce qu'on ait prouvé que μέσον peut s'employer pour μέση ; le problème 44, qu'on a cité en ce sens, n'est pas probant. Nous avons conservé παραμέσην pour rester le plus près possible du texte, mais il est certain que cet accompagnement à la seconde est cacophonique et il est peu probable que le son de la mèse s'en dégage nettement. Si l'on ne veut pas mettre cette sottise sur le compte du grammairien, il faudrait corriger (avec Fétis) παραμέσην en παρανήτην.[53]

Problème 49 (Ε, II Gevaert, p. 40 ER).

Διὰ τί τῶν συμφωνίαν ποιούντων φθόγγων ἐν τῷ βαρυτέρω τὸ μαλακώτερον;

Nous croyons toujours, et tel est aussi l'avis de GV, qu'il faut, avec Bojesen, corriger μαλακώτερον en μελικώτερον, malgré la bizarrerie de la construction. Toutefois, le solutionniste paraît avoir lu déjà μαλακώτερον, car son raisonnement, autant qu'on peut le suivre, peut se résumer ainsi :

La mélodie est de sa nature (contrairement au rythme) μαλακή ;

Le son grave est également μαλακός ;

Donc de deux sons consonants (tel est le sens qu'il faut attribuer à ταὐτό μέλος ἐχόντων), le plus grave est le plus doux ;

Car (attendu que ce son domine) la mélodie lui doit sa douceur.

Problème 16 b (E, III Gevaert, p. 44 ER).

L'énoncé de ce problème est perdu et doit être reconstruit d'après la réponse. Or, celle-ci compare deux cas : l'un qui reste à déterminer, l'autre où l'on chante πρὸς τὴν συμοωνίαν, c'est-à-dire avec l'accompagnement d'un accord instrumental : dans le premier cas la consonance se perçoit mieux que dans le second, parce que dans le second cas l'une des cordes devant être à l'unisson de la voix, la partie ainsi doublée « étouffe » l'autre. D'après cela, on peut construire les hypothèses suivantes :

1er cas.

2e cas.

Jeu à deux parties sur la cithare. (κιθάρισις) ou duo de cithares jouant chacune à une partie.

Duo de cithare et d'aulos double.

Jeu sur l'aulos double (αὔλησις).

Duo d'aulos double et d'une voix (αὐλῳδία).

Chant avec accompagnement de cithare à une partie (κιθαρῳδία).

Duo de cithare à deux parties et d'une voix.

L'énoncé de GV, conçu en termes généraux : « pourquoi la pratique des accords convient-elle surtout à la musique instrumentale pure ? », est donc à la fois trop étroit, puisqu'il laisse en dehors du premier cas la citharodie ordinaire, et trop large, puisque la musique instrumentale comporte une variété (duo de cithare et d'aulos double) où l'une des parties est nécessairement doublée. En outre, nous ne croyons pas qu'il s'agisse précisément de savoir à quelle sorte de musique convient la pratique des accords, mais dans quelles conditions la consonance est jjlus agréable. L'énoncé devait comporter les mots εὐφραίνει μᾶλλον ou quelque chose d'approchant; ce « plaisir» plus grand, d'après le solutionniste, tient à une perception plus nette, mieux équilibrée de la consonance.

Problème 30 (F, a Gevaert, p. 46 ER).

« Pourquoi ni l'hypodorien ni l'hypophrygien ne s'emploient-ils dans les chœurs de la tragédie? » Réponse : ὅτι οὐκ ἔχει ἀντίστροφον, etc.

Un « mode qui n'a pas d'antistrophe » est une conception aussi saugrenue que celle de la « musique octogone », suivant le mot prêté à un de nos compositeurs les plus célèbres. Nous avons dit, en 1892, et nous maintenons que l'énoncé a perdu sa solution et la solution son énoncé.

Le doublet (prob. 48 = F, b Gevaert) est maintenant à peu près en bon état, cependant : 1° au début de la réponse ἡ ὅτι μέλος ἥκιστα ἔχουσιν αὖται αἱ ἁρμονίαι, οὖ δεῖ μάλιστα τῷ χορῷ, le mot μέλος nous paraît une glose (de l'énoncé?); 2° au § 8 nous écrirons : ἥκιστα μὲν αὐτῶν φρυγιστί ἐνθουσιαστικὴ γὰρ αὕτη καὶ βακχική — <μάλιστα δὲ ἡ μιξολυδιστί ὀδυρτικὸς γὰρ καὶ παθητική> Κατὰ μὲν οὖν ταύτην πάσχομέν τι διὸ καὶ αὕτή ἁρμόττει τοῖς χορος, παθητικοὶ γὰρ οἱ ἀσθενες μᾶλλον τῶν δυνατῶν εἰσι κατὰ δὲ τὴν ὑποδωριστὶ (κτλ.). La chute du membre de phrase sur la mixolydisti (attesté par Gaza) ne s'explique que par un homoiotelenton.

