LIVRE I
DES PRINCIPES DE L'ÊTRE.
CHAPITRE PREMIER.
De la méthode à suivre dans l'étude de
la nature : Il faut procéder des faits particuliers et composés, qui
sont pour nous les plus notoires et les plus clairs, et remonter par
l'analyse jusqu'aux principes universels, aux causes des choses, et
à leurs éléments simples, qui sont les plus clairs et les plus
notoires en soi. - Exemple des noms par rapport à la définition ;
exemple des enfants. |
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Α'
§ 1. Ἐπειδὴ τὸ εἰδέναι καὶ τὸ
ἐπίστασθαι συμβαίνει περὶ πάσας τὰς μεθόδους, ὧν εἰσὶν ἀρχαὶ ἢ αἴτια
ἢ στοιχεῖα, ἐκ τοῦ ταῦτα γνωρίζειν (τότε γὰρ οἰόμεθα γιγνώσκειν
ἕκαστον, ὅταν τὰ αἴτια γνωρίσωμεν τὰ πρῶτα καὶ τὰς ἀρχὰς τὰς πρώτας
καὶ μέχρι τῶν στοιχείων), δῆλον ὅτι καὶ τῆς περὶ φύσεως ἐπιστήμης
πειρατέον διορίσασθαι πρῶτον τὰ περὶ τὰς ἀρχάς.
§ 2. Πέφυκε δὲ ἐκ τῶν γνωριμωτέρων
ἡμῖν ἡ ὁδὸς καὶ σαφεστέρων ἐπὶ τὰ σαφέστερα τῇ φύσει καὶ
γνωριμώτερα· οὐ γὰρ ταὐτὰ ἡμῖν τε γνώριμα καὶ ἁπλῶς. Διόπερ ἀνάγκη
τὸν τρόπον τοῦτον προάγειν ἐκ τῶν ἀσαφεστέρων μὲν τῇ φύσει ἡμῖν δὲ
σαφεστέρων ἐπὶ τὰ σαφέστερα τῇ φύσει καὶ γνωριμώτερα.
§ 3. Ἔστι δ' ἡμῖν τὸ πρῶτον δῆλα καὶ
σαφῆ τὰ συγκεχυμένα μᾶλλον· ὕστερον δ' ἐκ τούτων γίγνεται γνώριμα τὰ
στοιχεῖα καὶ αἱ ἀρχαὶ διαιροῦσι ταῦτα.
§ 4. Διὸ ἐκ τῶν καθόλου ἐπὶ τὰ καθ'
ἕκαστα δεῖ προϊέναι· τὸ γὰρ ὅλον κατὰ τὴν αἴσθησιν γνωριμώτερον, τὸ
δὲ καθόλου ὅλον τί ἐστι· πολλὰ γὰρ περιλαμβάνει ὡς μέρη τὸ καθόλου.
§ 5. Πέπονθε δὲ ταὐτὸ τοῦτο τρόπον
τινὰ καὶ τὰ ὀνόματα πρὸς τὸν λόγον· ὅλον γάρ τι καὶ ἀδιορίστως
σημαίνει, οἷον ὁ κύκλος, ὁ δὲ ὁρισμὸς αὐτοῦ διαιρεῖ εἰς τὰ καθ'
ἕκαστα.
§ 6. Καὶ τὰ παιδία τὸ μὲν πρῶτον
προσαγορεύει πάντας τοὺς ἄνδρας πατέρας καὶ μητέρας τὰς γυναῖκας,
ὕστερον δὲ διορίζει τούτων ἑκάτερον. |
§ 1. Comme on ne parvient à comprendre
et à savoir quelque chose dans tout sujet de recherches méthodiques
où il y a des principes, des causes et des éléments, que du moment
où on les connaît; car on ne pense jamais connaître une chose que
quand on en connaît les causes premières, les principes premiers, et
jusqu'à ses éléments; de même aussi pour la science de la nature, il
est évident que l'on doit tout d'abord prendre soin de déterminer ce
qui regarde les principes.
§ 2. La marche qui semble ici toute
naturelle, c’est de procéder des choses qui sont plus connues et
plus claires pour nous, aux choses qui sont plus claires et plus
connues par leur propre nature. En effet, les choses qui sont
notoires absolument, et les choses qui sont notoires pour nous, ne
sont pas les mêmes ; et voila comment c'est une nécessité de
commencer par les choses qui, bien que plus obscures par nature,
sont cependant plus notoires pour nous, afin de passer ensuite aux
choses qui sont naturellement plus claires et plus connues en soi.
§ 3. Ce qui est d'abord pour nous le
plus notoire et le plus clair, c'est ce qui est le plus composé et
le plus confus. Mais ensuite en partant de ces composés mêmes, les
éléments et les principes nous sont rendus clairs par les divisions
que nous en faisons.
§ 4. Ainsi donc il faut s'avancer du
général au particulier ; car le tout que donne la sensation est plus
connu ; et le général est une espèce de tout, puisque le général
contient dans son ensemble une foule de choses à l'état de simples
parties.
§ 5. C'est un rapport assez analogue à
celui-là, que les noms des choses soutiennent avec les définitions.
Les noms, en effet, expriment aussi une totalité quelconque; mais
ils l'expriment d'une manière indéterminée ; par exemple, le mot
Cercle, que la définition résout ensuite dans ses éléments
particuliers.
§ 6. C'est encore ainsi que les
enfants appellent d'abord Papa et Maman, tous les hommes, toutes les
femmes, qu'ils voient; mais plus tard ils les distinguent fort bien
les uns et les autres. |
Ch. 1. § 1.
A comprendre et à savoir, pour cette théorie générale de la
science, il faut consulter les graves doctrines des Derniers
Analytiques ; voyez surtout le tome III, livre I, ch. 2, p. 7 et
suivantes de ma traduction.
- Des
principes, des causes ou des éléments, ces trois termes semblent
ici à peu près synonymes, ainsi que le prouve la fin de la phrase où
l'auteur n'emploie que le mot de Principes. Quelquefois ces
expressions présentent des nuances qui sont précisées dans le IVe
livre de la Métaphysique, ch. 4, 2, 3, h, etc., édit. de Berlin,
pages 1.013 et suivantes.
- On
trouvera sans doute que cette première phrase est un peu longue ;
mais je n'ai pas cru devoir la diviser; et j'ai laissé à la
traduction une physionomie toute aristotélique.
- Ce qui
regarde les principes, Aristote dit ici simplement : Principes,
entendant par ce mot les principes, les causes et les éléments, dont
il vient de parler quelques lignes plus haut.
§ 2. Plus
connues et plus claires pour nous. Voir les Derniers
Analytiques, livre 1, ch. 2, § 11, IIIe volume, p. 10 de ma
traduction. Cette distinction est très fréquente dans le système
d'Aristote, et elle est parfaitement juste.
§ 3. Le plus
composé et le plus confus, il n'y a qu'un seul mot, au lieu de
deux, dans le texte.
- Par les
divisions que nous en faisons, c'est-à-dire par l'analyse. La
sensation, qui est le moyen le plus habituel d'informations, nous
donne tout d'abord une totalité très complexe; puis, en décomposant
cette totalité, nous arrivons aux éléments irréductibles dont elle
est formée.
§ 4. Du
général au particulier, l'expression du texte est au pluriel et
l'on pourrait encore traduire : Des universaux aux individus.
- Le tout
que donne la sensation, en effet, la sensation nous apprend
d'abord que l'être que nous voyons, par exemple, est un homme, et
nous reconnaissons ensuite que cet homme est un individu, un de nos
amis. En ce sens, la notion générale ou générique a précédé la
notion particulière et individuelle. Cependant la méthode que
recommande ici Aristote n'est pas précisément la méthode d'analyse,
qui va au contraire du particulier au général. Les théories exposées
ici ne sont pas tout à fait d'accord avec celles des Derniers
Analytiques, livre 1, ch. 2, § 4 page 10 de ma traduction, et livre
Il, ch. 19, § 7, p. 290.
§ 5. Les
noms des choses... avec leur définition, on pourrait traduire
encore : les mots... avec l'idée; mais la suite prouve qu'il s'agit
spéciale-ment ici de définition.
- Le mot
Cercle, ce mot est le nom général d'une ligure que l'on comprend
d'abord dans sa totalité ; mais en remontant à ses éléments par la
définition, on découvre que le cercle est une figure terminée par
une seule ligne courbe dont tous les points sont à égale distance
d'un point central, dont tous les rayons, menés du centre à la
circonférence, sont égaux, etc.
§ 6. Les
enfants... cette comparaison fort claire explique très bien ce
que l'auteur a voulu dire un peu plus haut par la totalité que donne
d'abord la sensation |
CHAPITRE II.
Des principes ; unité et pluralité des
principes : Parménide et Mélissus, les philosophes Ioniens et
Démocrite. - L'unité absolue de l'être implique la négation de tous
principes et détruit l'étude de la nature; thèse d'Héraclite ;
erreur grossière de Mélissus, l’être n'est point immobile ; il y a
des êtres soumis au mouvement. - Méthode des Géomètres ;
démonstration d'Antiphon. Méthode à suivre pour critiquer les
théories antérieures. |
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Β'.
§ 1. Ἀνάγκη δ' ἤτοι μίαν εἶναι τὴν
ἀρχὴν ἢ πλείους, καὶ εἰ μίαν, ἤτοι ἀκίνητον, ὥς φησι Παρμενίδης καὶ
Μέλισσος, ἢ κινουμένην, ὥσπερ οἱ φυσικοί, οἱ μὲν ἀέρα φάσκοντες
εἶναι οἱ δ' ὕδωρ τὴν πρώτην ἀρχήν· εἰ δὲ πλείους, ἢ πεπερασμένας ἢ
ἀπείρους, καὶ εἰ πεπερασμένας πλείους δὲ μιᾶς, ἢ δύο ἢ τρεῖς ἢ
τέτταρας ἢ ἄλλον τινὰ ἀριθμόν, καὶ εἰ ἀπείρους, ἢ οὕτως ὥσπερ
Δημόκριτος, τὸ γένος ἕν, σχήματι δὲ <διαφερούσας>, ἢ εἴδει
διαφερούσας ἢ καὶ ἐναντίας.
§ 2. Ὁμοίως δὲ ζητοῦσι καὶ οἱ τὰ ὄντα
ζητοῦντες πόσα· ἐξ ὧν γὰρ τὰ ὄντα ἐστὶ πρώτων, ζητοῦσι ταῦτα πότερον
ἓν ἢ πολλά, καὶ εἰ πολλά, πεπερασμένα ἢ ἄπειρα, ὥστε τὴν ἀρχὴν καὶ
τὸ στοιχεῖον ζητοῦσι πότερον ἓν ἢ πολλά.
§ 3. Τὸ μὲν οὖν εἰ ἓν καὶ ἀκίνητον τὸ
ὂν σκοπεῖν οὐ περὶ φύσεώς ἐστι σκοπεῖν· ὥσπερ γὰρ καὶ τῷ γεωμέτρῃ
οὐκέτι λόγος ἔστι πρὸς τὸν ἀνελόντα τὰς ἀρχάς, ἀλλ' ἤτοι ἑτέρας
ἐπιστήμης ἢ πασῶν κοινῆς, οὕτως οὐδὲ τῷ περὶ ἀρχῶν· οὐ γὰρ ἔτι ἀρχὴ
ἔστιν, εἰ ἓν μόνον καὶ οὕτως ἓν ἔστιν. Ἡ γὰρ ἀρχὴ τινὸς ἢ τινῶν.
§ 4. Ὅμοιον δὴ τὸ σκοπεῖν εἰ οὕτως ἓν
καὶ πρὸς ἄλλην θέσιν ὁποιανοῦν διαλέγεσθαι τῶν λόγου ἕνεκα λεγομένων
(οἷον τὴν Ἡρακλείτειον, ἢ εἴ τις φαίη ἄνθρωπον ἕνα τὸ ὂν εἶναι),
§ 5. ἢ λύειν λόγον ἐριστικόν, ὅπερ
ἀμφότεροι μὲν ἔχουσιν οἱ λόγοι, καὶ ὁ Μελίσσου καὶ ὁ Παρμενίδου· καὶ
γὰρ ψευδῆ λαμβάνουσι καὶ ἀσυλλόγιστοί εἰσιν· μᾶλλον δ' ὁ Μελίσσου
φορτικὸς καὶ οὐκ ἔχων ἀπορίαν, ἀλλ' ἑνὸς ἀτόπου δοθέντος τὰ ἄλλα
συμβαίνει· τοῦτο δὲ οὐδὲν χαλεπόν.
§ 6. Ἡμῖν δ' ὑποκείσθω τὰ φύσει ἢ
πάντα ἢ ἔνια κινούμενα εἶναι· δῆλον δ' ἐκ τῆς ἐπαγωγῆς.
§ 7. Ἅμα δ' οὐδὲ λύειν ἅπαντα
προσήκει, ἀλλ' ἢ ὅσα ἐκ τῶν ἀρχῶν τις ἐπιδεικνὺς ψεύδεται, ὅσα δὲ
μή, οὔ, οἷον τὸν τετραγωνισμὸν τὸν μὲν διὰ τῶν τμημάτων γεωμετρικοῦ
διαλῦσαι, τὸν δὲ Ἀντιφῶντος οὐ γεωμετρικοῦ·
§ 8. οὐ μὴν ἀλλ' ἐπειδὴ περὶ φύσεως
μὲν οὔ, φυσικὰς δὲ ἀπορίας συμβαίνει λέγειν αὐτοῖς, ἴσως ἔχει καλῶς
ἐπὶ μικρὸν διαλεχθῆναι περὶ αὐτῶν· ἔχει γὰρ φιλοσοφίαν ἡ σκέψις. |
§ 1. Nécessairement il doit y avoir
dans l'être ou un principe unique ou plusieurs principes. En
supposant que ce principe soit unique, il doit être, on immobile,
comme le prétendent Parménide et Mélissus, ou mobile, comme
l'affirment les Physiciens, soit qu'ils trouvent ce premier principe
dans l'air, soit qu'ils le trouvent dans l'eau. En admettant qu'il y
a plusieurs principes, ces principes sont en nombre fini et infini ;
s'ils sont finis, mais en étant toujours plus d'un, ils sont alors
deux, trois, quatre ou tel autre nombre ; s'ils sont infinis, ils
peuvent être comme l'entend Démocrite, d'un seul et même genre, ne
différant qu'en figure et en espèce ; ou bien ils vont même jusqu'à
être contraires.
§ 2. C'est encore une étude toute
pareille que font les philosophes qui recherchent quel est le nombre
des êtres ; car ils recherchent d'abord si la source d'où sortent
les êtres et les choses, est un principe unique, ou bien si ce sont
plusieurs principes ; puis en supposant qu'il y ait plusieurs
principes, ils se demandent s'ils sont finis ou infinis. Par
conséquent, c'est rechercher encore si le principe et l'élément des
choses est unique, ou s'il y en a plusieurs.
§ 3. Cependant, étudier cette question
de savoir si l'être est un et immobile, ce n'est plus étudier la
nature ; car de même que le Géomètre n'a plus rien à dire à un
adversaire qui lui nie ses principes, et que cette discussion
appartient dès lors à une autre science que la géométrie on à une
science commune de tous les principes, de même le philosophe qui
s'occupe des principes de la nature, ne doit pas accepter la
discussion sur ce terrain. Du moment, en effet, que l'être est un,
et un au sens d'immobilité où on le prétend, il n'y a plus à,
proprement dire de principe, puisqu'un principe est toujours le
principe d'une ou de plusieurs autres choses.
§ 4. Examiner si l'être est en ce
sens, revient tout a fait à discuter telle autre thèse tout aussi
vaine, parmi celles qui ne sont avancées que pour le besoin de la
dispute, comme la fameuse thèse d'Héraclite. Autant vaudrait
soutenir que l'être entier se concentre dans un seul individu de
l'espèce humaine.
§ 5. Au fond, c'est simplement réfuter
un argument captieux, défaut que présentent les deux opinions de
Mélissus et de Parménide ; car elles reposent toutes deux sur des
prémisses fausses, et elles ne concluent pas régulièrement. Mais le
raisonnement de Mélissus est encore le plus grossier, et il ne peut
pas même causer la moindre hésitation ; car il suffit d'une seule
donnée absurde pour que toutes les conséquences le soient également
; et c'est une chose des plus faciles à voir.
§ 6. Quant à nous, posons comme un
principe fondamental que les choses de la nature, soit toutes, soit
quelques-unes au moins sont soumises au mouvement ; et c'est là un
fait que l'induction ou l'observation nous apprend avec toute
évidence.
§ 7. Mais, en même temps, nous ne
prétendrons point répondre à toutes les questions, et nous ne
réfuterons que les erreurs que l'on commet dans les démonstrations
en partant des principes ; nous laisserons de côté toutes celles qui
n'en partent pas. C'est ainsi, par exemple, que c'est au géomètre de
réfuter la démonstration de la quadrature du cercle par les
segments; mais le géomètre n'a plus rien à faire avec celle
d'Antiphon.
§ 8. Néanmoins, comme sans traiter
précisément de la nature, ces philosophes touchent à des questions
physiques, il sera peut-être utile d'en dire ici quelques mots : car
ces recherches ne laissent pas que d’avoir leur côté de philosophie.
|
Ch. II, § 1.
Parménide et Mélissus, tous deux de l'École d'Élée, qui
soutenait l'unité et l'immobilité de l’Etre, et niait par conséquent
le mouvement, principe essentiel de la nature, d'après Aristote.
Voir le petit traité spécial, Xénophane, Zénon et Gorgias, édit. de
Berlin, p. 974, et la Métaphysique, livre I, ch. 5, p. 986, h, 21.
- Les
Physiciens, c'est-à-dire les philosophes qui s'occupent pertinemment
de l'étude de la nature, l'École d'Ionie, Thalès, Anaximandre et les
autres. Voir plus loin, ch. 5.
- Dans l'air,
comme Diogène d'Apollonie et Anaximène, Métaphysique, livre I, ch.
3, p. 984, a, 5, édit, de Berlin. - Dans l'eau, comme Thalès,
Métaphysique, livre 1, ch. 3, édit. de Berlin, p. 983, b, 21.
-
Démocrite., Métaphysique, livre I, ch. 3, édit. de Berlin, p.
985, b, 5.
- Jusqu'à
être contraires, Aristote ne nomme ici aucun philosophe ; mais
il semble que c'est là l'opinion d'Empédocle et d'Anaxagore.
Alexandre d'Aphrodisée, d'après Simplicius, croit que ces deux
assertions se rapportent au seul Démocrite, qui tout en admettant
les atomes, qui ne diffèrent qu'en forme et en espèce, admet aussi
le plein et le vide, c'est-à-dire les contraires. Dans la
Métaphysique, livre I, ch. 5, p. 985, h, 8, édit. de Berlin, le
système des contraires est formellement attribué aux Pythagoriciens
et à Alcméon de Crotone.
§ 2. Quel
est le nombre des êtres Aristote ne nomme pas ces philosophes
qui cherchent à préciser le nombre des êtres et des choses de
l'univers. Il en a parlé en termes à peu près aussi vagues dans la
Métaphysique, livre I, ch. 5, édit. de Berlin, p. 986, a, 15. C'est
peut-être des Pythagoriciens qu'il s'agit ici.
§ 3. Ce
n'est plus étudier la nature, parce que la nature est par
essence, selon Aristote, le principe même du mouvement. Si l'être
est un et immobile, il n'y n plus à l'étudier dans des phénomènes
qu'il ne produit pas ou qui ne sont qu'une illusion ; il n'y a plus
qu'à le contempler et à l'adorer, si l'on veut ; mais ce n'est pas
l'objet de la Physique.
- A un
adversaire qui lui nie ses principes, la même pensée se retrouve
dans les Derniers Analytiques, livre I, ch. 12, p. 70 de ma
traduction. On ne peut discuter une question dans les limites d'une
science qu'en acceptant d'abord les principes de cette science ; ou
si on ne les admet plus, c'est qu'on passe à une science différente,
ou bien à la science qui étudie d'une manière générale la valeur des
principes ; et cette science supérieure c'est la métaphysique.
- Une
science commune à tous les principes, c'est la métaphysique et
non la dialectique, qui ne peut donner aucun résultat vraiment
scientifique au sens où Aristote la prend. Voir les Derniers
Analytiques, livre I, ch. II, § 6, p. 68, et les Topiques, livre I,
ch. 1, §§ 4 et 5, p. 2 de ma traduction.
§ 4. Comme
la fameuse thèse d 'Héraclite, à savoir que tout est dans un
flux perpétuel. Ce principe admis, les contradictoires sont
également vraies, les contraires se confondent ; il n'y a plus ni
vérité ni erreur ; et dès lors la thèse même qu'on soutient est
aussi vaine que la thèse opposée. Pour la définition de la thèse,
voir les Topiques, livre I, ch. 2, page 32 de ma traduction ; pour
la théorie d'Héraclite, voir la Métaphysique, livre I, chap. 3, p.
984, n, 7, édition de Berlin. - Dans un seul individu, peut-être
cette opinion avait-elle été soutenue pur quelque philosophe
qu'Aristote ne nomme pas. Il revient d'ailleurs un peu plus loin,
ch. 3, § 40, sur la thèse d'Héraclite, pour en démontrer toute la
fausseté dangereuse.
§ 5. Tout ce
paragraphe est répété mot pour mot un peu plus loin, ch. 4, § I.
C'est ici, sans doute, qu'il doit être supprimé, et c'est le parti
que Bekker conseille, en enfermant toute cette interpolation entre
crochets. Je l'ai laissée dans la traduction, et je crois devoir me
borner à avertir le lecteur dans cette note.
- Les deux
opinion de Mélissus et de Parménide, voir plus haut dans ce
chapitre, § 4, l'opinion de Mélissus et de Parménide sur l'unité et
l'immobilité de l'être.
- Le
raisonnement de Mélissus, ici Aristote ne dit point précisément
en quoi le raisonnement de Mélissus s'écarte de celui de Parménide ;
mais il revient un peu plus loin sur cette différence. Voir le
chapitre suivant, §§ 4 et 9.
- Le plus
grossier, dans la Métaphysique, livre I, ch. 5, p. 986, b, 27,
édition de Berlin, Aristote fait à peu près la même critique des
opinions de Mélissus, auquel il réunit Xénophane, semblant encore
faire plus de cas de celles de Parménide. La Physique est citée dans
ce même passage de la Métaphysique.
§ 6.
L'induction et l'observation. Il n'y a dans le texte que le premier
mot ; j'ai ajouté le second pour plus de clarté. Pour l'Induction,
voir les Premiers Analytiques, livre II, ch. 23, p. 325, et Derniers
Analytiques, livre 1, ch. 18, p. 111 de ma traduction.
§ 7. En
parlant des principes, Aristote entend les principes qu'il admet
lui-même. - La quadrature du cercle par les segments, peut-être
faut-il confondre la démonstration de la quadrature du cercle par
les segments avec la démonstration par les lunules, qu'Aristote
attribue formellement à Hippocrate de Chios, Réfutations des
Sophistes, ch. 10, p. 374 de ma traduction. Cette démonstration
d'Hippocrate de Chios était fausse, puisque la quadrature du cercle
est impossible ; mais du moins elle s'appuyait sur des principes
géométriques, tandis que celle d'Antiphon s'appuyait sur des
principes contraires à toute géométrie.
- Avec celle
d'Antiphon, quelle était au juste la démonstration d'Antiphon,
c'est ce qu'il n'est pas facile de savoir d'après le peu qu'en dit
Aristote. Antiphon est encore nommé un peu plus loin, livre II, ch.
4, § 13, et dans les Réfutations des Sophistes, loc. cit., p. 384,
mais sans aucun détail ; et dans ce passage sa démonstration ne
parait pas aussi dédaignée qu'elle l'est ici. Simplicius s'est
arrêté fort longuement sur les deux démonstrations d'Antiphon et
d'Hippocrate. Quant à l'obligation pour chaque science et pour lu
géométrie en particulier, de ne discuter que les questions qui
admettent leurs principes, il faut voir le chapitre spécial des
Derniers Analytiques, livre 1, ch. 9, p. 52, de ma traduction.
§ 8. Comme
sans traiter précisément de la nature, ici le texte peut avoir
un autre sens, selon que l'on change la ponctuation, et signifier :
Comme tout en traitant la nature, ils n'ont pas touché à des
questions physiques.
- Ce second
sens paraît le meilleur à Alexandre d'Aphrodisée, qui connaît les
deux, et à Porphyre, qui sans doute suit Alexandre. Le premier que
j'adopte est préféré par Thémistius et Simplicius. Je crois que les
deux sens peuvent également se soutenir. Parménide et Mélissus ne
traitent pas réellement de la nature, puisqu'ils nient le mouvement
; et ils soulèvent seulement des questions qui se rapportent à la
nature. Ou bien on peut dire encore qu'ils traitent de la nature,
mais que les questions qu'ils soulèvent ne sont pas conformes aux
principes de la Physique. Aussi Aristote ne les appelle-t-il pas des
physiciens.
- Leur côté
de philosophie, si ce n'est plus une discussion de physique,
c'est au moins une discussion de métaphysique. |
CHAPITRE III.
Critique des théories qui admettent
l'unité de l'être ; ce qu'on entend par l'unité de l'être ;
acceptions diverses des mots Être et Un ; théorie de Mélissus sur
l'infinité de l'être, et de Parménide sur la finitude de l'être.
Confusion absolue des êtres dans la théorie d'Héraclite et de
Lycophron. - L'être n'est pas un ; et les êtres sont multiples. |
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Γ'.
§ 1. Ἀρχὴ δὲ οἰκειοτάτη πασῶν, ἐπειδὴ
πολλαχῶς λέγεται τὸ ὄν, πῶς λέγουσιν οἱ λέγοντες εἶναι ἓν τὰ πάντα,
πότερον οὐσίαν τὰ πάντα ἢ ποσὰ ἢ ποιά, καὶ πάλιν πότερον οὐσίαν μίαν
τὰ πάντα, οἷον ἄνθρωπον ἕνα ἢ ἵππον ἕνα ἢ ψυχὴν μίαν, ἢ ποιὸν ἓν δὲ
τοῦτο, οἷον λευκὸν ἢ θερμὸν ἢ τῶν ἄλλων τι τῶν τοιούτων. Ταῦτα γὰρ
πάντα διαφέρει τε πολὺ καὶ ἀδύνατα λέγειν.
§ 2. Εἰ μὲν γὰρ ἔσται καὶ οὐσία καὶ
ποιὸν καὶ ποσόν, καὶ ταῦτα εἴτ' ἀπολελυμένα ἀπ' ἀλλήλων εἴτε μή,
πολλὰ τὰ ὄντα·
§ 3. εἰ δὲ πάντα ποιὸν ἢ ποσόν, εἴτ'
οὔσης οὐσίας εἴτε μὴ οὔσης, ἄτοπον, εἰ δεῖ ἄτοπον λέγειν τὸ
ἀδύνατον. Οὐθὲν γὰρ τῶν ἄλλων χωριστόν ἐστι παρὰ τὴν οὐσίαν· πάντα
γὰρ καθ' ὑποκειμένου λέγεται τῆς οὐσίας.
