CHAPITRE
PREMIER.
Questions diverses sur la durée du mouvement, éternel ou créé. Si
l'on nie l'éternité du mouvement, deux systèmes possibles : celui
d'Anaxagore et celui d'Empédocle. - Hypothèse de l'éternité du
mouvement ; difficultés résultant de cette hypothèse; arguments en
faveur de cette opinion. - Démocrite. Tous les philosophes ont admis
que le temps est éternel. Platon seul a cru que le temps a été créé
; réfutation de cette opinion. Le mouvement est éternel comme le
temps. Insuffisance du système d'Empédocle et même de celui
d'Anaxagore. Ordre immuable de la nature; Démocrite a tort de se
borner à la simple observation des faits; dans certains cas, on peut
remonter jusqu'à la cause. |
§ 1. Le mouvement a-t-il
commencé à un certain moment avant lequel il n'était pas?
Cessera-t-il un jour de même qu'il a commencé, de façon que rien ne
doive plus se mouvoir? Ou bien doit-on dire qu'il n'a point eu de
commencement, et qu'il n'aura pas de fin? Doit-on dire qu'il a
toujours été et qu'il sera toujours immortel, indéfectible pour
toutes choses, et comme une vie qui anime tous les êtres que la
nature a formés?
§ 2. Tous les philosophes
qui ont étudié la nature ont admis l'existence du mouvement, parce
qu'ils s'occupaient de la question de l'origine du monde, et que
toutes leurs théories roulent sur la génération et la destruction
des choses qui ne peuvent être si le mouvement, n'est pas.
§ 3. Quand on soutient
que les mondes sont infinis et que les uns naissent tandis que les
autres s'éteignent et périssent, on n'en admet pas moins l'existence
éternelle du mouvement; car les mondes ne peuvent naitre et périr
qu'à la condition nécessaire du mouvement. Ceux même qui n'admettent
qu'un seul monde ou qui supposent qu'il n'est pas éternel, font
également sur l'existence du mouvement des hypothèses conformes à
leur système.
§ 4. Lorsqu'on suppose
qu'il y a eu un temps où il
n'y avait point de mouvement d'aucun genre, il n'y a
que deux manières nécessairement de comprendre cette opinion : ou
bien comme Anaxagore, il faut dire que toutes les choses étant
confondues et dans le repos durant un temps infini, c'est
l'Intelligence qui leur a communiqué le mouvement, et les a
ordonnées; ou bien, comme Empédocle, il faut penser que les choses
ont tantôt le mouvement et tantôt le repos; le mouvement, quand de
plusieurs choses l'Amour n'en fait qu'une, ou quand d'une seule la
Discorde en fait plusieurs; le repos, dans les intervalles de temps
qui séparent l'action de l'Amour et de la Discorde. Voici les
expressions même d'Empédocle :
En sachant ramener leur foule à l'unité,
Puis, quittant l'union pour la diversité,
Ils vont sans que le temps ou les gène ou les presse;
Et comme en aucun d'eux le changement ne cesse,
Dans ce cercle immuable ils se font éternels.
quand il dit :
« le changement ne cesse, » Empédocle veut
exprimer sans doute que les êtres passent d'une forme à l'autre.
§ 5. Examinons ce qu'il
en est réellement de ces problèmes; car il importe de découvrir la
vérité en ces matières, non pas seulement pour l'étude de la nature,
mais en outre pour la science du principe premier des choses.
§ 6. Commençons tout
d'abord ici en partant des définitions que nous avons posées
antérieurement dans notre Physique. Nous disons donc que le
mouvement est l'entéléchie, ou la réalisation du mobile en tant que
mobile. Par une conséquence nécessaire, il faut supposer l'existence
préalable des choses qui peuvent être mues selon une espèce
quelconque de mouvement. Sans même s'arrêter à cette définition du
mouvement, il n'est personne qui ne convienne que nécessairement ce
qui peut être mu selon une des diverses espèces de mouvement doit,
d'une manière générale, être capable d'être mu. Par exemple, il faut
nécessairement que ce soit un objet susceptible d'altération qui
s'altère, et que ce soit un objet qui peut changer de lieu qui
subisse la translation dans l'espace, absolument comme il faut que
le combustible existe avant qu'il n'y en ait combustion, et comme il
faut que ce qui peut brûler existe avant qu'il ne brûle.
§ 7. Par conséquent, il
faut nécessairement aussi, ou que les choses naissent à un certain
moment donné avant lequel elles n'existaient pas, ou bien qu'elles
soient éternelles,
§ 8. Si donc on admettait
que tous les mobiles et les moteurs sont nés à un certain moment, il
faudrait de toute nécessité qu'il y eût eu, antérieurement au
mouvement dont on s'occupe, un autre changement et un autre
mouvement relativement auquel seraient nés et le mobile qui peut
être mu et le moteur qui peut mouvoir.
§ 9. Mais si l'on suppose
que les moteurs et les mobiles ont éternellement existé sans qu'il y
eût de mouvement, on voit sur le champ les étranges conséquences qui
sortent de cette opinion pour peu qu'on la presse.
§ 10. Mais en poussant
encore un peu plus loin, ces conséquences ne sont pas moins
nécessaires. En effet, si parmi les choses qui sont, les unes
susceptibles de recevoir le mouvement, et les autres capables de le
communiquer, il faut qu'il y ait soit d'une part un premier moteur
et d'autre part un premier mobile, soit en l'absence de l'un et de
l'autre un absolu repos, il en résulte que nécessairement il y a eu
un changement antérieur ; car il y avait bien une cause à ce repos,
puisque le repos n'est que là privation du mouvement. Donc, avant le
premier changement, il y aura déjà eu un changement antérieur.
§ 11. Certaines choses,
en effet, ne produisent qu'une seule espèce de mouvement ; d'autres
produisent les mouvements contraires. Ainsi, le feu échauffe et ne
refroidit pas, tandis que la science des contraires paraît être une
seule et même science. Ici il y a bien quelque chose de semblable;
car le froid, considéré d'une certaine manière, en se retirant peut
échauffer, de même que celui qui sait une chose peut commettre une
erreur volontaire, en employant à rebours la science qu'il possède.
§ 12. Mais toutes les
choses qui sont susceptibles d'agir, de souffrir, et de mouvoir, et
celles qui sont susceptibles d'êtres mues, ne le sont pas toujours
et dans tous les cas ; elles ne le sont que dans certaines
conditions, et il faut par exemple qu'elles soient proches les unes
des autres ; c'est en se rapprochant que l'une meut et que l'autre
est mue, et quand les choses s'arrangent de façon que l'une soit
susceptible d'être mue, et l'autre capable de mouvoir.
§ 13. Si donc le
mouvement n'a pas toujours eu lieu, il est clair que c'est que les
choses n'étaient pas disposées de telle sorte que l'une pût mouvoir
et que l'autre pût être mue, mais qu'il a fallu nécessairement que
l'une des deux vint à changer. C'est là en effet une nécessité
absolue pour tous les relatifs ; et par exemple, si une chose qui
n'était pas le double d'une autre en est actuellement le double, il
faut bien que l'une des deux choses tout au moins, si ce n'est les
deux, ait éprouvé un changement. Il y aura donc ainsi un changement
qui sera antérieur même au changement qu'on croyait le premier.
§ 14. Mais outre cette
impossibilité, comment encore concevoir qu'il puisse y avoir
antérieur et postérieur, s'il n'y a pas de temps ? Ou bien comment y
aura-t-il du temps, s'il n'y a pas de mouvement ?
§ 15. Mais comme le
temps n'est certainement que le nombre du mouvement ou un mouvement
d'une certaine espèce, du moment que le temps est éternel, il y a
nécessité que le mouvement soit éternel comme lui. En général, tous
les philosophes, si l'on en excepte un seul, semblent, il faut en
convenir, unanimes dans leur système sur le temps ; tous le
regardent comme incréé. Et c'est même en soutenant que le temps n'a.
point été créé que Démocrite essaie de démontrer qu'il est
impossible que l'univers ait jamais pu l'être. Il n'y a que Platon
qui admette la création du temps. Le temps est né, selon lui, avec
le ciel; car il dit que le ciel a pris naissance. Si donc
l'existence et la conception même du temps sont impossibles sans
l'instant, et que l'instant soit une sorte de moyen terme réunissant
tout à la fois un commencement et une fin, le commencement du temps
futur, et la fin du temps passé, il faut nécessairement que le temps
soit éternel ; car le bout du temps qui est considéré le dernier
sera dans un certain instant, puisqu'il n'y a pas moyen dans le
temps de saisir autre chose qu'un instant; et comme l'instant est à
la fois commencement et fin, il est clair qu'il y a toujours du
temps des deux côtés de l'instant, mais si le temps existe, il n'est
pas moins clair que le mouvement existe aussi, puisque le temps
n'est qu'un mode du mouvement.
§16. Le raisonnement
serait le même pour démontrer que le mouvement est indestructible.
§17. De même qu'en
cherchant à expliquer l'origine du mouvement, on en arrivait à cette
conclusion qu'il y a un changement antérieur même au changement
premier, de même aussi il faudra supposer dans ce nouveau cas qu'il
y a un changement postérieur même au dernier changement ; car ce
n'est pas du même coup que l'objet cessera d'être mu et d'être
mobile, par exemple d'être brûlé et d'être combustible, puisqu'il se
peut fort bien qu'un objet combustible ne soit pas brûlé ; et ce
n'est pas non plus du même coup que l'objet cessera de mouvoir et
d'être capable de mouvoir,
§ 18. De même aussi le
destructible devra avoir été détruit, avant d'être détruit ; et ce
qui le détruit devra encore exister après lui, puisque la
destruction n'est qu'une espèce de changement.
§ 19. Mais si tout cela
est impossible, il est évident que le mouvement est éternel ; et il
ne se peut pas que tantôt il soit et que tantôt il ne soit point.
§ 20. Avancer en effet
cette dernière opinion, ce n'est, je le crains bien, qu'une pure
rêverie.
§ 21. Il n'y a pas
plus de raison à soutenir que c'est la nature qui le veut ainsi, et
que c'est là ce qu'on doit regarder comme le principe des choses,
ainsi qui Empédocle semble le prétendre, quand il dit que l'Amour et
la Discorde dominent tour à tour et donnent le mouvement aux choses,
par une nécessité inhérente à leur nature, et que dans l'intervalle
de leurs luttes, il y a le repos.
§ 22. C'est bien là
encore ce que sont tout près de dire ceux qui, comme Anaxagore, ne
reconnaissent qu'un seul principe.
§ 23. Mais il n'y a
jamais de désordre dans les choses qui sont de nature et selon la
nature ; car la nature est dans tous les cas une cause d'ordre et de
régularité. L'infini ne peut jamais avoir de rapport rationnel avec
l'infini, tandis que l'ordre est toujours un rapport et une raison.
Mais qu'après un repos qui a duré un temps infini, commence ensuite
par hasard le mouvement, et qu'il n'y ait pas plus d'importance à ce
qu'il en soit ainsi plutôt maintenant qu'auparavant, sans qu'il y
ait eu d'ailleurs aucun ordre antérieurement, ce n'est plus là, une
œuvre de la nature ; car, ou bien ce qui est par nature est d'une
manière absolue, sans être tantôt de telle manière et tantôt de
telle autre, comme le feu, par exemple, qui, naturellement, se
dirige toujours en haut, et sans qu'il soit jamais possible que
tantôt il s'y dirige, et tantôt il ne s'y dirige pas; ou bien ce qui
n'est pas absolu dans la nature a du moins une cause rationnelle.
§ 24. Il vaudrait
donc mieux encore supposer, comme l'a fait Empédocle ou tel autre
philosophe, que tour à tour l'univers est en repos, et qu'il reprend
ensuite le mouvement; car cette succession alternative de phénomènes
implique déjà un certain ordre régulier.
§ 25. Mais il ne faut
pas, quand on avance de telles idées, se contenter d'affirmer
simplement ce qu'on dit ; il faut tâcher aussi d'en expliquer la
cause ; et au lieu de se borner à une hypothèse gratuite, et de
poser un axiome déraisonnable, il faut en appeler à l'induction ou
en apporter la démonstration.
§ 26. Les hypothèses
admises par Empédocle ne sont pas des causes ; et ce n'est point là
le rôle essentiel de la Discorde et de l'Amour, puisque l'un réunit
les choses, et que l'autre au contraire les divise. Que si l'on
parle de leur succession alternative, encore faut-il dire à quelles
choses cette succession s'applique, comme on dit que parmi les
hommes il y a quelque chose qui les rapproche, c'est l'amitié, et
qu'il est bien vrai que les ennemis se fuient mutuellement. Alors,
on imagine qu'il en est de même dans l'univers, parce qu'en effet il
est certains cas où les choses se passent réellement ainsi. Mais il
faudrait bien expliquer, en outre, comment ce phénomène peut
s'accomplir dans des temps égaux et réguliers.
§ 27. En général,
admettre que ce soit un principe et une cause suffisante d'un fait
de dire que ce fait est toujours ou qu'il se produit toujours de
telle ou telle manière, ce n'est pas du tout satisfaire la raison.
C'est là cependant à quoi Démocrite réduit toutes les causes dans la
nature, en prétendant que les choses sont actuellement de telle
manière, et qu'elles y étaient antérieure ment aussi. Mais quant à
la cause de cet état éternel, il ne croit pas devoir la rechercher,
ayant bien d'ailleurs raison à certains égards, mais ayant tort de
vouloir appliquer ce principe à tout. Ainsi, le triangle a
éternellement ses angles égaux à deux droits; et pourtant on peut
bien trouver une autre cause à cette propriété éternelle du
triangle, tandis qu'il y a, en effet, des principes qui, étant
éternels, n'ont absolument aucune autre cause.
§ 28. Mais que ceci
suffise pour démontrer que le temps n'a pu exister, et ne pourra
exister qu'à la condition que le mouvement ait existé ou doive
exister tout comme lui. |
Ch. 1, § 1. Le mouvement a-t-il
commencé, il s'agit ici du mouvement pris de la manière la plus
générale, sans distinction d'espèce, et même sans distinction de
lieu. C'est là ce qui a fait croire à quelques commentateurs
qu'Aristote ne traitait dans ce chapitre que du mouvement du ciel.
On peut remarquer comme le langage d'Aristote s'élève et s'éclaircit
avec les sujets même dont il s'occupe. Dans tout ce huitième Livre,
on retrouvera le style du douzième Livre de la Métaphysique. -
Comme une vie, comparaison profonde et simple tout à la fois.
§ 2. Tous les philosophes qui ont étudié la nature, il faut
bien remarquer cette restriction; car tous les philosophes n'ont pas
admis l'existence du mouvement; et notamment l'École d'Élée. - La
génération et la destruction des choses, qui sont elles-mêmes
aussi des espèces de mouvements ou changements.
§ 3. Que les mondes sont infinis, il eût été curieux de
savoir quels philosophes Aristote veut désigner ici. Il est probable
que c'est Démocrite avec Leucippe et son école. - Qui n'admettent
qu'un seul monde, c'est Anaxagore, qui n'admet pas l'éternité du
monde, du moins dans sa forme actuelle, puisqu'il suppose qu'à un
certain moment l'Intelligence divine y a introduit de l'ordre.
§ 4. Il n'y a que deux manières, Aristote exclut ici la
théorie de l'éternité absolue du mouvement; il considère le cas où
l'on admet que le mouvement a commencé à un certain moment, et il
divise cette hypothèse en deux, selon que le mouvement est continu
ou alternatif. - Comme Anaxagore, voir le livre I de la
Métaphysique, ch. 4, p. 985, a, 18, de l'édition de Berlin. -
Comme Empédocle, id. ibid. ch. 4, p. 985, a, 5. -
Qui séparent l'action de l'Amour et de la Discorde, j'ai
ajouté ce complément, qui ressort du contexte et qui m'a paru
indispensable. - D'une forme à l'autre, ou bien :
«
De ce monde-ci à l'autre,
»
c'est-à-dire du monde où tout est divisé au Sphérus où tout est
réuni.
§ 5. La science du principe premier des choses, c'est la
Métaphysique, voir le douzième Livre de la Métaphysique.
§ 6. Antérieurement dans notre Physique; la même expression
se retrouve plus loin à la fin de ce traité. Ceci semblerait
indiquer que le huitième Livre ne fait pas partie de la Physique
proprement dite ; mais ou peut comprendre aussi ce passage en un
sens un peu différent .
«Que
nous avons posées antérieurement dans nos discussions sur les choses
de la nature.
»
J'ai préféré le premier sens qui est celui de tous les
commentateurs. - Le mouvement et l'entéléchie, voir plus
haut, Livre III, ch. 4, § 7. - Être capable d'être un, il
semble qu'il faudrait dire d'une manière absolue que cet objet doit
être, avant de pouvoir être mu - Il faut que le combustible
existe, ceci confirme la remarque précédente.
§ 7. Les choses naissent... ou qu'elles soient éternelles,
dans l'une ou l'autre hypothèse le mouvement est éternel.
§ 8. Et les moteurs, l'édition de Berlin n'a pas ces mots. -
Sont nés à un certain moment, c'est la première hypothèse
posée au § précédent. La seconde sera examinée au § 9. - Il
faudrait de toute nécessité, cette proposition sera démontrée un
peu plus bas ; ici Aristote se borne à indiquer cette conclusion
absurde.
§ 9. Mais si l'on suppose, seconde hypothèse de l'éternité du
moteur et du mobile existant sans que l'un meuve, et que l'autre
soit mu. - Les moteurs et les mobiles, le texte n'est pas
aussi précis, et l'expression dont il se sert est tout à fait
indéterminée. - Les étranges conséquences, en effet, il est
difficile de comprendre comment à un montent donné le mouvement a pu
commencer, après un repos qui attrait duré jusque-là.
§ 10. Recevoir le mouvement, ce sont les mobiles. - De le
communiquer, ce sont les moteurs. - Un changement antérieur,
au mouvement qu'on donne cependant pour le mouvement primitif.
Changement est synonyme ici de Mouvement. - Avant le premier
changement, tel qu'on le suppose. La cause du repos est donc
antérieure à la cause du mouvement dans cette hypothèse.
§ 11. Certaines choses en effet, tout ce § paraît une sorte
de parenthèse et de note ajoutée après coup. Il interrompt le cours
de la pensée, qui serait beaucoup mieux liée si elle passait tout à
coup du § 10 au § 12. - Et ne refroidit pas, ceci est un peu
contredit par ce qui suit; car on peut dire du feu, comme du froid,
qu'en se retirant il produit un effet contraire à celui que produit
sa présence. - La science des contraires, en supposant que la
science soit un mouvement. - Une seule et même science,
c'est- à-dire que quand on connaît un des contraires, on connaît
aussi du même coup l'autre contraire.
§ 12. Susceptibles d'agir, ce sont les moteurs. -
Susceptibles d'être mues , c'est-à-dire les mobiles. - Elles
soient proches les unes des autres, la proximité ne se confond
pas avec le contact.
§ 13. Le mouvement n'a pas toujours eu lieu, c'est la même
hypothèse qu'au § 10. - Pour tous les relatifs, le moteur et
le mobile sont des relatifs, puisque l'un implique nécessairement
l'autre; car si le moteur existait sans mobile, il ne serait moteur
qu'en puissance, et il n'agirait pas réellement. - Il y aura donc
ainsi un changement, voir plus haut, § 10. - Qu'on croyait,
le texte n'est pas tout à fait aussi précis.
§ 14. Antérieur et postérieur, ou bien :
«
Antériorité et postériorité.
»
- S'il n'y a pas de temps, ce n'est pas là l'hypothèse qu'on
a faite; mais le temps et le mouvement se confondent; et nier le
mouvement c'est nier aussi le temps. Voir plus haut la théorie du
temps, Livre IV, ch. 14 et suiv.
§ 15. Le nombre du mouvement, voir plus haut, Livre IV, ch.
15, § 6, et ch. 16, § 7. - L'univers, le texte dit :
«
Toutes les choses.
»
Cette opinion de Démocrite est celle du matérialisme, qui repousse
toute idée de création. - Il n'y a que Platon, voir le
Timée, p. 130, 134 de la traduction de M. V. Cousin. Cette
exception est en effet très remarquable. - Le ciel a pris
naissance, ces théories de Platon se trouvent d'accord avec
celles du Christianisme et celles de la Bible. - Impossibles sans
l'instant, voir la théorie de l'instant, Livre IV, ch. 47. -
Un commencement et une fin, voir ibid., ch. 17, § 5. -
De saisir autre chose qu'un instant, attendu que le passé n'est
plus et que l'avenir n'est pas encore. - Des deux côtés de
l'instant, c'est-à-dire avant et après,
§ 16. Le mouvement est indestructible, en d'autres ternes, il
ne peut cesser pas plus qu'il n'a pu commencer.
§ 17. Un changement postérieur, changement et mouvement se
confondent ici comme plus haut. - Cessera d'être mu et d'être
mobile, c'est-à-dire qu'une chose qui peut être mue existe
encore, avec cette capacité, après même qu'elle est devenue
immobile, de même que le moteur existe encore avec la faculté de
mouvoir, même après qu'il a cessé de mouvoir. L'argument n'est pas
complet; car il resterait à démontrer que tout ce qui est en
puissance passe nécessairement à l'acte.
§ 18. Le destructible devra avoir été détruit, le
raisonnement est ici présenté d'une manière trop concise, et il
reste obscur même en y suppléant, avec toutes les modifications
nécessaires, par le raisonnement antérieur. - Ce qui le détruit,
la cause destructrice subsistant, elle causera de nouvelles
destructions.
§ 19. Si tout cela est impossible, il serait plus exact de
dire : «
Si toutes les impossibilités qu'entraîne la négation de l'éternité
du mouvement, sont bien réelles.
»
§ 21. Empédocle semble le prétendre, voir plus haut, § 4. -
Dans l'intervalle de leurs luttes, l'expression du texte
n'est pas tout à fait aussi précise.
§ 22. Ne reconnaissent qu'un seul principe, il semble qu'il vaudrait
mieux dire ici, puisqu'il s'agit d'Anaxagore :
«
Ceux qui font remonter le mouvement à un principe,
»
et supposent qu'il a commencé à un certain moment donné. Voir plus
haut, § 4.
§ 23. Il n'y a jamais de désordre, grand principe,
qu'Aristote a toujours soutenu. - Un rapport et une raison,
il n'y a qu'un seul mot dans le texte. - Après un repos,
selon Anaxagore l'Intelligence serait restée un temps infini dans le
repos, sans donner le mouvement aux choses et sans les ordonner. -
Antérieurement , j'ai ajouté ce mot. - Ce n'est plus là
une œuvre de la nature, cette critique contre Anaxagore semble
contredire les éloges qui lui sont donnés dans le premier livre de
la Métaphysique, ch. 3, p. 984 de l'édition de Berlin. -
Ce qui n'est pas absolu, c'est-à-dire ce qui n'est pas toujours
de la même façon. - Une cause rationnelle, le texte dit
simplement :
« Une raison. »
§ 24. Comme l'a fait Empédocle, il doit paraître assez
étonnant qu'Empédocle soit mis ici au-dessus d'Anaxagore. - Cette
succession alternative, l'expression du texte est beaucoup plus
générale et plus vague.
§ 25. Affirmer simplement, cette critique s'adresse sans
doute à Empédocle aussi bien qu'à Anaxagore. - A l'induction,
c'est-à-dire à l'observation des phénomènes. - La démonstration,
en remontant à des principes évidents.
§ 26. Ne sont pas des causes, ne sont pas les causes qui puissent
sérieusement expliquer les phénomènes. - A quelles choses cette
succession s'applique, ou bien :
«
Par quelles causes il en est ainsi.
»
- Égaux et réguliers, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.
Cette objection, du reste, est très forte contre le système
d'Empédocle.
§ 27. Un principe et une cause, le texte n'a qu'un seul mot -
Démocrite réduit toutes les causes, c'est là le fond de la
métaphysique du matérialisme, qui, de fait, nie les causes ou
prétend qu'elles sont inaccessibles à l'intelligence humaine. -
Il ne croit pas devoir la rechercher, ce sont des théories qui
ont été mille fois répétées depuis Démocrite, et qui, de nos jours,
ont encore une certaine vogue. - Une autre cause, qui est le
principe même de la démonstration. Ainsi, il ne suffit pas
d'affirmer la propriété éternelle du triangle, on peut encore
démontrer cette propriété en remontant à des principes supérieurs. -
N'ont absolument aucune autre cause, ce sont les vrais
principes, qui sont indémontrables, et qui servent à démontrer tout
le reste. Voir la théorie de la démonstration, Derniers
Analytiques.
§ 28. Mais que ceci suffise, résumé de tout ce chapitre, où
il a été question cependant plutôt du mouvement que du temps.
|
CHAPITRE II.
Objections qu'on peut opposer à l'éternité du mouvement; elles sont au nombre de
trois : Tout changement a pour limites les contraires dans lesquels il se passe;
les êtres inanimés reçoivent le mouvement du dehors; les êtres animés se le
donnent. - Réponses à ces objections; théorie du mouvement dans les êtres
inanimés, où il est peut-être moins spontané qu'il ne le paraît. |
§
1. Il n'est pas difficile de répondre aux principes qu'on opposerait à ceux
qui viennent d'être développés; et voici les principaux arguments par lesquels
on pourrait démontrer que le mouvement s'est produit à un certain moment, sans
du tout avoir antérieurement existé.
§ 2. D'abord il n'y a point de
changement qui soit éternel, parce que naturellement tout changement va d'un
certain état à un certain état ; et par une conséquence nécessaire, tout
changement a pour limite les contraires dans lesquels il se passe. Il n'y a donc
pas de mouvement qui puisse aller à l'infini.
§ 3. En second lieu, on peut se
convaincre, par l'observation, qu'un objet qui n'est pas mu actuellement et n'a
en soi aucun mouvement, peut être mu à un certain moment ; par exemple, les
êtres inanimés, pour lesquels sans qu'une partie ni le tout se meuve, et
restant, au contraire, immobiles, il peut y avoir mouvement à un certain moment
donné. Mais si le mouvement ne peut pas naître et sortir du néant, il faut dire
alors, ou que le mouvement est éternel, ou qu'il est éternellement impossible.
§ 4. Ceci, du reste, est évidemment
bien plus sensible encore dans les êtres animés, et nous le voyons par
nous-mêmes; car, bien qu'il n'y ait en nous aucun mouvement, et qu'à ce moment
nous soyons en repos, néanmoins nous nous mettons en mouvement ; et c'est en
nous-mêmes que nous trouvons alors le principe du mouvement qui nous fait agir,
sans qu'il y ait la moindre intervention du dehors. Mais nous ne pouvons pas en
dire autant pour les choses inanimées, qui ne sont jamais mues que par une cause
extérieure. Pour l'être animé, au contraire, nous disons qu'il se meut lui-même,
attendu que, s'il demeure parfois dans un absolu repos, il se produit aussi en
lui un mouvement qui ne vient que de lui seul, et où le dehors n'est pour rien.
Mais si ce phénomène peut se passer dans l'animal, pourquoi ne se passerait-il
pas aussi tout à fait de même dans l'univers? Si c'est possible dans le petit
monde, ce l'est également dans le grand; et si c'est possible dans le monde,
c'est possible aussi dans l'infini, si toutefois l'infini peut, ou se mouvoir
tout entier, ou demeurer tout entier en repos.
§ 5. De ces divers arguments, le
premier dont nous avons parlé, et qui consiste à dire que le mouvement qui va
aux opposés ne peut pas être éternellement le même, et numériquement un, ce
premier argument est très vrai. On peut même trouver qu'il y a en ceci nécessité
absolue, puisqu'une seule et même chose ne peut avoir un mouvement qui soit un
et toujours le même ; numériquement. Je cite un exemple, et je demande si le son
d'une seule corde est toujours un seul et même son, ou si c'est toujours un son
différent, tant qu'elle reste semblable et semblablement mue. Mais, quoi qu'il
en soit de ceci, rien n'empêche que le mouvement ne soit un et le même, en étant
continu et éternel. C'est ce que l'on verra plus clairement par ce qui va
suivre.
§ 6. Il n'y a rien d'absurde à dire
qu'un corps qui n'était pas en mouvement peut y être mis, selon que le moteur
extérieur, tantôt existe, et tantôt n'existe point. Mais il faut examiner à
quelles conditions cela est possible. Je dis donc que la même chose peut tantôt
être mue par le même moteur capable de la mouvoir, et tantôt ne l'être pas. Cela
revient absolument à rechercher comment il se fait que les choses ne sont pas
toujours en repos ou toujours en mouvement.
§ 7. Quant au troisième argument,
c'est celui qui peut surtout embarrasser, quand on voit que dans les êtres
animés le mouvement se produit tout à coup, sans y avoir antérieurement apparu.
