Aristote : Physique

ARISTOTE

PHYSIQUE.

TOME DEUX : LIVRE V : DU MOUVEMENT. CHAPITRE IX
 

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

chapitre VIII - Livre VI chapitre I

paraphrase du livre V

 

 

 

LEÇONS DE PHYSIQUE

 

LIVRE V.

 

DU MOUVEMENT.

 

 

 

 

 

CHAPITRE IX.

De l'opposition du mouvement et du repos naturels et contre nature; opposition générale de ce qui se fait par force et de ce qui se fait selon la nature, dans les différentes espèces de mouvement. Le mouvement contre nature est contraire au mouvement selon la nature, plus que le repos est contraire au mouvement. - Questions diverses. - Résumé de la comparaison du mouvement et du repos.

1  πορήσειε δ' ἄν τις διὰ τί ἐν μὲν τῇ κατὰ τόπον μεταβολῇ εἰσὶ καὶ κατὰ φύσιν καὶ παρὰ φύσιν καὶ μοναὶ καὶ κινήσεις, ἐν δὲ ταῖς ἄλλαις οὔ, οἷον ἀλλοίωσις ἡ μὲν κατὰ φύσιν ἡ δὲ παρὰ φύσιν (οὐδὲν γὰρ μᾶλλον ἡ ὑγίανσις ἢ ἡ νόσανσις κατὰ φύσιν ἢ παρὰ φύσιν, οὐδὲ λεύκανσις ἢ μέλανσις)· ὁμοίως δὲ καὶ ἐπ' αὐξήσεως καὶ φθίσεως (οὔτε γὰρ αὗται ἀλλήλαις ἐναντίαι ὡς φύσει ἡ δὲ παρὰ φύσιν, οὔτ' αὔξησις αὐξήσει)· καὶ ἐπὶ γενέσεως δὲ καὶ φθορᾶς ὁ αὐτὸς λόγος· οὔτε γὰρ ἡ μὲν γένεσις κατὰ φύσιν ἡ δὲ φθορὰ παρὰ φύσιν (τὸ γὰρ γηρᾶν κατὰ φύσιν), οὔτε γένεσιν ὁρῶμεν τὴν μὲν κατὰ φύσιν τὴν δὲ παρὰ φύσιν. 2 εἰ ἔστιν τὸ βίᾳ παρὰ φύσιν, καὶ φθορὰ ἂν εἴη φθορᾷ ἐναντία ἡ βίαιος ὡς παρὰ φύσιν οὖσα τῇ κατὰ φύσιν; ἆρ' οὖν καὶ γενέσεις εἰσὶν ἔνιαι βίαιοι καὶ οὐχ εἱμαρμέναι, αἷς ἐναντίαι αἱ κατὰ φύσιν, [230b] καὶ αὐξήσεις βίαιοι καὶ φθίσεις, οἷον αὐξήσεις αἱ τῶν ταχὺ διὰ τρυφὴν ἡβώντων, καὶ οἱ σῖτοι οἱ ταχὺ ἁδρυνόμενοι καὶ μὴ πιληθέντες; ἐπὶ δ' ἀλλοιώσεως πῶς; ἢ ὡσαύτως; εἶεν γὰρ ἄν τινες βίαιοι, αἱ δὲ φυσικαί, οἷον οἱ ἀφιέμενοι μὴ ἐν κρισίμοις ἡμέραις, οἱ δ' ἐν κρισίμοις· οἱ μὲν οὖν παρὰ φύσιν ἠλλοίωνται, οἱ δὲ κατὰ φύσιν.

3σονται δὴ καὶ φθοραὶ ἐναντίαι ἀλλήλαις, οὐ γενέσεσι. Καὶ τί γε κωλύει ἔστιν ὡς; καὶ γὰρ εἰ ἡ μὲν ἡδεῖα ἡ δὲ λυπηρὰ εἴη· ὥστε οὐχ ἁπλῶς φθορὰ φθορᾷ ἐναντία, ἀλλ' ᾗ ἡ μὲν τοιαδὶ ἡ δὲ τοιαδὶ αὐτῶν ἐστιν.