§ 4. Μέλισσος δὲ τὸ ὂν ἄπειρον εἶναί
φησιν. Ποσὸν ἄρα τι τὸ ὄν· τὸ γὰρ ἄπειρον ἐν τῷ ποσῷ, οὐσίαν δὲ
ἄπειρον εἶναι ἢ ποιότητα ἢ πάθος οὐκ ἐνδέχεται εἰ μὴ κατὰ
συμβεβηκός, εἰ ἅμα καὶ ποσὰ ἄττα εἶεν· ὁ γὰρ τοῦ ἀπείρου λόγος τῷ
ποσῷ προσχρῆται, ἀλλ' οὐκ οὐσίᾳ οὐδὲ τῷ ποιῷ. Εἰ μὲν τοίνυν καὶ
οὐσία ἔστι καὶ ποσόν, δύο καὶ οὐχ ἓν τὸ ὄν·
§ 5. εἰ δ' οὐσία μόνον, οὐκ ἄπειρον,
οὐδὲ μέγεθος ἕξει οὐδέν· ποσὸν γάρ τι ἔσται.
§ 6. Ἔτι ἐπεὶ καὶ αὐτὸ τὸ ἓν πολλαχῶς
λέγεται ὥσπερ καὶ τὸ ὄν, σκεπτέον τίνα τρόπον λέγουσιν εἶναι ἓν τὸ
πᾶν. Λέγεται δ' ἓν ἢ τὸ συνεχὲς ἢ τὸ ἀδιαίρετον ἢ ὧν ὁ λόγος ὁ αὐτὸς
καὶ εἷς ὁ τοῦ τί ἦν εἶναι, ὥσπερ μέθυ καὶ οἶνος.
§ 7. Εἰ μὲν τοίνυν συνεχές, πολλὰ τὸ
ἕν· εἰς ἄπειρον γὰρ διαιρετὸν τὸ συνεχές.
§ 8. (Ἔχει δ' ἀπορίαν περὶ τοῦ μέρους
καὶ τοῦ ὅλου, ἴσως δὲ οὐ πρὸς τὸν λόγον ἀλλ' αὐτὴν καθ' αὑτήν,
πότερον ἓν ἢ πλείω τὸ μέρος καὶ τὸ ὅλον, καὶ πῶς ἓν ἢ πλείω, καὶ εἰ
πλείω, πῶς πλείω, καὶ περὶ τῶν μερῶν τῶν μὴ συνεχῶν· καὶ εἰ τῷ ὅλῳ
ἓν ἑκάτερον ὡς ἀδιαίρετον, ὅτι καὶ αὐτὰ αὑτοῖς.)
§ 9. Ἀλλὰ μὴν εἰ ὡς ἀδιαίρετον, οὐθὲν ἔσται ποσὸν οὐδὲ ποιόν, οὐδὲ
δὴ ἄπειρον τὸ ὄν, ὥσπερ Μέλισσός φησιν, οὐδὲ πεπερασμένον, ὥσπερ
Παρμενίδης· τὸ γὰρ πέρας ἀδιαίρετον, οὐ τὸ πεπερασμένον.
§ 10. Ἀλλὰ μὴν εἰ τῷ λόγῳ ἓν τὰ ὄντα πάντα ὡς λώπιον καὶ ἱμάτιον,
τὸν Ἡρακλείτου λόγον συμβαίνει λέγειν αὐτοῖς· ταὐτὸν γὰρ ἔσται ἀγαθῷ
καὶ κακῷ εἶναι, καὶ ἀγαθῷ καὶ μὴ ἀγαθῷ εἶναι – ὥστε ταὐτὸν ἔσται
ἀγαθὸν καὶ οὐκ ἀγαθόν, καὶ ἄνθρωπος καὶ ἵππος, καὶ οὐ περὶ τοῦ ἓν
εἶναι τὰ ὄντα ὁ λόγος ἔσται ἀλλὰ περὶ τοῦ μηδέν – καὶ τὸ τοιῳδὶ
εἶναι καὶ τοσῳδὶ ταὐτόν.
§ 11. Ἐθορυβοῦντο δὲ καὶ οἱ ὕστεροι
τῶν ἀρχαίων ὅπως μὴ ἅμα γένηται αὐτοῖς τὸ αὐτὸ ἓν καὶ πολλά. Διὸ οἱ
μὲν τὸ ἐστὶν ἀφεῖλον, ὥσπερ Λυκόφρων, οἱ δὲ τὴν λέξιν μετερρύθμιζον,
ὅτι ὁ ἄνθρωπος οὐ λευκός ἐστιν ἀλλὰ λελεύκωται, οὐδὲ βαδίζων ἐστὶν
ἀλλὰ βαδίζει, ἵνα μή ποτε τὸ ἐστὶ προσάπτοντες πολλὰ εἶναι ποιῶσι τὸ
ἕν, ὡς μοναχῶς λεγομένου τοῦ ἑνὸς ἢ τοῦ ὄντος.
§ 12. Πολλὰ δὲ τὰ ὄντα ἢ λόγῳ (οἷον
ἄλλο τὸ λευκῷ εἶναι καὶ μουσικῷ, τὸ δ' αὐτὸ ἄμφω· πολλὰ ἄρα τὸ ἕν) ἢ
διαιρέσει, ὥσπερ τὸ ὅλον καὶ τὰ μέρη. ἐνταῦθα δὲ ἤδη ἠπόρουν, καὶ
ὡμολόγουν τὸ ἓν πολλὰ εἶναι – ὥσπερ οὐκ ἐνδεχόμενον ταὐτὸν ἕν τε καὶ
πολλὰ εἶναι, μὴ τἀντικείμενα δέ· ἔστι γὰρ τὸ ἓν καὶ δυνάμει καὶ
ἐντελεχείᾳ.
§ 13. Τόν τε δὴ τρόπον τοῦτον ἐπιοῦσιν
ἀδύνατον φαίνεται τὰ ὄντα ἓν εἶναι. |
§ 1. Comme le mot d'Être reçoit
plusieurs acceptions, notre point de départ le plus convenable sera
d'examiner d'abord ce qu'on entend quand on dit que l'être est un.
Comprend-on par là que tout l'être est substance, ou bien que tout
l'être est ou quantité ou qualité ? Si tout est substance dans
l'être, comprend-on que c'est une substance unique qui est tout
l'être ? et, par exemple, un homme un, un cheval un, une âme une,
qui serait la substance de tout l'être ? Si tout est qualité dans
l'être, comprend-on que c'est une qualité unique ? et, par exemple,
que c'est le blanc, le chaud, ou telle autre qualité du même genre ?
Ce sont-là des points de vue très différents ; mais ils sont tous
également impossibles à soutenir.
§ 2. En effet, si l'être est substance
et quantité et qualité, que d'ailleurs la qualité, la quantité et la
substance soient indépendantes et séparées les unes des autres ou ne
le soient pas, il en résulte toujours qu'il y a plusieurs sortes
d'êtres.
§ 3. Si l'on dit que les êtres tout
entiers sont qualité ou quantité, en admettant d'ailleurs ou en
rejetant la substance, c'est une opinion absurde, si l'on peut
qualifier d'absurde ce qui est impossible ; car rien ne peut exister
séparément, si ce n'est la substance, puisque tout le reste se dit
comme attribut de la substance qui est le seul support.
§ 4. Mélissus soutient que l'être est
infini ; à ses yeux, l'être est donc une certaine quantité, puisque
l'infini est dans la quantité. Or, la substance, pas plus que la
qualité ou l'affection, ne saurait jamais être infinie, si ce n'est
accidentellement, c'est-à-dire à moins d'être en même temps
considérée comme des quantités à un certain point de vue. La
définition de l'infini emprunte l'idée de quantité, mais ne suppose
point celle de substance, ni celle de qualité. Si donc l'être est à
la fois substance et quantité, dès lors il est deux et non plus un.
§ 5. Si l''être n'est que substance,
il n'est plus infini ; il n'a même plus de grandeur quelconque ; car
il faudrait qu'il fût une quantité.
§ 6. D'une autre part, comme le mot Un
se prend en plusieurs acceptions tout aussi bien que le mot Être, il
faut examiner à ce nouveau point de vue en quel sens on dit que tout
l'être est un. Un se dit pour exprimer qu'une chose est continue ou
qu'elle est indivisible ; ou ce mot s'applique aux choses dont la
définition essentielle, destinée à expliquer ce qu'elles sont, est
une seule et même définition, comme, par exemple, la définition du
Jus de la treille et celle du Vin.
§ 7. Si par Un on entend continu,
l'être alors est multiple, puisque le continu est divisible à
l'infini.
§ 8. Mais ici l'on élève sur les
rapports de la partie et du tout une question qui, sans tenir
peut-être bien directement à notre sujet, mérite néanmoins par
elle-même qu'on l'examine, c'est de savoir si le tout et la partie
sont une seule chose ou plusieurs choses ; de quelle manière ils
sont ou une seule chose ou plusieurs ; en supposant que ce sont
plusieurs choses, comment cette multiplicité a lieu, recherche qui
peut également s'appliquer à des parties non continues ; et enfin si
chacune de ces parties, en tant qu'indivisible, est une avec le
tout, attendu que chacune de ces parties constitue aussi une unité
par elle-même.
§ 9. Si l'être est un en tant
qu'indivisible, il n'est plus alors ni quantité ni qualité, et il
cesse d'être infini comme le croit Mélissus. Il n'est pas davantage
fini, comme le soutient Parménide, puisque c'est la fin, la limite
seule qui est indivisible, et non point du tout le fini lui-même.
§ 10. Si l'on dit que tous les êtres
peuvent être un, parce qu'ils auraient une définition commune,
comme, par exemple, Vêtement et Habit se définissent de même, on ne
fait plus alors que reproduire l'opinion d'Héraclite. Désormais tout
se confond ; le bien se confond avec le mal, ce qui n'est pas bon
avec ce qui est bon ; le bien et ce qui n'est pas bien sont
identiques ; l'homme et le cheval sont tout un. Mais alors ce n'est
plus affirmer vraiment que tous les êtres sont un, c'est affirmer
qu'ils ne sont rien, et que la qualité et la quantité sont
identiques.
§ 11. Du reste, les plus récents, tout
aussi bien que les anciens, se sont beaucoup troublés de la crainte
de prêter tout ensemble à une même chose l'unité et la multiplicité.
Pour échapper à cette contradiction, les uns ont supprimé le verbe
d'existence et retranché le mot Est, comme Lycophron. Les autres ont
atténué l'expression pour la mettre en harmonie avec leurs idées ;
et pour ne pas dire que l'homme cet blanc, ils disaient qu'il
blanchit ; au lieu de dire qu'il est marchant, ils disaient qu'il
marche ; et tout cela pour éviter, en admettant le mot Est, de faire
plusieurs êtres de ce qui est un, supposant sans doute que l'Un et
l'Etre ne peuvent avoir qu'une seule acception.
§ 12. Mais les êtres sont multiples,
d'abord par leur définition ; car la définition de blanc, par
exemple, est autre que celle de musicien, bien que ces deux qualités
puissent appartenir à un seul et même être ; et, par conséquent,
l'Un est multiple ; ou bien les êtres sont multiples aussi par la
division, comme le tout et les parties. Sur ce dernier point, les
philosophes dont nous parlons s'embarrassaient fort, et ils
avouaient que l'Un est multiple, comme si la même chose ne pouvait
pas être une et plusieurs à la fois, en ce sens seulement qu'elle ne
peut avoir à la fois les qualités opposées, puisque l'Un peut
exister et eu simple puissance, et en réalité complète ou
entéléchie.
§ 13. En suivant la méthode qui vient
d'être exposée, on peut conclure qu'il est impossible que les êtres
soient un seul et même être. |
Ch. III, § 1.
Comme le mot d'Être reçoit plusieurs acceptions, voir les
Catégories, ch. II, § 2, p. 54 de ma traduction, et Métaphysique,
livre IV ch. 7, p. 1.017, a, 7, édit. de Berlin Les deux acceptions
les plus générales du mot Être sont celles de substance et
d'accident, la substance formant la première catégorie, et
l'accident comprenant les neuf autres, quantité, qualité, etc.
- Tout
l'être est quantité ou qualité, Aristote ne nomme que les deux
premières catégories après la substance : voir les autres dans le
traité spécial des Catégories, chap. V, et suiv.
§ 2. Il y a
plusieurs êtres, et non point un être unique selon l'hypothèse
de Parménide et de Mèlissus.
§ 3. Que les
êtres tout entiers sont qualité ou quantité, Aristote ne dit pas
quels sont les philosophes qui ont soutenu cette étrange théorie ;
mais elle ne répugne pas à la doctrine d'Héraclite, qui réduit le
monde à n'être qu'une succession de phénomènes sans substance. Au
fond, c'est le scepticisme.
- Tout le
reste se dit connue attribut de la substance, voir les
Catégories, ch. V, § 5, p. 6 de ma traduction.
§ 4.
Mélissus soutient, voir plus haut, ch. 2, § 5, et plus bas, ch.
4, § 1.
- Si donc
l'être est à la fois substance et quantité. D'après la doctrine
d'Aristote, il n'y a pas d'être sans substance: et comme d'aprés
Mélissus, l'être est qualité en tant qu'infini, il en résulte que
l'être n'est pas un, comme le dit Mélissus, mais qu'il est au moins
deux.
§ 5. Si l'être n'est que substance, il n'est plus infini, la
substance dans le système d'Aristote ne sort pas de l'individu ; et
la théorie de la substance infinie n'a été soutenue que beaucoup
plus tard dans l'École d'Alexandrie. - Il faudrait qu'il fat une
quantité, et dès lors il ne serait plus une substance exclusivement.
§ 6. Tout
aussi bien que le mot Être, après avoir défini les diverses
acceptions du mot Être, dans le § 1 et suiv, l'auteur passe aux
diverses acceptions du mot Un.
- Un se dit,
Aristote n'indique ici que trois nuances du mot Un ; il en indique
davantage dans la Métaphysique, livre IV. ch. 6, p. 1,015, b, 46,
édit. de Berlin.
- Du Jus de
la treille et celle du Vin, les deux expressions grecques
diffèrent peut-être un peu davantage, la première comprenant aussi
l'idée de l'ivresse, et l'autre ne comprenant que celle du vin.
§ 7. Si par
Un on entend continu, c'est le premier sens du mot Un, signalé
dans le § précédent.
-
L'être alors est multiple, et il n'est plus un comme le
prétendaient Parménide et Mélissus.
§ 8. Sans
tenir bien directement à notre sujet, en effet, cette question
est étrangère à celle qu'on discute ici, et qui consiste uniquement
à rechercher les significations diverses du mot Un. La divisibilité
à l'infini emporte l'idée de tout et de parties ; mais c'est là une
digression qui interrompt le raisonnement ; elle n'est peut-être
qu'une interpolation.
§ 9. Si
l'être est un en tant qu'indivisible, c'est la seconde des
acceptions du mot Un indiquées plus haut au § 6.
- Comme le
croit Mélissus, voir plus haut, ch. 2, § 5.
- Comme le
soutient Parménide, id. ibid.
§ 10. Une
définition commune, c'est la dernière des acceptions du mot Un
indiquées plus haut au § 6.
- Vêtement
et Habit, en tant qu'objets destinés à couvrir le corps n'ont
qu'une seule définition ; et, en ce sens, ils ne sont qu'une seule
et même chose, comme plus haut le Jus de la treille et le Vin.
- L'opinion
d'Héraclite, à savoir que tout est dans un flux perpétuel,
Métaphysique, livre XIII, ch. 4, p. 1.078, b 14, édit. de Berlin.
- Tout se
confond, c'est là l'objection la plus forte contre un pareil
système.
§ 11. Comme
Lycophron, on ne sait point précisément ce qu'est ce Lycophron.
Aristote le cite encore une autre fois, mais sans donner plus de
détails, Réfutations des Sophiste, ch. 15, § 16, p. 384 de ma
traduction.
- Les autres,
Alexandre d'Aphrodisée croyait qu'Aristote voulait faire ici
allusion à Platon ; mais Simplicius réfute cette conjecture, qui, en
effet, paraît peu soutenable.
- Il
blanchit, dans le verbe blanchir le verbe d'existence être est
confondu avec l'idée de blanc ; comme dans il marche, il est
confondu avec l'idée de marcher. On ne voit pas du reste comment cet
artifice de langage détruisait la contradiction apparente que l'on
prétendait éviter. L'expédient était bien inutile ; car dans cette
locution ; l'homme blanchit il y a deux choses tout aussi bien que
dans celle-ci : l'homme est blanc.
§ 12. Les
êtres sont multiples, réfutation de l'opinion qui vient d'être
exposée.
- Musicien,
l'expression grecque est plus générale, et elle, signifie : Un élève
des Muses ; mais cette nuance n'importe point ici.
- L'un est
multiple, puisque le même être peut réunir ces deux qualités.
- Comme le
tout et les parties, l'Etre considéré comme une totalité est
autre que considéré dans chacune de ses parties.
§ 13. Il est
impossible, Aristote se prononce énergiquement contre les
doctrines de l'École d'Élée et contre l'unité de l'être. Voir sur
toute cette discussion, le Parménide et le Sophiste de Platon,
passim et surtout p. 258 et suiv. de la traduction de J. V. Cousin. |
CHAPITRE IV.
Réfutation de Mélissus ; réfutation de
Parménide ; conséquences insoutenables de ces deux systèmes. -
L'unité de l'être ne peut se comprendre. - Systèmes qui ont admis à
la fois l'unité et la division de l'être ; réfutation de ces
systèmes. |
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Δ'.
§ 1. Καὶ ἐξ ὧν ἐπιδεικνύουσι, λύειν οὐ
χαλεπόν. Ἀμφότεροι γὰρ ἐριστικῶς συλλογίζονται, καὶ Μέλισσος καὶ
Παρμενίδης [καὶ γὰρ ψευδῆ λαμβάνουσι καὶ ἀσυλλόγιστοί εἰσιν αὐτῶν οἱ
λόγοι· μᾶλλον δ' ὁ Μελίσσου φορτικὸς καὶ οὐκ ἔχων ἀπορίαν, ἀλλ' ἑνὸς
ἀτόπου δοθέντος τἆλλα συμβαίνει· τοῦτο δ' οὐθὲν χαλεπόν].
§ 2. Ὅτι μὲν οὖν παραλογίζεται
Μέλισσος, δῆλον· οἴεται γὰρ εἰληφέναι, εἰ τὸ γενόμενον ἔχει ἀρχὴν
ἅπαν, ὅτι καὶ τὸ μὴ γενόμενον οὐκ ἔχει.
§ 3. Εἶτα καὶ τοῦτο ἄτοπον, τὸ παντὸς
εἶναι ἀρχήν – τοῦ πράγματος καὶ μὴ τοῦ χρόνου, καὶ γενέσεως μὴ τῆς
ἁπλῆς ἀλλὰ καὶ ἀλλοιώσεως, ὥσπερ οὐκ ἀθρόας γιγνομένης μεταβολῆς.
§ 4. Ἔπειτα διὰ τί ἀκίνητον, εἰ ἕν;
Ὣσπερ γὰρ καὶ τὸ μέρος ἓν ὄν, τοδὶ τὸ ὕδωρ, κινεῖται ἐν ἑαυτῷ, διὰ
τί οὐ καὶ τὸ πᾶν; Ἔπειτα ἀλλοίωσις διὰ τί οὐκ ἂν εἴη;
§ 5. Ἀλλὰ μὴν οὐδὲ τῷ εἴδει οἷόν τε ἓν
εἶναι, πλὴν τῷ ἐξ οὗ (οὕτως δὲ ἓν καὶ τῶν φυσικῶν τινες λέγουσιν,
ἐκείνως δ' οὔ)· ἄνθρωπος γὰρ ἵππου ἕτερον τῷ εἴδει καὶ τἀναντία
ἀλλήλων.
§ 6. Καὶ πρὸς Παρμενίδην δὲ ὁ αὐτὸς
τρόπος τῶν λόγων, καὶ εἴ τινες ἄλλοι εἰσὶν ἴδιοι· καὶ ἡ λύσις τῇ μὲν
ὅτι ψευδὴς τῇ δὲ ὅτι οὐ συμπεραίνεται,
§ 7. ψευδὴς μὲν ᾗ ἁπλῶς λαμβάνει τὸ ὂν
λέγεσθαι, λεγομένου πολλαχῶς,
§ 8. ἀσυμπέραντος δὲ ὅτι, εἰ μόνα τὰ
λευκὰ ληφθείη, σημαίνοντος ἓν τοῦ λευκοῦ, οὐθὲν ἧττον πολλὰ τὰ λευκὰ
καὶ οὐχ ἕν· οὔτε γὰρ τῇ συνεχείᾳ ἓν ἔσται τὸ λευκὸν οὔτε τῷ λόγῳ.
Ἄλλο γὰρ ἔσται τὸ εἶναι λευκῷ καὶ τῷ δεδεγμένῳ. Καὶ οὐκ ἔσται παρὰ
τὸ λευκὸν οὐθὲν χωριστόν· οὐ γὰρ ᾗ χωριστὸν ἀλλὰ τῷ εἶναι ἕτερον τὸ
λευκὸν καὶ ᾧ ὑπάρχει. Ἀλλὰ τοῦτο Παρμενίδης οὔπω συνεώρα.
§ 9. Ἀνάγκη δὴ λαβεῖν μὴ μόνον ἓν
σημαίνειν τὸ ὄν, καθ' οὗ ἂν κατηγορηθῇ, ἀλλὰ καὶ ὅπερ ὂν καὶ ὅπερ
ἕν. Τὸ γὰρ συμβεβηκὸς καθ' ὑποκειμένου τινὸς λέγεται, ὥστε ᾧ
συμβέβηκε τὸ ὄν, οὐκ ἔσται (ἕτερον γὰρ τοῦ ὄντος)· ἔσται τι ἄρα οὐκ
ὄν. Οὐ δὴ ἔσται ἄλλῳ ὑπάρχον τὸ ὅπερ ὄν. Οὐ γὰρ ἔσται ὄν τι αὐτὸ
εἶναι, εἰ μὴ πολλὰ τὸ ὂν σημαίνει οὕτως ὥστε εἶναί τι ἕκαστον. Ἀλλ'
ὑπόκειται τὸ ὂν σημαίνειν ἕν.
§ 10. Εἰ οὖν τὸ ὅπερ ὂν μηδενὶ
συμβέβηκεν ἀλλὰ <τὰ ἄλλα> ἐκείνῳ, τί μᾶλλον τὸ ὅπερ ὂν σημαίνει τὸ
ὂν ἢ μὴ ὄν; Εἰ γὰρ ἔσται τὸ ὅπερ ὂν [ταὐτὸ] καὶ λευκόν, τὸ λευκῷ δ'
εἶναι μὴ ἔστιν ὅπερ ὄν (οὐδὲ γὰρ συμβεβηκέναι αὐτῷ οἷόν τε τὸ ὄν·
οὐδὲν γὰρ ὂν ὃ οὐχ ὅπερ ὄν), οὐκ ἄρα ὂν τὸ λευκόν· οὐχ οὕτω δὲ ὥσπερ
τι μὴ ὄν, ἀλλ' ὅλως μὴ ὄν. Τὸ ἄρα ὅπερ ὂν οὐκ ὄν·
§ 11. ἀληθὲς γὰρ εἰπεῖν ὅτι λευκόν,
τοῦτο δὲ οὐκ ὂν ἐσήμαινεν. Ὥστε καὶ τὸ λευκὸν σημαίνει ὅπερ ὄν·
πλείω ἄρα σημαίνει τὸ ὄν.
§ 12. Οὐ τοίνυν οὐδὲ μέγεθος ἕξει τὸ
ὄν, εἴπερ ὅπερ ὂν τὸ ὄν· ἑκατέρῳ γὰρ ἕτερον τὸ εἶναι τῶν μορίων.
§ 13. Ὅτι δὲ διαιρεῖται τὸ ὅπερ ὂν εἰς
ὅπερ ὄν τι ἄλλο, καὶ τῷ λόγῳ φανερόν, οἷον ὁ ἄνθρωπος εἰ ἔστιν ὅπερ
ὄν τι, ἀνάγκη καὶ τὸ ζῷον ὅπερ ὄν τι εἶναι καὶ τὸ δίπουν. Εἰ γὰρ μὴ
ὅπερ ὄν τι, συμβεβηκότα ἔσται. Ἢ οὖν τῷ ἀνθρώπῳ ἢ ἄλλῳ τινὶ
ὑποκειμένῳ. Ἀλλ' ἀδύνατον.
§ 14. Συμβεβηκός τε γὰρ λέγεται τοῦτο,
ἢ ὃ ἐνδέχεται ὑπάρχειν καὶ μὴ ὑπάρχειν, ἢ οὗ ἐν τῷ λόγῳ ὑπάρχει τὸ ᾧ
συμβέβηκεν [ἢ ἐν ᾧ ὁ λόγος ὑπάρχει ᾧ συμβέβηκεν] (οἷον τὸ μὲν
καθῆσθαι ὡς χωριζόμενον, ἐν δὲ τῷ σιμῷ ὑπάρχει ὁ λόγος ὁ τῆς ῥινὸς ᾗ
φαμὲν συμβεβηκέναι τὸ σιμόν)·
§ 15. ἔτι ὅσα ἐν τῷ ὁριστικῷ λόγῳ
ἔνεστιν ἢ ἐξ ὧν ἐστιν, ἐν τῷ λόγῳ τῷ τούτων οὐκ ἐνυπάρχει ὁ λόγος ὁ
τοῦ ὅλου, οἷον ἐν τῷ δίποδι ὁ τοῦ ἀνθρώπου ἢ ἐν τῷ λευκῷ ὁ τοῦ
λευκοῦ ἀνθρώπου.
§ 16. Εἰ τοίνυν ταῦτα τοῦτον ἔχει τὸν
τρόπον καὶ τῷ ἀνθρώπῳ συμβέβηκε τὸ δίπουν, ἀνάγκη χωριστὸν εἶναι
αὐτό, ὥστε ἐνδέχοιτο ἂν μὴ δίπουν εἶναι τὸν ἄνθρωπον, ἢ ἐν τῷ λόγῳ
τῷ τοῦ δίποδος ἐνέσται ὁ τοῦ ἀνθρώπου λόγος. Ἀλλ' ἀδύνατον· ἐκεῖνο
γὰρ ἐν τῷ ἐκείνου λόγῳ ἔνεστιν.
§ 17. Εἰ δ' ἄλλῳ συμβέβηκε τὸ δίπουν
καὶ τὸ ζῷον, καὶ μὴ ἔστιν ἑκάτερον ὅπερ ὄν τι, καὶ ὁ ἄνθρωπος ἂν εἴη
τῶν συμβεβηκότων ἑτέρῳ. Ἀλλὰ τὸ ὅπερ ὂν ἔστω μηδενὶ συμβεβηκός, καὶ
καθ' οὗ ἄμφω [καὶ ἑκατέρον], καὶ τὸ ἐκ τούτων λεγέσθω.
§ 18. Ἐξ ἀδιαιρέτων ἄρα τὸ πᾶν;
§ 19. Ἔνιοι δ' ἐνέδοσαν τοῖς λόγοις
ἀμφοτέροις, τῷ μὲν ὅτι πάντα ἕν, εἰ τὸ ὂν ἓν σημαίνει, ὅτι ἔστι τὸ
μὴ ὄν, τῷ δὲ ἐκ τῆς διχοτομίας, ἄτομα ποιήσαντες μεγέθη.
