PSYCHOLOGIE D'ARISTOTE
OPUSCULES
PLAN DU TRAITÉ DE
LA JEUNESSE ET DE LA VIEILLESSE, DE LA VIE ET DE LA MORT.
Nous voulons parler maintenant de
la jeunesse et de la vieillesse, de la vie et de la mort; et pour
bien expliquer ces phénomènes, peut-être sera-t-il nécessaire
d'exposer les causes de la respiration, sans laquelle la vie est
impossible dans la plupart des animaux. Nous avons traité ailleurs
les questions qui concernent lame, et nous n'y reviendrons pas ici.
Mais pour l'animal, ce qui le fait essentiellement ce qu'il est,
c'est la sensibilité, qui réside dans un principe commun, et qui, de
plus, a des organes spéciaux. Ce principe général de la sensibilité
est placé au milieu de l'animal, entre sa partie haute et sa partie
basse. Dans l'homme, le seul être qui ait le privilège d'une stature
droite, le haut est tourné dans le sens même de l'univers entier ;
les animaux ont une position intermédiaire ; les plantes ont la
partie haute placée en bas; car leurs racines font l'office de la
bouche.
On peut donc distinguer dans
l'animal trois parties principales : l'une, par où il prend sa
nourriture; l'autre, par où il la rejette; et la troisième,
intermédiaire entre ces deux-là. Cette dernière est celle qu'on
appelle la poitrine dans les grands animaux. Le principe de l'âme
nutritive paraît être placé aussi dans le centre; car il y a des
animaux auxquels on peut enlever la partie supérieure et la partie
inférieure, et qui vivent encore : par exemple, les insectes. Ces
animaux, tout divisés qu'ils sont, continuent à vivre, parce que la
partie nutritive continue à remplir ses fonctions. Il y a des
phénomènes tout à fait analogues et plus complets encore dans les
végétaux. Seulement, les plantes divisées peuvent conserver
pleinement leur nature, tandis que chez les animaux, la vie, tout en
subsistant, est mutilée, et ne peut durer longtemps, parce qu'il
leur manque toujours alors quelque organe indispensable. Ce sont, du
reste, les animaux inférieurs qu'on peut diviser ainsi; on dirait
qu'ils sont plusieurs animaux soudés ensemble. Dans les animaux
supérieurs, au contraire, comme l'organisation a plus d'unité, cette
division n'est pas possible sans entraîner la mort de l'animal.
Ajoutons que quelques parties, quand elles sont séparées des autres,
semblent conserver un reste de sensibilité. D'autres fois, l'animal
se meut encore après que des viscères essentiels lui ont été
retranchés. Ainsi, les tortues continuent de marcher après qu'on
leur a ôté le cœur.
On petit trouver bien d'autres
preuves manifestes de ces faits dans les plantes et dans lés
animaux. C'est toujours du centre que part le développement dans les
plantes, soit pour la tige qui s'élève, soit pour la racine qui se
plonge en terre. Chez les animaux qui ont du sang, c'est le cœur qui
se développe d'abord, comme on peut s'en convaincre par
l'observation. Pour les animaux qui n'ont pas de sang, c'est la
partie correspondante au cœur. Dans le traité des Parties dés
Animaux, oh a établi que le cœur est le principe des veines. Le cœur
est la pièce principale de l'être; et, par suite, le principe de
l'âme sensible et nutritive est aussi dans le cœur. C'est le cœur
qui est le centre de toute la sensibilité dans l'animal ; en lui
réside la vie. Il est vrai que quelques philosophes ont placé la
sensibilité dans le cerveau. Nous ne discuterons pas ici cette
opinion, qui peut être controversée ; mais nous poserons en fait que
pour nous c'est le cœur qui est le centre, et de l'âme qui sent, et
de l'âme qui fait croître l'animal, et de l'âme qui le nourrit.
D'autre part, comme c'est une
vérité incontestable que la nature fait toujours tout pour le mieux,
il faut penser que c'est aussi au centre de l'être que se trouve le
principe qui élabore définitivement la nourriture, ainsi qu'y est le
principe qui la reçoit. Le cœur sera donc non-seulement le siège
souverain de la sensibilité ; mais il sera de plus le siège de la
chaleur naturelle, sans laquelle l'animal ne peut vivre, parce que
sans elle il ne pourrait élaborer et digérer la nourriture. Les
autres organes peuvent se refroidir sans que la vie cesse; mais
celui-là une fois refroidi, la vie ne saurait continuer, et la mort
est instantanée ; car la mort n'est que la destruction de la chaleur
naturelle.
Mais le feu peut s'éteindre en
général de deux façons : ou il s'éteint de lui-même, ou il est
étouffé par quelque cause extérieure. Dans le premier cas, l'animal
meurt de vieillesse; dans le second, il meurt de mort violente. Si
le feu est livré à lui seul, et que la nourriture ne vienne pas le
tempérer, il se consume lui-même ; la chaleur s'est accumulée en
telle quantité que l'animal ne peut plus ni respirer, ni se
refroidir. Il faut donc évidemment, pour que cette chaleur
indispensable à la vie se conserve, qu'il y ait un certain
refroidissement régulier qui la tempère et par là l'entretienne.
L'exemple des charbons qu'on étouffe fera bien comprendre ce
phénomène ; lorsque les charbons sont dans l'étouffoir, si on laisse
le couvercle sans le lever, les charbons s'éteignent très-vite; si,
au contraire, on le lève quelquefois et qu'on le remette tour à
tour, les charbons demeurent très-longtemps allumés. C'est également
ainsi qu'en couvrant le feu on le conserve, pourvu que la cendre ne
soit pas trop épaisse, et qu'il puisse, en quelque sorte, respirer
grâce à l'air extérieur. Ce sont là, du reste, des questions que
nous avons traitées dans les Problèmes.
