Aristote : Melissus,...

ARISTOTE

DE MÉLISSUS, DE XÉNOPHANE, ET DE GORGIAS.

ΠΕΡΙ ΞΕΝΟΦΑΝΟΥΣ, ΠΕΡΙ ΖΗΝΩΝΟΣ, ΠΕΡΙ ΓΟΡΓΙΟΥ. 

 

 

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

 

 

 

 

DE MÉLISSUS, DE XÉNOPHANE, ET DE GORGIAS.


ΠΕΡΙ ΞΕΝΟΦΑΝΟΥΣ, ΠΕΡΙ ΖΗΝΩΝΟΣ, ΠΕΡΙ ΓΟΡΓΙΟΥ. 

 

volume des Oeuvres complètes d'Aristote : DE LA PRODUCTION ET DE LA DESTRUCTION DES CHOSES

(DE GENERATIONE ET CORRUPTIONE)

(page 217 à 268)

 

 

 

 

 



DOCTRINES DE MÉLISSUS.

ΠΕΡΙ ΞΕΝΟΦΑΝΟΥΣ.


CHAPITRE PREMIER.

L'être est éternel, Infini, un, et Immobile ; conditions et conséquences nécessaires de l'unité ; le mélange. L'apparence des choses est contraire à l'unité ; juste défiance qu'on doit avoir du témoignage des sens. - Objections à la théorie de l'unité et au scepticisme; opinions contraires à ce système ; citations d'Hésiode et de quelques autres philosophes.

1 [974a]  Ἀΐδιον εἶναί φησιν εἴ τί ἐστιν, εἴπερ μὴ ἐνδέχεται γενέσθαι μηδὲν ἐκ μηδενός. Εἴτε γὰρ ἅπαντα γέγονεν εἴτε μὴ πάντα ἀΐδι' ἀμφοτέρως. ξ οὐδενὸς γὰρ αὐτῶν ἂν γινόμενα. πάντων τε γὰρ γινομένων οὐδὲν προϋπάρχειν· 2 εἴτ' ὄντων τινῶν ἀεὶ ἕτερα προσγίνοιτο, πλέον ἂν καὶ μεῖζον τὸ ἓν γεγονέναι. δὴ πλέον καὶ μεῖζον, τοῦτο γενέσθαι ἂν ἐξ οὐδενός· τῷ γὰρ ἐλάττονι τὸ πλέον, ἢ δ' ἐν τῷ μικροτέρῳ τὸ μεῖζον οὐχ ὑπάρχειν.

3 ΐδιον δὲ ὂν ἄπειρον εἶναι, ὅτι οὐκ ἔχει ἀρχὴν ὅθεν ἐγένετο, οὐδὲ τελευτὴν εἰς ὃ γινόμενον ἐτελεύτησέ ποτε· πᾶν δὲ καὶ ἄπειρον ὂν εἶναι. Εἰ γὰρ πλέον ἢ δύο εἴη, πέρατ' ἂν εἶναι ταῦτα πρὸς ἄλληλα. 4 ν δὲ ὅμοιον εἶναι πάντα· εἰ γὰρ ἀνόμοια πλείω ὄντα, οὐκ ἂν ἔτι ἓν θεῖναι ἀλλὰ πολλά. ΐδιον δὲ ὂν μέτριόν τε καὶ ὅμοιον πάντῃ ἀκίνητον εἶναι τὸ ἕν. Οὐ γὰρ ἂν κινηθῆναι μὴ ἔς τι ὑποχωρῆσαν. ποχωρῆσαι δὲ ἀνάγκην εἶναι ἤτοι εἰς πλῆρες ἰὸν ἢ κενόν. Τούτων δὲ τὸ μὲν οὐκ ἂν δέξασθαι τὸ πλῆρες, τὸ δὲ οὐκ εἶναι οὐδὲν [ἢ] τὸ κενόν.

5 Τοιοῦτο δὲ ὂν τὸ ἓν ἀνώδυνόν τε καὶ ἀνάλγητον ὑγιές τε καὶ ἄνοσον εἶναι, οὔτε μετακοσμούμενον θέσει, οὔτε ἑτεροιούμενον εἴδει, οὔτε μιγνύμενον ἄλλῳ. Κατὰ πάντα γὰρ ταῦτα πολλά τε τὸ ἓν γίνεσθαι καὶ τὸ μὴ ὂν τεκνοῦσθαι καὶ τὸ ὂν φθείρεσθαι ἀναγκάζεσθαι. 6 Ταῦτα δὲ ἀδύνατα εἶναι. Καὶ γὰρ εἰ τὸ μεμῖχθαί τι ἓν ἐκ πλειόνων λέγοιτο, καὶ εἴη πολλὰ κινούμενα εἰς ἄλληλα τὰ πράγματα, καὶ ἡ μῖξις ἡ ὡς ἐν ἑνὶ σύνθεσις εἴη τῶν πλειόνων, ἢ τῇ ἀπαλλάξει οἷον ἐπιπρόσθησις γίνοιτο τῶν μιχθέντων, ἐκείνους μὲν ἂν δι' ἀλλήλων χωριζόντων εἶναι τὰ μιχθέντα, ἐπιπροσθήσεως δ' οὔσης ἐν τῇ τρίψει γίνεσθαι ἂν ἕκαστον φανερόν, ἀφαιρουμένων [974b] τῶν πρώτων τὰ ὑπ' ἄλληλα τεθέντα τῶν μιχθέντων· ὧν οὐδέτερον συμβαίνειν.

7 Διὰ τοῦτον δὲ τὸν τρόπον κἂν εἶναι πολλὰ κἂν ἡμῖν, ὡς τὸ φαίνεσθαι μόνως. στ' ἐπειδὴ οὐχ οἷόν θ' οὕτως, οὐδὲ πολλὰ δυνατὸν εἶναι τὰ ὄντα, ἀλλὰ ταῦτα δοκεῖν οὐκ ὀρθῶς. Πολλὰ γὰρ καὶ ἄλλα κατὰ τὴν αἴσθησιν φαντάζεσθαι ἅπασαν. Λόγον δ' οὔτ' ἀναιρεῖ τὰ αὐτὰ γίνεσθαι, οὔτε πολλὰ εἶναι τὸ ὄν, ἀλλ' ἀΐδιόν τε καὶ ἄπειρον καὶ πάντῃ ὅμοιον αὐτὸ αὑτῷ.

8 ρ' οὖν δεῖ πρῶτον μὲν μὴ πᾶσαν λαβόντα δόξαν ἄρχεσθαι, ἀλλ' ἀεὶ μάλιστα ὂν βέβαιον. στ' εἰ μὲν ἅπαντα τὰ δοκοῦντα μὴ ὀρθῶς ὑπολαμβάνεται, οὐθὲν ἴσως προσήκει οὐδὲ τούτῳ προχρῆσθαι τῷ δόγματι, οὐκ ἄν ποτε οὐδὲν γένοιτο ἐκ μηδενός. Μία γάρ τίς ἐστι δόξα καὶ αὕτη τῶν οὐκ ὀρθῶν, ἣν ἐκ τοῦ αἰσθάνεσθαί πως ἐπὶ πολλῶν ὄντες ὑπειλήφαμεν. 9 Εἰ δὲ μὴ πάντα ἡμῖν ψευδῆ τὰ φαινόμενα, ἀλλὰ τινές εἰσι καὶ τούτων ὀρθαὶ ὑπολήψεις ἢ ἐπιδεῖξαι τὰς τοιαύτας ποιότητας μάλιστα δοκούσας ὀρθάς, ταύτας ληπτέον, ἃς ἀεὶ βεβαιοτέρας εἶναι δεῖ ἢ αἳ μέλλουσιν ἐξ ἐκείνων τῶν λόγων δειχθήσεσθαι.

10 Εἰ γὰρ καὶ εἶεν δύο δόξαι ὑπεναντίαι ἀλλήλαις, ὥσπερ οἴεται, εἰ μὴ πολλὰ γενέσθαι φησίν, ἀνάγκη εἶναι ἐκ μὴ ὄντων. Εἰ δὲ τοῦτο μὴ οἷόν τε, οὐκ εἶναι τὰ ὄντα πολλά. Γένοιτο γὰρ ἂν ὄν, ὅτι ἔστιν ἄπειρον εἶναι. Εἰ δ' οὕτως, καὶ ἕν. μοίως μὲν δὴ ἡμῖν ὁ ἀμφοτέρων π οὐδὲν μᾶλλόν τι ἕν, ἢ ὅτι πολλὰ δείκνυται. Εἰ δὲ βέβαιος μᾶλλον ἡ ἑτέρα, ἀπὸ ταύτης ξυμπερανθέντα μᾶλλον δέδεικται. 11 Τυγχανόμενα δέ, ἔχοντος ἀμφοτέρας τὰς ὑπολήψεις ταύτας, καὶ κινούμενα μέν ἐστι τὰ ὄντα. μφοῖν δὲ πιστὴ μᾶλλον αὕτη, καὶ θᾶττον ἂν προεῖντο πάντες ταύτην ἐκείνης τὴν δόξαν. στ' εἰ καὶ συμβαίνει ἐναντίας [975a] εἶναι τὰς φάσεις, καὶ ἀδύνατον γίνεσθαί τε ἐκ μὴ ὄντος καὶ μὴ πολλὰ εἶναι τὰ πράγματα, ἐλέγχοιτο μὲν ἂν ὑπ' ἀλλήλων ταῦτα,

12 ἀλλὰ τί μᾶλλον οὕτως ἂν ἔχοι; σως τε κἂν φαίη τις τούτοις τἀναντία. Οὔτε γὰρ δείξας ὅτι ὀρθὴ δόξα ἀφ' ἧς ἄρχεται, οὔτε μᾶλλον βέβαιον ἢ περὶ ἧς δείκνυσι λαβών, διελέχθη. Μᾶλλον γὰρ λαμβάνεται εἰκὸς εἶναι γίνεσθαι ἐκ μὴ ὄντος ἢ μὴ πολλὰ εἶναι. 13 Λέγεταί τε καὶ σφόδρα ὑπὲρ αὐτῶν γίγνεσθαί τε τὰ μὴ ὄντα, καὶ μὴ γεγονέναι πολλὰ ἐκ μὴ ὄντων, καὶ οὐχ ὅτι οἱ τυγχάνοντες, ἀλλὰ καὶ τῶν δοξάντων εἶναι σοφῶν τινὲς εἰρήκασιν. Αὐτίκα δ' Ἡσίοδος

"πρῶτον μὲν πάντων" φησὶ "χάος ἐγένετ',
αὐτὰρ ἔπειτα γαῖ' εὐρύστερνος,
πάντων ἕδος ἀσφαλὲς αἰεί,

ἠδ' ἔρος, ὃς πάντεσσι μεταπρέπει ἀθανάτοισιν."

Τὰ δ' ἄλλα φησὶ γενέσθαι, ταῦτα δ' ἐξ οὐδενός. 14 Πολλοὶ δὲ καὶ ἕτεροι εἶναι μὲν οὐδέν φασι, γίγνεσθαι δὲ πάντα, λέγοντες ἐξ οὐκ ὄντων γίνεσθαι τὰ γινόμενα. στε τοῦτο μὲν δῆλον, ὅτι ἐνίοις γε δοκεῖ καὶ ἐξ οὐκ ὄντων ἂν γενέσθαι.

§ 1. [974] Il soutient que, si quelque chose existe, ce quelque chose doit être éternel, puisque, selon lui, il est impossible que jamais quelque chose naisse de rien. Soit en effet que tout ait été créé, soit que tout ne l'ait pas été, il n'en faut pas moins, dans les deux suppositions, que celles des choses qui ont été créées soient sorties de rien, puis qu'aucune de toutes les choses qui ont été ainsi produites n'existaient auparavant. § 2. Que si l'on dit que, certaines choses existant préalablement, d'autres choses sont venues s'y joindre, il en résulte que le tout, qui est un, a dû s'accroître en nombre et en quantité. Or cela même par quoi il devient plus nombreux et plus grand doit venir d'abord de rien ; car le plus ne peut pas être dans le moins, ni le plus grand dans le plus petit.

§ 3. Du moment que le tout est éternel, il doit être par cela même infini, parce qu'il n'y a pas de principe d'où il pourrait venir, pas plus qu'il n'y a de fin où parvenant il pût jamais finir. Tout infini doit nécessairement être un; car s'il y avait plusieurs infinis, ou même deux infinis, ils se serviraient mutuellement de limites les uns aux autres. § 4. Étant un, il doit être semblable dans toutes ses parties; car s'il était dissemblable, il ne serait plus un par cela seul ; et n'étant plus un, il serait plusieurs. Étant éternel, incommensurable, et semblable dans toutes ses parties, l'un doit être immobile ; car il ne pourrait se mouvoir que dans quelque chose qui se retirerait devant lui. Mais se retirer, ce ne peut être que pour aller dans le plein, ou dans le vide. Or, d'une part le plein ne peut plus rien recevoir ; et d'autre part, le vide lui-même n'est rien.

§ 5. L'un étant ce qu'on vient de dire, il s'ensuit qu'il ne peut éprouver ni peine, ni douleur ; il doit être sain et sans maladie, de même qu'il ne peut ni changer de position pour en prendre une meilleure, ni se transformer pour prendre une autre espèce, ni se mêler à une autre chose. Dans toutes ces conditions, l'un deviendrait plusieurs ; ce serait le non-être qui serait enfanté ; et l'être, qui serait détruit nécessairement. § 6. Or tout cela est absolument impossible. En effet, si le mélange est dit un, parce qu'il s'est formé de plusieurs choses, il faut donc qu'il y ait eu préalablement plusieurs choses, et que ces choses se soient mues les unes vers les autres. Le mélange n'est, au fond, que la combinaison de plusieurs choses en une ; ou bien, c'est, par la répartition, comme une sorte de juxtaposition des choses qui se mêlent. De cette façon, les choses se mélangeraient, parce qu'elles se sépareraient les unes des autres ; et la juxtaposition se faisant dans le broiement des choses, on devrait retrouver clairement chacune d'elles, en enlevant [974b] les premières choses qui se sont mélangées en se mettant les unes sur les autres. Or, aucun de ces deux cas ne se présente.

§ 7. Ainsi de cette manière, les choses, selon Mélissus, seraient multiples; et elles ne se montreraient pas du tout à nous avec unité. Par conséquent, comme il n'est pas possible qu'il en soit de cette façon, et qu'il ne se peut pas que les choses soient plusieurs, il faut dire que ce n'est là qu'une fausse apparence, comme d'ailleurs il y en a tant d'autres qui trompent et abusent nos sens. Mais la raison nous affirme que ces choses ne sont pas ; elle nous affirme que l'être ne peut pas être multiple, qu'il est un, éternel, infini, et semblable dans toutes ses parties.

§ 8. Notre premier soin doit-il donc être de ne pas accepter toute apparence et de ne s'en fier qu'aux plus certaines? Mais si tout ce qui nous parait vrai n'est pas exact, et ne mérite pas cependant notre adhésion, peut-être aussi ferions-nous bien de ne pas accepter non plus cette maxime, que rien jamais ne peut venir de rien ; car c'est là peut-être aussi une de ces opinions peu justes et si nombreuses, que nous avons tous conçues à la suite de perceptions plus ou moins exactes. § 9. Mais si toutes nos perceptions ne sont pas fausses, .et s'il en est parmi elles quelques-unes qui soient justes, il faut choisir, ou l'opinion dont on a démontré la vérité, ou celles qui paraissent les plus vraies; car celles-là seront toujours plus solides que les opinions qui doivent être démontrées ensuite, à l'aide de ces premiers principes.

§ 10. Admettons, si l'on veut, que ces deux opinions sont contraires l'une à l'autre, comme Mélissus le suppose : d'abord, qu'en soutenant la multiplicité, on est forcé de la faire sortir du non-être ; et qu'ensuite ceci étant impossible, on doit en conclure que les êtres ne sont pas multiples, l'être, par cela seul qu'il est, étant infini, et à titre d'infini, étant un. § 11. Nous prétendons que ces deux opinions ne prouvent pas plus l'une que l'autre que l'être est un, ou qu'il est multiple. Mais si l'une des deux est plus vraie et plus solide, les conséquences qu'on en fait sortir sont aussi mieux démontrées. Or, si nous avons à la fois ces deux convictions que rien ne peut venir de rien, et que les êtres sont multiples et mobiles, cette dernière nous paraissant la plus digne de foi, c'est à elle que tous les hommes donneront leur assentiment plutôt qu'à l'autre. Par conséquent, si ces deux assertions sont contraires [975a] en effet, et s'il est impossible que rien vienne de rien et que les êtres soient multiples, ces théories se réfutent et se détruisent réciproquement.

§ 12. Mais alors, pourquoi l'opinion de Mélissus serait-elle plus vraie ? On peut tout aussi bien soutenir l'opinion contraire, puisque Mélissus a développé son raisonnement, sans avoir démontré que l'opinion d'où il part est la vraie, ou du moins qu'elle est plus solide que celle dont il prétend démontrer la fausseté. C'est une simple supposition de sa part, quand il croit qu'il y a plus de vraisemblance à ce que les choses viennent de rien plutôt qu'à ce qu'elles ne soient pas multiples. §13. On a fort bien dit, au contraire ici, que des choses qui n'étaient pas se sont produites, et que bien des choses sont sorties du néant. Et ce ne sont pas les premiers venus qui ont émis ces idées ; ce sont les gens réputés les plus sages. Par exemple, Hésiode a dit :

« Le chaos existait avant toutes les choses ;
A la suite parut la terre au vaste sein,
Éternel fondement de tout ce qu'elle porte.
. . . . . . . . . . . . . . .
Puis ensuite, l'Amour, le plus puissant des Dieux. »

Selon Hésiode, tout le reste est né de là; mais les premiers principes ne sont nés de rien. § 14. Il y a bien d'autres philosophes qui disent aussi que rien n'est et que tout devient, affirmant également que toutes les choses qui deviennent naissent de choses qui ne sont pas. Par conséquent, on peut dire qu'il est clair que, pour certains philosophes, le devenir peut même sortir du non-être.

Ch. I, Doctrines de Mélissus, j'ai ajouté ce titre, qui n'est pas dans le texte grec; voir plus haut, page 194, la Dissertation sur ce titre, et sur l'attribution faite ici à Mélissus des doctrines contenues dans les deux premiers chapitres. - § 1. Il soutient, j'ai conservé la forme de l'original, toute vague qu'elle est. Il eût beaucoup mieux valu nommer expressément le philosophe. Avec le titre que je me suis permis de mettre à ce chapitre, il n'y a pas de doute sur le personnage dont il s'agit ; mais je ne me suis pas cru autorisé à faire passer cette conjecture dans le texte lui-même, pour la première phrase et au début de ce traité. Dans le courant des chapitres, j'ai suppléé le nom de Mélissus plusieurs fois, comme je l'ai fait aussi pour Xénophane et Gorgias. Sur l'attribution à Mélissus, voir plus loin ch. I V, § 1. - Si quelque chose existe, voir plus loin, les Fragments de Mélissus, fragment I. -Selon lui, j'ai ajouté ces mots, pour rendre toute la force de l'expression grecque. - Soit que tout ne l'ait pas été, et qu'il n'y ait qu'un certain nombre de choses qui aient été créées. - Dans les deux suppositions, le texte n'est pas tout à fait aussi formel. - Qui ont été ainsi produites, et qui, par conséquent, ne sont pas éternelles.

§ 2. Que le tout, qui est un, le texte dit simplement : « L'un. » - En nombre et en quantité, l'original dit : « Devenir multiple et plus grand. »

§ 3. Le tout est éternel, voir plus loin les Fragments de Mélissus, fragm. 2 et 3. - Par cela même infini, c'est presqu'une tautologie; car l'éternel n'est que l'infini en durée. - Ils se serviraient mutuellement de limites, ce sont les expressions mêmes que rapporte Simplicius; voir plus loin, Fragments de Mélissus, fragm. 3; et aussi, fragm. 10.

§ 4. Il doit être semblable à lui-même, voir plus loin, Fragments de Mélissus, fragm. 4. - L'un doit être immobile, id., ibid. - Qui se retirerait devant lui, voir plus loin, Fragments de Mélissus, frag. 5. - Le vide n'est rien, voir plus loin, id., ibid.

§ 5. Éprouver ni peine ni douleur, ceci peut se prendre soit au physique, soit au moral; voir plus loin, Fragments de Mélissus, fragm. 4. - Sain et sans maladie, ces idées sont peut-être un peu étroites, et c'est traiter l'être un peu trop comme le corps humain; voir plus loin, fragm. 11. - Qui serait enfanté, c'est la reproduction exacte de l'expression grecque.

§ 6. Si le mélange est dit un, sur la théorie du mélange, voir plus haut le Traité de la Production et de la Destruction des choses, Livre 1, chap. 10, pages 105 et suiv. - Par a répartition, il paraît que le mot dont se sert ici le texte était spécial au dialecte des Abdéritains ; voir le Commentaire de Simplicius sur le Traité du Ciel, f° 150, a. - Parce qu'elles se sépareraient, ou pourraient se séparer. Il est probable que Se séparer est pris ici dans le sens de Se distinguer. - Dans le broiement des choses, c'est l'expression même du texte; mais elle n'est pas très exacte.

§ 7. Selon Mélissus, j'ai ajouté ces mots pour rendre toute la force de l'expression du texte. - Ce n'est là qu'une fausse apparence, c'est là le scepticisme de l'école d'Élée, qui, accordant trop à la raison, n'a pas assez donné aux sens. Voir plus loin quelque chose de ces idées, Fragments de Mélissus, fragm. 17. - La raison nous affirme, si l'on applique ceci à Dieu, la théorie est incontestable, et son unité est aussi évidente rationnellement que son infinité et sa toute puissance. Mais la multiplicité des êtres individuels ne l'est pas moins; et il faut bien que la raison l'admette, sans pouvoir, d'ailleurs, se l'expliquer.