§ 20. Φανερὸν δὲ καὶ ὅτι οὐκ ἀληθὲς
ὡς, εἰ ἓν σημαίνει τὸ ὂν καὶ μὴ οἷόν τε ἅμα τὴν ἀντίφασιν, οὐκ ἔσται
οὐθὲν μὴ ὄν· οὐθὲν γὰρ κωλύει, μὴ ἁπλῶς εἶναι, ἀλλὰ μὴ ὄν τι εἶναι
τὸ μὴ ὄν. Τὸ δὲ δὴ φάναι, παρ' αὐτὸ τὸ ὂν εἰ μή τι ἔσται ἄλλο, ἓν
πάντα ἔσεσθαι, ἄτοπον. Τίς γὰρ μανθάνει αὐτὸ τὸ ὂν εἰ μὴ τὸ ὅπερ ὄν
τι εἶναι; Εἰ δὲ τοῦτο, οὐδὲν ὅμως κωλύει πολλὰ εἶναι τὰ ὄντα, ὥσπερ
εἴρηται.
§ 21. Ὅτι μὲν οὖν οὕτως ἓν εἶναι τὸ ὂν
ἀδύνατον, δῆλον. |
§ 1. Même en partant des principes que
ces philosophes admettent dans leurs démonstrations, il n'est pas
difficile de résoudre les questions qui les arrêtent. Le
raisonnement de Mélissus et de Parménide est également captieux ;
ils ont l'un et l'autre des prémisses fausses, et ils ne concluent
pas régulièrement. Mais le raisonnement de Mélissus est encore plus
grossier et ne peut pas même causer la moindre hésitation. Il suffit
d'une seule donnée absurde pour que toutes les conséquences le
soient également ; et c'est une chose des plus faciles à voir.
§ 2. Il est de toute évidence que
Mélissus raisonne mal ; car il admet cette hypothèse, que du moment
que tout ce qui a été produit a un principe, ce qui n'a pas été
produit ne doit point en avoir.
§ 3. C'est encore une erreur non moins
grave de supposer que toute chose a un commencement et que le temps
n'en a point ; qu'il n'y a point de principe pour la génération
absolue, mais qu'il y en a pour l'altération, comme s'il n'y avait
pas tel changement complet qui se produit tout d'une pièce.
§ 4. Ensuite, pourquoi l'être doit-il
être immobile, parce qu'il est un ? En effet, quand une partie du
tout qui est bien une, de l'eau, par exemple, se meut par elle-même,
pourquoi l'être entier ne pourrait-il pas se mouvoir, lui aussi, de
la même façon ? Et pourquoi l'altération y serait-elle impossible ?
§ 5. Enfin, il ne se peut pas que
l'être soit un en espèce, à moins que ce ne soit par l'identité du
principe d'où il sort. Il est même certains physiciens qui entendent
l'unité de l'être entier en ce dernier sens, et qui ne l'entendent
pas dans l'acception précédente ; car, disent-ils, l'homme, par
exemple, est en espèce différent du cheval, et les contraires
diffèrent également d'espèce entre eux.
§ 6. Les mêmes arguments peuvent être
employés contre Parménide, bien qu'on puisse aussi lui en opposer de
spéciaux ; et la réfutation consiste encore pour lui à démontrer
d'une part que ses données sont fausses, et d'autre part qu'elles ne
concluent pas.
§ 7. D'abord la donnée est fausse en
ce qu'il suppose que le mot Être n'a qu'un seul sens, tandis qu'il
en a plusieurs.
§ 8. En second lieu, il ne conclut pas
régulièrement en ce qu'en admettant même que le blanc soit un, les
objets blancs n'en sont pas moins plusieurs et non point un seul
évidemment. En effet, le blanc n'est un ni par la continuité, ni par
la définition ; car l'essence de la blancheur est autre que
l'essence de l'être qui reçoit cette blancheur ; et, en dehors de
l'être qui est blanc, il n'existe pas de substance séparée, puisque
ce n'est pas en tant que la blancheur est séparée qu'elle diffère de
l'être blanc. Mais, encore une fois, c'est que l'essence de la
blancheur est autre que l'essence de l'être à qui cette blancheur
appartient ; or, c'est ce que Parménide n'a pas su voir.
§ 9. Ainsi donc, quand on soutient que
l'être est un, il faut de toute nécessité admettre non seulement que
l'être exprime l'Un, bien que l'Un lui soit attribué, mais qu'il
exprime aussi tout ensemble et l'existence réelle de l'être, et
l'existence réelle de l'Un, puisque l'accident est toujours attribué
à un sujet. Par suite le sujet auquel alors on applique l'être comme
attribut, n'a plus d'existence propre puisqu'il est différent de
l'être ; et voilà un être sans existence qui existe. C'est que de
fait rien n'a l'existence substantielle que ce qui est réellement ;
car il ne se peut pas qu'un être soit son attribut à lui-même, à
moins que le mot Être n'ait plusieurs sens qui permettent
d'attribuer l'existence à chacune de ces choses particulières. Mais
on suppose que l'Être ne signifie que l'Un.
§ 10. Si donc l'être réel n'est jamais
l'attribut accidentel de quoi que ce soit, mais qu'il reçoive au
contraire les attributs, comment pourra-t-on dire que l'être vrai
signifie l'être plutôt que le non-être ? Car si l'être réel se
confond avec le blanc par exemple, et que l'essence du blanc ne soit
pas identique à celle de l'être, puisqu'aucun être ne peut jamais
être l'attribut du blanc, il s'en suit qu'il n'y a d'être que l'être
réel ; et le blanc dès lors n'est pas, non point en ce sens qu'il
n'est pas tel être, mais en ce sens qu'il n'est pas absolument du
tout. Ainsi l'être réel devient un non-être ; car il est exact de
dire qu'il est blanc, et le blanc n'exprimait pas l'être.
§ 11. En résumé, si le blanc exprime
un être réel, il faut reconnaître dès lors que le mot Être peut
avoir plusieurs sens divers.
§ 12. L'être, tel que le comprend
Parménide, ne sera même plus susceptible d'une dimension quelconque,
du moment que ce seul être est l'être réel, puisque chacune des deux
parties du tout a toujours un être différent.
§ 13. Pour se convaincre que l'être
réel se divise essentiellement en un autre être, il suffit de
regarder à la définition d'un être quelconque. Par exemple, si
l'homme est défini un certain être réel, il faut absolument que
l'animal et le bipède soient également des êtres ; car si ce ne sont
pas des êtres, ce sont des accidents, soit de l'homme soit de tout
autre sujet ; ce qui est évidemment impossible.
§ 14. En effet on entend par accident
ou attribut dans le langage ordinaire, d'abord ce qui peut
indifféremment être et ne pas être dans le sujet, et ensuite ce dont
la définition comprend l'être dont il est l'attribut. Ainsi être
assis est un simple accident d'un être quelconque, en tant
qu'accident séparable ; mais dans l'attribut Camard, il y a la
définition de nez ; car c'est du nez seul que nous disons qu'il peut
accidentellement être camard.
§ 15. Il faut ajouter encore que tout
ce qui est compris dans la définition essentielle d'une chose, ou
qui en forme les éléments, ne comprend pas néanmoins nécessairement
dans sa définition, la définition du tout lui-même. Ainsi, la
définition de l'homme n'est pas dans celle du bipède ; ou bien
encore celle de l'homme blanc n'est pas dans la définition du blanc.
§ 16. Si donc il en est ainsi, et que
le bipède soit un simple accident de l'homme, il faut nécessairement
que l'accident soit séparable, c'est-à-dire que l'homme puisse
n'être pas bipède ; ou autrement, la définition de l'homme serait
impliquée dans l'idée de bipède. Mais c'est là ce qui est
impossible, puisqu'an contraire c'est l'idée de bipède qui est
impliquée dans la définition de l'homme.
§ 17. Si bipède, ainsi qu'animal, peut
être l'accident d'un autre être, il s'ensuit que ni l'un ni l'autre
ne sont des êtres réels, et que l'homme est aussi au nombre des
accidents qui peuvent être attribués à un autre être. Mais l'être
réel est précisément ce qui ne peut jamais être accident ou attribut
de quoi que ce soit ; c'est le sujet auquel s'appliquent les deux
termes, soit chacun séparément, soit même réunis dans le composé
total qu'ils forment.
§ 18. Ainsi donc, l'être total est
composé d'indivisibles.
§ 19. Quelques philosophes ont donné
les mains aux deux solutions à la fois ; d'une part, à celle qui
admet que tout est un, si l'être signifie l'un, et que le non-être
lui-même est quelque chose ; et, d'autre part, à celle qui arrive
par la méthode de division successive en deux, par la dichotomie, à
reconnaître des existences et des grandeurs individuelles.
§ 20. Mais, évidemment, il est faux de
conclure, parce que l'être signifierait l'un, et parce que les
contradictoires ne peuvent être vraies à la fois, qu'il n'y a pas de
non-être ; car rien ne s'oppose à ce que le non-être soit non pas
absolument quelque chose qui n'est pas, mais qu'il ne soit pas un
certain être. Ce qui est absurde c'est de soutenir que tout est un
par cela seul qu'il n'existe rien en dehors de l'être lui-même ; car
qui pourrait comprendre ce qu'est l'être, s'il n'est pas un certain
être réel ? Et, s'il en est ainsi, rien ne s'oppose à ce que les
êtres soient multiples, ainsi que je l'ai dit.
§ 21. Il est donc de toute évidence
qu'à ce point de vue il est impossible de dire que l'être soit un. |
Ch. IV, § 1.
Même en parlant, ce paragraphe est à peu près la simple répétition
de celui qui a été déjà donné plus haut, ch. 2. § 5. Mais ici ce
paragraphe semble mieux à sa place. Simplicius, dans son
commentaire, ne parait pas s’être aperçu de cette répétition, qui
indique sans doute du désordre dans le texte ; car il n'est pas
probable qu'à un si petit intervalle, l'auteur ait voulu
formellement se répéter mot pour mot.
§ 2.
Mélissus raisonne mal, il ne semble pas que le principe de
Mélissus, présenté comme il l'est ici, soit aussi faux qu'Aristote
le dit ; du moins la réfutation n'est pas péremptoire, parce qu'elle
n'est pas assez développée. Il aurait fallu prouver que l'hypothèse
de Mélissus est erronée, et que ce qui n'a pas été produit peut
avoir un principe. J'aurais voulu rendre ma traduction plus claire ;
mais ce n'est pas l'expression qui est obscure; c'est la pensée
même, qui es restée incomplète. Les commentateurs tant anciens que
modernes ne donnent rien de satisfaisant sur ce passage auquel ils
ne se sont pas en général beaucoup arrêtés, comme s'il était
parfaitement intelligible. Simplicius est à peu près le seul qui ai
essayé de l'approfondir, et il a cité un long et curieux fragment de
Mélissus, où se trouve en effet l'opinion qu'Aristote se croit en
droit de condamner comme irrégulière et logiquement fausse ; mais
les efforts de Simplicius n'ont pas très bien réussi et il ne fait
pas voir non plus en quoi pèche le raisonnement de Mélissus.
§ 3. Et que
le temps n'en a point, il paraît donc que Mélissus soutenait
l'éternité du monde. C'est une opinion qu'Aristote lui-même a
soutenue.
- Non plus
que pour l'altération, par l'altération, Aristote entend un
changement successif qui se passe dans l'être lui-même et par des
causes intérieures. La génération, au contraire, vient
nécessairement du dehors.
- Qui se
produit tout d'une pièce, les commentateurs citent pour exemple,
la lumière du soleil qui éclaire tout à coup le ciel, l'eau qui se
congèle tout à la fois, ou le lait qui se coagule. Mais ces
éclaircissements laissent toujours à désirer. Pour comprendre
pleinement la réfutation d'Aristote, il faudrait avoir sous les yeux
l'ouvrage même de Mélissus auquel il répond.
§ 4. Et
pourquoi l'altération y serait-elle impossible, Mélissus, comme
Parménide, niait non seulement le mouvement qui s'opère par le
déplacement dans l'espace ; mais en outre ce changement qui s'opère
dans l'être lui-même et constitue cette forme particulière du
mouvement qu'on appelle l'altération.
§ 5. Que
l'être soit un en espèce, c'est-à-dire que tous les êtres soient
de la même espèce ; car évidemment les espèces sont différentes, et
d'après l'exemple donné plus bas l'espace de l'homme n'est pas celle
du cheval.
- Par
l'identité du principe d'où il sort, on peut entendre par ceci
la matière qui, dans le système d'Aristote, est logiquement
l'élément commun et indéterminé de tous les êtres.
§ 6. Les
mêmes arguments, qu'on vient de présenter contre la théorie de
Mélissus.
- Que
ses données sont fausses, voir plus haut, § 1.
- Et
qu'elles ne concluent pas, id. ibid.
§ 7. Tandis
qu'il en a plusieurs, voir plus haut, chap. §§ 1 et suiv.
quelques-unes des acceptions principales du mot Être.
§ 8 - Ni par
la continuité, ni par la définition, voir plus haut, ch. 3, § 6.
- De l'être
qui reçoit cette blancheur, il n'y a que la substance qui ait
une existence séparée et indépendante. Voir la théorie de la
substance dans les Catégories, ch. V, § 42, p. 65 de ma traduction.
§ 9. Que
l'être est un, peut-être faudrait-il traduire, au contraire, que
l'Un est l'être, pour que ceci s'accordât mieux avec ce qui suit. Le
texte grec se prêterait à cette double interprétation.
-
L'existence réelle de l'être, qui est pris alors comme un simple
attribut de l'un.
- Et
l'existence réelle de l'un, qui est pris alors comme sujet de
l'être.
- L'accident,
qui est ici l'être joint à l'Un comme attribut.
-
Puisqu'il est différent de l'être, qui lui est simplement
attribué, tandis que l'être au contraire devrait être le sujet de
tous les attributs.
- Un
être sans existence qui existe, puisque dans les théories
d'Aristote l'être seul, pris au sens d'individu, a une existence
substantielle, tandis que l'un n'est qu'un attribut.
- Que ce qui
est réellement, à l'état d'individu ayant sa substance propre et
indépendante.
- A chacune
des choses particulières, c'est-à-dire à l'un aussi bien qu'à
l'être, aux attributs aussi bien qu'aux sujets.
-
Parménide suppose, le texte grec n'est pas aussi précis,
et il ne nomme pas Parménide, disant seulement : Il est supposé que,
etc., etc.
§ 10.
Comment pourra-t-on dire, dans le système de Parménide, qui
confond l'être et l'un dans une seule et même idée.
- Aucun être
ne peut jamais être l'attribut du blanc, puisque le blanc
lui-même est un attribut et qu'il ne peut y avoir attribut
d'attribut, au sens vrai du mot.
- L'être
réel devient un non-être, si l'on confond l'être et l'accident
ou attribut.
§ 11. Le mot
être peut avoir plusieurs sens divers, et alors il n'est plus au
sens où l'entendait Parménide, puisqu'il faut reconnaître tout au
moins dans l'être la substance et les attributs.
§ 12. Tel
que le comprend Parménide, j'ai ajouté ces mots pour éclaircir
la pensée.
- A toujours
un être différent, et alors l'être est multiple et non point un,
comme le veut Parménide.
§ 13. Que
l'animal et le bipède, l'idée d'animal et celle de bipède
entrent essentiellement dans la définition de l'homme.
- Ce sont
des accidents, ce qui est impossible ; car l'homme est
essentiellement animal et bipède; ce sont là deux attributs
substantiels qui se confondent avec l'être nécessairement, et ne
peuvent en être séparés, sans que l'être lui-même ne soit détruit.
§ 14.
Accident ou attribut, j'ai ajouté le second mot pour plus de
clarté. Voir pour la définition de l'accident, Métaphysique, livre
IV, ch. 30, p. 1025, a, 14, édit. de Berlin, et livre XI, ch. 8, p.
1064, b, 45 ; Derniers Analytiques, livre Il, ch. 4. § 4, p. 23 de
ma traduction.
- Ce
qui peut indifféremment être ou ne pas être, c'est ce qui fait
qu'il n'y a pas de science de l'accident, comme le dit Aristote,
Métaphysique, liv. XI, ch. 7.
- Dans le
sujet, c'est l'accident commun à plusieurs sujets. Et ce dont la
définition comprend l'être, c'est l'accident propre et spécial à un
seul être, à une seule chose; c'est l'accident inséparable.
L'édition de Berlin indique ici une troisième espèce d'accident dans
une phrase que je ne traduis pas, parce qu'elle ne se trouve point
dans le texte de Simplicius, qui ne l'a point commentée. C'est sans
doute une interpolation. Du reste, on retrouve en partie cette
pensée un peu plus bas § 15.
- Être
assis est un simple accident, c'est la première espèce
d'accident ou attribut qui peut être ou n'être pas au sujet.
- Mais dans
l'attribut Camard, seconde espèce de l'attribut, qui contient
déjà dans sa définition l'idée même du sujet auquel il est attribué.
Camard suppose l'idée de nez, et ne peut se définir que si l'on fait
entrer cette idée dans sa définition.
§ 15. Il
faut ajouter encore, ce § est obscur, et on ne voit pas bien
comment il continue la réfutation de Parménide. Voici, je crois, le
lien des idées : L'être n'est pas un comme Parménide le soutient ;
car dans la définition même d'un être quelconque il y a toujours
d'autres êtres que lui, nécessairement impliqués. Les deux parties
de la définition ne sont pas absolument équivalentes. On définit
fort bien l'homme en disant que c'est un animal bipède, etc. ; mais
réciproquement on ne définit pas l'animal ni le bipède en disant
qu'ils sont hommes, bien qu'animal et bipède entrent dans la
définition de l'homme. Ainsi, la définition prouve que l'être n'est
pas un, et qu'au contraire il est multiple.
§ 16. Soit
un simple accident, c'est-à-dire un accident séparable qui peut
être ou n'être pas dans le sujet.
- Ou
autrement, voir plus haut, § 14. L'accident inséparable est
celui qui comprend dans sa définition l'idée même du sujet. Camard
comprend l'idée de Nez.
§ 17. Si
bipède, ainsi qu'animal, bipède et animal compris dans la
définition de l'homme ne sont pas des accidents communs ; car
l'homme ne peut pas indifféremment être ou n'être pas animal et
bipède. Ce ne sont pas non plus des accidents inséparables, puisque
la définition de l'un ou de l'autre ne contient pas nécessairement
l'idée du sujet, attendu qu'il y a d'autres êtres que l'homme qui
sont animaux et bipèdes.
- L'homme
est aussi au nombre des accidents, parce que l'homme équivaut à
sa définition animal bipède, etc. ; et que si animal et bipède sont
de purs accidents, l'homme alors le devient tout comme eux. Or,
c'est impossible, puisque l'homme est essentiellement une substance.
§ 18. Ainsi
donc l'être total est composé d'indivisibles, cette phrase qui
n'a point été commentée par Simplicius, quoi qu'elle paraisse avoir
été dans son texte, vient ici bien brusquement. Pacius proposerait
de lui donner une forme interrogative, et alors ce serait une
objection qu'Aristote opposerait à Parménide : L'être total
serait-il donc composé d'indivisibles ? Mais cet expédient
n'éclaircit pas davantage la pensée. Ce qui semble le plus probable,
c'est que l'auteur croit pouvoir conclure de la discussion
précédente que l'être n'est pas un, comme le soutenait Parménide, et
que l'être n'est qu'un composé d'autres êtres individuels, ce qui
implique la multiplicité de l'être. Thémistins aussi, dans sa
paraphrase, comprend qu'il s'agit de l'être dans sa totalité.
"L'être réel, dit-il, se compose d'indivisibles et d'inséparables,
qui sont eux-mêmes des êtres aussi réels que lui. "
§ 19.
Quelques philosophes, c'est de Platon qu'Aristote entend parler
ici, bien qu'il ne le nomme pas. - Des existences et des grandeurs,
il n'y a qu'un seul mot dans le texte, grandeurs.
-
Individuelles, j'ai préféré ce mol à celui d'indivisibles. Du
moment qu'on admet des grandeurs Indivisibles, l'être n'est plus un,
et l'univers se compose d'êtres différents.
§ 20. Qu'il
ne soit pas un certain être, le non-être se réduit alors à la
privation : Le cheval n'est pas un homme; le noir n'est pas le
blanc. Dans ce sens, le non-être est encore quelque chose de
relatif. Ce n'est pas le non-être absolu, au sens de l'école d'Élée.
-
Ainsi que je l'ai dit, voir plus haut, ch. 3, § 12.
§ 21. Il est
donc de toute évidence, conclusion de tout ce qui précède ; mais
la discussion n'a point été aussi claire et aussi précise qu'elle
aurait pu l'être.
- Que l'être
soit un, ainsi que le soutenaient à tort Parménide et Mélissus. |
CHAPITRE V.
Réfutation de quelques autres systèmes
sur l'unité de l'être : les Physiciens, Platon, Anaximandre,
Empédocle. Réfutation spéciale d'Anaxagore. Il n'est pas possible
que tout soit dans tout ; démonstration de l'absurdité de ce
principe. Autre erreur d'Anaxagore sur la génération des choses.
Empédocle. |
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ε'.
§ 1. Ὡς δ' οἱ φυσικοὶ λέγουσι, δύο
τρόποι εἰσίν.
§ 2. Οἱ μὲν γὰρ ἓν ποιήσαντες τὸ [ὂν]
σῶμα τὸ ὑποκείμενον, ἢ τῶν τριῶν τι ἢ ἄλλο ὅ ἐστι πυρὸς μὲν
πυκνότερον ἀέρος δὲ λεπτότερον, τἆλλα γεννῶσι πυκνότητι καὶ μανότητι
πολλὰ ποιοῦντες (ταῦτα δ' ἐστὶν ἐναντία, καθόλου δ' ὑπεροχὴ καὶ
ἔλλειψις, ὥσπερ τὸ μέγα φησὶ Πλάτων καὶ τὸ μικρόν, πλὴν ὅτι ὁ μὲν
ταῦτα ποιεῖ ὕλην τὸ δὲ ἓν τὸ εἶδος, οἱ δὲ τὸ μὲν ἓν τὸ ὑποκείμενον
ὕλην, τὰ δ' ἐναντία διαφορὰς καὶ εἴδη).
§ 3. Οἱ δ' ἐκ τοῦ ἑνὸς ἐνούσας τὰς
ἐναντιότητας ἐκκρίνεσθαι, ὥσπερ Ἀναξίμανδρός φησι, καὶ ὅσοι δ' ἓν
καὶ πολλά φασιν εἶναι, ὥσπερ Ἐμπεδοκλῆς καὶ Ἀναξαγόρας· ἐκ τοῦ
μίγματος γὰρ καὶ οὗτοι ἐκκρίνουσι τἆλλα. Διαφέρουσι δὲ ἀλλήλων τῷ
τὸν μὲν περίοδον ποιεῖν τούτων, τὸν δ' ἅπαξ, καὶ τὸν μὲν ἄπειρα, τά
τε ὁμοιομερῆ καὶ τἀναντία, τὸν δὲ τὰ καλούμενα στοιχεῖα μόνον.
§ 4. Ἔοικε δὲ Ἀναξαγόρας ἄπειρα οὕτως
οἰηθῆναι διὰ τὸ ὑπολαμβάνειν τὴν κοινὴν δόξαν τῶν φυσικῶν εἶναι
ἀληθῆ, ὡς οὐ γιγνομένου οὐδενὸς ἐκ τοῦ μὴ ὄντος (διὰ τοῦτο γὰρ οὕτω
λέγουσιν, ἦν ὁμοῦ πάντα, καὶ τὸ γίγνεσθαι τοιόνδε καθέστηκεν
ἀλλοιοῦσθαι, οἱ δὲ σύγκρισιν καὶ διάκρισιν).
§ 5. Ἔτι δ' ἐκ τοῦ γίγνεσθαι ἐξ
ἀλλήλων τἀναντία· ἐνυπῆρχεν ἄρα· εἰ γὰρ πᾶν μὲν τὸ γιγνόμενον ἀνάγκη
γίγνεσθαι ἢ ἐξ ὄντων ἢ ἐκ μὴ ὄντων, τούτων δὲ τὸ μὲν ἐκ μὴ ὄντων
γίγνεσθαι ἀδύνατον (περὶ γὰρ ταύτης ὁμογνωμονοῦσι τῆς δόξης ἅπαντες
οἱ περὶ φύσεως), τὸ λοιπὸν ἤδη συμβαίνειν ἐξ ἀνάγκης ἐνόμισαν, ἐξ
ὄντων μὲν καὶ ἐνυπαρχόντων γίγνεσθαι, διὰ μικρότητα δὲ τῶν ὄγκων ἐξ
ἀναισθήτων ἡμῖν.
§ 6. Διό φασι πᾶν ἐν παντὶ μεμῖχθαι,
διότι πᾶν ἐκ παντὸς ἑώρων γιγνόμενον· φαίνεσθαι δὲ διαφέροντα καὶ
προσαγορεύεσθαι ἕτερα ἀλλήλων ἐκ τοῦ μάλισθ' ὑπερέχοντος διὰ πλῆθος
ἐν τῇ μίξει τῶν ἀπείρων· εἰλικρινῶς μὲν γὰρ ὅλον λευκὸν ἢ μέλαν ἢ
γλυκὺ ἢ σάρκα ἢ ὀστοῦν οὐκ εἶναι, ὅτου δὲ πλεῖστον ἕκαστον ἔχει,
τοῦτο δοκεῖν εἶναι τὴν φύσιν τοῦ πράγματος.
§ 7. Εἰ δὴ τὸ μὲν ἄπειρον ᾗ ἄπειρον
ἄγνωστον, τὸ μὲν κατὰ πλῆθος ἢ κατὰ μέγεθος ἄπειρον ἄγνωστον πόσον
τι, τὸ δὲ κατ' εἶδος ἄπειρον ἄγνωστον ποῖόν τι. Τῶν δ' ἀρχῶν ἀπείρων
οὐσῶν καὶ κατὰ πλῆθος καὶ κατ' εἶδος, ἀδύνατον εἰδέναι τὰ ἐκ τούτων.
Οὕτω γὰρ εἰδέναι τὸ σύνθετον ὑπολαμβάνομεν, ὅταν εἰδῶμεν ἐκ τίνων
καὶ πόσων ἐστίν.
§ 8. Ἔτι δ' εἰ ἀνάγκη, οὗ τὸ μόριον
ἐνδέχεται ὁπηλικονοῦν εἶναι κατὰ μέγεθος καὶ μικρότητα, καὶ αὐτὸ
ἐνδέχεσθαι (λέγω δὲ τῶν τοιούτων τι μορίων, εἰς ὃ ἐνυπάρχον
διαιρεῖται τὸ ὅλον), εἰ δὴ ἀδύνατον ζῷον ἢ φυτὸν ὁπηλικονοῦν εἶναι
κατὰ μέγεθος καὶ μικρότητα, φανερὸν ὅτι οὐδὲ τῶν μορίων ὁτιοῦν·
ἔσται γὰρ καὶ τὸ ὅλον ὁμοίως. Σὰρξ δὲ καὶ ὀστοῦν καὶ τὰ τοιαῦτα
μόρια ζῴου, καὶ οἱ καρποὶ τῶν φυτῶν. Δῆλον τοίνυν ὅτι ἀδύνατον σάρκα
ἢ ὀστοῦν ἢ ἄλλο τι ὁπηλικονοῦν εἶναι τὸ μέγεθος ἢ ἐπὶ τὸ μεῖζον ἢ
ἐπὶ τὸ ἔλαττον.
