Aristote : Physique

ARISTOTE

PHYSIQUE.

TOME DEUX : LIVRE VI. DE LA DIVISIBILITÉ DU MOUVEMENT. CHAPITRE XIII
 

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

chapitre XII - chapitre XIV

paraphrase du livre VI

 

 

 

LEÇONS DE PHYSIQUE

 

LIVRE VI.


DE LA DIVISIBILITÉ DU MOUVEMENT.

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE XIII.


Le mobile, durant le temps primitif où il se meut, ne peut être dans un lieu primitif. Application de la définition du repos; il n'y a pas plus de primitif pour le lieu que pour le temps et pour le mouvement.

1  Ἐπεὶ δὲ πᾶν τὸ κινούμενον ἐν χρόνῳ κινεῖται καὶ ἔκ τινος εἴς τι μεταβάλλει, ἐν ᾧ χρόνῳ κινεῖται καθ' αὑτὸν καὶ μὴ τῷ ἐν ἐκείνου τινί, ἀδύνατον τότε κατά τι εἶναι πρῶτον τὸ κινούμενον. 2 Τὸ γὰρ ἠρεμεῖν ἐστιν τὸ ἐν τῷ αὐτῷ εἶναι χρόνον τινὰ καὶ αὐτὸ καὶ τῶν μερῶν ἕκαστον. Οὕτως γὰρ λέγομεν ἠρεμεῖν, ὅταν ἐν ἄλλῳ καὶ ἄλλῳ τῶν νῦν ἀληθὲς ᾖ εἰπεῖν ὅτι ἐν τῷ αὐτῷ καὶ αὐτὸ καὶ τὰ μέρη. Εἰ δὲ τοῦτ' ἔστι τὸ ἠρεμεῖν, οὐκ ἐνδέχεται τὸ μεταβάλλον κατά τι εἶναι ὅλον κατὰ τὸν πρῶτον χρόνον· ὁ γὰρ χρόνος διαιρετὸς ἅπας, ὥστε ἐν ἄλλῳ καὶ ἄλλῳ αὐτοῦ μέρει ἀληθὲς ἔσται εἰπεῖν ὅτι ἐν ταὐτῷ ἐστιν καὶ αὐτὸ καὶ τὰ μέρη. 3 Εἰ γὰρ μὴ οὕτως ἀλλ' ἐν ἑνὶ μόνῳ τῶν νῦν, οὐκ ἔσται χρόνον οὐδένα κατά τι, ἀλλὰ κατὰ τὸ πέρας τοῦ χρόνου. 4 Ἐν δὲ τῷ νῦν ἔστιν μὲν ἀεὶ κατά τι μὲν [239b] ὄν, οὐ μέντοι ἠρεμεῖ· οὔτε γὰρ κινεῖσθαι οὔτ' ἠρεμεῖν ἔστιν ἐν τῷ νῦν, ἀλλὰ μὴ κινεῖσθαι μὲν ἀληθὲς ἐν τῷ νῦν καὶ εἶναι κατά τι, ἐν χρόνῳ δ' οὐκ ἐνδέχεται εἶναι κατά τι ἠρεμοῦν· συμβαίνει γὰρ τὸ φερόμενον ἠρεμεῖν.

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§ 1. Comme tout mobile se meut nécessairement dans le temps, et qu'il change d'un certain état à un autre état, il est impossible que dans le temps en soi où il se meut; et non pas seulement dans une partie de ce temps, le mobile soit dans un lieu primitif quelconque. § 2. En effet, pour qu'on puisse dire d'une chose qu'elle est en repos, il faut, et que la chose même, et que chacune de ses parties, soient durant un certain temps dans le même état; et nous entendons ainsi qu'il y a repos, lorsqu'il est vrai de dire, dans un premier instant et dans un autre instant, que la chose tout ensemble et chacune de ses parties restent dans un état identique. Si c'est bien là l'idée qu'on doit se faire du repos, il n'est pas possible que le corps qui change soit tout entier dans tel on tel rapport, durant le temps qui est considéré comme primitif; car le temps est toujours divisible ; et par conséquent ce sera dans une partie, et une autre partie de ce temps, qu'il sera vrai de dire et que la chose et que ses parties sont dans le même état. § 3. Si en effet il n'en était pas ainsi, et si c'était durant un seul des instants, ce ne serait plus pendant aucun temps que la chose serait dans tel état ; mais ce serait alors pendant la limite du temps. § 4. Dans l'instant, le corps existe bien toujours de quelque [239b] façon ; mais il n'est pas en repos; car dans un instant, il ne peut y avoir, ni mouvement, ni repos. Il est vrai strictement de dire que, dans un instant, le mouvement est impossible, et que le corps existe dans un état quelconque de rapport. Mais il ne se peut pas que dans le temps il y ait un rapport de repos; car il en résulterait cette absurdité que ce qui se meut est en repos.

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Ch. Xlll, § 1. La pensée de ce chapitre est encore plus obscure que celle des précédents; et Simplicius lui-même reconnaît qu'il est très difficile de l'expliquer. Il paraît cependant l'avoir complètement comprise, et il exprime une profonde admiration pour ces théories.

Dans le temps, et non dans l'instant.

— D'un certain état à un autre état, le texte n'est pas aussi précis.

Où il se meut, voir plus haut, ch. 9 § 1. Le temps en soi est ici le temps primitif dans lequel le mobile est censé se mouvoir. L'expression du texte est peut-être d'ailleurs peu correcte ; car le temps primitif, précisément parce qu'il est considéré comme primitif, ne devrait pas avoir de parties; mais il peut lui-même faire partie d'un temps plus long.

Dans un lieu primitif quelconque, le texte ne précise pas autant ; mais c'est le sens que donne Simplicius.

§ 2, Qu'elle est en repos, voir plus haut, Livre V, ch. 8 et 9.

Dans le même état, l'expression du texte est plus vague.

Soit tout entier dans tel ou tel rapport, je n'ai pas pu rendre ce passage d'une manière plus claire; et je n'ai pas pu préciser davantage l'expression, qui est tout à fait indéterminée dans le texte. Voir la Paraphrase correspondant sur ce chapitre.

§ 3. — Un seul des instants, au lien du temps, qui est toujours divisible.

 — Pendant la limite du temps, en d'autres termes, pendant l'instant; ce qui est impossible, puisqu'il a été démontré plus haut que dans l'instant il ne peut y avoir ni mouvement ni repos. Voir plus haut, ch, 2, § 9.

§ 4. Le corps existe bien toujours de quelque façon, j'ai admis ici la conjecture de M. Prautl, qui consiste uniquement dans le changement de quelques accents. Le texte ordinaire est peut-être moins satisfaisant : «  Le corps s'arrête bien toujours de quelque façon. »  

Ni mouvement ni repos, voir plus haut, ch. 2, §§ 8 et 9.

Il en résulterait cette absurdité, le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

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