L'être est en repos; puis tout à coup il marche, sans qu'aucune cause extérieure
l'ait mis en action, du moins à ce qu'il semble. Mais c'est là une erreur. Dans
l'animal, il y a toujours quelqu'un des éléments naturels dont il est formé, qui
est en mouvement. Or, ce n'est pas l'être lui-même qui est cause du mouvement de
ces éléments, et c'est peut-être le milieu qui l'enveloppe. Nous ne disons pas
que ce soit l'être lui-même qui puisse se donner toute espèce de mouvement; mais
nous n'entendons désigner que le mouvement dans l'espace. Or, il se peut fort
bien, et peut-être même est-il nécessaire qu'il se passe dans le corps une foule
de mouvements causés par tout ce qui l'environne. Ces mouvements agissent à leur
tour sur la pensée et sur le désir, qui met alors lui-même en mouvement l'être
entier. C'est ce qu'on voit bien dans les phénomènes du sommeil, L'animal
s'éveille sans qu'il y ait de mouvement sensible, bien qu'il y ait pourtant un
mouvement d'un certain genre. Mais ce que nous allons dire éclaircira tout ceci.
|
Ch. II, § 1. Voici les principaux
arguments, Aristote les réduit à trois, et il les réfute après
les avoir exposés. - Le mouvement s'est produit à un certain
moment, et que, par conséquent, il n'est point éternel.
§ 2. Il n'y a point de changement, le mouvement et le
changement sont confondus ici, bien que parfois Aristote les
distingue. - A pour limites les contraires, l'un d'où il
part, et l'autre où il arrive. - Qui puisse aller à l'infini,
dans le temps pas plus que dans l'espace.
§ 3. On peut se convaincre par l'observation, le texte dit
simplement :
«
nous voyons.
» - Les êtres
inanimés, par exemple, une pierre qu'on lance, et qui n'a de
mouvement que celui qu'on lui communique.
§ 4. Bien plus sensible encore dans les êtres animés,
troisième argument plus fort que les deux précédents,
quoiqu'Aristote ne doive pas l'accepter davantage. Les êtres animés
se donnent à volonté le mouvement et le repos; pourquoi n'en
serait-il pas de même pour l'univers, dont l'homme est en quelque
sorte l'abrégé? - Le petit monde, c'est-à-dire l'homme. -
L'infini, voir la définition de l'infini, plus haut, Livre III,
ch, 9, § 1.
§ 5. Le premier dont nous avons parlé, plus haut, § 2. -
Qui va aux opposés, ou plutôt qui se passe entre les opposés,
allant de l'un à l'autre. - Un et toujours le même, il faut
supposer que le mouvement se produit en ligne droite. - Un son
différent, il est clair que c'est un son différent, puisqu'il
recommence, quoique d'ailleurs ce puisse être un son tout à fuit
semblable pour le diapason et l'intensité. Il en est de même pour le
mouvement entre deux contraires. Le mouvement est toujours
différent, bien qu'il soit toujours le même; il y a nécessairement
un intervalle de repos, quand le mouvement est obligé de retourner
en arrière. - En étant continu et éternel, c'est le mouvement
circulaire. - Par ce qui va suivre, voir plus loin, le
chapitre 12.
§ 6. Il n'y a rien d'absurde, ceci répond au second argument.
Comme les corps inanimés n'ont pas de mouvement, et qu'ils sont mus
par une cause extérieure, c'est pour cette cause extérieure qu'il
faut rechercher d'où lui est venu le mouvement ; et comment il se
fait que tantôt elle agisse et tantôt n'agisse pas.
§ 7. Quant au troisième argument, voir plus haut, § 4. - Mais
c'est là une erreur, ceci ne va pas à moins qu'à nier la liberté
dans l'homme. On peut la refuser aux animaux; mais nous la nier à
nous-mêmes, c'est contredire le témoignage le plus manifeste de la
conscience. - Agissent à leur tour sur la pensée, c'est vrai
dans bien des cas; mais ce n'est pas vrai dans tous. - Dans les
phénomènes du sommeil, le fait, pris ici pour exemple, est
exact; mais il ne prouve pas que les choses se passent
toujours exclusivement ainsi. - Eclaircira tout ceci, on
verra que la suite de ce traité n'éclaircit pas ce point délicat. La
théorie toute mécanique qui est développée ici, ne s'accorde pas
avec les théories d'Aristote sur la volonté dans la Morale; voir la
Morale à Nicomaque, Livre III, ch. I, § 6, tome II, p. 3 de
ma traduction. |
CHAPITRE
III.
Dans le monde, Il y a des choses en mouvement et des choses en
repos; démonstration de ce principe. Importance générale de la
théorie du mouvement; égale impossibilité de soutenir et que tout
soit en mouvement et quo tout soit en repos; en recourant à
l'observation des faits, on voit qu'il y a certaines choses qui sont
en repos, et d'autres qui sont en mouvement. |
§ 1. Nous
commencerons la discussion par la question que nous venons
d'indiquer, celle de savoir pourquoi il y a des êtres qui tantôt se
meuvent, et tantôt se remettent en repos.
§ 2. Nécessairement ou
tout est toujours en mouvement, ou tout est toujours en repos ; ou
bien certaines choses sont en mouvement, tandis que d'autres sont
dans un repos complet; et dans ce dernier cas, ou les choses en
mouvement sont dans un mouvement éternel, et les choses en repos y
sont aussi d'une manière éternelle; ou bien tout dans la nature peut
être indifféremment, soit en mouvement, soit en repos ; ou bien
enfin, et c'est la troisième et dernière supposition, parmi les
êtres il y en a qui sont éternellement immobiles, tandis que les
autres sont dans un mouvement éternel, et que d'autres encore
participent du mouvement et du repos tour à tour.
C'est là ce qu'il nous faut étudier ; car c'est là que se trouve la
solution de toutes les questions que nous nous sommes posées ; et ce
sera pour nous le complément définitif de tout ce traité.
§ 3. Prétendre que tout
est en repos, et en chercher la cause, sans tenir compte de
l'observation sensible, c'est on peut dire, une faiblesse
d'intelligence.
§ 4. C'est nier et mettre
en doute l'ensemble des choses physiques, et non pas simplement une
partie.
§ 5. Bien plus, ce sujet
n'intéresse pas uniquement le physicien ; il regarde aussi toutes
les sciences, à ce qu'il semble, et tous les systèmes, puisque
toutes font usage de l'idée du mouvement.
§ 6. Ajoutez que, de même
que dans les mathématiques, par exemple, les objections contre les
principes ne regardent pas directement le mathématicien, de même
ceci peut s'appliquer également à toutes les autres sciences, et le
problème que nous agitons ici n'est pas du domaine propre du
physicien, puisque pour lui c'est une hypothèse indispensable
d'admettre que la nature est le principe du mouvement.
§ 7. Sans doute, affirmer
que tout est en mouvement, c'est peut-être aussi une erreur; mais
cette erreur s'éloigne moins des vérités de la science ; car nous
avons établi que, dans les choses physiques, la nature est le
principe tout à la fois du mouvement et du repos, et le mouvement
est essentiellement un fait naturel.
§ 8. Quelques philosophes
soutiennent aussi que le mouvement n'est pas partiel, attribué à
telles choses et refusé à telles autres, mais que toutes choses sont
en mouvement, qu'elles y sont éternellement, et que seulement ce
phénomène échappe et se dérobe à nos sens.
§ 9. Quoique les
partisans de cette opinion n'aient pas dit de quel mouvement spécial
ils entendent parler, ou bien si c'est de toutes les espèces de
mouvement, il n'est pas difficile de les réfuter.
§ 10. Ainsi il n'est
pas possible que l'accroissement, ni la destruction, soient
continuels et perpétuels; et il y faut un moyen terme. Le
raisonnement est ici tout à fait le même que quand on essaie de
prouver que la goutte finit par percer la pierre, ou que la plante
qui y pousse finit par la rompre. En effet, si la goutte a creusé ou
enlevé telle partie de la pierre, cela ne veut pas dire que dans un
temps moitié moindre elle en ait enlevé antérieurement la moitié ;
mais les gouttes agissent ici comme les matelots qui font le halage
d'un navire; et tant de gouttes ont produit tel mouvement, sans que
cependant une partie des gouttes ait pu en produire telle quantité
dans aucune partie du temps. La portion enlevée de la pierre peut
bien se diviser en plusieurs parties ; mais aucune de ses parties
séparément n'a été mise en mouvement. Elles l'y ont été toutes
ensemble, Donc évidemment il n'est pas nécessaire que toujours
quelque chose se détache de la pierre, parce que la destruction peut
se diviser à l'infini ; mais seulement il est nécessaire que le tout
se détache enfin à un certain moment.
§ 11. Il en est
de même pour l'altération, quelle qu'elle soit; car l'altération
n'est pas divisible à l'infini par cela seul que l'objet altéré peut
se diviser infiniment. Mais souvent l'altération se fait tout d'un
coup, comme se fait, par exemple, la congélation de l'eau.
§ 12. C'est encore
comme dans la maladie, où nécessairement un temps vient où l'on peut
dire du malade qu'il guérira, et où ce n'est pas à l'extrémité même
du temps qu'il change tout d'un coup.
§ 13. Le changement ici
ne se fait nécessairement que de la maladie à la santé, et non point
à autre chose; et par conséquent, soutenir que le changement se fait
d'une manière perpétuelle, c'est contredire trop gratuitement les
faits les plus palpables, puisque l'altération se fait toujours d'un
contraire à l'autre.
§ 14. La pierre ne
devient, ni plus dure, ni plus tendre.
§ 15. Et quant à la
translation, il serait fort étonnant qu'on ne s'aperçût pas que la
pierre est portée en bas, ou bien qu'elle s'arrête par la terre.
§ 16. On peut ajouter
encore que la terre, et chacun des autres corps, doivent
nécessairement demeurer dans les lieux qui leur sont propres, et ce
n'est que par violence que le mouvement les éloigne de ces lieux.
Par conséquent, s'il est des corps qui demeurent dans les lieux qui
leur sont propres, il faut nécessairement que tous les corps ne
soient pas en mouvement dans l'espace.
§ 17. Ainsi, les
considérations que nous venons de présenter, et celles qu'on y
pourrait ajouter doivent prouver qu'il est également impossible, et
que tout soit en mouvement, et que tout soit en repos.
§ 18. Il ne se peut pas
non plus que telles choses soient éternellement en repos, et que
telles autres soient dans un mouvement perpétuel, et qu'il n'y ait
rien qui soit, tantôt en repos, et tantôt en mouvement.
§ 19. Il faut dire que
l'impossibilité que nous signalions un peu plus haut se répète
également ici, puisque nous voyons se produire dans les mêmes choses
les changements successifs dont nous venons de parler.
§ 20. Le contester, ce
serait vouloir combattre l'évidence. En effet, ni l'accroissement
des choses, ni le mouvement forcé qu'elles reçoivent quelquefois, ne
sont possibles à moins que le corps, précédemment en repos, ne
puisse recevoir un mouvement contre nature. Ainsi donc, cette
théorie méconnaît, et la génération, et la destruction des choses.
Or, tout le monde admet que le mouvement ne signifie guère que la
production et la destruction des choses; car l'état auquel passe
l'objet qui change, se produit, soit dans l'objet même, soit dans le
lieu; et l'état qu'il quitte en changeant périt, ou du moins change
de place.
§ 21. Donc évidemment,
il y a des choses qui, à certains moments, sont en mouvement ; et il
y a des choses qui, à certains moments, sont en repos.
§ 22. Quant à cette
opinion que tout est tantôt en repos, et tantôt en mouvement, il
faut la rapprocher des arguments qui viennent d'être rappelés.
§ 23. Mais c'est avec
les définitions que nous venons de donner ici, que nous pouvons
reprendre, pour point de départ, le même principe que nous avions
antérieurement adopté : Tout est en repos, ou tout est en mouvement;
ou bien, parmi les choses, les unes sont en mouvement, et les autres
en repos ; et en admettant le repos des unes et le mouvement des
autres, il faut nécessairement, ou que toutes soient tantôt en
repos, et tantôt en mouvement; ou que toujours les unes soient en
mouvement, et les autres toujours en repos; ou enfin qu'il yen ait
qui passent alternativement du repos au mouvement, et du mouvement
au repos.
§ 24. Plus haut, nous
avons déjà établi qu'il n'est pas possible que toutes choses soient
en repos. Mais reprenons encore ici cette considération ; car s'il
est vrai, ainsi qu'on le prétend parfois, que l'être est infini et
immobile, il faut du moins convenir que nos sens n'en peuvent rien
apercevoir, et qu'il est sous nos yeux une foule de choses qui se
meuvent. Si donc cette apparence est fausse, ou qu'on ne la prenne
que pour une simple apparence, il ne s'ensuit pas moins que le
mouvement existe, du moment qu'existe l'imagination, quand bien même
l'apparence serait de telle façon, puis tout à coup de telle autre ;
car l'imagination et l'opinion n'en sont pas moins elles-mêmes des
mouvements réels.
§ 25. Mais disserter et
faire des raisonnements sur des choses où nous pouvons avoir mieux
que des raisonnements, c'est mal juger le meilleur et le pire; c'est
mal discerner le certain de l'incertain, et ne pas savoir distinguer
ce qui est principe de ce qui ne l'est pas.
§ 26. II n'est pas
moins impossible que tout soit en mouvement, et que telles choses
aient un mouvement éternel, tandis que les autres sont éternellement
en repos. A tous ces systèmes, il y a toujours une seule réponse
péremptoire : Nous observons qu'il y a des choses qui sont, tantôt
en mouvement, et tantôt en repos. Donc évidemment, il est tout aussi
impossible que tout soit continuellement en repos, ou que tout soit
continuellement en mouvement, qu'il est impossible que, parmi les
choses, les unes soient dans un mouvement éternel, et les autres
dans un éternel repos.
§ 27. Reste donc à
examiner si tout est susceptible de mouvement et de repos, ou bien
s'il est des choses qui peuvent être ainsi, et s'il en est d'autres
qui peuvent être toujours en repos, et d'autres qui peuvent être
toujours en mouvement. C'est ce que nous allons démontrer. |
Ch. III, § 1. Que nous venons
d'indiquer, voir plus haut, ch. 2, § 6, et aussi § 3. Pour toute
la discussion qui va suivre, voir Platon, Lois, Livre X, p.
233.
§ 2. Nécessairement, d'abord Aristote pose les trois seules
hypothèses possibles, et ensuite il subdivise la dernière hypothèse
en trois autres. - Et dans ce dernier cas, c'est-à-dire celui
où certaines choses sont en mouvement, tandis que d'autres sont en
repos. - Une troisième et dernière supposition, c'est celle à
laquelle Aristote s'arrêtera définitivement. - C'est là ce qu'il
nous faut étudier, la troisième et dernière supposition. - Le
complément définitif de tout ce traité, ce passage servirait à
prouver que les huit livres de la Physique forment un
ensemble et un tout qu'on ne peut diviser. Voir la Dissertation
préliminaire.
§ 3. Dire que tout est en repos, et nier par conséquent le
mouvement; voir plus haut, Livre I, ch. 2, § 6. - Sans tenir
compte de l'observation, nos sens nous attestent le mouvement,
et ce doit être pour nous un principe indiscutable.
§ 4. Nier et mettre en doute, il n'y a qu'un seul mot dans le
texte. - L'ensemble des choses physiques, ou peut-être de la
Physique ; voir plus haut, Livre III, ch. 1, § 1.
§ 5. Puisque toutes font usage, cette assertion est peut-être
un peu trop générale; mais il faut se rappeler que dans les théories
d'Aristote, le mouvement s'applique non seulement au déplacement
dans l'espace, mais encore à l'altération et à la production des
choses.
§ 6. Les objections contre les principes, voir une théorie
analogue dans les Derniers analytiques, Livre 1, ch. 7, p. 47
de ma traduction. - Le problème que nous agitons ici, le
problème de savoir s'il y a ou non du mouvement. Voir plus haut,
Livre I, ch. 2, § 3, une déclaration toute semblable.
§ 7. Affirmer que tout est en mouvement, c'est le système
d'Héraclite. Voir plus haut, Livre 1, ch. 2, § 4, et ch. 3, § 10. -
Nous avons établi, voir plus haut, Livre 1, ch. 2, § 6.
§ 8. Quelques philosophes soutiennent aussi, ce § ne semble
guère qu'une répétition du précédent, et c'est seulement par la
conclusion qu'il en diffère. - Échappe et se dérobe à nos sens,
il n'y a qu'un seul mot dans le texte. Ces philosophes partaient
encore de l'observation sensible, qui atteste le mouvement, pour le
supposer dans les choses même où on ne le voit pas.
§ 9. De quel mouvement spécial, soit déplacement, soit
altération, soit génération, soit accroissement. C'est par cette
dernière espèce qu'Aristote va commencer.
§ 10. Soient continus et perpétuels, il n'y a qu'un seul mot
dans le teste. - Un moyen terme, où il y a un temps d'arrêt
et un repos. - La goutte finit par percer la pierre, ce n'est
pas un mouvement continu, et chaque goutte n'enlève pas une parcelle
de la pierre. Cette opinion est très contestable, et on pourrait, au
contraire, soutenir que dans ces deux cas le mouvement est continu,
sauf les intervalles des gouttes entre elles. - Connu les matelots
qui font le halage d'un navire, la comparaison n'est peut-être pas
très juste, puisque les matelots agissent tous ensemble et que les
gouttes ne peuvent agir que successivement. - Aucune de ses
parties séparément, c'est résoudre la question par la question,
et il est possible de concevoir que chaque goutte ait agi séparément
dans une proportion excessivement petite. - Elles l'y ont été
toutes ensemble, ceci est contraire à l'observation. - Le
tout se détache, même remarque, à moins qu'on n'entende par le
tout chaque morceau de la pierre, qui se détache après la chute de
plusieurs gouttes.
§ 11. L'altération n'est pas divisible à l'infini, on ne peut
pas dire cependant qu'elle soit instantanée, et on peut observer les
degrés successifs par lesquels passe une chose, par exemple, pour
devenir noire de blanche qu'elle était. - Souvent, mais pas
toujours. - La congélation de l'eau, cette observation n'est
peut-être pas elle-même tout à fait exacte. J'ai ajouté
«
De l'eau,
»
qui ne se trouve pas dans le texte.
§ 12. Qu'il guérira, la nuance de la pensée est ici très
délicate ; et Aristote veut dire qu'avant la guérison complète, il y
a dans toute maladie un moment où l'on peut prévoir qu'elle aura
lieu, en supposant toutefois qu'elle doive avoir lieu. Ce fait est
vrai; mais il semble qu'il prouve contre la thèse d'Aristote
peut-être autant que pour elle; car la guérison semblerait alors une
sorte de continuité. Mais cette continuité cesse, il est vrai, et
elle n'est pas perpétuelle. - Tout d'un coup, j'ai ajouté ces
mots.
§ 13. Se fait toujours d'un contraire à l'autre, et se
termine par conséquent à l'un des deux contraires, sans pouvoir être
perpétuelle.
§ 14. La pierre ne devient ni plus dure, la pensée est
obscure, parce que l'expression est trop concise. Aristote veut dire
sans doute qu'une des preuves du repos, c'est la stabilité de
certaines choses, des pierres, par exemple, qui demeurent toujours
aussi dures ou aussi molles qu'elles sont. Donc tout n'est pas en
mouvement. Cette objection n'est peut-être pas très bien choisie;
car la pierre elle-même s'altère dans bien des cas.
§ 15. Il serait fort étonnant, et l'on se mettrait en
contradiction avec le témoignage des sens, qui attestent et le
mouvement de la pierre et son repos après le mouvement qui l'a
précipitée à la surface du sol.
§ 16. La terre, et d'une manière générale les corps graves,
qui sont tous compris sous celle dénomination. - Ne soient pas en
mouvement, et, par conséquent, il y a du repos, malgré le
système contraire d'Héraclite, qui soutient que tout est dans un
perpétuel mouvement.
§ 17. Egalement impossible, voir plus haut les deux premières
hypothèses exposées dans le § 2. - Que tout soit en repos,
c'est le système de l'École d'Élée, opposé au système d'Héraclite.
§ 18. Il ne se peut pas non plus, c'est la première partie de
la troisième hypothèse; voir plus haut, § 2.
§ 19. Que nous signalions un peu plus haut, §§ 13, 14 et 15.
II faut s'en fier au témoignage des sens et ne rien admettre qui le
contredise. - Successifs, j'ai ajouté ce mot pour rendre la
pensée plus claire.
§ 20. Combattre l'évidence, que les sens nous attestent. -
L'accroissement des choses, voir plus haut, § 10, où il a été
démontré que l'accroissement n'est pas continu, et qu'il suppose
toujours des intervalles de mouvement et de repos. - Précédemment
en repos, le mouvement n'est donc pas perpétuel. - Cette
théorie, qui veut que le mouvement soit perpétuel et qu'il n'y
ait jamais de repos. - Soit donc l'objet même, soit dans le lieu,
le texte est fort concis, et j'ai dit le paraphraser plutôt que le
traduire.
§ 21. Donc évidemment, et d'après le témoignage de nos sens,
que nous ne pouvons récuser.
§ 22. Quant à cette opinion, la seconde partie de la
troisième hypothèse; voir plus haut, § 2. - Qui viennent d'être
rappelés, c'est-à-dire des arguments tirés du témoignage des
sens.
§ 23. Antérieurement adopté, voir plus haut, § 2. Il semble
qu'Aristote doit exactement répéter ici ce qui a été dit au § 2;
mais les manuscrits ne sont pas d'accord, et la reproduction des
idées n'est pas aussi fidèle qu'elle devrait l'être, Il eût été plus
simple de se répéter mot pour mot.
§ 26. Plus haut, § 17 et § 3. - Mais reprenons encore,
ce qui va suivre, en effet, n'est guère qu'une répétition de ce qui
précède. - Ainsi qu'on le prétend quelquefois, ceci fait
allusion à Mélissus et à Parménide ; voir Livre I, ch. 2, § 1. -
Nos sens n'en peuvent rien apercevoir, voir plus haut, § 8. -
Du moment qu'existe l'imagination, voir le Traité de l'âme,
Livre III, ch. 3, § 4, p. 78 de ma traduction. - Réels, j'ai
ajouté ce mot pour compléter la pensée et la rendre plus claire.
§ 25. Avoir mieux que des raisonnements, c'est-à-dire le
témoignage irrécusable des sens; voir plus haut, §§ 3et 43.
§ 26. Il n'est pas moins impossible, voir plus haut, § 2. -
Une seule réponse péremptoire, j'ai ajouté ce dernier mot.
§ 27. Reste donc à examiner, c'est la dernière partie de la
troisième hypothèse; voir plus haut, § 2. - Qui peuvent être
ainsi, c'est-à-dire qui sont tantôt en mouvement et tantôt en
repos. Ainsi, Aristote fait trois classes des choses : les unes sont
dans un éternel mouvement; les autres sont dans un éternel repos;
d'autres choses enfin sont alternativement soit en mouvement soit en
repos. |
CHAPITRE IV.
Distinctions diverses entre les moteurs et les mobiles : moteurs et
mobiles en soi; moteurs et mobiles accidentels. Faculté du mouvement
spontané dans les animaux; mouvement naturel; mouvement contre
nature; corps légers et corps pesants; leur mouvement naturel ne
peut cesser que par suite de quelque obstacle; ils le reprennent dès
que l'obstacle est écarté. La légèreté et la pesanteur des corps
sont des lois de la nature. - Tout ce qui est mu est mu par quelque
cause. |
§ 1. Pour les moteurs et
les mobiles, il faut distinguer ceux qui meuvent ou qui sont mus
d'une façon accidentelle ; et d'autres, au contraire, qui meuvent ou
sont mus essentiellement et en soi. Ainsi, le mouvement est
accidentel pour tous les objets qui ne l'ont que parce qu'ils sont
dans les moteurs et les mobiles, ou parce qu'ils n'ont le mouvement
que dans une partie seulement. Au contraire, les objets sont mobiles
et moteurs en soi et essentiellement, toutes les fois qu'ils ne sont
pas seulement dans le moteur ou dans le mobile, et quand ce n'est
pas simplement une de leurs parties qui meut ou qui est mue.
§ 2. Entre les moteurs et
les mobiles en soi, on peut encore distinguer ceux qui se meuvent
eux-mêmes, et ceux qui sont mus par un autre; ou bien ceux qui se
meuvent naturellement, et ceux qui sont mus par force et contre
nature.
§ 3. Ce qui se meut
soi-même est mu selon les lois de la nature ; et ce sont, par
exemple, tous les animaux, puisque l'animal est doué de la faculté
de se mouvoir lui-même. Aussi pour tous les êtres qui ont en
eux-mêmes le principe de leur mouvement, nous disons que c'est
naturellement qu'ils se meuvent; et c'est ainsi que par le vœu seul
de la nature l'animal se meut lui-même tout entier. Quant au corps,
il peut tout à la fois être mu, et naturellement, et contre nature ;
car il y a grande différence entre les mouvements qu'il peut avoir,
comme il y en a entre les éléments dont il est composé.
§ 4. Parmi les êtres qui
sont mus autrement que par eux-mêmes, les uns le sont suivant la
nature, les autres le sont contre nature ; et, par exemple, un
mouvement contre-nature, c'est celui des corps terrestres qui
iraient en haut, et celui du feu qui irait en bas.
§ 5. Les parties des
animaux peuvent souvent aussi être mues contre nature, quand elles
le sont contre leurs positions régulières, ou contre leurs modes
ordinaires de mouvement.
§ 6. C'est surtout dans
les mouvements contre nature qu'on voit clairement que le mouvement
est imprimé du dehors au mobile, parce qu'on voit alors avec pleine
évidence que le mobile est mu par un autre que lui-même.
§ 7. Après ces mouvements
contre nature, les plus manifestes sont ceux des êtres qui se
meuvent eux-mêmes, comme les animaux que nous citions tout à
l'heure. En effet, on ne peut pas hésiter à savoir clairement si
c'est un autre qu'eux-mêmes qui les pousse; mais on peut avoir
encore de l'hésitation sur ce qui meut, et ce qui est mu ; car il
semble que ce qui se passe pour les bateaux, et pour tous les autres
composés qui ne viennent pas de la nature, se passe aussi dans les
animaux, où l'on distingue ce qui fait mouvoir et ce qui est mu; et
c'est ainsi qu'on explique le mouvement de tout ce qui se meut
soi-même.
§ 8. Mais il y a le plus
grand doute pour le reste de la division que nous venons d'établir.
Ainsi, parmi les êtres qui sont mus par une force étrangère, nous
avons dit que les uns sont mus naturellement, et que les autres,
seule opposition qui reste possible, sont mus contre nature. Ce sont
ces derniers pour lesquels il y a difficulté de savoir par quelle
cause ils sont mus. Ainsi, quelle est la cause qui meut les corps
légers et les corps graves? Ces deux espèces de corps ne sont portés
que par force dans les lieux qui leur sont opposés. Quand ils
restent dans leurs lieux propres, le corps léger va naturellement en
haut ; le corps grave va naturellement en bas. Mais, en ce cas, qui
les meut? C'est là ce qui n'est pas de toute évidence, comme cela
l'est quand ils reçoivent un mouvement qui ne leur est pas naturel.
§ 9. En effet, il est
bien impossible de dire que ces corps se meuvent alors eux-mêmes;
car cette faculté est toute vitale, et elle appartient exclusivement
aux êtres animés.
§ 10. S'il en était
ainsi, ces corps pourraient tout aussi bien s'arrêter; et, par
exemple, si un corps est lui-même cause de la marche qu'il a, il
peut également être cause que cette marche s'arrête. Par conséquent,
s'il ne dépendait que du feu de se porter en haut, il pourrait tout
aussi bien se porter eu bas.
§ 11. Il ne serait pas
moins déraisonnable de croire que les éléments ne se donneraient
qu'un seul et unique mouvement, s'ils avaient la faculté de se
mouvoir eux-mêmes,
§ 12. On peut encore se
demander comment il est possible que le continu et l'homogène se
meuve lui-même ? En tant que un et continu, ce ne peut pas être par
le contact qu'il se meuve, puisqu'à cet égard il est impassible.
Mais c'est seulement en tant que séparés qu'il est possible que, de
deux objets, l'un agisse et l'autre souffre l'action. Ainsi donc
aucun de ses élément ne peut se mouvoir lui-même, puisqu'ils sont
homogènes, et nul autre continu ne le peut davantage. Mais il faut
que dans chaque cas, le moteur soit séparé du mobile, comme nous
l'observons pour les choses inanimées, lorsque quelque être animé
vient à les mettre en mouvement.
§ 13. Or, il est
certain que ces choses sont toujours mues par une cause étrangère ;
et c'est ce qu'on peut vérifier aisément en divisant les causes. On
peut même se convaincre pour les moteurs de l'exactitude des
principes qu'on vient de poser. Ainsi les uns sont susceptibles de
mouvoir les choses contre nature ; comme le levier qui,
naturellement, n'a pas la faculté de mouvoir les corps pesants ; et
les autres meuvent selon la nature ; comme, par exemple, ce qui est
chaud en acte et en fait, a le pouvoir de mettre en mouvement ce qui
n'est chaud qu'en puissance. Même remarque pour tous les cas
analogues. De même encore, on peut dire que le mobile selon la
nature, est ce qui a en puissance une certaine qualité, une certaine
quantité, et une certaine position, en supposant que cet objet a en
lui-même un tel principe de mouvement, et qu'il ne l'a pas
accidentellement ; car la quantité et la qualité peuvent se
confondre; mais alors l'une n'est qu'accidentellement à l'autre, et
elle n'y est pas essentiellement.