§ 9. Ἔτι εἰ πάντα μὲν ἐνυπάρχει τὰ
τοιαῦτα ἐν ἀλλήλοις, καὶ μὴ γίγνεται ἀλλ' ἐκκρίνεται ἐνόντα, λέγεται
δὲ ἀπὸ τοῦ πλείονος, γίγνεται δὲ ἐξ ὁτουοῦν ὁτιοῦν (οἷον ἐκ σαρκὸς
ὕδωρ ἐκκρινόμενον καὶ σὰρξ ἐξ ὕδατος), ἅπαν δὲ σῶμα πεπερασμένον
ἀναιρεῖται ὑπὸ σώματος πεπερασμένου, φανερὸν ὅτι οὐκ ἐνδέχεται ἐν
ἑκάστῳ ἕκαστον ὑπάρχειν. Ἀφαιρεθείσης γὰρ ἐκ τοῦ ὕδατος σαρκός, καὶ
πάλιν ἄλλης γενομένης ἐκ τοῦ λοιποῦ ἀποκρίσει, εἰ καὶ ἀεὶ ἐλάττων
ἔσται ἡ ἐκκρινομένη, ἀλλ' ὅμως οὐχ ὑπερβαλεῖ μέγεθός τι τῇ
μικρότητι. Ὥστ' εἰ μὲν στήσεται ἡ ἔκκρισις, οὐχ ἅπαν ἐν παντὶ
ἐνέσται (ἐν γὰρ τῷ λοιπῷ ὕδατι οὐκ ἐνυπάρξει σάρξ), εἰ δὲ μὴ
στήσεται ἀλλ' ἀεὶ ἕξει ἀφαίρεσιν, ἐν πεπερασμένῳ μεγέθει ἴσα
πεπερασμένα ἐνέσται ἄπειρα τὸ πλῆθος· τοῦτο δ' ἀδύνατον.
§ 10. Πρὸς δὲ τούτοις, εἰ ἅπαν μὲν
σῶμα ἀφαιρεθέντος τινὸς ἔλαττον ἀνάγκη γίγνεσθαι, τῆς δὲ σαρκὸς
ὥρισται τὸ ποσὸν καὶ μεγέθει καὶ μικρότητι, φανερὸν ὅτι ἐκ τῆς
ἐλαχίστης σαρκὸς οὐθὲν ἐκκριθήσεται σῶμα· ἔσται γὰρ ἐλάττων τῆς
ἐλαχίστης.
§ 11. Ἔτι δ' ἐν τοῖς ἀπείροις σώμασιν
ἐνυπάρχοι ἂν ἤδη σὰρξ ἄπειρος καὶ αἷμα καὶ ἐγκέφαλος, κεχωρισμένα
μέντοι ἀπ' ἀλλήλων <οὔ>, οὐθὲν δ' ἧττον ὄντα, καὶ ἄπειρον ἕκαστον·
τοῦτο δ' ἄλογον.
§ 12. Τὸ δὲ μηδέποτε διακριθήσεσθαι
οὐκ εἰδότως μὲν λέγεται, ὀρθῶς δὲ λέγεται· τὰ γὰρ πάθη ἀχώριστα· εἰ
οὖν μέμικται τὰ χρώματα καὶ αἱ ἕξεις, ἐὰν διακριθῶσιν, ἔσται τι
λευκὸν καὶ ὑγιεινὸν οὐχ ἕτερόν τι ὂν οὐδὲ καθ' ὑποκειμένου. Ὥστε
ἄτοπος τὰ ἀδύνατα ζητῶν ὁ νοῦς, εἴπερ βούλεται μὲν διακρῖναι, τοῦτο
δὲ ποιῆσαι ἀδύνατον καὶ κατὰ τὸ ποσὸν καὶ κατὰ τὸ ποιόν, κατὰ μὲν τὸ
ποσὸν ὅτι οὐκ ἔστιν ἐλάχιστον μέγεθος, κατὰ δὲ τὸ ποιὸν ὅτι ἀχώριστα
τὰ πάθη.
§ 13. Οὐκ ὀρθῶς δὲ οὐδὲ τὴν γένεσιν
λαμβάνει τῶν ὁμοειδῶν. Ἔστι μὲν γὰρ ὡς ὁ πηλὸς εἰς πηλοὺς
διαιρεῖται, ἔστι δ' ὡς οὔ. Καὶ οὐχ ὁ αὐτὸς τρόπος, ὡς πλίνθοι ἐξ
οἰκίας καὶ οἰκία ἐκ πλίνθων, οὕτω [δὲ] καὶ ὕδωρ καὶ ἀὴρ ἐξ ἀλλήλων
καὶ εἰσὶ καὶ γίγνονται.
§ 14. Βέλτιόν τε ἐλάττω καὶ
πεπερασμένα λαβεῖν, ὅπερ ποιεῖ Ἐμπεδοκλῆς. |
§ 1. Pour étudier ce que disent les
Physiciens, il faut distinguer deux systèmes.
§ 2. Les uns, trouvant l'unité de
l'être dans le corps qui sert de sujet substantiel aux attributs, ce
corps étant pour eux, soit un des trois éléments, soit tel autre
corps, plus grossier que le feu et plus subtil que l'air, en font
sortir tout le reste des êtres, dont ils reconnaissent la
multiplicité, par les modifications infinies de la condensation et
de la raréfaction, de la densité et de la légèreté. Mais ce sont là
des contraires qui,d'une manière générale, ne sont qu'excès et
défaut, comme le dit Platon en parlant du grand et du petit.
Seulement Platon fait de ces contraires la matière même, réduisant
l'unité de l'être à la simple forme, tandis que ces physiciens
appellent matière le sujet qui est un, et appellent ]es contraires
des différences et des espèces.
§ 3. Quant aux autres physiciens, ils
pensent que les contraires sortent de l'être un qui les renferme,
comme le croient Anaximandre et tous ceux qui admettent à la fois
l'unité et la pluralité des choses, par exemple, Empédocle et
Anaxagore. Car ces deux derniers philosophes font sortir aussi tout
le reste du mélange antérieur ; et la seule divergence de leurs
opinions, c'est que l'un admet le retour périodique des choses,
tandis que l'autre n'y admet qu'un mouvement unique ; c'est que l'un
regarde comme infinies les parties similaires des choses et les
contraires, tandis que l'autre ne reconnaît pour infinis que ce
qu'on appelle les éléments.
§ 4. Si Anaxagore a compris de cette
façon l'infinité de l'être, c'est, à ce qu'il semble, parce qu'il se
rangeait à l'opinion commune des Physiciens, que rien ne peut venir
du néant ; car c'est par le même motif qu'il soutient que "tout à
l'origine était mêlé et confus" et que "tout phénomène est un simple
changement," comme d'autres soutiennent encore qu'il n'y a jamais
dans les choses que composition et décomposition.
§ 5. Anaxagore s'appuie de plus sur ce
principe que les contraires naissent les uns des autres ; donc ils
existaient antérieurement dans le sujet ; car il faut nécessairement
que tout ce qui se produit vienne de l'être ou du néant ; et s'il
est impossible qu'il vienne du néant, axiome sur lequel tous les
physiciens sont unanimement d'accord, reste cette opinion qu'ils ont
dû accepter, à savoir que de toute nécessité les contraires naissent
d'éléments qui existent déjà et sont dans le sujet, mais qui grâce à
leur petitesse échappent à tous nos sens.
§ 6. Ils soutenaient donc que tout est
dans tout, parce qu'ils voyaient que tout peut naître de tout, et
ils prétendaient que les choses ne paraissent différentes et ne
reçoivent des noms distincts, que d'après l'élément qui domine en
elles par son importance, au milieu du mélange des parties dont le
nombre est infini. Ainsi, jamais le tout n'est purement ni blanc, ni
noir, ni doux, ni chair, ni os ; mais c'est l'élément prédominant
qui est pris pour la nature même de la chose.
§ 7. Cependant, si l'infini, en tant
qu'infini, ne peut être connu, l'infini en nombre et en grandeur
étant incompréhensible dans sa quantité, et l'infini en espèce
l'étant dans sa qualité, il s'ensuit que du moment que les principes
sont infinis en nombre et en espèce, il est impossible de jamais
connaître les combinaisons qu'ils forment, puisque nous ne croyons
connaître un composé que quand nous savons l'espèce et le nombre de
ses éléments.
§ 8. De plus, si une chose dont la
partie peut être d'une grandeur ou d'une petitesse quelconque, doit
être elle-même susceptible de ces conditions, j'entends une de ces
parties dans lesquelles se divise le tout ; et s'il est possible
qu'un animal ou une plante soit d'une dimension arbitraire en
grandeur ou en petitesse, il n'est pas moins clair qu'aucune de ses
parties non plus ne peut être d'une grandeur quelconque,
puisqu'alors le tout en serait également susceptible. Or, la chair,
les os et les autres matières analogues sont des parties de
l'animal, comme les fruits le sont des plantes ; et il est
parfaitement évident qu'il est de toute impossibilité que la chair,
l'os ou telle autre partie aient une grandeur quelconque
indifféremment, soit en plus soit en moins.
§ 9. En outre, si toutes les choses,
telles qu'elles sont, existent les unes dans les autres et si elles
ne peuvent jamais naître, ne faisant que se séparer du sujet où
elles sont antérieurement, et étant dénommées d'après ce qui domine
en elles, alors tout peut naître de tout indistinctement ; l'eau
provient de la chair, d'où elle se sépare ; ou la chair provient de
l'eau indifféremment. Mais alors tout corps fini est épuisé par le
corps fini qu'on en retranche, et l'on voit sans peine qu'il n'est
pas possible que tout soit dans tout ; car si de l'eau on retire de
la chair, et que d'autre chair sorte encore du résidu, par voie de
séparation, quelque petite que soit de plus en plus la chair ainsi
tirée de l'eau, elle ne peut jamais, par sa ténuité, dépasser une
certaine quantité appréciable. Par conséquent, si la décomposition
s'arrête à un degré précis, c'est que tout n'est pas dans tout,
puisqu'il n'y a plus de chair dans ce qui reste d'eau ; et si la
décomposition ne s'arrête pas, et qu'il y ait séparation
perpétuelle, dès lors il y aura dans une grandeur finie des parties
finies et égales entr'elles qui seront en nombre infini ; et c'est
là une chose impossible.
§ 10. J'ajoute que, quand on enlève
quelque chose à un corps quelconque, ce corps entier devient
nécessairement plus petit. Or, la quantité de la chair est limitée
soit en grandeur soit en petitesse. Ainsi, évidemment, de la
quantité la plus petite possible de la chair, on ne pourra plus
séparer aucun corps ; car, alors, il serait moindre que la quantité
la plus petite possible.
§ 11. D'autre part, il y aurait déjà,
dans les corps supposés infinis, une chair infinie, du sang et du
cerveau en quantité infinie, éléments séparés tous les uns des
autres, mais qui n'en existent pas moins cependant, et chacun d'eux
serait infini ; ce qui est dénué de toute raison.
§ 12. Prétendre que jamais la
séparation des éléments ne sera complète, c'est soutenir une idée
dont peut-être on ne se rend pas bien compte, mais qui, au fond,
n'en est pas moins juste. En effet, les qualités affectives des
choses en sont inséparables. Si donc les couleurs et les propriétés
des êtres, étaient primitivement mêlées à ces êtres, du moment qu'on
les aura séparées, il y aura quelque qualité, par exemple, le blanc
ou le salubre, qui ne sera absolument que salubre ou blanc, et qui
ne pourra plus même alors être l'attribut d'aucun sujet. Mais
l'Intelligence supposée par Anaxagore tombe dans l'absurde quand
elle prétend réaliser des choses impossibles, et quand elle veut,
par exemple, séparer les choses, lorsqu'il est de toute
impossibilité de le faire, soit en quantité soit en qualité ; en
quantité, parce qu'il n'y a pas de grandeur plus petite ; en
qualité, parce que les affections des choses en sont inséparables.
§ 13. Enfin, Anaxagore n'explique pas
bien la génération des choses en la tirant de ses espèces
similaires. En un sens, il est bien vrai que la boue se divise en
d'autres boues ; mais, en un autre sens, elle ne s'y divise pas ; et
si l'on peut dire que les murs viennent de la maison et la maison
des murs, ce n'est pas du tout de la même manière qu'on peut dire
que l'air et l'eau sortent et viennent l'un de l'autre.
§ 14. Il vaudrait mieux admettre des
principes moins nombreux et finis, comme l'a fait Empédocle. |
Ch. V, § 1.
Les Physiciens, c'est-à-dire les philosophes qui étudient la
nature sans nier, comme Parménide et Mélissus, les principes mêmes
de la science en soutenant l'unité et l'immobilité de l'être. Voir
plus haut, ch. 2, §§ 1 et 7. Les Physiciens, dans un sens plus
spécial, sont surtout les philosophes de l'École d'Ionie.
§ 2. L'unité
de l'être dans le corps, ce n'est plus l'unité de l'être au sens
où l'entendait l'École d'Élée ; c'est l'unité de l'être dans
l'individu, au sens où l'entend Aristote lui-même.
- Des trois
éléments, l'eau, l'air ou le feu, personne n'ayant proposé de
regarder la terre comme le principe universel des choses, si ce
n'est peut-être Hésiode ; voir dans la Métaphysique, liv. I, ch. 8,
p. 989, a, 10, édition de Berlin.
- Dont ils
reconnaissent la multiplicité, que niaient Parménide et
Mélissus.
- De la
densité et de la légèreté, l'élément qu'un prend pour principe
est supposé pouvoir produire tons les êtres selon qu'il se condense
ou se raréfie.
- Platon en
parlant du grand et du petit, voir le Phédon de Platon, p. 283
de la traduction de M. V. Cousin. Il est possible aussi que Platon
ait encore truité de ces sujets dans des ouvrages qui ne sont pas
parvenus jusqu'à nous.
§ 3. Quant
aux autres physiciens, c'est le second des deux systèmes dont il
a été parlé plus haut au § 1.
- Empédocle
et Anaxagore, voir les opinions d'Empédocle et d'Anaxagore dans
la Métaphysique, livre 1, ch, 3 et p. 849 et 985, édit. de Berlin :
et de la Génération et de la corruption, livre 1, ch. 1, p. 314, a,
12, 15.
- Du mélange
antérieur, j'ai ajouté ce dernier mot.
- L'un admet
le retour périodique des choses, voir le traité de la Génération
et de la corruption, livre I, ch, 4, p. 314, édit. de Berlin. C'est
le Sphaerus d'Empédocle, mouvement alternatif d'enveloppement et de
développement des choses, idée tout indienne.
- L'autre
n'y admet qu'un mouvement unique, c'est Anaxagore qui attribue à
l'intelligence divine le débrouillement du chaos, voir la
Métaphysique, livre 1, ch. 4, page 985, a, 48, édit. de Berlin.
- Les
parties similaires, les Homoeomères d'Anaxagore. Voir le traité
de la Génération et de la corruption, livre 1, ch. 1., page 314,
édit. de Berlin, et Métaphysique, loc, laud.
- L'autre ne
reconnaît comme infinis, c'est Empédocle qui, d'après Aristote,
a été le premier à distinguer les quatre éléments, Métaphysique,
livre 1, ch. 3, p. 984, a, 8, édit. de Berlin.
§ 4.
L'opinion commune des Physiciens, voir la Métaphysique livre XI,
ch. 6, page 40 (12,1), 25, édit. de Berlin.
- Tout à
l'origine était mêlé et confus, opinion d'Anaxagore qui
commençait ainsi un de ses ouvrages. Voir la Métaphysique. livre 1,
ch. 4. p. 984, a, 45, édit. de Berlin, et surtout le commentaire de
Simplicius sur ce passage de la Physique.
- Tout
phénomène est un simple changement, voir le traité de la
Génération et de la corruption, livre I, ch. 1, page 344, h, 44,
édit. de Berlin.
-
Composition et décomposition, c'est le système d'Empédocle, le
Sphaerus, d'où sort le monde, et le monde qui rentre dans le
Sphaerus.
§ 5.
Anaxagore s'appuie de plus, le texte n'est pas aussi précis et
il ne nomme pas formellement Anaxagore.
- Les
contraires naissent les uns des autres, voir Platon, Phédon, p.
282 et suiv. de la traduction de M. V. Cousin. - Les contraires
naissent d'éléments qui existent déjà : ainsi il y aurait dans le
blanc les éléments du noir, et réciproquement, de même pour tous les
autres contraires.
-
Échappent à tous nos sens, alors il est impossible de démontrer
la réalité de ces éléments.
§ 6. Que
tout est dans tout, la conséquence est rigoureuse ; mais c'est
le principe qui est faux. Voir la Métaphysique. livre III, ch. 5, p.
1009, n, 26, édit. de Berlin.
§ 7. Si
l'infini, objection contre la théorie d'Anaxagore, qui, si elle
était exacte, détruirait la science de la nature, attendu que
l'infini soit en nombre et en grandeur, soit en espèce, échappe à
l'esprit de l'homme.
- Les
principes étant infinis, selon le système d'Anaxagore.
- Les
combinaisons qu'ils forment, et par conséquent la nature qui se
compose des corps ainsi formés. Anaxagore prétendait que les parties
similaires sont infinies en nombre et en espèce, et qu'elles sont
les plus petites possibles ; en d'autres termes, des atomes.
§ 8.
Susceptible de ces conditions, c'est-à-dire indéfiniment grande
ou petite, comme les parties mêmes qui la composent. - Soient d'une
grandeur quelconque, et par conséquent Anaxagore a eu tort de dire
que tes parties similaires étaient les plus petites possibles ; car
les parties intégrantes d'un être, quel qu'il soit, ont une
dimension précise, puisque l’être lui-même est limité dans son
développement, et qu'il ne peut être ni indéfiniment grand, ni
indéfiniment petit.
§ 9.
Existent les unes dans les autres, c'est une des opinions
prêtées plus haut à Anaxagore, §§ à et 5.
- Tout corps
fini est épuisé, l'exemple qui suit éclaircit suffisamment cette
idée qui dans le texte n'est pas plus précise que dans ma
traduction.
- Qu'on en
retranche, j'ai cru devoir ajouter ces mots que justifie le
contexte.
- Et c'est
là une chose impossible, conséquence absurde, qui implique la
fausseté du principe admis par Anaxagore, que tout est dans tout.
§ 10.
J'ajoute, ce nouvel argument contre Anaxagore est en quelque
sorte la contre-partie de celui qui précède ; et il n'en diffère que
très peu. L'auteur vient de prouver qu'en admettant la prétendue
analyse des corps sortant les uns des autres il y a une limite
nécessaire; car cette réduction successive d'un corps fini doit
l'anéantir ; maintenant il prouve que les éléments intégrants des
corps ayant également une limite, il arrivera nécessairement un
point de ténuité d'où l'on ne pourra plus rien retrancher.
- Moindre
que la quantité la plus petite possible, ce qui est une
hypothèse contradictoire.
§ 11.
D'autre part, autre argument contre la théorie d'Anaxagore, que
tout est dans tout. D'après ce principe, on arrive à cette
conséquence que, dans chaque corps réputé infini, il y a une
infinité d'autres corps infinis qui sont eux-mêmes infinis. Ce que
la raison ne peut comprendre.
§ 12. Que
jamais la séparation des éléments ne sera complète, l'expression
est moins précise dans le texte ; mais je suppose que ceci fait
allusion à l'intervention de l'intelligence divine ordonnant les
éléments du chaos, comme Anaxagore le pensait. La séparation des
choses sera sans terme, puisque les éléments eux-mêmes sont infinis.
Aristote admet que cette théorie est vraie ; mais il croit
qu'Anaxagore ne l'a pas bien comprise, attendu qu'elle s'applique à
un tout autre sujet, c'est-à-dire aux qualités affectives des
choses, qui en effet n'en sont jamais séparables.
- Par
exemple, le blanc et le salubre, le texte n'est pas tout à fait
aussi précis. Le blanc représente les couleurs en général ; le
salubre représente les propriétés.
- Qui ne
sera absolument que blanc et salubre, c'est-à-dire qui ne sera
rien, puisque les qualités des choses ne peuvent pas exister
indépendamment de ces choses, et que l'attribut n'a d'existence que
dans son sujet.
-
L'Intelligence, c'est de l'intelligence divine qu'il s'agit,
ordonnatrice du chaos selon Anaxagore.
- Supposée
par Anaxagore, j'ai cru pouvoir ajouter ces mots. - Parce qu'il
n'y a pas de grandeur plus petite, voir plus haut § 10.
- Parce que
les affections des choses en sont inséparables, principe posé au
début de ce § même.
§ 13. De ces
espèces similaires, le texte dit espèces, et non plus parties,
comme plus haut.
- La boue se
divise en d'autres boues, quand la boue est formée, les parties
dans lesquelles on la divise sont bien encore de la boue ; mais si
l'on veut remonter à ses éléments primitifs, elle se divisera en eau
et en terre, éléments qui ont servi tous deux à la composer. On peut
trouver d'ailleurs que cet exemple de la boue est assez mal choisi.
- Les murs
viennent de la maison, c'est-à-dire qu'ils sont les parties du
tout que forme la maison.
- Et la
maison des murs, c'est-à-dire que la maison est composée par les
murs qui la forment. Il y a donc entre la maison et les murs les
rapports de parties et de tout, tandis qu'entre l'air et l'eau, il y
aurait selon Anaxagore, rapport de véritable génération.
§ 14. Comme
l'a fait Empédocle, ceci ne veut pas dire d'ailleurs
qu'Aristote préfère Empédocle à Anaxagore, pour lequel il a exprimé
la plus haute admiration clans le premier livre de la Métaphysique,
ch, 4,p. 984, h, 17, édit. de Berlin. Cette longue réfutation prouve
même tout le cas qu'il en fait. |
CHAPITRE VI.
Tous les physiciens s'accordent à
regarder les contraires comme des principes ; Parménide, Démocrite.
- Les contraires sont en effet des principes ; démonstration de
cette théorie, qui est exacte. Considérations générales sur les
contraires ; conciliation des différents systèmes. Les principes
sont nécessairement contraires entr'eux. |
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ϛ'.
§ 1. Πάντες δὴ τἀναντία ἀρχὰς ποιοῦσιν
οἵ τε λέγοντες ὅτι ἓν τὸ πᾶν καὶ μὴ κινούμενον (καὶ γὰρ Παρμενίδης
θερμὸν καὶ ψυχρὸν ἀρχὰς ποιεῖ, ταῦτα δὲ προσαγορεύει πῦρ καὶ γῆν)
καὶ οἱ μανὸν καὶ πυκνόν, καὶ Δημόκριτος τὸ πλῆρες καὶ κενόν, ὧν τὸ
μὲν ὡς ὂν τὸ δὲ ὡς οὐκ ὂν εἶναί φησιν· ἔτι θέσει, σχήματι, τάξει.
Ταῦτα δὲ γένη ἐναντίων· θέσεως ἄνω κάτω, πρόσθεν ὄπισθεν, σχήματος
γεγωνιωμένον ἀγώνιον, εὐθὺ περιφερές. Ὅτι μὲν οὖν τἀναντία πως
πάντες ποιοῦσι τὰς ἀρχάς, δῆλον.
§ 2. Καὶ τοῦτο εὐλόγως· δεῖ γὰρ τὰς
ἀρχὰς μήτε ἐξ ἀλλήλων εἶναι μήτε ἐξ ἄλλων, καὶ ἐκ τούτων πάντα· τοῖς
δὲ ἐναντίοις τοῖς πρώτοις ὑπάρχει ταῦτα, διὰ μὲν τὸ πρῶτα εἶναι μὴ
ἐξ ἄλλων, διὰ δὲ τὸ ἐναντία μὴ ἐξ ἀλλήλων. Ἀλλὰ δεῖ τοῦτο καὶ ἐπὶ
τοῦ λόγου σκέψασθαι πῶς συμβαίνει.
§ 3. Ληπτέον δὴ πρῶτον ὅτι πάντων τῶν
ὄντων οὐθὲν οὔτε ποιεῖν πέφυκεν οὔτε πάσχειν τὸ τυχὸν ὑπὸ τοῦ
τυχόντος, οὐδὲ γίγνεται ὁτιοῦν ἐξ ὁτουοῦν, ἂν μή τις λαμβάνῃ κατὰ
συμβεβηκός·
§ 4. πῶς γὰρ ἂν γένοιτο λευκὸν ἐκ
μουσικοῦ, πλὴν εἰ μὴ συμβεβηκὸς εἴη τῷ μὴ λευκῷ ἢ τῷ μέλανι τὸ
μουσικόν; Ἀλλὰ λευκὸν μὲν γίγνεται ἐξ οὐ λευκοῦ, καὶ τούτου οὐκ ἐκ
παντὸς ἀλλ' ἐκ μέλανος ἢ τῶν μεταξύ, καὶ μουσικὸν οὐκ ἐκ μουσικοῦ,
πλὴν οὐκ ἐκ παντὸς ἀλλ' ἐξ ἀμούσου ἢ εἴ τι αὐτῶν ἐστι μεταξύ.
§ 5. Οὐδὲ δὴ φθείρεται εἰς τὸ τυχὸν
πρῶτον, οἷον τὸ λευκὸν οὐκ εἰς τὸ μουσικόν, πλὴν εἰ μή ποτε κατὰ
συμβεβηκός, ἀλλ' εἰς τὸ μὴ λευκόν, καὶ οὐκ εἰς τὸ τυχὸν ἀλλ' εἰς τὸ
μέλαν ἢ τὸ μεταξύ· ὡς δ' αὔτως καὶ τὸ μουσικὸν εἰς τὸ μὴ μουσικόν,
καὶ τοῦτο οὐκ εἰς τὸ τυχὸν ἀλλ' εἰς τὸ ἄμουσον ἢ εἴ τι αὐτῶν ἐστι
μεταξύ.
§ 6. Ὁμοίως δὲ τοῦτο καὶ ἐπὶ τῶν
ἄλλων, ἐπεὶ καὶ τὰ μὴ ἁπλᾶ τῶν ὄντων ἀλλὰ σύνθετα κατὰ τὸν αὐτὸν
ἔχει λόγον· ἀλλὰ διὰ τὸ μὴ τὰς ἀντικειμένας διαθέσεις ὠνομάσθαι
λανθάνει τοῦτο συμβαῖνον.
§ 7. Ἀνάγκη γὰρ πᾶν τὸ ἡρμοσμένον ἐξ
ἀναρμόστου γίγνεσθαι καὶ τὸ ἀνάρμοστον ἐξ ἡρμοσμένου, καὶ φθείρεσθαι
τὸ ἡρμοσμένον εἰς ἀναρμοστίαν, καὶ ταύτην οὐ τὴν τυχοῦσαν ἀλλὰ τὴν
ἀντικειμένην.
§ 8. Διαφέρει δ' οὐθὲν ἐπὶ ἁρμονίας
εἰπεῖν ἢ τάξεως ἢ συνθέσεως· φανερὸν γὰρ ὅτι ὁ αὐτὸς λόγος. Ἀλλὰ μὴν
καὶ οἰκία καὶ ἀνδριὰς καὶ ὁτιοῦν ἄλλο γίγνεται ὁμοίως· ἥ τε γὰρ
οἰκία γίγνεται ἐκ τοῦ μὴ συγκεῖσθαι ἀλλὰ διῃρῆσθαι ταδὶ ὡδί, καὶ ὁ
ἀνδριὰς καὶ τῶν ἐσχηματισμένων τι ἐξ ἀσχημοσύνης· καὶ ἕκαστον τούτων
τὰ μὲν τάξις, τὰ δὲ σύνθεσίς τίς ἐστιν.
§ 9. Εἰ τοίνυν τοῦτ' ἔστιν ἀληθές,
ἅπαν ἂν γίγνοιτο τὸ γιγνόμενον καὶ φθείροιτο τὸ φθειρόμενον ἢ ἐξ
ἐναντίων ἢ εἰς ἐναντία καὶ τὰ τούτων μεταξύ. Τὰ δὲ μεταξὺ ἐκ τῶν
ἐναντίων ἐστίν, οἷον χρώματα ἐκ λευκοῦ καὶ μέλανος· ὥστε πάντ' ἂν
εἴη τὰ φύσει γιγνόμενα ἢ ἐναντία ἢ ἐξ ἐναντίων.