4 λως μὲν οὖν ἐναντίαι κινήσεις καὶ ἠρεμίαι τὸν εἰρημένον τρόπον εἰσίν, οἷον ἡ ἄνω τῇ κάτω· τόπου γὰρ ἐναντιώσεις αὗται. Φέρεται δὲ τὴν μὲν ἄνω φορὰν φύσει τὸ πῦρ, τὴν δὲ κάτω ἡ γῆ· καὶ ἐναντίαι γ' αὐτῶν αἱ φοραί. Τὸ δὲ πῦρ ἄνω μὲν φύσει, κάτω δὲ παρὰ φύσιν· καὶ ἐναντία γε ἡ κατὰ φύσιν αὐτοῦ τῇ παρὰ φύσιν. Καὶ μοναὶ δ' ὡσαύτως· ἡ γὰρ ἄνω μονὴ τῇ ἄνωθεν κάτω κινήσει ἐναντία. Γίγνεται δὲ τῇ γῇ ἡ μὲν μονὴ ἐκείνη παρὰ φύσιν, ἡ δὲ κίνησις αὕτη κατὰ φύσιν. στε κινήσει μονὴ ἐναντία ἡ παρὰ φύσιν τῇ κατὰ φύσιν τοῦ αὐτοῦ· καὶ γὰρ ἡ κίνησις ἡ τοῦ αὐτοῦ ἐναντία οὕτως· ἡ μὲν γὰρ κατὰ φύσιν [ἔσται] αὐτῶν, ἡ ἄνω ἢ ἡ κάτω, ἡ δὲ παρὰ φύσιν.

5 χει δ' ἀπορίαν εἰ ἔστιν πάσης ἠρεμίας τῆς μὴ αἰεὶ γένεσις, καὶ αὕτη τὸ ἵστασθαι.

6 Τοῦ δὴ παρὰ φύσιν μένοντος, οἷον τῆς γῆς ἄνω, εἴη ἂν γένεσις. τε ἄρα ἐφέρετο ἄνω βίᾳ, ἵστατο. 7 λλὰ τὸ ἱστάμενον ἀεὶ δοκεῖ φέρεσθαι θᾶττον, τὸ δὲ βίᾳ τοὐναντίον. 8 Οὐ γενόμενον ἄρα ἠρεμοῦν ἔσται ἠρεμοῦν.

9 τι δοκεῖ τὸ ἵστασθαι ἢ ὅλως εἶναι τὸ εἰς τὸν αὑτοῦ τόπον φέρεσθαι ἢ συμβαίνειν ἅμα. χει δ' ἀπορίαν εἰ ἐναντία ἡ μονὴ ἡ ἐνταῦθα τῇ ἐντεῦθεν κινήσει· ὅταν γὰρ κινῆται ἐκ τουδὶ καὶ ἀποβάλλῃ, ἔτι δοκεῖ ἔχειν τὸ ἀποβαλλόμενον, ὥστ' εἰ αὕτη ἡ ἠρεμία ἐναντία τῇ ἐντεῦθεν εἰς τοὐναντίον κινήσει, ἅμα ὑπάρξει τἀναντία. 10 πῂ ἠρεμεῖ, εἰ ἔτι μένει, ὅλως δὲ τοῦ κινουμένου τὸ μὲν [231a] ἐκεῖ, τὸ δ' εἰς ὃ μεταβάλλει; 11 διὸ καὶ μᾶλλον κίνησις κινήσει ἐναντίον ἢ ἠρέμησις.
   12 [πορήσειε δ' ἄν τις καὶ περὶ τοῦ ἵστασθαι, εἰ καὶ ὅσαι παρὰ φύσιν κινήσεις, ταύταις ἔστιν ἠρεμία ἀντικειμένη. 13 Εἰ μὲν οὖν μὴ ἔσται, ἄτοπον· μένει γάρ, βίᾳ δέ. 14στε ἠρεμοῦν τι ἔσται οὐκ ἀεὶ ἄνευ τοῦ γενέσθαι. 15λλὰ δῆλον ὅτι ἔσται· ὥσπερ γὰρ κινεῖται παρὰ φύσιν, καὶ ἠρεμοίη ἄν τι παρὰ φύσιν. 16πεὶ δ' ἔστιν ἐνίοις κίνησις κατὰ φύσιν καὶ παρὰ φύσιν, οἷον πυρὶ ἡ ἄνω κατὰ φύσιν ἡ δὲ κάτω παρὰ φύσιν, πότερον αὕτη ἐναντία ἢ ἡ τῆς γῆς; αὕτη γὰρ φέρεται κατὰ φύσιν κάτω. 17 δῆλον ὅτι ἄμφω, ἀλλ' οὐχ ὡσαύτως, ἀλλ' ἡ μὲν κατὰ φύσιν ὡς κατὰ φύσιν οὔσης τῆς αὐτοῦ· ἡ δ' ἄνω τοῦ πυρὸς τῇ κάτω, ὡς ἡ κατὰ φύσιν οὖσα τῇ παρὰ φύσιν οὔσῃ. 18 μοίως δὲ καὶ ταῖς μοναῖς. σως δ' ἠρεμίᾳ κίνησίς πῃ ἀντίκειται.]