Problème 15 (G, III Gevaert ; p. 50 ER).

Pourquoi, à la différence des chants choriques, les nomes n'étaient-ils pas composés en antistrophes? Parce que les nomes étaient réservés aux artistes de profession ὧν ἤδη μιμεῖσθαι δυναμένων καὶ διατείνεσθαι ᾠδὴ ἐγίγνετο μακρὰ καὶ πολυειδής. Nous nous refusons : 1° à changer ἤδη en εἴδη qui n’a jamais le sens de caractère;[54] 2° à traduire διατείνεσθαι par « chanter à voix tendue » ·: ce verbe signifie simplement s'« étendre », c'est-à-dire chanter longtemps sans s'arrêter. Plus loin ὥστε ἐν ἁρμονία μέλη νῇδον des manuscrits ne peut évidemment être conservé. Μοναρμονία (Vollgraff) n'est pas grec, νῇδον ne l'est pas davantage. Nous inclinons maintenant vers la leçon de Chabanon : ὥστε ἐν <μιᾷ> ἁρμονία μέλη et nous corrigeons νῇδον en ἧδον. Plus loin la correction ἰσόρρυθμος (mss. ἀριθμός) n'est ni nécessaire ni vraisemblable.

Problème 27 (H, 1 a Gevaert; p. 45 ER).

Pourquoi, seule des sensations, l'ouïe a-t-elle de l'éthos? Parce que seule elle produit un mouvement (κίνησις), non pas le mouvement que produit le son sur notre sensibilité — car pareillement la couleur émeut la vue — ἀλλὰ τῆς ἑπομένης τῷ τοιούτῳ ψόφῳ αἰσθανόμεθα κινήσεως. Même avec la correction de Vollgraff ἧς pour τῆς (ou τὴν ?) que nous croyons excellente, la phrase demeure profondément obscure. Τοιοῦτος ψ paraît être pris dans le sens insolite de « son de telle ou telle nature ». Ensuite, on nous dit que cette sensation ἔχει ὁμοιότητα ἔν τε τοῖς ῥυθμοῖς καὶ ἐν τ τῶν φθόγγων τάξει. Le mot ὁμοιότητα exige un régime : τοῖς ἤθεσι (Ruelle) ou τῷ ἤθει; ὁμαλότητα (Wagener) n'offre guère de sens ; nous avions pensé à οἰκειότητα, mais nous nous demandons si ce mot, employé seul, serait assez clair. Plus loin : <ἀλλ'> οὐκ ἐν τ μίξει ἡ <γάρ> συμφωνία οὐκ ἔχει θος.

Problème 38 (Η, II Gevaert ; p. 45 ER).

Διὰ τί ῥυθμῷ καὶ μέλει καὶ [ὅλως ταῖς] συμφωνίαις χαίοουσι πάντες; Parce que, en général, nous aimons naturellement les mouvements conformes à la nature. En particulier : 1° les modes (τρόποι μελῶν) nous charment διὰ τὰ θος [55]; 2° le rythme, parce qu'il nous remue avec régularité, οἰκειοτέρα γὰρ τεταγμένη κίνησις φύσει τῆς ἀτακτου [Α] ὥστε καὶ κατὰ φύσιν μᾶλλον [Β] σημεῖον δὲ [C] πονοῦντες γὰρ καὶ πίνοντες, etc. Nous n'approuvons pas l'interversion de [A] et de [B] proposée par GV (qui écrivent ὡς pour ὥστε) ; la formule σημεῖον δὲ (sans plus) est éminemment péripatétique, tandis que σημ. ὡς n'est pas grec; 3° la consonance, parce qu'elle est un mélange de contraires qui sont dans un rapport simple, or le rapport,[56] c'est l'ordre, qui de nature nous agrée, et[57] tout mélange est plus agréable que ce qui n'est pas mélangé, surtout lorsqu'il est sensible, ἄλλως τε κἂν αἰσθητὸν ὄν, c'est-à-dire lorsque nous percevons nettement qu'il y a mélange. Cf. prob. 43 : τὸ μεμιγμένον τοῦ ἀμίκτου ἥδιόν ἐστιν, ἐὰν μφοῖν ἅμα τὴν αἴσθησίν τις λαμβάνῃ. Tout ce qui suit nous paraît être des gloses corrompues.