§ 8. Doit-il donc être, il semble que l'affirmation aurait été préférable; mais j'ai dû suivre le texte. Tout ce passage est le plus complet que nous ait laissé l'antiquité sur la méthode et la logique de l'école d'Élée. - Toute apparence, ou  « tout ce qui apparaît à notre raison; » car il ne s'agit pas ici d'apparences sensibles. - N'est pas exact, et ne mérite pas notre adhésion, le texte n'est pas aussi développé. - De ne pas a accepter non plus cette maxime, au contraire, l'école d'Élée a pleinement accepté cet axiome, et elle l'a pris pour fondement de ses théories sur l'éternité et l'unité de l'être. - Peu justes, le texte n'est pas tout à fait aussi explicite; mais cette nuance y est certainement comprise.

§ 9. Toutes nos perceptions ne sont pas fausses, cette réserve fait grand honneur à l'école d'Élée; et il faut en tenir compte. Les Sophistes, et Protagoras entr'autres, sont allé beaucoup trop loin dans le sens contraire, en soutenant que l'homme est la mesure de tout. Ils ont été conduits, par cet excès, au scepticisme absolu, de Gorgias; voir plus loin, chapitres 5 et 6 de ce traité, et l'analyse du système de Gorgias par Sextus Empiricus. - Ou l'opinion dont on a démontré la vérité, excellent principe qu'ont, plus tard, reproduit sous d'autres formes, mais non plus fermement, Platon et Descartes. - Qui paraissent les plus vraies, et qui sont indémontrables, pouvant, dès lors, servir à démontrer tout le reste. C'est la grande doctrine d'Aristote dans les Derniers Analytiques; et c'est le fondement sur lequel repose toute démonstration, que ce fondement soit découvert ou caché; voir ma traduction des Derniers Analytiques, Logique d'Aristote, tome III, page 9, Livre 1, ch. 2. - A l'aide de ces premiers principes, qui sont eux-mêmes indémontrables, parce qu'ils sont évidents.

§ 10. Comme Mélissus le suppose, le texte dit simplement : « comme il le suppose; » voir plus haut, § 1, et la Dissertation, page 195. Toute cotte phrase est un peu embarrassée dans ma traduction, comme elle l'est dans le texte grec. - On est forcé de la faire sortir du non-être, voir plus haut, § 1.

§ 11. Nous prétendons, l'expression du texte n'est peut-être pas aussi formelle. - Les conséquences qu'on en fait sortir, ou « Les conclusions qu'on en tire. » Il est clair d'ailleurs que le principe d'où l'on part étant lui-même plus solide, la démonstration qu'il produit est plus solide aussi. - Les deux convictions, l'expression grecque signifie plus directement : suppositions, conjectures. - Rien ne peut venir de rien, ceci est vrai, appliqué aux êtres de la nature. Ce ne l'est pas autant appliqué à Dieu; et quand il s'agit de lui, il faut bien arriver à une création e nihilo, c'est-à-dire à une véritable création. - Les êtres sont multiples et mobiles, comme nous l'atteste le témoignage irrécusable de nos sens. - Ces théories se réfutent, et alors quelque chose peut venir du néant, et les êtres sont mobiles.

§ 12. L'opinion de Mélissus, l'expression du texte est tout à fait indéterminée, et il ne nomme pas Mélissus ; voir plus haut, § 1. - Puisque Mélissus, même observation. - Dont il prétend démontrer la fausseté, le texte dit simplement:  « Sur laquelle il démontre. » - C'est une simple supposition, le terme dont se sert ici le texte est étymologiquement le même que plus haut, au § précédent. - Il y a plus de vraisemblance, en d'autres termes : « la création e nihilo est plus probable que l'unité de l'être. » On conçoit mieux que les choses soient venues de rien qu'on ne conçoit qu'elle ne sont pas multiples. Cela tient à ce que la pluralité semble évidente, tandis que la création se cache dans les ténèbres du passé et de l'origine.

§ 13. Se sont produites, les manuscrits ont ici une négation au lieu d'une affirmation, comme le rappelle M. Müllach. Spalding a proposé de la supprimer, et je trouve, comme M. Müllach, que cette suppression est indispensable pour la suite des idées. - Les premiers venus, ou  « le vulgaire. » -  Hésiode, voir la Théogonie, vers 116 et suiv. page 3, édition de Firmin Didot. Ces vers qui ne sont pas cités ici textuellement, se trouvent reproduits encore par Aristote dans la Physique, livre ch. 2, § 7, page 142 de ma traduction, et dans la Métaphysique, livre 1, ch. 3, page 138, de la traduction de M. Cousin. - Ne sont nés de rien, c'est plutôt une conclusion tirée de la pensée d'Hésiode que ce n'est sa pensée propre.

§ 14. Il y a bien d'autres, il eût été bon de nommer ces autres philosophes. - Que rien n'est, ou n'existe. - Et que tout devient, ce pourrait être l'opinion d'Héraclite, croyant que toutes les choses sont dans un flux perpétuel. - Naissent de choses qui ne sont pas, la conclusion paraît évidente ; et ce qui devient n'était pas avant de devenir. - Le devenir peut même sortir du non-être, ou « que les choses qui naissent sortent de choses qui ne sont pas. »

 

 CHAPITRE II.

Suite de la réfutation de Mélissus ; objections contre ce principe que rien ne peut venir de rien ; génération et production réciproque des choses les unes par les autres; théories d'Empédocle, d'Anaxagore, de Démocrite, de Parménide, de Zénon ; citations de vers d'Empédocle et d'Hésiode. L'être n'est pas nécessairement un, éternel et infini.

 1 Ἀλλ' ἄρα εἰ μὲν δυνατά ἐστιν ἢ ἀδύνατα ἃ λέγει, ἐατέον. Τὸ δὲ πότερον συμπεραίνεται αὐτὸ ἐξ ὧν λαμβάνει, ἢ οὐδὲν κωλύει καὶ ἄλλως ἔχειν, ἱκανῶς σκέψασθαι· ἕτερον γὰρ ἄν τι τοῦτ' ἴσως ἐκείνου εἴη. 2 Καὶ πρῶτον τεθέντος, ὃ πρῶτον λαμβάνει, μηδὲν γενέσθαι ἂν ἐκ μὴ ὄντος, ἆρα ἀνάγκη ἀγέννητα πάντα εἶναι, ἢ οὐδὲν κωλύει γεγονέναι ἕτερα ἐξ ἑτέρων, καὶ τοῦτο εἰς ἄπειρον ἰέναι; καὶ ἀνακάμπτει κύκλῳ, ὥστε τὸ ἕτερον ἐκ τοῦ ἑτέρου γεγονέναι, ἀεί τε οὕτως ὄντος τινός, καὶ ἀπειράκις ἑκάστου γεγενημένου ἐξ ἀλλήλων. στε οὐδὲν ἂν κωλύοιτο ἅπαντα γεγονέναι, κειμένου τοῦ μηδὲν γενέσθαι ἂν ἐκ μὴ ὄντος, καὶ ἄπειρα ὄντα πρὸς ἐκεῖνον προσαγορεῦσαι οὐδὲν κωλύει τῶν τῷ ἑνὶ ἑπομένων ὀνομάτων. παντα γὰρ εἶναι καὶ λέγεσθαι καὶ ἐκεῖνος τῷ ἀπείρῳ προσάπτει.

3 Οὐδέν τε κωλύει, καὶ μὴ ἀπείρων ὄντων, κύκλῳ αὐτῶν εἶναι τὴν γένεσιν. τι εἰ ἅπαντα γίγνεσθαι, ἔστι δὲ οὐδέν, ὥς τινες λέγουσιν, πῶς ἓν ἀΐδια εἴη; λλὰ γὰρ τοῦ μὲν εἶναι ἕν τι ὡς ὄντος καὶ κειμένου διαλέγεται. Εἰ γάρ, φησί, μὴ ἐγένετο, ἔστω δὲ ἀΐδια, ὡς δέον ὑπάρχειν τὸ εἶναι τοῖς πράγμασιν. 4 τι εἰ καὶ ὅτι μάλιστα μήτε τὸ μὴ ὂν ἐνδέχεται γενέσθαι μήτε ἀπολέσθαι τὸ μὴ ὄν, ὅμως τί κωλύει τὰ μὲν γενόμενα αὐτῶν εἶναι, τὰ δ' ἀΐδια, ὡς καὶ Ἐμπεδοκλῆς λέγει; [975b] παντα γὰρ κἀκεῖνος ταὐτὰ ὁμολογήσας, ὅτι ἔκ τε μὴ ὄντος ἀμήχανόν ἐστι γενέσθαι, τό τε ὂν ἐξόλλυσθαι ἀνήνυστον καὶ ἄπρηκτον, ἀεὶ γὰρ θήσεσθαι ὅπῃ κέ τις αἰὲν ἐρείδῃ, ὅμως τῶν ὄντων τὰ μὲν ἀΐδια εἶναί φησι, πῦρ καὶ ὕδωρ καὶ γῆν καὶ ἀέρα, τὰ δ' ἄλλα γίνεσθαί τε καὶ γεγονέναι ἐκ τούτων. Οὐδεμία γὰρ ἑτέρα, ὡς οἴεται, γένεσίς ἐστι τοῖς οὖσιν, ἀλλὰ μόνον μῖξίς τε διάλλαξίς τε μιγέντων ἐστίν· φύσις δ' ἐπὶ τοῖς ὀνομάζεται ἀνθρώποισιν.

5 Τὴν δὲ γένεσιν προσιοῦσαν τοῖς ἀϊδίοις καὶ τῷ ὅτι γίνεσθαι λέγει, ἐπεὶ τοῦτό γε ἀδύνατον ᾤετο. Πῶς γάρ, φήσει, καὶ ἔπαρξις ἴετο, παντί τε καὶ ποθὲν ἐλθόν; λλὰ μισγομένων τε καὶ συντιθεμένων πυρὸς καὶ τῶν μετὰ πυρὸς γίγνεσθαι τὰ πολλά, διαλλαττομένων τε καὶ διακρινομένων φθείρεσθαι πάλιν, καὶ εἶναι τῇ μὲν μίξει πολλά τε καὶ τῇ διακρίσει, τῇ δὲ φύσει τέτταρ' ἄνευ τῶν αἰτίων, ἢ ἕν·

6 ἢ εἰ καὶ ἄπειρα εὐθὺς εἴη ταῦτα, ἐξ ὧν συντιθεμένων γίγνεται, διακρινομένων δὲ φθείρεται, ὡς καὶ τὸν Ἀναξαγόραν φασί τινες λέγειν ἐξ ἀεὶ ὄντων καὶ ἀπείρων τὰ γινόμενα γίνεσθαι. Κἂν οὕτως, οὐκ ἂν εἴη ἀΐδια πάντα, ἀλλὰ καὶ γιγνόμενα ἄττα καὶ γενόμενά τ' ἐξ ὄντων καὶ φθειρόμενα εἰς οὐσίας τινὰς ἄλλας.

7 τι οὐδὲν κωλύει μίαν τινὰ οὐσίαν τὸ πᾶν μορφήν, ὡς καὶ ὁ Ἀναξίμανδρος καὶ ὁ Ἀναξιμένης λέγουσιν, ὁ μὲν ὕδωρ εἶναι φάμενος τὸ πᾶν, ὁ δέ, ὁ Ἀναξιμένης, ἀέρα, 8 καὶ ὅσοι ἄλλοι οὕτως εἶναι τὸ πᾶν ἓν ἠξιώκασιν. Τοῦτο ἤδη σχήμασί τε καὶ πλήθεσι καὶ ὀλιγότητι, καὶ τῷ μανὸν ἢ πυκνὸν γίνεσθαι, πολλὰ καὶ ἄπειρα ὄντα τε καὶ γιγνόμενα ἀπεργάζεται τὸ ὅλον.

9 Φησὶ δὲ καὶ ὁ Δημόκριτος τὸ ὕδωρ τε καὶ τὸν ἀέρα ἕκαστόν τε τῶν πολλῶν, τοῦτο ὄν, ῥυθμῷ διαφέρειν. Τί δὴ κωλύει καὶ οὕτως τὰ πολλὰ γίγνεσθαί τε καὶ ἀπόλλυσθαι, ἐξ ὄντος ἀεὶ ἐς ὂν μεταβάλλοντος ταῖς εἰρημέναις διαφοραῖς τοῦ ἑνός, καὶ οὐδὲν οὔτε πλέονος οὔτε ἐλάττονος γιγνομένου τοῦ ὅλου; 10 τι τί κωλύει ποτὲ μὲν ἐξ ἄλλων τὰ σώματα γίγνεσθαί τε καὶ ἀπόλλυσθαι πάλιν;

11 Εἰ δὲ καὶ ταῦτά τις συγχωροίη, καὶ εἴη τι καὶ ἀγένητον, τί μᾶλλον ἄπειρον δείκνυται; πειρον γὰρ εἶναί φησιν, εἰ ἔστι μέν, μὴ γεγονέναι. Πέρατα γὰρ εἶναι τὴν τῆς γενέσεως ἀρχήν τε καὶ τελευτήν. Καίτοι τί κωλύει ἀγένητον ὂν ἔχειν πέρας ἐκ τῶν εἰρημένων; Εἰ γὰρ ἐγένετο, ἀρχὴν ἔχειν ἀξιοῖ ταύτην [976a] ὅθεν γίγνοιτο, εἰ γιγνόμενα.

12 Τί δὴ κωλύει, καὶ εἰ μὴ ἐγένετο, ἔχειν ἀρχήν; Οὐ μέντοι γε ἐξ ἧς γε ἐγένετο, ἀλλὰ καὶ ἑτέραν, καὶ εἶναι περαίνοντα πρὸς ἄλληλα ἀΐδια ὄντα. 13 τι τί κωλύει τὸ μὲν ὅλον ἀγέννητον ὂν ἄπειρον εἶναι, τὰ δ' ἐν αὐτῷ γιγνόμενα πεπεράνθαι, ἔχοντ' ἀρχὴν καὶ τελευτὴν γενέσεως;

14 τι καὶ ὡς ὁ Παρμενίδης φησί, τί κωλύει καὶ τὸ πᾶν ἓν ὂν καὶ ἀγένητον ὅμως πεπεράνθαι, καὶ εἶναι πάντοθεν ἐγκύκλου σφαίρας ἐναλίγκιον ὄγκῳ, μέσσοθεν ἰσοπαλὲς πάντῃ· τὸ γὰρ οὔτε τι μεῖζον οὔτε τι βαιότερον εἶναι μέχρι ὄν ἐστι τῇ ἢ τῇ. 15 χον δὲ μέσον καὶ ἔσχατα, πέρας ἔχει ἀγέννητον ὄν, ἐπεὶ εἰ καί, ὡς αὐτὸς λέγει, ἕν ἐστι, καὶ τοῦτο σῶμα, ἔχει ἄλλα ἑαυτοῦ μέρη, εἰ τάδε ὅμοια πάντα. Καὶ γὰρ ὅμοιον οὕτω λέγει τὸ πᾶν εἶναι οὐ... λλῳ τινὶ ὃ περανθῆναι ὁρᾷς, ἐλέγχει εἴ τι ὅμοιον τὸ ἄπειρον. Τό γε ὅμοιον ἑτέρῳ ὅμοιον, ὥστε δύο ἢ πλείω ὄντα οὐκ ἂν ἓν οὐδ' ἄπειρον εἶναι.  16 λλ' ἴσως τὸ ὅμοιον πρὸς αὐτὸ λέγει, καὶ φησὶν αὐτὸ ὅμοιον εἶναι πᾶν, ὅτι ὁμοιομερὲς ὕδωρ ὂν ἅπαν ἢ γῆ ἢ εἴ τι τοιοῦτον ἄλλο.

17 Δῆλος γὰρ οὗτος ἀξιῶν εἶναι ἓν τῶν διμερῶν ἕκαστον σῶμα ὄν, οὐκ ἄπειρόν ἔστιν. Τὸ γὰρ ὅλον ἄπειρον, ὥστε ταῦτα περαίνει πρὸς ἄλληλα ἀγέννητα ὄντα. 18 τι εἰ ἀΐδιόν τε καὶ ἄπειρόν ἐστι, πῶς ἂν εἴη ἓν σῶμα ὄν; Εἰ μὲν γὰρ ἀνομοίων ἀμερῶν εἴη, πολλά, καὶ αὐτὸς οὕτω γ' εἶναι ἀξιοῖ. Εἰ δὲ ἅπαν ὕδωρ ἢ ἅπαν γῆ ἢ ὅ τι δὴ τὸ ὂν τοῦτ' ἐστί, πολλὰ ἂν ἔχοι μέρη, ὡς καὶ Ζήνων ἐπιχειρεῖ ὂν δεικνύναι τὸ οὕτως ὂν ἕν.

19 Εἴη οὖν ἂν καὶ πλείονα αὐτοῦ μέρη ἐλαττόνων τε καὶ μικροτέρων, ἀλλά τε πάντῃ ἂν ταύτῃ ἀλλοῖον εἴη οὐδενὸς προσγιγνομένου σώματος οὐδ' ἀπογιγνομένου. Εἰ δὲ μήτε σῶμα μήτε πλάτος μήτε μῆκος ἔχον μηδέν, πῶς ἂν ἄπειρον ἂν εἴη; Τί κωλύει πολλὰ καὶ ἐνάριθμα τοιαῦτα εἶναι; Τί κωλύει καὶ πλείω ὄντα ἑνὸς μεγέθει ἄπειρα εἶναι;

20 ς καὶ Ξενοφάνης ἄπειρον τό τε βάθος τῆς γῆς καὶ τοῦ ἀέρος φησὶν εἶναι. Δηλοῖ δὲ καὶ ὁ Ἐμπεδοκλῆς· ἐπιτιμᾷ γὰρ ὡς λεγόντων τινῶν τοιαῦτα ἀδύνατα εἶναι, οὕτως ἐχόντων ξυμβαίνειν αὐτά, εἴπερ ἀπείρονα γῆς τε βάθη καὶ δαψιλὸς αἰθήρ, ὃς διὰ πολλῶν δὴ βροτέων ῥηθέντα ματαίως ἐκκέχυται στομάτων, ὀλίγον τοῦ παντὸς ἰδόντων.

21 τι ὂν ἓν οὐδὲν ἄτοπον εἰ μὴ πάντῃ ὅμοιόν ἐστιν. Εἰ γάρ ἐστιν [976b] ὕδωρ ἅπαν ἢ πῦρ ἢ ὅ τι δὴ ἄλλο τοιοῦτον, οὐδὲν κωλύει πλείω εἰπεῖν τοῦ ὄντος ἑνός, εἰ δὴ δι' ἕκαστον ὅμοιον αὐτὸ ἑαυτῷ. Καὶ γὰρ μανόν, τὸ δὲ πυκνὸν εἶναι, μὴ ὄντος ἐν τῷ μανῷ κενοῦ. Οὐδὲν κωλύειν γάρ, τῷ μανῷ οὐκ ἔστιν ἔν τισι μέρεσι χωρὶς ἀποκεκριμένον τὸ κενόν, ὡς τὸ τοῦ ὅλου, τὸ μὲν εἶναι πυκνόν, καὶ τουτὶ δέ ἐστι μανὸν τὸ πᾶν οὕτως ἔχον· ἀλλ' ὁμοίως ἅπαν πλῆρες ὄν, ὁμοίως ἧττον πλῆρές ἐστι τοῦ πυκνοῦ.

22 Εἰ δὲ καὶ ἔστιν, ἀγέννητόν ἐστιν, καὶ διὰ τοῦτο δοθείη ἄπειρον εἶναι, καὶ μηδὲ ἐνδέχεσθαι ἄλλο καὶ ἄλλο ἄπειρον εἶναι. Διὰ τοῦτο καὶ ἐν τούτῳ ἤδη προσαγορευτέον καὶ ἀδύνατον· πῶς γὰρ ἂν τὸ ἄπειρον ὅσον ἦ τὸ κενὸν μὴ ὅλον ἂν οἷόν τε εἶναι; 23 κίνητον δ' εἶναι φησίν, εἰ κενὸν μή ἐστιν· ἅπαντα γὰρ κινεῖσθαι τῷ ἀλλάττειν τόπον. Πρῶτον μὲν οὖν τοῦτο πολλοῖς οὐ συνδοκεῖ, ἀλλ' εἶναί τι κενόν, οὐ μέντοι τοῦτό γέ τι σῶμα εἶναι, ἀλλ' οἷον καὶ ὁ Ἡσίοδος ἐν τῇ γενέσει πρῶτον τὸ χάος φησὶ γενέσθαι, ὡς δὲ χώραν πρῶτον ὑπάρχειν τοῖς οὖσιν. Τοιοῦτον δέ τι καὶ τὸ κενὸν οἷον ἀγγεῖόν τι ἀνὰ μέσον εἶναι ζητοῦμεν.

24 λλὰ δὴ καὶ εἰ μή ἐστι κενόν, μηδέ τι ἧσσον ἂν κινοῖτο, ἐπεὶ καὶ Ἀναξαγόρας τὸ πρὸς αὐτὸ πραγματευθείς, καὶ οὐ μόνον ἀποχρῆσαν αὐτῷ ἀποφήνασθαι ὅτι οὐκ ἔστιν, ὅμως κινεῖσθαί φησι τὰ ὄντα, οὐκ ὄντος κενοῦ. 25 μοίως δὲ καὶ ὁ Ἐμπεδοκλῆς κινεῖσθαι μὲν ἀεί φησι συγκινούμενα τὸν ἅπαντα ἐνδελεχῶς χρόνον, οὐδὲν εἶναι λέγων ὡς τοῦ παντός, οὐδὲ κενεόν. Πόθεν οὖν τί κ' ἐπέλθοι; ταν δὲ εἰς μίαν μορφὴν συγκριθῇ, ὡς ἓν εἶναι,

οὐδέν φησι τό γε κενεὸν πέλει οὐδὲ περισσόν.

Τί γὰρ κωλύει εἰς ἄλληλα φέρεσθαι καὶ περιίστασθαι ἅμα ὁτουοῦν εἰς ἄλλο, καὶ τούτου εἰς ἕτερον, καὶ εἰς τὸ πρῶτον, ἄλλου μεταβάλλοντος ἀεί.