§ 14. Le feu et la
terre sont mus de force par quelque cause étrangère, quand ils sont
mus contre leur nature propre; ils sont mus non par force, mais
naturellement lorsque, tout en n'étant qu'en puissance, ils tendent
à leurs actes spéciaux.
§ 15. Mais comme
l'expression En puissance a plusieurs acceptions, c'est là ce qui
empêche de voir clairement la cause qui meut ces corps, le feu en
haut et la terre en bas.
§ 16. On est en
puissance d'une manière toute différente selon qu'on apprend, ou
selon qu'on possède la science, et que l'ayant déjà, on n'en fait
point usage.
§ 17. Mais toutes les
fois que ce qui peut agir et ce qui peut souffrir sont ensemble, le
possible vient à l'acte et se réalise. Par exemple, quand on apprend
quelque chose, on passe de la simple possibilité à un état où l' on
est tout autrement en puissance. En effet, celui qui possède la
science, mais qui ne l'applique pas, est savant, on peut dire encore
en puissance, mais il ne l'est pas comme il l'était avant de rien
apprendre. Quand il est dans cet état, il agit et il emploie sa
science si nul obstacle ne s'y oppose; ou autrement, on devra dire
qu'il est dans le contraire de la science et dans l'ignorance. Il en
est absolument de même en ceci pour les choses de la nature. Le
froid par exemple est chaud en puissance ; et quand il change, il
devient du feu et il brûle, si rien ne l'en empêche et ne lui fait
obstacle.
§ 18. C'est une
disposition toute pareille pour le léger et le pesant. Le léger
vient du pesant, comme par exemple l'air vient de l'eau. Le pesant
est en effet d'abord léger en puissance, et il devient léger en
réalité et en fait, dès qu'il n'y a rien qui l'en empêche. L'acte du
léger, c'est d'être en un certain lieu et en haut ; il en est
empêché quand il se trouve dans le lieu contraire ; et tout ceci
s'applique également à la quantité et à la qualité.
§ 19. Néanmoins on
demande encore pourquoi les corps légers ou les corps graves se
meuvent chacun vers le lieu qui leur appartient. Il faut répondre
que c'est par une loi de la nature qu'ils sont en certains lieux, et
que ce qui constitue essentiellement le léger et le pesant, c'est
que l'un se dirige exclusivement en haut, et que l'autre se dirige
en bas.
§ 20. Mais ainsi qu'on
vient de le dire, il y a plusieurs manières d'entendre le léger et
le pesant en puissance. Ainsi, l'eau est bien à certain point de
vue, légère en puissance ; et lorsqu'elle est de l'air, il est
possible encore que l'air ne soit léger qu'en puissance également;
car s'il rencontre quelque obstacle, il ne peut aller en haut; mais
dès que l'obstacle a disparu, le léger agit et il monte toujours
plus haut. De même aussi la qualité change pour arriver à être en
acte ; car lorsqu'on sait quelque chose, on peut sur le champ
appliquer la science si rien ne vient vous en empêcher. De même
encore, la quantité s'étend et se dilate, si rien ne l'arrête.
§ 21. Mettre en
mouvement l'obstacle qui s'oppose à l'acte et l'empêche, c'est
encore mouvoir, du moins d'une certaine manière, et dans un autre
sens ce n'est pas précisément mouvoir. Par exemple, si l'on retire
la colonne qui soutient quelque chose, ou si l'on ôte une pierre qui
est sur une outre dans l'eau, c'est encore mouvoir indirectement, de
même que la balle qui est renvoyée est mise en mouvement non par le
mur, mais par le joueur qui l'a lancée.
§ 22. Il est donc clair
qu'aucun de ces corps ne se meut spontanément lui-même ; mais ils
ont encore le principe du mouvement, non pour mouvoir ou pour
produire le mouvement, mais pour le recevoir et le souffrir.
§ 23. Ainsi, on le
voit, tous les mobiles sont mus, soit naturellement, soit contre
nature et par force. Tout ce qui est mu par force et contre nature
est mu par quelque cause et quelque cause étrangère. Parmi les
choses qui sont mues selon leur nature, celles qui se meuvent
elles-mêmes sont mues encore par quelque cause, aussi bien que
celles qui ne se meuvent pas par elles-mêmes, comme les corps légers
et pesants ; car les corps reçoivent leur mouvement de ce qui les
produit en les rendant pesants ou légers, ou de ce qui écarte les
obstacles qui les empêchaient d'agir. Donc, il semble que tout ce
qui est mu, que tous les mobiles, reçoivent leur mouvement de
quelque chose. |
Ch. IV, § 1. D'une façon
accidentelle, ou indirecte. - Qui meuvent ou sont mus,
j'ai répété ces mots, que n'a pas le texte, pour que la pensée fût
plus claire. - Parce qu'ils sont dans les moteurs, ainsi un
matelot qui est dans le navire n'a qu'un mouvement accidentel, quand
il n'a que celui du navire qui le porte. - Ils n'ont le mouvement
que dans une partie, comme on dirait d'un chien qu'il se meut,
par cela seul qu'il remue sa queue. C'est là un mouvement
accidentel, parce que ce n'est pas l'être entier, mais seulement une
de ses parties qui est mue. - En soi et essentiellement, il
n'y a qu'un seul mot dans le texte.
§ 2. Les moteurs et les mobiles en soi, il faut entendre ceux
qui se meuvent tout entiers; cette nuance est indispensable pour
qu'il n'y ait point ici quelque contradiction; car il est clair que
quand un être se meut lui-même, c'est qu'il n'est pas mu par un
autre.
§3. Ce qui se meut soi-même, il faut sous-entendre : Tout
entier, et non dans une de ses parties, ce qui ne serait plus qu'un
mouvement indirect et accidentel. Cette distinction sera faite
d'ailleurs expressément un peu plus bas. - L'animal se meut
lui-même tout entier, c'est-à-dire selon les deux parties qui le
composent : l'âme et le corps. - Et contre nature, lorsque
par quelque accident le corps reçoit un mouvement que la volonté ne
lui donnerait pas. - Comme il y en a, le texte est un peu
moins précis.
§ 4. Autrement que par eux-mêmes, ce sont toutes les choses
inanimées. - Des corps terrestres, ou terreux,
c'est-à-dire des corps pesants comme la terre,
§ 5. Les parties des animaux, au lieu de l'animal tout
entier. - Contre leurs positions régulières, les
commentateurs citent l'exemple des saltimbanques, qui marchent la
tête en bas sur leurs mains. - Contre leurs modes ordinaires de
mouvement, la main, par exemple, est faite pour se fermer, les
doigts se rapprochant et se pliant en dedans. C'est un mouvement
contre nature, quand on force les doigts à fléchir en arrière.
§ 8. Est imprimé du dehors au mobile, c'est, par exemple, une
pierre lancée par quelqu'un; on voit alors aussi clairement que
possible que le mobile reçoit le mouvement d'une cause qui lui est
étrangère.
§ 7. Les plus manifestes, c'est-à-dire ceux où se montre le
plus clairement qu'ils sont mis en mouvement par une cause autre
qu'eux-mêmes. - Comme les animaux, il faut se rappeler qu'on
a distingué deux éléments dans l'animal, l'âme et le corps; voir
plus haut, § 3. - Un autre qu'eux-mêmes, ceci peut être
discutable, à moins qu'on ne comprenne que l'âme, qu'on ne voit pas,
meut le corps, qui est le seul qu'on voie et qui frappe nos sens. -
Sur ce qui meut et ce qui est mu, l'âme étant dans le corps
le principe et la cause du mouvement, et le corps étant le mobile.
Voir dans le Traité de l'âme, Livre Il, ch. 4, § 6, p. 490 de
ma traduction, toute la théorie de la locomotion. - Ce qui se
passe pour les bateaux, c'est le marinier qui les fait mouroir;
il est dans le bateau, qui sans lui n'aurait pas de mouvement. L'âme
est supposée dans le corps comme le matelot dans le navire. - De
tout ce qui se meut soi-même, où la partie apparente et sensible
est toujours mise en mouvement par une autre.
§ 8. Mais il y a le plus grand doute, c'est-à-dire qu'on ne
sait pas si les corps légers et graves sont mus par une autre cause
qu'eux-mêmes. - Pour le reste de la division, voir plus haut,
§ 4. - Que nous venons d'établir, id., ibid. Le
texte n'est pas tout à fait aussi précis. - Nous avons dit,
voir plus haut, § 4. - Ces derniers, c'est-à-dire les corps
graves qui iraient en bas, et les corps légers qui iraient en haut.
Le mouvement est alors parfaitement naturel; à quelle cause faut-il
le rapporter? c'est là la question qui remplira le reste du
chapitre. - En ce cas, j'ai ajouté ces mots pour compléter la
pensée. - Un mouvement qui ne leur est pas naturel, car alors
on voit nettement la cause qui leur communique mouvement contre
nature.
§ 9. Se meuvent alors eux-mêmes, c'est-à-dire, quand ils
n'ont que leur mouvement propre et naturel. - Toute vitale,
ou plutôt:
«
animale. »
§ 10. S'il en était ainsi, le texte n'est pas tout à fait
aussi formel. - Tout aussi bien s'arrêter, et se tenir en
repos. - S'il ne dépendait que du feu, l'argument est très
fort pour prouver que le feu n'a pas en lui-même une libre cause de
mouvement.
§ 11. Un seul et unique mouvement, cet argument n'est pas
moins bon que celui qui précède.
§ 12. Le continu et l'homogène, comme le sont les éléments,
la terre, L'eau, l'air, le feu, que les anciens supposaient
absolument homogènes, chacun dans leur genre. On ne connaissait
point alors les corps simples dont ces prétendus éléments, ou trois
au moins, sont composés. - Qu'il se meuve, j'ai ajouté ces
mots pour que la pensée fût plus claire. - Il est impassible,
c'est-à-dire que le corps étant supposé continu, il ne peut point se
toucher lui-même. - Mais c'est seulement en tant que séparés,
le texte n'est pas tout à fait aussi précis. - Puisqu'ils sont
homogènes, on petit le dire peut-être du feu ; mais c'est
inexact pour les trois autres éléments. On pouvait, il est vrai, s'y
méprendre longtemps pour l'eau et pour l'air; mais il est singulier
qu'on n'ait pas tout d'abord distingué plusieurs éléments dans le
prétendu élément de la terre.
§ 13. Ces choses, c'est-à-dire les éléments naturels, dont il
vient d'être question un peu plus haut. - En divisant las causes,
cette expression est obscure, et Aristote veut dire sans doute qu'on
peut se convaincre de cette théorie en examinant chacune des causes
du mouvement dans chaque cas particulier. - Pour les moteurs,
après avoir étudié les mobiles. - Qui naturellement n'a pas la
faculté, et qui a besoin pour agir d'être mis lui-même en
mouvement par quelque force étrangère. - Ce qui est chaud en acte,
le feu, par exemple, qui est actuellement chaud et qui échauffe les
corps qui sont susceptibles d'être échauffés, et ne sont chauds
qu'en puissance. - En acte et en fait, il n'y a qu'un seul
mot dans le texte. - De mettre en mouvement, c'est-à-dire
d'échauffer. - Ce qui n'est chaud qu'en puissance, l'eau, par
exemple, qui a la faculté de s'échauffer quand le feu est en contact
avec elle. - A en lui-même le principe du mouvement, au sens
où en l'a dit plus haut, § 4. - L'une n'est qu'accidentellement à
l'autre, cette pensée est exprimée d'une manière trop concise,
et elle reste obscure.
§ 14. Lorsqu'en n'étant qu'en puissance, la terre n'est grave
en acte que quand elle tombe et descend par son mouvement naturel;
elle est grave seulement en puissance tant qu'elle ne tombe pas. Il
est plus difficile de comprendre cette même distinction pour le feu.
- A leurs actes spéciaux, l'acte spécial de la terre, c'est
de descendre; l'acte spécial du feu, c'est de monter.
§ 15. C'est là ce qui empêche, Aristote sent lui-même le
besoin d'expliquer ce qu'il vient de dire. - De voir clairement
la cause, voir plus loin, § 19.
§ 16. On est en puissance, il faudrait dire plutôt
«
on est savant en puissance.
»
- Selon qu'on apprend, quand on ne sait pas encore. - On
n'en fait point usage, le texte dit précisément :
«
On ne contemple point.
»
J'ai préféré l'autre expression, qui est plus claire dans notre
langue.
§ 17. Ce qui peut agir et ce qui peut souffrir, l'expression
aurait pu être plus claire. - Où l'on est tout autrement en
puissance, dans le premier cas on ne savait rien, mais on était
savant en puissance, c'est-à-dire qu'on était susceptible
d'apprendre ; dans le second cas, on sait; mais comme on n'applique
pas la science qu'on possède, ou qu'on n'y pense pas, on n'est
encore savant qu'en puissance. Or, celle seconde situation est toute
différente de la première, - Ou autrement on devra dire, le
texte n'est pas tout à fait aussi précis. Si l'on ne fait pas usage
de la science, quand rien ne s'y oppose, c'est qu'on ne la possède
pas ainsi qu'on le croyait. - Le froid est chaud en puissance,
ceci peut paraitre assez subtil, quoique ce ne soit pas faux,
attendu que les choses froides peuvent en effet s'échauffer, si les
conditions viennent à changer.
§ 18. L'air vient de l'eau, quand l'eau se vaporise par la
chaleur ou par toute autre cause. - A la quantité et à la qualité,
voir plus haut § 13, et plus bas § 20.
§ 19. Les corps légers ou les corps graves, voir plus haut §
8; c'est là la seule question à discuter. - C'est par une loi de
la nature, il semble que cette réponse, qui est en effet la
seule, s'est fait bien longtemps attendre. - Exclusivement,
j'ai ajouté ce mot qui est implicitement dans le texte.
§ 20. Ainsi qu'on vient de le dire, voir plus haut § 15. -
Légère en puissance, c'est-à-dire que dans certaines
circonstances elle peut devenir légère, en changeant de nature. -
La qualité change, par exemple, la qualité de la science; voir
plus haut § 17. - S'étend et se dilate, il n'y a qu'un seul
mot dans le texte. Un exemple aurait été nécessaire ici pour bien
éclaircir la pensée.
§ 21. Mettre en mouvement l'obstacle, il eût été plus exact
de dire : «
Éloigner l'obstacle.
»
- Ce n'est pas précisément mouvoir, c'est seulement rendre le
mouvement possible. - Qui soutient quelque chose, et qu'alors
cette chose tombe emportée par son poids naturel. - Qui est sur
une outre dans l'eau, et qui empêche l'outre gonflée d'air de
remonter à la surface. - C'est encore mouvoir indirectement,
ou «
accidentellement.
»
- Non par le mur, sur lequel elle est frappée.
§ 22. Non pour mouvoir, il semble que ce soit détourner un
peu le sens vrai des mots, et que ce soit faire une équivoque.
§ 23. Ainsi, on le voit, résumé de tout ce chapitre, où
Aristote s'est proposé de démontrer que tout ce qui est en mouvement
est mu par quelque cause soit interne soit étrangère. - Par
quelque cause, qui est une cause intérieure pour les animaux. -
Comme les corps légers et pesants, il semble au contraire
qu'ils aient le mouvement par eux-mêmes, puis qu'ils l'ont par
une loi de la nature. - Donc tout ce qui est mu, conclusion
générale, d'où Aristote tirera plus tard toutes les conséquences en
ce qui regarde le premier moteur. |
CHAPITRE V.
Préliminaires de la théorie générale du moteur immobile. Nouvelles
distinctions dans les moteurs; moteurs directs, moteurs indirects;
mouvement du bâton remontant jusqu'à l'homme qui le fait mouvoir ;
double démonstration de ces principes; il faut toujours arriver en
remontant de proche en proche à un moteur qui soit lui-même
immobile. Nature du moteur immobile ; opinion d'Anaxagore. - Des
espèces différentes de mouvement que le moteur mobile peut recevoir
et transmettre ; démonstrations diverses. |
§ 1. La proposition qu'on
vient d'énoncer peut avoir deux sens : car, ou le moteur ne meut pas
par lui-même, mais par une autre cause qui met le moteur lui-même en
mouvement, ou bien le moteur meut par lui même. On peut encore
distinguer dans ce dernier cas deux hypothèses: ou le moteur est le
premier après l'extrême qui donne le mouvement, ou il meut par
plusieurs intermédiaires. Ainsi le bâton meut la pierre, mu lui-même
par la main que meut l'homme, et l'homme produit le mouvement, sans
lui-même être mu par une autre cause.
§ 2. Nous disons
également de ces deux moteurs, et du dernier et du premier, qu'ils
donnent le mouvement; mais cela s'applique surtout au premier moteur
qui meut le dernier, sans que le dernier puisse à son tour mouvoir
le premier. Sans le premier moteur, le dernier reste incapable de
mouvoir ; et celui-ci ne peut agir sans celui-là ; car le bâton ne
transmettra en rien le mouvement, si l'homme ne le lui donne.
§ 3. Si donc tout ce qui
est mis en mouvement est nécessairement mu par quelque chose, et si
c'est par une autre chose qui est mue elle-même ou n'est pas mue, il
faut aussi de toute nécessité, en supposant le mobile mu par un
autre, qu'il y ait un premier moteur qui ne soit pas mu lui-même par
une autre cause. Si ce moteur premier est bien en effet le premier,
il n'est pas besoin d'en rechercher un autre ; car il est impossible
de remontrer à l'infini du moteur au mobile mu lui-même par un
autre, puisque dans l'infini il n'y a point de premier.
§ 4. Si donc tout mobile
est mu par quelque chose, et si le moteur premier ne peut pas être
mu par un autre, il faut de toute nécessité que ce moteur se meuve
lui-même.
§ 5. Voici encore une
autre démonstration de ce même principe. Tout moteur meut quelque
chose et par quelque chose. Le moteur meut par lui seul ou par
l'intermédiaire d'un autre. Par exemple, l'homme meut directement la
pierre, ou il la meut par le moyen de son bâton; et le vent renverse
directement un objet, ou c'est la pierre que le vent a chassée.
§ 6. Or, il est
impossible qu'il y ait mouvement sans un moteur qui meuve par
lui-même ce par quoi il meut ; et s'il le meut par lui-même, il n'y
a plus besoin qu'il y ait un autre intermédiaire par lequel il
meuve. Mais s'il y a quelque autre objet par lequel il meut, il
faudra bien un moteur qui meuve, non plus par quelque chose mais par
lui-même, ou autrement on irait à l'infini.
§ 7. En arrivant à un
mobile qui meut à son tour, il faut nécessairement s'arrêter, et il
n'y a plus de série à l'infini. En effet, si le bâton donne le
mouvement parce qu'il est mu par la main, c'est alors la main qui
meut le bâton, Mais si l'on suppose que c'est encore par elle que
quelque autre chose donne le mouvement, il faut aussi que le moteur
qui la met en mouvement soit différent; et quand un moteur différent
meut par quelque chose, il faut nécessairement qu'il y ait
antérieurement un moteur qui meuve par lui-même.
§ 8. Si donc, le moteur
est mu, et qu'il n'y en ait plus un autre qui le meuve, il faut bien
nécessairement qu'il se meuve lui-même spontanément. Par conséquent,
ce raisonnement prouve directement que le mobile est mu par le
moteur qui se meut lui-même, ou du moins qu'il faut remonter jusqu'à
un moteur de ce genre.
§ 9. On arrive d'ailleurs
à cette même conclusion en se mettant à un point de vue nouveau,
outre ceux qui viennent d'être indiqués. En effet, si tout ce qui
est mu est mis en mouvement par un moteur qui est mu lui-même, il
n'y a que cette alternative : ou c'est un accident des choses que le
mobile transmette le mouvement qu'il a lui-même reçu, sans se
mouvoir de son propre fonds ; ou bien ce n'est pas accidentel, mais
c'est en soi.
§ 10. D'abord si l'on
dit que c'est par accident, alors il n'y a pas nécessité que le
mobile soit mu ; et ceci admis, il est clair qu'il est possible
qu'aucun être au monde n'ait de mouvement; car l'accident n'est pas
nécessaire, et il peut ne pas être.
§ 11. Si donc nous
admettons que le possible a lieu, il n'y a rien là d'absurde, bien
qu'il puisse y avoir une erreur. Mais il est impossible qu'il n'y
ait pas de mouvement au monde ; car, ainsi qu'on l'a démontré
antérieurement, il y a nécessité que le mouvement soit éternel.
§ 12. Ceci d'ailleurs
est parfaitement conforme à la raison. En effet, il y a ici trois
termes indispensables: le mobile, le moteur, et ce par quoi il cause
le mouvement. Le mobile doit nécessairement être mu ; mais il n'y a
pas nécessité qu'il meuve à son tour. Quant à ce par quoi le moteur
donne le mouvement, il doit à la fois mouvoir et être mu. En effet,
ce terme change en même temps que le mobile, puisqu'il est dans le
même temps et dans la même condition que lui. C'est ce qu'on peut
voir clairement dans les corps, qui meuvent dans l'espace et qui
déplacent; ils doivent en effet se toucher l'un l'autre jusqu'à un
certain point. Enfin le moteur est immobile de façon à ce qu'il n'y
ait plus d'intermédiaire par lequel il transmette le mouvement. Mais
comme nous voyons que le terme extrême est mu sans avoir en lui-même
le principe du mouvement, et que le mobile qui est mu l'est par un
autre et non par lui-même, il est très rationnel, pour ne pas dire
nécessaire, d'en conclure qu'il y a un troisième terme qui meut,
tout en restant lui-même immobile.
§ 13. Aussi, Anaxagore
a-t-il bien raison quand il dit que l'Intelligence est à l'abri de
toute affection et de tout mélange, du moment qu'il fait de
l'Intelligence le principe du mouvement; car c'est seulement ainsi,
qu'étant immobile, elle peut créer le mouvement, et qu'elle peut
dominer le reste du monde en ne s'y mêlant point.
§ 14. Cependant si le
moteur est mu lui-même, non pas par accident, mais nécessairement,
et s'il ne peut donner le mouvement sans le recevoir d'abord, il
faut nécessairement que le moteur, en tant qu'il est mu, reçoive ou
la même nature de mouvement, ou une autre espèce de mouvement. Par
exemple, il faut que ce qui échauffe soit lui-même échauffé, que ce
qui guérit soit lui-même guéri, que ce qui transporte soit lui-même
transporté; ou bien il faut que ce qui guérit soit transporté, et
que ce qui transporte soit doué d'un mouvement d'accroissement. Mais
il est trop clair que cette dernière supposition est impossible. En
effet, il faudrait alors pousser la division jusqu'aux cas
individuels; et, par exemple, si quelqu'un enseigne la géométrie, il
faudrait qu'on lui enseignât aussi à lui-même la même proposition de
géométrie qu'il montre à un autre ; si l'on jetait quelque chose, il
faudrait qu'on fût soi-même jeté d'un jet tout pareil. Ou bien, si
le mouvement n'est pas pareil, il faudrait qu'il fût d'un autre
genre, et d'une espèce différente. Ainsi, le corps qui en
transporterait un autre, aurait lui-même le mouvement
d'accroissement, de même que le corps qui accroîtrait un autre corps
serait à son tour altéré par un autre, de même encore que le corps
qui en altérerait un autre, aurait aussi lui-même une autre espèce
de mouvement. Mais il y a nécessité de s'arrêter quelque part,
puisque les espèces de mouvements sont en nombre limité. Si l'on
prétend qu'il y a retour du mouvement, et que le corps qui altère
est transporté lui-même plus tard, cela revient absolument à dire de
prime abord que ce qui transporte est transporté, que ce qui
enseigne est enseigné, etc. ; car évidemment tout mobile est
toujours mu aussi par le moteur supérieur, et il est mis davantage
en mouvement par le premier de tous les moteurs. Mais cela est
impossible ; car celui qui enseigne peut bien aussi apprendre
lui-même ; mais il n'en faut pas moins nécessairement que l'un n'ait
point la science, et que l'autre, au contraire, la possède.
§ 15. Mais on arrive
encore à une autre conséquence bien plus absurde que toutes
celles-là, à savoir que tout ce qui peut donner le mouvement le
reçoit, si l'on soutient que tout mobile est mu par un autre mobile.
Dire qu'il est mu, c'est comme si l'on soutenait que tout ce qui est
capable de guérir guérit en effet, et peut lui-même être guéri ; et
que ce qui est capable de construire est construit, ou directement
ou par plusieurs intermédiaires. Par exemple, cela revient à. dire
que tout ce qui a la faculté de mouvoir est mis en mouvement par un
autre moteur, sans que le mouvement reçu soit le même que celui qui
est transmis à la chose voisine, et au contraire, en supposant qu'il
est différent, comme si, par exemple, ce qui a la faculté de guérir
était instruit. Mais en remontant ainsi de proche en proche, on
arriverait à la même espèce de mouvement, ainsi que nous l'avons dit
un peu plus haut. Donc on voit que l'une de ces conséquences est
absurde, et l'autre erronée ; car il est absurde de croire qu'un
être qui a la faculté de produire une altération, doit
nécessairement à son tour être accru. Donc en résumé, il n'est pas
nécessaire que tout mobile soit sans exception mis en mouvement par
un autre mobile qui serait mu lui-même; donc il y aura un temps
d'arrêt, de telle sorte que de deux choses l'une : ou le mobile sera
mu primitivement par quelque chose qui est en repos, ou bien il se
donnera à lui-même le mouvement.
§ 16. Quant à la
question de savoir quel est le principe et la vraie cause du
mouvement, ou de l'être qui se meut lui-même, ou de celui qui est mu
par un autre, c'est ce que tout le monde peut décider ; car ce qui
est cause en soi est toujours antérieur à ce qui n'est cause que par
un autre. |
Ch. V, § 1. La proposition qu'on
vient d'énoncer, à la fin du chapitre précédent. - Est le
premier après l'extrême, ceci est expliqué par les exemples qui
suivent, et qui sont très clairs. L'homme est le moteur initial,
et le bâton qui remue la pierre est le moteur extrême.
§ 2. Au premier moteur,
c'est-à-dire l'homme. - Qui meut le dernier, c'est-à-dire le
bâton. - Celui-ci, le dernier moteur ou le bâton. - Sans
celui-ci, le premier moteur ou l'homme.
§ 3. Un premier moteur qui ne soit
pas mu, c'est là la proposition qui sera démontrée dans ce
chapitre.- Il n'est pas besoin d'en rechercher un autre,
puisqu'on a précisément ce qu'on cherche. - Il n'y a point de
premier, et l'on a démontré ici qu'il y a un premier moteur.
§ 4. Ne peut pas être mu par un
autre, car alors il ne serait plus le moteur initial. - Que
ce moteur se meuve lui-même, au chapitre suivant, il sera
expliqué comment le moteur premier se meut lui-même.
§ 5. Voici encore une autre
démonstration, cette démonstration donnée ici pour différente
ressemble beaucoup à celle qui précède, et ce n'en est guère qu'une
répétition. - Et par quelque chose, cette seconde condition
n'est pas nécessaire; car le moteur peut mouvoir directement et sans
intermédiaire. On ne peut pas dire alors qu'il meuve par quelque
chose, à moins que l'on n'entende aussi sous cette formule générale
qu'il meut par lui-même.
§ 6. Il n'y a plus besoin,
c'est en quelque sorte la répétition du § 3 ci-dessus. - L'on
irait à l'infini, autre répétition.
§ 7. C'est alors la main,
considérée comme premier moteur. - Qui meuve par lui-même,
voir plus haut, § 4.
§ 8. Le moteur est mu, l'expression du texte est plus vague.
- Est mu par le moteur, soit directement soit indirectement,
par un ou plusieurs intermédiaires.
§ 9. A cette même conclusion, à
savoir que le premier moteur doit se mouvoir lui•même. - Un point
de vue nouveau, la différence de ce point de vue nouveau est
très légère ; et on ne s'aperçoit pas qu'il ajoute beaucoup à la
démonstration précédente. - C'est un accident... c'est en soi,
il sera démontré que ces deux alternatives sont impossibles, § 10 et
§ 14. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que tout moteur soit
mu par une cause étrangère.
§ 10. Il n'y a pas nécessité,
puisque l'accident ne peut jamais être nécessaire. - Aucun être
au monde n'ait de mouvement, ce qui est formellement contraire
au témoignage irrécusable des sens; voir plus haut, ch. 1. - Et
il peut ne pas être, voir la définition de l'accident,
Métaphysique, Livre V, ch. 9, p. 1017 de l'édition de Berlin.