19 Καὶ περὶ μὲν κινήσεως καὶ ἠρεμίας, πῶς ἑκατέρα μία, καὶ τίνες ἐναντίαι τίσιν, εἴρηται.

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§ 1. On peut se demander pourquoi, lorsque dans le changement selon le lieu, il y a et des repos et des mouvements qui sont ou suivant la nature ou contre nature, on ne trouve dans les autres espèces de changements rien de pareil : par exemple, une altération selon la nature et une altération contre nature ; car la santé n'est pas plus selon la nature ou contre nature que ne l'est la maladie ; la noirceur ne l'est pas plus que la blancheur. Et de même encore pour l'accroissement et le dépérissement, ces changements ne sont pas contraires les uns aux autres en tant que selon la nature, ou contre nature, non plus que l'accroissement n'est pas contraire à l'accroissement. On peut encore en dire autant de la génération et de la destruction. Ainsi la génération n'est pas selon la nature, et la destruction contre nature, puisque rien n'est plus naturel que de vieillir; et nous ne voyons pas non plus que telle génération, soit selon la nature et que telle antre soit contre nature. § 2. Mais si c'est ce qui arrive par force qui est contre nature, la destruction par force, comme étant contre nature, sera contraire à la destruction naturelle. Il y a donc certaines générations qui se font par force et qui ne sont pas fatalement régulières, auxquelles les générations naturelles sont contraires. Il y a aussi des accroissements et des destructions violentes : par exemple, les accroissements de ces corps auxquels la volupté donne une puberté précoce ; ou bien encore les accroissements de ces froments qui sont forts tout à coup, sans avoir de profondes racines en terre. Mais pour l'altération, comment se passent les choses ? Est-ce de la mérite manière? Les altérations sont-elles les unes violentes, et les autres naturelles? Par exemple tels malades ne sont pas guéris dans les jours critiques ; et tels autres sont guéris dans les jours critiques. Ceux qui sont guéris hors les jours critiques sont altérés contre nature; les autres le sont naturellement.

§ 3. Mais alors les destructions seront contraires les unes aux autres, et ne le seront pas aux générations. Et où est la difficulté ? C'est parfaitement possible ; car telle destruction peut être agréable, tandis que telle autre est pénible. Par conséquent, la destruction n'est pas contraire à la destruction d'une manière absolue; mais elle l'est seulement en tant que l'une des destructions est de telle façon, et que l'autre est de telle façon différente.

§ 4. Ainsi donc, d'une manière générale, les mouvements et les repos sont contraires, selon le sens qui vient d'être expliqué. Par exemple le mouvement en haut est contraire au mouvement en bas ; ce sont là des oppositions de lieux contraires. Le feu, suivant sa tendance naturelle, se porte en haut, tandis que la terre se porte eu bas. Leurs tendances sont donc contraires, puisque naturellement le feu va en haut, et que s'il va en bas, c'est contre nature ; son mouvement de nature est contraire à son mouvement contre nature. Il en est de même des repos. Ainsi le repos en haut est contraire au mouvement de haut en bas. C'est ce repos contre nature qui serait celui de la terre, « si elle restait en haut. » Mais son mouvement de haut en bas est selon sa nature. Par conséquent, le repos contre nature est contraire au mouvement selon la nature pour le même objet, puisque les mouvements de ce même objet sont également contraires; et que l'un des deux, soit en haut soit en bas, sera selon la nature tandis que l'autre sera contre nature.