26 τι καὶ τὴν ἐν τῷ αὐτῷ μένοντος τοῦ πράγματος τόπῳ τοῦ εἴδους μεταβολήν, ἣν ἀλλοίωσιν οἵ τ' ἄλλοι κἀκεῖνος λέγει, [οὐδὲν] ἐκ τῶν εἰρημένων αὐτῷ κωλύει κινεῖσθαι τὰ πράγματα, ὅταν ἐκ λευκοῦ μέλαν ἢ ἐκ πικροῦ γένηται γλυκύ. Οὐδὲν γὰρ τὸ μὴ εἶναι κενὸν ἢ μὴ δέχεσθαι τὸ πλῆρες ἀλλοιοῦσθαι κωλύει. 27 στε οὔτε ἅπαντα ἀΐδια οὔθ' ἓν οὔτ' ἄπειρον ἀνάγκη εἶναι, ἀλλ' ἄπειρα πολλά. Οὔτε ἕν θ' ὅμοιον, οὔτ' ἀκίνητον, οὔτ' εἰ ἓν οὔτ' εἰ πόλλ' ἄττα.

28 Τούτων δὲ κειμένων καὶ μετακοσμεῖσθαι καὶ ἑτεροιοῦσθαι τὰ ὄντα οὐδὲν κωλύει ἐκ τῶν ὑπ' ἐκείνῳ εἰρημένων, [977a] καὶ ἑνὸς ὄντος τοῦ παντὸς κινήσεως οὔσης, καὶ πλήθει καὶ ὀλιγότητι διαφέροντος, καὶ ἀλλοιουμένου οὐδενὸς προσγιγνομένου. Εἰ δ' ἄρα τινός, οὐ τοῦ σώματος, καὶ εἰ πολλὰ συμμισγομένων καὶ συνδιακρινομένων ἀλλήλοις. 29 Τὴν γὰρ μῖξιν οὔτ' ἐπιπρόσθεσιν τοιαύτην εἶναι οὔτε σύνθεσιν εἰκὸς οἵαν λέγειν. στε ἢ χωρὶς εὐθὺς εἶναι, ἢ καὶ ἀποστρεφθέντος ἐπίπροσθεν ἕτερα ἑτέρων φέρεσθαι χωρὶς ἀλλήλων ταῦτα, ἀλλ' οὕτω συγκεῖσθαι ταχθέντα ὥστε ὁτιοῦν μιγνυμένου παρ' ὁτιοῦν ᾧ μίγνυσθαι μέρος, οὕτως ὡς μὴ ἀναληφθῆναι συγκείμενα, ἀλλὰ μεμιγμένα, μηδ' ὁποιαοῦν αὐτῷ μέρη. πεὶ γὰρ οὐκ ἔστι σῶμα τὸ ἐλάχιστον, ἅπαν ἅπαντι μέρος μέμικται ὁμοίως καὶ τὸ ὅλον.

 § 1. Nous ne nous occuperons pas de rechercher si ce qu'il dit est possible ou impossible. Mais un point auquel nous devons donner quelque attention, c'est de savoir si de telles conclusions résultent régulièrement de ses hypothèses, ou si les choses ne peuvent pas être tout aussi bien l'opposé de ce qu'il croit ; car il se peut certainement que la réalité soit toute différente. § 2. Ainsi, il pose d'abord que rien ne peut venir de ce qui n'est pas. Mais on peut demander : Est-il donc nécessaire que toutes choses sans exception soient incréées? Ou bien, ne se peut-il pas aussi que les choses viennent les unes des autres, et que cette série puisse aller à l'infini? Ou encore, ne peut-il pas se former ici un retour circulaire, de telle sorte que l'un vienne de l'autre, qu'il existe ainsi toujours quelque être, et que chacun ait pu sortir ainsi, en nombre infini de fois, de tous les autres réciproquement ? En ce sens, rien n'empêcherait que tout eût été créé et fût devenu, en admettant même cette hypothèse que rien ne peut jamais venir de rien. Les êtres étant ainsi infinis, on peut alors, comme il le veut, leur attribuer tous les noms qui ne conviennent régulièrement qu'à l'unité ; car il applique, lui aussi, à l'infini, la qualité d'être Tout, et d'être appelé Tout.

§ 3. Sans supposer même que les êtres soient en nombre infini, on peut comprendre que leur production soit circulaire. Or si tout devient et que rien ne soit, comme quelques-uns le prétendent, comment y a-t-il alors des choses éternelles ? Mais Mélissus parle de l'être comme étant, et comme absolument admis. « Si l'être n'est pas devenu, dit-il, et s'il est, il faut qu'il soit éternel. » C'est admettre que l'être appartient nécessairement aux choses. § 4. Bien plus, en supposant aussi complètement qu'on voudra que le non-être ne peut devenir, et que l'être ne peut périr jamais, qui empêche encore que, parmi les choses, les unes naissent et que les autres soient éternelles ? [975b] C'est-là la théorie d'Empédocle lui-même. Ainsi tout en convenant, d'accord avec Mélissus, qu'il est de toute impossibilité que quoi que ce soit sorte de ce qui n'est pas, et qu'il n'y a pas moyen absolument que ce qui est une fois puisse jamais périr, « puisque l'être subsiste toujours partout où on a pu l'établir », ce philosophe n'en soutient pas moins que, parmi les choses, il y en a d'éternelles comme le feu, l'eau, la terre et l'air, et que c'est de ces choses-là que viennent et que sont venues toutes les autres. A son avis, il n'y a pas pour les êtres d'autre production que celle-là; et la production n'est au fond que mélange et dissolution. C'est ce qu'on appelle vulgairement la production et la nature des choses.

§ 5. D'ailleurs Empédocle n'en prétend pas moins que le devenir ne s'applique pas aux choses éternelles, et que ce qui est ne devient pas, impossibilités manifestes à ses yeux : « Comment en effet, dit-il, quelque chose pourrait-il accroître le Tout ? Et d'où viendrait ce quelque chose? Mais c'est du mélange et de la combinaison du feu, et de tous les éléments qui l'accompagnent, qu'est sortie la pluralité des choses. Ces éléments se séparant et s'éloignant les uns des autres, les choses périssent de nouveau ; et la multiplicité vient du mélange et de la division, bien que naturellement il n'y ait que quatre éléments, sans compter les causes, ou même un seul et unique élément. ».

§ 6. En supposant même que les éléments soient infinis, dès l'origine, pour produire les choses par leur combinaison et les détruire par leur division, comme on prétend quelquefois que le pensait Anaxagore, qui prenait ces éléments éternels et infinis comme source de toutes les choses qui se produisent, il ne s'ensuivrait pas encore que tout est éternel, sans exception ; il y aurait toujours certaines choses qui viendraient et seraient venues d'êtres antérieurs, et qui se perdraient dans d'autres substances.

§ 7. Il se peut même encore qu'il n'y ait qu'une seule forme pour le tout, comme l'affirmaient Anaximandre et Anaximène, soutenant l'un que tout est de l'eau, et l'autre, Anaximène, que c'est de l'air. § 8. C'est aussi la théorie de tous ceux qui conçoivent de cette manière le Tout comme une unité ; et c'est selon que l'Un change de formes, ou de nombre plus ou moins grand, c'est selon qu'il est plus ou moins rare ou dense que toutes choses, quelque multiples et infinies qu'elles soient, viennent à naître ; et alors l'Un, tout en demeurant le même, produit et façonne le reste des choses.

§ 9. Démocrite, de son côté, dit également que l'eau, l'air et chacune des choses si diverses, sont identiques, et qu'il n'y a de différence entr'elles que par le courant, le contact et la direction. Qui empêche encore, dans cette hypothèse, que les choses multiples ne naissent et ne périssent, l'Un changeant perpétuellement de l'être dans l'être, par les différences qu'on vient d'indiquer, sans que, pour cela, le Tout dans son ensemble devienne jamais ni plus petit ni plus grand ? § 10. Bien plus, qui empêche que des corps, aussi nombreux qu'on voudra, ne naissent d'autres corps, et ne se dissolvent dans d'autres corps aussi, de façon à être toujours en égale quantité dans leur dissolution et à se perdre de nouveau ?

§ 11. Mais en accordant même ceci, et en admettant qu'il y a quelque chose d'incréé, en quoi cela démontre-t -il davantage que l'être est infini ? A entendre Mélissus, l'être est infini, s'il existe. et qu'il ne soit jamais né; car les limites, selon lui, sont ici le commencement de la production, et sa fin. Mais l'être, tout en étant incréé, ne peut-il pas avoir d'autres limites que celles qu'on vient de dire ? Si l'infini avait été créé, il aurait précisément, selon Mélissus, ce commencement, [976a] d'où il serait sorti pour être.

§ 12. Qui empêche alors, sans même qu'il ait été produit, qu'il ait du moins un commencement? Non pas, si l'on veut, le commencement d'où il est venu, mais un autre, et que les choses, tout en étant éternelles, se servent néanmoins de limites les unes à l'égard des autres mutuellement. § 13. Qui empêche même que le Tout, qui serait incréé, ne soit infini, et que toutes les choses qui sont en lui ne soient finies, ayant simplement un principe et une fin de leur production ?

§ 14. Ne se peut-il pas encore, comme le veut Parménide, que le Tout, bien qu'en étant un et incréé, soit néanmoins fini, « qu'il soit de tous côtés pareil à la masse d'une sphère bien formée, qu'il soit partout égal à partir du centre, sans avoir nullement besoin d'être dans telle ou telle partie plus grand ni plus solide qu'il n'est? » § 15. Ayant un milieu et des extrémités, il a une borne, tout incréé qu'il est, puisque, malgré son unité, comme le reconnaît Mélissus lui-même, le Tout n'en a pas moins, en tant que corps, toutes ses parties sans exception pareilles les unes aux autres. C'est bien en ce sens qu'il soutient la parité absolue du Tout, et il ne dit pas, ainsi que d'autres philosophes, que le Tout est pareil à une autre chose que lui-même ; théorie qu'Anaxagore réfute en disant que, si l'infini est semblable de façon à être semblable à quelqu'autre que lui, dès lors ils sont deux ou même davantage, et ainsi il n'y a plus ni d'Un, ni d'infini. § 16. Mais peut-être Mélissus entend-il aussi que l'infini est semblable relativement à lui-même, et dit-il en d'autres termes que le Tout est semblable, parce que toutes ses parties le sont, ce Tout d'ailleurs étant de l'eau, de la terre, ou toute autre chose.

§ 17. Il est clair qu'en admettant ainsi l'unité, Mélissus pense que chacune des parties est par elle-même un corps, qui ne peut plus être infini ; car c'est le Tout qui seul est infini. Par conséquent, ces parties qui sont incréées aussi se servent réciproquement de limites. § 18. Mais si le Tout est éternel et infini, comment peut-il être Un, en étant corps ? Puis, s'il est, composé de parties dissemblables, alors Mélissus lui-même avoue que le Tout est plusieurs et multiple. En admettant que ce soit de l'eau, ou de la terre, ou tel autre élément quelconque, alors l'être a plusieurs parties, comme Zénon essaie aussi de démontrer que le Tout doit en avoir plusieurs, s'il est Un de la façon qu'on le prétend.

§ 19. Du moment que ses parties sont plusieurs, il faut que les unes soient plus petites, les autres plus grandes, c'est-à-dire tout à fait diverses, même sans que la diversité vienne soit de l'adjonction, soit de la disparition de quelque corps. Mais si le Tout n'a ni corps, ni longueur, ni largeur, comment peut-il être infini ? Qui empêche alors qu'il ne soit tout ensemble et plusieurs et un numériquement ? Qui empêche même que, les choses étant ainsi multiples et plus d'une, elles ne soient d'une grandeur infinie ?

§ 20. Xénophane prétend bien que la profondeur de la terre et de l'air est infinie. Mais Empédocle réfute cette théorie, quand il fait voir, dans sa juste critique, que, si les choses sont comme on le prétend, il est absolument impossible qu'elles soient du tout :

« Les fondements du globe et l'éther impalpable,
Dont on nous parle tant, ne sont que de vains mots
Répétés sans raison par la langue des sots. »

§ 21. Mais le monde peut très bien être un, sans qu'il y ait rien d'absurde à supposer qu'il n'est pas semblable dans toutes ses parties. En effet si le monde est [976b] tout eau, ou tout feu, ou tel autre élément de ce genre, on peut très-bien dire qu'il y a plusieurs choses, quoique l'être demeure un, et qu'il faille toujours que chacun de ces éléments soit semblable à lui-même ; car il ne se peut pas que telle partie soit rare et que l'autre soit dense, à moins qu'il n'y ait du vide dans l'intérieur du rare. Mais rien n'empêche que, pour certaines parties, il n'y ait dans le rare du vide tout à fait séparé, de façon que telle partie du Tout soit dense, et telle autre rare, le Tout restant d'ailleurs ce qu'il est. Mais le Tout étant plein, le rare alors n'est pas moins plein que le dense.

§ 22. Si le Tout est incréé, comment de cela seul peut-on conclure qu'il est infini, et qu'il ne puisse pas y en avoir encore tel ou tel autre qui serait infini comme lui ? Pourquoi faudrait-il, parce qu'il est incréé, admettre en outre qu'il est un, et qu'il est infini par cela seul ? Comment alors l'infini serait-il ce Tout que l'on s'imagine ? § 23. L'être est immobile, dit Mélissus, s'il n'y a pas de vide ; car les choses ne se meuvent jamais qu'en changeant de lieu. Mais d'abord il y a bien des gens qui ne tomberaient pas d'accord sur ce point; et tout en concédant que le vide existe, ils n'admettraient pas qu'il soit un corps. On peut entendre ici les choses comme les entend Hésiode, quand il dit que dans la création, « c'est le chaos qui a d'abord paru, » supposant par là qu'il fallait avant tout qu'il y eût de la place pour les êtres. Et c'est bien là ce qu'on veut dire par le vide, que l'on considère comme une sorte de vase qui serait vide dans son milieu.

§ 24. Du reste, quand même il n'y aurait pas de vide, le monde pourrait tout aussi bien se mouvoir. Anaxagore, qui s'est occupé aussi de cette question, ne s'est pas contenté de prouver qu'il n'y a pas de vide ; il a démontré en outre que les êtres ne s'en meuvent pas moins, sans que le vide soit nécessaire. § 25. C'est dans le même sens qu'Empédocle a dit que les choses une fois combinées se meuvent pendant toute la continuité du temps, sans qu'il y ait, selon lui, rien d'inutile dans le Tout, ni rien non plus de vide. D'où le vide en effet pourrait-il survenir ? Car, dit Empédocle, quand les choses se combinent en une seule forme, de manière à constituer l'unité :

« Il n'est rien qui soit vide, et rien de superflu. »

Ne se peut-il pas en effet que les choses se meuvent les unes dans les autres, et que tout soit circulaire, une chose se changeant en une autre ; cette autre, en une troisième ; et telle autre chose se changeant toujours enfin dans la première ?

§ 26. De plus, il ne faut pas oublier ce changement de forme qui modifie la chose, bien qu'elle reste dans le même lieu, changement que d'autres philosophes, et Mélissus lui-même appellent l'altération. Or rien de ce qu'il a dit ne s'oppose à ce que cette espèce de mouvement se trouve dans les choses, quand elles passent du blanc au noir, ou de l'amer au doux ; car qu'il n'y ait pas de vide, et que le plein ne puisse rien recevoir, cela n'empêche pas que l'altération ne soit possible. § 27. Par suite, il n'y a pas de nécessité que tout soit éternel, que tout soit un ou que le Tout soit infini, pas plus qu'il n'y a nécessité qu'il y ait plusieurs infinis, ni une unité partout identique, ni une unité immobile, soit d'ailleurs qu'il y ait unité ou pluralité.

§ 28. Ceci admis, on ne voit rien dans les théories de Mélissus qui s'oppose à ce que les êtres changent d'ordre et de qualité, [977a] le mouvement étant ainsi dans l'unité, qui diffère alors par le plus et par le moins, et qui s'altère de diverses façons, sans que rien vienne s'adjoindre à elle, ou si une chose s'y adjoint, sans que ce soit du moins un corps, et si c'est plusieurs choses qui s'adjoignent, sans qu'elles fassent autre chose que se mêler les unes aux autres et se séparer réciproquement. § 29. Mais le mélange ne parait être ni la juxtaposition, ni la combinaison dont parle Mélissus, sans lesquelles les choses pourraient être immédiatement isolées, ou bien même sans lesquelles les choses ne se montreraient dans leur indépendance complète qu'après qu'on aurait écarté les unes des autres celles qui se cachent mutuellement, tandis qu'il faut, pour un mélange véritable, que toutes les parties de la chose mélangée soient disposées de telle sorte qu'on ne puisse défaire leur combinaison, mais que chacune des parties mélangées soit en parfait accord avec la totalité du mélange ; car comme il n'y a pas d'atomes, il s'ensuit que toute partie est mêlée à toute partie quelconque, absolument semblable au Tout.

Ch. II, § 1. Si ce qu'il dit, ce que dit Mélissus. J'ai conservé l'indécision du texte, qui n'a pas de désignation personnelle. - Quelque attention, ou peut-être « une sérieuse attention. » - De ses hypothèses, ou « des principes qu'il admet. »

§ 2. Ainsi, il pose d'abord, le texte n'est pas aussi précis, et il dit d'une manière plus générale :  « étant d'abord posé que etc. » - Sans exception, j'ai ajouté ces mots, pour rendre toute la force de l'expression grecque. - Soient incréées, voir plus haut, § 1, où cette réserve a été faite. Certaines choses sont éternelles et incréées ; certaines autres ne le sont pas. - Les choses viennent les unes des autres, ceci est possible sans doute; mais il faut d'abord supposer l'existence de centaines choses, qui sont par conséquent éternelles. Cette objection ne porte pas assez directement contre la théorie de Mélissus. - Un retour circulaire, c'est en d'autres termes, ce qui vient d'être dit. Mais la production pour être réciproque, doit être nécessairement précédée d'une existence quelconque, qui peut n'être pas durable et éternelle. - Qu'il existe ainsi toujours quelqu'être, passager et transitoire. Mais du moins la succession est éternelle, si les êtres ne le sont pas. -» Tout eût été créé, dans la succession, mais non pas à l'origine. - D'être Tout et d'être appelé Tout, en d'autres termes « l'infini est tout, et c'est ce qu'on appelle le tout. »

§ 3. Leur production, les uns par les autres. - Soit circulaire, et par conséquent réciproque, le second produisant le premier, comme le premier a produit le second. - Comme quelques-uns le prétendent, Héraclite, par exemple, et Protagoras. - Mais Mélissus, le texte dit simplement : « Il. » Voir plus loin les Fragments de Mélissus, frag. I et suiv. - Dit-il, cette forme annonce que les paroles citées sont de Mélissus.

§ 4. Que le non-être ne peut devenir, c'est-à-dire que ce qui n'est pas puisse jamais être. - Et que l'être ne peut périr jamais, et est éternel. - Parmi les choses, qui sont déjà ou qui ont été antérieurement. - La théorie d'Empédocle, les vers d'Empédocle ne sont pas textuellement cités ; mais le sens en est exactement reproduit ; voir les Fragments d'Empédocle vers 102 et 103, édition de Firmin Didot, page 3. - D'accord avec Mélissus, le nom propre n'est pas dans le texte grec ; mais il ressort de l'expression même dont l'auteur se sert. - « Puisque l'être subsiste toujours; citation exacte, mais non textuelle; d'un vers d'Empédocle, vers 104, loc cit. Comme le feu, l'eau etc, les quatre éléments, toujours admis pal Empédocle. - Que mélange et dissolution, ce sont les expressions même d'Empédocle ; voir les Fragments d'Empédocle, vers 100 et 101, loc. cit. Aristote cite encore ce vers, Traité de la Production et de la Destruction des choses, livre II, ch. 6, § 6. - Vulgairement, le texte dit : « chez les hommes » ; Fragments d'Empédocle, vers 101.

§ 5. D'ailleurs Empédocle, le texte ne nomme pu ici Empédocle ; mais toute la suite prouve bien que c'est de lui qu'il s'agit. - Le devenir, ou « la génération. » - Comment, en effet, dit-il, ce ne sont pu exactement les expressions d'Empédocle ; mais c'est bien le sens de ses vers ; voir ses Fragments, vers 94 et 95, loc. cit. ; voir aussi la Physique d'Aristote, livre VIII, ch. 1, p. 455 de ma traduction. - Sans compter les causes, le texte dit simplement : « sans les causes. » Il est probable qu'Empédocle entend ici par les causes l'Amour et la Discorde, qui réunissent ou qui dissolvent les choses, formant et détruisant tour à tour le Sphérus ; voir la Physique d'Aristote, livre III, ch. 4, § 13, page 93 de ma traduction.

§ 6. Par leur combinaison... par leur division, selon les théories d'Empédocle. - Anaxagore, voir la Physique d'Aristote, livre Ill, ch. 4, § 8, page 90 de ma traduction.  -  Sans exception, j'ai ajouté ces mots. - Dans d'autres substances, cette expression ne paraît guère Aristotélique, et ce n'est pas en ce sens qu'il prend ordinairement le mot de Substance.

§ 7. Qu'il n'y ait qu'une seule forme, c'est la traduction exacte du grec ; mais la suite prouve que par Forme il faut entendre Élément. Les opinions d'Anaximandre et d'Anaximène sont bien connues, l'un voulant tirer tout l'univers de l'eau, comme Thalès le prétendait, l'autre voulant le tirer de l'air.