§ 11. Que le possible a lieu,
c'est-à-dire qu'il n'y a pas de mouvement, puisqu'ou admet qu'il est
possible qu'il n'y en ait pas. - Il n'y a rien là d'absurde,
puisque c'est la conséquence de l'hypothèse admise. - Ainsi qu'on
l'a démontré antérieurement, voir plus haut, ch. 1.
§ 12. Ceci d'ailleurs, quelques
commentateurs ont trouvé non sans raison que ce § interrompait la
suite de la pensée, et qu'il anticipait sur les théories du chapitre
suivant. - Et ce par quoi il cause le mouvement, et qui peul
être un principe intérieur, ou un intermédiaire extérieur. - Le
mobile doit nécessairement être mu, car autrement il ne serait
pas le mobile. - Change en même temps que le mobile, le texte
n'est pas tout à fait aussi précis. - Jusqu'à un certain point,
ainsi de plusieurs corps qui se meuvent en se poussant mutuellement,
le dernier est mu sans mouvoir à son tour, parce qu'il ne touche
plus un autre corps. - Il transmette le mouvement, il
serait plus exact de dire :
«
par lequel le mouvement soit transmis.
»
- Le terme extrême, par exemple, la pierre mise en mouvement
par le bâton que dirige la main. - Un troisième terme, le
moteur initial.
§ 13. Anaxagore a-t-il bien
raison, bel éloge d'Anaxagore. Voir la Métaphysique,
Livre I, ch, 3, p. 984 de l'édition de Berlin.
§ 14. Non pas par accident,
voir plus haut, § 9. C'est la seconde alternative. - Une autre
espèce de mouvement, plus haut, Livre V, ch. 3, § 1. Aristote a
distingué trois espèces de mouvement dans trois catégories
différentes: la quantité, la qualité et le lieu.- Jusqu'aux cas
individuels, cette pensée n'est pas assez clairement exprimée;
et il aurait fallu la développer un peu davantage. L'exemple donné
dans le texte ne suffit pas pour l'éclaircir. - Transporterait...
Accroissement,.. Altéré, ce sont les trois seules espèces de
mouvement, dans les catégories du lieu, de la quantité et de la
qualité. - Sont en nombre limité, c'est-à-dire au nombre de
trois; voir plus haut, Livre V, ch. 3, § 1. - Il y a retour du
mouvement, c'est-à-dire que le même mouvement revient après une
période plus ou moins longue. - Que l'un n'ait point la science,
c'est le disciple qui reçoit l'enseignement. - Que l'autre au
contraire la possède, c'est le maître qui donne la leçon.
§ 15. Une autre conséquence,
ce § n'est guère qu'une répétition sous une autre forme de celui qui
précède; la pensée est la même, et l'expression seule varie. -
Dire qu'il est mu, il faudrait ajouter :
«
De la même espèce de mouvement,
»
pour que la pensée fût complète. - Ainsi que nous l'avons dit un
peu plus haut, au § précédent. - L'une de ces conséquences,
à savoir que tout moteur est animé du même mouvement que celui qu'il
transmet. - Et l'autre, à savoir que le moteur doit toujours
être mu lui-même, et avoir un mouvement différent de celui qu'il
transmet au mobile. - Donc en résumé, cette conclusion ne
ressort pas assez directement des développements qui précèdent.
§ 16. La vraie cause, j'ai
ajouté le mot : Vraie. - Antérieur et supérieur;
antérieur par le rang et non par le temps. |
CHAPITRE VI.
Du moteur qui se donne a lui-même le mouvement, avant de le
communiquer à d'autres; nature du mouvement qu'il se donne; Il y a
nécessairement une partie du moteur qui se meut et une autre partie
qui est mue; démonstration de ce principe; examen de diverses
hypothèses. |
§ 1. Comme conséquence de
ce qui précède, et en partant d'un principe différent, il faut voir,
en supposant qu'il y ait quelque chose qui se meuve soi-même,
comment et de quelle manière il se meut.
§ 2. D'abord tout mobile
est nécessairement divisible en parties qui sont elles-mêmes
toujours divisibles ; car c'est un principe qu'on a démontré plus
haut dans les généralités sur la nature, que tout ce qui est mobile
en soi est continu.
§ 3. Or, il est
impossible que ce qui se meut soi-même se meuve soi-même tout
entier; car alors il serait transporté tout entier, en même temps
qu'il transporterait par le même mouvement ; tout en restant un et
indivisible spécifiquement, il serait altéré et il altérerait ; il
instruirait en même temps qu'il serait instruit ; il guérirait et à
la fois serait guéri, relativement à la même guérison.
§ 4. Il a de plus été
établi que si tout mobile est mu, c'est seulement quand il est en
puissance et non en acte; ce qui est en puissance tend à se
compléter en devenant actuel, et le mouvement est l'acte incomplet
du mobile. Mais le moteur est déjà en acte et en fait. Par exemple,
ce qui est chaud échauffe ; et plus généralement, ce qui a la forme,
engendre la forme. Il faudra donc conclure que la même chose sera
tout à la fois et sous le même rapport chaude et non chaude. Même
observation pour tous les autres cas, où le moteur doit
nécessairement avoir l'affection synonyme.
§ 5. Reste donc à dire
que dans l'être qui se meut lui-même, il y a une partie qui meut, et
une autre partie qui est mue.
§ 6. Mais ce qui démontre
bien que l'être qui se meut lui-même, ne peut pas se mouvoir de
telle façon que l'une des deux parties puisse indifféremment mouvoir
l'autre, c'est qu'en effet il n'y aurait plus de premier moteur, si
l'une des deux parties pouvait indifféremment mouvoir l'autre à son
tour. L'antérieur est bien plus cause du mouvement que ce qui ne
vient qu'après lui, et il meut aussi bien davantage.
§ 7. Nous avons dit en
effet que mouvoir peut se prendre en deux sens : l'un où le moteur
est mu lui-même par un autre; l'autre où il meut par lui seul. Mais
ce qui est éloigné du mobile plus que ne l'est le milieu, est aussi
plus rapproché du principe.
§ 8. De plus, il n'y a de
nécessité que le moteur soit mu que quand il l'est par lui-même.
Ainsi, une des deux parties ne rend a l'autre le mouvement qu'elle a
reçu que par accident; et voilà comment je supposais qu'elle pouvait
ne pas mouvoir. L'une des parties sera donc mue; et l'autre sera
moteur et immobile.
§ 9. Ainsi, il n'est pas
nécessaire non plus que le moteur soit mu à son tour. Mais ce qui
est de toute nécessité, c'est que le moteur qui donne le mouvement
soit lui-même immobile, ou qu'il se meuve lui-même, puisqu'il faut
toujours qu'il y ait mouvement.
§ 10. De plus, le
moteur recevrait lui-même le mouvement qu'il donne ; et un corps qui
échauffe serait alors lui-même échauffé.
§ 11. Cependant on ne
peut pas dire davantage que ce soit une seule partie, ou plusieurs
parties du moteur supposé doué primitivement de la faculté de se
mouvoir lui-même, qui chacune se meuvent spontanément; car si le
moteur entier se meut lui-même, il faut ou qu'il soit mu par une
quelconque de ses parties, ou que le tout soit mu par le tout. Si
donc il est mu parce qu'une de ses parties se meut spontanément,
c'est alors cette partie spéciale qui sera le moteur qui
primitivement se meut lui-même; car séparée du reste, cette partie
pourra se mouvoir encore, tandis que sans elle l'entier ne le pourra
plus. Si ensuite on suppose que c'est le corps entier qui se meut
lui-même tout entier, alors les parties ne se donneront plus le
mouvement qu'indirectement. Par conséquent, si elles ne sont pas
nécessairement en mouvement, on peut supposer qu'elles ne se meuvent
pas elles-mêmes. Ainsi sur la masse entière, une partie donnera le
mouvement en demeurant immobile; et l'autre partie sera mue ; car
c'est seulement ainsi qu'on peut comprendre le mouvement spontané.
§ 12. Admettons encore
que ce soit une ligne qui se meuve ainsi elle-même tout entière ;
une partie de cette ligne donne le mouvement ; une autre partie le
reçoit. La ligne AB pourra donc tout à la fois et se mouvoir
elle-même, et elle sera mise en mouvement par A.
§ 13. Mais puisque le
mouvement peut être donné, soit par un moteur qui est mu lui-même
par quelque autre chose, soit par un moteur immobile, et que le
mouvement peut être reçu, soit par un mobile qui meut quelque chose
à son tour, soit par un mobile qui ne meut plus rien, le moteur qui
se meut lui-même doit donc nécessairement être composé et d'une
partie immobile qui meut, et d'une partie mobile qui, elle, ne meut
pas nécessairement, mais qui peut indifféremment mouvoir ou ne
mouvoir pas. Soit A le moteur immobile ; et B, qui est mu par A et
qui à son tour meut C ; enfin C, qui est mu par B, mais qui ne meut
rien absolument; car bien que B puisse atteindre C par plusieurs
intermédiaires, nous supposons ici que c'est par un seul. Le tout
ABC a la puissance de se mouvoir lui-même. Si je retranche C, AB
pourra toujours se mouvoir lui-même ; car c'est A qui donne le
mouvement, et c'est B qui le reçoit. Mais C ne peut pas se mouvoir
lui-même; et il ne sera mu en aucune façon. Mais BC lui-même ne
pourrait non plus se mouvoir davantage sans A ; car B ne peut donner
le mouvement que parce qu'il est mu lui-même par un autre, et non
point par une de ses parties. Ainsi donc AB est seul à se mouvoir
lui-même. Donc le corps qui se meut lui-même doit nécessairement
avoir une partie qui est un moteur immobile, et aussi une partie qui
est mue et qui ne meut plus rien nécessairement à son tour.
§ 14. Maintenant, ou
ces deux éléments se touchent mutuellement, ou bien l'un des deux
seulement touche l'autre.
§ 15. Si le moteur est
continu, car pour le mobile il est continu de toute nécessité, il
est clair que le tout se meut, non point parce qu'une partie en lui
a la faculté spéciale de se mouvoir elle-même; mais c'est l'ensemble
qui se meut tout entier lui-même, mobile et moteur tout à la fois,
parce qu'il y a en lui quelque chose qui est mu et qui meut. Ce
n'est pas le tout qui meut, et ce n'est pas non plus le tout qui est
mu; mais c'est A tout seul qui donne le mouvement, et B tout seul
qui le reçoit.
§ 16. En supposant que
le moteur immobile soit continu, on peut se demander si, après qu'on
aura enlevé une partie de A ou une partie de B qui est mu par A, le
reste de A donnera encore le mouvement, ou si le reste de B le
recevra encore. Si cela est possible, en effet, c'est que
primitivement ce n'était pas AB qui pouvait se mouvoir lui-même,
puisqu'un certain retranchement étant fait sur AB, le reste de AB
pourra néanmoins continuer à. se mouvoir.
§ 17. Rien n'empêche
qu'en puissance tous les deux, ou au moins l'un des deux,
c'est-à-dire le mobile, ne soit divisible; mais, en fait, il reste
absolument indivisible; et s'il est divisé, il ne conservera plus la
même puissance. Par conséquent, rien ne s'oppose à ce que cette
propriété de se mouvoir soi-même, ne se trouve primitivement dans
des corps qui soient divisibles en puissance.
§ 18. De tout ceci, il
résulte donc qu'évidemment le moteur primitif est immobile; car soit
que le mobile, qui reçoit le mouvement d'un autre, s'arrête sans
intermédiaire et tout à coup au primitif immobile; soit qu'il
s'arrête à un autre mobile qui a en outre la faculté de se mouvoir
lui-même et d'être en repos, des deux façons le moteur primitif ne
s'en retrouve pas moins immobile, après tous les termes qu'il met en
mouvement. |
Ch. 6, § 1. D'un principe
différent, cette expression n'est pas assez claire, et les
principes qui suivent ne semblent guère que le complément de ceux
qui précèdent. - Quelque chose, le mot grec est aussi
indéterminé que celui par lequel je rai rendu en français.
§ 2. Démontré plus haut, voir Livre VI, ch. 1, § 17 et § 20.
- Dans les généralités sur la nature, Il semblerait résulter
de ce passage que le sixième livre et les livres précédents font
partie d'un autre ouvrage que le huitième livre; voir la
Dissertation préliminaire. Mais ici l'expression dont se sert
Aristote peut vouloir dire simplement :
«
Dans nos considérations générales sur lu nature.
»
§ 3. Se meuve soi-même tout entier, c'est-à-dire que le tout
meuve le tout; il faut que ce soit une partie qui meuve le tout, qui
se trouve ainsi moteur et mobile. - Il serait transporté tout
entier, c'est le mouvement de déplacement ou de translation dans
l'espace. - Il serait altéré, c'est le mouvement dans la
qualité ou l'altération. Aristote ne donne pas d'exemple de la
troisième espèce du mouvement, le mouvement dans la catégorie de la
quantité.
§ 4. Il a de plus été établi, voir plus haut, Livre III, ch.
1, § 12 et ch. 2, § 1. - C'est seulement quand il est en
puissance, c'est le mouvement qui convertit la puissance en acte
et la complète en la réalisant. - L'acte incomplet,
l'expression n'est pas très juste, et il semble qu'il faudrait dire
précisément le contraire; mais il faut entendre que c'est l'acte qui
complète le mobile incomplet. -Mais le moteur est déjà en acte,
à la différence du mobile, qui n'est qu'en puissance. - Ce qui
est chaud échauffe, le feu, qui est chaud en acte et en fait
échauffe l'eau, qui n'est chaude qu'en puissance. - Ce qui a la
forme ou l'espèce, ce qui est cloué d'une certaine qualité
engendre celte qualité. - Il faudra donc conclure, il y a ici
une assez forte ellipse qu'il est bon de rétablir :
«
Si l'on dit que le corps tout entier se meut lui-même tout entier,
»
il faudra conclure, etc. - Chaude et non chaude, ce qui est
une contradiction manifeste. - L'affection synonyme,
c'est-à-dire la même qualité que celle qu'il transmet au mobile sur
lequel il agit.
§ 5. Reste donc à dire, le texte n'est pas tout à fait aussi
formel. - Il y a une partie qui meut, évidemment cette
théorie est tirée des rapports de l'âme et du corps, l'âme étant une
partie d'un tout dont le corps forme l'autre partie.
§ 6. 1l n'y aurait plus de premier moteur, il y aurait en effet
alors deux moteurs qui seraient en même temps deux mobiles. - Il
meut aussi bien davantage, voir plus haut ch. V, § 2.
§ 7. Nous avons dit en effet, voir plus haut ch. V, § 1. -
Mais ce qui est éloigné du mobile, la pensée est obscure comme
conséquence de ce qui précède, et on ne voit pas comment cet
argument contribue à démontrer que les parties ne peuvent pas se
donner mutuellement le mouvement.
§ 8. II n'y a de nécessité, autrement le mouvement pourrait
n'être qu'accidentel ; et par conséquent, il pourrait ne pas être;
or c'est cc que contredit l'évidence. - Je supposais, cette
forme de style est très rare dans Aristote. - L'une des parties,
le texte n'est pas aussi précis. Il s'agit évidemment ici des deux
parties indiquées plus haut au § 5.
§ 9. Il n'est pas nécessaire non plus, et le mouvement
communiqué réciproquement au moteur pourrait n'être qu'accidentel,
c'est-à-dire être ou n'être pas, comme pour le mobile, tandis qu'il
faut que le mouvement soit éternel.
§ 10. De plus le moteur recevrait, voir plus haut § 4. -
Un corps qui échauffe, le feu par exemple serait échauffé par
l'eau, ce qui est impossible.
§ 11. Du moteur supposé doué primitivement, le texte n'est
pas aussi formel. - Par une quelconque de ses parties, c'est
la théorie qu'adoptera Aristote. - Sans elle, j'ai ajouté ces
mots pour compléter la pensée. - Si ensuite on suppose, c'est
la seconde alternative qui vient d'être posée. - Une partie
donnera le mouvement, voir plus haut § 5.
§ 12. Une ligne, le texte ne désigne pas formellement l'objet
qu'il prend pour exemple; le contexte m'a autorisé à préciser
davantage. Il semble d'ailleurs que cet exemple soit donné pour
soutenir la théorie qu'adopte Aristote, c'est-à-dire que dans un
corps qui se meut lui-même, il y a nécessairement une partie qui,
étant elle-même immobile, communique à tout le reste le mouvement
qu'elle a par elle-même. - Tout à la fois, le texte n'est pas
tout à fait aussi formel.
§ 13. Puisque le mouvement peut être donné, voir plus haut,
ch. 5, § 1. - Qui meut quelque chose à son tour, j'ai ajouté
les trois derniers mots pour rendre la pensée plus complète. -
Doit donc nécessairement être composé, c'est l'hypothèse du §
précédent. - Le tout ABC a la Puissance de se mouvoir, sans
que C soit nécessaire au mouvement. - Si je retranche C, qui
reçoit le mouvement sans y contribuer, et qui pourrait aussi le
transmettre. - Car B ne peut donner le mouvement, il semblerait
alors que B est tout à fait dans le même cas que C, et qu'il
pourrait être retranché tout comme lui. - Donc le corps qui se
meut, c'est la théorie définitive d'Aristote.
§ 14. Ou ces deux éléments, le texte est moins précis.-
L'un des deux seulement touche l'autre, il est assez difficile
de comprendre comment une première chose en touche une seconde, sans
que cette seconde touche la première. Mais comme dans les chapitres
suivants, il sera démontré que le premier moteur est sans parties,
et qu'il est incorporel, on peut concevoir que les deux choses étant
de nature différente, la première peut avoir sur la seconde une
influence qui n'est pas réciproque.
§ 15. Il est continu de toute nécessité, parce qu'il est
composé de parties. Voir plus haut, Livre VI, ch. 1. - Mais c'est
A tout seul, il semble que ceci est contradictoire à ce qui
précède, puisqu'il vient d'être dit que le tout se meut lui-même.
§ 16. Que le moteur immobile soit continu, comme on vient de
supposer au § précédent que je mobile est continu. - Le reste de
A, la question est de savoir si le moteur ayant des parties et
étant continu, on peut lui enlever une de ses parties sans que le
mouvement cesse.- Ce n'était pas AB, voir plus haut § 13.
§ 17. Rien n'empêche, réponse à la question précédente. Le
moteur peut être continu; mais il faut qu'il le soit alors
simplement en puissance; car s'il l'était en acte et en réalité, il
ne serait plus le premier moteur. - La même puissance, c'est
l'expression propre du texte; on aurait pu en trouver une plus
précise. - Qui soient divisibles en puissance, mais qui ne
soient jamais divisibles en réalité, c'est-à-dire que le premier
moteur doit être absolument indivisible et sans parties.
§ 18. De tout ceci il résulte, cette conclusion ne ressort pas très
évidemment de tout ce qui précède. - Sans intermédiaire et tout à
coup, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. - Au primitif
immobile, c'est-à-dire que le mobile est directement sous
l'influence du moteur. - A un autre mobile, il y aurait alors
deux mobiles au lieu d'un. - Et d'être en repos, en tant que
moteur immobile. - Après tous les termes, le texte dit
précisément:
«
Dans tous les termes.
» |
CHAPITRE
VII.
La perpétuité nécessaire du mouvement implique l'existence d'un
moteur éternel et Immobile; le moteur immobile est sans parties, et
il est immuable. Il est unique en même temps qu'il est éternel.
Démonstrations préliminaires de ces principes. |
§ 1. Puisqu'il faut que
le mouvement soit perpétuel et que jamais il ne cesse, il faut
nécessairement aussi qu'il y ait quelque chose d'éternel qui meuve
primitivement, soit unique, soit multiple; et que ce soit là le
premier moteur immobile.
§ 2. D'ailleurs que
toutes les choses qui sont immobiles, mais qui ne produisent point
le mouvement, soient éternelles, peu importe pour la théorie que
nous exposons maintenant. Mais voici les arguments qui prouveront
qu'il faut de toute nécessité qu'il existe quelque chose d'immobile,
à l'abri de toute espèce de changement, soit absolue soit
accidentelle, et qui ait la faculté de communiquer le mouvement à un
autre et en dehors de lui.
§ 3. Il y a des choses,
si l'on veut, qui peuvent indifféremment tantôt être et tantôt
n'être pas, sans qu'il y ait ni naissance ni destruction ; car on
voit sans peine que, si une chose sans parties tantôt est et tantôt
n'est pas, il faut nécessairement que ce soit sans subir le moindre
changement qu'une chose de ce genre doive tantôt être et tantôt
n'être pas. On voit aussi que parmi les principes qui sont
immobiles, quoique capables de mouvoir, il se peut qu'il y en ait
quelques-uns qui tantôt soient et tantôt ne soient pas; supposition
qu'on peut faire pour quelques-uns, mais qu'on ne peut faire pour
tous.
§ 4. En effet, il est
clair que pour les choses qui se meuvent elles-mêmes, il doit y
avoir une cause qui fait que tantôt elles sont et que tantôt elles
ne sont pas, Tout ce qui se meut soi-même doit nécessairement avoir
une certaine grandeur, puisque une chose sans parties ne peut jamais
être mue. Mais d'après ce que nous avons dit, il n'est pas du tout
nécessaire que le moteur ait des parties. Si certaines choses se
produisent et si d'autres périssent, et, cela perpétuellement, on ne
peut pas chercher la cause de ce phénomène continuel dans des choses
qui sont bien sans doute immobiles, mais qui ne sont pas cependant
éternelles. On ne peut pas non plus la chercher davantage, dans des
choses qui meuvent celles-là éternellement, mais qui sont mues à
leur tour par d'autres. C'est qu'en effet les choses de ce genre, ni
séparément ni toutes ensemble, ne peuvent jamais être causes de
l'éternel et du continu. Qu'il en soit ainsi, c'est là un fait
éternel et nécessaire, Mais toutes ces choses sont infinies en
nombre, et elles n'existent pas toutes à la fois. Donc évidemment,
en supposant aussi nombreux qu'on voudra les principes des choses
qui sont immobiles, mais qui en meuvent d'autres; en supposant que
beaucoup de ces choses qui se meuvent elles-mêmes périssent et
renaissent, et que le moteur immobile meuve telle chose, qui à son
tour en meut une autre, il n'en existe pas moins quelque chose qui
enveloppe et comprend tout cela, qui est en outre de chacune de ces
choses, qui est la cause de cette alternative d'existence et de
destruction, de ce changement continuel, et qui communique le
mouvement à certaines choses qui elles-mêmes le transmettent à
d'autres.
§ 5. Puis donc que le
mouvement est éternel, il faut aussi que le moteur primitif soit
éternel comme lui, en supposant que ce moteur soit unique ; et s'il
y en a plusieurs, il faut qu'ils soient également éternels.
§ 6. Or, on doit penser
que l'unité du moteur vaut mieux que sa pluralité; et on doit les
supposer finis plutôt qu'infinis, si l'on en admet plusieurs ; car
toutes conditions restant égales, il vaut toujours mieux les
supposer finis, puisque dans les choses de la nature, le fini et le
meilleur, quand ils sont possibles, sont plus ordinairement que le
contraire. Mais il suffit même d'un seul principe, primitif et
éternel parmi les immobiles, pour produire le mouvement et en être
la cause dans tout le reste des choses.
§ 7. Ce qui prouve encore
clairement qu'il faut de toute nécessité que le premier moteur soit
quelque chose d'un et d'éternel, c'est que, d'après ce qui a été
démontré plus haut, il faut nécessairement que le mouvement soit
éternel lui-même. Or, si le mouvement est éternel, il faut non moins
nécessairement qu'il soit continu; car ce qui est éternellement est
continu, tandis que le successif n'est pas continu. D'autre part si
le mouvement est continu, il est un ; et j'entends par Un le
mouvement où il n'y a qu'un seul moteur et qu'un seul mobile; car si
le moteur meut une chose, puis une autre, dès lors le mouvement
entier n'est plus continu ; mais il est successif. |
Ch. VIl, § 1. Puisqu'il faut que le
mouvement soit perpétuel, ainsi que l'atteste le témoignage
irrécusable des sens. - Quelque chose d'éternel, l'expression
du texte n'est pas plus précise. - Soit unique, soit
multiple, il sera prouvé un peu plus bas que le premier moteur doit
être unique.
§ 2. Toutes les choses qui sont immobiles, ceci est une
allusion à la théorie des Idées; car dans le système Platonicien,
les Idées sont éternelles et immobiles. - A l'abri de toute
espèce de changement, c'est l'immuabilité divine et
l'indéfectibilité. - Et en dehors de lui, j'ai ajouté ces
mots qui me semblent impliqués dans le contexte.
§ 3. Si l'on veut, cette formule prouve qu'il s'agit ici
d'une objection qu'Aristote rappelle pour pouvoir la réfuter; mais
la pensée pouvait être exprimée d'une manière plus précise. -
Tantôt être et tantôt n'être pas, il faudrait ajouter aussi que
ces choses sont des moteurs immobiles, et que cependant elles ne
sont pas éternelles. - Qu'on ne peut faire pour tous, parce
qu'alors il n'y aurait plus de mouvement; or le mouvement est
éternel.
§ 4. Il doit y avoir une cause, et c'est cette cause qui est
éternelle, et qui est par conséquent le premier moteur. - Tout ce
qui se meut soi-même, sans être éternel. - D'après ce que
nous avons dit, voir le chapitre précédent. - Le moteur,
c'est-à-dire le moteur primitif immobile. - Mais qui ne sont pas
cependant éternelles, tandis qu'il faut nécessairement que la
cause du mouvement soit éternelle, puisque le mouvement est éternel
lui-même. - Mais qui sont mues à leur tour, tout ce passage
est obscur, et il ne m'a pas été possible de le rendre plus clair. -
Les choses de ce genre, c'est-à-dire les moteurs immobiles,
mais non éternels. - Qu'il en soit ainsi, c'est-à-dire que le
mouvement soit éternel. - Sont infinies en nombre, et par
conséquent on ne peut les connaitre. - Toutes d la fois, et par
conséquent leur action ne peut être simultanée. - Qui sont
immobiles, sans être éternelles. - Qui enveloppe et comprend tout
cela, il n'y a qu'un seul mot dans le texte,
§ 5. Puis donc que le mouvement est éternel, voir plus haut §
1.
§ 6. Vaut mieux que sa pluralité, ce n'est pas le principe de
l'optimisme, mais du meilleur possible, dans l'ordre universel des
choses. Voir la Métaphysique, Livre XII, p. 1.075, édit. de
Berlin. - Si l'on en admet plusieurs, j'ai ajouté ces mots
qui m'ont paru indispensables pour compléter la pensée. - Que le
contraire, même remarque. - Parmi les immobiles, le
moteur premier étant toujours supposé immobile.
§ 7. D'après ce qui a été démontré plus haut, voir plus haut
§ 4, et aussi tout le chapitre premier de ce VIIIe Livre. - Qu'il
soit continu, voir plus haut Livre VI, ch. 1, § 1, la théorie du
continu. |
CHAPITRE
VIII.
Autre démonstration de l'existence nécessaire d'un moteur immobile.
Du mouvement dans les êtres animés ; il y a en eux des mouvements
qu'ils ne peuvent pas se donner; nature du mouvement qu'ils se
donnent. Le moteur immobile ne peut être mu accidentellement, comme
le sont parfois les animaux. |
§ 1. Les considérations
qui précèdent suffiraient pour démontrer l'existence d'un primitif
immobile ; mais l'on peut s'en convaincre encore en regardant aux
principes suivant lesquels agissent les moteurs.
§ 2. Il est d'observation
évidente que, parmi les choses, il en est quelques-unes qui sont
tantôt en mouvement et tantôt en repos. L'observation démontre
également que toutes les choses ne sont pas en mouvement sans
exception, ni que toutes ne sont pas en repos, pas plus qu'elles ne
sont ni toujours en repos ni toujours en mouvement ; car c'est là ce
que prouvent bien les choses qui participent à l'un et à l'autre, et
qui ont la faculté tantôt de se mouvoir et tantôt de rester dans
l'inertie.
§ 3. Bien que ce soient
là des faits incontestables pour tout le monde, nous nous proposons
néanmoins d'expliquer la nature de ces deux sortes de phénomènes, et
de prouver que parmi les choses les unes sont éternellement
immobiles, et que les autres sont éternellement mues. En procédant à
cette démonstration, et en posant les principes suivants à savoir :
que tout mobile est mu par quelque chose, que ce quelque chose est
ou immobile, ou mu à son tour, et s'il est mu, qu'il est toujours mu
ou par lui-même spontanément ou mu par une autre cause, nous en
sommes arrivés à établir qu'il y a un principe pour tout ce qui est
mu ; que pour les mobiles, ce principe est le moteur qui se meut
lui-même; et que pour toutes les choses de l'univers, c'est
l'immobile.