Les plantes elles-mêmes trouvent
dans la nourriture et dans le milieu qui les environne, les moyens
de conserver la chaleur naturelle qui leur est nécessaire; la
nourriture les refroidit comme elle refroidit aussi les animaux. Si,
par suite de la rigueur de la saison, le milieu où se trouve le
végétal est très-froid, le végétal se dessèche. L'excès de la
chaleur produit un effet tout pareil. C'est pour préserver les
plantes de ce danger, que dans l'été on met à leur pied des pierres
qui conservent l'humidité, et que l'on creuse des fossés pleins
d'eau où les racines peuvent venir se rafraîchir. Quant aux animaux,
soit aquatiques, soit terrestres, c'est de l'eau ou de l'air qu'ils
tirent le rafraîchissement nécessaire à leur vie. Mais ce phénomène
est trop important pour qu'il ne faille pas entrer ici dans quelques
développements.
DE LA JEUNESSE ET DE LA VIEILLESSE, DE LA VIE ET DE
LA MORT.
CHAPITRE PREMIER.
Complément des théories du Traité
de l'Ame. — Considération générales sur l'animalité et la vie.
Organisation du corps des animaux ; le devant et le derrière : le
haut et le bas : organisation exceptionnelle de l'homme. Rapports et
différences des animaux et des plantes : les racines font l'office
de la bouche.
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[467b10] § 1. Περὶ δὲ νεότητος
καὶ γήρως καὶ περὶ ζωῆς καὶ θανάτου λεκτέον νῦν· ἅμα δὲ καὶ περὶ
ἀναπνοῆς ἀναγκαῖον ἴσως τὰς αἰτίας εἰπεῖν· ἐνίοις γὰρ τῶν ζῴων διὰ
τοῦτο συμβαίνει τὸ ζῆν καὶ τὸ μὴ ζῆν. § 2. Ἐπεὶ δὲ περὶ ψυχῆς ἐν
ἑτέροις διώρισται͵ καὶ δῆλον ὅτι οὐχ οἷόν τ΄ εἶναι σῶμα τὴν οὐσίαν
αὐτῆς͵ ἀλλ΄ ὅμως ὅτι γ΄ ἔν τινι τοῦ σώματος ὑπάρχει μορίῳ φανερόν͵
καὶ ἐν τούτῳ τινὶ τῶν ἐχόντων δύναμιν ἐν τοῖς μορίοις͵
τὰ μὲν οὖν ἄλλα τῆς ψυχῆς ἢ μόρια ἢ
δυνάμεις͵ ὁποτέρως ποτὲ δεῖ καλεῖν͵ ἀφείσθω τὰ νῦν·
§ 3. ὅσα δὲ ζῷα λέγεται καὶ ζῆν͵ ἐν
μὲν τοῖς ἀμφοτέρων τούτων τετυχηκόσι (λέγω δ΄ ἀμφοτέρων τοῦ τε ζῷον
εἶναι καὶ τοῦ ζῆν) ἀνάγκη ταὐτὸν εἶναι καὶ ἓν μόριον καθ΄ ὅ τε ζῇ
καὶ καθ΄ ὃ προσαγορεύομεν αὐτὸ ζῷον· τὸ μὲν γὰρ ζῷον ᾗ ζῷον ἀδύνατον
μὴ ζῆν· ᾗ δὲ ζῇ͵ ταύτῃ ζῷον ὑπάρχειν οὐκ ἀναγκαῖον· τὰ γὰρ φυτὰ ζῇ
μέν͵ οὐκ ἔχει δ΄ αἴσθησιν͵ τῷ δ΄ αἰσθάνεσθαι τὸ ζῷον πρὸς τὸ μὴ ζῷον
διορίζομεν. Ἀριθμῷ μὲν οὖν ἀναγκαῖον ἓν εἶναι καὶ τὸ αὐτὸ τοῦτο τὸ
μόριον͵ τῷ δ΄ εἶναι πλείω καὶ ἕτερα· οὐ γὰρ ταὐτὸ τὸ ζῴῳ εἶναι καὶ
τὸ ζῆν. § 4. Ἐπεὶ οὖν τῶν ἰδίων αἰσθητηρίων ἕν τι κοινόν ἐστιν
αἰσθητήριον͵ εἰς ὃ τὰς κατ΄ ἐνέργειαν αἰσθήσεις ἀναγκαῖον ἀπαντᾶν͵
τοῦτο δ΄ ἂν εἴη μέσον τοῦ πρόσθεν καλουμένου καὶ ὄπισθεν (ἔμπροσθεν
μὲν γὰρ λέγεται ἐφ΄ ὅ ἐστιν ἡμῖν ἡ αἴσθησις͵ ὄπισθεν δὲ τὸ
ἀντικείμενον)͵ § 5. ἔτι δὲ διῃρημένου τοῦ σώματος τῶν ζώντων πάντων
τῷ τ΄ ἄνω καὶ κάτω (πάντα γὰρ ἔχει τὸ ἄνω καὶ τὸ κάτω͵ ὥστε καὶ τὰ
φυτά)͵ δῆλον ὅτι τὴν [468a] θρεπτικὴν ἀρχὴν ἔχοι ἂν ἐν μέσῳ
τούτων· καθ΄ ὃ μὲν γὰρ εἰσέρχεται μόριον ἡ τροφή͵ ἄνω καλοῦμεν͵ πρὸς
αὐτὸ βλέποντες ἀλλ΄ οὐ πρὸς τὸ περιέχον ὅλον͵ κάτω δὲ καθ΄ ὃ τὸ
περίττωμα ἀφίησι τὸ πρῶτον. § 6. Ἔχει δ΄ ἐναντίως τοῖς φυτοῖς
τοῦτο καὶ τοῖς ζῴοις· τῷ μὲν γὰρ ἀνθρώπῳ διὰ τὴν ὀρθότητα μάλιστα
ὑπάρχει τοῦτο τῶν ζῴων͵ τὸ ἔχειν τὸ ἄνω μόριον πρὸς τὸ τοῦ παντὸς
ἄνω͵ τοῖς δ΄ ἄλλοις μεταξύ· τοῖς δὲ φυτοῖς ἀκινήτοις οὖσι καὶ
λαμβάνουσιν ἐκ τῆς γῆς τὴν τροφὴν ἀναγκαῖον ἀεὶ κάτω τοῦτ΄ ἔχειν τὸ
μόριον. Ἀνάλογον γάρ εἰσιν αἱ ῥίζαι τοῖς φυτοῖς καὶ τὸ καλούμενον
στόμα τοῖς ζῴοις͵ δι΄ οὗ τὴν τροφὴν τὰ μὲν ἐκ τῆς γῆς λαμβάνει͵ τὰ
δὲ δι΄ αὑτῶν. |
[464b10] § 1. Nous parlerons
donc maintenant de la jeunesse et de la vieillesse, de la vie et de
la mort; et peut-être nous sera-t-il nécessaire en même temps
d'exposer les causes de la respiration, parce que c'est elle qui,
dans, certaines espèces d'animaux, fait qu'ils vivent on, ne vivent
pas. § 2. Nous avons approfondi la question de l'âme dans d'autres
ouvrages; et nous avons fait voir que s'il est impossible que son
essence soit le corps, elle n'en est pas moins évidemment dans une
certaine partie du corps, et qu'elle doit être dans un de ces corps
qui ont de la force dans les éléments dont ils se composent.