§ 10. Μέχρι μὲν οὖν ἐπὶ τοσοῦτον
σχεδὸν συνηκολουθήκασι καὶ τῶν ἄλλων οἱ πλεῖστοι, καθάπερ εἴπομεν
πρότερον· πάντες γὰρ τὰ στοιχεῖα καὶ τὰς ὑπ' αὐτῶν καλουμένας ἀρχάς,
καίπερ ἄνευ λόγου τιθέντες, ὅμως τἀναντία λέγουσιν, ὥσπερ ὑπ' αὐτῆς
τῆς ἀληθείας ἀναγκασθέντες.
§ 11. Διαφέρουσι δ' ἀλλήλων τῷ τοὺς
μὲν πρότερα τοὺς δ' ὕστερα λαμβάνειν, καὶ τοὺς μὲν γνωριμώτερα κατὰ
τὸν λόγον τοὺς δὲ κατὰ τὴν αἴσθησιν (οἱ μὲν γὰρ θερμὸν καὶ ψυχρόν,
οἱ δ' ὑγρὸν καὶ ξηρόν, ἕτεροι δὲ περιττὸν καὶ ἄρτιον ἢ νεῖκος καὶ
φιλίαν αἰτίας τίθενται τῆς γενέσεως· ταῦτα δ' ἀλλήλων διαφέρει κατὰ
τὸν εἰρημένον τρόπον),
§ 12. ὥστε ταὐτὰ λέγειν πως καὶ ἕτερα
ἀλλήλων, ἕτερα μὲν ὥσπερ καὶ δοκεῖ τοῖς πλείστοις, ταὐτὰ δὲ ᾗ
ἀνάλογον· λαμβάνουσι γὰρ ἐκ τῆς αὐτῆς συστοιχίας· τὰ μὲν γὰρ
περιέχει, τὰ δὲ περιέχεται τῶν ἐναντίων. Ταύτῃ τε δὴ ὡσαύτως λέγουσι
καὶ ἑτέρως, καὶ χεῖρον καὶ βέλτιον, καὶ οἱ μὲν γνωριμώτερα κατὰ τὸν
λόγον, ὥσπερ εἴρηται πρότερον, οἱ δὲ κατὰ τὴν αἴσθησιν (τὸ μὲν γὰρ
καθόλου κατὰ τὸν λόγον γνώριμον, τὸ δὲ καθ' ἕκαστον κατὰ τὴν
αἴσθησιν· ὁ μὲν γὰρ λόγος τοῦ καθόλου, ἡ δ' αἴσθησις τοῦ κατὰ
μέρος), οἷον τὸ μὲν μέγα καὶ τὸ μικρὸν κατὰ τὸν λόγον, τὸ δὲ μανὸν
καὶ τὸ πυκνὸν κατὰ τὴν αἴσθησιν.
§ 13. Ὅτι μὲν οὖν ἐναντίας δεῖ τὰς
ἀρχὰς εἶναι, φανερόν. |
§ 1. Tous les Physiciens sans
exception, regardent les contraires comme des principes. C'est
l'opinion de ceux qui admettent l'unité de l'être, quel qu'il soit,
et son immobilité, comme Parménide, qui prend pour ses principes le
froid et le chaud qu'il appelle la terre et le feu. C'est l'opinion
de ceux qui admettent le rare et le dense, on, comme le dit
Démocrite, le plein et le vide, l'un de ces contraires étant l'être
aux yeux de ces philosophes et l'autre le non-être. Enfin, c'est
l'opinion de ceux qui expliquent les choses par la position, la
figure, l'ordre, qui ne sont que des variétés de contraires : la
position étant, par exemple, en haut, en bas, en avant, en arrière ;
la figure étant d'avoir des angles, d'être sans angles, d'être
droit, circulaire, etc. Ainsi, tout le monde s'accorde, de façon ou
d'autre, à reconnaître les contraires pour principes.
§ 2. C'est d'ailleurs avec toute
raison ; car les principes ne doivent ni venir les uns des autres
réciproquement, ni venir d'autres choses ; et il faut, au contraire,
que tout le reste vienne des principes. Or, ce sont là précisément
les conditions que présentent les contraires primitifs. Ainsi, en
tant que primitifs, ils ne dérivent pas d'autres choses; et, en tant
que contraires, ils ne dérivent pas les uns des autres. Mais il faut
voir, en approfondissant encore cette théorie, comment les choses se
passent.
§ 3. Il faut poser d'abord cet axiome
que, parmi toutes les choses, il n'y en a pas une qui puisse
naturellement faire ou souffrir au hasard telle ou telle action de
la part de la première chose venue. Une chose quelconque ne peut pas
venir d'une autre chose quelconque, à moins qu'on n'entende que ce
ne soit d'une manière purement accidentelle.
§ 4. Comment, par exemple, le blanc
sortirait-il du musicien, à moins que le musicien ne soit un simple
accident du blanc ou du noir ? Mais le blanc vient du non-blanc, et
non pas du non-blanc en général, mais du noir et des couleurs
intermédiaires. De même le musicien vient du non-musicien, mais non
pas du non-musicien en général, mais il vient de ce qui n'a pas
cultivé la musique ou de tel autre terme intermédiaire analogue.
§ 5. D'autre part, une chose
quelconque ne se perd pas davantage dans une chose quelconque.
Ainsi, le blanc ne se perd pas dans le musicien, à moins que ce ne
soit encore en tant que simple accident ; mais il se perd dans le
non-blanc, et non point dans un non-blanc quelconque, mais dans le
noir, ou telle autre nuance de couleur intermédiaire. Tout de même
le musicien se perd dans le non-musicien; et non point dans un
non-musicien quelconque, mais dans ce qui n'a pas cultivé la
musique, ou dans tel autre terme intermédiaire.
§ 6. Cet axiome s'applique également à
tout le reste, et les êtres qui ne sont plus simples, mais composés,
y sont pareillement soumis. Mais, en général, on ne tient pas compte
de tous ces rapports, parce que les propriétés opposées des choses
n'ont pas reçu dans le langage de dénomination spéciale.
§ 7. Car il faut nécessairement que ce
qui est organisé harmonieusement vienne de ce qui n'est pas
organisé, et que ce qui n'est pas organisé vienne de ce qui l'est.
Il faut, en outre, que l'organisé périsse dans l'inorganisé, et non
point dans un inorganisé quelconque ; mais dans l'inorganisé opposé.
§ 8. Peu importe qu'on parle ici
d'organisation, ou d'ordre, ou de combinaison des choses. Evidemment
cela revient toujours au même. Ainsi, la maison, pour prendre cet
exemple, ou la statue ou telle autre chose, se produisent absolument
de même. La maison vient de la combinaison de telles matières qui
n'étaient pas antérieurement réunies de telle façon, mais qui
étaient séparées. La statue, ou tout autre chose figurée, vient de
ce qui était antérieurement sans figure. Et, de fait, chacune de ces
choses n'est qu'un certain ordre ou une certaine combinaison
régulière.
§ 9. Si donc cette théorie est vraie,
tout ce qui vient à naître naît des contraires ; tout ce qui vient à
se détruire se résout en se détruisant dans ses contraires ou dans
les intermédiaires. Les intermédiaires eux-mêmes ne viennent que des
contraires ; et, par exemple, les couleurs viennent du blanc et du
noir. Par conséquent, toutes les choses qui se produisent dans la
nature, ou sont des contraires, ou viennent de contraires.
§ 10. C'est jusqu'à ce point que sont
arrivés comme nous la plupart des autres philosophes, ainsi que nous
venons de le dire. Tous, sans peut-être en avoir d'ailleurs
logiquement bien le droit, appellent du nom de contraires les
éléments, et ce qu'ils qualifient de principes ; et l'on dirait que
c'est la vérité elle-même qui les y force.
§ 11. La seule différence entr'eux,
c'est que les uns admettent pour principes des termes antérieurs, et
les autres des termes postérieurs ; ceux-ci, des idées plus notoires
pour la raison, ceux-là, des idées plus notoires pour la sensibilité
; pour les uns c'est le froid et le chaud; pour les antres le sec et
l'humide ; pour d'autres encore le pair et l'impair ; pour d'autres
enfin l'amour et la haine, qui sont les causes de toute génération.
Mais tous ces systèmes ne diffèrent entr'eux que comme je viens de
l'indiquer.
§ 12. J'en conclus que tous en un sens
s'accordent, et qu'en un sens tous se contredisent. Ils se
contredisent sur les points où le voit de reste tout le monde ; mais
ils s'accordent par les rapports d'analogie qu'ils soutiennent
entr'eux. Ainsi tous s'adressent à une seule et même série ; et,
toute la différence, c'est que parmi les contraires qu'ils adoptent,
les uns enveloppent et que les autres sont enveloppés. C'est donc à
ce point de vue que ces philosophes s'expriment de même et qu'ils
s'expriment différemment, les uns mieux, les autres moins bien,
ceux-ci, je le répète, prenant des notions plus claires pour la
raison, ceux-là des notions plus claires pour la sensibilité. Ainsi,
l'universel est bien plus notoire pour la raison ; c'est
l'individuel qui l'est davantage pour les sens, puisque la sensation
n'est jamais que particulière. Par exemple, le grand et le petit
s'adressent à la raison ; le rare et le dense s'adressent à la
sensibilité.
§ 13. En résumé, on voit clairement
que les principes doivent nécessairement être des contraires. |
Ch. V1, § 1. Tous les Physiciens,
ce terme général comprend ici tous les philosophes qui se sont
occupés de l'étude de la nature, soit de l'École d'Élée, soit de
l'École d'Ionie ou des autres écoles. Un peu plus haut ce terme
avait été entendu dans un sens plus restreint. Voir plus haut, ch.
5, § 1.
- Comme Parménide, voir
plus haut, ch. 2, § 1, et Métaphysique, Livre I, ch. 5. Dans ce
dernier passage Aristote ne dit pas aussi nettement qu'ici que
Parménide a pris pour principes la terre et le feu. Il lui prête
cette opinion en même temps qu'à plusieurs autres philosophes.
- Comme le dit Démocrite, voir
la Métaphysique, Livre III, ch. 5, p. 1009, e, 27, édit. de Berlin.
- Par la position, la figure et
l'ordre, voir la Métaphysique, Livre I, ch. 4, p. 985, b, 14,
édit. de Berlin, où Aristote ne nomme pas non plus les philosophes
auxquels il attribue cette opinion.
§ 2. Les principes ne doivent, voir
les Derniers Analytiques, Livre 1. ch. 2, § 8, p. 9, de ma
traduction. - Ni venir d'autres choses, car alors ce ne serait plus
à vrai dire des principes. - Les contraires primitifs, c'est-à-dire
pris le plus haut possible dans la série des choses : le froid et le
chaud, le sec et l'humide. Voir plus loin, § 11.
§ 3. Cet axiome, absolument
opposé à celui d'Anaxagore que tout est dans tout. Aristote établit
au contraire que chaque chose a sa nature propre, et qu'elle ne peut
indifféremment agir sur telle autre chose, ni souffrir de cette
autre chose une action quelconque. La nature a des lois spéciales
pour chaque chose qu'elle produit.
§ 4. Comment le blanc sortirait-il
du musicien, l'exemple pouvait être mieux choisi et plus clair.
Les commentateurs en ont pris un autre et avec raison. L'aimant agit
sur le fer qu'il attire ; il n'agit pas sur le bois ; et
réciproquement, le fer subit l'influence de l'aimant ; mais le bois
n'en ressent aucune action. Ainsi tout n'agit pas sur tout de la
même manière.
- Mais du noir et des
couleurs intermédiaires, parce qu'il faut que les contraires
soient dans le même genre ; et ici le genre est celui de la couleur
et dans la catégorie de la qualité.
§ 5. Une chose quelconque ne se
perd pas davantage, ce § est la contre-partie de celui qui
procède. Après avoir considéré comment les choses passent du
non-être à l'être, l'auteur examine ici comment, au contraire, elles
passent de l'être au non-être.
- Le blanc ne se perd pas dans le
musicien, mêmes exemples que plus haut. Le blanc ne peut pas
plus sortir de son genre pour disparaître, qu'il n'en sortait pour
devenir blanc.
- Mais dans le noir, qui est
aussi dans le genre de la couleur et non dans un autre genre.
§ 6. Les êtres qui ne sont plus
simples, comme ceux qu'on vient de citer : Musicien, blanc,
noir.
- Mais composés de parties
diverses, comme le prouvent les exemples cités plus bas.
§ 7. Ce qui est organisé, le
mot du texte signifie peut-être aussi : harmonisé. J'ai préféré
l'autre mot, qui est plus clair et plus familier.
- II faut en outre, voir plus
haut le § 5.
§ 8. Qu'on parle ici d'organisation,
ou d'harmonie. - Ou d'ordre, relativement à des choses qui se
succèdent avec une certaine régularité.
- Antérieurement... antérieurement,
j'ai ajouté deux fois ce mot pour plus de clarté.
§ 9. Tout ce qui vient à naître,
et par conséquent n'est pas principe.
- Les couleurs viennent du blanc et
du noir, cette théorie qui peut paraître étrange au premier coup
d'oeil, a plus de vérité qu'il ne semble. La réunion de toutes les
couleurs du spectre solaire compose la lumière blanche ; et
l'absorption de toutes ces couleurs compose le noir. Ainsi, la
tradition que suit Aristote ne se trompe pas, et l'on peut dire à la
lettre que toutes les couleurs viennent du blanc et du noir, en ce
sens qu'elles sont comprises entre ces deux extrêmes.
§ 10. Ainsi que vous venons de le
dire, plus haut, § 1.
§ 11. Des termes antérieurs... des
termes postérieurs, selon que l'on remonte plus ou moins haut
dans la série des choses.
- Pour la raison... pour la
sensibilité, voir plus haut, ch. 1, § 2, des théories assez
analogues à celles-ci.
§ 12. Où le voit de reste tout le
monde, le vulgaire sait aussi bien que les savants que le froid
est le contraire du chaud, et que prendre ces deux contraires pour
principes, c'est tout différent que de prendre le sec et l'humide,
ou l'amour et la haine.
- Par les rapports d'analogie,
parce que le sec et l'humide sont dans leur série des contraires
tout à fait analogues au froid et au chaud dans la leur, au pair et
à l'impair, ou à l'amour et à la haine.
- A une seule et même série, le
froid et le chaud sont dans la même série de contraires ; l'amour et
la haine, de même, etc.
- Et toute la différence, le
texte n'est pas aussi précis. - Enveloppent, quand ils sont plus
généraux.
- Les autres sont enveloppés,
quand ils le sont moins.
- Je le répète, c'est en effet
ce qui vient d'être dit, quelques lignes plus haut, § 11.
- L'universel est bien plus notoire
pour la raison, ceci semble contredire ce qui a été exposé plus
haut au début du traité, ch. 1, §§ 4 et 5 ; mais il faut distinguer
entre l'universel, qui est en effet plus clair pour la raison, et le
tout qui est plus clair pour la sensibilité. Ce tout est d'abord
pour la sensation qui le révèle une sorte d'universel ; mais il se
particularise de plus en plus, à mesure que l'esprit l'analyse en
l'examinant. Au contraire, le véritable universel devient d'autant
plus clair pour la raison, qu'il se généralise davantage.
- Le grande et le petit s'adressent
à la raison, parce que c'est la raison qui compare les deux
objets et tire de cette comparaison les notions générales de
grandeur et de petitesse.
- Le rare et le dense, il
aurait peul-être mieux valu dire : Le froid et le chaud. |
CHAPITRE VII.
Du nombre des principes : les
principes sont finis suivant Empédocle ; et infinis, suivant
Anaxagore. - Il n'y a pas un principe unique ; et les principes ne
sont pas infinis. Le système le plus vrai peut-être, c'est
d'admettre trois principes : l'unité, l'excès et le défaut ;
ancienneté de ce système; recherche de l'élément primordial |
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ζ'.
§ 1. Ἐχόμενον δ' ἂν εἴη λέγειν πότερον
δύο ἢ τρεῖς ἢ πλείους εἰσίν.
§ 2. Μίαν μὲν γὰρ οὐχ οἷόν τε, ὅτι οὐχ
ἓν τὰ ἐναντία,
§ 3. ἀπείρους δ', ὅτι οὐκ ἐπιστητὸν τὸ
ὂν ἔσται,
§ 4. μία τε ἐναντίωσις ἐν παντὶ γένει
ἑνί, ἡ δ' οὐσία ἕν τι γένος, καὶ ὅτι ἐνδέχεται ἐκ πεπερασμένων,
§ 5. βέλτιον δ' ἐκ πεπερασμένων, ὥσπερ
Ἐμπεδοκλῆς, ἢ ἐξ ἀπείρων· πάντα γὰρ ἀποδιδόναι οἴεται ὅσαπερ
Ἀναξαγόρας ἐκ τῶν ἀπείρων.
§ 6. Ἔτι δὲ ἔστιν ἄλλα ἄλλων πρότερα
ἐναντία, καὶ γίγνεται ἕτερα ἐξ ἀλλήλων, οἷον γλυκὺ καὶ πικρὸν καὶ
λευκὸν καὶ μέλαν, τὰς δὲ ἀρχὰς ἀεὶ δεῖ μένειν.
§ 7. Ὅτι μὲν οὖν οὔτε μία οὔτε
ἄπειροι, δῆλον ἐκ τούτων·
§ 8. ἐπεὶ δὲ πεπερασμέναι, τὸ μὴ
ποιεῖν δύο μόνον ἔχει τινὰ λόγον· ἀπορήσειε γὰρ ἄν τις πῶς ἢ ἡ
πυκνότης τὴν μανότητα ποιεῖν τι πέφυκεν ἢ αὕτη τὴν πυκνότητα. Ὁμοίως
δὲ καὶ ἄλλη ὁποιαοῦν ἐναντιότης· οὐ γὰρ ἡ φιλία τὸ νεῖκος συνάγει
καὶ ποιεῖ τι ἐξ αὐτοῦ, οὐδὲ τὸ νεῖκος ἐξ ἐκείνης, ἀλλ' ἄμφω ἕτερόν
τι τρίτον. Ἔνιοι δὲ καὶ πλείω λαμβάνουσιν ἐξ ὧν κατασκευάζουσι τὴν
τῶν ὄντων φύσιν.
§ 9. Πρὸς δὲ τούτοις ἔτι κἂν τόδε τις
ἀπορήσειεν, εἰ μή τις ἑτέραν ὑποθήσει τοῖς ἐναντίοις φύσιν· οὐθενὸς
γὰρ ὁρῶμεν τῶν ὄντων οὐσίαν τἀναντία, τὴν δ' ἀρχὴν οὐ καθ'
ὑποκειμένου δεῖ λέγεσθαί τινος. Ἔσται γὰρ ἀρχὴ τῆς ἀρχῆς· τὸ γὰρ
ὑποκείμενον ἀρχή, καὶ πρότερον δοκεῖ τοῦ κατηγορουμένου εἶναι.
§ 10. Ἔτι οὐκ εἶναί φαμεν οὐσίαν
ἐναντίαν οὐσίᾳ· πῶς οὖν ἐκ μὴ οὐσιῶν οὐσία ἂν εἴη; ἢ πῶς ἂν πρότερον
μὴ οὐσία οὐσίας εἴη;
§ 11. Διόπερ εἴ τις τόν τε πρότερον
ἀληθῆ νομίσειεν εἶναι λόγον καὶ τοῦτον, ἀναγκαῖον, εἰ μέλλει
διασώσειν ἀμφοτέρους αὐτούς, ὑποτιθέναι τι τρίτον, ὥσπερ φασὶν οἱ
μίαν τινὰ φύσιν εἶναι λέγοντες τὸ πᾶν, οἷον ὕδωρ ἢ πῦρ ἢ τὸ μεταξὺ
τούτων.
§ 13. Δοκεῖ δὲ τὸ μεταξὺ μᾶλλον· πῦρ
γὰρ ἤδη καὶ γῆ καὶ ἀὴρ καὶ ὕδωρ μετ' ἐναντιοτήτων συμπεπλεγμένα
ἐστίν. Διὸ καὶ οὐκ ἀλόγως ποιοῦσιν οἱ τὸ ὑποκείμενον ἕτερον τούτων
ποιοῦντες, τῶν δ' ἄλλων οἱ ἀέρα· καὶ γὰρ ὁ ἀὴρ ἥκιστα ἔχει τῶν ἄλλων
διαφορὰς αἰσθητάς· ἐχόμενον δὲ τὸ ὕδωρ.
§ 14. Ἀλλὰ πάντες γε τὸ ἓν τοῦτο τοῖς
ἐναντίοις σχηματίζουσιν, πυκνότητι καὶ μανότητι καὶ τῷ μᾶλλον καὶ
ἧττον.
§ 15. Ταῦτα δ' ἐστὶν ὅλως ὑπεροχὴ
δηλονότι καὶ ἔλλειψις, ὥσπερ εἴρηται πρότερον. Καὶ ἔοικε παλαιὰ
εἶναι καὶ αὕτη ἡ δόξα, ὅτι τὸ ἓν καὶ ὑπεροχὴ καὶ ἔλλειψις ἀρχαὶ τῶν
ὄντων εἰσί, πλὴν οὐ τὸν αὐτὸν τρόπον, ἀλλ' οἱ μὲν ἀρχαῖοι τὰ δύο μὲν
ποιεῖν τὸ δὲ ἓν πάσχειν, τῶν δ' ὑστέρων τινὲς τοὐναντίον τὸ μὲν ἓν
ποιεῖν τὰ δὲ δύο πάσχειν φασὶ μᾶλλον.
§ 16. Τὸ μὲν οὖν τρία φάσκειν τὰ
στοιχεῖα εἶναι ἔκ τε τούτων καὶ ἐκ τοιούτων ἄλλων ἐπισκοποῦσι
δόξειεν ἂν ἔχειν τινὰ λόγον, ὥσπερ εἴπομεν,
§ 17. τὸ δὲ πλείω τριῶν οὐκέτι· πρὸς
μὲν γὰρ τὸ πάσχειν ἱκανὸν τὸ ἕν,
§ 18. εἰ δὲ τεττάρων ὄντων δύο ἔσονται
ἐναντιώσεις, δεήσει χωρὶς ἑκατέρᾳ ὑπάρχειν ἑτέραν τινὰ μεταξὺ φύσιν·
εἰ δ' ἐξ ἀλλήλων δύνανται γεννᾶν δύο οὖσαι, περίεργος ἂν ἡ ἑτέρα τῶν
ἐναντιώσεων εἴη.
§ 19. Ἅμα δὲ καὶ ἀδύνατον πλείους
εἶναι ἐναντιώσεις τὰς πρώτας. Ἡ γὰρ οὐσία ἕν τι γένος ἐστὶ τοῦ
ὄντος, ὥστε τῷ πρότερον καὶ ὕστερον διοίσουσιν ἀλλήλων αἱ ἀρχαὶ
μόνον, ἀλλ' οὐ τῷ γένει· ἀεὶ γὰρ ἐν ἑνὶ γένει μία ἐναντίωσις ἔστιν,
πᾶσαί τε αἱ ἐναντιώσεις ἀνάγεσθαι δοκοῦσιν εἰς μίαν.
§ 20. Ὅτι μὲν οὖν οὔτε ἓν τὸ στοιχεῖον
οὔτε πλείω δυοῖν ἢ τριῶν, φανερόν· τούτων δὲ πότερον, καθάπερ
εἴπομεν, ἀπορίαν ἔχει πολλήν. |
§ 1. Pour faire suite à ce qui
précède, on peut rechercher si les principes de l'être sont au
nombre de deux, de trois ou davantage.
§ 2. D'abord, il est impossible qu'il
n'y en ait qu'un seul, puisque les contraires sont toujours plus
d'un.
§ 3. Mais il est impossible, d'autre
part, qu'ils soient en nombre infini ; car, alors, l'être serait
inaccessible à la science.
§ 4. Et, dans tout genre qui est un,
il n'y a qu'une seule opposition par contraires ; or, la substance
est un genre qui est un.
§ 5. Mais les choses peuvent bien
venir aussi de principes finis ; et, si l'on en croit Empédocle, il
vaut mieux qu'elles viennent de principes finis que de principes
infinis ; car il croit pouvoir expliquer par des principes finis
tout ce qui Anaxagore explique avec ses infinis.
§ 6. Il y a en outre des contraires
qui sont antérieurs à d'autres contraires ; et il y en a qui
viennent de contraires différents : ainsi, le doux et l'amer, le
blanc et le noir. Mais, quant aux principes, ils doivent toujours
rester immuables.
§ 7. Je tire de tout ceci la
conclusion, d'une part, qu'il n'y a pas un principe unique des
choses, et, d'autre part, que les principes ne sont pas en nombre
infini.
§ 8. Du moment que les principes sont
limités, il y a quelque raison de supposer qu'ils ne peuvent pas
être seulement deux ; car alors on pourrait également se demander,
ou comment la densité peut jamais faire quelque chose de la rareté,
ou à l'inverse comment la rareté produirait jamais la moindre action
sur la densité ; et de même pour toute autre opposition par
contraires. Par exemple, l'Amour ne peut pas se concilier la Haine,
ni en tirer quoi que ce soit, pas plus que la Haine ne peut rien
faire de l'Amour. Mais tous les deux agissent sur un troisième terme
qui est différent de l'un et de l'autre ; et voilà pourquoi certains
philosophes ont imaginé plus de deux principes pour expliquer le
système entier des choses.
§ 9. Une autre difficulté qu'on
rencontrerait si l'on refusait d'admettre qu'il y a une nature
différente servant de support aux contraires, c'est que, comme
l'observation nous le démontre, les contraires ne sont jamais la
substance de rien. Or, le principe ne peut pas du tout être
l'attribut de quoi que ce soit; car alors il y aurait un principe du
principe, puisque le sujet est principe, et qu'il est antérieur à ce
qui lui est attribué.
§ 10. De plus, nous soutenons que la
substance ne peut être contraire à la substance ; et, alors, comment
la substance pourrait-elle venir de ce qui n'est pas substance ? Et
comment ce qui n'est pas substance serait-il antérieur à la
substance même ?
§ 11. Il résulte de ceci que si l'on
admet à la fois l'exactitude de notre premier raisonnement et
l'exactitude de celui-ci, il faut nécessairement, pour sauver la
vérité des deux, admettre un troisième terme outre les deux
contraires.
§ 12. C'est du reste ce que font les
philosophes qui constituent l'univers avec une nature et un élément
uniques, prenant l'eau ou le feu, ou un élément intermédiaire.
§ 13. Mais il nous semble que c'est
plutôt à cet intermédiaire qu'il faudrait prêter ce rôle, puisque le
feu, la terre, l'air et l'eau sont toujours, entremêlés de quelques
contraires. Aussi, on peut ne pas trouver déraisonnables ceux qui
pensent que le sujet est encore quelqu'autre chose que les éléments
; puis, viennent ceux qui prennent l'air pour premier principe ; car
l'air est celui de tous les éléments dont les différences sont le
moins sensibles ; puis, enfin, ceux qui prennent l'eau pour principe
de tout.
§ 14. Mais tous ces philosophes
s'accordent à transformer leur principe unique par des contraires,
telles que la rareté, la densité ; le plus, le moins ; et, comme
nous le faisions remarquer un peu plus haut, ce n'est là, en résumé,
qu'excès ou défaut.