§ 4. D'abord nous voyons
avec pleine évidence qu'il existe certaines choses qui se meuvent
elles-mêmes; et tels sont par exemple les êtres vivants et les
animaux. C'est même cette propriété de certains êtres qui a donné à
penser que le mouvement pourrait bien naître, sans du tout exister
préalablement, parce qu'on voyait qu'il en était ainsi dans ces
êtres, qui étant par fois immobiles se meuvent ensuite, du moins à
ce qu'il semble,
§ 5. Il faut bien
remarquer aussi que ces êtres ne se donnent à eux-mêmes qu'une seule
espèce de mouvement, et qu'encore ils ne se la donnent pas
positivement, puisque la cause n'en vient pas de l'animal même. De
plus, il y a dans ces êtres d'autres mouvements qu'ils ne peuvent
pas se donner, bien que ces mouvements soient fort naturels,
l'accroissement, la destruction, la respiration, tous mouvements que
possède chaque animal, même en étant en repos et sans recevoir le
mouvement spécial qu'il a la faculté de pouvoir se donner à
lui-même. La cause de ces mouvements différents, c'est le milieu où
vit l'animal, et l'ingestion des éléments divers qui entrent en lui.
C'est par exemple, pour certains phénomènes, la nourriture que
prennent les animaux. Quand ils la digèrent, ils dorment; et quand
elle est distribuée dans le corps, ils s'éveillent, et ils se
mettent en mouvement, la cause première de ce mouvement leur étant
étrangère. Voilà comment les animaux ne se meuvent pas
continuellement eux-mêmes; car dans les êtres qui se meuvent
eux-mêmes, le moteur doit être différent d'eux, bien qu'il puisse
lui-même être mu et qu'il puisse changer.
§ 6. Dans tous ces cas,
le moteur primitif, c'est-à-dire ce qui est à soi-même la cause du
mouvement, se meut bien spontanément, mais c'est cependant d'une
façon accidentelle. Le corps en effet change de place ; et c'est de
cette manière que change aussi de lieu ce qui est dans le corps, et
se meut lui-même par une action analogue à celle du levier.
§ 7. De ces faits, on
peut tirer la conséquence, que si une chose est comprise parmi les
immobiles qui sont moteurs, tout en étant eux-mêmes mus
indirectement, elle ne peut jamais produire un mouvement qui soit
continuel. Or, puisque nécessairement il faut que le mouvement soit
continu, il doit y avoir aussi un certain moteur primitif qui soit
immobile et qui ne meuve pas seulement par accident, s'il est bien
vrai, ainsi que nous l'avons dit, qu'il doit y avoir dans les choses
un mouvement indéfectible et immortel, et que l'être demeure ce
qu'il est en lui-même et dans le même lieu ; car le point de départ,
le principe restant ce qu'il est, il faut nécessairement que tout
demeure aussi de même, rattaché d'une manière continue au principe.
§ 8. Il ne faut pas
d'ailleurs confondre le mouvement accidentel que l'être se donne à
lui-même et celui qu'il reçoit d'une autre cause; car le mouvement
qui vient d'une cause étrangère peut se rencontrer aussi dans
certains principes de choses qui sont dans le Ciel et peuvent avoir
plusieurs espèces de translations, tandis que l'autre mouvement
appartient exclusivement aux êtres périssables. |
Ch. VIII, § 1. L'existence d'un
primitif immobile, c'est-à-dire d'un premier moteur qui est
lui-même immobile. - Aux principes suivant lesquels agissent les
moteurs, le texte dit simplement :
«
Aux principes des moteurs.
»
§ 2. Tantôt en mouvement et tantôt en repos, voir plus haut
ch. 3, § 1. - Sans exception, j'ai ajouté ces mots pour
compléter la pensée. - C'est là ce que prouvent bien les choses,
l'expression aurait pu être un peu plus développée et un peu plus
précise. - Qui participent à l'un et ci l'autre, au mouvement
et au repos.
§ 3. Les unes sont éternellement immobiles, la seule chose
qui soit éternellement immobile, c'est le premier moteur immobile. -
En procédant à cette démonstration, voir plus haut les
chapitres 4, 5, 6 et 7. - Que tout mobile est mu, c'est ce
qui a été démontré au ch. 4, § 23. - Ou mu à son tour, ch. 5,
§ 1. - C'est l'immobile, plus haut, ch. 6, § 18.
§ 4. Certaines choses, ou certains êtres. - Les êtres
vivants et les animaux, il est probable que les deux idées se
confondent, et que par êtres vivants, Aristote n'entend pas autre
chose que les animaux. - Que le mouvement pourrait bien naître,
il y a dans le texte une négation qui ne répond qu'à la forme
dubitative de l'expression. - Préalablement, j'ai ajouté ce
mot. - Du moins à ce qu'il semble, ou peut-être : « Ainsi
qu'on l'observe.
»
§ 5. Qu'une seule espèce de mouvement, le mouvement dans
l'espace. - Ils ne se la donnent pas positivement, voir plus
haut, ch. 2, § 7, où il a été établi qu'il y a toujours quelque
cause étrangère qui provoque le mouvement que l'animal se donne à
lui-même. - La cause n'en vient pas de l'animal même, le
témoignage de la conscience nous atteste au contraire que dans une
foule de cas, le mouvement vient spontanément de nous, et de nous
seuls. - Le mouvement spécial, j'ai ajouté ce dernier mot. -
C'est le milieu où vit l'animal, on peut comprendre qu'il
s'agit ici de l'air ou de l'eau, qui exerce certaines influences sur
le corps de l'animal. Le texte dit simplement : « Ce qui enveloppe.
»
- Ils s'éveillent, voir plus haut, ch. 2, § 7, où sont
indiquées des idées analogues. Voir aussi le Traité du sommeil et
de la veille, ch. III, § 2, p. 162 de ma traduction. - Bien
qu'il puisse lui-même être mu, voir plus haut, ch. V, § 1.
§ 6. C'est cependant d'une façon accidentelle, comme l'âme se
meut avec le corps auquel elle est jointe et auquel elle donne le
mouvement. C'est donc indirectement qu'elle s'y meut. - Ce qui
est dans le corps, c'est-à-dire l'âme. - Analogue à celle du
levier, cette pensée est obscure, parce que l'expression est
trop concise; Aristote veut dire sans doute que l'âme, en donnant le
mouvement au corps, est mue elle-même simultanément, comme la main
qui meut le levier est mue en même temps que lui.
§ 7. Ainsi que nous l'avons dit, voir plus haut, ch. 7, § 7.
- Et dans le même lieu, le texte n'est pas tout à fait aussi
formel. Il faut entendre d'ailleurs ici par l'être, l'univers qui ne
peut pas en effet être dans un autre lieu, puisqu'il renferme tout.
- Le point de départ, le principe, il n'y a qu'un seul mot
dans le texte. - Que tout demeure ainsi, ici Tout signifie
l'Univers. Le principe étant immuable, l'ordre universel reste
éternellement immuable comme lui,
§ 8. Le mouvement qui vient d'une cause étrangère, il s'agit
toujours du mouvement accidentel. - De choses qui sont dans le
Ciel, la pensée reste obscure, et il eût été nécessaire de
donner ici quelque exemple qui l'expliquât. - Plusieurs espèces
de translations, on dirait qu'Aristote veut faire allusion aux
doubles mouvements qu'ont les corps célestes, de rotation sur
eux-mêmes, et de translation dans l'espace. |
CHAPITRE IX.
Le premier mobile que meut le moteur immobile et éternel, doit être éternel
comme lui ; c'est ce mobile seul qui peut être cause du changement; l'éternel
est immuable, et ne peut produire qu'un seul et Identique mouvement. |
§ 1. S'il existe bien en
effet éternellement un principe qui soit, ainsi que nous le disons,
moteur tout en étant immobile et éternel, il faut que le premier
mobile qu'il met en mouvement soit éternel ainsi que lui.
§ 2. Ce qui le prouve,
c'est que la naissance, la destruction et le changement ne peuvent
pas se trouver autrement dans les choses qu'à cette seule condition,
à savoir qu'un certain mobile communiquera le mouvement reçu par
lui. En effet, l'immobile donnera toujours le même mouvement, de la
même manière et un mouvement unique, puisqu'il ne change jamais dans
son rapport avec le mobile qu'il meut. Mais le mobile, au contraire,
mu par l'immobile ou par un mobile qui a déjà reçu le mouvement, se
trouvant dans des rapports constamment divers avec les choses,
pourra ne plus être cause d'un mouvement identique. Comme il est
dans des lieux contraires ou qu'il revêt des formes contraires, ce
sera d'une façon contraire aussi qu'il communiquera le mouvement à
chacun des autres mobiles, selon qu'il sera lui-même tantôt en
repos, et tantôt en mouvement.
§ 3. Ce que nous venons
de dire doit résoudre la question que nous nous étions posée au
début : Pourquoi tout n'est-il pas ou en mouvement, ou en repos?
Pourquoi certaines choses sont-elles dans un mouvement éternel ?
Pourquoi d'autres sont-elles dans un éternel repos? Pourquoi y
a-t-il des choses qui tantôt sont en mouvement, et tantôt n'y sont
pas? La cause en est maintenant évidente : c'est que les unes sont
mues par un immobile éternel, et alors elles changent éternellement,
tandis que les autres n'étant mues que par un mobile qui change
lui-même, doivent nécessairement changer aussi. Quant à l'immobile
qui, ainsi que nous l'avons déjà dit, persiste d'une manière
absolue, identique et toujours la même, il ne peut donner qu'un seul
et absolu mouvement. |
Ch, IX, § 1. Ainsi que nous le
disons, dans les chapitres précédents. - Le premier mobile,
il faut entendre par là le mobile qui reçoit directement le
mouvement du premier moteur, et qui doit lui•même le transmettre à
d'autres, qui ne seront plus que des mobiles seconds.
§ 2. La naissance, la destruction, le changement,
c'est-à-dire les diverses espèces du mouvement, outre le déplacement
dans l'espace. - Qu'à celte seule condition, c'est là en
effet le point le plus difficile de la question, de savoir comment
le premier moteur, dont l'unité est absolue, peut produire la
variété infinie des choses et des phénomènes. - Puis qu'il ne
change jamais, l'éternel est en effet immuable tout aussi bien
qu'immobile. - Mu par l'immobile, c'est le premier mobile. -
Qui a déjà reçu le mouvement, c'est un mobile second. - Se
trouvant dans des rapports constamment divers, c'est là un point
qui aurait peut-être besoin d'être démontré. - Pourra ne plus
être cause, peut-être eût-il mieux valu remplacer celte tournure
négative, et dire:
«
Pourra être cause d'un mouvement multiple.
§ 3. Au début, voir plus haut, ch. 3, § 2. - La cause en
est maintenant évidente, peut-être l'explication du mouvement
n'est-elle pas aussi complète qu'on pourrait le désirer; mais dans
un problème aussi difficile, personne n'a creusé plus profondément
qu'Aristote, sans en excepter un seul des philosophes modernes. -
Qui change lui-même, l'origine de ce changement demanderait
aussi une explication. - Ainsi que nous l'avons déjà dit,
voir plus haut, ch. 7, § 1, la théorie du moteur immobile. |
CHAPITRE X.
Le premier mouvement est la translation ou déplacement dans l'espace;
démonstration de ce principe. - Le mouvement, étant nécessaire et éternel, doit
être continu. Des trois espèces de mouvement, en quantité, en qualité et dans
l'espace, c'est le mouvement dans l'espace ou de translation, qui est le premier
des mouvements. Examen du mouvement d'altération ; condensation et raréfaction ;
le mouvement continu est au-dessus du mouvement successif; examen du mouvement
de génération. De la locomotion dans les animaux et dans les êtres vivants. -
Résumé sur la translation. |
§ 1. Il est possible de
rendre tout ceci encore plus clair en prenant un autre point de
départ, c'est-à-dire en recherchant s'il peut ou non y avoir un
mouvement continu; et, si ce mouvement peut exister, en recherchant
ce qu'il est, et quel est le premier de tous les mouvements. Il est
évident, puisque le mouvement éternel est nécessaire, que le moteur
premier produit cette espèce de mouvement qui doit être de toute
nécessité un, le même, continu et premier.
§ 2. Parmi les trois espèces de mouvement qui se
rapportent, celle-ci à la grandeur, celle-là à la qualité et l'autre
à l'espace, le mouvement dans l'espace que nous appelons la
translation, doit être nécessairement le premier mouvement. En
effet, l'accroissement ne peut avoir lieu si l'on ne suppose une
altération préalable. Ce qui est accru s'accroit en partie par le
semblable, et en partie par le dissemblable. Le contraire, comme on
dit, est l'aliment du contraire; et tout s'adjoint et s'agglomère en
devenant semblable au semblable. Par conséquent, l'altération peut
être appelée le changement clans les contraires. Mais si la chose
est altérée, il faut un altérant qui fasse, par exemple, d'une chose
qui n'est chaude qu'en puissance, une chose qui est chaude en acte
et en réalité. Donc évidemment, le moteur n'est pas toujours ici au
même état; mais il est tantôt plus près et tantôt plus loin de la
chose altérée. Or, tout ceci est impossible sans un déplacement, une
translation. Si donc le mouvement est toujours nécessaire, il faut
aussi que la translation soit toujours le premier des mouvements;
et, si dans la translation même on en distingue d'antérieures et de
postérieures, c'est la première de toutes les translations qui est
le premier mouvement.
§ 3. D'un autre côté,
le principe de toutes les affections des choses c'est la
condensation et la raréfaction. La pesanteur et la légèreté, le dur
et le mou, la chaleur et le froid ne sont, à ce qu'il semble, que
des modifications qui condensent ou qui raréfient les corps d'une
certaine manière. La condensation et la raréfaction ne sont au fond
que la réunion et la division des éléments, d'après lesquelles on
dénomme la génération ou la destruction des substances. Mais, pour
se réunir tout aussi bien que pour se diviser, il faut également
changer de lieu; de même encore que pour s'accroître et pour
dépérir, il faut également aussi que la grandeur change de lieu dans
l'espace.
§ 4. Voici encore une
autre manière de se convaincre que la translation est le premier des
mouvements. Le mot de Premier peut, quand il s'agit du mouvement
aussi bien que pour tout le reste, recevoir plusieurs acceptions. On
entend par premier et antérieur ce dont l'existence est
indispensable à l'existence des autres choses, et qui, lui, peut
lui-même exister sans elles. Or cette antériorité peut concerner et
le temps et la substance.
§ 5. Comme il y a
nécessité que le mouvement existe continument, c'est ou le mouvement
continu qui existera contingentent, ou c'est le mouvement successif;
mais c'est bien plutôt le mouvement continu; car le continu est
préférable au successif ; et l'on doit supposer que le mieux existe
toujours dans la nature du montent qu'il est possible. Quant à la
possibilité d'un mouvement continu, nous la démontrerons plus loin,
et en attendant nous la supposons. Mais il n'est pas possible qu'un
autre mouvement que la translation soit continu ; et, par
conséquent, il est nécessaire que la translation soit le premier
mouvement. En effet, il n'y a aucune nécessité que le corps
transporté s'accroisse ou s'altère; il n'y a aucune nécessité qu'il
naisse ou qu'il périsse, tandis qu'aucun de ces mouvements n'est
possible sans ce mouvement continu que peut seul produire le premier
moteur.
§ 6. On doit ajouter
que la translation est chronologiquement le premier mouvement; car
les choses éternelles ne peuvent pas en avoir d'autre.
§ 7. Au contraire, dans
toutes les choses qui sont soumises à la génération, c'est la
translation qui est nécessairement la dernier des mouvements; car,
après que les êtres sont nés, le premier mouvement pour eux c'est
l'altération et la croissance, tandis que la translation ne peut
être le mouvement que des êtres qui sont déjà complets et
parachevés.
§ 8. Mais il faut
nécessairement qu'il y ait aussi quelque autre chose qui soit
antérieurement mue par translation, une chose qui, sans être
produite elle-même, soit cause de la production pour les choses qui
sont produites : comme, par exemple, l'être qui engendre est cause
de l'être qui est engendré. On pourrait croire, il est vrai, que la
génération est le premier des mouvements, parce qu'il faut tout
d'abord que la chose commence par naître; et de fait il en est bien
ainsi pour une quelconque des choses qui naissent et se produisent,
Mais nécessairement il y a quelque autre chose en mouvement avant
les choses qui se produisent, quelque chose qui existe déjà
lui-même, et qui lui-même n'est pas produit. Puis il faut encore une
autre chose antérieure à celle-là.
§ 9. Mais la génération
ne pouvant être le premier mouvement, puisqu'alors tout ce qui est
en mouvement serait périssable, il est clair qu'aucun des mouvements
postérieurs à la génération ne peut être antérieur à la translation,
J'entends par mouvements postérieurs l'accroissement et
l'altération, la décroissance et la destruction, tous mouvements qui
ne peuvent venir qu'après la naissance et la génération. Donc, si la
génération n'est pas antérieure à la translation, aucun des autres
changements ne le sera davantage.
§ 10. En général, ce
qui devient et se produit semble toujours incomplet, et semble
toujours tendre à son principe. Par conséquent aussi, ce qui est
postérieur par génération paraît antérieur par nature; et c'est la
translation qui est la dernière pour toutes les choses soumises à la
génération.
§ 11. Aussi dans les
êtres vivants, en voit-on qui sont absolument immobiles par défaut
d'organes, les plantes, par exemple, et bon nombre d'animaux.
D'autres plus parfaits ont le mouvement de translation. De telle
sorte que, si la translation appartient plus particulièrement aux
êtres qui ont une nature plus complète, cette espèce même de
mouvement est donc par essence le premier de tous les mouvements.
§ 12. Voilà bien ce
qui en fait le premier des mouvements. Mais elle l'est encore par
cette raison que dans le mouvement de translation le mobile sort
moins de sa substance que dans tout autre espèce de mouvement. Il
n'y a que ce mouvement où il ne change rien de son être, de même
qu'il change sa qualité dans l'altération, et sa quantité dans la
croissance et le décroissement.
§ 13. Mais voici une
nouvelle preuve plus forte que toutes les autres : c'est que le
moteur qui se meut lui-même se donne d'une manière tout à fait
spéciale ce mouvement de translation. Aussi disons-nous que c'est ce
qui se meut soi-même qui est le principe et la cause première du
mouvement, pour tous les mobiles et les moteurs, quels qu'ils
soient. Donc, en résumé, il est évident d'après tout ceci que la
translation est le premier des mouvements. |
Ch. X, § 1. En prenant un autre
point de départ, parce qu'il semblerait que c'est avec le
chapitre précédent que tout le traité devrait finir; voir plus haut,
ch. 7, § 1. - Y avoir ou non un mouvement continu, c'est ce
qui sera démontré dans le chapitre suivant. - Ce qu'il est,
il sera démontré aussi plus loin que le mouvement continu est
nécessairement circulaire. - Quel est le premier de tous les
mouvements, c'est la translation, comme on le démontrera dans le
présent chapitre. - Un, le même, continu et premier,
c'est la translation circulaire, qui seule, remplira toutes ces
conditions.
§ 2. Parmi les trois espèces de mouvements, voir plus haut,
Livre V, ch. 3, § 4. - A l'espace, ou au lieu - Doit être
nécessairement le premier mouvement, c'est ce qui est démontré
dans ce chapitre. - Est l'aliment du contraire, le texte dit
précisément : La nourriture. - En devenant semblable au semblable,
par exemple les aliments se convertissant en chair. -
L'altération, c'est-à-dire, le changement dans la qualité. -
Tantôt plus près, tantôt plus loin, il faut entendre que c'est
d'abord sous le rapport de la qualité, et ensuite, par rapport au
lieu. - Un déplacement, une translation, il n'y a qu'un seul
mot dans le texte. - Le premier des mouvements, et ici
relativement à la seule altération, puisque c'est le seul mouvement
dont il ait été question jusqu'à présent.
§ 3. C'est la condensation et la raréfaction, quelques
commentateurs ont pensé que c'était là le système de quelques
anciens philosophes plutôt que le système particulier d'Aristote. -
A ce qu'il semble, Aristote n'adopte donc pas entièrement ces
théories. - Il faut également changer de lieu, et dès lors la
raréfaction et la condensation supposent le mouvement dans l'espace,
qui est ainsi antérieur au mouvement dans la qualité. - Pour
s'accroître et pour dépérir, il l'est également au mouvement
dans la quantité. Par conséquent, le mouvement dans l'espace est le
premier mouvement.
§ 4. Voici encore une autre manière, ce second argument est
aussi fort et aussi clair que le premier. Le mouvement dans l'espace
est supposé dans tous les autres mouvements auxquels il est
indispensable, tandis que lui-même ne suppose pas un autre
mouvement. - Le temps et la substance, pour le temps, l'idée
d'antériorité est de toute évidence ; pour l'essence, cela revient à
dire que le genre est antérieur à l'espèce, parce que le genre est
indispensable à l'existence de l'espèce, tandis que l'espèce n'est
pas nécessaire au genre.
§ 5. Existe continument, j'ai conservé le mot spécial du
texte ; mais cela revient à dire que le mouvement est nécessairement
éternel ; voir plus haut, ch. 1. - Le continu est préférable,
c'est une des applications du principe du mieux. - Dans la nature,
théorie très féconde et très vraie. - Nous la démontrerons plus
loin, voir un peu plus bas, ch. 12. - S'accroisse ou s'altère,
c'est-à-dire, ait un mouvement de quantité ou de qualité. - Sans
ce mouvement continu, il faut sous entendre ;
«
Dans l'espace.
»
§ 8.
Chronologiquement, après avoir prouvé que la translation est le
premier mouvement sous le rapport de la substance, puisqu'il est
nécessaire aux autres, et que les autres ne le lui sont pas,
Aristote veut prouver qu'il est aussi le premier sous le rapport du
temps.
§ 7. Au contraire, c'est une objection à la théorie
précédente. Peut-être eût-il été bonde l'indiquer d'une manière un
peu plus précise. - Qui est le dernier des mouvements,
chronologiquement parlant. - C'est l'altération et la croissance,
c'est-à-dire le mouvement en qualité, et le mouvement en quantité. -
Complets et parachevés, il n'y a qu'un seul mot dans le
texte.
§ 8. Mais il faut nécessairement, réponse à l'objection du §
précédent. - Sans être produite elle-même, au moment où elle
en produit une autre. Pour qu'une chose en produise une autre, il
faut que cette chose soit antérieurement ; et cette génération
suppose nécessairement mt mouvement. - On pourrait croire,
ceci semblerait une répétition de ce qui précède. - Naissent et
se produisent, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. - Il
faut encore une autre chose, c'est-à-dire qu'on pourrait pousser
cette série à l'infini. L'expression du texte laisse ici quelque
chose à désirer en ce qu'elle est incomplète.
§ 9. Tout ce qui est en mouvement serait périssable,
puisqu'alors tout serait soumis à la génération et à la destruction,
si la génération était le premier mouvement. - Postérieurs à la
génération, voir plus haut, § 7. - Antérieur à la translation,
le texte n'est pas tout à fait aussi formel. - Aucun des autres
changements, ou mouvements.
§ 10. Ce qui devient et se produit, il n'y n qu'un seul mot
dans le texte. - Semble toujours incomplet, et son principe
est plus complet que lui. - Antérieur par nature, voir plus
haut, § 4, ce qui est dit de l'antérieur en substance. - La
dernière, en génération, et par conséquent la première en
nature.
§ 11. Dans les être vivants, plantes et animaux. Les plus
parfaits ont le mouvement de translation ; les moins parfaits n'ont
que les mouvements d'altération et de croissance. - Par essence,
ou en substance, comme plus haut, § 4.
§ 12. Sort moins de sa substance, c'est-à-dire, change moins
de sa substance que dans toute autre espèce de mouvement, Cet
argument nouveau n'a pas moins de force que les précédents.
§ 13. Se donne d'une manière tout à fait spéciale,
c'est-à-dire que le mouvement propre au moteur premier est le
mouvement de translation ; mais c'est ce qui n'a point été encore
prouvé. - Et la cause première, aux différents sens qui ont
été expliqués dans ce chapitre. - Donc en résumé, le texte
n'est pas tout à fait aussi précis. |
CHAPITRE XI.
La translation seule peut être continue; les autres mouvements ne peuvent pas
l'être; la génération et la destruction, l'altération, l'accroissement et la
décroissance, supposent toujours un certain temps dans l'intervalle. |
§ 1. Maintenant, il
faut expliquer la nature de cette translation première ; et la même
étude nous conduira à démontrer évidemment la vérité du principe que
nous supposons ici, comme nous l'avons déjà supposé antérieurement,
à savoir qu'il peut y avoir un mouvement continu et éternel.
§ 2. Voici d'abord ce
qui prouvera qu'aucun mouvement autre que la translation ne peut
être continu. En effet, tous les mouvements et tous les changements
sans exception ont lieu des opposés aux opposés. Par exemple, l'être
et le non-être sont les limites de la génération et de ]a
destruction; pour l'altération, les limites sont les affections
contraires des choses; pour l'accroissement et la décroissance,
c'est la grandeur ou la petitesse; c'est encore l'achèvement ou
l'inachèvement d'une grandeur déterminée. Les mouvements contraires
sont ceux qui aboutissent aux contraires. Or ce qui n'a pas
éternellement tel ou tel mouvement, s'il existait antérieurement, a
dû de toute nécessité être antérieurement dans le repos. Donc,
évidemment, ce qui change aura un instant de repos dans le
contraire.
§ 3. Il en est de
même pour les autres espèces de changements. Ainsi, la destruction
et la génération sont opposées l'une à l'autre, d'une manière
générale, si on les considère d'une manière générale; et chaque
destruction en particulier est opposée à chaque génération
particulière. Par conséquent, s'il est impossible qu'un même objet
subisse à la fois des changements opposés, il n'y aura pas de
changement continu; mais il y aura un temps de repos dans
l'intervalle de ces changements divers.
§ 4. Peu importe
d'ailleurs que les changements qui sont compris sous la
contradiction de l'être et du non-être, soient ou ne soient pas
réellement contraires, pourvu qu'ils ne puissent pas s'appliquer à
la fois au même objet; car ce n'est d'aucune utilité pour notre
démonstration.
§ 5. Peu importe même
qu'il n'y ait pas nécessité absolue d'un repos dans la
contradiction, et qu'il n'y ait pas non plus de changement contraire
au repos; car le non-être n'est peut-être pas en repos, et la
destruction qui tend au non-être n'y est pas davantage. Mais il
suffit ici qu'il y ait du temps dans l'intervalle, pour que dès lors
le mouvement ne soit plus continu. En effet, la contrariété n'est
pas utile à supposer dans les choses antérieures, et il suffit que
les deux états ne puissent pas appartenir à la fois à un même objet.
§ 6. Mais il ne faut
pas s'inquiéter de nous voir admettre qu'une même chose peut être à
elle seule contraire à plusieurs, comme le mouvement, par exemple,
est à la fois contraire et à l'inertie et au mouvement en sens
contraire, Mais il suffit de comprendre que le mouvement contraire
est opposé d'une certaine façon et au mouvement et au repos, tout de
même que l'égal et le moyen sont opposés tout à la fois et à ce qui
surpasse et à ce qui est surpassé, et que les mouvements ou les
changements opposés ne peuvent coexister dans un même être
simultanément.
§ 7. Il faut ajouter
pour la génération et la destruction, qu'il serait tout à fait
absurde de supposer que nécessairement l'être périt aussitôt après
qu'il est né, sans subsister la moindre parcelle de temps. Donc,
tout ceci peut expliquer tout aussi bien les changements qui sont
différents de la génération ; car il est dans les lois de la nature
qu'il en soit de même pour toutes les espèces de changements. |
Ch. XI, § 1. La nature de cette
translation première, cette démonstration ne sera donnée que
dans le chapitre suivant ; celui-ci sera consacré à quelques
théories préliminaires. - Antérieurement, voir plus haut, ch.
10, § 1.
§ 2. Tous les mouvements et tous les changements, ces deux
termes sont à peu près identiques, quoique l'idée de changement soit
plus large que celle de mouvement, Mais Aristote ajoute ici le
Changement, parce qu'il sera surtout question de la génération et de
la destruction, où il y a simple changement, et non pas mouvement
proprement dit. - Des opposés aux opposés, même observation
sur l'emploi du terme d'Opposés au lieu de celui de Contraires. Voir
les Catégories, ch. 10, § 1, p. 109 de ma traduction.-
L'être et le non-être, qui sont une simple opposition et qui ne
sont pas des contraires proprement dits. C'est une contradiction et
non une contrariété. - Pour l'altération, seconde espèce de
changement; c'est un mouvement dans la qualité. - Pour
l'accroissement, c'est un mouvement dans la quantité. -
L'achèvement ou l'inachèvement, c'est-à-dire que la grandeur
propre à l'espèce est atteinte ou n'est pas atteinte. - D'une
grandeur déterminée, j'ai ajouté ce dernier mot. - Qui
aboutissent aux contraires, et non pas seulement aux opposés. -
Un instant de repos, le texte n'est pas tout à fait aussi
formel. - Dans le contraire, c'est-à-dire que l'objet, avant
de passer à un état contraire, aura un intervalle de repos entre les
deux états, l'un qu'il quitte et l'autre qu'il prend.