Quant aux diverses parties ou facultés
de l'âme, de quelque nom qu'il faille les appeler, c'est une
question dont nous ne nous occuperons pas ici.
§ 3. Dans tous les êtres qu'on nomme
animaux, et dont on peut dire qu'ils vivent, du moment qu'ils
réunissent ces deux conditions, à savoir : vivre et être animal, il
faut nécessairement que ce soit une seule et même partie qui fasse
vivre l'être et qui le fasse appeler animal. En effet, l'animal, en
tant qu'animal, ne peut pas ne pas vivre; mais un être, par cela
seul qu'il vit, n'est pas nécessairement un animal. Ainsi, les
plantes vivent bien, mais elles n'ont pas la sensibilité; et c'est
cette faculté de sentir qui sépare ce qui est animal de ce qui ne
l'est pas. Numériquement, il faut donc que ce soit une seule et même
partie; mais par sa façon d'être, elle peut être plusieurs et
différentes parties, parce qu'en effet on ne doit pas confondre être
animal et vivre. § 4. Puis donc qu'outre les sens spéciaux il y a un
sens commun, où il faut nécessairement que toutes les sensations en
acte viennent converger, cette partie est le milieu de ce qu'on
nomme dans l'animal le devant et le derrière. On appelle le devant,
la partie où est la sensation pour nous, et le derrière est la
partie opposée à celle-là. § 5. De plus, le corps de tous les êtres
qui vivent se divisant en partie haute et partie basse, puisqu'en
effet tous les animaux ainsi que les plantes mêmes ont un haut et un
bas, il est clair que [468a] les êtres doivent avoir le
principe qui les nourrit au centre de ces parties diverses. La
partie par laquelle entre la nourriture nous l'appelons le haut, en
regardant à l'individu seul, et non à tout le reste de l'univers qui
l'entoure; et le bas, c'est la partie par où l'animal rejette
d'abord le résidu. § 6. La disposition de ces parties est toute
contraire dans les plantes et dans les animaux. Parmi les animaux,
c'est surtout à l'homme qu'appartient, à cause de sa position
droite, le privilège d'avoir sa partie haute dans le même sens que
le haut du inonde entier. Les autres animaux ont une position
intermédiaire; mais les plantes qui sont immobiles et qui tirent du
sol leur nourriture, doivent toujours nécessairement avoir cette
partie placée en bas. Ainsi, les racines répondent précisément à ce
qu'on appelle la bouche dans les animaux; les plantes reçoivent leur
nourriture du sol, les animaux la prennent directement eux-mêmes. |
§ 1. Les causes de la
respiration. Voir le traité suivant, consacré tout entier a
l'étude de cette importante fonction.
— Dans certaines espèces
d'animaux. Il semble que cette restriction n'est pas
très-exacte. Tous d'ailleurs l'appareil dont la nature les ait
cloués pour cette fonction ; mais Aristote semble ne pas admettre ce
principe général ; Traité dtel'Ame, I, 15.
§ 2. La question de l'âme.
Dans le Traité de l'Ame.
— S'il est impossible que
son essence soit le corps,, Traité de l'Ame, I, i, 9 et 10, I,
v, 1; II, ii, 44; II, i,4 et 7; II, iv, 3.
— Dans une certaine partie
du corps. Id., II, i, 13.
— Dans un de ces
corps. On sait que ce corps, ou plutôt cette partie du corps,
c'est le cœur, selon les théories d'Aristote ; voir plus haut, le
Traité du Principe général du Mouvement dans les Animaux, ch. ix, §
3.
— Quant aux diverses
parties. Voir le Traité de l'Ame, II, rv, 7; III, ix, 2.
§ 3. Et dont on peut dire
qu'ils vivent. Il faut se rappeler qu'en grec le mot qui
signifie « vivre » est le radical même du mot qui signifie « animal.
» Je n'ai pu conserver cette analogie, parce que dans notre langue «
vivre et être animé » ne sont pas des expressions dont le sens soit
tout à fait identique.
— Un être, par cela seul
qu'il vit. Voir le Traité de l'Ame, III, xii, 2, et II, ii, 4.
— C'est cette faculté.
Id., ibid., et I, ii, 2. Toutes les théories exposées ici sont
parfaitement d'accord avec celles qui sont exposées dans le Traité
de l'Ame.
— Par sa façon d'être.
Voir dans le Traité de l'Ame, III, II, 13, des expressions tout à
fait pareilles à celles-ci.
4. Un sens commun.
Voir le Traité de l'Ame, III, ii, 1.
— Cette partie est le
milieu. Voir plus haut le Traité du Principe général du
Mouvement, ch. ix, § 3.
— Où est la sensation pour
nous. Ceci est exact de la vue, mais ne l'est peut-être pas
également de l'ouïe et de l'odorat : nous entendons un bruit, et
sentons une odeur qui vient de derrière nous.
§ 5. Le principe qui les
nourrit. Voir dans le Traité de l'Ame la théorie de la
nutrition, II, rv, 1 et suiv. Cette partie centrale, c'est le cœur.
