Aristote : Physique

ARISTOTE

PHYSIQUE.

TOME DEUX : LIVRE VI. DE LA DIVISIBILITÉ DU MOUVEMENT. CHAPITRE VI
 

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

chapitre V - chapitre VII

paraphrase du livre VI

 

 

 

LEÇONS DE PHYSIQUE

 

LIVRE VI.


DE LA DIVISIBILITÉ DU MOUVEMENT.

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE VI.


Loi générale du changement : Ce qui a changé passe immédiatement dans l'état nouveau qu'il prend. Application de ce principe au changement par contradiction, passant d'un contraire à l'autre, c'est-à-dire du non-être à l'être. Analyse des diverses espèces de changement; confirmation du principe.

1  Ἐπεὶ δὲ πᾶν τὸ μεταβάλλον ἔκ τινος εἴς τι μεταβάλλει, ἀνάγκη τὸ μεταβεβληκός, ὅτε πρῶτον μεταβέβληκεν, εἶναι ἐν ᾧ μεταβέβληκεν. Τὸ γὰρ μεταβάλλον, ἐξ οὗ μεταβάλλει, ἐξίσταται ἢ ἀπολείπει αὐτό, καὶ ἤτοι ταὐτόν ἐστι τὸ μεταβάλλειν καὶ τὸ ἀπολείπειν, ἢ ἀκολουθεῖ τῷ μεταβάλλειν τὸ ἀπολείπειν. Εἰ δὲ τῷ μεταβάλλειν τὸ ἀπολείπειν, τῷ μεταβεβληκέναι τὸ ἀπολελοιπέναι· ὁμοίως γὰρ ἑκάτερον ἔχει πρὸς ἑκάτερον. Ἐπεὶ οὖν μία τῶν μεταβολῶν ἡ κατ' ἀντίφασιν, ὅτε μεταβέβληκεν ἐκ τοῦ μὴ ὄντος εἰς τὸ ὄν, ἀπολέλοιπεν τὸ μὴ ὄν. Ἔσται ἄρα ἐν τῷ ὄντι· πᾶν γὰρ ἀνάγκη ἢ εἶναι ἢ μὴ εἶναι. Φανερὸν οὖν ὅτι ἐν τῇ κατ' ἀντίφασιν μεταβολῇ τὸ μεταβεβληκὸς ἔσται ἐν ᾧ μεταβέβληκεν. Εἰ δ' ἐν ταύτῃ, καὶ ἐν ταῖς ἄλλαις· ὁμοίως γὰρ ἐπὶ μιᾶς καὶ τῶν ἄλλων.

2 Ἔτι δὲ καὶ καθ' ἑκάστην λαμβάνουσι φανερόν, εἴπερ ἀνάγκη τὸ μεταβεβληκὸς εἶναί που ἢ ἔν τινι. Ἐπεὶ γὰρ ἐξ οὗ μεταβέβληκεν ἀπολέλοιπεν, ἀνάγκη δ' εἶναί που, ἢ ἐν τούτῳ ἢ ἐν ἄλλῳ ἔσται. Εἰ μὲν οὖν ἐν ἄλλῳ, οἷον ἐν τῷ Γ, τὸ εἰς τὸ Β μεταβεβληκός, πάλιν ἐκ τοῦ Γ μεταβάλλει εἰς τὸ Β· οὐ γὰρ ἦν ἐχόμενον τὸ Β, ἡ δὲ μεταβολὴ συνεχής. Ὥστε τὸ μεταβεβληκός, ὅτε μεταβέβληκεν, μεταβάλλει εἰς ὃ μεταβέβληκεν. Τοῦτο δ' ἀδύνατον· ἀνάγκη ἄρα τὸ μεταβεβληκὸς εἶναι ἐν τούτῳ εἰς ὃ μεταβέβληκεν. 3 Φανερὸν οὖν ὅτι καὶ τὸ γεγονός, ὅτε γέγονεν, ἔσται, καὶ τὸ ἐφθαρμένον οὐκ ἔσται· καθόλου τε γὰρ εἴρηται περὶ πάσης μεταβολῆς, καὶ μάλιστα δῆλον ἐν τῇ κατ' ἀντίφασιν. 4 Ὅτι μὲν τοίνυν τὸ μεταβεβληκός, ὅτε μεταβέβληκε πρῶτον, ἐν ἐκείνῳ ἐστίν, δῆλον.