§ 8. Comme une unité, ou « comme un. » J'ai conservé cette tournure du texte ; peut-être serait-il plus clair de parler de l'identité de la matière ; et alors ce serait revenir au système des atomes, comme on l'indique un peu plus bas, à propos de Démocrite. - Et c'est selon que l'Un change de formes, la phrase est un peu longue; mais elle a aussi dans le grec cette tournure, que j'ai cru devoir conserver. - Produit et façonne, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

§ 9. Démocrite, est aussi dans son genre un partisan de l'unité ; car ses atomes sont absolument identiques ; et ils ne diffèrent que par des conditions de nombre, de forme, de contact, de mouvement. - Des choses si diverses, il vaudrait mieux dire : « qui nous semblent si diverses ; » car au fond, elles sont les mêmes, selon Démocrite. - Le courant, le contact et la direction, ces trois mots sont empruntés à Démocrite, et il parait qu'il les avait composés, ou du moins qu'il les avait détournés de leur sens habituel. Je ne trouve pas d'ailleurs ce passage de notre traité reproduit dans les Fragments de Démocrite de la bibliothèque grecque de Firmin Didot. Le Courant, le Contact et la Direction se rapportent aux atomes, se combinant dans le vide les uns avec les autres. - De l'être dans l'être, sans que rien puisse naître du néant, les atomes étant conçus comme éternels ; voir le Traité du ciel, livre III, ch. 4, § 5, page 250 de ma traduction.

§ 10. Bien plus, ceci semble être une suite des idées que l'on prête ici à Démocrite ; et ce § n'est guère qu'une répétition de ce qui précède. - En égale quantité, la quantité et le nombre total des atomes ne diminuent pas ; seulement, les composés que forment les atomes en contiennent un nombre plus ou moins grand.

§ 11. Que l'être est infini, le texte n'est pas tout à fait aussi précis ; et le mot dont il se sert est indéterminé. - A entendre Mélissus, ceci se rapporte à Mélissus et non plus à Démocrite ; mais le texte a mis le verbe à la troisième personne, sans indiquer nommément le philosophe qu'il prétend désigner. - S'il existe, voir plus haut, § 1. - Et qu'il ne soit jamais né, l'infinitude de l'être résulte, selon Mélissus, de son éternité. - Le commencement de la production, en d'autres termes, du changement de l'être ; car l'être étant éternel, il peut devenir autre qu'il n'est et se transformer; mais il ne naît pas réellement. - D'autres limites que celles qu'on vient de dire, c'est-à-dire, le commencement et la fin des modifications qu'il peut subir. - Selon Mélissus, j'ai ajouté ces mots, qui ressortent du contexte et de l'expression dont l'auteur se sert. Voir plus loin les Fragments de Mélissus, frag. Il.

§ 12. Sans même qu'il ait été produit, c'est-à-dire tout en restant éternel. - Mais un autre, ceci ne peut s'appliquer qu'au changement qui fait devenir l'être autre qu'il n'est, et le modifie sans rien ôter à son éternité. - Se servent néanmoins de limites, en s'engendrant réciproquement.

§ 13. Ne soient finies, en quantité, sans l'être en nombre, et qu'elles ne se reproduisent les unes les autres, dans une série perpétuelle. - Simplement, j'ai ajouté ce mot, qui me semble impliqué dans le contexte.

§ 14. Comme le veut Parménide, il semble, d'après ce passage, que notre petit traité, tout en s'appliquant à Mélissus et Xénophane spécialement, serait aussi une critique générale de l'école d'Élée. Voir les Fragments de Parménide, vers 102 et suiv., dans les Fragmenta Philosophorum graecorum de Firmin Didot, page 124. Je n'ai pas traduit en vers cette citation de Parménide, parce que, dans le texte grec, les vers du philosophe ne sont pas non plus donnés régulièrement.

§ 15. Mélissus lui-même, il n'y a pas de nom exprès dans le texte, qui se sert ici comme partout d'un pronom indéterminé de la troisième personne. - Il soutient, c'est toujours de Mélissus qu'il s'agit ; mais ceci pourrait s'appliquer tout aussi bien aux doctrines de Parménide, telles qu'on les trouve dans les vers qui viennent d'être cités. - Qu'Anaxagore réfute, on pourrait comprendre aussi, comme le veut M. Müllach :  « Qu'Anaxagore appuie; » et alors Anaxagore serait de l'avis de Mélissus et de Parménide, au lieu de réfuter l'avis des philosophes qui soutiennent que le tout est pareil à un autre que lui. Cela revient au même. Voir les Fragments d'Anaxagore, par Schaubach, page 101. Mais la théorie d'Anaxagore semble se rapporter exclusivement à l'intelligence et non à l'univers. L'intelligence suprême ne peut, en effet, varier ; elle est toujours semblable à elle-même, et elle ne peut être semblable à quoi que ce soit.

§ 16. Mélissus, même remarque que plus haut : ici non plus, Mélissus n'est pu nommé. - Relativement à lui-même, le texte est moins précis :  «... entend-il le semblable relativement au même. »

§ 17. Mélissus, j'ai encore ici répété le nom de Mélissus comme plus haut, quoiqu'il ne soit pu exprimé dans le texte. - Chacune des parties est par elle-même un corps, voir plus loin les fragments de Mélissus, frag. XVI. - Qui seul est infini, j'ai ajouté le mot Seul, pour éclaircir la pensée. - Se servent réciproquement de limites, voir plus haut, § 12.

§ 18. En étant corps, et ayant par conséquent des parties diverses. - Mélissus lui-même, le nom de Mélissus n'est pas exprimé dans le texte, qui n'a toujours qu'un pronom indéterminé. - Comme Zénon essaie aussi de démontrer, cette citation de Zénon, nous autorise à présumer que notre petit traité, devait exposer aussi sa doctrine d'une manière spéciale; voir la Dissertation plus haut, page 201.

§ 19. Les unes soient plus petites, même sans la diversité de dimensions, il suffit qu'il y ait plusieurs parties pour qu'elles soient distinctes, fussent-elles d'ailleurs d'une égalité parfaite. - Soit de l'adjonction, il ne peut y avoir ni adjonction ni retranchement de quoi que ce soit, puisqu'il s'agit du Tout. - Multiples et plus d'une, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. - D'une grandeur infinie, le texte dit précisément : « infinies en grandeur. »

§ 20. Xénophane prétend bien, cette opinion de Xénophane est rappelée dans le Traité du ciel, livre II, ch. 13, § 7, page 194 de ma traduction. Dans ce passage aussi, Aristote reproduit la critique d'Empédocle, et cite les mêmes vers qu'ici.

§ 21. Qu'il n'est pas semblable dans toutes ses parties, la diversité des parties n'empêche pas l'unité, et peut-être même en est-elle h condition. - Qu'il y a plusieurs choses, en d'autres termes, que les êtres sont multiples, en tant qu'êtres particuliers, et que l'unité de l'ensemble n'en subsiste pas moins. - Car il ne se peut pas, M. Müllach pense que ceci est la théorie de Mélissus, que réfute l'auteur. Il n'y a rien dans le texte qui appuie ou qui repousse cette conjecture. - Du vide dans l'intérieur du rare, j'ai dû prendre celte tournure pour rendre toute la force de l'expression grecque. - Restant d'ailleurs ce qu'il est, le texte n'est pas tout à fait aussi précis. - Le tout étant plein, on peut sous- entendre :  « comme le veut Mélissus, » ainsi que le conjecture M. Müllach ; voir les Fragments de Mélissus, frag. V .

§ 22. Comment de cela seul... l'objection me parait très nettement présentée, et du moment que l'univers est un, il semble que nécessairement il doit être infini ; car il est impossible à notre raison de lui supposer des bornes. - Pourquoi faudrait-il, ceci n'est en grande partie que la répétition de ce qui précède. - Que l'on s'imagine, le texte a ici un pluriel, qui peut se rapporter à Mélissus, à Xénophane, à Parménide et à Zénon.

§ 23. Dit Mélissus, ici non plus Mélissus n'est pas expressément nommé. - Qu'en changeant de lieu, c'est le mouvement de translation ; mais le mouvement d'altération peut se faire sans changer de place. - Hésiode, voir plus haut ch.1, § 13, page 224. - Dans la création, ou mieux :  « dans la production des choses. » - Le chaos qui a d'abord paru, le chaos ne se confond pas avec le vide ; c'est le désordre, si l'on veut; mais les choses existent, puisque l'intervention de l'intelligence est nécessaire pour les ordonner. - C'est bien là ce qu'on veut dire par le vide, ceci est très contestable ; et le chaos n'a pas été généralement compris en ce sens.

§ 24. Le monde pourrait tout aussi bien se mouvoir, ou bien :  « le mouvement n'en aurait pas moins lieu.  »  - Anaxagore, qui s'est occupé ici de cette question, quelques manuscrits donnent une variante :  «qui s'est occupé de cette question avant lui.  » - Qu'il n'y a pas de vide, voir la Physique d'Aristote, livre IV, ch. §, 5, page 194 de ma traduction, où Aristote ne semble pas avoir une aussi haute estime qu'ici des théories d'Anaxagore sur le vide.

§ 25. Les choses une fois combinées, par l'Amour, selon les théories d'Empédocle, mais aussi divisées plus tard par la Discorde; voir la Physique d'Aristote, livre VIII, ch. 1, § 4, page 455 de ma traduction. - Toute la continuité du temps, ce qui ne veut pas dire éternellement ; mais il s'agit ici seulement d'une de ces périodes pendant lesquelles le Sphérus se développe ou rentre en lui-même. - Dit Empédocle, voir les Fragments d'Empédocle, vers 94 et 166, Fragmenta philosophorum graecorum, édit. Firmin Didot. - Une seule forme, c'est l'expression même du texte. - Il n'est rien qui soit vide, le vers n'est pas cité en entier dans l'original. - Et que tout soit circulaire, il semble bien que ce soit là l'opinion d'Empédocle ; l'Amour et la Discorde, agissant tour à tour forment bien une sorte de cercle.

§ 26. Et Mélissus lui-même, Mélissus n'est pas nommé dans ce passage non plus que dans le autres; voir plus haut, ch. 1, § 1. - L'altération, voir dans la Physique ce qui concerne le mouvement d'altération, livre III, ch.1, § 8, page 71 de ma traduction ; et plus haut, Traité de la production de choses, livre 1, ch. 4, page 42. - Que l'altération ne soit possible, le mouvement d'altération se passant dans la chose elle-même n'a pas besoin d'un lieu nouveau, comme le mouvement de translation, ou même celui d'accroissement.

§ 27. Par suite, il semble que ceci soit un résumé de toutes les objections précédentes ; mais la conséquence ne parait pas très-rigoureuse. - Que tout soit éternel, ainsi que le prétend Mélissus. Cette phrase, qui est profondément altérée dans la plupart des manuscrits, est telle que je la donne, dans le manuscrit de Leipsick, et aussi dans la traduction de Feliciano, comme le remarque M. Müllach.

§ 28. Dans les théories de Mélissus, au lieu du nom exprès, il n'y toujours dans le texte qu'un pronom indéterminé. Il semble qu'il suffise d'admettre le mouvement d'altération pour que tout le système de Mélissus: sur l'unité et l'immobilité de l'être soit renversé du même coup. - D'ordre et de qualité, le texte dit en propre: termes : « à ce que les êtres soient ordonnés différemment et ne soient altérés. »  -  Par le plus et par le moins, et par exemple, ils sont plus ou moins blancs, plus ou moins noirs ; car il s'agit ici d'une simple altération, et non pas même de l'accroissement. - Sans que ce fût du moins un corps, en effet dans l'altération, il n'y a pas adjonction de quoi que ce soit ; l'altération a lieu par un mouvement tout intérieur de l'être. - Se mêler les unes aux autres, comme des qualités peuvent se mêler et se séparer réciproquement dans un seul et même être.

§ 29. Dont parle Mélissus, même remarque que plus haut sur le nom de Mélissus, qui n'est pas non pins exprimé ici. Il semble que les deux expressions rappelées dans ce passage appartiennent exclusivement à la langue philosophique de Mélissus. - Dans lesquelles, la phrase est embarrassée dans l'original comme elle l'est dans ma traduction. Voici une paraphrase qui pourra servir à éclaircir la pensée : « Mélissus ne comprend pas bien ce que c'est que le mélange, quand il l'appelle une juxtaposition et une combinaison. Il croit que dans un mélange on peut, si on le veut, isoler de nouveau les choses immédiatement, ou du moins les isoler complètement, après un triage où chacune d'elles reparaît à l'état qui lui est propre. Le mélange n'est pas du tout cela; et pour qu'il soit véritable, il faut que les parties en soient si bien combinées ensemble qu'on ne puisse plus défaire cette combinaison, et que chaque partie soit absolument pareille au tout où elle est. Il n'y a pas d'atomes ; et dès lors, toute partie d'un mélange est nécessairement semblable au tout dont elle est une partie quelconque. » - Pour un mélange véritable, voir sur la théorie du mélange, plus haut, Traité de la production des choses, etc, livre I, ch. 10, page 105. - Comme il n'y a pas d'atomes, Aristote a toujours combattu le système des atomes de Démocrite ; voir la Physique, passim.

 

DOCTRINES DE XÉNOPHANE.

ΠΕΡΙ ΖΗΝΩΝΟΣ.

CHAPITRE III.

Théorie de Xénophane sur Dieu : éternité, toute-puissance, unité de Dieu ; on doit le concevoir comme une sphère ; Dieu ne peut avoir ni mouvement ni immobilité ; il ne peut être ni fini ni infini.

1 Ἀδύνατόν φησιν εἶναι, εἴ τι ἔστι, γενέσθαι, τοῦτο λέγων ἐπὶ τοῦ θεοῦ. νάγκη γὰρ ἤτοι ἐξ ὁμοίων ἢ ἐξ ἀνομοίων γενέσθαι τὸ γενόμενον. Δυνατὸν δὲ οὐδέτερον. Οὔτε γὰρ ὅμοιον ὑφ' ὁμοίου προσήκειν τεκνωθῆναι μᾶλλον ἢ τεκνῶσαι (ταὐτὰ γὰρ ἅπαντα τοῖς γε ἴσοις ἢ ὁμοίοις ὑπάρχειν πρὸς ἄλληλα) οὔτ' ἂν ἐξ ἀνομοίου τὸ ἀνόμοιον γενέσθαι. Εἰ γὰρ γίγνοιτο ἐξ ἀσθενεστέρου τὸ ἰσχυρότερον ἢ ἐξ ἐλάττονος τὸ μεῖζον ἢ ἐκ χείρονος τὸ κρεῖττον, ἢ τοὐναντίον τὰ χείρω ἐκ τῶν κρειττόνων, τὸ οὐκ ὂν ἐξ ὄντος ἂν γενέσθαι· ὅπερ ἀδύνατον.  2 ΐδιον μὲν οὖν διὰ ταῦτ' εἶναι τὸν θεόν. Εἰ δ' ἔστιν ὁ θεὸς ἁπάντων κράτιστον, ἕνα φησὶν αὐτὸν προσήκειν εἶναι. Εἰ γὰρ δύο ἢ ἔτι πλείους εἶεν, οὐκ ἂν ἔτι κράτιστον καὶ βέλτιστον αὐτὸν εἶναι πάντων. καστος γὰρ ἂν θεὸς τῶν πολλῶν ὅμοιος ὢν τοιοῦτος εἴη. Τοῦτο γὰρ θεὸν καὶ θεοῦ δύναμιν εἶναι, κρατεῖν, ἀλλὰ μὴ κρατεῖσθαι, καὶ πάντα κρατεῖσθαι εἶναι. στε καθὸ μὴ κρείττων, κατὰ τοσοῦτον οὐκ εἶναι θεόν. Πλειόνων οὖν ὄντων, εἰ μὲν εἶεν τὰ μὲν ἀλλήλων κρείττους τὰ δὲ ἥττους, οὐκ ἂν εἶναι θεούς· πεφυκέναι γὰρ θεὸν μὴ κρατεῖσθαι. σων δὲ ὄντων, οὐκ ἂν ἔχειν θεὸν φύσιν δεῖν εἶναι κράτιστον· τὸ δὲ ἴσον οὔτε βέλτιον οὔτε χεῖρον εἶναι τοῦ ἴσου.

3 στ' εἴπερ εἴη τε καὶ τοιοῦτον εἴη θεός, ἕνα μόνον εἶναι τὸν θεόν. Οὐδὲ γὰρ οὐδὲ πάντα δύνασθαι ἂν ἃ βούλοιτο. Οὐδὲ γὰρ ἂν δύνασθαι πλειόνων ὄντων ἕνα εἶναι μόνον. 4 να δ' ὄντα ὅμοιον εἶναι πάντῃ, ὁρᾶν τε καὶ ἀκούειν, τάς τε ἄλλας αἰσθήσεις ἔχοντα πάντῃ. Εἰ γὰρ μή, κρατεῖν ἂν καὶ κρατεῖσθαι ὑπ' ἀλλήλων τὰ μέρη θεοῦ ὄντα· ὅπερ ἀδύνατον.

6 [977b] Πάντῃ δ' ὅμοιον ὄντα σφαιροειδῆ εἶναι· οὐ γὰρ τῇ μὲν τῇ δ' οὐ τοιοῦτον εἶναι, ἀλλὰ πάντῃ. ΐδιον δ' ὄντα καὶ ἕνα καὶ σφαιροειδῆ οὔτ' ἄπειρον οὔτε πεπεράσθαι. πειρον ὃ μὴ ὂν εἶναι· τοῦτο γὰρ οὔτε μέσον οὔτ' ἀρχὴν καὶ τέλος οὔτ' ἄλλο μέρος οὐδὲν ἔχειν, τοιοῦτον δ' εἶναι τὸ ἄπειρον. Οἷον δὲ τὸ μὴ ὄν, οὐκ ἂν εἶναι τὸ ὄν, περαίνειν δὲ πρὸς ἄλληλα, εἰ πλείω εἶεν. Τὸ δὲ ἓν οὔτε τῷ οὐκ ὄντι οὔτε τοῖς πολλοῖς ὁμοιοῦσθαι· ἓν γὰρ οὐκ ἔχει πρὸς ὅ τι περανεῖ. 7 Τὸ δὲ τοιοῦτον ὂν ἕν, ὃν τὸν θεὸν εἶναι λέγει, οὔτε κινεῖσθαι οὔτε κινητὸν εἶναι. κίνητον μὲν γὰρ εἶναι τὸ μὴ ὄν. Οὔτε γὰρ ἂν εἰς αὐτὸ ἕτερον οὔτε ἐκεῖνο εἰς ἄλλο ἐλθεῖν. Κινεῖσθαι δὲ τὰ πλείω ὄντα ἑνός. τερον γὰρ εἰς ἕτερον δεῖν κινεῖσθαι. Εἰς μὲν οὖν τὸ μὴ ὂν οὐδὲν ἂν κινηθῆναι· τὸ γὰρ μὴ ὂν οὐδαμῇ εἶναι. Εἰ δὲ εἰς ἄλληλα μεταβάλλοι, πλείω αὐτὸν εἶναι ἑνός.

8 Διὰ ταῦτα δὴ κινεῖσθαι μὲν ἂν τὰ δύο ἢ πλείω ἑνός, ἠρεμεῖν δὲ καὶ ἀκίνητον εἶναι τὸ οὐδέν. Τὸ δὲ ἓν οὔτε ἀτρεμεῖν οὔτε κινεῖσθαι· οὔτε γὰρ τῷ μὴ ὄντι οὔτε τοῖς πολλοῖς ὅμοιον εἶναι.

9 Κατὰ πάντα δὲ οὕτως ἔχειν τὸν θεόν, ἀΐδιόν τε καὶ ἕνα, ὅμοιόν τε καὶ σφαιροειδῆ ὄντα, οὔτε ἄπειρον οὔτε πεπερασμένον, οὔτε ἠρεμεῖν οὔτε ἀκίνητον εἶναι.

§ 1. Il dit que, si quelque chose est, il est impossible que cette chose ait jamais été créée, appliquant ceci à Dieu, attendu qu'il faut nécessairement que tout ce qui est produit soit produit par le semblable, ou par le dissemblable. Or, ni l'un ni l'autre n'est possible ; ainsi, d'abord, il n'y a pas de raison pour que le semblable soit enfanté par le semblable plutôt qu'il ne l'enfante lui même ; car ce ne sont pas là les relations réciproques qu'aient entr'eux les égaux et les semblables. Il n'est pas plus possible, en second lieu, que le dissemblable sorte du dissemblable. Si, en effet, le plus fort sortait du plus faible, si le plus grand venait du plus petit, le meilleur du pire, ou, à l'inverse, le pire du meilleur, l'être alors viendrait du non-être ; ce qui est tout à fait impossible. § 2. Donc, il faut conclure de tout cela que Dieu est éternel. Si Dieu est le souverain des êtres, il faut, selon Xénophane, qu'il soit unique aussi ; car s'il y en avait deux ou plusieurs, il ne serait plus dès lors le souverain, ni le plus grand de tous les êtres, puisque dès lors chacun de ces êtres multiples serait absolument tout pareil à lui. Ce qui constitue Dieu, en effet, et la puissance divine, c'est de dominer souverainement et de n'être pas dominé ; c'est d'être le maître de tous, et le plus puissant. Par conséquent, du moment qu'il n'est pas le plus puissant, il perd, en proportion, quelque chose de sa divinité. S'ils sont plusieurs, et s'ils sont supérieurs ou inférieurs les uns aux autres à certains égards, ce ne sont plus là des Dieux ; car l'essence de Dieu, c'est de n'être dominé par personne. S'ils sont plusieurs égaux, dès lors ce n'est plus la nature de Dieu d'être le meilleur ; car l'égal n'est évidemment ni pire ni meilleur que son égal.

§ 3. Dieu étant donc tel qu'on vient de dire, il faut nécessairement qu'il soit un. Autrement, il ne pourrait pas même accomplir non plus tout ce qu'il voudrait ; il ne le pourrait pas, du moment qu'il y en aurait plusieurs. Il faut donc qu'il soit seul. § 4. Étant unique, il est absolument semblable à lui-même ; il voit de partout, il entend de partout, et il a tous les autres sens dans la même mesure. Si non, il faudrait que certaines parties de Dieu dominassent et fussent dominées tour à tour ; ce qui est une évidente impossibilité. § 5. Dieu étant de partout et absolument semblable, il faut qu'il soit sphérique ; car il n'est pas ainsi dans telle partie sans l'être dans toute autre ; mais il l'est dans toutes sans exception.