§ 3. Les autres espèces de changements, c'est-à-dire, les
changements autres que les mouvements indiqués au § précédent -
La destruction et la génération, en d'autres termes, l'être et
le non être. - Des changements opposés, par exemple une même
chose ne peut à la fois être et ne pas être ; elle ne peut être
blanche et noire à la fois. - Un temps de repos, le texte dit
simplement :
«
Du temps. »
§ 4. De l'être et du non-être, j'ai ajouté ces mots pour que
la pensée fût plus claire. - Réellement, même remarque. -
Car ce n'est d'aucune utilité, c'est-à-dire qu'on n'a pas
besoin, pour la démonstration présentée ici, de supposer que l'être
et le non-être soient contraires absolument l'un à l'autre, au lieu
d'être simplement opposés; il suffit qu'ils soient contraires en ce
sens qu'ils ne peuvent pas être simultanément à un même objet.
§ 5. Nécessité absolue, j'ai ajouté ce mot. - Dans la
contradiction, c'est•à•dire, dans le passage de l'être au
non-être, ou du non-être à l'être. - De changement contraire au
repos, Aristote dit ici Changement et non Mouvement, parce qu'il
s'agit de l'être et du non-être. - Le non-être n'est peut-être
pas en repos, le non-être n'est ni en mouvement ni en repos. -
Dans l'intervalle, entre l'être et le non-être, ou bien entre
le non-être et l'être. - Le mouvement ne soit plus continu,
c'est ce qu'on veut démontrer dans ce chapitre - Dans les choses
antérieures, soit que le non-être précède l'être, soit que
l'être précède le non-être, et soit qu'il y ait génération ou
destruction.
§ 6. De nous voir admettre, le texte n'est pas tout à fait
aussi précis. - Et à l'inertie, ou au repos; mais j'ai changé
de mot, parce que le texte en a changé aussi. - Et au mouvement
en sens contraire, voir plus haut, livre V, ch. 7. - L'égal
et le moyen, l'égal est opposé et à ce qui est plus grand et à
ce qui est plus petit; le moyen l'est aussi et à ce qui le dépasse
et à ce qu'il dépasse. - Ne peuvent coexister, c'est-là la
seule condition ; et peu importe que les termes soient ou contraires
ou opposés.
§ 7. Pour la génération et la destruction, voir plus haut, §
3. - L'être périt aussitôt, ceci est absolument contredit par
le témoignage des sens, qui nous attestent que les êtres vivent et
subsistent toujours un certain temps. - Différents de la
génération, l'expression du texte est un peu moins précise. S'il
y a un intervalle de repos pour la génération et la destruction, il
doit y eu avoir également un pour les autres espèces de changements
; c'est là le sens de ce passage. |
CHAPITRE XII.
Le mouvement circulaire est le seul qui puisse être infini, simple et continu ;
le mouvement en ligne droite ne peut être continu. Démonstration de ce principe;
la ligne droite étant toujours finie, le mobile doit revenir sur lui-même ; et
comme il y a nécessairement un temps d'arrêt au point mi le mouvement
recommence, le mouvement ne peut être continu. - Réfutation du système de Zénon,
qui prétend que le mobile ne pourra jamais atteindre le milieu de sa course pour
revenir de là sur ses pas; réponse à ce sophisme ; comment il est possible de
parcourir l'infini en puissance, si ce n'est en acte. Des mouvements contraires;
nature particulière du mouvement circulaire, partant de soi et revenant à sol;
il n'y a pas de répétition nécessaire comme dans les autres espèces de mouvement
; c'est le seul mouvement parfait. - Erreur des Naturalistes sur le flux
perpétuel des choses. |
§ 1. Expliquons
maintenant comment il peut y avoir un mouvement d'une certaine
espèce, infini, unique et continu; et prouvons que ce mouvement est
le mouvement circulaire.
§ 2. Tout corps animé
d'un mouvement de translation se meut, ou circulairement, ou en
ligne droite, ou d'une façon mixte composée de l'un et de l'autre.
§ 3. Or, par une
conséquence évidente, si l'un de ces deux premiers mouvements n'est
pas continu, il est également impossible que le mouvement formé des
cieux le soit davantage.
§ 4. Il est clair
d'abord que le corps qui se meut en ligne droite et dans une ligne
finie; ne peut avoir un mouvement continu; car il revient sur
lui-même ; et en revenant en ligne droite, il a les mouvements
contraires. Ainsi, dans l'espace, le mouvement en haut est contraire
au mouvement en bas; le mouvement en avant est contraire au
mouvement en arrière; et le mouvement à droite est contraire au
mouvement à gauche ; car ce sont là les oppositions du lieu et de
l'espace que nous avons distinguées. Nous avons aussi établi
antérieurement les conditions d'un mouvement un et continu, et nous
avons dit que c'est le mouvement d'une seule chose dans un seul
temps, et dans une chose qui n'a pas de différence spécifique. En
effet, il y a trois termes à considérer, d'abord le mobile, l'homme
ou Dieu; puis le moment où le mouvement se passe, c'est-à-dire le
temps; puis ce dans quoi il se passe, c'est-à-dire le lieu,
l'affection, l'espèce ou la grandeur. Mais les contraires diffèrent
en espèce et ne sont pas un ; et les différences du lieu sont celles
qu'on vient d'énumérer.
§ 5. Ce qui prouve bien
que le mouvement de A en B est contraire au mouvement de B en A,
c'est que ces deux mouvements s'arrêtent et s'empêchent mutuellement
quand ils sont simultanés. Il en est de même pour le cercle. Ainsi,
le mouvement de A en B est contraire au mouvement de A en C. Ils
s'arrêtent réciproquement, bien qu'ils soient continus et qu'il n'y
ait pas de retour, parce que les contraires se détruisent et
s'empêchent mutuellement. Mais le mouvement oblique n'est pas le
contraire du mouvement en haut.
§ 6. D'ailleurs, ce qui
démontre surtout que le mouvement en ligne droite ne peut être
continu, c'est que le corps qui revient sur lui-même doit
nécessairement s'arrêter un instant, non-seulement sur la ligne
droite, mais encore sur le cercle où son mouvement se fait.
§ 7. Car ce n'est pas
la même chose d'avoir un mouvement circulaire et d'avoir un
mouvement sur le cercle, puisqu'il se peut que le corps continue son
mouvement, ou que rétrogradant au point d'où il était parti, il
revienne de nouveau sur ses pas.
§ 8. Mais qu'il y ait
nécessité absolue que le mouvement s'arrête ici un instant, c'est ce
dont on peut se convaincre non pas seulement par l'observation
sensible, mais encore par la raison seule.
§ 9. Voici notre
principe : Trois choses étant à considérer, le point de départ, le
milieu et la fin, le milieu, par rapport à chacun des cieux autres
termes, est les deux à la fois ; numériquement il est un; mais
rationnellement il est deux.
§ 10. De plus, il
faut ici distinguer toujours entre la puissance et l'acte , de telle
sorte qu'un point quelconque de la droite pris entre les extrémités
est le milieu en puissance , mais il ne l'est pas en fait , à moins
qu'il ne divise cette droite, et qu'après un temps d'arrêt, le
mouvement ne recommence; car c'est de cette façon seulement que le
milieu devient tout ensemble commencement et fin, commencement du
mouvement qui suit, fin du mouvement qui précède.
§ 11. Je donne un
exemple. Soit A qui se déplace, s'arrêtant à B, et étant mu ensuite
en C. Tant qu'il est dans un mouvement continu, A ne peut ni être
allé au point B ni s'en être éloigné ; mais il ne peut y être qu'un
instant, c'est-à-dire sans aucun temps appréciable; il n'y est que
dans le temps total ABC, dont cet instant est une division.
§ 12. Que si l'on
suppose que A s'approche et s'éloigne de B, alors il faudra toujours
que A s'arrête dans son déplacement; car il est bien impossible que
A s'approche et s'éloigne en même temps de B. Or ce sera
nécessairement dans un point différent du temps. Il y aura donc du
temps; et ce sera le temps intermédiaire entre deux mouvements. A,
par conséquent , s'arrêtera en B. De même pour les autres points;
car le même raisonnement s'applique à tous.
§ 13. Mais lorsque A
dans son mouvement emploie le milieu B comme fin et comme
commencement, alors il faut bien qu'il s'y arrête, puisqu'il en fait
deux, absolument comme la pensée pourrait aussi le faire.
§ 14. Cependant le
corps s'est éloigné du point A, qui est le commencement ; et il est
arrivé à C, quand il finit son mouvement et qu'il s'arrête.
§ 15. Voici ce qu'on
peut répondre à un doute, puisqu'en effet on en élève un, qui
consiste dans l'argument suivant: Si E est égal à F, et si A se meut
d'un mouvement continu de l'extrémité vers C, A est alors an point B
en même temps que D se meut de l'extrémité F vers G, d'un mouvement
uniforme, et avec la même vitesse que A. D arrivera à G avant que A
n'arrive à C; car, nécessairement, ce qui s'est mis le premier en
mouvement et est parti auparavant, doit aussi arriver auparavant.
§ 16. Ce n'est donc
pas en même temps que A est arrivé à B et qu'il s'est éloigné de B.
Aussi arrive-t-il plus tard; car si c'était en même temps, il ne
retarderait pas; mais il faut nécessairement qu'il y ait eu un
certain temps d'arrêt.
§ 17. Donc, il ne
faut pas admettre que, quand A parvenait en B, D s'éloignait en même
temps de l'extrémité F; car si A arrive en B, il faudra aussi qu'il
s'en éloigne; et ce ne pourra pas être en même temps, mais c'était
dans une section du temps, et non pas dans le temps lui-même. Or, il
est impossible d'appliquer au continu ce qu'on vient de dire.
§ 18. Quant au
mouvement qui revient sur lui-même, c'est là au contraire ce qu'il
faut en dire nécessairement ; car si FG avait un mouvement en D, et
que, revenant sur lui-même, il fût porté en bas, alors il emploie
l'extrémité D comme fin et comme commencement, c'est-à-dire que d'un
seul point il en fait deux. Donc, nécessairement il s'arrête et ce
n'est pas en un même temps qu'il peut arriver à D et s'éloigner de D
; car alors il serait, et tout ensemble il ne serait point, dans le
même instant.
§ 19. Mais on ne peut
pas admettre ici la solution que nous donnions tout à l'heure ; car
on ne peut pas dire que FG soit en section à D, ni qu'il y soit
arrivé, et qu'ensuite il s'en éloigne. C'est qu'étant en acte et non
plus en simple puissance, il doit atteindre nécessairement la fin.
Or, ce qui est au milieu n'est qu'en puissance, tandis que G est en
acte. C'est la fin quand le mouvement part d'en bas ; c'est le
commencement quand le mouvement part d'en haut ; et il en est de
même aussi pour les mouvements,
§ 20. Donc,
nécessairement le corps qui revient en ligne droite sur ses pas doit
s'arrêter ; donc aussi, sur la ligne droite, il est impossible qu'il
y ait un mouvement continu éternel.
§ 21. Cette même
réponse peut être opposée à ceux qui admettent l'objection de Zénon,
contre le mouvement, et qui prétendent, que, si l'on doit, toujours
atteindre et passer le milieu, les milieux sont infinis en nombre,
et que l'infini ne peut pas être parcouru.
§ 22. Ou bien selon
la forme différente que l'on donne encore à cette même objection, on
prétend qu'en même temps que le mouvement parcourt la première
moitié de l'étendue, il doit être possible de compter chaque milieu
qui se produit successivement, et que par conséquent, quand on a
parcouru la ligne entière on a réellement compté aussi un nombre
infini. Or, tout le monde accorde que c'est là quelque chose de tout
à fait impossible.
§ 23. Dans nos
premières recherches sur le mouvement, nous avons résolu cette
objection, en disant que le temps renferme en lui des infinis ; et
il n'est pas absurde de soutenir que dans un temps infini on peut
parcourir l'infini; et l'infini se retrouve également, soit dans la
grandeur, soit dans le temps.
§ 24. Cette réponse
est très suffisante contre celui qui argumente ainsi ; car la
question était de savoir si dans un temps fini on peut parcourir ou
sombrer l'infini. Mais pour la chose elle même et pour la vérité,
cette réponse n'est pas satisfaisante. En effet, lorsque laissant de
côté la longueur et cette question de savoir si dans un temps fini
on peut parcourir l'infini, on pose cos questions relativement au
temps lui-même, car le temps peut avoir des divisions infinies,
alors cette solution ne peut plus suffire.
§ 25. Mais il faut
répéter ici la vérité que nous venons d'énoncer tout à l'heure.
Quand on divise une ligne continue en deux moitiés, il y a un point
qui compte pour cieux et qui est employé à la fois comme
commencement et comme fin. Or, c'est là ce que l'on fait, soit que
l'on compte numériquement, soit qu'on divise la ligne en moitiés.
Mais par cette division, la ligne cesse d'être continue, aussi bien
que le mouvement ; car il n'y a de mouvement continu que pour tin
continu. Or, dans le continu, il y a bien des moitiés en nombre
infini si l'on vent; mais ce n'est pas en réalité; ce n'est qu'en
puissance. Que si l'on veut les rendre réelles et les faire passer
en acte, on ne produit plus un mouvement continu; on s'arrête. Il
est clair que c'est là précisément aussi ce qui arrive quand on
compte les moitiés ; car il faut alors nécessairement que sur la
ligne on compte un seul point pour deux, puisque ce point est la fin
d'une des moitiés et le commencement de l'autre, du moment que l'on
compte non plus une ligne continue, mais lieux demi-lignes.
§ 26. Ainsi quand
quelqu'un demande si l'on peut parcourir l'infini soit en temps,
soit en longueur, on doit répondre qu'en un sens c'est possible, et
qu'en un autre sens, ce ne l'est pas. Si l'on parle de choses en
acte, en réalité, c'est impossible ; mais cela se peut fort bien
s'il ne s'agit que de choses en puissance. En ayant en effet un
mouvement continu, ou parcourt accidentellement l'infini ; mais on
ne le parcourt pas d'une manière absolue ; car, indirectement, la
ligne peut bien avoir des moitiés en nombre infini; mais son essence
et son être sont tout à fait différents.
§ 27. Mais il est
évident que, si l'on n'admet pas que le point qui divise le temps en
antérieur et postérieur, appartient toujours au temps postérieur,
alors on arrive à cette conséquence absurde, qu'une même chose est à
la fois et n'est pas, et que quand elle sera devenue, elle ne sera
pas devenue. Ainsi le point, tout en restant le même et
numériquement un, sera commun aux deux, le postérieur et l'antérieur
; mais rationnellement, il n'est pas identique, puisqu'il est la fin
de l'un et le commencement de l'autre; et au fond, il appartient
toujours à la dernière affection.
§ 28. Soit le temps
représenté par ABC ; la chose dont il s'agit est représentée par D.
Dans le temps A, cette chose est blanche ; mais dans le temps B,
elle n'est pas blanche. Par conséquent, dans le temps C, elle est à
la fois blanche et pas blanche. Pour un point quelconque de A, il
est donc vrai de dire qu'elle était blanche, puisqu'elle l'était
durant ce temps tout entier, et qu'en B, elle n'était plus blanche ;
mais C est dans les deux. Il ne faut donc pas dire que la chose est
blanche dans le temps A tout entier; mais il faut en excepter le
dernier instant représenté par C ; et c'est là précisément le
postérieur.
§ 29. Si la chose
devenait non-blanche, et si elle périssait blanche dans A tout
entier, c'est alors en C qu'elle est devenue ou qu'elle a péri. Par
conséquent, c'est bien en C qu'il est primitivement vrai de dire
qu'elle est blanche ou qu'elle ne l'est pas. Ou autrement, quoique
la chose soit devenue, elle ne sera pas; et quand elle aura péri,
elle sera encore. En d'autres termes, elle sera nécessairement, tout
à la fois blanche et non-blanche ; elle sera, et tout à la fois elle
ne sera pas.
§ 30. Mais si ce qui
d'abord était du non-être devient nécessairement de l'être ; et si
quand il devient, il n'est pas encore, il s'ensuit qu'il est
impossible de diviser le temps en temps indivisibles. En effet, si
dans le temps A, D est devenu blanc, il l'est devenu aussi, et l'est
à la fois dans un autre temps indivisible, B, qui est la suite de A.
S'il l'est devenu dans A, c'est qu'il ne l'était pas auparavant, et
il l'est dans B. Il faut donc qu'il y ait une certaine génération
intermédiaire; et par conséquent, il y a eu un temps dans lequel le
phénomène s'est produit et est devenu.
§ 31. Car cette même
démonstration ne peut être admise par ceux qui nient que le temps
soit indivisible. Mais on répond que la chose est devenue et qu'elle
est ce qu'elle est, dans le point extrême du temps pendant lequel
elle se produisait. Or, rien ne tient à ce point ni ne le suit ; et
cependant si les temps sont indivisibles, ils doivent se suivre.
§ 32. Ainsi il est
clair que, si la chose est devenue dans le temps entier A, le temps
dans lequel elle est devenue et a été, n'est pas plus considérable
que le temps tout entier dans lequel elle est d'abord devenue
seulement.
§ 33. Tels sont à peu
près les raisonnements principaux sur lesquels on peut appuyer plus
spécialement cette théorie ; mais à ne discuter les choses que
logiquement, on peut arriver encore à la même conséquence par les
arguments qui suivent.
§ 34. Tout ce qui se
meut d'une manière continue, si aucun obstacle ne le gène, était
antérieurement porté vers le point même auquel il est arrivé dans sa
translation. Par exemple, si le corps est arrivé à B, c'est qu'il
était porté aussi vers B ; et ce n'est pas seulement quand il s'en
est rapproché, mais c'est au début même de son mouvement. Car
pourquoi y serait-il porté maintenant plus qu'auparavant? De même
aussi pour tous les autres cas. Mais le mobile qui va de A en C
reviendra dans son mouvement continu de nouveau en A. Lors donc que
de A il allait en C, il avait à ce moment même pour aller en A le
mouvement venu de C. Par conséquent, il avait à la fois les
mouvements contraires; car les mouvements en ligne droite sont
contraires.
§ 35. Mais en même
temps c'est supposer que l'objet change et sort d'un état où il
n'est pas ; et si c'est là une chose impossible, il faut
nécessairement qu'il y ait un arrêt en C. Donc le mouvement n'est
pas un, puisque le mouvement interrompu par un repos n'est pas
unique.
§ 36. Mais voici ce
qui jette encore un nouveau jour sur cette théorie en s'appliquant
plus généralement à toute espèce de mouvement. En effet si tout ce
qui est en mouvement ne peut avoir qu'un des mouvements dont nous
avons parlé, il ne se repose non plus que dans les repos opposés à
ces mouvements; car il n'y en a pas d'autres que ceux qu'on a
indiqués. Mais le mobile qui n'a pas toujours eu le mouvement qui
l'anime, et j'entends des mouvements différents en espèce, et non
point une partie quelconque d'un mouvement total, doit
nécessairement s'être d'abord reposé dans le repos opposé au
mouvement qu'il a, puisque le repos est la privation du mouvement.
§ 37. Si donc les
mouvements contraires sont ici ceux qui ont lieu en ligne droite, et
s'il est impossible que le même corps ait les mouvements contraires
simultanément, le mobile qui va de A en C, ne peut aller en même
temps de C en A. Mais comme ce mouvement n'est pas simultané, et que
cependant le mobile l'éprouve, il faut bien qu'il se soit
antérieurement arrêté en C ; car c'était ce repos qui était opposé
au mouvement parti de C. Donc il est évident, d'après ce qu'on vient
de dire, que ce mouvement n'est pas continu.
§ 38. Voici encore un
nouvel argument qui paraît encore plus direct qu'aucun de ceux qui
précèdent. C'est en un même temps que ce qui n'est pas blanc a péri
et qu'il est devenu blanc ; or, si l'altération qui mène au blanc
est continue, ainsi que celle qui part du blanc, et si elle ne
subsiste pas un certain laps de temps quelconque, c'est, en même
temps qu'a péri le non-blanc, que l'objet est devenu blanc et qu'il
est devenu non-blanc; car le temps sera un seul et même temps pour
les trois états.
§ 39. De plus parce
que le temps est continu, il ne s'ensuit pas que le mouvement le
soit aussi, et il n'en est pas moins successif.
§ 40. Mais comment
l'extrémité pourrait-elle être la même pour les contraires, par
exemple pour le blanc et le noir ?
§ 41. Quant au
mouvement qui se fait en ligne circulaire, celui-là peut être un et
continu ; car là il n'y a plus d'impossibilité. Le mobile parti de
A. reviendra tout ensemble eu A par la même impulsion ; car il se
meut vers le point où il devra arriver. Mais pour cela, il n'aura
pas en même temps les mouvements contraires, ni même les mouvements
opposés ; car tout mouvement partant d'un point n'est pas contraire
ni opposé à un mouvement revenant à ce point. Il n'y a que le
mouvement en ligne droite qui soit contraire, puisque la ligne
droite peut avoir des contraires dans l'espace et le lieu. Tel est
par exemple le mouvement selon le diamètre; car c'est le plus
éloigné, et le mouvement opposé est celui qui se passe sur la même
largeur. Par conséquent, rien n'empêche que le mouvement circulaire
ne soit continu, sans aucune interruption dans un intervalle
quelconque de temps.
§ 42. En effet le
mouvement circulaire est celui qui part de soi pour revenir à
soi-même, tandis que le mouvement direct part de soi pour aller à un
autre.
§ 43. Le mouvement en
cercle n'est jamais dans les mêmes points, tandis que le mouvement
en ligne droite y est aussi souvent qu'on veut. Ainsi le mouvement
qui est toujours dans un autre point, puis dans un autre, peut fort
bien être continu, tandis que celui qui revient plusieurs fois dans
les mêmes points ne peut pas l'être; car il faudrait nécessairement
que le corps eût en même temps des mouvements opposés.
§ 44. Par conséquent,
il ne peut y avoir non plus de mouvement continu, ni dans le
demi-cercle, ni dans toute autre partie de la circonférence; car il
faudrait alors que les mobiles subissent plusieurs fois les mêmes
mouvements et qu'ils éprouvassent les changements contraires,
puisque l'extrémité ne s'y rattache pas au point de départ. Mais
dans le mouvement circulaire, elle s'y rattache ; et ce mouvement
est le seul qui soit parfait.
§ 45. La division que
nous venons de faire prouve encore que les autres espèces de
mouvements ne peuvent pas davantage être continues, puisque dans
toutes le même mouvement se répète à plusieurs reprises. Ainsi il
passe dans l'altération par les qualités intermédiaires; dans le
mouvement de quantité, par les grandeurs moyennes ; et de même dans
la génération et la destruction. Peu importe en effet que les choses
où a lieu le changement soient en petit nombre ou en grand nombre;
peu importe également qu'on ajoute ou qu'on retranche quelque chose
d'intermédiaire ; de quelque manière qu'on s'y prenne, il faut que
le mouvement se répète plusieurs fois dans les mûmes points.
§ 46. On voit donc
bien d'après tout ceci que les Naturalistes n'ont pas raison de
soutenir que toutes les choses sensibles sont dans un mouvement
perpétuel, attendu que selon eux elles doivent toujours
nécessairement avoir un des mouvements divers dont nous avons parlé.
A les en croire, ce serait surtout le mouvement d'altération ; car
il prétendent que les choses sont dans un écoulement et clans un
dépérissement incessants ; et ils rangent en outre dans l'altération
la génération et ]a destruction des choses. Mais la théorie que nous
venons d'exposer a dû prouver qu'il n'y a aucun mouvement continu de
possible, si ce n'est le mouvement circulaire; et par suite le
mou-veinent continu n'est possible ni dans l'altération ni clans
l'accroissement.
§ 47. Voilà ce que
nous avions à dire pour démontrer qu'il n'y a pas de changement qui
soit infini ou qui soit continu, si ce n'est la translation
circulaire. |
Ch. XII, § 1. Expliquons maintenant,
il a été prouvé plus haut qu'il ne peut y avoir de continuité que
dans le mouvement de translation et non dans les autres espèces de
mouvement. Il va être prouvé dans ce chapitre que dans le mouvement
de translation, il n'y a que la translation circulaire qui puisse
être continue.
§ 2. Tout corps animé d'un mouvement de translation, il n'y a
que trois espèces de translation possibles: ou circulaire, ou
directe, ou mixte c'est-à-dire composée des deux premières. Ainsi le
corps se meut circulairement, ou en ligne droite, ou en ligne
brisée, que cette ligne brisée soit une suite de lignes droites nu
un composé de droites et de courbes.
§ 3. De ces deux premiers mouvements, la translation
circulaire et la translation en ligne droite. - Le mouvement
formé des deux, c'est-à-dire dont une partie serait courbe et
dont l'autre partie serait en ligne droite, en combinant ces deux
éléments dans telle proportion qu'on voudrait.
§ 4. Et dans une ligue finie, cette addition est
indispensable, parce qu'on pourrait supposer un mouvement continu en
ligne droite, si cette droite pouvait être infinie. - II revient
sur lui-même, après avoir parcouru la ligne droite en un sens,
il la parcourt en sens contraire, et ainsi de suite à l'infini, si
l'on veut ; mais alors le mouvement cesse d'être continu. - Du
lieu et de l'espace, il n'y a qu'un seul mot dans le lexique
nous avons distinguées, ce sont les distinctions très claires et
très naturelles qui ont été rappelées fréquemment dans tout le cours
de ce traité. - Antérieurement, voir plus haut, Livre V, ch.
6. - L'homme ou Dieu, sans doute, Aristote a choisi ces deux
exemples, parce que c'est en Dieu d'abord, et ensuite dans l'homme
que se manifeste la spontanéité du mouvement; mais alors c'est le
Moteur et non le Mobile qu'il faudrait dire. - Qu'on vient
d'énumérer, dans ce § même.
§ 5. Ces deux mouvements s'arrêtent et s'empêchent, il n'y a
qu'un seul mot dans le texte. Il faut supposer deux corps qui vont à
la rencontre l'un de l'autre, et qui s'arrêtent mutuellement. -
Il en est de même pour le cercle, ou peut supposer sur le
cercle, comme sur la ligne droite, que deux corps marchent en sens
contraire à la rencontre l'un de l'autre. Plus tard, il sera établi,
que le mouvement circulaire peut être continu. - Mais le
mouvement oblique, c'est-à-dire un mouvement qui serait
horizontal, tandis que l'autre aurait lieu de bas en haut, les deux
mouvements étant supposés partir d'un même point.
§ 6. Le mouvement en ligne droite,
«
et fini,» faudrait-il ajouter. - Mais encore sur le cercle,
en supposant que le corps, après avoir parcouru le cercle en un
sens, le parcoure ensuite dans l'autre.
§ 7. Un mouvement circulaire, qui est continu et toujours le
même. - Un mouvement sur le cercle, c'est-à-dire qui parcourt
le cercle en un sens d'abord, et ensuite dans un sens 'opposé. La
suite du texte explique d'ailleurs fort clairement cette
distinction.
§ 8. Que le mouvement s'arrête, et qu'il y ait par conséquent
un temps de repos, cc qui constitue deux mouvements différents au
lieu d'un seul mouvement continu. - Ici un instant, j'ai cru
devoir ajouter ces mots pour éclaircir la pensée. - Par
l'observation sensible... par la raison seule, l'une contrôlant
les données de l'autre. La sensibilité ne fait connaitre que les
phénomènes; la raison en fait connaître la casse,
§ 9. Notre principe... le point de départ, le texte emploie
le même mot pour rendre ces deux idées. - Rationnellement il est
deux, c'est-à-dire qu'il est à la fois la fin par rapport au
commencement, et le commencement par rapport à la fin.
§ 10. Ici, j'ai ajouté ce mot. - La puissance et l'acte,
en d'autres termes : Ce qui peut être et ce qui est. - Est le
milieu, non pas précisément parce qu'il est à égale distance des
deux extrémités, mais parce qu'il peut être le point où le mouvement
s'arrête pour recommencer. - A moins qu'il ne divise cette droite,
et qu'on ne le prenne alors pour point de repos, et qu'ensuite le
mouvement ne recommence, comme le dit le texte.
§ 11. Je donne un exemple, qui éclaircit et confirme ce qui
vient d'être dit. - Ni être allé au point B, ni s'en être
éloigné, c'est-à-dire que le corps n'a pu s'arrêter en B, après
avoir parcouru un certain espace, et pour y recommencer à parcourir
un espace nouveau. - Qu'un instant, et l'instant ne fait pas
partie du temps ; il le divise seulement. Voir plus haut, Livre IV,
ch. 14, § 4. -Appréciable, j'ai ajouté ce mot. - Le temps
total ABC, j'ai ajouté ABC. - Dont cet instant est une
division, et non point une partie ; l'instant est indivisible,
tandis que le temps se compose d'éléments divisibles à l'infini.