Problème 40 (H, III a Gevaert ; p. 42 ER).

Pourquoi est-il plus agréable d'entendre un air connu qu'un air nouveau? Parce qu'on peut se rendre compte que l'exécutant atteint son but quand on le connaît; γνωριζόντων δὲ ἡδὺ θεωρεῖν « et quand on sait, il est agréable de regarder[58] ».

Dans le doublet (prob. 40 = H, III b Gevaert) nous trouvons une seconde explication dont le texte, très corrompu, nous paraît devoir se restituer ainsi : ἢ ὅτι ἡδὺ <το ἀναγνωρίζειν, ἀηδὲς δὲ> τὸ μανθάνειν·; τούτου δὲ αἴτιον ὅτι τὸ μὲν λαμβάνειν ; τὴν ἐπιστήμην <χαλεπὸν>, τὸ δὲ χρῆσθαι καὶ ἀναγνώριζειν <ῥᾷόν> ἐστι.

En tout cas, même si l’on rejette nos suppléments (très hypothétiques), on ne saurait, traduire avec GV le dernier membre de phrase : « tandis que, au premier cas, faire usage de ce qu'on sait équivaut à reconnaître.»

Problème 9 (H, IV Gevaert; p. 43 ER).

Pourquoi entendons-nous avec plus de plaisir la monodie quand elle est accompagnée de la flûte ou de la lyre, même à l'unisson? Nous écrirons ensuite en corrigeant légèrement GV : εἰ γὰρ [ἔτι μᾶλλον] αὐτὸ τὸ πλέον <ἥδιον>, ἔδει πρὸς πολλοὺς αὐλητὰς καὶ ἔτι ἥδιον εἶναι.

Le doublet (prob. 43 = Η, V Gevaert) a un énoncé identique : Διά τί ἥδιον τῆς μονῳδίας ἀκούομεν, ἐὰν πρὸς αὐλὸν ἢ λύραν δῃ ; mais cette fois le solutionniste, moins intelligent, a fait un contresens et a cru que cela voulait dire : pourquoi la monodie accompagnée de la flûte est-elle plus agréable qu'accompagnée de la lyre (comme s'il y avait ἢ ἐὰν πρὸς λύραν). Une pareille thèse est contraire non seulement à l'opinion générale des Grecs — on sait la vogue éphémère de l'aulodie — mais encore tout particulièrement à la théorie péripatéticienne, puisque (n° 16 bis) dans l'aulodie, l'une des parties étant nécessairement doublée, la consonance ressort moins nettement. Il faut donc laisser au compte du solutionniste son opinion et les arguments plus ou moins ridicules qu'il invoque à l'appui, et ne pas introduire son contresens dans l'énoncé, comme nous l'avions fait naguère et, après nous, Jan et GV.

Problème 10 (H, VI Gevaert; p. 44 ER).

Pourquoi, si la voix humaine est la plus agréable, le chant sans paroles n'est-il pas aussi agréable que la flûte ou la lyre? Parce que, dès qu'elle cesse d'imiter, la voix n'est plus aussi agréable. Ensuite, à cause de l'effet (τὸ ἔργον αὐτὸ, autrement dit la sonorité), car les instruments sont plus sonores que la voix. Διὸ ἥδιον κρούειν (mss. ἀκούειν) ἢ τερετίζειν. L'excellente correction d'Egger et de Breuer (κρούειν) a été rejetée à tort, croyons-nous, par GV qui écrivent, contre toute analogie, ἥδιον <αὐλοῦ ἢ λύρας]> ἀκούειν ἢ τερετίζειν.

Problème 6 (Η, VII Gevaert, p. 42 ER).

Le caractère tragique de la paracatalogè est expliqué par son irrégularité (ἀνωμαλία). Παθητικὸν γὰρ τὸ ἀνώμαλες καὶ ἐν μεγέθει τύχης (bonheur) ἢ λύπης... τὸ δὲ ὁμαλὲς ἔλαττον γοώδες. Il nous semble : 1° qu'il manque un mot après λύπης (οἰκεῖον?); 2° que γοῶδες tronque la pensée, puisque l'irrégularité a été recommandée non seulement dans l'excès du deuil, mais aussi dans celui du bonheur.

Théodore Reinach.

Eugène d'Eichthal.