§ 6. [977b] Du moment qu'il est éternel, un, sphérique, il s'ensuit qu'il ne peut être ni infini, ni fini. C'est le non-être qui est infini, attendu qu'il n'a ni principe, ni milieu, ni fin, ni aucune autre partie; or, c'est là ce qu'est l'infini. Mais l'être n'est pas comme le non-être ; et les êtres, du moment qu'ils sont multiples, se limitent les uns les autres mutuellement. L'Un ne peut être assimilé ni au non-être, ni aux êtres multiples, puisque l'Un n'a rien qui le limite. § 7. L'un, que Xénophane appelle Dieu, étant ainsi, il ne peut ni se mouvoir, ni être immobile. Le non-être, en effet, est immobile, parce qu'un autre être ne peut venir en lui, et qu'il ne peut lui-même aller dans un autre être. Il n'y a de mouvement que quand les êtres sont plus d'un; car c'est une nécessité, pour qu'il y ait mouvement, que l'un se meuve dans l'autre. Il n'est pas possible que rien se meuve dans le non-être, puisque le non-être n'existe absolument nulle part. Si les choses se changent les unes dans les autres, c'est qu'alors l'être est plus d'un.

§ 8. Voilà comment Xénophane prétend qu'il faut deux choses au moins, ou plus d'une, pour qu'il y ait mouvement, et que le rien est en repos et immobile ; que l'Un, au contraire, ne peut ni être en repos, ni être en mouvement; car il ne ressemble ni au non-être, ni aux êtres multiples.

§ 9. A tous ces égards, tel est Dieu, selon Xénophane, éternel et un, pareil en tous sens et sphérique, ni infini, ni fini, ni en repos, ni en mouvement.

Ch. III, Doctrines de Xénophane, il n'y a pas de doute sur l'exactitude de ce titre. Quatre manuscrits de saint-Marc, du Vatican, d'Urbin et de Paris, le donnent nettement; quelques autres portent cette suscription fautive : « De Zénon. » L'examen des théories prouve péremptoirement que c'est bien de Xénophane qu'il s'agit ; voir plus haut la Dissertation, page 196. - § 1. Il dit, Xénophane n'est pas expressément nommé non plus que ne l'a été Mélissus; voir plus haut, ch. 1, § 1. Je n'ai pas cru devoir rétablir son nom dans la première phrase de ce traité ; mais je le ferai plus loin, afin que la pensée soit plus claire. - Si quelque chose est, ce doute paraît à M. Brandis contraire aux opinions de Xénophane. Commentationes Eleaticae, page 27, note 1; il croit que ce début du 3e chapitre est, par erreur, une répétition du début du premier sur Mélissus. - Appliquant ceci à Dieu, et non pas au monde, comme Mélissus semble le faire. - Soit enfanté,.... ne l'enfante, cette répétition est dans le texte. - Les égaux, pour la quantité; Les semblables, pour la qualité. - En second lieu, j'ai ajouté ces mots, pour plus de clarté.

§ 2. Que Dieu est éternel, le nom d'Éternel est le nom propre de Dieu dans bien des cas. Dieu est l'être qui est, qui existe en soi, et qui a toujours existé, de même qu'il existera toujours. « Je suis celui qui est, » dit la Bible. La pensée de Xénophane est ici la même. - Selon Xénophane, le nom de Xénophane n'est pas exprimé ; il n'y a qu'un pronom démonstratif tout indéterminé; voir plus haut, § 1. - Le plus grand, le texte dit précisément : « Le meilleur. » Il faut remarquer que toute cette argumentation de Xénophane est pleine de force et de clarté ; elle a devancé de près d'un siècle les doctrines de Socrate et de Platon, et on doit croire qu'elle les a préparées. On a souvent aussi accusé Xénophane de Panthéisme; mais, ici il n'y en a pas trace, et si Dieu était confondu avec le monde, on ne pourrait pas dire qu'il est souverain et tout-puissant. - L'essence de Dieu, telle qu'il est permis à la raison de l'homme de la comprendre.

§ 3. Il faut nécessairement qu'il soit un, les arguments qui suivent ne sont pas moins forts que les précédents. La toute-puissance de Dieu implique son unité. La pensée seule de Xénophane est ici reproduite, sans que ses expressions mêmes le soient. M. Müllach a essayé de refaire les vers, et il en a donné trois pour tout ce passage ; naturellement il ne les a pas fait entrer dans ses Fragments de Xénophane.

§ 4. Il voit de partout, l'auteur aurait pu citer textuellement le vers de Xénophane, qui nous a été conservé aussi par Sextus Empiricus, Adversùs mathematicos - physicos, livre IX, § 114, page 596, édit. de 1842. Sextus Empiricus critique cette notion de Dieu, et il croit qu'il vaut mieux ne lui prêter qu'un seul sens : la vue, par exemple.

§ 5. Il faut qu'il soit sphérique, c'est une métaphore que fait Xénophane, après avoir lui-même blâmé les vaines images par lesquelles la faiblesse humaine essaie de se représenter Dieu. Dieu est la sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part; voir les Pensées de Pascal, édit. de M. E. Havet, page 3, 1852. - Sans exception, j'ai ajouté ces mots. M. Müllach rappelle, avec raison, un passage tout à fait analogue dans le Traité du Ciel, livre I, ch. 1, § 5, page 5 de ma traduction.

§ 6. Ni infini ni fini, il semble, au contraire, que l'idée d'infini va parfaitement avec celle de Dieu, éternel, c'est-à-dire infini dans le temps ; tout-puissant, c'est-à-dire infini dans la puissance, etc. - C'est le non-être qui est infini, c'est par un simple abus de langage que l'on peut confondre le non-être et l'infini. Le non-être n'est que l'indéterminé. En grec, les deux sens se confondent en un seul mot. - Ni aucune autre partie, tout ceci est par trop évident, puisque le non-être n'existe pas. - Se limitent mutuellement, ou « sont finis les uns relativement aux autres. » - L'un ne peut être assimilé, qu'à lui-même ; il est être, puisqu'il est tout ; il n'est pas dans la multiplicité, puisqu'il est l'unité même.

§ 7. Que Xénophane appelle Dieu, Xénophane n'est pas nommé ici non plus qu'au § 1. C'est cette opinion de Xénophane qui a pu le faire accuser de Panthéisme. Mais Dieu peut être un, tout en se distinguant absolument du monde. - Ni se mouvoir ni être immobile, il est, en effet, aussi difficile de concevoir Dieu immobile que de le concevoir en mouvement. Pour Aristote, c'est le moteur immobile donnant le mouvement à la nature entière, qu'il attire à lui, et restant lui-même dans une éternelle immobilité, indivisible, sans parties, incorporel, etc. ; voir le VIIIe livre de la Physique, dernier chapitre, et la Métaphysique, livre XII, ch. 5. Voir aussi les Fragments de Xénophane, frag. IV, conservé par Simplicius, Commentaire sur la Physique d'Aristote, f° 6, a, Fragmenta philosophorum grœcorum, éd. Firmin Didot, page 101. - Le non-être, en effet, est immobile, ceci est toujours la suite des théories de Xénophane, comme l'indique la tournure même de la phrase grecque. - Parce qu'un autre être ne peut venir en lui, puisque le non-être n'existe pas. - Il n'y a de mouvement, le texte n'est pas tout à fait aussi précis. - Pour qu'il y ait mouvement, j'ai ajouté ces mots, qui m'ont paru indispensables. - Dans le non-être, le texte dit précisément : « Vers le non-être; » ce qui me semble moins exact.

§ 8. Voilà comment Xénophane, le texte est tout à fait indéterminé ; et il n'a pas même ici de pronom démonstratif; mais la tournure de la phrase à l'infinitif implique que c'est la reproduction des pensées de Xénophane. - Au moins, j'ai ajouté ces mots. - Le rien, c'est l'expression même de l'original. - Car il ne ressemble..., l'argument n'est peut-être pas très-fort ; et il peut les dépasser infiniment sans leur ressembler en aucune manière.

§ 9. Selon Xénophane, même remarque qu'au § précédent. Xénophane n'est pas ici nommé davantage ; mais il n'est pas certainement plus douteux que c'est de lui qu'il est question.

 

CHAPITRE IV.

Réfutation des théories de Xénophane : citation de Mélissus ; comment il faut entendre la toute-puissance de Dieu; Dieu n'est pas sphérique ; il est infini ; l'unité de Dieu n'est pas incompatible avec sa limitation ; de l'immobilité de Dieu ; du mouvement que l'on peut concevoir en Dieu ; citation de Zénon.

1 Πρῶτον μὲν οὖν λαμβάνει καὶ οὗτος τὸ γιγνόμενον γίγνεσθαι ἐξ ὄντος, ὥσπερ ὁ Μέλισσος. Καίτοι τί κωλύει μήτ' ἐξ ὁμοίου τὸ γιγνόμενον γίγνεσθαι, ἀλλ' ἐκ μὴ ὄντος; τι οὐδὲν μᾶλλον ὁ θεὸς ἀγέννητος ἢ καὶ τἆλλα πάντα, εἴπερ ἅπαντα ἐξ ὁμοίου ἢ ἀνομοίου γέγονεν· ὅπερ ἀδύνατον. στε ἢ οὐδέν ἐστι παρὰ τὸν θεόν, ἢ καὶ τἆλλα ἀΐδια πάντα. 2 τι κράτιστον τὸν θεὸν λαμβάνει, τοῦτο δυνατώτατον καὶ βέλτιστον λέγων. Οὐ δοκεῖ δὲ τοῦτο κατὰ τὸν νόμον, ἀλλὰ πολλὰ κρείττους εἶναι ἀλλήλων οἱ θεοί. Οὐκ οὖν ἐκ τοῦ δοκοῦντος εἴληφε ταύτην κατὰ τοῦ θεοῦ τὴν ὁμολογίαν. Τό τε κράτιστον εἶναι τὸν θεὸν οὐχ οὕτως ὑπολαμβάνων λέγεται ὡς πρὸς ἄλλο τι τοιαύτη ἡ τοῦ θεοῦ φύσις, ἀλλὰ πρὸς τὴν αὐτοῦ διάθεσιν, ἐπεί τοί γε πρὸς ἕτερον οὐδὲν ἂν κωλύοι μὴ τῇ αὐτοῦ ἐπιεικείᾳ καὶ ῥώμῃ ὑπερέχειν, ἀλλὰ διὰ τὴν τῶν ἄλλων ἀσθένειαν. Θέλοι δ' ἂν οὐδεὶς οὕτω τὸν θεὸν φάναι κράτιστον εἶναι, ἀλλ' ὅτι αὐτὸς ἔχει ὡς οἷόν τε ἄριστα, καὶ οὐδὲν ἐκλείπει καὶ εὖ καὶ καλῶς ἔχειν αὐτῷ· ἅμα γὰρ ἴσως ἔχοντι κἀκεῖνο ἂν συμβαίη.

3 Οὕτω δὲ διακεῖσθαι καὶ πλείους αὐτοὺς ὄντας οὐδὲν κωλύει, ἅπαντας ὡς [978a] οἷόν τε ἄριστα διακειμένους, καὶ κρατίστους τῶν ἄλλων, οὐχ αὑτῶν ὄντας. στι δ', ὡς ἔοικε, καὶ ἄλλα. 4 Κράτιστον γὰρ εἶναι τὸν θεόν φησι, τοῦτο δέ τινι εἶναι ἀνάγκη, ἕνα τὰ πάντα ὁρᾶν καὶ ἀκούειν οὐδὲν προσήκει· οὐ γὰρ εἰ μὴ καὶ τῇδ' ὁρᾷ, χεῖρον ὁρᾷ ταύτῃ, ἀλλ' οὐχ ὁρᾷ. λλ' ἴσως τοῦτο βούλεται τὸ πάντῃ αἰσθάνεσθαι, ὅτι οὕτως ἂν βέλτιστα ἔχοι, ὅμοιος ὢν πάντῃ.

5 τι τοιοῦτος ὢν διὰ τί σφαιροειδὴς ἂν εἴη, ἀλλ' οὐχ ὅτι ἑτέραν τινὰ μᾶλλον ἔχων ἰδέαν, ὅτι πάντῃ ἀκούει καὶ πάντῃ κρατεῖ; σπερ γὰρ ὅταν λέγωμεν τὸ ψιμμύθιον ὅτι πάντα ἐστὶ λευκόν, οὐδὲν ἄλλο τι σημαίνομεν ἢ ὅτι ἐν ἅπασιν αὐτοῦ τοῖς μέρεσιν ἐγκέχρωσται ἡ λευκότης· τί δὴ κωλύει οὕτω κἀκεῖ τὸ πάντῃ ὁρᾶν καὶ ἀκούειν καὶ κρατεῖν λέγεσθαι, ὅτι ἅπαν ὃ ἄν τις αὐτοῦ λαμβάνῃ μέρος, τοῦτ' ἔσται πεπονθός; σπερ δὲ οὐδὲ τὸ ψιμμύθιον, οὐδὲ τὸν θεὸν ἀνάγκη διὰ τοῦτο εἶναι σφαιροειδῆ. 6 τι μήτε ἄπειρον μήτε πεπεράνθαι σῶμα γε ὂν καὶ ἔχον μέγεθος πῶς οἷόν τε, εἴπερ τοῦτ' ἐστὶν ἄπειρον ὃ ἂν μὴ ἔχῃ πέρας δεκτικὸν ὂν πέρατος. Πέρας δ' ἐν μεγέθει καὶ πλήθει ἐγγίνεται, καὶ ἐν ἅπαντι τῷ ποσῷ, ὥστε ἂν μὴ ἔχῃ πέρας μέγεθος ὄν, ἄπειρόν ἐστιν. 7 τι δὲ σφαιροειδῆ ὄντα ἀνάγκη πέρας ἔχειν. σχατα γὰρ ἔχει, εἴπερ μέσον ἔχει αὐτοῦ τοῦ πλεῖστον ἀπέχειν. Μέσον δ' ἔχει, σφαιροειδὲς ὄν· τοῦτο γάρ ἐστι σφαιροειδὲς ὃ ἐκ τοῦ μέσου ὁμοίως πρὸς τὰ ἔσχατα. Σῶμα ἔσχατα ἢ πέρατα ἔχειν, οἷον διαφορεῖ.

8 Εἰ γὰρ καὶ τὸ μὴ ὂν ἁπλοῦν, οὐκ ἂν καὶ τὸ ὂν ἄπειρον. Τί γὰρ κωλύει ἔνια ταὐτὰ λεχθῆναι κατὰ τοῦ ὄντος καὶ μὴ ὄντος; Τό τε γὰρ ὂν οὐκ ὂν οὐδεὶς νῦν αἰσθάνεται, καὶ ὂν δέ τις οὐκ ἂν αἰσθάνοιτο νῦν· ἄμφω δὲ λεκτά, ὅπως διανοητά. Οὐ λευκὸν δὲ τὸ μὴ ὄν· εἰ οὖν διὰ τοῦτο τὰ ὄντα πάντα λευκά, ὅπως μή τι ταὐτὸ κατὰ τοῦ ὄντος σημαίνωμεν καὶ μὴ ὄντος, ἢ οὐδὲν κωλύει καὶ τῶν ὄντων τι μὴ ὂν εἶναι λευκόν; Οὕτω δὲ καὶ ἄλλην ἂν ἀπόφασιν δέξαιτο τὸ ἄπειρον, εἰ μὴ τὸ πάλαι λεχθέντι μᾶλλον, παρὰ τὸ μὴ ἔχειν ἢ μὴ ἔχειν ἐστὶν ἅπαν. στε καὶ τὸ ὂν ἢ ἄπειρον ἢ πέρας ἔχον ἐστίν.

9 σως δὲ ἄτοπον καὶ τὸ προσάπτειν τῷ μὴ ὄντι ἀπειρίαν. Οὐ γὰρ πᾶν, εἰ μὴ ἔχει πέρας, ἄπειρον λέγομεν, ὥσπερ οὐδ' ἄνισον οὐκ ἂν φαῖμεν εἶναι τὸ μὴ ὄν. 10 τι οὐκ ἂν ἔχοι ὁ θεὸς πέρας εἷς ὤν, ἀλλ' οὐ πρὸς θεόν. Εἰ δὲ ἓν μόνον ἐστίν, ὁ θεὸς ἂν εἴη [978b] μόνον καὶ τὰ τοῦ θεοῦ μέρη. πεὶ καὶ τοῦτ' ἄτοπον, εἰ τοῖς πολλοῖς συμβέβηκε πεπεράνθαι πρὸς ἄλληλα, διὰ τοῦτο τὸ ἓν μὴ ἔχειν πέρας. Πολλὰ γὰρ τοῖς πολλοῖς καὶ τῷ ἑνὶ ὑπάρχει ταὐτά, ἐπεὶ καὶ τὸ εἶναι κοινὸν αὐτοῖς ἐστίν. τοπον οὖν ἴσως ἂν εἴη, εἰ διὰ τοῦτο μὴ φαῖμεν εἶναι τὸν θεόν, εἰ τὰ πολλά ἐστιν, ὅπως μὴ ὅμοιον ἔσται αὐτοῖς ταύτῃ.

11 τι τί κωλύει πεπεράνθαι καὶ ἔχειν πέρατα ἓν ὄντα τὸν θεόν; ς καὶ ὁ Παρμενίδης λέγει ἓν ὂν εἶναι αὐτὸν πάντοθεν εὐκύκλου σφαίρας ἐναλίγκιον ὄγκῳ, μεσσόθεν ἰσοπαλές. Τὸ γὰρ πέρας τινὸς μὲν ἀνάγκη ἴσως εἶναι, οὐ μέντοι πρός τι γε, οὐδὲ ἀνάγκη τὸ ἔχον πέρας πρός τι ἔχειν πέρας, ὡς πεπερασμένον πρὸς τὸ μὴ ἐφεξῆς ἀπείρου, ἀλλ' ἐστὶ τὸ πεπεράνθαι ἔσχατα ἔχειν, ἔσχατα δ' ἔχον οὐκ ἀνάγκη πρός τι ἔχειν. νίοις μὲν οὐ συμβαίνει πᾶν καὶ πεπεράνθαι.

12 Πάλιν περὶ τοῦ ἀκίνητον εἶναι τὸ ἓν καὶ τὸ ὄν, ὅτι καὶ τὸ ὂν κινεῖται, ἴσως ὁμοίως τοῖς ἔμπροσθεν ἄτοπον. Καὶ ἔτι ἆρά γε οὐ ταὐτὸ ἄν τις ὑπολάβοι τὸ μὴ κινεῖσθαι καὶ τὸ ἀκίνητον εἶναι, ἀλλὰ τὸ μὲν ἀπόφασιν τοῦ κινεῖσθαι, ὥσπερ τὸ μὴ ἴσον, ὅπερ καὶ κατὰ τοῦ μὴ ὄντος, εἴπερ ἀληθές, τὸ δὲ ἀκίνητον τῷ ἔχειν πως ἤδη λέγεσθαι, ὥσπερ τὸ ἄνισον, καὶ ἐπὶ τῷ ἐναντίῳ τοῦ κινεῖσθαι τῷ ἠρεμεῖν, ὡς καὶ σχεδὸν οἱ ἀπὸ τοῦ α ἀποφάσεις ἐπὶ ἐναντίοις λέγονται. Τὸ μὲν οὖν μὴ κινεῖσθαι ἀληθὲς ἐπὶ τοῦ μὴ ὄντος, τὸ δὲ ἠρεμεῖν οὐχ ὑπάρχει τῷ μὴ ὄντι. μοίως δὲ οὐδὲ ἀκίνητον εἶναι σημαίνει ταὐτόν. λλ' οὗτος ἐπὶ τῷ ἠρεμεῖν αὐτῷ χρῆται, καὶ φησὶ τὸ μὴ ὂν ἠρεμεῖν, ὅτι οὐκ ἔχει μετάβασιν.

13 περ τε καὶ ἐν τοῖς ἄνω εἴπομεν, ἄτοπον ἴσως, εἴ τι τῷ μὴ ὄντι προσάπτομεν, τοῦτο μὴ ἀληθὲς εἶναι κατὰ τοῦ ὄντος εἰπεῖν, ἄλλως τε κἂν ἀπόφασις ᾖ τὸ λεχθέν, των καὶ τὸ μὴ κινεῖσθαι μηδὲ μεταλαμβάνειν ἐστίν. Πολλὰ γὰρ ἄν, καθάπερ καὶ ἐλέχθη, ἀφαιροῖτο τῶν ὄντων κατηγορεῖ. Οὐδὲ γὰρ ἂν πολλὰ ἀληθὲς εἰπεῖν εἴη μὴ ἕν, εἴπερ καὶ τὸ μὴ ὂν ἐστὶ μὴ ἕν, εἴτε ἐπ' ἐνίων τἀναντία ξυμβαίνειν δοκεῖ κατὰ τοσαύτας ἀποφάσεις· ὧν ἀνάγκη ἢ ἴσον ἢ ἄνισον, ἄν τι πλῆθος ᾖ, καὶ μὴ ὡς ἢ καὶ ἄρτιον ἢ περιττόν, ἂν ἀριθμὸς ᾖ. μοίως δὲ ὡς καὶ τὸ ἠρεμεῖν ἢ κινεῖσθαι ἀνάγκη, ἂν σῶμα ᾖ.