§ 15. C'est, du reste, je crois, une
opinion fort ancienne que de trouver dans l'excès ou le défaut tous
les principes des choses. Seulement, tout le monde n'entend pas ceci
de la même manière ; car les anciens prétendaient que ce sont les
deux derniers qui agissent et que c'est l'unité qui souffre, tandis
que quelques-uns des philosophes postérieurs avancent au contraire,
que c'est bien plutôt l'unité qui agit, et que les deux autres ne
l'ont que souffrir son action.
§ 16. Ce sont ces arguments-là et des
arguments analogues qui donneraient à penser, non sans raison, que
les éléments sont au nombre de trois, comme nous venons de le dire.
§ 17. Mais on ne peut aller jusqu'à
soutenir qu'ils sont plus de trois. Car, d'abord, l'unité suffit à
souffrir les contraires.
§ 18. Puis, si l'on admet qu'ils sont
quatre, il y aura dès lors deux oppositions par contraires, et il
faudra, en outre, pour chacune d'elles séparément une autre nature
intermédiaire. Or, s'ils peuvent, en étant simplement deux,
s'engendrer l'un par l'autre, il y a, par conséquent, l'une des deux
oppositions qui devient parfaitement inutile.
§ 19. Enfin, il est également
impossible qu'il y ait plus d'une seule opposition primordiale par
contraires ; car la substance étant un genre unique de l'être, les
principes ne peuvent différer entr'eux qu'en tant que les uns sont
postérieurs et les autres antérieurs. Mais ils ne différent plus en
genre, un genre ne pouvant jamais contenir qu'une seule opposition,
et toutes les oppositions pouvant, en définitive, être ramenées à
une seule.
§ 20. Ainsi, évidemment, il ne se peut
pas qu'il n'y ait qu'un élément unique ; il ne se peut pas non plus
qu'il y en ait plus de deux ou trois. Où est ici le vrai ? C'est ce
qu'il est très difficile de savoir, ainsi que je l'ai dit. |
Ch. VII, § 1.
Si les principes de l’être, le texte dit simplement : Les
principes; mais la suite prouve bien qu'il s'agit ici des principes
de l'être en général, en d'autres termes, des principes de tout ce
qui est.
§ 2. Puisque
les contraires sont toujours plus d'un, et qu'il a été prouvé
dans le chapitre précédent que les contraires sont les principes des
choses, dans tous les systèmes sans distinction.
§ 3. Car,
alors, l'être serait inaccessible à la science, c'est un des
principaux arguments qui ont été opposés au système d'Anaxagore sur
l'infinité des principes ; voir plus haut, ch. 5, § 7.
§ 4. Une
seule opposition par contraires, une seule contradiction, par
exemple, la substance et ce qui n'est pas substance.
§ 5. Si l'on
en croit Empédocle, voir plus haut, ch. 5, § 14, où Aristote
donne la préférence aux théories d'Empédocle sur celles d'Anaxagore.
§ 6. Il y a
en outre des contraires, cette pensée ne se lie pas très bien à
celles qui précèdent et qui suivent, ou plutôt elle n'est pas assez
développée. Il a été établi dans le chapitre précédent que les
principes sont des contraires ; on pourrait en conclure
réciproquement que tous les contraires sont des principes. Aristote
va au-devant de cette hypothèse erronée, en distinguant des
contraires qui sont antérieurs les uns aux autres. Par conséquent,
il y a des contraires qui ne sont pas des principes.
- Ainsi le
doux et l'amer, le blanc et le noir, ces exemples ne répondent
qu'a la dernière partie de la pensée précédente. Ce sont là des
contraires qui viennent de contraires différents; l'amer vient du
doux, comme le noir vient du blanc ; et a l'inverse.
- Rester
immuables, rester ce qu'ils sont comme principes, et par
conséquent l'un ne peut jamais être antérieur à l'autre,
puisqu'alors le second ne serait plus un principe véritable.
§ 8. On
pourrait également se demander, il n'est pas possible qu'un des
contraires agisse sur l'autre contraire, à moins qu'on ne suppose un
sujet substantiel dans lequel se passe le changement d'un contraire
à l'autre.
- Sur un
troisième terme, la substance, où a lieu le changement du
contraire dans le contraire opposé.
- Certains
philosophes, comme Empédocle qui a le premier admis quatre
éléments.
§ 9. Servant
de support aux contraires, j'ai rendu par cette périphrase la
force de l'expression grecque.
- Le
principe ne peut pas du tout dire l'attribut de quoi que ce soit,
ceci contredit la théorie posée plus haut, que les principes sont
des contraires.
- Le sujet
est principe, la substance, en effet, est le principe et le
support de tout le reste ; les attributs n'existent pas sans elle ;
et, par conséquent, elle les précède, bien qu'il n'y oit pas de
substance sans attributs.
- Antérieur
à ce qui lui est attribué, voir les Catégories, ch. 5, § 5, p,
62 de ma traduction.
§ 10. De
plus nous soutenons, voir les Catégories, ch. 5, § 18, p. 68 de
ma traduction. Le caractère éminent qu'Aristote donne à la catégorie
de la substance, c'est de ne pouvoir être contraire à la substance,
c'est-à-dire à elle-même, tandis que, dans toutes les autres
catégories, il peut y avoir opposition des contraires. Ainsi, dans
la quantité, le grand est le contraire du petit ; dans la qualité,
le chaud est le contraire du froid, etc.
§ 11.
L'exactitude de notre premier raisonnement, à savoir que les
principes sont des contraires. Voir le ch. 6 tout entier.
- Et
l'exactitude de celui-ci, à savoir que les principes ne peuvent
pas être des attributs ; et les contraires n'étant que des
attributs, il faut supposer un troisième terme outre les contraires.
- Un troisième terme, qui est la substance.
§ 12. Avec
une nature et un élément uniques, j'ai ajouté ces mots : Et un
élément, que justifie la suite du texte et qui rendent la pensée
plus claire.
-
Prenant l'eau ou le feu, voir la Métaphysique, livre I, ch. 4,
p. 984, a, 6, édit, de Berlin.
§ 13. Le
sujet, c'est le mot du texte ; peut-être celui de substance
serait-il préférable.
- L'air pour
premier principe, c'est Anaximène et Diogène d'Apollonie,
d'après la Métaphysique, livre I, ch. 3, p. 984, n, 5, édit. de
Berlin.
- Qui
prennent l'eau, c'est Thalès, id, ibid., p. 983, a, 20.
§ 14. Comme
nous le faisions remarquer un peu plus haut, voir ch. 5, § 2, et ch.
6, § 1.§ 45. Dans l'unité, l'individu, la substance qui a certaines
qualités, tantôt plus et tantôt moins.
§ 15 Les
anciens... les philosophes postérieurs, d'après Simplicius les
Anciens seraient les Pythagoriciens, et les Philosophes postérieurs
seraient représentés par Platon. Voir plus haut, ch. 3, § 11.
§ 16. Comme
nous venons de le dire, voir plus haut, § 8.
§ 17. Car
d'abord l'unité suffit, première objection contre la théorie qui
admet plus de trois principes des choses. L'unité, la substance,
suffit à recevoir les contraires ; et du moment qu'elle suffit, il
n'est que faire de chercher au-delà ; car c'est un principe
fondamental de la philosophie d'Aristote, que rien ne duit être fait
en vain, et qu'il ne faut pas multiplier les êtres sans nécessité.
§ 18. Une
autre nature intermédiaire, c'est-à-dire une substance
susceptible des deux contraires, éprouvant les changements qu'ils
forment, et ne changeant pas elle-même. Il y aura dès lors deux
substances et quatre contraires, se divisant en une substance avec
deux contraires de chaque côté. On revient ainsi au système des
trois principes.
- En étant
simplement deux, ces mots que donne l'édition de Berlin d'après
quelques manuscrits sont indispensables, bien qu'ils manquent dans
quelques autres manuscrits.
§ 19.
Primordiale, il faut admettre cette restriction ; car les
oppositions secondaires sont nombreuses dans chaque genre. On doit
entendre par opposition primordiale la contradiction la plus
générale de toutes; "Une chose est ou n'est pas telle chose."
- Les uns
sont postérieurs et les autres antérieurs, voir plus haut, § 6.
- Qu'une
seule opposition, toutes ces théories auraient eu besoin d'être
éclaircies par des exemples.
§ 20. Ainsi
que je l'ai dit, voir plus haut, § 1, au début du chapitre, où
il a dit non pas précisément que cette recherche fût difficile, mais
qu'elle devait faire suite aux précédentes. |
CHAPITRE VIII.
Méthode à suivre dans cette recherche.
Théorie générale de la génération des choses : la substance et la
forme ; la substance demeure et ne change point ; la forme, au
contraire, change sans cesse; rapports de la substance et de la
forme. - Les principes sont au nombre de trois : le sujet, la
privation et la forme ; ou ils ne sont que deux, si l'on réunit le
sujet et la privation. De la matière première de l’être ; Idée qu'on
doit s'en faire. - Résumé. |
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Η'
§ 1. Ὧδ' οὖν ἡμεῖς λέγωμεν πρῶτον περὶ
πάσης γενέσεως ἐπελθόντες· ἔστι γὰρ κατὰ φύσιν τὰ κοινὰ πρῶτον
εἰπόντας οὕτω τὰ περὶ ἕκαστον ἴδια θεωρεῖν.
§ 2. Φαμὲν γὰρ γίγνεσθαι ἐξ ἄλλου ἄλλο
καὶ ἐξ ἑτέρου ἕτερον ἢ τὰ ἁπλᾶ λέγοντες ἢ τὰ συγκείμενα. Λέγω δὲ
τοῦτο ὡδί. Ἔστι γὰρ γίγνεσθαι ἄνθρωπον μουσικόν, ἔστι δὲ τὸ μὴ
μουσικὸν γίγνεσθαι μουσικὸν ἢ τὸν μὴ μουσικὸν ἄνθρωπον ἄνθρωπον
μουσικόν. Ἀπλοῦν μὲν οὖν λέγω τὸ γιγνόμενον τὸν ἄνθρωπον καὶ τὸ μὴ
μουσικόν, καὶ ὃ γίγνεται ἁπλοῦν, τὸ μουσικόν· συγκείμενον δὲ καὶ ὃ
γίγνεται καὶ τὸ γιγνόμενον, ὅταν τὸν μὴ μουσικὸν ἄνθρωπον φῶμεν
γίγνεσθαι μουσικὸν ἄνθρωπον.
§ 3. Τούτων δὲ τὸ μὲν οὐ μόνον λέγεται
τόδε γίγνεσθαι ἀλλὰ καὶ ἐκ τοῦδε, οἷον ἐκ μὴ μουσικοῦ μουσικός, τὸ
δ' οὐ λέγεται ἐπὶ πάντων· οὐ γὰρ ἐξ ἀνθρώπου ἐγένετο μουσικός, ἀλλ'
ἅνθρωπος ἐγένετο μουσικός.
§ 4. Τῶν δὲ γιγνομένων ὡς τὰ ἁπλᾶ
λέγομεν γίγνεσθαι, τὸ μὲν ὑπομένον γίγνεται τὸ δ' οὐχ ὑπομένον· ὁ
μὲν γὰρ ἄνθρωπος ὑπομένει μουσικὸς γιγνόμενος ἄνθρωπος καὶ ἔστι, τὸ
δὲ μὴ μουσικὸν καὶ τὸ ἄμουσον οὔτε ἁπλῶς οὔτε συντεθειμένον
ὑπομένει.
§ 5. Διωρισμένων δὲ τούτων, ἐξ ἁπάντων
τῶν γιγνομένων τοῦτο ἔστι λαβεῖν, ἐάν τις ἐπιβλέψῃ ὥσπερ λέγομεν,
ὅτι δεῖ τι ἀεὶ ὑποκεῖσθαι τὸ γιγνόμενον,
§ 6. καὶ τοῦτο εἰ καὶ ἀριθμῷ ἐστιν ἕν,
ἀλλ' εἴδει γε οὐχ ἕν· τὸ γὰρ εἴδει λέγω καὶ λόγῳ ταὐτόν· οὐ γὰρ
ταὐτὸν τὸ ἀνθρώπῳ καὶ τὸ ἀμούσῳ εἶναι. Καὶ τὸ μὲν ὑπομένει, τὸ δ'
οὐχ ὑπομένει· τὸ μὲν μὴ ἀντικείμενον ὑπομένει (ὁ γὰρ ἄνθρωπος
ὑπομένει), τὸ μὴ μουσικὸν δὲ καὶ τὸ ἄμουσον οὐχ ὑπομένει, οὐδὲ τὸ ἐξ
ἀμφοῖν συγκείμενον, οἷον ὁ ἄμουσος ἄνθρωπος.
§ 7. Τὸ δ' ἔκ τινος γίγνεσθαί τι, καὶ
μὴ τόδε γίγνεσθαί τι, μᾶλλον μὲν λέγεται ἐπὶ τῶν μὴ ὑπομενόντων,
οἷον ἐξ ἀμούσου μουσικὸν γίγνεσθαι, ἐξ ἀνθρώπου δὲ οὔ· οὐ μὴν ἀλλὰ
καὶ ἐπὶ τῶν ὑπομενόντων ἐνίοτε λέγεται ὡσαύτως· ἐκ γὰρ χαλκοῦ
ἀνδριάντα γίγνεσθαί φαμεν, οὐ τὸν χαλκὸν ἀνδριάντα. Τὸ μέντοι ἐκ τοῦ
ἀντικειμένου καὶ μὴ ὑπομένοντος ἀμφοτέρως λέγεται, καὶ ἐκ τοῦδε τόδε
καὶ τόδε τόδε· καὶ γὰρ ἐξ ἀμούσου καὶ ὁ ἄμουσος γίγνεται μουσικός.
Διὸ καὶ ἐπὶ τοῦ συγκειμένου ὡσαύτως· καὶ γὰρ ἐξ ἀμούσου ἀνθρώπου καὶ
ὁ ἄμουσος ἄνθρωπος γίγνεσθαι λέγεται μουσικός.
§ 8. Πολλαχῶς δὲ λεγομένου τοῦ
γίγνεσθαι, καὶ τῶν μὲν οὐ γίγνεσθαι ἀλλὰ τόδε τι γίγνεσθαι, ἁπλῶς δὲ
γίγνεσθαι τῶν οὐσιῶν μόνον, κατὰ μὲν τἆλλα φανερὸν ὅτι ἀνάγκη
ὑποκεῖσθαί τι τὸ γιγνόμενον (καὶ γὰρ ποσὸν καὶ ποιὸν καὶ πρὸς ἕτερον
[καὶ ποτὲ] καὶ ποὺ γίγνεται ὑποκειμένου τινὸς διὰ τὸ μόνην τὴν
οὐσίαν μηθενὸς κατ' ἄλλου λέγεσθαι ὑποκειμένου, τὰ δ' ἄλλα πάντα
κατὰ τῆς οὐσίας)·
§ 9. ὅτι δὲ καὶ αἱ οὐσίαι καὶ ὅσα
[ἄλλα] ἁπλῶς ὄντα ἐξ ὑποκειμένου τινὸς γίγνεται, ἐπισκοποῦντι
γένοιτο ἂν φανερόν. Ἀεὶ γὰρ ἔστι ὃ ὑπόκειται, ἐξ οὗ τὸ γιγνόμενον,
οἷον τὰ φυτὰ καὶ τὰ ζῷα ἐκ σπέρματος. Γίγνεται δὲ τὰ γιγνόμενα ἁπλῶς
τὰ μὲν μετασχηματίσει, οἷον ἀνδριάς, τὰ δὲ προσθέσει, οἷον τὰ
αὐξανόμενα, τὰ δ' ἀφαιρέσει, οἷον ἐκ τοῦ λίθου ὁ Ἑρμῆς, τὰ δὲ
συνθέσει, οἷον οἰκία, τὰ δ' ἀλλοιώσει, οἷον τὰ τρεπόμενα κατὰ τὴν
ὕλην. Πάντα δὲ τὰ οὕτω γιγνόμενα φανερὸν ὅτι ἐξ ὑποκειμένων
γίγνεται.
§ 10. Ὥστε δῆλον ἐκ τῶν εἰρημένων ὅτι
τὸ γιγνόμενον ἅπαν ἀεὶ συνθετόν ἐστι, καὶ ἔστι μέν τι γιγνόμενον,
ἔστι δέ τι ὃ τοῦτο γίγνεται, καὶ τοῦτο διττόν· ἢ γὰρ τὸ ὑποκείμενον
ἢ τὸ ἀντικείμενον. Λέγω δὲ ἀντικεῖσθαι μὲν τὸ ἄμουσον, ὑποκεῖσθαι δὲ
τὸν ἄνθρωπον, καὶ τὴν μὲν ἀσχημοσύνην καὶ τὴν ἀμορφίαν καὶ τὴν
ἀταξίαν τὸ ἀντικείμενον, τὸν δὲ χαλκὸν ἢ τὸν λίθον ἢ τὸν χρυσὸν τὸ
ὑποκείμενον.
§ 11. Φανερὸν οὖν ὡς, εἴπερ εἰσὶν
αἰτίαι καὶ ἀρχαὶ τῶν φύσει ὄντων, ἐξ ὧν πρώτων εἰσὶ καὶ γεγόνασι μὴ
κατὰ συμβεβηκὸς ἀλλ' ἕκαστον ὃ λέγεται κατὰ τὴν οὐσίαν, ὅτι γίγνεται
πᾶν ἔκ τε τοῦ ὑποκειμένου καὶ τῆς μορφῆς· σύγκειται γὰρ ὁ μουσικὸς
ἄνθρωπος ἐξ ἀνθρώπου καὶ μουσικοῦ τρόπον τινά· διαλύσεις γὰρ [τοὺς
λόγους] εἰς τοὺς λόγους τοὺς ἐκείνων. Δῆλον οὖν ὡς γίγνοιτ' ἂν τὰ
γιγνόμενα ἐκ τούτων.
§ 12. Ἔστι δὲ τὸ μὲν ὑποκείμενον
ἀριθμῷ μὲν ἕν, εἴδει δὲ δύο (ὁ μὲν γὰρ ἄνθρωπος καὶ ὁ χρυσὸς καὶ
ὅλως ἡ ὕλη ἀριθμητή· τόδε γάρ τι μᾶλλον, καὶ οὐ κατὰ συμβεβηκὸς ἐξ
αὐτοῦ γίγνεται τὸ γιγνόμενον· ἡ δὲ στέρησις καὶ ἡ ἐναντίωσις
συμβεβηκός)·
§ 13. Ἓν δὲ τὸ εἶδος, οἷον ἡ τάξις ἢ ἡ
μουσικὴ ἢ τῶν ἄλλων τι τῶν οὕτω κατηγορουμένων.
§ 14. Διὸ ἔστι μὲν ὡς δύο λεκτέον
εἶναι τὰς ἀρχάς, ἔστι δ' ὡς τρεῖς·
§ 15. καὶ ἔστι μὲν ὡς τἀναντία, οἷον
εἴ τις λέγοι τὸ μουσικὸν καὶ τὸ ἄμουσον ἢ τὸ θερμὸν καὶ τὸ ψυχρὸν ἢ
τὸ ἡρμοσμένον καὶ τὸ ἀνάρμοστον, ἔστι δ' ὡς οὔ· ὑπ' ἀλλήλων γὰρ
πάσχειν τἀναντία ἀδύνατον. Λύεται δὲ καὶ τοῦτο διὰ τὸ ἄλλο εἶναι τὸ
ὑποκείμενον· τοῦτο γὰρ οὐκ ἐναντίον.
§ 16. Ὥστε οὔτε πλείους τῶν ἐναντίων
αἱ ἀρχαὶ τρόπον τινά, ἀλλὰ δύο ὡς εἰπεῖν τῷ ἀριθμῷ, οὔτ' αὖ παντελῶς
δύο διὰ τὸ ἕτερον ὑπάρχειν τὸ εἶναι αὐτοῖς, ἀλλὰ τρεῖς· ἕτερον γὰρ
τὸ ἀνθρώπῳ καὶ τὸ ἀμούσῳ εἶναι, καὶ τὸ ἀσχηματίστῳ καὶ χαλκῷ.
§ 17. Πόσαι μὲν οὖν αἱ ἀρχαὶ τῶν περὶ
γένεσιν φυσικῶν, καὶ πῶς ποσαί, εἴρηται· καὶ δῆλόν ἐστιν ὅτι δεῖ
ὑποκεῖσθαί τι τοῖς ἐναντίοις καὶ τἀναντία δύο εἶναι. Τρόπον δέ τινα
ἄλλον οὐκ ἀναγκαῖον· ἱκανὸν γὰρ ἔσται τὸ ἕτερον τῶν ἐναντίων ποιεῖν
τῇ ἀπουσίᾳ καὶ παρουσίᾳ τὴν μεταβολήν.
§ 18. Ἡ δὲ ὑποκειμένη φύσις ἐπιστητὴ
κατ' ἀναλογίαν. Ὡς γὰρ πρὸς ἀνδριάντα χαλκὸς ἢ πρὸς κλίνην ξύλον ἢ
πρὸς τῶν ἄλλων τι τῶν ἐχόντων μορφὴν [ἡ ὕλη καὶ] τὸ ἄμορφον ἔχει
πρὶν λαβεῖν τὴν μορφήν, οὕτως αὕτη πρὸς οὐσίαν ἔχει καὶ τὸ τόδε τι
καὶ τὸ ὄν.
§ 19. Μία μὲν οὖν ἀρχὴ αὕτη, οὐχ οὕτω
μία οὖσα οὐδὲ οὕτως ὂν ὡς τὸ τόδε τι, μία δὲ ἧς ὁ λόγος, ἔτι δὲ τὸ
ἐναντίον τούτῳ, ἡ στέρησις.
§ 20. Ταῦτα δὲ πῶς δύο καὶ πῶς πλείω,
εἴρηται ἐν τοῖς ἄνω. Πρῶτον μὲν οὖν ἐλέχθη ὅτι ἀρχαὶ τἀναντία μόνον,
ὕστερον δ' ὅτι ἀνάγκη καὶ ἄλλο τι ὑποκεῖσθαι καὶ εἶναι τρία· ἐκ δὲ
τῶν νῦν φανερὸν τίς ἡ διαφορὰ τῶν ἐναντίων, καὶ πῶς ἔχουσιν αἱ ἀρχαὶ
πρὸς ἀλλήλας, καὶ τί τὸ ὑποκείμενον. Πότερον δὲ οὐσία τὸ εἶδος ἢ τὸ
ὑποκείμενον, οὔπω δῆλον. Ἀλλ' ὅτι αἱ ἀρχαὶ τρεῖς καὶ πῶς τρεῖς, καὶ
τίς ὁ τρόπος αὐτῶν, δῆλον. Πόσαι μὲν οὖν καὶ τίνες εἰσὶν αἱ ἀρχαί,
ἐκ τούτων θεωρείσθωσαν. |
§ 1. La méthode que nous comptons
suivre sera de traiter d'abord de la génération des choses dans
toute son étendue ; car il est conforme à l'ordre naturel
d'expliquer en premier lieu les conditions communes, pour arriver
ensuite à étudier les propriétés particulières.
§ 2. Quand nous disons qu'une chose
vient d'une autre chose, et que telle, chose devient différente de
ce qu'elle était, nous pouvons employer ou des termes simples ou des
termes composés. Or, voici ce que j'entends par là : quand je veux
exprimer, par exemple, qu'un homme devient musicien, je puis dire ou
que le non-musicien devient musicien, ou qu'un homme qui n'est pas
musicien devient un homme musicien. J'appelle terme simple ce qui
devient quelque chose, soit ici l'homme, soit le non-musicien ; et
ce qu'il devient est également un terme simple, à savoir musicien.
Au contraire, le terme s'appelle composé quand on exprime à la fois
et le sujet qui devient quelque chose et ce qu'il devient : par
exemple, quand on dit que l'homme non-musicien devient homme
musicien.
§ 3. De ces deux expressions, l'une
signifie non seulement qu'une chose devient telle chose, mais encore
qu'elle provient de telle situation antérieure ; et, ainsi, un homme
devient musicien de non-musicien qu'il était auparavant. Mais
l'autre expression ne se prend pas universellement ; car elle ne
veut pas dire que d'homme l'être est devenu musicien ; mais elle dit
seulement que l'homme est devenu musicien.
§ 4. Dans les choses qui se produisent
ainsi, au sens où nous entendons que des termes simples peuvent
devenir quelque chose, il y a une partie qui subsiste en devenant
quelque chose, et une autre qui ne subsiste pas. Ainsi, l'homme en
devenant musicien subsiste en tant qu'homme, et il est homme ; mais
le non-musicien, ou ce qui n'est pas musicien, ne subsiste point,
que ce terme d'ailleurs soit simple ou complexe.
§ 5. Ceci une fois établi, on peut,
dans tous les cas de génération, observer, pour peu qu'on y regarde,
qu'il faut toujours, ainsi que nous venons de le dire, qu'il y ait
une certaine partie qui subsiste et demeure pour supporter le reste.
§ 6. Ce qui subsiste, bien qu'il soit
toujours un sous le rapport du nombre, ne l'est pas toujours dans la
forme ; et, par la forme, j'entends aussi la définition qui remplace
le sujet. L'un subsiste, tandis que l'autre ne subsiste pas. Ce qui
subsiste, c'est ce qui n'est pas susceptible d'opposition, et
l'homme subsiste de cette manière ; mais le musicien et le
non-musicien ne subsistent pas ainsi, pas plus que ne subsiste le
composé sorti de la combinaison des deux termes : je veux dire
l'homme non-musicien.
§ 7. Mais cette expression qu'une
chose sortant de tel état, devient ou ne devient pas telle autre,
s'applique plus particulièrement aux choses qui, par elles-mêmes, ne
subsistent pas : par exemple, on dit que de non-musicien on devient
musicien ; mais on ne dit pas que d'homme on devienne musicien.
Néanmoins, on emploie parfois une pareille locution même pour les
substances ; et l'on dit à ce point de vue que la statue vient de
l'airain, et non pas que l'airain devient statue. En parlant de ce
qui est opposé et ne subsiste pas, on se sert indifféremment des
deux expressions, et l'on dit ou que la chose vient de telle autre
chose ou qu'elle devient telle autre chose. Ainsi, de non-musicien
on devient musicien, et le non-musicien devient musicien. Voilà
comment on s'exprime aussi de même pour le composé, puisque l'on dit
également que de l'homme non-musicien vient le musicien, on bien que
l'homme non-musicien devient musicien.
§ 8. Comme le mot Devenir peut avoir
plusieurs acceptions, et comme on doit dire de certaines choses non
pas qu'elles deviennent et naissent d'une manière absolue, mais
qu'elles deviennent quelqu'autre chose, Devenir pris absolument ne
pouvant s'appliquer qu'aux seules substances, il est clair que pour
tout le reste il faut nécessairement qu'il y ait, au préalable, un
sujet qui devient telle ou telle chose. Ainsi, la quantité, la
qualité, la relation, le temps, le lieu, ne deviennent et ne se
produisent qu'à l'occasion d'un certain sujet, attendu que la
substance est la seule qui n'est jamais l'attribut de quoi que ce
soit, tandis que tous les autres termes sont les attributs de la
substance.