— La partie par laquelle
entre la nourriture. C'est pour cela qu'Aristote regarde les
racines comme le haut de la plante.
§ 6. La disposition de ces
parties. C'est ce qui depuis a fait dire si souvent que le
végétal était un animal renversé.
— Le privilège d'avoir sa
partie haute. Idée bien des fois répétée, et consacrée
définitivement par les beaux vers d'Ovide.
— Les racines.
Voir le traité précédent, ch. vi, § 7.
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CHAPITRE II.
L'animal se compose de trois parties
principales : la plus importante est la partie centrale,
intermédiaire entre les deux autres. — Divisibilité des végétaux et
des insectes : les animaux lu plus élevés ne peuvent être divisés
comme eux. |
§ 1. Τριῶν δὲ μερῶν ὄντων εἰς ἃ
διαιρεῖται πάντα τὰ τέλεια τῶν ζῴων͵ ἑνὸς μὲν ᾗ δέχεται τὴν τροφήν͵
ἑνὸς δ΄ ᾗ τὸ περίττωμα προΐεται͵ τρίτου δὲ τοῦ μέσου τούτων͵ τοῦτο
ἐν μὲν τοῖς μεγίστοις τῶν ζῴων καλεῖται στῆθος͵ ἐν δὲ τοῖς ἄλλοις τὸ
ἀνάλογον͵ διήρθρωται δὲ μᾶλλον ἑτέροις ἑτέρων. § 2. Ὅσα δ΄
αὐτῶν ἐστι πορευτικά͵ πρόσκειται καὶ μόρια τὰ πρὸς ταύτην τὴν
ὑπηρεσίαν͵ οἷς τὸ πᾶν οἴσουσι κύτος͵ σκέλη τε καὶ πόδες καὶ τὰ
τούτοις ἔχοντα τὴν αὐτὴν δύναμιν. § 3. Ἀλλ΄ ἥ γε τῆς θρεπτικῆς ἀρχὴ
ψυχῆς ἐν τῷ μέσῳ τῶν τριῶν μορίων καὶ κατὰ τὴν αἴσθησιν οὖσα
φαίνεται καὶ κατὰ τὸν λόγον· πολλὰ γὰρ τῶν ζῴων ἀφαιρουμένου
ἑκατέρου τῶν μορίων͵ τῆς τε καλουμένης κεφαλῆς καὶ τοῦ δεκτικοῦ τῆς
τροφῆς͵ ζῇ μεθ΄ οὗπερ ἂν ᾖ τὸ μέσον. Δῆλον δ΄ ἐπὶ τῶν ἐντόμων͵ οἷον
σφηκῶν τε καὶ μελιττῶν͵ τοῦτο συμβαῖνον· καὶ τῶν μὴ ἐντόμων δὲ πολλὰ
διαιρούμενα δύναται ζῆν διὰ τὸ θρεπτικόν. § 4. Τὸ δὲ τοιοῦτον μόριον
ἐνεργείᾳ μὲν ἔχει ἕν͵ δυνάμει δὲ πλείω· § 5. τὸν αὐτὸν γὰρ συνέστηκε
τοῖς φυτοῖς τρόπον· καὶ γὰρ τὰ φυτὰ διαιρούμενα ζῇ χωρίς͵ καὶ
γίνεται πολλὰ ἀπὸ μιᾶς ἀρχῆς δένδρα. § 6. Δι΄ ἓν δ΄ αἰτίαν τὰ μὲν οὐ
δύναται διαιρούμενα ζῆν͵ τὰ δ΄ ἀποφυτεύεται τῶν φυτῶν͵ ἕτερος [468b]
ἔσται λόγος.§ 7. Ἀλλ΄ ὁμοίως ἔχει κατά γε τοῦτο τά τε φυτὰ καὶ
τὸ τῶν ἐντόμων γένος. Ἀνάγκη δὲ καὶ τὴν θρεπτικὴν ψυχὴν ἐνεργείᾳ μὲν
ἐν τοῖς ἔχουσιν εἶναι μίαν͵ δυνάμει δὲ πλείους͵ ὁμοίως δὲ καὶ τὴν
αἰσθητικήν· φαίνεται γὰρ ἔχοντα αἴσθησιν τὰ διαιρούμενα αὐτῶν. § 8.
Ἀλλὰ πρὸς τὸ σῴζεσθαι τὴν φύσιν͵ τὰ μὲν φυτὰ δύναται͵ ταῦτα δ΄ οὐ
δύναται διὰ τὸ μὴ ἔχειν ὄργανα πρὸς σωτηρίαν͵ ἐνδεᾶ τ΄ εἶναι τὰ μὲν
τοῦ ληψομένου τὰ δὲ τοῦ δεξομένου τὴν τροφήν͵ τὰ δ΄ ἄλλων τε καὶ
τούτων ἀμφοτέρων. § 9. Ἐοίκασι γὰρ τὰ τοιαῦτα τῶν ζῴων πολλοῖς ζῴοις
συμπεφυκόσιν (τὰ δ΄ ἄριστα συνεστηκότα τοῦτ΄ οὐ πάσχει τῶν ζῴων διὰ
τὸ εἶναι τὴν φύσιν αὐτῶν ὡς ἐνδέχεται μάλιστα μίαν). Διὸ καὶ μικρὰν
αἴσθησιν ἔνια ποιεῖ διαιρούμενα τῶν μορίων ὅτι ἔχει τι ψυχικὸν
πάθος· χωριζομένων γὰρ τῶν σπλάγχνων ποιεῖται κίνησιν͵ οἷον καὶ αἱ
χελῶναι τῆς καρδίας ἀφῃρημένης.