§ 5. Mais on peut se demander s'il y a génération du repos toutes les fois qu'il n'est pas éternel, et si cette génération du repos est précisément le temps d'arrêt du corps.

§ 6. Certainement il y a génération du repos pour un corps qui s'arrête contre nature; et par exemple, pour la terre quand elle reste en haut ; c'est parce qu'elle a été portée par force en haut, qu'elle s'y est arrêtée. § 7. Mais le corps qui s'arrête semble toujours avoir un mouvement de plus en plus rapide, tandis que celui qui est mu par force éprouve tout le contraire. Ainsi donc le corps sera en repos sans devenir précisément en repos. § 8. Et pour un corps, s'arrêter, c'est absolument la même chose qu'être porté vers son lieu spécial, ou du moins l'un se produit toujours simultanément avec l'autre.

§ 9. Une autre question, c'est de rechercher si le repos en tel état est contraire au mouvement qui s'éloigne de ce même état. En effet, quand le corps est mis en mouvement pour sortir de tel état, ou qu'il perd quelque état antérieur, il n'en semble pas moins garder encore quelque temps ce qu'il perd. Si donc c'est le même repos qui est contraire au mouvement parti de cet état pour aller à l'état contraire, il s'ensuit que les contraires seront simultanément dans l'objet. § 10. Ou bien ne peut-on pas dire que le corps est de quelque façon déjà en repos, si d'ailleurs il s'arrête plus tard, et qu'en général le corps qui est mis en mouvement est en partie ce qu'il est, [231a] et en partie ce en quoi il change? § 11. Et c'est là ce qui fait que le mouvement est plus contraire au mouvement que le repos.

§ 12. Il y a enfin pour le repos la question de savoir si tous les mouvements contre nature ont aussi un repos opposé. § 13. Si l'on soutenait qu'il n'y en a pas, ce serait absurde ; car le corps reste en place; et il y reste par force. § 14. Il y aurait donc alors quelque chose qui serait en repos, et non éternellement, sans que le repos eût eu une cause. § 15. Mais il est clair qu'il y aura un repos de cette espèce ; car il peut y avoir repos contre nature comme il y a mouvement contre nature. § 16. D'autre part, il faut se rappeler qu'il y a mouvement selon la nature et mouvement contre nature pour certains corps ; ainsi, pour le feu le mouvement naturel est en haut ; et le mouvement en bas est contre nature. Est-ce ce dernier mouvement qui est contraire à l'autre ? Ou bien est-ce celui de la terre, qui naturellement est portée en bas? § 17. Il est clair que tous les deux sont contraires; seulement ce n'est pas de la même manière. Mais, d'une part le mouvement selon la nature est opposé au mouvement selon la nature; et d'autre part, pour le feu, c'est le mouvement en bas qui est opposé au mouvement en haut, comme étant, l'un de nature, et l’autre, contre nature. § 18. Or, il eu est de même aussi pour le repos.

§ 19. Voilà ce qu'il y avait à dire du mouvement et du repos, pour expliquer ce qu'ils sont chacun dans leur unité, et comment l'un peut être opposé à l'autre.

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Ch. IX, § 1. On peut se demander, la question qui va être traitée dans la première partie de ce chapitre, n'est pas très clairement exposée ici. Aristote se demande pourquoi toutes les espèces de changement ne présentent pas les mêmes oppositions que le changement dans l'espace. Dans ce dernier changement, il y a l'opposition du repos et du mouvement, qui peuvent être l'un et l'autre, ou selon la nature, ou contre nature; dans les autres espèces de changement, il n'y a pas une opposition analogue à celle du repos et du mouvement; mais il n'y a que l'opposition de ce qui est naturel et de ce qui est violent. Pour les diverses espèces de changements au nombre de six, voir les Catégories, ch. 14, p. 128 et suiv. de ma traduction. Seulement dans les Catégories, Aristote donne le nom de Mouvements à toutes ces espèces de changements ; et ce n'est que dans la Métaphysique et la Physique que son langage est devenu plus précis.

- Le changement selon le lieu, ou : Dans l'espace, ce qui est le mouvement véritable, le corps passant d'un lieu à un autre.

 - Et des mouvements, Aristote distingue ici le mouvement et le changement.