§ 9. Que les substances proprement
dites, et en général tous les êtres qui existent absolument,
viennent d'un sujet antérieur, c'est ce qu'on voit clairement, si
l'on veut y regarder. Toujours il y a un être subsistant
préalablement d'où naît celui qui naît et devient : les plantes et
les animaux, par exemple, qui viennent d'une semence. Tout, ce qui
naît et devient, généralement parlant, naît, soit par une
transformation, comme la statue qui vient de l'airain ; soit par une
addition, comme tous les êtres qui s'accroissent en se développant ;
soit par une réduction, comme un Hermès, qu'on tire d'un bloc de
pierre ; soit par un arrangement, comme la maison ; soit enfin par
une altération, comme les choses qui souffrent un changement dans
leur matière. Or, il est bien clair que, pour tout ce qui naît et se
produit ainsi, il faut que tout cela vienne de sujets qui existent
antérieurement.
§ 10. Il résulte donc clairement de
tout ce qui précède que tout ce qui devient et se produit est
toujours complexe, et qu'il y a tout à la fois et une certaine chose
qui se produit et une certaine autre chose qui devient celle-là.
J'ajoute qu'on peut même distinguer deux nuances dans cette dernière
: ou c'est le sujet même, ou c'est l'opposé ; j'entends par l'opposé
le non-musicien, et le sujet c'est l'homme, dans l'exemple cité plus
haut. L'opposé, c'est ce qui est privé de la forme, ou de la figure,
ou de l'ordre ; et le sujet, c'est l'or, l'airain ou la pierre.
§ 11. Une conséquence évidente de
ceci, c'est que, puisqu'il y a des principes et des causes de tous
les êtres qui sont dans la nature, principes primordiaux qui font de
ces êtres ce qu'ils sont et ce qu'ils deviennent, non point par
accident, mais tels que chacun d'eux est dénommé dans son essence,
tout ce qui devient et se produit vient à la fois et du sujet et de
la forme. Ainsi, l'homme devenu musicien est d'une certaine façon
composé de l'homme et du musicien, puisque vous pourriez résoudre
les définitions de l'un dans les définitions des deux autres ; et,
par conséquent, on peut dire évidemment que tout ce qui devient et
se produit vient toujours de ces principes.
§ 12. Le sujet est un numériquement,
bien que spécifiquement il soit deux. Aussi, l'homme ou l'or, ou,
d'une manière générale, la matière, est numérable ; car elle est
davantage telle ou telle chose réelle, et ce qui se produit ne vient
pas d'elle seulement par accident, tandis que la privation et
l'opposition sont purement accidentelles.
§ 13. Quant à l'espèce, elle est une ;
et, par exemple, c'est l'ordre, la musique, ou tel autre autre
attribut de ce genre.
§ 14. Ainsi, on peut dire en un sens
que les principes sont au nombre de deux, et l'on peut dire en un
autre sens qu'ils sont trois.
§ 15. En un sens aussi ce sont des
contraires, quand on dit, par exemple, le musicien et le
non-musicien, le chaud et le froid, l'organisé et l'inorganisé ;
mais, à un autre point de vue, ce ne sont pas des contraires,
puisqu'il est impossible que les contraires agissent jamais l'un sur
l'autre. Mais on peut répondre à cette difficulté, en disant que le
sujet est différent et qu'il n'est pas du tout un contraire.
§ 16. Par conséquent, en un certain
sens, les principes ne sont pas plus nombreux numériquement.
Toutefois, ils ne sont pas absolument et purement deux, attendu que
leur essence est différente ; et ils sont plutôt trois, puisque, par
exemple, l'essence de l'homme est autre que l'essence du
non-musicien, comme celle du non-figuré est autre que celle de
l'airain.
§ 17. Nous avons donc exposé quel est
le nombre des principes dans la génération des choses naturelles, et
nous avons expliqué ce nombre. De plus, il est également clair qu'il
faut un sujet aux contraires et que les contraires sont deux. Mais,
à un autre point de vue, ceci même n'est pas nécessaire ; et l'un
des deux contraires suffit pour produire le changement par sa
présence ou par son absence.
§ 18. Pour bien savoir ce qu'est cette
nature, cette matière première qui sert de support, on peut recourir
à une analogie : ainsi, ce que l'airain est à la statue ou ce que le
bois est au lit, ou bien encore ce que sont à toutes les choses qui
ont reçu une forme, la matière et le non-figuré avant qu'ils aient
pris leur forme propre, cette nature qui sert de support l'est à la
substance, à l'objet réel, à ce qui est, à l'être.
§ 19. Elle est donc à elle seule un
principe ; mais elle n'est pas une, et elle ne fait pas un être,
comme le fait un objet individuel et particulier ; elle est une
seulement en tant que sa notion est une, bien qu'elle ait en outre
son contraire, qui est la privation.
§ 20. En résumé, on a expliqué dans ce
qui précède comment les principes sont deux et comment ils sont
aussi davantage ; car, d'abord on avait montré que les principes ne
peuvent être que les contraires, et ensuite on a dû ajouter qu'il
fallait nécessairement un sujet à ces contraires, et que par
conséquent il y a trois principes, Maintenant ce qu'on vient de dire
ici montre bien quelle est la différence des contraires, comment les
principes sont les uns à l'égard des autres, et ce que c'est que le
sujet qui sert de support. Ce qui n'est pas encore éclairci, c'est
de savoir si l'essence des choses est ou la forme ou le sujet. Mais
ce qu'on sait à cette heure, c'est qu'il y a trois principes ; c'est
en quel sens ils sont trois, et de quelle façon ils le sont. Telle
est notre théorie sur le nombre et sur la nature des principes. |
Ch. VIII,
§ 1. Il est conforme à l'ordre naturel, voir plus haut, ch.
1, § 2, où la méthode qu'on regardait comme la plus naturelle n'est
pas tout à fait celle qu'on applique ici. La Génération des choses
ne doit pas s'entendre ici dans le sens de Création, et la suite
éclaircit dans quelles limites restreintes il faut comprendre cette
expression.
§ 2. Et que
telle chose devient différente, le texte grec n'est pas tout à
fait aussi clair ; mais les développements qui suivent m'ont
autorisé à préciser davantage les idées, en traduisant comme je l'ai
fait.
- Des termes
simples ou des termes complexes, il semblerait donc qu'il s'agit
ici surtout de distinctions verbales.
-
Qu'un homme devient musicien, les termes sont simples, soit pour
le sujet Homme, soit pour l'attribut Musicien.
- Qu'un
homme qui n'est pas musicien, etc., les termes sont complexes
dans le sujet et dans l'attribut. Cette distinction est vraie
certainement ; mais on ne voit pas bien à quoi elle sert pour
arriver à conclure que, dans toute chose qui change, il y a une
partie qui subsiste, et que cette partie c'est l'essence même de la
chose, ce qui la fait ce qu'elle est. - Et ce qu'il devient,
c'est-à-dire son attribut.
§ 3. De ces
deux expressions, la nuance indiquée dans ce § est exacte ; mais
elle peut sembler assez subtile.
- Qu'une
chose devient telle chose, comme le disent les scolastiques, le
terme est alors énoncé au cas direct, et l'on dit simplement au
nominatif : L'homme devient musicien.
- Mais
encore qu'elle provient de telle situation antérieure, et, par
exemple, on dirait : De non-musicien l'homme devient musicien ;
c'est alors le cas oblique et non plus le nominatif.
§ 4. Dans
les choses qui se produisent ainsi, ou plus exactement : Dans
ces manières d'exprimer les choses qui se produisent.
- Des termes
simples, dans les termes complexes, au contraire, tout disparaît
et rien ne subsiste. Le non-musicien périt tout entier en devenant
musicien ; mais l'homme subsiste et demeure en tant que sujet, pour
recevoir tous les attributs qui indiquent le changement.
- En
devenant quelque chose, j'ai ajouté ces mots, qui ressortent
d'ailleurs du contexte.
- Que ce
terme soit d'ailleurs simple ou complexe, c'est-à-dire que l'on
dise : Le non-musicien, ou bien L'homme non-musicien. Dans ce
dernier cas, en effet, comme dans l'autre, l'homme non-musicien
périt tout entier en devenant musicien, quoique l'homme lui-même
subsiste ; mais l'homme en tant que non-musicien a disparu, tout
aussi bien que le non-musicien a disparu devant le musicien.
§ 5. Ceci
une fois établi, conclusion tirée de ce qui précède.
- Dans
tous les cas de génération, au sens où on vient de l'expliquer
plus haut.
- Et
demeure pour supporter le reste, la force de l'expression
grecque m'a paru exiger cette paraphrase.
§ 6. Un sous
le rapport du nombre, c'est une des propriétés de la substance ;
voir les Catégories, ch, 5,§ 66, p. 15 de ma traduction.
- Dans la
forme, ou dans l'espèce. Ainsi, au lieu de dire qu'un homme
devient musicien, ou dira que c'est le non-musicien. Dans ce cas,
non- musicien remplace homme et la forme ou l'espèce est différente,
bien qu'au fond le sujet n'ait pus changé .
- La
définition, ou l'explication.
- Qui
remplace le sujet, j'ai ajouté ces mots qui complètent et
éclaircissent l'idée.
- Ainsi
homme et non-musicien, un de ces termes se prend indifféremment
pour l'autre, dans les exemples qu'on vient de citer, quoiqu'ils ne
soient pas absolument identiques.
-
C'est ce qui n'est pas susceptible d'opposition, en d'autres
termes, la substance, le sujet. Voir les Catégories, ch. 5, § 18, p.
68 de ma traduction. La substance en restant une et identique à
elle-même n'a pas de contraire et n'est contraire à rien, bien
qu'elle puisse recevoir les contraires, tout en conservant son
identité essentielle.
- Mais le
musicien et le non-musicien, ce sont là en effet, des opposés
qui n'ont pas d'existence substantielle, et qui ne peuvent exister
que dans un sujet capable de les recevoir tour à tour.
§ 7. Sortant
de tel état, c'est ce qui est exprimé par la préposition De,
quand on dit que De non-musicien l'homme devient musicien.
- Par
elles-mêmes, j'ai ajouté ces mot qui complètent la pensée.
- Ne
subsistent pas, c'est-à-dire, Ne sont pas des substances
capables de recevoir, des attributs.
- De
non-musicien, et effet, Non-musicien n'est pas une substance,
bien que ce terme remplace celui d'Homme qui désigne une substance.
- Que
d'homme on devienne musicien, voir plus haut, § 3. Même pour les
substances, l'exemple qui suit prouve que ceci s'applique aux
substances purement matérielles et factices.
- Non pas
que l'airain devient statue, il semble que cette locution est
tout aussi naturelle que l'autre.
- De ce qui
ces opposé, voir au § précédent.
- Et ne
subsiste pas, comme le musicien et le non-musicien.
- La chose
vient de telle autre chose, ainsi du non-musicien vient le
musicien.
- Ou qu'elle
devient telle autre chose, ou bien en mettant les termes eu
nominatif : Le non-musicien devient musicien.
- De même
pour le complexe, voir plus haut § 2.
- De l'homme
non-musicien, terme complexe où, à la notion du sujet, est
jointe la notion de l'état antérieur qu'il quitte pour en prendre un
autre, et où, de plus, l'expression a pris une forme indirecte.
- L'homme
non-musicien devient musicien, terme complexe, où la forme est
directe, le sujet étant mis au nominatif.
§ 8. Peut
avoir plusieurs acceptions, voir la Métaphysique, livre IV, ch,.
24, p. 1.023, n, 26, édit. de Berlin, et livre VII, ch. 7, p. 1.048,
id.
- Et
naissent, j'ai ajouté ces mots que justifie le contexte ;
devenir d'une manière absolue, c'est naître, comme le prouve ce qui
est dit au § suivant.
- Elles
deviennent quelqu'autre chose, c'est-à-dire qu'elles sont déjà
existantes, et qu'elles subissent un simple changement d'état. - Aux
seules substances, voir le § qui suit.
- Au
préalable, l'expression du texte implique cette idée. - La
quantité, la qualité, etc., voir les Catégories, ch. 6, 7, 8, p. 12
et suiv. de ma traduction.
-
L'attribut... les attributs, le texte n'est pas tout à fait
aussi précis ; et Aristote dit simplement qu'une chose est dite
d'une autre. L'idée est au fond identique.
- Tous les
autres termes, le texte dit seulement : Tout le reste.
§ 9. Tous
les êtres qui existent absolument, soit qu'en effet ils soient
des substances réelles, soit que le langage seul leur prête une
existence substantielle.
- Qui naît
et devient, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.
- D'une
sentence, le mot grec a un double sens, comme le nôtre, qui en
cela n'est qu'une imitation.
-
Généralement parlant, c'est-à-dire tout ce qui passe du néant à
l'être, et non pas d'une certaine manière d'être à une autre
manière.
- Qui
s'accroissent en se développant, comme les plantes ou les
animaux, qui deviennent plus gros qu'ils n'étaient au moment de leur
naissance.
- Un
changement dans leur matière, comme l'eau qui de froide devient
chaude.
§ 10. Tout
ce qui devient et se produit, en d'autres termes : Tout
changement.
- Une
certaine chose qui se produit, c'est l'attribut nouveau que
prend le sujet, ou la forme nouvelle qu'il revêt.
- Une
certaine autre chose qui devient celle-ci, c'est le sujet qui
reçoit une nouvel le forme, et qui devient ce qu'il n'était pas, en
recevant un nouvel attribut. Ainsi, l'homme non-musicien devient
musicien.
- Dans cette
dernière, j'ai ajouté ces mots, afin d'être plus précis.
- Ou c'est
l'opposé, par exemple, le non-musicien ; voir plus haut, § 6.
L'opposé ou ce qui est susceptible d'opposition, c'est le contraire,
l'attribut, qui peut être dans un sens ou dans l'autre ; mais le
sujet subsistant par lui-même n'est pas susceptible d'opposition.
- Dans
l'exemple cité plus haut, j'ai ajouté ces mots. - L'opposé c'est
ce qui est privé de la forme, ainsi Non-musicien est l'opposé dans
cette locution : l'homme non-musicien, tandis que L'homme est le
sujet. Non-musicien est appelé opposé, parce qu'en effet il est
l'opposé du Musicien, tandis que l'Homme n'est l'opposé de quoi que
ce soit. De ce § on peut conclure que pour Aristote les principes du
changement ou de la génération des choses sont au nombre de trois ;
le sujet, la privation et la forme ; le sujet, qui est le lieu du
changement ; la privation, qui est l'état antérieur ; et la forme,
qui est l'état nouveau du sujet. Ces trois principes seront réduits
à deux dans le § suivant, le sujet et la forme, parce que le sujet
est double ainsi qu'on vient de le dire, et qu'il renferme aussi la
privation.
§ 11. Des
principes et des causes, voir plus haut, ch. I, § 4, la note sur
l'homonymie de ces deux expressions.
- Du sujet
et de la forme, au sens où on vient de l'expliquer dans le §
précédent. La privation est en quelque sorte déjà une forme
négative, si l'on veut ; et elle ne doit pas être comptée parmi les
éléments des choses, puisqu'elle disparaît devant la nouvelle forme
que revêt le sujet.
- Composé de
l'homme et du musicen, l'homme étant le sujet, et le musicien
étant la forme. Le sujet subsiste par lui-même, et il précède lu
forme qu'il revêt.
- Vous
pourriez, cette forme assez étrange de la seconde personne du
verbe est dans le texte grec.
- Les
définitions de l'un, c'est-à-dire de l'homme musicien, de
composé.
- Dans la
définition des deux autres, c'est-à-dire dans les définitions
séparées de l'homme et du musicien. Cette phrase pourrait se
comprendre aussi d'une manière plus générale, et elle signifierait
alors que les définitions des choses peuvent se résoudre dans les
définitions des deux principes de l'être, le sujet et la forme. La
fin de la phrase dans le texte semblerait même impliquer ce sens.
- De ces
principes, le sujet, ou matière, et la forme.
§ 12.
Spécifiquement il soit deux, la privation étant comprise aussi
dans le sujet. Voir plus haut, § 10.
- Ou
l'or, qui servirait à faire une statue, comme on l'a dit de
l'airain, au § 7.
- La
matière, c'est le terme dont se sert le plus habituellement
Aristote pour l'opposer à la forme.
- Est
numérable, en tant qu'une et individuelle, subsistant en soi,
tandis que la privation et les contraires, n'étant que des attributs
ou accidents, n'existent jamais que dans un autre. On ne peut, en
effet, compter que les individus.
- Davantage,
c'est l'expression du texte ; et peut-être eût-il mieux valu dire
que la matière est exclusivement la véritable et seule réalité, au
sens où on l'entend ici.
§ 13. Quant
à l'espèce, ou à la forme, pour être plus précis ; mais j'ai cru
devoir conserver ici le mot même du texte.
- Elle est
une, comme le sujet ; et alors les principes sont deux : la
matière et la forme.
- Et par
exemple, c'est l'ordre, pour bien comprendre ceci, il faut se
reporter au § 8 du ch. 6, où Aristote établit que la génération des
choses ne consiste souvent que dans un certain ordre donné à des
éléments antérieurement existants. Ainsi, la maison résulte de
l'arrangement des matériaux.
- La
musique, comme dans les exemples qui viennent d'être cités si
souvent de l'homme musicien et non-musicien ; c'est la musique qui y
compose l'attribut ; et alors on peut dire que la musique est la
forme de l'homme, comme l'ordre est la forme de la maison.
§ 14 Ainsi, conclusion de la discussion précédente. - Au nombre de
deux, le sujet ou matière et la forme.
- Qu'ils
sont trois, si l'on décompose le sujet en deux : le sujet
lui-même et la privation
§ 15. Ce
sont des contraires, voir plus haut le ch. 6, où il a été établi
que tous les philosophes sont d'accord pour reconnaître que les
principes sont des contraires.
-
Quand on dit, que le non-musicien devient musicien, etc. ; mais
j'ai cru devoir conserver la tournure même du texte, bien qu'elle
soit moins claire.
-
Agissent l'un sur l'autre, voir les Catégories, ch. 11, § 3.p.
422 de ma traduction, et la Métaphysique, livre V, ch. 10, p. 1,018,
a, 20 édit. de Berlin. Au contraire, la forme, qui est un des
principes, agit sur le sujet ou la matière, qui est l'autre
principe.
- A celte
difficulté, qui consiste à reconnaître les principes pour des
contraires et à contester qu'ils soient des contraires.
- Que le
sujet est différent, sous-entendu : de la privation ; et alors
le sujet en tant que matière n'est pas le contraire de la forme ;
c'est la privation seule qui pourrait être considérée comme le
contraire de la forme.
- Il n'est
pas du tout un contraire, voir les Catégories, ch. 5, § 18, p.
68 de ma traduction. C'est une des propriétés principales de la
substance de n'être contraire à rien ; elle n'a pas de contraires,
puisque c'est elle qui est le réceptacle et le lieu des contraires.
§ 16. Pas plus nombreux que les que les contraires, et ils sont pour
ainsi dire deux contraires, ils sont deux comme les contraires.
- Pour ainsi
dire, cette restriction est justifiée dans ce qui suit.
- Leur
essence est différente, ceci s'applique exclusivement aux
rapports du sujet et de la privation, comme le prouvent les exemples
cités dans le texte.
- L'essence
du non-musicien, voir plus haut §§ 3 et suiv.
§ 17. Ou par
son absence, car les deux contraires ne peuvent coexister, voir
les Catégories, ch. 11, § 3, p. 122, de ma traduction.
§ 18. Cette
matière première, j'ai ajouté ces mots pour que l'idée fût aussi
claire que possible.
- Qui sert
de support, soit aux contraires, soit à la forme.
- A une
analogie, ou une sorte de similitude et de rapport proportionnel.
- Ou bien
encore, cet exemple est général, au lieu d'être spécial comme
les deux premiers.
- Cette
nature qui sert de support, le texte est moins explicite.
19. Elle est
donc à elle seule, la matière première est un des deux principes
de l'être, la forme étant l'autre.
- Individuel
et particulier, j'ai dû mettre ces deux mots pour rendre la
force de l'expression grecque.
- Que sa
notion, ou sa définition.
- Qui est la
privation, comme le non-musicien, quand on dit que l'homme
devient musicien. Il ne pourrait pas devenir quelque chose qu'il
serait déjà, et il faut donc qu'il soit non-musicien et affecté de
celte privation pour devenir musicien.
§ 20. En
résumé, cette idée d'une conclusion définitive n'est pas aussi
nette dans le texte grec.
- Sont
deux, la matière et la forme.
- Ils sont
aussi davantage, la matière, la privation et la forme.
- Ne peuvent
être que les contraires, voir plus bout, ch. 6. - Un sujet à ces
contraires, c'est l'objet du présent chapitre.
- Ce qui
n'est pas encore éclairci, voir plus loin, livre Il, ch. 1, §§
15 et 17 ; voir aussi la Métaphysique, livre VI, ch. 1, p. 1.028, a,
26, édit. de Berlin. |
CHAPITRE IX.
Explication de l'erreur des anciens
philosophes sur l'immobilité et l'unité de l'être : distinction sur
le sens des mots Être et Non-être. - Autre explication par la
distinction de l'acte et de la puissance. |
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Θ'.
§ 1. Ὅτι δὲ μοναχῶς οὕτω λύεται καὶ ἡ
τῶν ἀρχαίων ἀπορία, λέγωμεν μετὰ ταῦτα.
§ 2. Ζητοῦντες γὰρ οἱ κατὰ φιλοσοφίαν
πρῶτοι τὴν ἀλήθειαν καὶ τὴν φύσιν τῶν ὄντων ἐξετράπησαν οἷον ὁδόν
τινα ἄλλην ἀπωσθέντες ὑπὸ ἀπειρίας, καί φασιν οὔτε γίγνεσθαι τῶν
ὄντων οὐδὲν οὔτε φθείρεσθαι διὰ τὸ ἀναγκαῖον μὲν εἶναι γίγνεσθαι τὸ
γιγνόμενον ἢ ἐξ ὄντος ἢ ἐκ μὴ ὄντος, ἐκ δὲ τούτων ἀμφοτέρων ἀδύνατον
εἶναι· οὔτε γὰρ τὸ ὂν γίγνεσθαι (εἶναι γὰρ ἤδη) ἔκ τε μὴ ὄντος οὐδὲν
ἂν γενέσθαι· ὑποκεῖσθαι γάρ τι δεῖν.
§ 3. Καὶ οὕτω δὴ τὸ ἐφεξῆς συμβαῖνον
αὔξοντες οὐδ' εἶναι πολλά φασιν ἀλλὰ μόνον αὐτὸ τὸ ὄν.
§ 4. Ἐκεῖνοι μὲν οὖν ταύτην ἔλαβον τὴν
δόξαν διὰ τὰ εἰρημένα·
§ 5. Ἡμεῖς δὲ λέγομεν ὅτι τὸ ἐξ ὄντος
ἢ μὴ ὄντος γίγνεσθαι, ἢ τὸ μὴ ὂν ἢ τὸ ὂν ποιεῖν τι ἢ πάσχειν ἢ
ὁτιοῦν τόδε γίγνεσθαι, ἕνα μὲν τρόπον οὐθὲν διαφέρει ἢ τὸ τὸν ἰατρὸν
ποιεῖν τι ἢ πάσχειν ἢ ἐξ ἰατροῦ εἶναί τι ἢ γίγνεσθαι,
§ 6. ὥστ' ἐπειδὴ τοῦτο διχῶς λέγεται,
δῆλον ὅτι καὶ τὸ ἐξ ὄντος καὶ τὸ ὂν ἢ ποιεῖν ἢ πάσχειν.
§ 7. Οἰκοδομεῖ μὲν οὖν ὁ ἰατρὸς οὐχ ᾗ
ἰατρὸς ἀλλ' ᾗ οἰκοδόμος, καὶ λευκὸς γίγνεται οὐχ ᾗ ἰατρὸς ἀλλ' ᾗ
μέλας· ἰατρεύει δὲ καὶ ἀνίατρος γίγνεται ᾗ ἰατρός. ἐπεὶ δὲ μάλιστα
λέγομεν κυρίως τὸν ἰατρὸν ποιεῖν τι ἢ πάσχειν ἢ γίγνεσθαι ἐξ ἰατροῦ,
§ 8. ἐὰν ᾗ ἰατρὸς ταῦτα πάσχῃ ἢ ποιῇ ἢ
γίγνηται, δῆλον ὅτι καὶ τὸ ἐκ μὴ ὄντος γίγνεσθαι τοῦτο σημαίνει, τὸ
ᾗ μὴ ὄν.
§ 9. Ὅπερ ἐκεῖνοι μὲν οὐ διελόντες
ἀπέστησαν, καὶ διὰ ταύτην τὴν ἄγνοιαν τοσοῦτον προσηγνόησαν, ὥστε
μηθὲν οἴεσθαι γίγνεσθαι μηδ' εἶναι τῶν ἄλλων, ἀλλ' ἀνελεῖν πᾶσαν τὴν
γένεσιν·
§ 10. ἡμεῖς δὲ καὶ αὐτοί φαμεν
γίγνεσθαι μὲν μηθὲν ἁπλῶς ἐκ μὴ ὄντος, πὼς μέντοι γίγνεσθαι ἐκ μὴ
ὄντος, οἷον κατὰ συμβεβηκός (ἐκ γὰρ τῆς στερήσεως, ὅ ἐστι καθ' αὑτὸ
μὴ ὄν, οὐκ ἐνυπάρχοντος γίγνεταί τι· θαυμάζεται δὲ τοῦτο καὶ
ἀδύνατον οὕτω δοκεῖ γίγνεσθαί τι, ἐκ μὴ ὄντος)·
§ 11. ὡσαύτως δὲ οὐδ' ἐξ ὄντος οὐδὲ τὸ
ὂν γίγνεσθαι, πλὴν κατὰ συμβεβηκός·
§ 12. οὕτω δὲ καὶ τοῦτο γίγνεσθαι, τὸν
αὐτὸν τρόπον οἷον εἰ ἐκ ζῴου ζῷον γίγνοιτο καὶ ἐκ τινὸς ζῴου τι
ζῷον· οἷον εἰ κύων <ἐκ κυνὸς ἢ ἵππος> ἐξ ἵππου γίγνοιτο. Γίγνοιτο
μὲν γὰρ ἂν οὐ μόνον ἐκ τινὸς ζῴου ὁ κύων, ἀλλὰ καὶ ἐκ ζῴου, ἀλλ' οὐχ
ᾗ ζῷον· ὑπάρχει γὰρ ἤδη τοῦτο· εἰ δέ τι μέλλει γίγνεσθαι ζῷον μὴ
κατὰ συμβεβηκός, οὐκ ἐκ ζῴου ἔσται, καὶ εἴ τι ὄν, οὐκ ἐξ ὄντος· οὐδ'
ἐκ μὴ ὄντος· τὸ γὰρ ἐκ μὴ ὄντος εἴρηται ἡμῖν τί σημαίνει, ὅτι ᾗ μὴ
ὄν.
§ 13. ἔτι δὲ καὶ τὸ εἶναι ἅπαν ἢ μὴ
εἶναι οὐκ ἀναιροῦμεν.
§ 14. Εἷς μὲν δὴ τρόπος οὗτος,
§ 15. ἄλλος δ' ὅτι ἐνδέχεται ταὐτὰ
λέγειν κατὰ τὴν δύναμιν καὶ τὴν ἐνέργειαν· τοῦτο δ' ἐν ἄλλοις
διώρισται δι' ἀκριβείας μᾶλλον.