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§ 1. On peut distinguer trois
parties principales dans lesquelles se divisent tous les animaux qui
sont complets : l'une par où l'animal reçoit sa nourriture, l'autre
par où il en rejette le résidu, et la troisième, qui est
intermédiaire entre ces deux-là. Cette dernière partie se nomme la
poitrine dans les plus grands animaux; et dans les autres, elle est
remplacée par quelque partie correspondante. Ces parties sont plus
séparées dans certaines espèces que dans certaines autres. § 2. Tous
animaux qui marchent ont aussi, pour remplir cette fonction, des
appareils spéciaux qui leur servent à porter tout le poids du corps,
à savoir des cuisses et des pieds, ou des organes qui ont la même
destination. § 3. Mais le principe de l'âme nutritive paraît se
trouver au centre de ces trois parties; et c'est ce dont on peut se
convaincre et par l'observation sensible, et aussi par la raison. Il
y a, en effet, beaucoup d'animaux qui, même après qu'on leur a
enlevé deux de ces parties, celle qu'on appelle la tête, et celle
qui reçoit la nourriture, vivent cependant encore avec la partie ou
est placé le centre. C'est là un fait qu'on peut vérifier sans peine
dans les insectes, tels que les guêpes et les abeilles ; et de plus,
il y a beaucoup d'animaux qui, sans être des insectes, peuvent vivre
néanmoins même après qu'on les a divisés, pourvu qu'ils aient
conservé la partie nutritive. § 4. En acte cette partie est une,
mais en puissance elle, est multiple. § 5. Il en est de même aussi
pour les végétaux. Les végétaux, quand on les a coupés, vivent
encore séparément; et il peut sortir plusieurs arbres d'un seul
individu, principe [468b] de tous les autres. § 6. On dira
ailleurs d'où vient que certaines plantes ne peuvent revivre quand
on les sépare du tronc, tandis qu'il en est d'autres qu'on peut
faire repousser de bouture. § 7. Mais, du reste, en ceci les plantes
sont tout à fait comme la race des insectes. Pour elles aussi, il
faut nécessairement que l'âme nutritive dans les êtres qui la
possèdent soit actuellement une; mais en puissance elle peut être
multiple. Cette observation s'applique également au principe
sensible; car les animaux que l'on a divisés ainsi semblent encore
jouir de la sensibilité. § 8. Mais, quant à conserver complètement
leur nature, les plantes le peuvent très-bien. Au contraire, les
insectes et les autres animaux ne le peuvent point, parce qu'ils
n'ont plus les instruments indispensables à leur conservation, et
qu'ils manquent, soit de l'organe qui doit prendre la nourriture,
soit de l'organe qui doit la recevoir. D'autres animaux manquent
alors d'autres organes encore, en même temps qu'ils manquent de ces
deux-là. § 9. C'est que les animaux qu'on peut ainsi diviser doivent
être considérés à peu près comme plusieurs animaux soudés ensemble.
Les animaux les mieux organisés ne sont pas susceptibles de cette
division, parce que leur nature est une au plus haut degré possible.
Toutefois, il y a certaines parties qui, même séparées, montrent des
restes de sensibilité, parce qu'elles éprouvent encore une sorte
d'affection analogue à celles que l'âme pourrait percevoir. Ainsi,
les viscères sont séparés que l'animal fait encore un mouvement,
comme les tortues qui se meuvent même après qu'on leur a enlevé le
cœur. |
§ 1. Qui sont complets.
Qui ne sont pas monstrueux et difformes.
— L'une par où, etc.
Ces trois parties sont à peu près celles qu'indique déjà Platon dans
le Timée, p. 197 et suiv., trad. de M. Cousin.
§ 2. Tous les animaux qui
marchent. Dans cette généralité, les reptiles ne sembleraient pas
être compris parmi les animaux qui marchent ; ils y rentrent
cependant, comme l'indique la fin de ce paragraphe. Les reptiles ont
en eux des parties qui ont la même destination que les pieds et les
cuisses dans les animaux plus élevés.
§ 3. Au centre de ces
trois parties, Platon relègue, au contraire, la par tie
nutritive dans le bas-ventre , où elle semble, en effet, mieux
placée; voir leTimée, p. 199, trad.de M. Cousin. Mais c'est an cœur
qu'Aristote rapporte la nutrition et le principe de la vie.
— Et aussi par la
raison. Àristote ne développe pas cette seconde partie de
sa pensée comme il développe la première; mais l'on comprend
qu'il veut dire que la partie nutritive étant vraiment la seule
essentielle, du moment qu'elle subsiste, il est tout simple que
l'animal continue de vivre.
— Beaucoup d'animaux.
Voir le Traité de l'Ame, I, iv, 18, et I, v, 36.
§ 4. En acte cette
partie est une. Voir le Traité de l'Ame, id., ibid.
§ 5. Pour les végétaux.
Même remarque.
— Il peut sortir plusieurs
arbres. Par la bouture, par exemple.
§ 6. On dira ailleurs,
sans doute dans le Traité des Plantes, dout il a été déjà question
plus haut, Traité de la Longévité, ch. vi, § 8.
— Quand on les sépare du
tronc. Le texte est un peu moins précis.
§ 7. Actuellement une.
Voir plus haut, § 4.
— Au principe sensible.
Voir le Traité de l'Ame, I, v, 36.
§ 8. Les instruments
indispensables , ou les organes. Voir une observation toute
pareille dans le Traité de l'Ame, ibid.
§ 9. Plusieurs animaux
soudés ensemble. Métaphore très-ingénieuse qui a été, depuis
Aristote, bien souvent employée pour expliquer la nature des polypes
et des vers.
— Une sorte a9affection
analogue, etc. Le texte est plus précis; mais j'ai du le
paraphraser pour le rendre clair.
— Comme les tortues.
Ce mit a été vérifié bien des fois depuis Aristote, et sur d'autres
animaux encore que les tortues.
On peut trouver que toute
cette digression, quoique fort intéres-sante , est un peu longue, et
que l'on est bien loin du sujet ; voir plus bas, ch. iv, § 5 |
CHAPITRE III.