14 τι εἰ καὶ διὰ τοῦτο μὴ κινεῖται ὁ θεός τε καὶ τὸ ἕν, ὅτι τὰ πολλὰ κινεῖται τῷ [979a] εἰς ἄλληλα ἰέναι, τί κωλύει καὶ τὸν θεὸν κινεῖσθαι εἰς ἄλλο; Οὐδα τι μόνον, ἀλλ' ὅτι εἷς μόνος θεός. Εἰ δὲ καὶ αὐτός, τί κωλύει εἰς ἄλληλα κινουμένων τῶν μερῶν τοῦ ... κύκλῳ φε... θεόν;

15 Οὐ γὰρ δὴ τὸ τοιοῦτον ἕν, ὥσπερ ὁ Ζήνων πολλὰ εἶναι φύσει. Αὐτὸς γὰρ σῶμα λέγει εἶναι τὸν θεόν, εἴτε τόδε τὸ πᾶν, εἴτε ὅ τι δήποτε αὐτὸ λέγων. σώματος γὰρ ὢν πῶς ἂν σφαιροειδὴς εἴη ἐπιμόνως, ὅταν οὕτως οὔτ' ἂν κινοῖτο οὔτ' ἂν ἠρεμοῖ μηδαμοῦ γε ὤν; πεὶ δὲ σῶμά ἐστι, τί ἂν αὐτὸ κωλύοι κινεῖσθαι ὡς ἐλέχθη;

§ 1. Nous faisons une première remarque : c'est que Xénophane, comme Mélissus, suppose que tout ce qui naît et devient, naît de l'être. Qui empêche, néanmoins, que ce qui naît ne naisse ni du semblable, ni du dissemblable, mais du non-être? Mais Dieu n'est pas plus incréé que tout le reste, si toutes les choses sont venues du semblable ou du dissemblable ; ce qui ne se peut pas. Par conséquent, ou il n'y a rien en dehors de Dieu, ou tout le reste aussi est éternel. § 2. Mais en outre, Xénophane admet que Dieu est souverain, voulant dire par là qu'il est le plus puissant et le meilleur. Ce n'est pas là ce que l'on croit vulgairement, et l'on admet que les Dieux sont, en bien des choses, supérieurs les uns aux autres. Ainsi, Xénophane n'a pas emprunté cette opinion hardie au consentement unanime du vulgaire. Mais, quand on dit que Dieu est le tout-puissant, ceci ne veut pas dire que c'est là la nature de Dieu par rapport à un autre ; mais c'est son propre rapport avec lui-même. Dans la relation à autrui, il se pourrait fort bien que Dieu ne l'emportât pas par sa supériorité et sa force incomparable, mais par la faiblesse des autres. Personne ne voudrait entendre, en ce sens, la toute-puissance de Dieu. Mais, on comprend que Dieu possède par lui-même tout ce qu'il y a de mieux, qu'il n'a aucun défaut quelconque, et qu'il a tout ce qui est bon et beau; et par toutes ces perfections, il a aussi celle de la toute-puissance.

§ 3. Il est vrai qu'on pourrait admettre qu'il y a aussi plusieurs Dieux doués des mêmes qualités, possédant tous [978a] les plus grandes perfections possibles, étant plus puissants que le reste des êtres, sans être entr'eux plus puissants les uns que les autres. Mais il y a aussi, à ce qu'il semble, d'autres êtres que lui. § 4. En effet, il prétend que Dieu est le plus puissant, et il faut nécessairement que ce soit le plus puissant de certains êtres. Mais par ce motif que Dieu est unique, il ne convient pas de dire qu'il voit de partout et qu'il entend de partout ; car parce qu'il ne verrait pas de telle ou telle partie, cela ne veut pas dire qu'il voit plus mal, mais seulement qu'il ne voit pas de cette partie là. Peut-être aussi quand il soutient que Dieu sent de toutes parts, cela veut dire simplement que de cette façon Dieu serait encore plus parfait, puisqu'il est semblable dans toutes ses parties.

§ 5. S'il est comme on vient de le voir, pourquoi lui donner la forme d'une sphère? Pourquoi n'aurait-il pas plutôt une autre forme, puisqu'il entend de partout, qu'il voit de partout ? Car de même que, quand nous disons que la céruse est blanche partout, nous ne voulons pas exprimer autre chose si ce n'est que la blancheur est fondue dans toutes ses parties, de même qui empêche, quand on dit que Dieu voit, entend et domine de partout, de comprendre, que quelle que soit la partie de Dieu que l'on prenne, elle aura toujours ces qualités ? Il ne faut pas plus pour cela que Dieu soit sphérique qu'il ne faut que la céruse le soit. § 6. En outre, comment se peut-il que Dieu étant un corps et ayant de la grandeur ne soit ni infini ni fini, puisqu'on entend par infini ce qui n'a pas de limite, tout en étant susceptible d'en avoir ? La limite doit s'appliquer à la grandeur et au nombre, et à toute quantité quelconque, de telle sorte qu'une grandeur qui n'a pas de limite est appelée infinie. § 7. Du moment qu'on fait Dieu sphérique, il y a nécessité qu'il ait une limite ; car il a des extrémités, puisqu'il a un centre, qui est à la plus grande distance possible de sa limite. Or il a nécessairement un centre dès qu'il est sphérique, puisqu'on entend par sphérique ce qui a son milieu à égale distance des extrémités. Mais il n'y a nulle différence à dire que le corps a une limite ou des extrémités.

§ 8. Si le non-être est infini, pourquoi l'être ne serait-il pas infini aussi ? Qui empêche que l'être et le non-être n'aient certaines qualités communes et identiques? Ainsi on ne peut actuellement sentir le non-être, sentir ce qui n'est pas, et il se peut fort bien aussi qu'on ne sente pas actuellement ce qui est. On peut dire et concevoir à la fois les deux choses. Le non-être n'est pas blanc ; mais s'en suit-il qu'on doive dire que tous les êtres soient blancs, afin de ne pas affirmer une même chose de l'être et du non-être ? Et ne se peut-il pas que, parmi les êtres, il y en ait un qui ne soit pas blanc ? De cette manière, l'infini recevrait encore une seconde négation, si contrairement au vieil adage, l'être ne consiste pas plus à avoir qu'à ne pas avoir. Par conséquent, l'être aussi peut être infini ou avoir une limite.

§ 9. Mais peut-être est-il déraisonnable d'accoler l'infinitude au non-être. On ne peut pas dire de toute chose qu'elle est infinie par cela seul qu'elle n'a pas de limite, pas plus qu'on ne dit, par exemple, du non-être qu'il est inégal. § 10. Mais Dieu étant un, pourquoi n'aurait-il pas de limite? Sans doute ; mais il ne peut en avoir à l'égard d'un autre Dieu. Si Dieu est tout un, il faut que toutes les parties de Dieu [978b] ne fassent aussi qu'une pure unité ; car on ne comprend pas que, si les choses multiples se limitent mutuellement, il faille pour cela que l'Un soit sans limite. La pluralité et l'unité ont plusieurs attributions toutes pareilles, et l'être est commun à l'une comme à l'autre. Il serait bien étrange d'aller nier l'existence de Dieu, l'existence de la pluralité des choses étant admise, afin que Dieu ne ressemble pas aux choses sous ce rapport.

§ 11. Pourquoi Dieu, tout en étant un, ne serait-il pas fini, et n'aurait- il pas de bornes? Comme le dit Parménide, tout en reconnaissant que Dieu est un, et en le comparant

« A la sphère bien ronde, égale de tous points,
A partir du milieu .... »

Une chose, en effet, peut avoir nécessairement une limite, sans que ce soit par rapport à quelque chose, pas plus qu'il n'est nécessaire que ce qui a une limite ait une limite relative, comme le fini par rapport à l'infini qui le suit. Être fini, c'est bien avoir des extrémités ; mais ce qui a des extrémités ne les a pas nécessairement par rapport à quelque-chose. Il y a certaines choses qui, tout ensemble, sont finies et touchent quelque chose ; mais il en est aussi qui sont finies, et qui ne le sont relativement à rien.

§ 12. A un autre point de vue, soutenir que l'être et l'Un ne sont pas immobiles et ne se meuvent pas cependant, parce que le non-être ne se meut pas, c'est là une assertion au moins aussi étrange qu'aucune des précédentes. Il n'y a pas du tout d'identité à dire, comme on pourrait le croire, qu'une chose ne se meut pas et qu'elle est immobile. D'une part, c'est la négation du mouvement dans le sens où l'on dit d'une chose qu'elle n'est pas égale ; ce qui peut être vrai même du non-être ; tandis que, d'autre part, on dit d'une chose qu'elle est immobile, parce qu'elle est déjà d'une certaine façon, de même qu'on dit d'une chose qu'elle est inégale. Ici, le repos est le contraire du mouvement, comme en général toutes les négations formées de A privatif s'appliquent à des contraires. Il est exact de dire du non-être qu'il ne se meut pas; mais il n'est pas exact de dire que le non-être soit en repos ; de même qu'on ne doit pas dire qu'il soit immobile, ce qui a la même signification. Mais Xénophane emploie pour le non-être le mot de repos, et il dit que le non-être est en repos, parce qu'il n'a pas de déplacement.

§ 13. Ainsi que nous venons de le dire un peu plus haut, on aurait peut-être tort d'affirmer que, par cela seul qu'une attribution est convenablement appliquée au non-être, elle ne soit plus convenable à l'être, surtout quand le mot qu'on emploie n'est qu'une négation comme le sont : Ne pas se mouvoir, Ne pas se déplacer. Il y a une foule d'attributions, je le répète, qui s'appliquent tout aussi bien aux êtres ; car il y a une foule de choses dont il ne serait pas vrai de dire qu'elles ne sont pas unes, parce que le non-être n'est pas un. Ensuite, il y a des choses où les mêmes négations semblent produire les contraires. Ainsi, par exemple, il est nécessaire qu'il y ait égalité ou inégalité, du moment qu'il y a quantité, et qu'il y ait de même pair ou impair du moment qu'il y a nombre ; de même aussi il faut qu'il y ait mouvement ou repos, du moment qu'il y a corps.

§ 14. Mais si l'on dit que Dieu et l'Un ne se meut point, parce que les choses multiples se meuvent en allant les unes vers les autres, qui empêche aussi que Dieu se meuve en allant vers autre chose? Ce n'est pas du tout parce qu'il n'est que Dieu ; mais c'est parce qu'il n'y a qu'un seul et unique Dieu. Et s'il ne se meut pas lui-même, qui empêche que, les parties de Dieu se mouvant les unes vers les autres, Dieu aussi n'ait un mouvement circulaire ?

§ 15. Mais ce n'est plus là être un, comme l'entend Zénon ; c'est être multiple, ainsi qu'il le remarque ; car Zénon soutient que Dieu est corps, soit qu'il le fasse le tout que nous voyons, soit qu'il lui donne tout autre nom. Si Dieu était incorporel, comment en effet serait-il sphérique? Et il faudrait qu'il fût incorporel, c'est-à-dire qu'il ne fût pas absolument du tout, pour n'avoir ni mouvement ni repos. Et s'il est corps, qui empêche qu'il ne se meuve, ainsi qu'on l'a dit?

Ch. IV, § 1. Comme Mélissus, ici Mélissus est expressément nommé et c'est une prouve de plus que c'est à lui qu'est consacré la première partie de ce traité ; voir plus haut, ch. 1, § 1, et la Dissertation, page 194 - Suppose, l'expression du texte a la même force. - Naît et devient, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. - Ni du dissemblable, ces mots, qui manquent dans les manuscrits, ont été suppléés pal M. Müllach, d'après la traduction de Feliciano. - Mais Dieu n'est pas plus incréé, il semble que c'est une objection d'Aristote contre la doctrine de Xénophane ; mais il est possible aussi que ce soit une objection de Xénophane contre des théories opposées aux siennes. - Il n'y a rien en dehors de Dieu, cette opinion est une de celles qui ont pu faire accuser Xénophane de Panthéisme. « En dehors de Dieu » est la leçon donnée par le manuscrit de Leipsick, et que Feliciano a déjà dans sa traduction, comme le remarque avec raison M. Müllach.

§ 2. Xénophane admet, il n'y a pas de nom exprimé ici plus qu'ailleurs. - Ce que l'on croit vulgairement, ou peut-être : « ce qu'on doit croire, suivant la loi. » - Supérieurs les uns aux autres, ainsi, Mars est le plus belliqueux et le plus courageux des Immortels ; Vénus est la plus belle des Déesses ; Minerve, la plus sage ; Apollon, le plus savant, etc. - Xénophane n'a pas emprunté, Xénophane n'est pas nommé ; mais c'est un bel éloge de sa doctrine et de sa théodicée ; elle était toute contraire aux opinions répandues de son temps. - Par rapport à un autre, toute cette argumentation est très profonde ; et elle donne une bien haute idée du génie de Xénophane. - Incomparable, j'ai ajouté ce mot.  - Il y a aussi celle de la toute-puissance, le texte n'est pas tout à fait aussi précis ; l'expression dont il se sert est assez vague ; mais le sens n'est pas douteux.

§ 3. Il est vrai qu'on pourrait admettre aussi, c'est là à peu près toute la théodicée d'Homère, quoique les Dieux du poète aient entr'eux quelque subordination, Jupiter étant le plus grand et le plus puissant de tous. - D'autres êtres que lui, ou « d'autres êtres qu'eux. » J'ai préféré, dans l'indécision du texte, faire rapporter ceci à Dieu, plutôt qu'aux dieux.

§ 4. Il prétend, j'ai conservé la formule du texte, au lieu de répéter le nom de Xénophane. - De certains êtres, ceci est une correction de M. Müllach ; et cette correction paraît indispensable, bien qu'elle ne soit autorisée par aucun manuscrit. Mais Feliciano, dans sa traduction, semble avoir eu une variante de ce genre. - Que Dieu est unique, comme le prétend Xénophane. - De telle ou telle partie, le texte n'est pas tout à fait aussi précis. - Semblable dans toutes ses parties, sans doute Xénophane veut simplement dire que Dieu est présent partout.

§ 5. Comme on vient de le voir, d'après la théorie de Xénophane. - La forme d'une sphère, c'est en effet aller contre les opinions même du philosophe, critiquant les notions et les images que le vulgaire se fait des Dieux; c'est aussi peu raisonnable que l'anthropomorphisme ordinaire. - Il entend de partout, la sphère est l'unité, et cette image ne s'accorde pas avec l'idée qu'on se fait de l'infinitude de Dieu. - Que la céruse est blanche partout, cette comparaison de la céruse n'est pas amenée, et elle peut paraître assez bizarre. - La partie de Dieu que que l'on prenne, ces théories doivent paraître extrêmement avancée pour le temps où Xénophane les exprime ; et l'on ne peut douter qu'elles n'aient bien été les siennes, d'après tous les témoignages que nous a transmis l'antiquité. - Que la céruse le soit, même remarque que plus haut sur la comparaison avec la céruse. D'ailleurs le fond de la pensée est juste, bien que la forme ait quelque chose de singulier.

§ 6. En outre, nouvelle objection de l'auteur contre les théories de Xénophane. - Ni infini ni fini, il est en effet impossible à notre raison de comprendre Dieu, si ce n'est sous la notion de l'infini. - Ce qui n'a pas de limite, ceci est vrai ; mais ce qui suit ne l'est pas également, et ce qui est susceptible d'avoir des limites ne peut jamais être infini, même quand il n'en a pas ; ce n'est que l'indéfini, l'indéterminé. - Une grandeur qui n'a pas de limite est appelée infinie, peut - être est-il mieux valu dire : « une quantité; » et alors l'expression eût été encore plus générale.

§ 7. Qu'on fait Dieu sphérique, le texte n'est pas aussi formel. - Il y a nécessité qu'il ait une limite, ce qui répugne à la notion de l'infinitude de Dieu. L'objection est très forte. - Puisqu'on entend par sphérique, c'est en effet la définition de la sphère, aussi bien que celle du cercle, avec la seule différence du solide à la surface. - Une limite ou des extrémités, cette identité se retrouve dans notre langue tout aussi bien qu'en grec, parce qu'elle est dans la pensée, sans être non plus dans les mots.

§ 8. Si le non-être est infini, cette leçon est celle qu'avait Féliciano, comme le prouve sa traduction; et dans l'ordre des pensées, c'est la seule qu'on puisse accepter, bien que les manuscrits ne la donnent pas. - Certaines qualités, ou « conditions ». L'expression du texte est tout à fait indéterminée. - Sentir ce qui n'est pas, j'ai cru devoir ajouter cette paraphrase de ce qui précède; cette répétition n'est pas dans le texte. - Les deux choses, qui s'appliquent à l'être et au non-être tout aussi bien. En effet ce qu'on ne sent pas, et qu'on ne perçoit d'aucune manière, est pour nous comme s'il n'était pas, bien qu'il soit; c'est du non-être, quant à nous, si ce n'est dans la réalité. - Qu'on doive dire, le texte n'est pas aussi développé. - Qui ne soit pas blanc, de même que le non-être ne l'est pas non plus. - Une seconde négation, la pensée n'est pas très claire, parce que l'infini n'est pas en lui-même une négation. Il n'y a de négation que dans l'indéfini et l'indéterminé. A bien des points de vue, on pourrait soutenir que l'infini a plus d'être que le fini, ou plutôt qu'il est le seul être véritable. voilà comment Dieu est infini de quelque côté que notre faible raison le considère, en durée, en espace, en puissance, en justice, en bonté, etc. etc. - Au vieil adage, je ne connais pas d'autre auteur où cet adage soit spécialement cité; peut-être aussi ce passage n'a-t-il pas le sens que je lui donne de préférence, et signifie-t-il simplement : « contrairement à ce qui vient d'être dit. » J'aurais adopté ce dernier sens, si en effet ces expressions se retrouvaient du moins en partie dans ce qui précède; mais je ne les y vois pas assez nettement. - Par conséquent, l'être peut être infini, la conséquence ne paraît pas très rigoureuse ; mais la pensée est vraie ; et c'est l'être en effet qui est infini, tandis que le non-être ne peut être appelé de ce nom que par rapport à l'être, dont il est la négation.

§ 9. D'accoler, il me semble que cette nuance de trivialité est aussi dans l'expression du texte. - L'infinitude, ou mieux : « l'idée d'infinitude. » - Par cela seul qu'elle n'a pas de limite, il est clair que la différence est fort grande entre l'infini et l'indéterminé. - Par exemple, j'ai ajouté ces mots.

§ 10. Sans doute, mais il ne peut en avoir, le texte n'est pas aussi explicite; mais la pensée semble évidente, bien que les leçons des manuscrits ne soient pas d'accord. - A l'égard d'un autre Dieu, le texte dit simplement : « à l'égard d'un Dieu. » D'ailleurs tout ce passage est restitué d'après une conjecture de M. Brandis, que justifie la traduction de Féliciano. - Qu'une pure unité, même observation. - Il faille pour cela que l'Un soit sans limite, il n'y a pas ici de variante; mais la pensée n'est pas assez claire, quoique l'expression elle-même le soit. L'être, compris au sens d'unité qui embrasse tout, est nécessairement infini. - La pluralité et l'unité, voir plus haut, § 8, où l'être et le non-être sont comparés aussi sous ce rapport. - L'existence de Dieu, l'existence de la pluralité, cette répétition est dans le texte. - Sous ce rapport, l'expression de l'original est tout aussi vague. La contradiction qu'on signale ici s'est reproduite dans les théories des Alexandrins; et ils en sont arrivés à nier l'être à l'Un, tel qu'ils le concevaient, tout en accordant l'existence aux choses particulières.

§ 11. Comme le dit Parménide, ce vers est cité en partie par Aristote, Physique, Livre III, ch. 9, § 4, page 126 de ma traduction; voir aussi les fragments de Parménide, vers 103 et 104, édit. de Firmin Didot. - A partir du milieu, ou « de son centre. » C'est la définition de la sphère, telle que la géométrie la donne. - Sans que ce soit par rapport à quelque chose, il semble, au contraire, que l'idée de limite implique nécessairement celle de rapport. - Une limite relative, ou « relativement à quelque chose. » - Et touchent quelque chose, c'est l'idée même de fini. - Et qui ne le sont relativement à rien, l'auteur aurait dû citer ces choses un peu plus précisément.

§ 12. Ne sont pas immobiles et ne se meuvent pas, voir plus haut, ch. 3, § 7. Peut-être faudrait-il mettre le singulier au lieu du pluriel, l'être et l'un se confondant l'un avec l'autre. - Qu'une chose ne se meut pas et qu'elle est immobile, dans le langage commun, on ne ferait pas de différence entre ces deux expressions; mais il est possible aussi de les distinguer, comme on le fait ici ; quand on dit d'une chose qu'elle ne se meut pas, c'est qu'il est dans sa nature de pouvoir se mouvoir; quand on dit, au contraire, qu'elle est immobile, c'est qu'elle est absolument privée de mouvement. - Ce qui peut être vrai même du non-être, bien que le non-être n'étant rien puisse être également doué ou privé de toutes qualités. - Elle est déjà d'une certaine façon, l'expression est bien vague; je n'ai pas cru devoir la préciser davantage. - Comme en général toutes les négations formées, ceci pourrait bien n'être qu'une glose ajoutée par quelque commentateur. - Qu'il ne se meut pas, c'est-à-dire que c'est toujours sous la forme négative qu'il faut parler du non-être. Quand on dit, au contraire « être en repos; être immobile, » ce sont des affirmations que le non-être ne comporte pas. Tout cela est bien subtil. - Ce qui a la même signification, la forme seule de l'expression étant un peu différente. - Xénophane, le texte dit simplement : « celui-ci; » voir plus haut, ch. 3, § 1, et ch. 1, § 1.

§ 13. Ainsi que nous venons de le dire, voir plus haut, § 8, et aussi au § précédent. - N'est qu'une négation, qui a par conséquent plus de rapport avec le non-être qu'avec l'être. - Je le répète, voir plus haut, §§ 7 et 8. - Tout aussi bien aux êtres, qu'elles peuvent s'appliquer au non-être. - Qu'elles ne sont pas unes, qu'elles ne forment pas une unité, et toutes les choses individuelles sont dans ce cas. - Semblent produire les contraires, il faudrait dire : « les mêmes contraires, » comme cela parait ressortir des exemples cités. - Qu'il y ait mouvement ou repos, cette conclusion n'est pas moins nécessaire que les deux autres. Seulement l'opposition formelle n'existe que dans le premier exemple, où l'égalité et l'inégalité sont exprimées par deux mots dont la racine est la même, et ne diffèrent que par la négation ; dans le second exemple et dans le troisième, les mots sont différents, et ils ont tous deux la forme affirmative. Je n'ai pas pu dans notre langue conserver toutes ces nuances autant que je l'aurais voulu.