 

[1] Revue critique, 1899, II, p. 507 suiv. (Th. Reinach).

[2] L'abréviation GV désignera l'édition de MM. Gevaert et Vollgraff ; l'abréviation ER notre premier article. Comme dans ce travail, les observations philologiques du présent article ont pour auteur principal M. Th. Reinach.

[3] Il n'y a aucune raison de « crocheter » le § 5.

[4] Οὕτω τὰ συντιθέμενα πλέον ἰσχύει κατὰ τὸν ἀριθμὸν ἢ ὅταν ᾗ δίῃρημένα.

[5] Gloses (a) : ἠχὼ ᾠδή τις ἐστί ἀφή ἐστι φωνῆς.

[6] Ici se sont introduites dans le texte les gloses (a).

[7] Au § 6 ἀκατάληπτον est mal rendu par « rester au repos » ; il fallait dire « non saisie » (par l'exécutant). — Ligne 20 écrire αὑτῆς (non αὐτῆς).

[8] En effet, les vibrations de l'hypate étant dans un rapport simple de durée avec celles de la nète sont favorisées par celles-ci, tandis que celles de toutes les autres cordes sont contrariées ; à la longue donc le son de l'hypate doit se détacher. D'autres anciens ont prétendu que tout son consonant engendre par « écho » un son consonant : Adraste ap. Théon c. C et ap. Porphyre sur Ptol. p. 270; 2= Anon. Bell. (Dionysios) § 21 (p. 104).

[9] A ces textes il faut ajouter Plutarque, Aristoph. et Menand. comparatio, 2 (II, 1040 Didot) quoique le mot σῦριγξ n'y soit pas prononcé. Cp. Revue critique, 1900, I, p. 139 (Th. Reinach).

[10] Ίσότης est mal rendu par « semblent être les mêmes ». Il fallait dire : « Il y a une sorte d'équivalence entre les sons. »

[11] Dans la réponse μεῖζον signifie « plus grand » et non pas « a plus de poids ».

[12] C'est bien ainsi d'ailleurs que le solutionniste a compris ἁπλῶς, puisque sa réponse ne porte que sur la φωνή. Pour ce sens de ἁπλῶς qui se trouve déjà chez Théophraste (Caus. plant., III, 6, 5) cf. le Thésaurus, col. 1347 au milieu.

[13] Il n'y a aucune raison d'écrire <τῷ> διὰ πασῶν avec GV, cela n'est même pas correct. Cf. prob. 24 : ἀνὰ λόγόν διὰ πασῶν.

[14] M. Gevaert fait observer avec raison que διάφωνος « dissonant « ne se trouve ni chez Platon, ni chez Aristote ; il n'y a donc rien d'étonnant à ce que ἀντίφωνος ait été autrefois employé dans ce sens. Cp. Hésychius : ἀντίφωνα ἐναντιόφωνα.

[15] M. Gevaert cite le Mémoire sur la symphonie, p. 24, de Wagener ; dans ce passage Wagener se contente de dire — ce qui est parfaitement exact — que parfois « l'antiphonie n'est d'une manière générale que le contraire de l'homophonie ».

[16] Libri : μαγαδίζουσι δὲ (quasi sequatur prob. 39) ἐν τῇ κτλ. Correximus 1892 ; μόνον addidit Wagener (sed post τί).

[17] Addidimus 1892.

[18] Addidimus 1892, cf. Gazam. Ruelle : οἶον εἰς ἥμισυ.

[19] Libri διαφορά, correximus (οι et α saepe confunduntur). Jan. : διαφέρειν φαίνονται.

[20] Inclusimus. Gevaert : ἐν τῷ καταυλεῖν. Vollgrafî : προσαυλεῖν.

[21] GV : τῶν αὐλῶν.

[22] Libri φθεγγομένοις ; correximus 1892.

[23] Αἰσθάνεσθαι (aut simile quid) addidimus.

[24] Libri ἔτι, corr. Stumpf. GV : ἔτι δὲ τῇ.

[25] Supplevit Wagener.

[26] Libri τελευτῶσα; corr. Bekker.

[27] Addidimus. Aut : τὸ λοιπὸν.

[28] Jan : οὕτως, et mox γίγνεται.

[29] Libri τὸ κοινὸν, corr. Vollgraff. Nos olim τῷ ἐκ διαφ. τὸ κοινόν.

[30] Inclusimus. Jan : ἐν τῇ διὰ π.

[31] Libri τὴν δὲ μαγιδεῖν (aut μαδιδεῖν) ; corr. Bekker.