- Dans les autres espèces de changements, qui vont être successivement étudiées, et qui sont au nombre de cinq : l'altération ou modification de qualité, l'accroissement et le dépérissement, la génération et la destruction.

- Une altération selon la nature, un peu plus bas, § 2, Aristote reconnaîtra des altérations naturelles, et des altérations violentes.

- La santé n'est pas plus selon la nature, celte assertion peut être contestée, et il semble que la santé est plutôt selon la nature que la maladie.

- De même encore pour l'accroissement et le dépérissement, ici les deux termes paraissent, en effet, également dans la nature, puisque tout ce qui naît et se développe est, par la loi même de la nature, destiné à périr.

- De la génération et de la destruction, qui sont en effet l'une la conséquence inévitable de l'autre.

- Que de vieillir, il semble qu'il faudrait Que de mourir; car la vieillesse n'est qu'un dépérissement, et n'est pas encore une destruction.

- Que telle génération soit selon la nature, celte opinion un peu trop absolue est modifiée dans le § suivant.

§ 2. La destruction par force, par exemple, une mort violente, au lieu d'une mort naturelle; l'opposition que notre langue fait dans ce cas est précisément celle qu'Aristote indique ici.

- Certaines générations qui se font par force, toutes celles qui sont dues à l'industrie humaine, forçant le cours habituel des choses.

- Fatalement régulières, il n'y a qu'un seul mot dans le texte ; mais il indique ces deux nuances.

 - La volupté donne une puberté précoce, l'exemple n'est pas très clair, et il pourrait être mieux choisi, quoique d'ailleurs le fait physiologique auquel il est fait allusion soit très exact.

- Qui sont forts tout à coup, c'est-à-dire qu'on les a peu enfoncés dans le sol.

- Pour l'altération, voir le § précédent.

- Les unes violentes et les autres naturelles, il semble qu'il ne puisse pas y avoir de doute à cet égard, et que c'est surtout dans les altérations subies par les corps qu'on peut distinguer la nature et la violence.

- Tels malades ne sont pas guéris dans les jours critiques, il semble encore que ce nouvel exemple n'est pas très bien choisi. Les jours critiques sont ceux où la maladie prend décidément son cours, et peut être jugée précisément par l'habile médecin.

§ 3. Mais alors, il semble que ceci soit une sorte d'objection à laquelle répond Aristote. La destruction est contraire à la destruction en tant que l'une est violente et l'autre naturelle, ce qui n'empêche pas que, d'une manière générale et absolue, la destruction ne soit contraire à la génération.

- Et où est la difficulté? Aristote répond à l'objection précédente.

- D'une manière absolue, comme elle l'est à la génération.

- Est de telle façon, c'est-à-dire qu'elle est agréable par exemple, comme il vient de le dire, quoiqu'on ne comprenne pas fort bien comment une destruction peut âtre agréable, à moins que ce ne soit la destruction de quelque mal.

§ 4. Dans le sens qui vient d'être expliqué, c'est-à-dire quand, de deux mouvements qui se passent dans le même lieu, l'un est naturel et l'autre violent, la même distinction pouvant s'appliquer aussi au repos, qui est tantôt violent et tantôt naturel. -Il en est de même des repos, il semblerait que ceci veut dire que le repos est contraire au repos, comme le mouvement est contraire au mouvement ; mais la suite prouve que ce n'est pas tout à fait ainsi que l'entend Aristote.

- « Si elle restait eu haut, » j'ai cru devoir ajouter ces mots pour que la pensée fût plus claire.

- Contraire au mouvement selon la nature, en même temps qu'au repos selon la nature.

- Les mouvements, le texte a le singulier au lieu du pluriel.

§ 5. S'il y a génération du repos, cette expression est obscure, et je ne vois rien dans le contexte qui puisse tout à fait l'éclaircir. Si je la comprends bien, elle revient à savoir si le repos est dans le corps comme y est le mouvement, ou s'il peut y être produit à un moment donné par une cause étrangère.

§ 6. Certainement il y a génération, Aristote résout d'abord la question par l'affirmative ; mais ce n'est pas là sa vraie solution, comme la suite le prouve, et il soutient, au contraire, qu'il n'y a pas de repos ainsi entendu.

- Il y a génération du repos, c'est-à-dire que le repos se produit.