§ 14. Ne se meut point, j'ai conservé le singulier, parce que Dieu et l'Un se confondent. - En allant vers autre chose, j'ai conservé l'indécision du texte ; mais la pensée n'est pas juste ; car Dieu étant partout, ne peut se mouvoir comme les êtres particuliers, vers un lieu où il ne serait pas. - Parce qu'il n'est que Dieu, la pensée reste obscure, comme l'expression, surtout quand on se rappelle que plus haut Xénophane a fait Dieu tout puissant. - Les parties de Dieu, ceci semblerait confondre Dieu et le monde, comme on a quelquefois accusé Xénophane de le faire. - N'ait un mouvement circulaire, le mouvement circulaire étant le seul qui puisse être infini et éternel; voir la Physique, Livre VIII, ch. 12, page 529 de ma traduction.

§ 15. Zénon, cette indication formelle de Zénon semble autoriser à croire que ce traité devait avoir une quatrième partie où il était question de Zénon, comme il est question dans les trois autres de Mélissus, de Xénophane et de Gorgias ; voir plus haut la Dissertation, page 201. - C'est être multiple, mot - à - mot : « bien des choses. » - Que nous voyons, le texte n'est pas tout à fait aussi précis. - Serait-il sphérique comme plus haut, § 11 dans le vers cité de Parménide. - Qu'il fût incorporel, c'est précisément ce qu'Aristote soutient dans le dernier chapitre de la Physique, § 26, page 569 de ma traduction. - Ainsi qu'on l'a dit, ou « que je viens de le dire. »

 

 DOCTRINES DE GORGIAS.

 

CHAPITRE V.

Les trois théories principales de Gorgias : sur l'être, sur l'impossibilité de la science, et de la transmission de la science. Sur la première théorie, Gorgias combine les opinions antérieures ; Mélissus et Zénon ; exposition du système de Gorgias sur l'égale impossibilité de l'être et du non-être.

1 Οὐκ εἶναί φησιν οὐδέν· εἰ δ' ἔστιν, ἄγνωστον εἶναι· εἰ δὲ καὶ ἔστι καὶ γνωστόν, ἀλλ' οὐ δηλωτὸν ἄλλοις.

2 Καὶ ὅτι μὲν οὐκ ἔστι, συνθεὶς τὰ ἑτέροις εἰρημένα, ὅσοι περὶ τῶν ὄντων λέγοντες τἀναντία, ὡς δοκοῦσιν, ἀποφαίνονται αὑτοῖς, οἱ μὲν ὅτι ἓν καὶ οὐ πολλά, οἱ δὲ αὖ ὅτι πολλὰ καὶ οὐχ ἕν, καὶ οἱ μὲν ὅτι ἀγένητα, οἱ δ' ὡς γενόμενα  3 ἐπιδεικνύντες ταῦτα, συλλογίζεται κατ' ἀμφοτέρων. νάγκη γάρ, φησίν, εἴ τί ἐστι, μήτε ἓν μήτε πολλὰ εἶναι, μήτε ἀγέννητα μήτε γενόμενα, οὐδὲν ἂν εἴη. Εἰ γὰρ μὴ εἴη τι, τούτων ἂν θάτερα εἴη. τι οὐκ ἔστιν οὔτε ἓν οὔτε πολλά, οὔτε ἀγέννητα οὔτε γενόμενα, τὰ μὲν ὡς Μέλισσος, τὰ δὲ ὡς Ζήνων ἐπιχειρεῖ δεικνύειν μετὰ τὴν πρώτην ἴδιον αὐτοῦ ἀπόδειξιν, ἐν ᾗ λέγει ὅτι οὐκ ἔστιν οὔτε εἶναι οὔτε μὴ εἶναι. 4 Εἰ μὲν γὰρ τὸ μὴ εἶναι ἔστι μὴ εἶναι, οὐδὲν ἂν ἧττον, τὸ μὴ ὂν τοῦ ὄντος εἴη. Τό τε γὰρ μὴ ὄν ἐστι μὴ ὄν, καὶ τὸ ὂν ὄν, ὥστε οὐδὲν μᾶλλον ἢ εἶναι ἢ οὐκ εἶναι τὰ πράγματα. 5 Εἰ δ' ὅμως τὸ μὴ εἶναί ἐστι, τὸ εἶναι, φησίν, οὐκ ἔστι τὸ ἀντικείμενον. Εἰ γὰρ τὸ μὴ εἶναί ἐστι, τὸ εἶναι [ἢ] μὴ εἶναι προσήκει. στε οὐκ ἂν οὕτως, φησίν, οὐδὲν ἂν εἴη, εἰ μὴ ταὐτόν ἐστιν εἶναί τε καὶ μὴ εἶναι. Εἰ δὲ ταὐτό, καὶ οὕτως οὐκ ἂν εἴη οὐδέν· τό τε γὰρ μὴ ὂν οὐκ ἔστι καὶ τὸ ὄν, ἐπείπερ ταὐτὸ τῷ μὴ ὄντι.

Οὗτος μὲν οὖν ὁ αὐτὸς λόγος ἐκείνου.

§ 1. Il soutient que rien n'existe réellement, que si quelque chose existe, ce quelque chose nous reste inconnu, et que si quelque chose existe et qu'on puisse le connaître soi-même, on ne peut l'expliquer aux autres.

§ 2. Pour cette première assertion, à savoir que rien n'existe, Gorgias réunit les théories énoncées par d'autres philosophes, qui, émettant des idées contraires sur la réalité telle qu'elle nous apparaît, se sont persuadé, ceux-ci, qu'il n'y a que l'unité et que la pluralité n'est pas possible ; ceux-là, au contraire, que la pluralité seule est réelle et que l'unité ne l'est pas ; les uns regardant les choses comme incréées, les autres les regardant comme créées. § 3. Gorgias combine ces deux opinions pour raisonner comme il fait : « Il faut nécessairement, dit-il, s'il y a quelque chose, que ce quelque chose ne soit ni un ni plusieurs ; que les choses ne soient ni incréées ni créées ; et alors, c'est qu'il n'y a rien. S'il y avait en effet quelque chose, il faudrait que ce fût l'un ou l'autre. » Qu'il n'y ait ni unité ni pluralité, et que les choses ne soient ni incréées ni créées, il essaie de le démontrer, soit comme Mélissus, soit comme Zénon, après la première démonstration qui lui est propre, et où il prouve à sa manière que l'être ni le non-être n'existent pas plus l'un que l'autre. § 4. A son sens, s'il est possible que le non-être soit le non-être, le non-être n'existe pas moins que l'être ; car ce non-être est le non-être comme l'être est l'être, de telle façon que l'on ne peut pas plus dire des choses qu'elles sont, qu'on ne peut dire qu'elles ne sont pas. § 5. « Mais si le non-être existe, dit Gorgias, l'être dès lors n'est plus son opposé ; car si le non-être est, il faut que l'être ne soit pas. Par conséquent, ajoute-t-il, il n'y a rien ; à moins que l'être et le non-être ne soient pas une seule et même chose. Mais c'est en effet la même chose, et dès lors il n'y a rien ; car le non-être n'est pas, et l'être n'existe pas non plus, puisqu'il est identique au non-être. »

Tel est le raisonnement textuel de Gorgias.

Ch. V, § 1. Il soutient, voir plus haut, ch. 1, § 1, et ch. 3, § 1. Gorgias n'est pas plus nommé ici que ne l'ont été Mélissus et Xénophane; mais le manuscrit de Leipsick intitule cette partie du traité : «d'Aristote sur Gorgias. » Il ne peut y avoir ici le moindre doute sur le philosophe que cette analyse concerne; voir la Dissertation, plus haut, page 476. -  Que rien n'existe réellement, voir plus haut, ch. 1, ce qui regarde Mélissus, et plus loin, l'analyse de la doctrine de Gorgias par Sextus Empiricus.

§ 2. Gorgias, dans ce passage, Gorgias n'est pas plus nommé que dans les autres; il n'y a qu'un verbe à la troisième personne. - Telle qu'elle nous apparaît, ou « telle qu'elle leur apparaît. » - Comme créées, voir le Traité du ciel, Livre I, ch. 10, page 83, de ma traduction.

§ 3. Gorgias combine, même remarque que plus haut sur le nom de Gorgias.  - Dit-il, ni un ni plusieurs, voir plus loin l'analyse de Sextus Empiricus, au début. - Que ce fût l'un ou l'autre, j'ai conservé toute l'indécision du texte ; en d'autres termes : « Il faudrait que ce qui serait fût ou un ou multiple; il faudrait qu'il fut créé ou incréé. »  - Soit comme Mélissus, soit comme Zénon, de ce passage où Mélissus et Zénon sont expressément nommés, on peut tirer ces deux conséquences : d'abord, que la première partie de ce traité se rapporte bien à Mélissus, et en second lieu, qu'il y manque une partie où Zénon était analysé, comme le sont Mélissus, Xénophane et Gorgias ; voir la Dissertation plus haut, page 201. - Que l'être ni le non-être, le texte dit mot-à-mot : « que être et ne pas être ne sont pas. »

§ 4. Que le non-être soit le non-être, tout le sophisme repose sur le verbe Être appliqué au non-être; et du moment qu'on dit du non-être qu'il est, on peut en conclure qu'il est au même  titre que l'être. Ce sont des subtilités bien peu sérieuses; et Platon avec Socrate a bien fait de les tourner en ridicule. - Qu'on ne peut dire, le texte n'est pas aussi explicite.

§ 5. Dit Gorgias, il n'y a dans le texte qu'un verbe à la troisième personne; et Gorgias n'est pas nommé, comme j'ai cru devoir le faire, pour plus de clarté, dans ma traduction. - Son opposé, le terme d'Opposé est plus général que celui de Contraires; voir les Catégories, ch. X, page 109 de ma traduction. - Ne soient pas une même chose, et Gorgias croit avoir démontré qu'ils sont identiques. - Et dès lors il n'y a rien, on pourrait tout aussi bien conclure que tout existe, le non-être aussi bien que l'être ; et cette conclusion serait tout aussi fondée que l'autre. - Textuel, j'ai ajouté ce mot, pour rendre toute la force de l'expression grecque.

 

CHAPITRE VI.

Réfutation de la première théorie de Gorgias ; citation de Mélissus et de Zénon ; l'être et le non-être ne se confondent pas, et le mouvement est possible ; citation des Discours de Leucippe. - Réfutation de la seconde théorie de Gorgias sur l'impossibilité de la science ; et de la troisième théorie sur l'impossibilité de transmettre la science, si on l'avait acquise. - Annonce d'études ultérieures sur les anciens philosophes.

1 Οὐδαμόθεν δὲ συμβαίνει ἐξ ὧν εἴρηκεν, μηδὲν εἶναι. γὰρ καὶ ἀποδείκνυσιν, οὕτως διαλέγεται. Εἰ τὸ μὴ ὄν ἐστιν ἢ ἔστιν, ἁπλῶς εἰπεῖν εἴη, καὶ ἔστιν ὅμοιον μὴ ὄν. 2 Τοῦτο δὲ οὔτε φαίνεται οὕτως οὔτε ἀνάγκη, ἀλλ' ὡσπερεὶ δυοῖν, ὄντος, τοῦ δ' οὐκ ὄντος, τὸ μὲν ἔστι, τὸ δ' οὐκ ἀληθές, ὅτι ἐστὶ [979b] τὸ μὲν μὴ ὄν. Διότι οὖν οὐκ ἔστιν, οὔτε εἶναι οὔτε μὴ εἶναι τὰ ἄμφω οὔθ' ἕτερον οὐκ ἔστιν. Οὐδὲν γάρ, φησίν, εἴη ἂν τὸ μὴ εἶναι τοῦ εἶναι, εἴπερ εἴη τι καὶ τὸ μὴ εἶναι. Οὐδείς φησιν εἶναι τὸ μὴ εἶναι οὐδαμῶς. Εἰ δὲ καὶ ἔστι τὸ μὴ ὂν μὴ ὄν, οὐδ' οὕτως ὁμοίως ἂν εἴη τὸ μὴ ὂν τῷ ὄντι· τὸ μὲν γάρ ἐστι μὴ ὄν, τὸ δὲ καὶ ἔστιν ἔτι.

3 Εἰ δὲ καὶ ἁπλῶς εἰπεῖν ἀληθές, ὡς δὴ θαυμάσιόν τ' ἂν εἴη τὸ μὴ ὄν ἐστιν. λλ' εἰ δὴ οὕτω, πότερον μᾶλλον ξυμβαίνει τὰ πάντα εἶναι ἢ μὴ εἶναι; Αὐτὸ γὰρ οὕτω γε τοὐναντίον ἔοικε γίνεσθαι. 4 Εἰ γὰρ τό τε μὴ ὄν ἐστι καὶ τὸ ὂν ὄν ἐστιν, ἅπαντά ἐστιν. Καὶ γὰρ τὰ ὄντα καὶ τὰ μὴ ὄντα ἐστίν. Οὐκ ἀνάγκη γάρ, εἰ τὸ μὴ ὄν ἐστι, καὶ τὸ ὂν μὴ εἶναι. Εἰ δὴ καὶ οὕτω τις ξυγχωρεῖ, καὶ τὸ μὲν μὴ ὂν εἴη, τὸ δὲ ὂν μὴ εἴη, ὅμως οὐδὲν ἧττον εἴη ἄν· τὰ γὰρ μὴ ὄντα εἴη κατὰ τὸν ἐκείνου λόγον. 5 Εἰ δὲ ταὐτόν ἐστι καὶ τὸ εἶναι καὶ τὸ μὴ εἶναι, οὐδ' οὕτως μᾶλλον οὐκ [εἴη] ἄν τι εἴη. ς γὰρ κἀκεῖνος λέγει, ὅτι εἰ ταὐτὸν μὴ ὂν καὶ ὄν, τό τε ὂν οὐκ ἔστι καὶ τὸ μὴ ὄν. στε οὐδέν ἐστιν, ἀντιστρέψαντι ἔστιν ὁμοίως φάναι ὅτι πάντα ἐστίν. Τό τε γὰρ μὴ ὄν ἐστι καὶ τὸ ὄν, ὥστε πάντα ἐστίν.

6 Μετὰ δὲ τοῦτον τὸν λόγον φησίν· εἰ δὲ ἔστιν, ἤτοι ἀγέννητον ἢ γενόμενον εἶναι. Καὶ εἰ μὲν ἀγένητον, ἄπειρον αὐτὸ τοῖς τοῦ Μελίσσου ἀξιώμασι λαμβάνει· τὸ δ' ἄπειρον οὐκ ἂν εἶναί ποτε. Οὔτε γὰρ ἐν αὑτῷ οὔτ' ἂν ἐν ἄλλῳ εἶναι· δύο γὰρ ἂν οὕτως ἢ πλείω εἶναι, τό τε ἐνὸν καὶ τὸ ἐν ᾧ, μηδαμοῦ δὲ ὂν οὐδὲ εἶναι κατὰ τὸν Ζήνωνος λόγον περὶ τῆς χώρας. γέννητον μὲν οὖν διὰ ταῦτ' οὐκ εἶναι, οὐ μὴν οὐδὲ γενόμενον.

7 Γενέσθαι γοῦν οὐδὲν ἂν οὔτ' ἐξ ὄντος οὔτ' ἐκ μὴ ὄντος. Εἰ γὰρ τὸ ὂν μεταπέσοι, οὐκ ἂν ἔτ' εἶναι τὸ ὄν, ὥσπερ γ' εἰ καὶ τὸ μὴ ὂν γένοιτο, οὐκ ἂν ἔτι εἴη μὴ ὄν. Οὐδὲ μὴν οὐδ' ἐξ ὄντος ἂν γενέσθαι. Εἰ μὲν γὰρ μή ἐστι τὸ μὴ ὄν, οὐδὲν ἂν ἐκ μηδενὸς ἂν γενέσθαι· εἰ δ' ἔστι τὸ μὴ ὄν, δι' ἅπερ οὐδ' ἐκ τοῦ ὄντος, διὰ ταῦτα οὐδ' ἐκ τοῦ μὴ ὄντος γενέσθαι.

8 Εἰ οὖν ἀνάγκη μέν, εἴπερ ἔστι τι, ἤτοι ἀγέννητον εἶναι ἢ γενόμενον, ταῦτα δὲ ἀδύνατόν τι καὶ εἶναι.

9 τι εἴπερ ἔστιν, ἓν ἢ πλείω, φησίν, ἐστίν· εἴτε μήτε ἓν μήτε πολλά, οὐδὲν ἂν εἴη. Καὶ ἓν μὲν ... καὶ ὅτι ἀσώματον ἂν εἴη τὸ ἕν η ἐνσχονμέν γε τῷ τοῦ Ζήνωνος λόγου. νὸς δὲ ὄντος οὐδ' ἂν ... εἶναι οὐδὲ μὴ ... μήτε πολλά. Εἰ γὰρ μήτε ἓν μήτε [980a] πολλά ἐστιν, οὐδ' ἂν κινηθῆναί φησιν. Οὐδενὶ γὰρ κινηθείη, ἢ οὐκ ἂν ἔτι, ἢ ὡσαύτως ἔχον, ἀλλὰ τὸ μὲν οὐκ ἂν εἴη, τὸ δ' οὐκ ὂν γεγονὸς εἴη.

10 τι δὲ ἢ κινεῖ ἢ κινεῖται, καὶ εἰ μεταφέρεται οὐ συνεχὲς ὄν, διήρηται τὸ ὄν, οὔτε τι ταύτῃ· ὥστε πάντῃ κινεῖται, πάντῃ διῄρηται. Εἰ δ' οὕτως, πάντα οὐκ ἔστιν. κλιπὲς γὰρ ταύτῃ, φησίν, ᾗ διῄρηται, τοῦ ὄντος, ἀντὶ τοῦ κενοῦ τὸ διῃρῆσθαι λέγων, καθάπερ ἐν τοῖς Λευκίππου καλουμένοις λόγοις γέγραπται.

11 Εἰ μὲν οὖν οὐδέν, τὰς ἀποδείξεις λέγειν ἅπαντα. Δεῖ γὰρ τὰ φρονούμενα εἶναι, καὶ τὸ μὴ ὄν, εἴπερ μή ἐστι, μηδὲ φρονεῖσθαι. Εἰ δ' οὕτως, οὐδὲν ἂν εἶναι ψεῦδος οὐδείς φησιν, οὐδ' εἰ ἐν τῷ πελάγει φαίη ἁμιλλᾶσθαι ἅρματα. Πάντα γὰρ ἂν ταῦτα εἴη. 12 Καὶ γὰρ τὰ ὁρώμενα καὶ ἀκουόμενα διὰ τοῦτό ἐστιν, ὅτι φρονεῖται ἕκαστα αὐτῶν· εἰ δὲ μὴ διὰ τοῦτο, ἀλλ' ὥσπερ οὐδὲν μᾶλλον ἃ ὁρῶμεν ἐστίν, οὕτω μᾶλλον ἃ ὁρῶμεν ἢ διανοούμεθα. 13 Καὶ γὰρ ὥσπερ ἐκεῖ πολλοὶ ἂν ταῦτα ἴδοιεν, καὶ ἐνταῦθα πολλοὶ ἂν ταῦτα διανοηθείημεν. Τὸ οὖν μᾶλλον δὴ τοιάδ' ἐστί, ποῖα δὲ τἀληθῆ, ἄδηλον. στε καὶ εἰ ἔστιν, ἡμῖν γε ἄγνωστα εἶναι τὰ πράγματα.

14 Εἰ δὲ καὶ γνωστά, πῶς ἄν τις, φησί, δηλώσειεν ἄλλῳ; γὰρ εἶδε, πῶς ἄν τις, φησί, τοῦτο εἴποι λόγῳ; πῶς ἂν ἐκείνῳ δῆλον ἀκούσαντι γίγνοιτο, μὴ ἰδόντι; [980b] σπερ γὰρ οὐδὲ ἡ ὄψις τοὺς φθόγγους γιγνώσκει, οὕτως οὐδὲ ἡ ἀκοὴ τὰ χρώματα ἀκούει, ἀλλὰ φθόγγους· καὶ λέγει ὁ λέγων, ἀλλ' οὐ χρῶμα οὐδὲ πρᾶγμα. 15 οὖν τις μὴ ἐννοεῖ, πῶς αἰτεῖ παρ' ἄλλου λόγῳ ἢ σημείῳ τινὶ ἑτέρου πράγματος ἐννοήσειεν, ἀλλ' ἢ ἐὰν μὲν χρῶμα ἰδών, ἐὰν δὲ μος. ρχὴν γὰρ οὐ λέγε γοει δὲ χρῶμα, ἀλλὰ λόγον, ὥστ' οὐδὲ διανοεῖσθαι χρῶμα ἔστιν, ἀλλ' ὁρᾶν, οὐδὲ ψόφον, ἀλλ' ἀκούειν.

16 Εἰ δὲ καὶ ἐνδέχεται, γινώσκει τε καὶ ἀναγινώσκει λέγων. λλὰ πῶς ὁ ἀκούων τὸ αὐτὸ ἐννοήσει; Οὐ γὰρ οἷόν τε τὸ αὐτὸ ἅμα ἐν πλείοσι καὶ χωρὶς οὖσιν εἶναι· δύο γὰρ ἂν εἴη τὸ ἕν. Εἰ δὲ καὶ εἴη, φησίν, ἐν πλείοσι καὶ ταὐτόν, οὐδὲν κωλύει μὴ ὅμοιον φαίνεσθαι αὐτοῖς, μὴ πάντῃ ὁμοίοις ἐκείνοις οὖσιν καὶ ἐν τῷ αὐτῷ, 17 εἴ τι ἐν τοιούτου εἴησαν, ἀλλ' οὐ δύο εἶεν. Φαίνεται δὲ οὐδ' αὐτὸς αὑτῷ ὅμοια αἰσθανόμενος ἐν τῷ αὐτῷ χρόνῳ, ἀλλ' ἕτερα τῇ ἀκοῇ καὶ τῇ ὄψει, καὶ νῦν τε καὶ πάλαι διαφόρως. στε σχολῇ ἄλλῳ πᾶν ταὐτὸ αἴσθοιτό τις. 18 Οὕτως οὐκ ἔστιν, ἕν ἐστι γνωστόν, οὐδεὶς ἂν αὐτὸ ἑτέρῳ δηλώσειεν, διά τε τὸ μὴ εἶναι τὰ πράγματα λεκτά, καὶ ὅτι οὐδεὶς ἕτερον ἑτέρῳ ταὐτὸν ἐννοεῖ.