§ 16. Ὥσθ' (ὅπερ ἐλέγομεν) αἱ ἀπορίαι
λύονται δι' ἃς ἀναγκαζόμενοι ἀναιροῦσι τῶν εἰρημένων ἔνια· διὰ γὰρ
τοῦτο τοσοῦτον καὶ οἱ πρότερον ἐξετράπησαν τῆς ὁδοῦ τῆς ἐπὶ τὴν
γένεσιν καὶ φθορὰν καὶ ὅλως μεταβολήν· αὕτη γὰρ ἂν ὀφθεῖσα ἡ φύσις
ἅπασαν ἔλυσεν αὐτῶν τὴν ἄγνοιαν. |
§ 1. Après ces développements, disons
que cette théorie est déjà une manière de résoudre la question
débattue par les anciens.
§ 2. Les premiers philosophes, malgré
leur amour pour la vérité et leurs recherches sur la nature des
choses, s'égarèrent, poussés en quelque sorte dans une autre voie
par leur inexpérience, et il soutinrent que rien ne se produit et
que rien ne périt, parce qu'il y a nécessité, suivant eux, que ce
qui naît et se produit vienne de l'être ou du non-être, et qu'il y a
pour l'un et pour l'autre cas égale impossibilité. Car, d'abord,
disaient-ils, l'être ne devient pas puisqu'il est déjà ; et en
second lieu, rien ne peut venir du néant, du non-être, puisqu'il
faut toujours qu'il y ait quelque chose qui serve de support.
§ 3. Puis, aggravant encore les
conséquences de ce système, ils ajoutaient que l'être ne peut pas
être plusieurs, et ils ne reconnaissaient dans l'être que l'être
seul.
§ 4. Déjà nous avons fait voir comment
ils ont été amenés à cette opinion.
§ 5. Mais à notre avis, entre ces
diverses expressions, à savoir qu'une chose vient de l'être ou du
non-être, ou bien que l'être ou le non-être fait ou souffre quelque
chose, ou enfin que telle chose devient telle autre chose
quelconque, il n'y a pas en un certain sens plus de différence que
de dire ou que le médecin, par exemple, fait ou souffre telle chose,
ou bien que de médecin l'être devient ou est telle autre chose.
§ 6. Mais comme cette dernière
expression a un double sens, il est clair que celles-ci, à savoir
que la chose vient de l'être et que l'être agit ou souffre, ont
également deux acceptions.
§ 7. Si en effet le médecin vient à
construire une maison, ce n'est pas en tant que médecin qu'il
construit ; mais c'est en tant qu'architecte. S'il devient blanc, ce
n'est pas davantage en tant que médecin, mais c'est en tant qu'il
était noir, tandis que s'il guérit ou s'il échoue en tentant la
guérison d'une maladie, c'est en tant que médecin qu'il agit.
§ 8. Mais comme on dit au sens propre,
éminemment, que c'est le médecin qui fait quelque chose ou souffre
quelque chose, ou devient quelque chose de médecin qu'il était,
quand c'est en tant que médecin qu'il fait cette chose ou qu'il la
souffre ou qu'il devient quelque chose, il est clair que, quand on
dit qu'une chose vient du non-être, ou devient ce qu'elle n'était
pas, c'est en tant que cette chose n'était pas ce qu'elle devient.
§ 9. C'est parce que les philosophes
n'ont pas fait cette distinction qu'ils se sont tant égarés; et
cette première erreur les a conduits jusqu'à soutenir cette
absurdité que rien autre chose en dehors de l'être ne se produit ni
n'existe, et jusqu'à nier toute génération des choses.
§ 10. Nous aussi, nous disons bien
avec eux que rien ne peut, absolument parlant, venir du non-être ;
mais nous admettons cependant que quelque chose peut venir du
non-être, et, par exemple, indirectement et par accident. La chose
vient alors de la privation, qui, en soi, est le non-être, et elle
devient ce qu'elle n'était pas. Du reste, cette proposition est
faite pour étonner, et il semble toujours impossible que quoi que ce
soit puisse même ainsi venir du non-être.
§ 11. C'est encore de la même façon
qu'il faut comprendre que l'être ne peut pas plus venir même de
l'être que du non-être, si ce n'est par accident.
§ 12. L'être vient de l'être
absolument de la même manière que si l'on disait que de l'animal
vient l'animal, aussi bien que de tel animal particulier vient tel
animal particulier aussi ; et par exemple, si l'on disait qu'un
chien vient d'un cheval. Le chien alors pourrait venir non seulement
d'un certain animal, mais encore de l'animal en général ; mais ce ne
serait pas en tant qu'animal qu'il en viendrait, puisqu'il est déjà
animal lui-même. Quand un animal doit devenir animal autrement que
par accident, ce n'est pas de l'animal en général qu'il vient ; et
si c'est d'un être réel qu'il s'agit, il ne viendra ni de l'être ni
du non-être ; car nous avons expliqué qu'on ne peut comprendre cette
expression, venir du non-être, qu'en tant que la chose n'est pas ce
qu'elle devient.
§ 13. De cette façon, nous ne
détruisons pas ce principe que toute chose doit être ou n'être pas.
§ 14. Voilà donc une première manière
de résoudre la question posée par les anciens philosophes.
§ 15. Il y en a encore une autre qui
consiste en ce qu'on peut parler des mêmes choses, soit en tant que
possibles soit en tant qu'actuelles ; mais nous avons exposé cette
théorie de la puissance et de l'acte avec plus de précision dans
d'autres ouvrages.
§ 16. En résumé, nous venons de
résoudre, comme nous l'avions promis, les difficultés qui ont amené
nécessairement les anciens philosophes à nier quelques-uns de nos
principes. C'est aussi la même erreur qui les a tant écartés de la
route où ils auraient pu comprendre la génération et la destruction
des choses, en un mot, le changement ; et cette nature première,
s'ils avaient su la voir, aurait suffit pour dissiper leur
ignorance. |
Ch. IX, §
1. Déjà une manière, voir plus loin une seconde manière, §§
14 et 16.
- La
question débattue par les anciens, voir plus haut les ch. 2 et 3
où est débattue la question de l'unité ou de la pluralité de l'être
§ 2. Les
premiers philosophes, Parménide, Mélissus, et les Ioniens ou
physiciens, dont il a été parlé plus haut ; voir plus haut, ch. 2 et
suiv.
- Rien ne se
produit et rien ne périt, c'était nier le mouvement ; et l'être
était alors immobile et un. Ce système était celui des Eléates.
§ 3. Que
l'être ne peut être plusieurs, en d'autres termes, ils
soutenaient l'unité de l'être, et ils ne distinguaient aucune nuance
dans l'existence des choses. Ce système a été déjà réfuté plus haut,
ch. 3 et 4.
§ 4. Déjà
nous avons fait voir, voir plus haut. ch. 5, § 4, où il est
spécialement question des opinions d'Anaxagore.
§ 5. Qu'une
chose vient de l’être ou du non-être, toute cette pensée est
exposée dans le texte d'une manière peu claire. Voici le sens. Quand
on dit qu'une chose vient ou de ce qui est ou du néant, cette
expression à un double sens. L'être ou le non-être peut s'entendre
dans un sens propre ou dans un sens indirect, comme lorsqu'on dit
qu'un médecin fait telle chose, cela peut signifier ou qu'il agit en
tant que médecin ou qu'il agit en tant qu'homme et fait des actes
qui n'ont aucun rapport à la médecine. Ainsi donc, Rien ne vient de
rien, est une proposition vraie si on la prend au sens propre ; et,
en effet, le néant ne peut rien produire ; mais au sens indirect,
cette proposition n'est plus vraie ; car pour qu'une chose devienne
ce qu'elle n'était pas antérieurement, il faut bien qu'elle parte de
ce qui n'est pas, du non-être.
- Ces
diverses expressions, qui paraissent toutes équivalentes, bien
que la forme soit diverse.
§ 6. Que
celles-ci, qui se rapportent à celles qu'on a citées au §
précédent, et qui n'en sont que la reproduction presque textuelle ;
seulement ici on a retranché l'alternative de l'être et du non-être.
- Ont
également deux acceptions, l'une propre, l'autre indirecte ;
l'une en soi, l'autre accidentelle, comme le prouve l'exemple qui
suit.
§ 7. Si en
effet le médecin vient à construire une maison, c'est le premier
cas supposé au § 5, où le médecin agit et fait quelque chose, sans
que ce soit en tant que médecin.
- S'il
devient blanc, second cas, où le médecin souffre quelque chose
sans que ce soit non plus en tant que médecin.
- S'il
guérit, le médecin agit alors en tant que médecin. - S'il
échoue, il souffre alors en tant que médecin.
§ 8. Au sens
propre éminemment, et non point dans le sens indirect.
- Ou
devient ce qu'elle n'était pas, j'ai ajouté ces mots, qui me
sont que la paraphrase de ce qui précède, mais qui m'ont semblé
indispensables pour la clarté complète de la traduction.
§ 9. Les
philosophes anciens dont il a été question plus haut, au § 1, et
qui soutenaient que le non-être, le néant, ne peut rien produire, et
que rien ne peut venir du néant.
- Rien autre
chose en dehors de l'être, le texte est un peu moins précis et
il dit simplement : "Rien du reste," entendant, par le reste, les
attributs de l'être en dehors de son essence substantielle.
- Toute
génération des choses, c'est-à-dire tout mouvement.
§ 10. Avec
eux, j'ai ajouté ces mots qui sont implicitement compris dans
l'expression grecque.
- Absolument
parlant, au sens qui vient d'être établi un peu plus haut.
-
Indirectement et par accident, il n'y a qu'un seul de ces deux
mots en grec ; j'ai mis les deux pour être plus clair. De la
privation qui, en soi, est le non-être, j'ai préféré ce sens qui me
semble s'accorder mieux avec tout le contexte, bien qu'on pût
comprendre aussi que la chose qui en soi est le non-être vient de la
privation. Voir plus bas, ch. 10, 4.
§ 11. C'est
encore de la même façon, il vient d'être établi qu'en un sens,
l'être peut venir du non-être, malgré ce qu'en avaient pensé les
premiers philosophes. On prouve maintenant ici que l'être ne peut
non plus venir de l'être que pur accident, comme il vient du
non-être. Voir plus haut § 2.
§ 12. Que de
l'animal vient l’animal, sans doute l'animal vient de l'animal
d'une manière générale ; mais dans la réalité c'est un certain
animal d'une espèce particulière qui vient d'un animal de la même
espèce. C'est donc indirectement et par accident qu'on peut dire que
l'animal vient de l'animal ; car si c'était eu sens propre ou serait
conduit à cette absurdité qu'un chien pourrait provenir d'un cheval
tout aussi bien que d'un chien, puisque le cheval est animal autant
que le chien peut l'être, et qu'on a d'abord admis que l'animal
vient da l'animal.
- D'un
certain animal, c'est-à-dire d'un autre chien.
- Mais
encore de l'animal ce général, ce qui est faux.
- Autrement
que par accident, c'est-à-dire en soi et au sens propre du mot.
- Ce n'est
pas de l'animal en général qu'il vient, mais d'un animal de son
espèce particulière.
- Il ne
viendra ni de l'être ni du non-être, pris en soi ; mais il
viendra de l'être ou du non-être compris dans un sens indirect.
Ainsi la chose ne vient pas de l'être ; car si elle était déjà, elle
n'aurait pas besoin de devenir ; mais elle vient de la matière
première, qui est bien aussi un certain être, sans être un être en
soi, et qui peut recevoir indifféremment la forme et les contraires.
On peut donc dire que la chose vient de l'être ; et ainsi il est
vrai qu'elle ne vient pas du non-être ; mais en même temps on peut
dire qu'elle vient du non-être, puisque la privation est précisément
ce qui n'est pas.
§ 13. Que
toute chose doit être ou n'être pas, c'est le principe de
contradiction, qui est te fondement même de tout raisonnement.
Aristote veut se défendre de l'ébranler en quoi que ce soit, par
cette distinction entre l'être en soi et l'être accidentel ; mais la
forme sous laquelle il présente sa pensée est trop concise ; et il
eût été utile de la développer et de l'éclaircir davantage.
§ 14. La
question posée par les anciens philosophes, le texte n'est pas
aussi explicite. Voir plus haut, § 1.
§ 15. Soit
en tant que possibles, autre distinction de la puissance et de
l'acte, de ce qui peut être et de ce qui est, de la simple
possibilité et de la réalité actuelle et présente.
- Dans
d'autres ouvrages, la Métaphysique, livre VIII, ch. 1, p. 1045
et suiv. édit. de Berlin.
§ 16. Comme
nous l'avions promis, voir plus haut, ch. 4, § 1.
- Cette
nature première, le texte n'est pas aussi précis. Voir plus
haut, ch. 7, § 9. Cette phrase ne me parait pas d'un style très
aristotélique, bien qu'elle se rapporte d'ailleurs fort bien à tout
ce qui précède. C'est peut-être quelqu'interpolation. |
CHAPITRE X.
Erreur de quelques autres philosophes,
qui, comme Parménide, admettant l'unité de l'être, n'ont pas
distingué dans cette unité l’acte de la puissance. Définition
générale de la matière et de la forme. - Fin de la théorie des
principes de l'être, de leur nature et de leur nombre. |
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ι'.
§ 1. Ἡμμένοι μὲν οὖν καὶ ἕτεροί τινές
εἰσιν αὐτῆς, ἀλλ' οὐχ ἱκανῶς.
§ 2. Πρῶτον μὲν γὰρ ὁμολογοῦσιν ἁπλῶς
γίγνεσθαί τι ἐκ μὴ ὄντος, ᾗ Παρμενίδην ὀρθῶς λέγειν·
§ 3. εἶτα φαίνεται αὐτοῖς, εἴπερ ἐστὶν
ἀριθμῷ μία, καὶ δυνάμει μία μόνον εἶναι. τοῦτο δὲ διαφέρει πλεῖστον.
§ 4. Ἡμεῖς μὲν γὰρ ὕλην καὶ στέρησιν
ἕτερόν φαμεν εἶναι, καὶ τούτων τὸ μὲν οὐκ ὂν εἶναι κατὰ συμβεβηκός,
τὴν ὕλην, τὴν δὲ στέρησιν καθ' αὑτήν, καὶ τὴν μὲν ἐγγὺς καὶ οὐσίαν
πως, τὴν ὕλην, τὴν δὲ οὐδαμῶς·
§ 5. οἱ δὲ τὸ μὴ ὂν τὸ μέγα καὶ τὸ
μικρὸν ὁμοίως, ἢ τὸ συναμφότερον ἢ τὸ χωρὶς ἑκάτερον. Ὥστε παντελῶς
ἕτερος ὁ τρόπος οὗτος τῆς τριάδος κἀκεῖνος. μέχρι μὲν γὰρ δεῦρο
προῆλθον, ὅτι δεῖ τινὰ ὑποκεῖσθαι φύσιν, ταύτην μέντοι μίαν
ποιοῦσιν· καὶ γὰρ εἴ τις δυάδα ποιεῖ, λέγων μέγα καὶ μικρὸν αὐτήν,
οὐθὲν ἧττον ταὐτὸ ποιεῖ· τὴν γὰρ ἑτέραν παρεῖδεν.
§ 6. Ἡ μὲν γὰρ ὑπομένουσα συναιτία τῇ
μορφῇ τῶν γιγνομένων ἐστίν, ὥσπερ μήτηρ· ἡ δ' ἑτέρα μοῖρα τῆς
ἐναντιώσεως πολλάκις ἂν φαντασθείη τῷ πρὸς τὸ κακοποιὸν αὐτῆς
ἀτενίζοντι τὴν διάνοιαν οὐδ' εἶναι τὸ παράπαν.
§ 7. Ὄντος γάρ τινος θείου καὶ ἀγαθοῦ
καὶ ἐφετοῦ, τὸ μὲν ἐναντίον αὐτῷ φαμεν εἶναι, τὸ δὲ ὃ πέφυκεν
ἐφίεσθαι καὶ ὀρέγεσθαι αὐτοῦ κατὰ τὴν αὑτοῦ φύσιν. Τοῖς δὲ συμβαίνει
τὸ ἐναντίον ὀρέγεσθαι τῆς αὑτοῦ φθορᾶς. Καίτοι οὔτε αὐτὸ αὑτοῦ οἷόν
τε ἐφίεσθαι τὸ εἶδος διὰ τὸ μὴ εἶναι ἐνδεές, οὔτε τὸ ἐναντίον
(φθαρτικὰ γὰρ ἀλλήλων τὰ ἐναντία), ἀλλὰ τοῦτ' ἔστιν ἡ ὕλη, ὥσπερ ἂν
εἰ θῆλυ ἄρρενος καὶ αἰσχρὸν καλοῦ· πλὴν οὐ καθ' αὑτὸ αἰσχρόν, ἀλλὰ
κατὰ συμβεβηκός, οὐδὲ θῆλυ, ἀλλὰ κατὰ συμβεβηκός.
§ 8. Φθείρεται δὲ καὶ γίγνεται ἔστι
μὲν ὥς, ἔστι δ' ὡς οὔ. Ὡς μὲν γὰρ τὸ ἐν ᾧ, καθ' αὑτὸ φθείρεται (τὸ
γὰρ φθειρόμενον ἐν τούτῳ ἐστίν, ἡ στέρησις)· ὡς δὲ κατὰ δύναμιν, οὐ
καθ' αὑτό, ἀλλ' ἄφθαρτον καὶ ἀγένητον ἀνάγκη αὐτὴν εἶναι. εἴτε γὰρ
ἐγίγνετο, ὑποκεῖσθαί τι δεῖ πρῶτον ἐξ οὗ ἐνυπάρχοντος· τοῦτο δ'
ἐστὶν αὐτὴ ἡ φύσις, ὥστ' ἔσται πρὶν γενέσθαι (λέγω γὰρ ὕλην τὸ
πρῶτον ὑποκείμενον ἑκάστῳ, ἐξ οὗ γίγνεταί τι ἐνυπάρχοντος μὴ κατὰ
συμβεβηκός)· εἴτε φθείρεται, εἰς τοῦτο ἀφίξεται ἔσχατον, ὥστε
ἐφθαρμένη ἔσται πρὶν φθαρῆναι.
§ 9. Περὶ δὲ τῆς κατὰ τὸ εἶδος ἀρχῆς,
πότερον μία ἢ πολλαὶ καὶ τίς ἢ τίνες εἰσίν, δι' ἀκριβείας τῆς πρώτης
φιλοσοφίας ἔργον ἐστὶν διορίσαι, ὥστ' εἰς ἐκεῖνον τὸν καιρὸν
ἀποκείσθω. Περὶ δὲ τῶν φυσικῶν καὶ φθαρτῶν εἰδῶν ἐν τοῖς ὕστερον
δεικνυμένοις ἐροῦμεν.
§ 10. Ὅτι μὲν οὖν εἰσὶν ἀρχαί, καὶ
τίνες, καὶ πόσαι τὸν ἀριθμόν, διωρίσθω ἡμῖν οὕτως· πάλιν δ' ἄλλην
ἀρχὴν ἀρξάμενοι λέγωμεν. |
§ 1. Il y a bien quelques autres
philosophes qui ont touché à cette théorie de la nature première ;
mais ils ne l'ont pas fait d'une manière suffisante.
§ 2. D'abord ils reconnaissent avec
nous que quelque chose peut venir absolument du non-être, et qu'en
ceci Parménide a toute raison.
§ 3. Mais ensuite ils prétendent que,
la nature première étant une numériquement, elle ne doit également
qu'être une en puissance ; or, c'est là une différence aussi énorme
que possible.
§ 4. Pour notre part, nous affirmons
que la privation et la matière sont des choses très diverses ; que
la matière est le non-être par accident, tandis que la privation est
le non-être en soi; et que la matière fort voisine de la substance
est, à certains égards, substance elle-même, tandis que la privation
ne l'est pas du tout.
§ 5. Mais d'autres philosophes placent
le non-être dans le grand et le petit indifféremment, soit en les
réunissant tous les deux ensemble, soit en les prenant chacun
séparément ; et, par conséquent, cette manière qu'ils ont d'entendre
la triade est absolument différente de celle qui vient d'être
indiquée. En effet, ils sont bien allés jusqu'à ce point d'admettre
comme nécessaire l'existence d'une nature qui doit servir de support
; mais ils ont supposé que cette nature est une ; et si quelque
philosophe admet une dyade en la reconnaissant dans le grand et le
petit, il n'en fait pas moins encore comme eux, puisqu'il oublie
l'autre partie de l'être qui est la privation.
§ 6. L'une de ces parties, en effet,
qui demeure et subsiste, concourt avec la forme pour produire comme
une mère tous les phénomènes qui adviennent ; mais quant à l'autre
partie de l'opposition des contraires, elle pourrait bien plus d'une
fois faire l'effet de ne point exister du tout, pour celui qui ne
regarderait en elle que son côté destructif.
§ 7. En effet, comme il y a dans les
choses un élément divin, excellent et désirable, nous disons que
l'un de nos deux principes est contraire à cet élément, tandis que
l'autre est fait par sa propre nature pour rechercher et désirer cet
élément divin. Mais dans les théories que nous combattons, il arrive
que le contraire désire sa propre destruction. Cependant il est à la
fois impossible, et que la forme se désire elle-même, parce qu'elle
n'a aucune défectuosité, et que le contraire la désire, puisque les
contraires se détruisent mutuellement. Mais c'est là précisément le
rôle de la matière ; et elle est comme la femelle qui désire devenir
mâle, ou le laid qui veut devenir beau; car la matière n'est pas le
laid en soi ; elle n'est laide que par accident ; elle n'est pas non
plus femelle en soi ; elle ne l'est qu'accidentellement.
§ 8. Dans un sens, la matière périt et
naît ; et dans un autre sens, elle ne naît ni ne périt. Ce qui périt
en elle, c'est la privation ; mais en puissance elle ne naît ni ne
périt en soi. Loin de là ; il y a nécessité qu'elle soit
impérissable et incréée. En effet, si elle naissait, il faudrait
qu'il y eût antérieurement un sujet originaire d'où elle pût venir ;
mais c'est là justement sa nature propre ; et alors la matière
existerait avant même de naître ; car j'appelle matière ce sujet
primitif qui est le support de chaque chose, et d'où vient
originairement, et non par accident, la chose qui en sort. Si l'on
dit que la matière peut périr, elle rentrera en elle-même,
puisqu'elle est le terme extrême, et il s'en suivrait que la matière
aurait péri avant même de périr.
§ 9. Quant au principe particulier de
la forme, c'est le devoir de la Philosophie première de déterminer
avec précision si ce principe est unique ou multiple, et d'étudier
la nature de ce principe spécial, ou de ces principes, s'il y en a
plusieurs. Nous renverrons donc pour cette occasion la théorie que
nous ne faisons qu'indiquer ici, et nous nous réservons seulement de
parler des formes naturelles et périssables dans les démonstrations
qui vont suivre.
§ 10. En résumé, nous nous sommes
borné jusqu'à présent à établir qu'il y a des principes ; nous en
avons déterminé la nature et le nombre. Abordons à cette heure une
autre théorie, en prenant un autre point de départ. |
Ch. X, § 1.
Quelques autres philosophes, la suite prouve qu'il s'agit de
Platon et de son école ; voir un peu plus bas, § 5 et la note.
- D'une
manière suffisante, ceci peut s'entendre d'une façon toute
générale, ou bien eu ce sens que les philosophes dont il est ici
question n'ont pas assez approfondi cette théorie, pour pouvoir
résoudre les objections de l'École d'Élée.
§ 2. Avec
nous, j'ai ajouté ces mots qui sont implicitement compris dans
l'expression du texte.
-
Parménide a toute raison, voir le Parménide de Platon, p. 8,
traduction de M. V. Cousin.
§ 3. Étant
une numériquement, voir le Parménide de Platon.
- Aussi
énorme que possible, puisqu'il y a toute la différence du néant
à l'être, du possible au réel.
§ 4. La
privation et la matière, expliquées comme elles l'ont été plus
haut, ch. 8, §§ 10 et suiv.
- Est le
non-être en soi, voir plus haut, ch. 9, § 10. La matière est
substance en puissance.
- La matière
fort voisine de la substance, voir les Catégories, ch. 5, § 16,
p. 67 de ma traduction, où est exposée la théorie de la substance.
C'est la forme qui achève la matière et lui donne tous les
caractères de la substance.
§ 5. Dans le
grand et le petit indifféremment, en tant que contraires, voir
le Parménide de Platon, p. 15, 54, 59, et 81, traduction de M. V.
Cousin, et la Métaphysique, livre 1, ch. 6, p. 987, b, 20, édit. de
Berlin.
- D'entendre
la triade, cette triade étant composée du grand et du petit,
c'est-à-dire des deux contraires et de l'idée qui les comporte.
- De celle
qui vient d'être indiquée, la matière, la privation et la forme.
Le texte est moins précis que ma traduction.
- Si quelque
philosophe, c'est sans doute Platon.
- L'autre
partie de l'être, l'expression du texte est moins précise.
- Qui est la
privation, j'ai cru devoir ajouter ces mots.
§ 6. Comme
une mère, cette expression me paraît pour Aristote bien
prétentieuse et bien recherchée ; c'est peut-être une interpolation,
et une sorte de glose.
- Mais quant
à l'autre partie de l'opposition, c'est-à-dire la privation.
- Que son
côté destructif, cette expression me semble encore peu
Aristotélique, ainsi que tout ce qui va suivre jusqu'à la fin du §
7.
§ 7. Un
élément divin, c'est la forme ou l'idée, ou bien encore
l'espèce.
- L'un de
nos deux principes, à savoir la privation.
- L'autre,
à savoir la matière, qui tend à la forme, et désire cet élément
divin que la forme représente.
- Mais dans
les théories que nous combattons, le texte dit simplement : Mais
pour eux, pour les philosophes dont il a été parlé un peu plus haut.
-
C'est là le rôle de la matière, la matière désire la forme qui
l'achève et la complète, tandis que le contraire ne peut désirer la
forme qui le détruit, en le remplaçant par son contraire.
- Elle est
comme la femelle, cet exemple peut sembler assez bizarre, et on
peut trouver que la femelle est dans sa nature aussi complète que le
mâle. Voir sur le mâle et la femelle, le Traité de la génération des
animaux, livre II, p. 731 et suiv. de l'édit. de Berlin.
§ 8. Dans un
sens... dans un autre sens, ces deux alternatives vont êtres
discutées ; mais la conclusion est que la matière première de
l'être, au sens où elle est entendue ici, ne naît ni ne périt. Ce
qui périt en elle c'est la privation ; ce qui naît c'est la forme
représentée par un des deux contraires. En puissance, elle subsiste
toujours ce qu'elle est en soi.
-
Impérissable et incréée, au sens restreint où la privation périt
et où la forme est créée ; je ne crois pas que ces expressions
puissent avoir ici le portée générale que quelques commentateurs
leur ont prêtée.
- Si l'on
dit que la matière peut périr, seconde alternative : La matière
ne périt pas plus qu'elle ne naît ; elle devrait périr en elle-même
comme y périssent les contraires, et il est aussi absurde de dire
qu'elle périt en elle-même que de dire qu'elle naît d'elle-même.
- Avant même
de périr, impossibilité égale à celle qui ferait exister la
matière avant même qu'elle ne fût née.
§ 9. Le
devoir de la philosophie première, la Métaphysique. Voir la
Métaphysique, livre VII, ch. 4 et suiv., et livre XII, ch. 3, p.
1029 et 1069, édit. de Berlin.
- Que nous
ne faisons qu'indiquer ici, le texte n'est pas aussi explicite.
- Des formes
naturelles et périssables, en d'autres termes, sujettes au
changement.
§ 10. Qu'il
y a des principes, voir plus haut ch. 2. - La nature et le
nombre, voir plus haut ch. 3 et suiv. |