§ 7. Mais le corps qui s'arrête, c'est ce qu'on observe dans la chute des graves, et plus les corps qui tombent s'approchent de la terre, où ils doivent s'arrêter, plus leur chute est rapide.

- Éprouve tout le contraire, c'est encore un fait d'observation que le corps qui est mu contre nature, par exemple, une pierre qui est lancée en haut, ralentit d'autant plus son mouvement d'ascension qu'il approche davantage du point où il doit s'arrêter.

 - Sans devenir précisément en repos, c'est-à-dire sans qu'il y ait une cause permanente du repos, puisque si l'obstacle qui s'oppose à la chute du corps venait à cesser, le corps reprendrait à l'instant même son mouvement de translation vers son lieu naturel.

§ 8. La même chose qu'être porté vers son lieu spécial, c'est trop dire; et si un corps s'arrête en effet quand il est arrivé ait lieu qui lui est spécial d'après les lois de la nature, on ne peut pas dire cependant que le repos de ce corps se confonde avec le mouvement qui l'a amené en ce lieu. Mais l'expression de S'arrêter signifie sans doute ici la tendance nu repos plus que le repos lui-même.

§ 9. Le repos en tel état, on ne voit pas bien comment cette question se rattache aux précédentes; et de plus elle est présentée d'une manière trop peu claire.

- Qui s'éloigne de ce même état, le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

- Le corps est mis en mouvement, des exemples auraient été bien nécessaires ici, pour fixer nettement la pensée.

- N'en semble pas moins garder encore quelque temps, le teste n'est pas aussi précis.

- Les contraires seront simultanément dans l'objet, ce qui est impossible.

§ 10. Ou bien ne peut-on pas dire, formule habituelle d'Aristote quand il présente la solution qui lui est propre.

- Est de quelque façon déjà en repos, parce que le repos commence en quelque sorte quand le mouvement se ralentit ; et alors le mouvement et le repos sont, on peut dire, simultanément dans le corps.

 - Ce qu'il est.., ce en quoi il change, et alors les contraires coexistent.

§ 11. Le mouvement est plus contraire, parce que les mouvements contraires ne peuvent coexister, tandis que le repos et le mouvement peuvent, dans une certaine mesure, coexister l'un à l'autr

§§ 12 à 18. Il y a des manuscrits où tout ce passage est omis comme étant en grande partie une simple reproduction de tout ce qui précède, et surtout du § 5. Simplicius le commente, tout en remarquant que ce n'est guère qu'une répétition. Saint Thomas fait une observation analogue.

- Un repos opposé, et qui soit comme eux contre nature. Par exemple, la pierre qu'on lance en l'air et qui s'y arrête en rencontrant quelqu'obstacle, a un repos violent et contre nature, comme le mouvement qui l'a portée au lieu où elle s'est arrêtée.

§ 13. Car le corps reste en place, dans le lieu où il a été porté par un mouvement contre nature.

§ 14. Sans que le repos eût eu une cause, le texte n'est pas aussi précis.

§ 15. Un repos de cette espèce, c'est-à-dire qu'il y aura des repos contre nature, de même qu'il y a des mouvements contre nature.

§ 16. D'autre part, la question indiquée dans ce§ n'est pas assez nettement exposée. Aristote se demande si deux mouvements sont contraires, lorsqu'appliqués à un même corps, l’un est naturel, et l'autre contre nature; ou bien, s'il faut prendre des corps dont le mouvement naturel est contraire, pour avoir des mouvements contraires.

§ 17. Tous les deux sont contraires, c'est-à-dire d'une part le mouvement contre nature pour le feu, et d'autre part le mouvement naturel pour la terre, puisque le feu se porte naturellement en haut, et la terre naturellement en bas.

- Le mouvement selon la nature, celui de la terre on du feu.

 - Au mouvement selon la nature, c'est le sens indiqué par la suite du raisonnement, et c'est la leçon la plus généralement admise ; mais quelques manuscrits ont une leçon différente: « Au mouvement contre nature. » Évidemment ce serait faire double emploi avec ce qui suit.

§ 18. De même aussi pour le repos, voir plus haut la note sur le § 12.

§ 19. Voila ce qu'il y avait à dire, c'est le sujet des deux derniers chapitres qui est résumé ici. Mais la théorie du mouvement occupera encore trois livres entiers.

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