19 παντες δὲ καὶ οὕτως ἑτέρων ἀρχαιοτέρων εἰσὶν ἀπορίαι, ὥστε ἐν τῇ περὶ ἐκείνων σκέψει καὶ ταῦτα ἐξεταστέον.

 

§ 1. Il ne résulte pas du tout des arguments donnés par Gorgias que rien n'existe ; car voici comment il raisonne dans les choses qu'il essaie de démontrer. Si le non-être existe, ou pour parler d'une manière générale, si le rien existe, l'être est également aussi le non-être. § 2. Mais il ne semble pas du tout qu'il en soit ainsi, ni qu'il y ait la moindre nécessité que le non-être existe ; de même qu'il arrive que quand, de deux choses, l'une est et que l'autre ne fait que paraître, il faut nécessairement que l'une soit vraie et que l'autre ne le soit pas. Aussi, de ce que le non-être n'existe pas, il ne s'ensuit pas que les deux ou l'un des deux doivent être ou ne pas être ; car le non-être, dit Gorgias, n'existerait pas moins que l'être, si n'être pas était aussi quelque chose. Aussi, ne dit-on jamais que le non-être soit du tout en quoi que ce soit. Or si le non-être est à l'état de non-être, alors le non-être n'est pas du tout de la façon qu'est l'être ; car il n'est qu'à l'état de non-être, tandis que l'être est réellement.

§ 3. S'il était vrai que le non-être existât d'une manière absolue, il serait tout au moins bien étonnant de dire que le non-être existe. Mais s'il en est ainsi, par hasard, alors comment jamais en conclure pour les choses qu'elles soient plutôt qu'elles ne soient pas? Car il semble que le contraire même pourrait être tout aussi réel. § 4. Si le non-être est et que l'être soit aussi, alors tout est, puisque tout ce qui est et tout ce qui n'est pas est indifféremment, et qu'il n'est pas du tout nécessaire, si le non-être existe, que l'être ne soit pas. Mais on aurait beau accorder que le non-être est et que l'être n'est pas, toutes les choses n'en existeraient pas moins pour cela, puisqu'à l'en croire sur parole, les choses qui ne sont pas sont. § 5. Mais si être et ne pas être c'est la même chose, dès lors on ne peut pas plus dire d'une chose qu'elle est, qu'on ne peut dire qu'elle n'est pas ; car de même que Gorgias affirme que, si le non-être et l'être sont la même chose, l'être n'est pas plus que le non-être, de manière qu'il s'ensuit que rien n'est, de même on peut tout aussi bien affirmer à l'inverse que tout est ; car le non-être étant tout aussi bien que l'être, on en conclut alors que tout existe réellement.

§ 6. Après ce raisonnement, il en fait un autre. S'il y a quelque chose, dit-il, ou ce quelque chose est incréé, ou il a été créé. S'il est incréé, il est infini, à ce que suppose Gorgias, d'après les principes de Mélissus. Mais l'infini n'est nulle part, puisqu'il n'est ni dans lui-même, ni dans un autre. Alors il y aurait donc deux ou plusieurs infinis, celui qui est dans l'autre, et celui dans lequel l'autre est. N'étant nulle part, il n'est rien, d'après les arguments de Zénon sur le lieu des êtres. Par ces raisons, Gorgias conclut que l'être n'est pas incréé.

§ 7. Mais l'être ne peut pas davantage avoir été créé. Il ne peut, en effet, être sorti ni de l'être ni du non-être ; car si l'être venait à déchoir en étant créé, il n'était donc pas l'être, de même que le non-être ne serait plus le non-être du moment qu'il deviendrait quelque chose. D'autre part, l'être ne peut pas non plus venir du non-être ; car si le non-être n'est pas, il est dès lors impossible que quoi que ce soit naisse de rien ; et si par hasard le non-être existe, par les mêmes raisons qui font que l'être ne peut pas même venir de l'être, il ne peut pas non plus venir du non-être, qui est.

§ 8. Si donc il est nécessaire, du moment que quelque chose existe, que ce quelque chose soit incréé ou créé, et que l'une et l'autre alternative soit impossible, il s'ensuit qu'il est impossible aussi qu'il existe quoi que ce soit.

§ 9. Ajoutez, dit encore Gorgias, que s'il existe quelque chose, il faut que ce quelque chose soit un ou plusieurs ; or, s'il n'est ni un ni plusieurs, il en résulte qu'il n'existe rien. Ce quelque chose ne peut être un, parce que l'Un devrait être incorporel. Or, l'incorporel n'est rien, dit Gorgias, suivant, en cela, une opinion qui se rapproche beaucoup de celle de Zénon. L'être n'étant pas un, [980a] il n'est pas non plus multiple, à plus forte raison. Mais l'être, n'étant ni un ni plusieurs, n'est pas du tout ; et par conséquent, s'il est ainsi, dit encore Gorgias, c'est qu'il n'est rien. Et, en effet, s'il n'est ni un, ni multiple, c'est qu'il n'est quoi que ce soit.

§ 10. Mais, ajoute-t-il encore, rien n'est en mouvement ; car, si l'être était en mouvement, il ne serait plus ce qu'il est; l'être alors ne serait plus, et le non-être deviendrait quelque chose. Bien plus, en tant que l'être se meut, et qu'il cesse d'être continu en se déplaçant, en ce sens il n'est plus. Par conséquent, s'il est mû dans toutes ses parties, il est divisé absolument dans toutes ; et, s'il en est ainsi, il n'est plus du tout. A cet égard, dit Gorgias, l'être est défectueux en tant qu'il est divisé, parlant de division au lieu de parler de vide, de même que l'écrit Leucippe, dans ce qu'on appelle ses Discours.

§ 11. Si donc il n'y a rien, et Gorgias croit avoir en ceci, donné des démonstrations, tout alors échappe à notre connaissance. Il ne reste plus dès lors que ce qu'on pense ; et le non-être, puisqu'il n'est pas, ne peut point même être pensé. Ceci étant, il est bien impossible, selon Gorgias, qu'il y ait rien de faux ; et ce ne serait pas même une erreur de dire, par exemple, que « les chars roulent sur les flots de la mer » ; car tout cela est aussi vrai que le contraire. § 12. Mais, comment les choses qu'on voit ou qu'on entend existent-elles, par cela seul que l'on pense chacune d'elles? Or, si ce n'est pas là la raison qui fait qu'elles sont, et si les choses que nous voyons n'existent pas pour cela davantage, les choses que nous voyons existent-elles plus réellement que celles que nous pensons? § 13. En effet, de même qu'il se peut fort bien que, d'une part, beaucoup d'hommes voient ces choses, de même, d'autre part, beaucoup d'hommes peuvent aussi les penser. Les choses pensées sont donc absolument comme les choses réelles; mais on ne sait quelles sont celles qui sont les vraies. Par conséquent, s'il existe quelque chose, il est impossible que les choses nous soient connues.

§ 14. En admettant même qu'elles nous soient connues, comment, dit Gorgias, pourrions-nous en transmettre l'explication à un autre? Pour ce qu'on a vu soi-même, comment le faire connaître à autrui au moyen de la parole ? Et comment, rien qu'à entendre une chose, pourrait-on la comprendre clairement, quand on ne l'a pas vue? [980b] De même, en effet, que la vue ne perçoit pas les sons, de même non plus l'ouïe n'entend pas les couleurs ; elle n'entend que les sons. Celui qui parle parle une parole, et ne parle ni couleur, ni chose quelconque. § 15. Mais, une chose qu'on ne pense pas soi-même; comment peut-on la demander à la parole d'un autre? Y a-t-il, par hasard, quelque autre signe qui vous donne la pensée de la chose, si ce n'est la couleur quand on voit, et le son quand on entend? Car, ici, le principe n'est, selon Gorgias, ni le son, ni la couleur, mais la simple parole. On ne pense pas une couleur ; on la voit ; on ne pense pas un son ; on l'entend.

§ 16. Supposons, si l'on veut, que cela soit possible, et que celui qui parle connaisse la chose, et au besoin puisse la reconnaître, comment celui qui entend la parole sera-t-il sûr de penser la même chose? Car, il n'est pas possible que la même chose soit, en même temps, dans plusieurs êtres, et dans des êtres séparés, puisqu'alors un objet un serait plusieurs. Mais la chose fût-elle à la fois, dans plusieurs pensées, dit Gorgias, et y fût-elle la même, rien n'empêche qu'elle ne paraisse pas identique à toutes ces personnes qui, elles-mêmes, ne sont pas identiques apparemment, et qui ne sont pas dans la même disposition. § 17. Concédons encore qu'elles y soient, ne seront-elles donc pas deux, ou moins, ou même plusieurs ? Mais, le même individu n'a pas, dans le même temps, des sensations pareilles ; son ouïe et sa vue lui donnent des sensations différentes, et celles qu'il a actuellement sont différentes des sensations antérieures. C'est donc chose bien vaine que de croire qu'un autre pourrait avoir des perceptions pareilles aux vôtres, en quoi que ce soit. § 18. Ainsi, on ne peut rien connaître, en admettant qu'il y ait quelque chose. Surtout, on ne peut jamais faire connaître à un autre ce qu'on connaît soi-même, parce que les choses ne sont pas des paroles, et que personne ne peut jamais penser la même chose qu'une autre personne.

§ 19. Toutes ces questions embarrassantes ont été agitées par d'autres philosophes encore plus anciens; et nous étudierons ces problèmes dans l'examen que nous ferons de leurs diverses doctrines.

Ch. VI, § I. Donnés par Gorgias, ici non plus Gorgias n'est pas nommé ; il n'y a, comme plus haut, qu'un verbe à la troisième personne. - Qu'il essaie de démontrer, le texte dit précisément : « que même il démontre. » Il m'a semblé que la nuance indiquée dans ma traduction était préférable. - Le rien existe, c'est la formule même du texte; peut-être eût-il mieux valu dire : « si rien n'existe. » - L'être est également le non-être, c'est-à-dire que l'être est le non-être, tout aussi bien qu'il est l'être.

§ 2. La moindre nécessité, de démonstration, qui force de conclure dans un sens plutôt que dans l'autre. - Ne fait que paraître, le texte dit simplement : « paraît. » - De ce que le non-être n'existe pas, le texte n'est pas tout à tait aussi formel. - Dit Gorgias, le nom de Gorgias n'est pas exprimé. - Si n'être pas était aussi quelque chose, la contradiction est flagrante jusque dans les termes; mais les Sophistes n'y regardaient pas de si près. - Ne dit-on jamais, aussi personne, si ce n'est les Sophistes comme Gorgias et les autres, ne s'avise-t-il de jamais donner la moindre réalité ni la moindre existence au non-être. - A l'état de non-être, c'est toujours sur le verbe substantif que roule l'équivoque ; puisque le non-être est le non-être, il est, il existe tout aussi réellement que l'être lui-même. - De la façon qu'est l'être, la réponse est péremptoire.

§ 3. Existât d'une manière absolue, c'est-à-dire, au même titre que l'être lui-même. - Bien étonnant, il y a peut-être dans le texte grec une nuance d'ironie. qui convient en effet très bien contre toutes ces subtilités. - Qu'elles soient plutôt qu'elles ne soient pas, c'est évident; mais alors Gorgias triomphe, et il en conclut que rien n'existe. L'argument est donc à double fin, et l'on en peut tirer l'être aussi bien que le non-être. - Le contraire même, c'est-à-dire : « le contraire de ce que l'on dit est tout aussi réel que ce qu'on dit. »

§ 4. Si le non-être est, ainsi que le prétend Gorgias. - Tout est, j'ai conservé l'indécision du texte; le non-être existe tout aussi réellement que l'être; la négation est tout aussi vraie que l'affirmation. - Indifféremment, j'ai ajouté ce mot, dont la pensée est impliquée dans le contexte. - Et qu'il n'est pas du tout nécessaire, attendu que, dans les théories de Gorgias, les contradictoires sont également vraies, et que le pour et le contre peuvent se soutenir tout aussi bien l'un que l'autre. - A l'en croire sur parole, le texte dit simplement : « d'après le raisonnement de celui-ci, » de Gorgias.

§ 5. Est la même chose, toujours dans la théorie que l'auteur essaie de réfuter. - On ne peut pas plus dire, le texte n'est pas aussi formel. - De même que Gorgias affirme, le texte dit simplement : « celui-ci. » - Si le non-être et l'être sont la même chose, c'est le fond même du sophisme de Gorgias. - Que rien n'est, en d'autres termes, que rien n'est ni vrai ni faux. - A l'inverse, ou bien : « en retournant la proposition. » - Que tout existe réellement, le texte n'est pas tout à fait aussi développé. Voir plus loin, pour tout ce qui précède, l'analyse de Sextus Empiricus.

§ 6. A ce que suppose Gorgias, ici non plus Gorgias n'est pas nommé. - De Mélissus, Mélissus est nommé expressément ; voir plus haut, chapitre 5, § 3, et la Dissertation plus haut, pages 194 et suiv.  - Mais l'infini n'est nulle part, et n'étant nulle part, on conclut qu'il n'est pas du tout, comme on l'indique un peu plus bas. - De Zénon, voir plus haut, ch. 5, § 3. - Sur le lieu des êtres, j'ai ajouté ces deux derniers mots. Pour la théorie de Zénon, voir la Physique d'Aristote, livre IV, ch.3, § 6, page 146 de ma traduction, et ch. 5, § 10, page 161 . - Gorgias conclut, Gorgias n'est pas nommé et le texte n'est pas aussi explicite. Voir plus loin l'analyse de Sextus Empiricus, où cette argumentation est plus développée.

§ 7. Ne peut pas davantage avoir été créé, ou « être devenu ; » c'est la seconde partie de l'argumentation de Gorgias. - Il ne peut en effet, toujours selon l'argumentation de Gorgias. - Venait à déchoir, c'est l'expression même du texte. L'être, pour devenir, devrait perdre sa dignité d'être et commencer par n'être plus pour devenir quelque chose. - Le non-être ne serait plus le non-être, mais il semble ici que le non-être, au lieu de déchoir, monterait en quelque sorte pour devenir quelque chose. Ce sont là de pures subtilités de mots. - Que quoi que ce soit naisse de rien, c'est le principe de Mélissus, voir plus haut, ch. 1, § 1. - Par hasard, j'ai ajouté ces mots.

§ 8. Soit incréé ou créé, voir plus haut, § 6. J'ai dû prendre les mots de Créé et d'Incréé à défaut de meilleurs dans notre langue; mais ils ne rendent pas très bien le sens des mots grecs. Si une chose devient, c'est qu'elle n'est pas éternelle, du moins sous le rapport où elle devient et change par conséquent ; si, au contraire, elle est éternelle, elle n'a pas à devenir; et elle reste ce qu'elle est. - Impossible... impossible, cette répétition est dans le texte ; voir plus loin cet argument beaucoup plus développé dans l'analyse de Sextus Empiricus.

§ 9. Dit encore Gorgias, le texte ne nomme pas Gorgias. Il n'y a qu'un verbe à la troisième personne; voir, pour cet argument nouveau, l'analyse de Sextus Empiricus, plus loin, après les fragments de Mélissus. - Dit Gorgias, l'original ne nomme par Gorgias, non plus qu'antérieurement. - De celle de Zénon, voir plus haut, § 6, et ch. 5, § 3. -  Dit encore Gorgias, même remarque que plus haut.

§ 10. Rien n'est en mouvement, cette partie des arguments de Gorgias ne se retrouve pas dans l'analyse de Sextus Empiricus. Peut-être ces arguments contre le mouvement appartiennent-ils plus à Zénon qu'à Gorgias ; mais rien n'indique dans le texte que ce soit à Zénon qu'il faille ici les rapporter. - Il ne serait plus ce qu'il est, parce que le mouvement suppose toujours un changement. - L'être alors ne serait plus, si l'être ne périssait pas tout entier, il y aurait au moins une partie qui périrait; et ce serait celle qui deviendrait autre qu'elle n'était. - Et qu'il cesse d'être continu, on ne voit pas en quoi cela peut être nécessaire, et l'être peut ne rien perdre de sa continuité tout en se déplaçant. - Dans toutes ses parties, l'expression du texte n'est pas très claire. - Dit Gorgias, le texte ne donne pas non plus ici le nom de Gorgias. - Leucippe, dans ce qu'on appelle ses Discours, comme le remarque M. Müllach, il semble que l'auteur n'est pas ici très sûr de l'existence du livre de Leucippe; voir les fragments de Démocrite par M. Müllach, page 374. Diogène de Laërte, ch. 9, § 46, édit. de Firmin Didot, page 238, dit que Théophraste attribuait à Leucippe un ouvrage intitulé, « le grand Diacosme, » qu'on croyait généralement de Démocrite; voir aussi plus haut les opinions de Leucippe sur le vide, Traité de la production des choses, livre 1, ch. 8, § 5, page 89. Il semble bien, d'après ce dernier passage, que Leucippe devait avoir écrit quelque livre d'où l'auteur paraît tirer ce qu'il dit.

§ 11. Et Gorgias, ici encore, le nom n'est pas expressément donné. - Tout alors échappe à notre connaissance, c'est la seconde thèse de Gorgias, voir plus haut, ch. 5, § 1, et aussi l'analyse de Sextus Empiricus. - Il ne reste plus dès lors, le texte n'est pas aussi formel. - Ne peut point même être pensé, Gorgias pense bien cependant le non-être, puisqu'il en parle. Tout ceci est beaucoup plus développé dans l'analyse de Sextus Empiricus. - Selon Gorgias, même remarque que plus haut, sur le nom de Gorgias. - Que les chars roulent sur les flots de la mer, voir, plus loin, l'analyse de Sextus, où cet exemple est rappelé, joint à un autre.

§ 12. Mais comment, j'ai conservé la tournure du texte; mais il est évident que la phrase est ici un peu trop concise, et que la pensée n'est pas exposée avec une étendue suffisante. L'analyse de Sextus est, pour ce passage, très préférable. - Pour cela davantage, parce que nous les voyons. C'est pousser le scepticisme bien loin; mais c'était l'habitude des Sophistes, bravant à plaisir le sens commun.

§ 13. Sont donc absolument comme les choses réelles, le texte n'est pas aussi formel, et l'expression grecque est plus vague; mais le sens paraît évident. - Mais on ne sait, c'est un pur sophisme ; car, à cet égard, le sceptique n'hésite pas plus que le vulgaire ; et il croit à la réalité de ses perceptions. - Par conséquent, la conséquence n'est pas très rigoureuse. Dans l'analyse de Sextus, cette argumentation est plus forte et plus serrée, sans l'être encore beaucoup.

§ 14. En admettant même, discussion du troisième point ; voir plus haut, ch. 5, § 1, et l'analyse de Sextus Empiricus. - Dit Gorgias, il n'y a toujours dans le texte qu'un verbe à la troisième personne, et Gorgias n'est pas nommé. - Ne perçoit pas les sons, il eût peut-être mieux valu dire : « ne voit pas les sons; » mais j'ai suivi le texte, qui prend une expression aussi générale que celle que j'ai employée. - Celui qui parle parle une parole, ces répétitions sont dans l'original.

§ 15. La demander, c'est l'expression même du texte. - Par hasard, j'ai ajouté ces mots, afin d'éclaircir la pensée. - Quelque autre signe, le texte n'est pas aussi précis. - Selon Gorgias, ici non plus Gorgias n'est pas nommé. Le sens que j'adopte dans ma traduction me semble le meilleur ; mais on peut comprendre ce passage encore autrement : « Celui qui parle ne parle ni le son, ni la couleur; il ne parle que la parole. » Ce ne serait là qu'une répétition de ce qui vient d'être dit quelques lignes plus haut ; et c'est là ce qui m'a décidé pour le sens que j'ai préféré.

§ 16. Au besoin, j'ai ajouté ces mots. - La reconnaître, ou peut-être aussi : « la lire, » quand elle est écrite. - Sera-t- il sûr de penser, le texte dit simplement : « Pensera-t-il ? » - La même chose soit en même temps, c'est supposer que la chose est aussi réelle dans la pensée que le monde extérieur ; et c'est ce qui a déjà été indiqué plus haut. C'est uniquement d'après cette hypothèse qu'on peut dire de la chose qu'il est impossible qu'elle soit, à la fois, dans plusieurs lieux ou êtres séparés. La pensée, d'ailleurs, est assez bizarre. - Un objet un, le texte dit simplement : « l'Un. » - Dit Gorgias, le nom de Gorgias n'est pas dans le texte, et j'ai dû le suppléer comme plus haut ; il n'y a toujours qu'un verbe à la troisième personne. - Apparemment, j'ai ajouté ce mot. - Dans la même disposition, l'expression du texte est tout à fait indéterminée.

§ 17. Ne seront-elles donc pas deux, le sens n'est pas très clair, et j'ai tâché de l'élucider en ajoutant : « Au moins. » Il me semble, d'ailleurs, qu'on peut accepter cette suite des idées, qui sont assez conséquentes entr'elles. - Dans le même temps, ici, le texte se sert de l'expression qui est déjà au paragraphe précédent ; mais il la complète en y ajoutant le mot de Temps, qu'il faudrait peut-être aussi sous-entendre plus haut.

§ 18. Ainsi, on ne peut rien connaître, résumé des théories de Gorgias ; voir plus haut, ch. 5, § 1. - En admettant qu'il y ait quelque chose, premier point que niait le prudent et sceptique Gorgias.

§ 19. Encore plus anciens, que Gorgias; peut-être Héraclite d'Ephèse. - Que nous ferons, le texte n'est pas aussi formel ; mais il semble bien promettre un autre ouvrage après celui-ci.