[32] Μέτρον est l'ancien nom du pas-mesure; cf. les noms trimètre, tétramètre, hexamètre.

[33] Πόδες est pris ici dans le sens où Aristoxène emploiera χρόνοι (ποδικοί). L'ancienne mesure étant d'ordinaire assimilée à un double pas, βάσις, on comprend que chacun des temps frappés ait été qualifié de πούς.

[34] Allusion au rapport sesquialtère 3/2 des rythmes péoniques.

[35] La vitesse dont il est question ici n'est pas la vitesse vibratoire, mais une prétendue vitesse de translation ; le solutionniste croit avec Platon (Timée, p. 80 A) que les sons graves se propagent plus vite que les sons aigus et que ceux-ci se ralentissent à la fin de leur émission. Encore Xénocrite (ap. Ps. Porphyre, p. 214 = Mus. Script., p. 135), qui décrit clairement le mouvement vibratoire des cordes, s'imagine que l'acuité du son réside dans chaque vibration isolée. La relation entre l'acuité du son et le nombre des vibrations dans l'unité du temps n'a été aperçue que plus tard, par Euclide (Sect. can. init.}, Nicomaque de Gérasa (ap. Boeth. I, 31) et Théon (p. 50). Cp. l'excellente analyse de Graf, Die Theorie der Akustik im griechischen Alterthum (1894), pp. 6 et suiv.

[36] Nous ne comprenons pas au juste le sens de cette expression, mais bien certainement il ne s'agit pas des vibrations élémentaires.

[37] Cf. Prob. 42 : ἡ νεάτη λήγουσα καὶ μαραινομένη ὑπάτη γίγνεται. — ὁ τῆς νεάτης φθόγγος... τῇ ὑπάτῃ λήγων ὁ αὐτός — Cette seconde percussion est appelée (ibid.) τὸ δευτερεῖον αὐτής.

[38] Ταῖς que nous avions proposé et qu'adoptent GV n'est pas nécessaire.

[39] Addidimus.

[40] Ces mots pourraient être une glose marginale du mot obscur ἐκεῖ dans le problème 17.

[41] Jan perperam σύμφωνος,

[42] Libri καὶ, correximus.

[43] Jan ἀμφοῖν δομέναιν. Mais on n'évite pas ainsi l'anacoluthe (nous prenons ἄμφω pour un accusatif).

[44] GV. ὥτχερ <γὰρ> μίαν.

[45] Libri ἐκείνη; Wagener et GV (texte) ἠχεῖ ; Vollgraff (note) ἐκεῖ.

[46] Διά πασῶν addidimus, ἡ βαρεῖα Vollgraff. Mais il faut expliquer l'omission.

[47] Leçon des meilleurs manuscrits. Le Vat. a ἐν τῷ ἅμα qui n'offre pas de sens, même en ajoutant (avec GV) εἶναι après ἄλλη.

[48] Eἴχε, et non pas, comme traduisent GV : « elle est le terme moyen ».

[49] Nous ne voyons pas d'où GV ont tiré le § 4 de leur traduction, dont il n'y a pas trace dans les manuscrits.

[50] Malimus τινων.

[51] Cette explication serait en contradiction avec ce qui a été dit au n° 37.

[52] Absurde parce que ψιλός ne s'emploie jamais que du jeu d'un instrument non accompagnant le chant, de sorte que le texte des manuscrits, ἄν γὰρ δέηται σαι τὴν παρ. σὺν ψιλῇ τῇ μέσῃ, implique contradiction.

[53] Ce problème a été longuement étudié par Wagener, Mémoire sur la symphonie des anciens, pp. 26 suiv.; mais à notre avis sans succès. Il est inadmissible de traduire les mots (inintelligibles) ἐὰν δὲ τὴν (νήτην) δέον ἄμφω, ψιλά οὐ γίνεται par : « S'il faut chanter la nète, alors on doit l'accompagner à l'unisson et il n'y a plus de son isolé. »

[54] Vollgraff lui-même reconnaît que Gaza lisait déjà ἤδη.

[55] Libri ἔθο?. GVW ont adopté une correction que nous avions indiquée.

[56] Le « rapport proportionnel » de GV nous paraît un pléonasme.

[57] Et non pas « au reste »; le raisonnement est très serré : dans la consonance il y a à la fois λόγος et κρᾶσις, or les deux nous sont agréables.

[58] La traduction de GV : « car il est doux d'approfondir des connaissances acquises » n'est pas assez précise;