Tous les êtres vivants, animaux ou
plantes, ont un centre d'où part leur développement : preuves tirées
des plantes, qu'elles poussent d'ailleurs de semence, ou de greffe,
ou de bouture : preuves tirées des animaux ; rôle souverain du cœur,
principe de la sensibilité et de la nutrition. |
§ 1. Ἔτι δὲ ἐπί τε τῶν φυτῶν δῆλον καὶ
ἐπὶ τῶν ζῴων͵
§ 2. τῶν μὲν φυτῶν τήν τ΄ ἐκ τῶν
σπερμάτων γένεσιν ἐπισκοποῦσι καὶ τὰς ἐμφυτείας τε καὶ τὰς
ἀποφυτείας. Ἥ τε γὰρ ἐκ τῶν σπερμάτων γένεσις συμβαίνει πᾶσιν ἐκ τοῦ
μέσου (διθύρων γὰρ ὄντων πάντων͵ ᾗ συμπέφυκεν καὶ τὸ μέσον ἔστιν
ἑκατέρου τῶν μορίων͵ ἐντεῦθεν ὅ τε καυλὸς ἐκφύεται καὶ ἡ ῥίζα τῶν
φυομένων͵ ἡ δ΄ ἀρχὴ τὸ μέσον αὐτῶν ἐστιν)͵ § 3. ἔν τε ταῖς
ἐμφυτείαις καὶ ταῖς ἀποφυτείαις μάλιστα συμβαίνει τοῦτο περὶ τοὺς
ὄζους· ἔστι γὰρ ἀρχή τις ὁ ὄζος τοῦ κλάδου͵ ἅμα δὲ καὶ μέσον͵ ὥστε ἢ
τοῦτο ἀφαιροῦσιν ἢ εἰς τοῦτο ἐμβάλλουσιν͵ ἵνα ἢ ὁ κλάδος ἢ αἱ ῥίζαι
ἐκ τούτου γίνωνται͵ ὡς οὔσης τῆς ἀρχῆς ἐκ τοῦ μέσου κλάδου καὶ
ῥίζης.
§ 4. Καὶ τῶν ζῴων τῶν ἐναίμων ἡ καρδία
γίνεται πρῶτον· τοῦτο δὲ δῆλον ἐξ ὧν ἐν τοῖς ἐνδεχομένοις ἔτι
γινομένοις ἰδεῖν τεθεωρήκαμεν. Ὥστε καὶ ἐν τοῖς ἀναίμοις ἀναγκαῖον
τὸ ἀνάλογον τῇ καρδίᾳ γίνεσθαι πρῶτον. Ἡ δὲ καρδία ὅτι ἐστὶν ἀρχή͵
τῶν φλεβῶν ἐν τοῖς περὶ τὰ Πέρη τῶν ζῴων εἴρηται [469a] πρότερον·
καὶ ὅτι τὸ αἷμα τοῖς ἐναίμοις ἐστὶ τελευταία τροφή͵ ἐξ οὗ γίνεται τὰ
μόρια. § 5. Φανερὸν τοίνυν ὅτι μίαν μέν τινα ἐργασίαν ἡ τοῦ στόματος
λειτουργεῖ δύναμις͵ ἑτέραν δ΄ ἡ τῆς κοιλίας͵ περὶ τὴν τροφήν͵ ἡ δὲ
καρδία κυριωτάτη͵ καὶ τὸ τέλος ἐπιτίθησιν. Ὥστ΄ ἀνάγκη καὶ τῆς
αἰσθητικῆς καὶ τῆς θρεπτικῆς ψυχῆς ἐν τῇ καρδίᾳ τὴν ἀρχὴν εἶναι τοῖς
ἐναίμοις· τὰ γὰρ τῶν ἄλλων μορίων ἔργα περὶ τὴν τροφὴν τοῦ ταύτης
ἔργου χάριν ἐστί· δεῖ μὲν γὰρ τὸ κύριον πρὸς τὸ οὗ ἕνεκα διατελεῖν͵
ἀλλ΄ οὐκ ἐν τοῖς τούτου ἕνεκα͵ οἷον ἰατρὸς πρὸς τὴν ὑγίειαν. §
6. Ἀλλὰ μὴν τό γε κύριον τῶν αἰσθήσεων ἐν ταύτῃ τοῖς ἐναίμοις πᾶσιν·
ἐν τούτῳ γὰρ ἀναγκαῖον εἶναι τὸ πάντων τῶν αἰσθητηρίων κοινὸν
αἰσθητήριον. Δύο δὲ φανερῶς ἐνταῦθα συντεινούσας ὁρῶμεν͵ τήν τε
γεῦσιν καὶ τὴν ἁφήν͵ ὥστε καὶ τὰς ἄλλας ἀναγκαῖον· ἐν τούτῳ μὲν γὰρ
τοῖς ἄλλοις αἰσθητηρίοις ἐνδέχεται ποιεῖσθαι τὴν κίνησιν͵ ταῦτα δ΄
οὐδὲν συντείνει πρὸς τὸν ἄνω τόπον. § 7. Χωρὶς δὲ τούτων͵ εἰ τὸ ζῆν
ἐν τούτῳ τῷ μορίῳ πᾶσίν ἐστι͵ δῆλον ὅτι καὶ τὴν αἰσθητικὴν ἀρχὴν
ἀναγκαῖον· ᾗ μὲν γὰρ ζῷον͵ ταύτῃ καὶ ζῆν φαμεν͵ ᾗ δ΄ αἰσθητικόν͵
ταύτῃ τὸ σῶμα ζῷον εἶναι λέγομεν. § 8. Διὰ τί δ΄ αἱ μὲν τῶν
αἰσθήσεων φανερῶς συντείνουσι πρὸς τὴν καρδίαν͵ αἱ δ΄ εἰσὶν ἐν τῇ
κεφαλῇ (διὸ καὶ δοκεῖ τισιν αἰσθάνεσθαι τὰ ζῷα διὰ τὸν ἐγκέφαλον)͵
τὸ αἴτιον τούτων ἐν ἑτέροις εἴρηται χωρίς.
§ 9. Κατὰ μὲν οὖν τὰ φαινόμενα δῆλον
ἐκ τῶν εἰρημένων ὅτι ἐν τούτῳ τε καὶ ἐν τῷ μέσῳ τοῦ σώματος τῶν
τριῶν μορίων ἥ τε τῆς αἰσθητικῆς ψυχῆς ἀρχή ἐστι καὶ ἡ τῆς αὐξητικῆς
καὶ θρεπτικῆς·
|
§ 1. Du reste, il est encore
d'autres preuves manifestes de ces faits dans les plantes et dans
les animaux.