§ 12. S'approche et s'éloigne de B, c'est-à-dire du point où
le mouvement antérieur cesse, et où commence un mouvement nouveau. -
S'arrête dans son déplacement, et que le mouvement cesse
d'être continu puisqu'il y aura un temps de repos. - En même
temps, il faut nécessairement deux temps distincts : le premier,
où le corps en mouvement arrive à B; le second, où il part de B pour
aller plus loin, ou pour revenir. - Un point différent du temps,
peut-être vaudrait-il mieux dire :
«
Dans une partie différente du temps.
»
- Il y aura donc du temps, et non plus seulement un instant.
- Entre les deux mouvements, dont l'un finit et dont l'autre
recommence. - De même pour les autres points, pour les points
autres que B, à quelque distance qu'on les prenne de l'une ou
l'autre extrémité.
§ 13. Emploie le milieu B, c'est-à-dire, passe par B, où il
arrive et s'arrête pour en repartir de nouveau. - Comme la pensée
pourrait aussi le faire, voir plus haut, §§§ 8 et 9.
§ 14. Cependant le corps s'est éloigné, ce § a pour but de
marquer la différence des extrêmes avec le milieu, à quelque
distance qu'on le prenne. Le point A, n'est que le commencement, et
pas autre chose; le point C n'est également que la fin. Le point
milieu au contraire, B ou tout autre, est à la fois fin et
commencement, ou commencement et fin.
§ 15. Qui consiste dans l'argument suivant, le texte n'est
pas tout à fait aussi formel. - Si E est égal à F, il
faudrait construire une figure composée de deux lignes, l'une plus
longue, dont une partie désignée par E serait égale à l'autre ligne
désignée par F. A est un des mobiles ; D est l'autre mobile, tous
deux animés d'une égale vitesse, à ce qu'on suppose. Si A arrive à
E, et qu'à ce même instant D parte de F, on prétend que D arrivera à
G avant que A n'arrive à C, bien que D et A aient la même distance à
parcourir et qu'ils aient une vitesse égale, attendu que A se sera
arrêté en E après y être arrivé et avant d'en repartir. On répondra
à cette objection au § 17.
§ 16. Ce n'est donc pas en même temps, ceci n'est que lu
développement plus complet de l'objection précédente. - Aussi
arrivera-t-il plus tard, puisqu'on suppose qu'il s'est arrêté en
E avant d'en repartir. - Un certain temps d'arrêt, et par
conséquent une perte de temps, pendant le quel D a marché.
§ 17. Donc il ne faut pas admettre, réponse à l'objection, -
Quand A parvenait en B, en suivant son mouvement continu. -
Si A arrive en B, on ne peut pas dire que A arrive en B
précisément; mais il passe par B sans s'y arrêter. - Dans une
section du temps, et non dans une partie du temps. Plus haut, §
11, il a été dit :
«
Une division du temps.
»
- Au continu, car le continu n'a pas de temps d'arrêt ni de
division, si ce n'est en puissance. La réponse à l'objection est
plus nette que l'objection même, qui aurait pu âtre présentée d'une
manière plus satisfaisante.
§ 18. Quant au mouvement qui revient sur lui-même, soit sur
une même ligne droite; soit sur une ligne mixte composée de courbes
et de droites. Voir plus haut, § 8. - Il fut porté en bas, il
faut supposer que le corps G s'élève en montant jusqu'à un point D,
et qu'ensuite il redescend selon la ligne qu'il a suivie pour
monter. Alors il est bien évident que D est à la fois la fin du
mouvement qui élève F, et le commencement du mouvement qui
l'abaisse.
§19. Que nous donnions tout à l'heure, plus haut, § 16,
c'est-à-dire que le point D où parvient le corps G, n'est pas
simplement en puissance, mais qu'il est bien réel comme
l'observation le prouve. - Ce qui est au milieu, c'est-à-dire
le point qu'on prenait sur la ligne arbitrairement, pour en faire la
fin d'un premier mouvement et le commencement d'un second. Le point
sur la ligne est pris où l'on veut, et il n'est qu'en puissance;
mais le point extrême où un corps arrive en montant et d'où il part
pour redescendre, est une réalité sensible et incontestable. - Il
en est de même aussi pour les mouvements, sous-entendu que pour
les lignes; et en effet la ligne que parcourt le corps en montant et
celle qu'il parcourt en descendant , se confondent avec les deus
mouvements dont le corps est tour à tour animé.
§ 20. Donc nécessairement, conclusion de la discussion
annoncée aux §§ 6 et 8. - Qu'il y ait un mouvement continu
éternel, la démonstration n'est peut-être pas aussi
satisfaisante que le croit Aristote ; mais la conclusion n'en est
pas moins vraie ; et le mouvement éternel est circulaire, et il
n'est pas en ligne droite.
§ 21. Contre le mouvement, j'ai ajouté ces mots pour
éclaircir la pensée. Sur l'argument de Zénon, voir plus haut, Livre
VI, ch. 14, § 8. - L'infini ne peut pas être parcouru, voici
l'argument entier, qui n'est d'ailleurs qu'un sophisme. Pour que le
corps arrive à la fin de la ligne qu'il parcourt, il faut qu'Il
passe par tous les points intermédiaires; or, ces points sont
infinis, et comme on ne peut parcourir l'infini, il s'ensuit que le
corps ne peut arriver à la fin de la ligne, et que le mouvement est
impossible.
§ 22. La forme différente, cette différence est à peine sensible, et
il semble qu'elle consiste seulement à ce qu'on applique à la moitié
de la ligne le raisonnement qu'on appliquait tout à l'heure à la
ligne entière. - La première moitié de l'étendue, ou de la
ligne. - Compté aussi un nombre infini, puisque le nombre des
milieux est infini, et qu'on suppose les avoir tous parcourus, -
Tout le monde accorde, voir plus haut, Livre VI, ch. 4, § 21.
§ 23. Nos premières recherches sur le mouvement, voir plus
haut, Livre VI, ch. 1, § 21. Il semblerait d'après cette citation
que le livre Vlll ne fait pas partie du même ouvrage que le livre
VI; mais il est possible que ceci se rapporte dans la pensée
d'Aristote aux époques différentes où il aura rédigé cet ouvrage. -
Dans un temps infini on peut parcourir l'infini, il ne semble
pas que cette proposition soit aussi évidente que le croit Aristote
; ou plutôt elle est contradictoire; car du moment que le temps est
infini, on ne peut le parcourir tout entier. - Soit dans la
grandeur, soit dans le temps, en effet, il importe peu que l'on
considère l'infini soit dans un corps quelconque soit dans le temps.
§ 24. Contre celui qui argument ainsi, c'est ce qu'on appelle
une réponse ad hominem; mais il faut en outre examiner la chose en
soi, et résoudre l'objection indépendamment de la forme que lui
donne celui qui la fait. - Relativement au temps lui-même,
c'est-à-dire à la portion de temps qu'a duré le mouvement, et non au
temps entier. Or, cette portion de temps a des éléments infinis,
puisque le temps est continu.
§ 25. D'énoncer tout à l'heure, voir plus haut, § 5. -
Soit que l'on compte numériquement, c'est une des formes de
l'objection de Zénon, plus haut, § 22 : On ne peut compter l'infini.
- Soit qu'on divise la ligne en moitiés, c'est l'autre forme
de l'objection, plus haut, § 21 : On ne peut parcourir l'infini. -
La ligne cesse d'être continue, et alors l'objection de Zénon
ne porte plus, puisque le mouvement est fini par cela même. -
Aussi bien que le mouvement, qui la parcourt; et ce qu'on dit de
la ligne s'applique tout aussi bien au mouvement que celte ligne
représente. - Pour un continu, c'est-à-dire sur une ligne
continue. - Il a bien des moitiés, on peut subdiviser la
première moitié en deux autres, et ainsi de suite à l'infini.
Moitiés signifie ici Milieux. - On s'arrête, et alors le mouvement
n'est plus continu. - Quand on compte les moitiés, au §
suivant il sera question de la division des moitiés et non plus de
leur nombre. - Car il faut alors nécessairement, cette fin du
§ est une répétition peu utile, à ce qu'il semble, du début.
§ 26. Parcourir l'infini, c'est la seconde forme de
l'objection de Zénon : On parcourt l'infini au lieu de le compter. -
En acte, en réalité, il n'y a qu'un seul mot dons le texte. -
On parcourt accidentellement, ou indirectement, parce que le
mouvement continu a une infinité de divisions possibles, si ce n'est
réelles. - D'une manière absolue, ou réelle. - Des moitiés,
la ligne étant d'abord divisée en deux ; puis, chacune des moitiés
en deux autres, et ainsi de suite à l'infini. - Mais son essence
et son être, c'est-à-dire que celte propriété n'est pas
essentielle à la ligne, qui est définie : Une longueur sans largeur.
§ 27. En antérieur et postérieur, j'ai conservé toute la
généralité de l'expression grecque ; elle s'applique au temps, au au
mouvement, ou à la longueur. - Est à la fois et n'est pas,
voir plus bas, § 28. - Quand elle sera devenue, voir plus
bas, § 29. - Rationnellement, voir plus haut, § 9. - A la
dernière affection, c'est-à-dire qu'il faut toujours considérer
le point de division comme étant le commencement d'un mouvement
nouveau, et non comme la fin d'un mouvement antérieur. Voir au §
suivant.
§ 28. Représenté par ABC, A est la première moitié du temps;
B est la seconde moitié ; C est le point où cesse un premier
mouvement, et où en commence un second. - La chose dont il s'agit,
j'ai ajouté les derniers mots. - Dans le temps C, le texte
est un peu moins précis, et Il dit simplement : En C. - Mais C
est dans les deux, parce qu'il est la fin de l'un, et le
commencement de l'autre. - Dans le temps A tout entier, le
texte n'est pas tout à fait aussi formel. - Le dernier instant,
il faut se rappeler que l'instant n'est pas du temps, mais une
division du temps.
§ 29. Si la chose devenait, au lieu d'être; c'est la seconde
hypothèse énoncée au § 27. - Si elle périssait blanche, cette
tournure singulière est dans le texte, et j'ai cru devoir lu
conserver. - Dana A tout entier, il semble que c'est plutôt
dans une simple partie de A, et dans sa dernière partie représentée
par C; peut-être ces mots :
«
Toul entier,
» sont-ils une interpolation. - C'est
bien C, le texte n'est pas tout à fuit aussi précis, et il ne
nomme pas C. - Quoique la chose soit devenue, ce ce qu'elle
doit devenir et qu'elle ait éprouvé le changement qu'elle doit
éprouver. - Elle ne sera pas, j'ai conservé la concision du
texte.
§ 30. Mais si ce qui d'abord... on ne voit pas bien comment
ce § et les deux suivants 31 et 32 se rattachent à ce qui précède.
L'ordre de la pensée ne recommence qu'au § 33. - Diviser le temps
en temps indivisibles, c'est une théorie qui a été discutée déjà
tout au long, plus haut, Livre VI, ch. 1, §§ 5, 6 et 17; ici elle
n'est qu'une digression. - Qui est la suite de A, le texte
est un peu moins précis. Si l'on suppose que D est la suite de A, il
n'y a plus alors de temps intermédiaire, entre A et B, où l'objet D
ait pu devenir blanc.
§ 31. Car cette même démonstration, la pensée n'est plus ici
très nette; et il semble que c'est une objection qu'Aristote se fait
à lui-même; car il est de ceux qui nient que le temps soit
indivisible et qui soutiennent qu'il est au contraire toujours
divisible, si ce n'est en acte du moins en puissance. - Mais on
répond, le texte n'est pas aussi formel. - Dans le point
extrême du temps, c'est-à-dire en C, pour reprendre les ternies
du § 28. - Rien ne tient à ce point, qui n'est qu'une section
et non une partie du temps. - Ils doivent se suivre, de façon
qu'il n'y ait rien d'intermédiaire entre eux.
§ 32. Dans le temps entier A, c'est-à-dire y compris C, qui
appartient à la partie dernière de A; voir plus haut, § 27. - Et
a été, ce qu'elle était avant de devenir. - N'est pas plus
considérable, c'est-à-dire qu'il est un seul et même temps. -
Devenue seulement, j'ai ajouté ce dernier mot pour éclaircir la
pensée.
§ 33. Cette théorie, à savoir que le mouvement en ligne
droite ne peut être continu et éternel. - Logiquement, il
semble que les discussions qui précèdent sont au moins aussi
purement logiques que celles qui vont suivre. - Par les arguments
qui suivent, le texte n'est pas tout à fait aussi formel.
§ 34. Antérieurement , c'est-à-dire dès le début de son
mouvement, comme il est dit un peu plus bas. - Le mouvement venu
de C, puisqu'on suppose que le mouvement est continu et qu'il
n'y a pas de temps d'arrêt. Ainsi le corps partant de A est animé
tout à la fois, et du mouvement qui le porte en C, et du mouvement
qui le ramène de nouveau de C en A, d'où il est parti. Il a donc les
mouvements contraires, si l'on soutient qu'il n'y a pas de repos en
C. - Les mouvements en ligne droite, dont l'un va de A en C,
et dont l'autre revient de C en A.
§ 35. Change et sort, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.
- D'un état, ou d'un lieu. - Où il n'est pas, ce qui
est contradictoire. -- Qu'il y ait un arrêt en C, et qu'après
un moment de repos, le corps reprenne un nouveau mouvement. - Le
mouvement interrompu par un repos, après lequel commence un
mouvement différent.
§ 30. A toute espèce de mouvement, translation,
accroissement, altération. - Dont nous avons parlé, plus
haut, Livre V, ch. 2, § 2, les espèces du mouvement ou du
changeaient ont été réduites à trois. - Que ceux qu'on a indiqués,
voir plus haut, Livre V, ch. 8 et 9. - Différents en espace,
par exemple la translation, l'altération, l'accroissement, etc. -
Et non point une partie quelconque, comme serait une portion de
la ligne droite, ou circulaire, parcourue par le corps.
§ 37. Sont ici, j'ai ajouté ce dernier mot pour rendre la
pensée plus claire. - De A en C, voir plus haut, S 34. -
Antérieurement , c'est-à-dire avant de revenir de C en A. -
Arrêté en C, d'où est parti un nouveau mouvement; et par
conséquent, le mouvement initial n'est pas continu. L'argument
exposé dans ce § revient à ce principe évident que les contraires ne
peuvent coexister dans un seul et même objet.
§ 38. Encore plus direct, en ce qu'il touche une certaine
espèce de mouvement, tandis que l'argument précédent ne reposait que
sur un principe général de logique. - Que ce qui n'est pas blanc
a péri, le non-blanc a péri en même temps que le blanc se
produisait, c'est-à-dire qu'il a fallu que l'un disparût pour faire
place à l'autre. - L'altération qui mène au blanc,
l'altération est une espèce de mouvement; c'est le mouvement dans la
qualité. - Si elle ne subsiste pas un certain laps de temps,
c'est-à-dire s'il n'y a pas un certain temps d'arrêt et un certain
repos, comme on a supposé plus haut qu'il devait y en avoir dans la
translation au point C, où le corps revient sur lui-même. - Sera
un seul et même temps, ce qui est impossible, puisque ce sont
aussi des contraires.
§ 30. - Le temps est continu, le temps est confondu ici avec
la durée; c'est la durée qui est continue ; mais le temps n'est pas
plus continu que le mouvement ; l'un répond à l'autre, et ils sont
tous les deux ou continus ou successifs. Chacun des mouvements a son
temps spécial; et entre les deux temps, il y a la même interruption
qu'entre les deux mouvements. - Il n'en est pas moins successif,
voir pour la définition de l'idée de succession, plus haut, Livre V,
ch. 5, § 8.
§ 40. L'extrémité, c'est-à-dire le point intermédiaire où les
deux objets se confondent pour n'en faire qu'un. - Pour le blanc
et le noir, voir plus haut, § 38. Le blanc et le noir ne peuvent
être continus l'un à l'autre, parce qu'ils n'ont pas d'extrémité
commune. Voir la définition de la continuité, Livre V, ch. 5, § 11.
§ 41. D'impossibilité, comme il y en avait dans les
mouvements qu'on a étudiés un peu plus haut, c'est-à-dire qu'on peut
admettre la continuité dans le mouvement circulaire, sans qu'on soit
réduit à des conséquences absurdes et impossibles. - Tout
ensemble, peut-être pouvait-on expliquer plus nettement ce que
le mouvement circulaire a de particulier. - Il se meut vers le
point où il devra arriver , c'est-à-dire qu'au moment où il
quitte un point, il se meut déjà vers ce point; ce qui se répète
sans interruption sur la circonférence entière et indéfiniment. -
Ni même les mouvements opposés, opposé est une nuance affaiblie
de contraire; voir les Catégories, ch. X, page 109 de ma
traduction ; mais l'idée de contraire est moins large que celle
d'opposé. - Selon le diamètre, il faut supposer un carré et
deux mouvements dont l'un se passe sur le diamètre et l'autre sur un
des côtés. Le mouvement qui revient en ligne droite sur le diamètre
est plus contraire que celui qui revient eu ligne droite aussi sur
un des côtés. II eût été plus simple de dire que le mouvement sur le
diamètre est plus étendu que le mouvement latéral. - C'est le
plus éloigné, ou plutôt le plus étendu. - Dans un intervalle
quelconque de temps, qui constitue un repos, et par conséquent
un second mouvement.
§ 42. Part de soi pour revenir à soi, définition
très-ingénieuse. Le cercle revient sans cesse sur lui-même, en même
temps qu'il s'éloigne sans cesse. - De soi pour aller à un autre,
le mouvement direct part d'un certain point pour aller à un point
différent.
§ 43. N'est jamais dans les mêmes points, si ce n'est quand
le corps parcourt une seconde fois ou plusieurs fois la même
circonférence; mais entre les circonférences parcourues
successivement, il n'y a jamais de repos dans le mouvement. -
Aussi souvent qu'on veut, le texte dit :
«
Plusieurs fois,
»
- Dans un autre point, puis dans un autre, ceci semble un peu
contradictoire avec ce qui précède, si on l'applique au mouvement
circulaire; mais il faut rapporter cette expression à ce qui vient
d'être dit du mouvement en ligne droite, qui revient
nécessairement vers les mêmes points, de A en C et de C en A, pour
pouvoir être continu. - Des mouvements opposés, ou plutôt des
mouvements contraires.
§ 44. Ni dans le demi-cercle, en supposant que le corps
parcourt d'abord le demi-cercle sur la circonférence et revienne
ensuite au point de départ parle diamètre; ce serait alors un
mouvement mixte, courbe d'abord et direct ensuite. - Ni dans
toute autre partie de la circonférence, comme serait un arc de
la circonférence, sous-tendu par une corde, au lieu du demi-cercle
et du diamètre. - Subissent plusieurs fois les mêmes mouvements,
en effet le mouvement qui d'abord était courbe, se change
successivement en ligne droite. - L'extrémité ne s'y rattache pas
au point de départ, tandis que dans le cercle le mouvement va
toujours du même au même, et que le point de départ s'y confond sans
cesse avec le point d'arrivée, et réciproquement.
§ 45. La division que nous venons de faire, en distinguant le
mouvement circulaire du mouvement en ligne droite. - Les autres
espèces de mouvements, l'altération, l'accroissement, etc. -
Se répète à plusieurs reprises, et revient sur lui-même en
passant par les mêmes points. - Les qualités intermédiaires,
par exemple une chose passant du noir au blanc et du blanc au noir,
en prenant successivement les nuances intermédiaires, qui séparent
les deux, couleurs extrêmes. - Les grandeurs moyennes, un
corps s'accroissant, puis diminuant, passe et repasse par la même
grandeur moyenne, comme le mouvement en ligne droite revient sur ses
pas. - La génération et la destruction, qui est plutôt une
contradiction qu'un mouvement proprement dit. - Les choses où a
lieu le changement, c'est-à-dire les intermédiaires. - Qu'on
ajoute ou qu'on retranche, pour le mouvement qui a lieu dans la
quantité, selon que la chose grandit on diminue.
§ 46. Les Naturalistes, ceci s'applique surtout à Héraclite ;
voir plus haut, Livre 1, ch. 2, § 1. - Selon eux, j'ai ajouté
ces mots pour éclaircir la pensée. - Dont nous avons parlé,
translation, altération, accroissement. - La génération et la
destruction des choses, qu'Aristote range avec raison dans la
contradiction. - Ni dans l'altération ni dans l'accroissement,
comme les Naturalistes l'ont supposé.
§ 47. Voici ce que nous avions à dire, on peut trouver que
cette discussion a été un peu longue et par fois un peu subtile;
mais le principe est vrai, et il est d'une importance considérable
pour toute la théorie du mouvement. |
CHAPITRE XIII.
La translation circulaire est la première des translations; trois espèces de
translation ; élimination de la translation en ligne droite et de la translation
mixte; la translation circulaire est, de tous les mouvements, le seul qui puisse
être éternel. |
§ 1. Il est clair que
parmi les translations, c'est la translation circulaire qui est la
première.
§ 2. Toute translation,
ainsi que nous l'avons dit un peu plus haut, est ou circulaire, ou
en ligne droite, ou mixte, c'est à dire composée de l'une et de
l'autre.
§ 3. Or, il faut
nécessairement que la translation circulaire et la translation
directe soient antérieures à la troisième, qui n'est formée que des
deux premières.
§ 4. Mais la
translation circulaire est antérieure à la translation en ligne
droite; car elle est plus qu'elle simple et complète. En effet il
est bien impossible que la droite selon laquelle se passerait le
mouvement soit infinie, parce qu'il n'y a point d'infini de ce
genre. Et s'il y en avait, le mouvement n'y pourrait avoir lieu pour
quoi que ce soit; car l'impossible ne se produit jamais, et il est
impossible de parcourir une ligne infinie. Quant au mouvement sur
une droite finie, si le mouvement y revient sur lui-même, il est
composé ; et dès lors il y a en réalité deux mouvements; ou si le
mouvement ne revient pas sur lui-même, il est incomplet, et il
s'éteint. Mais le complet est antérieur à l'incomplet, en nature, en
raison et aussi en temps, de même que l'impérissable est également
antérieur au périssable,
§ 5. On doit ajouter
que le mouvement qui peut être éternel, est antérieur à celui qui ne
le peut pas. Or, la translation circulaire peut être éternelle ;
mais parmi les autres mouvements, il n'y en a pas un, translation ou
tout autre, qui jouisse de cette propriété ; car il y faut toujours
nécessairement un repos; et du moment qu'il y a repos, le mouvement
a péri. |
Ch. XIII. Ce chapitre paraît une sorte
de résumé des longs développements du chapitre précédent.
§ 1. Qui est la première, c'est-à-dire la première en
perfection et en date.
§ 2. Un peu plus haut, voir ch. 12, § 2. - C'est-à-dire
composée de l'une et de l'autre, j'ai ajouté cette glose, pour
que la pensée fût plus claire, et elle est d'ailleurs tirée de ce
qui suit.
§ 3. Soient antérieures, chronologiquement parlant, puisque
sans les deux premières la troisième ne pourrait exister.
§ 4. Antérieure à la translation en ligne droite, et par
conséquent à toute autre translation. Antérieure a ici le sens de
Supérieure. - Elle est plus qu'elle, cette tournure assez
singulière est celle même du texte. - II n'y a point d'infini de
ce genre, c'est ce qui a été démontré plus haut, livre III, ch,
7. - Une ligne infinie, il faut entendre qu'il s'agit d'une
ligne droite.- Il est composé, et alors il n'a plus la
simplicité de la translation circulaire. - Il est incomplet,
c'est-à•dire qu'il arrive au terme où il doit s'arrêter. - Le
complet est antérieur, le terme propre serait : Supérieur.
Antérieur signifie ici : Antérieur en essence, comme il est expliqué
dans ce qui suit. - Antérieur au périssable même remarque.
§ 5. Est antérieur, comme ci-dessus. - Translation ou tout
autre, déplacement dans l'espace, ou altération de qualité, ou
bien encore changement de quantité. |
CHAPITRE XIV.
Le mouvement circulaire est le seul qui puisse être un et continu; comparaison
du mouvement circulaire et du mouvement en ligne droite ; les propriétés du
cercle dérivent de celles du centre; rapports du centre à la circonférence. -
Mouvement et repos continus de l'univers. - Unanimité des philosophes à faire du
mouvement de translation le premier de tous les mouvements ; Anaxagore et les
autres. - Le mouvement dans l'espace est à proprement parler le seul véritable
mouvement - Résumé partiel des théories antérieures. |
§ 1. On comprend du
reste très bien que la translation circulaire soit une et continue,
tandis que la translation en ligne droite ne peut pas l'être. Dans
le mouvement direct, le point de départ, le milieu, et la fin où il
s'arrête, tout est déterminé ; et cette ligne a tout cela en
elle-même. Ainsi il y a un point où le mobile commencera à se
mouvoir, et un point où il achèvera et finira son mouvement. En
effet, tout mobile est en repos aux cieux extrémités, ou à celle
d'où il part, ou à celle où il arrive. Mais tous ces éléments sont
indéfinis dans le mouvement circulaire ; car où trouver une limite
quelconque ici plutôt que là dans les points d'une circonférence?
Tous sans exception peuvent être tout aussi bien soit le
commencement, soit le milieu, soit la fin. Toujours il y en a qui
sont au commencement et à la fin, en même temps que jamais ils n'y
sont. On peut donc dire que la sphère se meut tout à la fois et est
en repos, parce qu'elle occupe toujours le même lieu.
§ 2. Ce qui fait que
toutes ces propriétés appartiennent au cercle, c'est qu'elles
appartiennent d'abord au centre. Le centre en effet est le
commencement, et le milieu de la grandeur comme il en est la fin; et
comme le centre est en dehors de la circonférence, il n'y a pas de
point où le mobile mis en mouvement puisse s'arrêter après avoir
épuisé son mouvement ; car il est porté sans cesse vers le milieu,
et non point vers l'extrémité. Voilà comment le cercle entier est en
quelque sorte toujours immobile et en repos, et comment cependant il
est dans un mouvement continu.
§ 3. Mais il y a ici
réciprocité ; et c'est parce que le mouvement circulaire est la
mesure de tous les autres qu'il doit être nécessairement le premier
de tous ; car toutes choses se mesurent au primitif ; et c'est parce
que ce mouvement est le premier qu'il sert de mesure à tous les
autres mouvements.
§ 4. Il n'y a en outre
que le mouvement circulaire qui puisse être uniforme ; car les
mouvements en ligne droite n'ont pas lieu uniformément au
commencement et à la fin ; et tout mobile sans exception est mu
d'autant plus vivement qu'il s'éloigne davantage du point d'inertie.
Mais le mouvement circulaire est le seul qui ait au dehors et non en
lui-même son origine et sa fin.
§ 5. D'ailleurs tous
les philosophes qui se sont occupés de l'étude du mouvement et qui
en ont traité, admettent et témoignent unanimement que la
translation dans l'espace est le premier des mouvements. Tous ils
font remonter les principes du mouvement aux seuls moteurs qui
produisent cette sorte de mouvement particulier. Ainsi, la division
et la combinaison ne sont l'une et l'autre que des mouvements dans
l'espace. Or, c'est ainsi que l'Amour et la Discorde font mouvoir
les choses ; car l'une divise et l'autre réunit et combine. C'est
encore ainsi qu'Anaxagore prétend que l'Intelligence, premier moteur
de tout l'univers, divise et ordonne les choses. C'est même encore
là le sentiment des philosophes qui ne reconnaissent point de cause
de ce genre, et qui ne voient le principe du mouvement que dans le
vide; car eux aussi ils disent que le mouvement de la nature est le
mouvement dans l'espace, puisque le mouvement dans le vide est une
translation; et il s'y accomplit comme dans le lieu. Tous ces
philosophes pensent qu'aucun mouvement autre que celui-là ne peut
appartenir aux éléments primitifs, et que les autres mouvements
s'appliquent seulement aux composés que forment ces éléments
premiers. Selon eux, l'accroissement, le dépérissement et
l'altération ne sont que des combinaisons ou des divisions des corps
indivisibles, des atomes. C'est encore le raisonnement de ceux qui
expliquent la production et la destruction des choses par la
condensation et par la raréfaction; car c'est toujours supposer que
ces phénomènes ont lieu par combinaison et par division. C'est même
là enfin l'opinion de ces autres philosophes qui font de l'âme la
cause du mouvement, puisque, dans leur système, c'est ce qui se meut
soi-même qui met en mouvement tout le reste; et que l'animal ou tout
être qui a une âme, se donne à lui-même le mouvement dans l'espace
ou la locomotion.
§ 6. J'ajoute qu'à
proprement parler on ne dit réellement d'une chose qu'elle a du
mouvement que quand elle se meut dans l'espace. Si elle demeure en
repos dans le même lieu, elle a beau s'accroître ou dépérir ou
s'altérer, on dit alors qu'elle se meut d'une certaine façon; mais
on ne dit pas d'une manière absolue qu'elle se meuve.