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§ 1. Comme tout ce qui vient à changer change de tel état dans tel autre état, il s'ensuit nécessairement que ce qui a changé, dès le premier moment qu'il a changé, doit être dans la chose en laquelle il a changé. En effet, ce qui change sort de l'état qu'il change, ou si l'on veut il quitte cet état. Et certainement, ou changer et quitter son état sont deux idées qui se confondent; ou bien l'idée de quitter est la conséquence de celle de changer, comme avoir quitté est la conséquence d'avoir changé ; car le rapport de l'un de ces termes à l'autre est absolument pareil pour les deux cas. Si donc c'est une espèce de changement que le changement par contradiction, quand une chose change du non-être à l'être, elle a quitté et perdu l'état de non-être, Elle fera donc partie de l'être; car il faut de toute nécessité qu'une chose soit ou ne soit pas. Par conséquent, il est clair que, pour le changement par contradiction, la chose changée sera dans la chose en laquelle elle a changé. Et, s'il en est ainsi dans ce changement spécial, il en sera de même pour tous les autres changements ; car il en est pour tous ce qu'il en est pour un seul.

§ 2. On peut encore aisément s'en convaincre, en considérant à part chacun des changements, puisque, nécessairement, ce qui a subi le changement doit être dans un certain lieu ou dans une certaine chose. En effet, comme il a quitté l'état qu'il a changé, et qu'il faut bien qu'il soit quelque part, il sera, ou dans cet objet dans lequel il a changé, ou dans un autre. S'il est dans un autre et que ce soit en C, par exemple, ce qui a changé en B doit encore changer de C en B ; car C n'est pas supposé continu à B. Or, le changement est continu. Par conséquent, ce qui a changé, quand il a déjà changé, change en ce en quoi il a déjà changé. Mais cela n'est pas possible. Donc, ce qui a changé doit nécessairement être dans ce en quoi il a changé.  § 3. Par suite, il n'est pas moins évident que ce qui a été est au moment où il a été, et que ce qui a péri n'existe plus. Mais ces généralités qui s'appliquent à toute espèce de changement, s'appliquent surtout avec évidence au changement qui se marque par la contradiction.  § 4. Ainsi, l'on voit que ce qui a changé est, dès le premier moment qu'il a changé, dans l'objet en lequel il change.

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ch. Vl, § 1. Un tel état dans tel autre état, le texte n'est pas aussi précis, et l'expression grecque est tout fait indéterminée; je ne pouvais la laisser aussi vague en français.

Dans la chose en laquelle il a changé, ceci sera plus clair par les exemples qui sont donnés un peu plus bas. Du reste, la théorie pouvait être présentée d'une manière beaucoup plus simple.

En laquelle il a changé, le changement alors est accompli, et il n'est plus en train de s'accomplir.

Le changement par contradiction, c'est-à-dire passant de l'affirmation à la négation, ou réciproquement. Voir les Catégories, ch. X. §§ 2 et 21, p. 110 et suiv. de ma traduction,

Soit ou ne soit pas, c'est le fondement du principe de contradiction.

Dans la chose en laquelle elle a changé, et ici la chose en quittant le non-être ne peut qu'avoir passé à l'être.

Pour tous les autres changements, voir les Catégories, loc, cit.

Pour un seul, c'est-à-dire le changement par contradiction, qu'on a pris pour exemple, comme étant le plus évident de tous.

§ 2. On peut encore, seconde démonstration venant à l'appui de celle qui précède.

Dans un certain lieu, ce qui ne s'applique qu'au changement dans l'espace ou déplacement.

Ou dans une certaine chose, ce qui s'applique d'une manière plus générale à toute espèce de changement.

Dans lequel il a changé, j'ai ajouté ces mots, qui m'ont paru indispensables pour compléter la pensée. M. Prantl a fait la même addition dans sa traduction allemande.

Dans C, par exemple, il faut supposer que C est antérieur à B, et que c'est un point où le changement n'est pas encore accompli.

Car C n'est pas supposé, le texte n'est pas aussi formel.

Le changement est continu, du premier état où est le corps qui change, jusqu'au nouvel état dans lequel il est après avoir changé.

Ce qui a changé... change, la contradiction qui fait ici toute la force de la démonstration, pourrait être exposée d'une manière plus frappante.

Donc ce qui a changé, confirmation du principe posé plus haut au début du S 1.

§ 3. Est au moment, le texte dit précisément : Sera.

N'existe plus, le texte dit précisément : Ne sera pas.

— .A toute espèce de changement, et non pas de mouvement parce que le mouvement n'est qu'une espèce du changement.

§ 4. Ainsi l'on voit, conclusion qui reproduit le principe posé plus haut, au début du § 1.

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