§ 2. Pour les plantes, il suffit
d'observer leur développement, soit qu'elles viennent de semence, de
greffe ou de bouture. Quand elles viennent de semence, c'est
toujours du centre que part le développement; car toutes les graines
ayant deux valves, le milieu se trouve précisément au point où
toutes les deux se soudent, et il appartient à chacune de ces deux
parties. C'est de là que sortent la tige et la racine quand la
plante pousse; et le principe de toutes deux est le centre d'où
elles sortent l'une et l'autre. § 3. C'est là ce qu'on peut
très-bien observer aussi pour les troncs, soit dans les greffes,
soit dans les boutures. Le tronc est le principe du rameau, et en
est en même temps le centre. Aussi, l'on doit ou enlever ce tronc,
ou y insérer le sujet, pour que le rameau ou les racines puissent en
pousser, comme si le principe, soit du rejeton, soit de la racine,
venait du centre.
§ 4. Dans les animaux qui ont du
sang, c'est le cœur qui se développe d'abord ; c'est là ce qui est
certain d'après les faits que nous avons observés, autant que nous
l'avons pu voir sur les animaux au moment même où ils se
développaient. Il faut nécessairement que dans les animaux qui n'ont
pas de sang, ce soit la partie correspondante au cœur qui se forme
aussi la première. Nous avons dit antérieurement, dans le Traité des
Parties des animaux, que le cœur est le principe des veines, et que
le sang est, dans les animaux qui en ont, nourriture définitive dont
se forment les parties qui les composent. § 5. Il est donc évident
que l'office de la bouche, en ce qui concerne la nourriture, se
borne à une seule opération, et que celui des intestins est
différent. Le cœur est la pièce principale, et c'est lui qui vient
ajouter la fin à tout le reste. Une conséquence nécessaire de ceci
dans les animaux qui ont du sang, c'est que le principe de l'âme
sensible et nutritive soit aussi dans le cœur, parce que les
fonctions des autres parties relativement à la nourriture n'ont lieu
qu'en vue de l'œuvre accomplie par le cœur, et qu'on doit toujours
placer la souveraineté dans la partie en vue de laquelle travaillent
toutes les autres, et non pas dans les parties qui fonctionnent pour
celle-là, comme le médecin n'agit qu'en vue de la santé. § 6. C'est
donc bien dans le cœur qu'est le principe souverain de toutes les
sensations, chez les animaux qui ont du sang; car c'est là que doit
être placé nécessairement l'organe commun de tous les autres organes
des sens. Or, il y a deux sens que nous voyons évidemment aboutir au
cœur : ce sont le goût et le toucher; il faut donc aussi que les
autres s'y rendent comme ceux-là. C'est en lui, en effet, que les
autres organes des sens peuvent aussi communiquer leur mouvement;
or, ces deux sens ne se rendent point du tout dans la partie
supérieure du corps. § 7. Mais, si indépendamment de tout cela, la
vie pour tous les êtres réside dans le cœur, il est clair qu'il faut
aussi que le cœur soit le principe de la sensibilité. En effet,
c'est en tant que l'être est animal que nous disons qu'il vit; et
c'est en tant que le corps est sensible que nous disons qu'il est le
corps d'un animal. § 8. Mais pourquoi certains sens se rendent-ils
évidemment au cœur, et d'autres sont-ils dans la tête, ce qui a
donné à penser à quelques philosophes que c'est par le cerveau que
les animaux sentent ? C'est là une question que nous avons déjà
éclaircie spécialement dans un traité différent.
§ 9. Il est donc certain, d'après
ce que nous avons dit en nous appuyant sur les faits, que c'est dans
le cœur, dans le centre des trois parties du corps, que se trouve le
principe de l'âme qui sent, le principe de l'âme qui fait croître,
et le principe de l'âme qui nourrît.
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§ 1. De ces faits.
C'est-à-dire, de la divisibilité et de la permanence de la vie, même
après que la division a en lieu. Voir le chapitre précédent, % 5 et
suiv.
§. 2. Quand elles viennent
de semence. La description que donne Aristote dans ce qui suit
est fort exacte.
— Toutes les graines ont deux
valves. Ceci n'est y rai que des plantes dicotylédones, comme les
appelle la botanique moderne. On pourrait aussi comprendre le texte
un peu différemment, et la théorie d'Aristote serait alors plus
juste : « Dans toutes les graines qui ont deux valves. » Mais cette
interprétation serait, grammaticalement, peut-être un peu forcée.
§ 3. Le principe du
rameau. Quand il ftigit dè la greffe.
— Et en est en même temps
le centre. Quand il s'agit de bouture.
— Enlever le tronc. Si
l'on veut faire une bouture.
— Ou y insérer le sujet.
Si l'on veut faire une greffe.
— Le rameau. Dans la
greffe.
— Ou les racines. Dans
la la bouture.
— On peut trouver que tout ce
paragraphe est un peu embarrassé.
§ 4. Dans les animaux qui
ont du sang. Après avoir rappelé les phases principales du
développement des végétaux, Aristote passe au développement des
animaux ; voir plus haut, § 1.
— C'est le coeur qui se
développe d'abord. Voir le Traité des Parties des
Animaux, liv. ch. iv, au début, et Traité de la Génération des
Animaux, II, 6. La physiologie moderne a constaté les mêmes faits.
— Les faits que nous avons
observés. On voit qu'Aristote savait observer les choses d'aussi
près qu'on a pu le faire plus tard ; et c'est évidemment du fœtus
qu'il veut parler ici. Ses recherches sur la formation de l'œuf ont
été très-admirées de Buffon, t. X, p. 334 , 381 , 859, édit. de
1831, quoique Buffon même n'ait pas toujours su lui rendre pleine
justice, p. 340, îd.