§ 7. Ainsi donc on a
démontré que le mouvement a toujours existé, et qu'il existera dans
toute la durée du temps; on a dit quel est le principe du mouvement
éternel et quel est le premier des mouvements; on a dit encore quel
est le mouvement qui seul peut avoir lieu éternellement; et enfin on
a établi que le premier moteur est immobile. |
Ch. XIV, § 1. Une et continue,
par conséquent éternelle. - Où il s'arrête, j'ai ajouté ces
mots. - Ou à celle d'où il part, ou à celle où il et arrive,
il semble qu'au lieu de ou il faudrait et. - Sont
indéfinis, c'est à-dire que dans le cercle on ne peut
marquer précisément ni le commencement, ni le milieu, ni la fin. -
Elle occupe toujours le même lieu, quand elle tourne sur
elle-même ; mais la sphère peut avoir aussi un mouvement de
translation et de déplacement. C'est par exemple le mouvement des
corps célestes autour de leur centre d'attraction. Mais au temps
d'Aristote on ne connaissait pas ce double mouvement ; et même les
philosophes qui admettaient que la terre tourne autour du soleil,
faisaient le soleil immobile.
§ 2. D'abord, j'ai ajouté ce mot. - Le centre en effet est
le commencement, dans les théories des mathématiciens grecs, le
centre engendrait la sphère comme le point engendre la ligne. -
En dehors de la circonférence, c'est-à-dire qu'il ne fait pas
partie de la circonférence, et que la circonférence tourne autour du
centre, comme son nom seul l'indique. - Il est porté sans cesse
vers le milieu, nous dirions aujourd'hui attiré, au lieu
de porté. - Voilà comment le cercle entier, au lieu du
cercle entier, on pourrait comprendre qu'il s'agit ici de l'univers.
J'ai préféré la première traduction à la seconde, quoique celle-ci
rendit sous cette forme l'idée plus générale.
§ 3. Mais il y a ici réciprocité, la suite du contexte
explique ce qu'il faut entendre par cette réciprocité. - Est la
mesure de tous les autres, cette expression n'est pas assez
claire; mais Aristote a peut-être voulu dire que c'est la révolution
circulaire des jours, avec toutes les divisions du jour, qui est la
mesure générale du temps et par suite du mouvement. - Le premier
de tous, en ce qu'il est le plus simple et le plus complet. -
Et c'est parce que ce mouvement est le premier, voilà la
réciprocité.
§ 4. Qui puisse être uniforme, c'est-à-dire n'avoir toujours
qu'une seule et même vitesse. - Les mouvements en ligne droite,
soit naturels, soit violents. - Est mu d'autant plus vivement, ceci
est vrai pour les graves qui tombent de leur chute naturelle.
L'impulsion est d'autant plus vive qu'ils s'éloignent davantage du
point d'où ils sont partis, et où ils étaient en repos. - Du
point d'inertie, c'est-à-dire du point initial où ils étaient
d'abord, avant de recevoir le mouvement ; mais pour les corps qui
reçoivent un mouvement contre nature, l'impulsion est également plus
vive au départ, c'est-à-dire près du point d'où ils partent. Pour
eux le point d'inertie, au sens où l'entend Aristote, n'est donc pas
le point d'où ils partent ; mais au contraire celui où ils
s'arrêtent pour redescendre. - Au dehors, voir plus haut, §
3.
§ 5. Tous les philosophes, il va rappeler dans le cours de ce
§ les principaux systèmes sur le mouvement. - La translation dans
l'espace, circulaire ou directe. - Le premier des
mouvements, au sens où plus haut l'on a pris cette expression ;
ce n'est pas seulement le premier chronologiquement; il l'est aussi
en essence. - Aux seuls moteurs, j'ai ajouté le mot seuls,
pour que la pensée fût plus claire. - Cette sorte de mouvement
particulier, le texte n'est pas tout à fait aussi formel. Ceci
revient à dire que les philosophes n'ont en général reconnu qu'une
seule espèce de mouvement, tandis qu'Aristote en admet trois.-
L'Amour et le Discorde, c'est le système d'Empédocle. -
Divise et ordonne, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. -
Le principe du mouvement que dans le vide, voir plus haut, Livre
IV, ch. 8 , § 4. - Comme dans le lieu, qui est supposé plein.
- Aux éléments primitifs, le texte dit seulement : Aux
primitifs. - Les autres mouvements, c'est-à-dire l'altération
et l'accroissement. - Des corps indivisibles, des atomes, le
texte n'a qu'un seul mot. - La production et la destruction des
choses, qu'Aristote ne reconnaît pas pour de véritables
mouvements. - Par la condensation et la raréfaction, c'est
Thalès et Héraclite. - De ces autres philosophes, c'est
Platon. - Qui a une âme, ou qui est vivant. - Ou la
locomotion, j'ai ajouté celte paraphrase.
§ 6. On ne dit réellement, après les systèmes des
philosophes, voici l'appel au sens commun et au langage ordinaire. -
S'accroitre ou dépérir, ce passage semble indiquer qu'Aristote
faisait assez bon marché des trois espèces de mouvements qu'il avait
distinguées, et qu'il les réduisait à une seule. Dans toutes les
théories générales sur le mouvement, il n'est plus question
aujourd'hui que du mouvement dans l'espace. - D'une certaine
façon, en expliquant ce mode spécial de mouvement. Voir la
Préface.
§ 7. On a démontré, ce résumé s'applique à tout ce qui a été
dit jusqu'à présent, dans le cours de ce huitième livre. |
CHAPITRE XV.
Le moteur immobile n'a ni parties ni grandeur quelconque; démonstration de ce
principe. - Le fini ne peut mouvoir pendant un temps infini; il ne peut avoir
une puissance infinie, de même que l'infini ne peut avoir une puissance finie;
démonstration de ces principes divers. - Question du mouvement des projectiles;
comment il se continue et comment il cesse; explication de ces phénomènes. - Des
conditions générales du mouvement continu; de l'action du premier moteur; sa
puissance indéfectible; son immobilité; mouvement de l'univers; le mouvement
produit par l'immobile est seul continu. - Résumé de la théorie du premier
moteur. - Fin de la Physique. |
§ 1. Il nous
reste maintenant à prouver que ce moteur immobile doit
nécessairement n'avoir ni parties ni grandeur quelconque; mais
d'abord nous expliquerons quelques principes antérieurs à celui-là.
§ 2. Un de ces
principes, c'est qu'il est impossible qu'une force finie puisse
jamais produire le mouvement durant un temps infini.
§ 3. Il y a ici trois
termes : le mobile, le moteur, et le troisième ce dans quoi le
mouvement a lieu, c'est-à-dire le temps. De ces trois termes, ou
tous sont infinis, ou tous sont finis, ou quelques-uns sont finis,
deux ou un si l'on veut.
§ 4. Soit A le moteur;
soit B le mobile; et le temps infini C. Supposons que D meuve une
partie de B, représentée par E. Ce ne peut pas être dans un temps
égal à C ; car un mouvement plus grand doit avoir lieu dans un temps
plus long. Ainsi le temps F n'est pas infini. En ajoutant
constamment à D, j'épuiserai A; et en ajoutant à E, j'épuiserai B.
Mais j'aurai beau enlever toujours une portion égale au temps, je ne
l'épuiserai point, attendu qu'il est infini. Par conséquent, tout A
mettra B tout entier en mouvement dans une portion finie du temps C.
Donc, il est impossible qu'un moteur fini puisse donner à quoi que
ce soit un mouvement infini. Donc, évidemment, le fini ne peut
produire le mouvement durant un temps infini.
§ 5. En second lieu,
une grandeur finie ne peut pas du tout avoir une puissance infinie;
et voici ce qui le prouve.
§ 6. Soit, en effet,
une puissance toujours de plus en plus grande produisant le même
effet dans un temps moindre, que d'ailleurs cette puissance
échauffe, qu'elle adoucisse, qu'elle projette, ou que plus
simplement elle meuve. Il faut nécessairement que ce moteur fini ,
mais à qui l'on suppose une puissance infinie, exerce son action sur
ce qui l'éprouve avec plus de force que tout autre moteur ne le
ferait, puisque la puissance infinie est la plus grande de toutes.
§ 7. Mais il ne peut
pas y avoir ici la moindre parcelle de temps. Soit, en effet, A, le
temps durant lequel la force infinie ou a échauffé ou a poussé. Soit
aussi AB le temps dans lequel ait agi une force finie. En faisant
toujours plus grande la force finie, j'arriverai à celle qui a donné
le mouvement dans le temps A; car, en ajoutant toujours à un terme
fini, j'arriverai à dépasser tout fini quelconque; de même que, si
je retranche au lieu d'ajouter, j'arriverai également à épuiser.
Ainsi, dans un temps égal, la force finie aura produit un mouvement
aussi grand que la force infinie. Mais c'est là ce qui est tout à
fait impossible. Donc aucune grandeur finie ne peut avoir une
puissance infinie.
§ 8. De même non plus
une puissance finie ne peut exister dans une grandeur infinie.
§ 9. Il se peut
néanmoins qu'une puissance plus grande se trouve dans une grandeur
moindre; mais il se peut bien davantage encore qu'il y ait plus de
puissance dans une grandeur plus grande.
§ 10. Soit AB la
grandeur infinie. BC a une certaine puissance qui dans un certain
temps, dans un temps représenté par EF, meut D. Si je prends le
double de BC, cette nouvelle force produira le mouvement dans la
moitié du temps EF, puisque c'est là la proportion ; par exemple,
elle le produira dans le temps FG. En procédant toujours ainsi, je
ne parcours, pas il est vrai, AB; mais je prends toujours de moins
en moins du temps donné. Donc la puissance sera infinie, puisqu'elle
surpasse toute puissance finie; donc, pour toute puissance finie, le
temps est nécessairement fini comme elle; car si dans tel temps
donné telle force produit un mouvement, une force plus grande dans
un temps moindre, niais d'ailleurs toujours fini, produira ce même
mouvement selon la proportion inverse. Mais ici la force totale est
infinie, comme le sont le nombre et la grandeur qui surpassent tout
nombre ou toute grandeur finie.
§ 11. On peut encore
démontrer ceci de la façon suivante. Nous prendrons une puissance de
même espèce que celle qui se trouve dans la grandeur infinie, mais
en la supposant dans une grandeur finie, et de façon qu'elle puisse
mesurer la puissance finie qui se trouve dans l'infini.
§ 12. Tout ceci
démontre donc qu'il ne peut pas y avoir de puissance infinie dans
une grandeur finie, pas plus qu'il ne peut y avoir de puissance
finie dans une grandeur infinie.
§ 13. Quant aux corps
qui ont un mouvement de translation, il est bon de résoudre d'abord
une question assez embarrassante. En effet, si tout mobile mis en
mouvement est toujours mu par quelque chose, comment est-il possible
que certains corps qui ne se meuvent point spontanément eux-mêmes,
gardent un mouvement continu ; les projectiles, par exemple, sans
que le moteur qui les a mis en mouvement les touche encore?
§ 14. Si l'on répond
que cela tient à ce que le moteur en donnant le mouvement au corps,
meut aussi quelque autre chose, l'air, par exemple, qui, mu d'abord
lui-même, transmet ensuite le mouvement, il n'en reste pas moins
également impossible qu'il y ait mouvement pour le corps, du moment
que le premier moteur ne touche pas et ne meut pas. Mais il faut que
toute la série soit mise à la fois en mouvement et qu'elle s'arrête
tout ensemble, quand le premier moteur vient à s'arrêter, en
supposant même que le moteur agisse comme l'aimant, c'est-à-dire que
le corps qu'il a mis en mouvement puisse à son tour donner le
mouvement.
§ 15. Il faut
nécessairement aussi admettre que le premier moteur donne la faculté
de produire le mouvement ou à l'air, ou à l'eau, ou à tel autre
corps, que la nature a fait pour donner le mouvement et le.
recevoir. Mais le moteur et le mobile ne cessent pas à la fois. Il
est bien vrai que le mobile cesse d'être mu en même temps que le
moteur cesse de mouvoir; mais le mobile est encore moteur, et il
meut quelque autre chose, qui est à la suite. Même raisonnement pour
cette seconde chose. Elle cesse d'agir quand la force communiquée à
ce qui suit devient moins capable de donner le mouvement; et elle
finit par s'arrêter, quand le terme antérieur ne peut plus faire que
le corps meuve, mais seulement qu'il soit mu. Alors nécessairement
tout cesse du même coup, et le moteur et le mobile et toute la série
du mouvement.
§ 16. Tel est donc le
mouvement dans les choses qui peuvent être tantôt en mouvement et
tantôt en repos.
§ 17. Pour elles, le
mouvement n'est pas continu; mais il semble qu'il le soit, parce que
les corps mis en mouvement ou se suivent ou se touchent; car le
moteur n'y est pas unique; et il y a mouvement de tous les corps qui
se suivent mutuellement.
§ 18. Aussi le
mouvement de ce genre se produit dans l'air également et dans l'eau.
§ 19. Et on l'appelle
quelquefois du nom d'action ou de résistance réciproque.
§ 20. Mais il est
impossible de résoudre les questions que nous venons de poser,
autrement que par l'explication que nous donnons. Cette résistance
réciproque fait que tout peut à la fois être mu et mouvoir; mais
elle fait par suite aussi que tout peut s'arrêter tout ensemble. Or
ici on ne voit qu'une seule et même chose qui est animée d'un
mouvement continu. Par qui donc le mouvement est-il donné? Ce n'est
pas certainement par le même moteur.
§ 21. Mais puisque
dans les choses il y a nécessairement un mouvement continu, et que
ce mouvement est unique, il est nécessaire aussi que ce soit le
mouvement d'une certaine grandeur; car ce qui est sans grandeur ne
peut recevoir le mouvement. Il faut aussi que ce soit le mouvement
d'un seul mobile, et qu'il soit causé par une seule force; car,
autrement, il ne serait plus continu; un mouvement suivrait l'autre,
et le mouvement serait divisé.
§ 22. Quant au
moteur, s'il est unique, ou il meut après avoir été mu lui-même, ou
il meut en étant immobile. S'il est mu, il faudra suivre la série et
supposer que lui-même subit un changement et qu'il est mu par
quelque chose ; mais l'on finira par s'arrêter, et l'on arrivera au
mouvement produit par l'immobile.
§ 23. Quant à ce
terme dernier, il n'a plus besoin de changer en même temps que les
autres; et il aura toujours la puissance de donner le mouvement; car
il n'y a aucune peine ni fatigue à le produire ainsi. Le mouvement
créé de cette façon est uniformément égal, seul de tous les
mouvements, ou du moins plus que tous les autres; car le moteur ne
subit aucun changement; et le mobile lui-même ne doit point,
relativement au moteur, en éprouver davantage, pour que le mouvement
soit toujours semblable.
§ 24. Mais il faut
nécessairement que le moteur soit ou au centre ou dans le cercle;
car voilà les deux seuls principes d'où il peut partir. Or les
parties les plus rapprochées du moteur sont celles qui ont le
mouvement le plus rapide; et tel est le mouvement de l'univers. Donc
c'est à la circonférence qu'est le moteur.
§ 25. Reste toujours
à savoir s'il est possible qu'un mobile communique un mouvement
continu, ou si sa continuité n'est pas plutôt comme une suite
d'impulsions qui se répètent l'une après l'autre. En effet, le
moteur de ce genre pousse, ou il attire, ou il fait les deux actions
à la fois, ou il subit une action qui peut être réciproque de l'un à
l'autre, comme nous venons de l'expliquer pour les projectiles. Mais
si l'air ou l'eau, en tant que divisible, transmet le mouvement, et
s'il faut que l'air et l'eau soient mus constamment, alors des deux
façons il n'est plus possible que le mouvement soit unique, et il
est seulement consécutif. Il n'y a donc de mouvement continu que le
mouvement produit par l'immobile; puisqu'étant éternellement
semblable , il sera à l'égard du mobile dans un rapport toujours le
même et continu.
§ 26. D'après les
principes qui viennent d'être exposés, il est clair que le moteur
premier et immobile ne peut pas avoir de grandeur quelconque; car,
s'il avait une grandeur, il faudrait qu'elle fût ou finie ou
infinie. Or, nous avons démontré plus haut, dans la Physique, qu'il
ne peut pas y avoir de grandeur infinie; et ici nous venons de
prouver que le fini ne peut avoir une force infinie, et qu'une chose
finie ne peut pas davantage produire le mouvement pendant un temps
infini. Enfin il a été établi que le premier moteur produit un
mouvement éternel, et qu'il le produit pendant un temps infini. Donc
il n'est pas moins clair que le premier moteur est indivisible,
qu'il est sans parties, et qu'il n'a absolument aucune espèce de
grandeur. |
Ch. XV, § 1. Il nous reste
maintenant a prouver, le texte n'est pas tout à fait aussi
formel. - Quelques principes antérieurs ci celui-là,
ces principes sont au nombre de quatre : Une force finie ne
peut agir durant un temps infini ; une force infinie ne peut résider
dans une grandeur finie ; une force finie ne peut résider dans une
grandeur infinie ; le mouvement éternel uniforme ne peut venir que
d'un moteur unique.
§ 2. Une force finie puisse jamais..., le texte n'est pas
tout à fuit aussi formel.
§ 3. Il y a ici trois termes, il pourrait y en avoir quatre,
en ajoutant le lieu où le mouvement se passe; mais Aristote n'a pas
besoin de considérer ce quatrième terme pour la démonstration qu'il
poursuit.
§ 4. Soit A le moteur, qu'on suppose fini. - Soit B le
mobile, qu'on suppose également fini. - Et le temps infini C,
infini d'après la supposition de l'adversaire; mais Aristote va
prouver que si le moteur et le mobile sont finis, le temps doit
l'être comme eux. - Supposons que D, qui est une partie de A
le moteur. - Egal à C, c'est-à-dire, infini. - Un
mouvement plus grand, c'est-à-dire le mouvement total de A, dont
D n'est qu'une partie. - Dans un temps plus long,
c'est-à-dire le temps C tout entier. - J'épuiserai A, cette
forme d'expression où Aristote parle à la première personne, mérite
d'être remarquée, parce qu'il ne l'emploie pas fréquemment. Epuiser
A signifie qu'en accroissant D, qui est une partie de A, ou finira
par le rendre égal à A. Même raisonnement sur E, qui est une partie
du mobile B. - Toujours enlever une portion égale au temps,
une portion de temps correspondante à l'accroissement de D et de E.
- Attendu qu'il est infini, dans l'hypothèse que combat
Aristote. - Tout A, c'est-à-dire qu'en prenant le moteur dans
sa force entière, et B le mobile dans toute sa résistance, le
mouvement devra nécessairement avoir lieu dans un temps fini. -
Donc évidemment le fini..., c'est le premier principe qu'il
fallait prouver.
§ 5. En second lieu, le texte n'est pas aussi précis. -
Une grandeur finie, voilà le second principe. - Et voici ce
qui le prouve, cette preuve sera développée dans les deux
paragraphes qui suivent.
§ 6. Soit en effet, hypothèse préliminaire pour arriver à la
démonstration : Une force qui s'accroit sans cesse met de moins en
moins de temps pour produire le même effet ; le temps décroît dans
la proportion même où la force ne cesse de s'accroitre. - Echauffe,
qu'elle adoucisse, qu'elle projette, ce sont différentes espèces de
mouvements. - Ou que plus simplement elle meuve, cette
expression générale est plus simple et plus claire à la fois que les
précédentes. - Exerce son action... avec plus de force, c'est
là un théorème évident.
§ 7. La moindre parcelle de temps, c'est-à-dire que la force
infinie doit agir dans un temps infiniment moindre; en d'autres
termes, dans un temps nul. - Soit en effet le temps A, qui
est infini puisque la force est infinie.- Ou a échauffé, ou a
poussé, ou en termes plus généraux, A produit un mouvement
quelconque. - Soit aussi le temps AB, supposé fini, puisqu'il
n'est qu'une partie du temps infini A. - Le mouvement dans le
temps A, c'est-à-dire qu'on arrivera à la force infinie agissant
dans un temps infini. - A dépasser tout fini quelconque, mais
non pas à égaler l'infini. - Egalement à épuiser, voir plus
haut, § 4.- Dans aucune grandeur finie, le texte n'est pas
tout à fait aussi précis.
§ 8. De même non plus, c'est le troisième principe qui n'est
que l'inverse du second : Une grandeur infinie ne peut avoir une
puissance finie. - Une puissance plus grande se trouve dans une
grandeur moindre, mais il faut alors que cette grandeur soit
d'une autre espèce. - Dans une grandeur plus grande, la
grandeur restant de même espèce, plus elle s'accroît, plus sa force
grandit avec elle. - BC a une certaine puissance, il faut
admettre que la grandeur BC n'est qu'une partie de la grandeur
infinie, représentée par AB. - Dans un certain temps, dans un
temps, le texte n'a pas celte répétition. - Cette nouvelle
force, j'ai ajouté ce mol nouvelle pour que la pensée fût plus
claire. - De moins en moins du temps donné, c'est-à-dire que
plus la force est grande, plus le temps diminue pour produire le
même effet, - Donc la puissance sera infinie, la raison qui
en est donnée ici ne paraît pas absolument démonstrative. - Selon
la proposition inverse, c'est-à-dire que plus la force est
grande, plus le temps est court. - Comme le sont le nombre et la
grandeur, cette phrase peut paraître une glose plutôt qu'une
partie du texte,
§ 11. On peut encore démontrer ceci, cette seconde
démonstration est très concise. - Une puissance de même espèce,
c'est-à-dire infinie, mais qu'on supposera dans une grandeur finie.
- De façon qu'elle puisse mesurer, tout ceci aurait besoin de
développements pour être bien compris; mais le texte ne les a pas
donnés. Il est difficile d'y suppléer avec quelque certitude.
§ 12. Tout ceci démontre donc, les démonstrations qui sont
résumées dans ce §, s'appliquent au second et au troisième
principes.
§ 13. Quant aux corps qui ont un mouvement de translation, la
démonstration du quatrième principe, celui de l'unité du moteur
éternel, commence dans ce §, bien que rien dans le texte ne nous en
avertisse. - En effet, c'est l'énoncé de la question que se
pose ici Aristote sur les projectiles :
«
Comment se fait-il qu'un projectile puisse continuer son mouvement,
quand le moteur qui l'a lancé, cesse de le toucher et de le mouvoir
? ».
- Qui ne se meuvent point spontanément eux-mêmes, comme une
pierre, par exemple, qui continue son mouvement après avoir été
lancée, et dont on ne peut pas dire qu'elle se meut elle-même.
§ 14. Si l'on répond, la réponse que suppose ici Aristote ne
fait que reculer lu difficulté, et ne la résout pas. - Qui, mu
d'abord lui-même, par la main qui lance la pierre. - Transmet
ensuite le mouvement, à la pierre, qui n'est plus alors chassée
par la main, mais par l'air. - Toute la série, le texte est
un peu moins précis. La série comprend ici la main qui est prise
pour le moteur, l'air qui est mu par la main, et la pierre qui est
aussi mue par l'air. - Que le moteur fasse comme l'aimant,
le texte n'est pas tout à fait aussi formel. Pour désigner l'aimant,
le texte dit simplement :
«
la pierre,
»
c'est-à-dire la pierre magnétique, qui donne au
fer qu'elle touche la faculté de transmettre l'aimantation à
d'autres fers.
§ 15. Ou à l'air ou à l'eau, selon que le projectile traverse
un de ces deux milieux. - Pour donner le mouvement et le recevoir,
peut-être aurait-il été mieux de dire :
«
Pour recevoir le mouvement et le donner.» - Ne cessent pas à la
fois, c'est-à-dire que le premier mobile, après avoir été mu,
devient moteur à son tour, alors que le premier moteur a déjà cessé
d'agir. - Il meut quelque autre chose, par exemple dans
l'hypothèse faite plus haut, l'air mu par la main meut la pierre ;
et la main a cessé d'agir que l'air agit encore. - Qui est à la
suite, la pierre étant en contact avec l'air et ne venant
qu'après lui. - Pour cette seconde chose, et ainsi de suite,
autant qu'on voudra supposer de termes à la série. - A ce qui
suit, c'est-à-dire au second, au troisième, au quatrième corps,
etc. - Devient moins capable, la force diminue au fur et à
mesure qu'elle passe de corps en corps. - Que le corps meuve,
il faut entendre qu'il s'agit du corps qui est placé le dernier dans
la série. - Alors, j'ai ajouté ce mot pour que la pensée fût
plus claire.
§ 16. Qui peuvent être tantôt en mouvement et tantôt en repos,
et qui par conséquent n'ont pas un mouvement éternel.
§ 17. Il semble qu'il le soit, le mouvement est bien continu
pour la pierre qui est lancée ou qui tombe; mais le moteur n'est pas
unique, et il y a autant de moteurs qu'il y a de mobiles dans la
série tout entière. - Qui se suivent mutuellement, comme dans
l'hypothèse précédente, l'air et la pierre.
§ 18. Dans l'air et dans l'eau, c'est-à-dire dans des milieux
qui offrent peu de résistance; voir plus haut, § 15. Du reste ce §
18 et le suivant semblent n'être que des gloses.
§ 19. D'action ou de résistance réciproque, il n'y a qu'un
seul mot dons le texte. L'expression qui est citée ici est employée
par Platon dans le Timée.
§ 20. Les questions que nous venons de poser, voir plus haut,
§ 13. - Tout peut être mu et mouvoir, dans la série de
moteurs et de mobiles qu'on a supposée plus haut. - Ici,
c'est-à-dire dans l'étude qu'on applique actuellement à la question
du moteur unique et au mouvement continu du projectile.
§ 21. Puisque dans les choses, c'est-à-dire dans tout ce qui
est, dans l'univers. - Le mouvement d'une certaine grandeur,
ceci semble en contradiction avec ce qui va être dit plus loin, §
20. - Ne peut recevoir le mouvement, mais il sera prouvé
qu'une chose sans aucune grandeur peut et doit être la cause
première du mouvement. - D'un seul mobile, le texte n'est pas
aussi formel.
§ 22. Ou il meut après avoir été mu lui-même, première
alternative. - Ou il meut en étant immobile, seconde
alternative. - Au mouvement produit par l'immobile, de telle
sorte qu'on n'aura fait que reculer la difficulté d'un moteur à
l'autre, et il faudra toujours finir par un moteur immobile.
§ 23. Ce terme dernier, c'est-à-dire le moteur immobile,
qu'on y arrive d'ailleurs par une série plus ou moins longue. -
Ni fatigue à le produire, voir plus haut, § 15. - Ou du moins
plus que tous les autres, cette restriction ne semble pas très
juste; car le mouvement continu donné par le moteur immobile est le
seul vraiment uniforme; les autres mouvements n'en ont que
l'apparence, - Le mobile lui-même, doit être immuable comme
le moteur; car s'il changeait dans ses dimensions et dans sa
résistance, l'action du moteur ne pourrait plus être la même, et par
conséquent elle cesserait d'être uniforme.
§ 24. Mais il faut nécessairement, ce §, qui semble
interrompre la suite de la pensée, a été rejeté par quelques
commentateurs après le § 26, de manière qu'il termine tout ce
traité. Thémistius semble avoir été de cet avis. Je n'ai pas cru
devoir me permettre cette transposition, que Pacius adopte dans son
commentaire. - Ou dans le cercle, c'est-à-dire dans un des
points de la circonférence. - Et tel est le mouvement de
l'univers, le texte dit positivement :
«
Et tel est le mouvement du tout,
»
ce qui signifie peut-être :
«
Du corps entier.
»
La leçon que j'ai donnée me semble cependant préférable. - C'est
à la circonférence, le texte est un peu moins positif et dit
simplement :
« C'est là
»
etc.
§ 25. Un mobile, et non plus un moteur qui tire de soi tout
le mouvement qu'il donne; le mobile au contraire reçoit d'un autre
le mouvement qu'il communique. - De ce genre, j'ai ajouté ces
mots pour mieux distinguer le moteur mobile du moteur immobile. -
Comme nous venons de l'expliquer, voir plus haut, §§ 13 et 14. -
Le mouvement produit par l'immobile, c'est là toute
l'explication de l'action de Dieu sur le monde d'après la théorie
d'Aristote.
§ 26. Plus haut dans la Physique, voir plus haut, Livre III,
ch. 7, §§ 9 et suivants. II semblerait, par le titre qu'Aristote
donne ici à son ouvrage, que les premiers livres seulement
s'appelaient la Physique, et que les autres sans doute
s'appelaient le Traité du mouvement. Mais il est possible que
celle indication : Dans la Physique, signifie seulement : Dans nos
considérations sur la nature. - Et ici nous venons de prouver,
voir plus haut, §§ 5 et suivante. - Aucune espèce de grandeur,
le texte n'est pas tout à fait aussi précis, Pour le complément de
ces théories sur le premier moteur, c'est-à-dire sur Dieu, voir le
douzième livre de la Métaphysique, édition de Berlin, page
1073, a, 5.
|
FIN DU LIVRE HUITIEME ET DERNIER DE LA
PHYSIQUE D'ARISTOTE. |