— Antérieurement. Il
semblerait, d'après ceci, que le traité actuel, ainsi que
quelques-uns de ces opuscules, devrait venir après les grands
ouvrages d'histoire naturelie ; voir plus haut le Traité dit
Principe général du Mouvement dans les Animaux, ch. i, § 1.
— Des Parties des Animaux.
Voir ce traité, liv. III, ch. iv, p. 665, § 34, édit. de Berlin.
— La nourriture
définitive. Ce n'est, en effet, que sous celte forme dernière
que les aliments contribuent réellement à la nutrition.
§ 5. Le cœur est la pièce
principale. Voir le Traité des Parties dés Animaux, liv. III,
ch. iv, sur le rôle qu'Aristote donne au coeur.
— L'âme sensible et
nutritive. Id., liv. III, ch. i, p. 647, a, 28, édit. de Berlin,
III,ni, p. 665, a, 12.
— Comme le médecin n'agit
qu'en vue de la santé. Cette comparaison, tonte juste qu'elle
peut être, parait ici un peu singulière, parce que rien ne l'amène.
§ 6. Le principe souverain
de toutes les sensations. Voir les citations di-verses faites
dans le paragraphe précédent, et qui se rapportent à cette théorie
d'Aristote sur le rôle du coeur.
— L'organe commun.
Voir dans le Traité de l'Ame, liv. III, ch. n, la théorie du sens
commun.
— Ce sont le goût et le
toucfier. Quelques commentateurs ont voulu trouver des raisons
anatomiques pour justifier cette théorie d'Aris-tote, et ils ont
prétendu que la névrologie pouvait la confirmer. Il est peu probable
qu'Aristote s'appuie ici sur des motifs aussi profonds. La forme
même de son expression semble indiquer qu'il s'en tient à des faits
plus vulgaires; il pense sans doute aux défaillances, aux syncopes,
aux nausées que causent certaines impressions du goût et du toucher.
Il rapporte au cœur tous ces phénomènes, ainsi que les sens qui les
éprouvent.
— Peuvent aussi
communiquer leur mouvement. L'anatomie démontre, au contraire,
très-clairement que ceci n'est pas exact. Si dans cette portion de
la phrase l'expression d'Aristote pouvait laisser le moindre doute
sur une pensée qu'il a d'ailleurs tant de fois exprimée, la phrase
suivante serait de nature à trancher toute incertitude. Platon,
ainsi qu'Hippocrate, est bien plus dans le vrai, en donnant au
cerveau le rôle considérable qu'Aristote accorde ici au cœur.
Descartes a peut-être aussi partagé, jusqu'à un certain point, cette
erreur. Voir le paragraphe suivant.
— Mais ces deux sens.
Le goût et le toucher.
§ 7. Toutes les doctrines
exprimées dans ce paragraphe sont parfaitement d'accord avec celles
qui sont exposées dans le Traité de l'Ame sur le rôle de la
sensibilité, et dans les autres parties du présent traité et de ceux
qui le précèdent.
§ 8. Se rendent-ils
évidemment au cœur. Voir plus haut, § 6. Deux sens, suivant
Aristote, se rendent au cœur : c'est le toucher et le goût.
— Quelques philosophes.
C'est Hippocrate et surtout Platon ; voir le Timée, p. 197, trad. de
M. Cousin.
— Dans un traité
différent. Voir le Traité des Parties des Animaux, liv. IV, ch.
x, p. 686, édit. de Berlin.
§ 9. Que c'est dans le
cœur. Voir plus haut, § 5. Du reste, Platon avait devancé
Aristote dans ces diverses théories, vraies ou fausses. Le cœur est
aussi pour lui le principe des veines et de la nutrition ; voir le
Timée, p. 198, trad. de M. Cousin ; mais il n'en fait pas le centre
de la sensibilité.
— Qui fait croître.... qui
nourrit. C'est un seul et même principe ; voir le Traité de
l'Ame, II, xv, 8 et 13.
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CHAPITRE IV.
Continuation du même sujet : le cœur
est le foyer de la chaleur naturelle, sans laquelle la vie et la
digestion ne seraient pas possibles. La mort n'est que l'extinction
de cette chaleur. |
§ 1. κατὰ δὲ τὸν λόγον͵ ὅτι τὴν φύσιν
ὁρῶμεν ἐν πᾶσιν ἐκ τῶν δυνατῶν ποιοῦσαν τὸ κάλλιστον· ἐν τῷ μέσῳ δὲ
τῆς οὐσίας τῆς ἀρχῆς οὔσης ἑκατέρας μάλιστα ἂν ἀποτελοῖ τῶν μορίων
ἑκάτερον τὸ αὑτοῦ ἔργον͵ τό τε κατεργαζόμενον τὴν ἐσχάτην τροφὴν καὶ
τὸ δεκτικόν· πρὸς ἑκατέρῳ γὰρ αὐτῶν οὕτως ἔσται͵ καὶ ἔστιν ἡ τοῦ
τοιούτου μέσου χώρα ἄρχοντος [469b] χώρα. § 2. Ἔτι τὸ
χρώμενον καὶ ᾧ χρῆται τὸ χρώμενον δεῖ διαφέρειν (ὥσπερ δὲ τὴν
δύναμιν͵ οὕτως͵ ἂν ἐνδέχηται͵ καὶ τὸν τόπον)͵ ὥσπερ οἵ τ΄ αὐλοὶ καὶ
τὸ κινοῦν τοὺς αὐλούς͵ ἡ χείρ. § 3. Εἴπερ οὖν τὸ ζῷον ὥρισται τῷ τὴν
αἰσθητικὴν ἔχειν ψυχήν͵ τοῖς μὲν ἐναίμοις ἀναγκαῖον ἐν τῇ καρδίᾳ
ταύτην ἔχειν τὴν ἀρχήν͵ τοῖς δ΄ ἀναίμοις ἐν τῷ ἀνάλογον μορίῳ. § 4.
Πάντα δὲ τὰ μόρια καὶ πᾶν τὸ σῶμα τῶν ζῴων ἔχει τινὰ σύμφυτον
θερμότητα φυσικήν· διὸ ζῶντα μὲν φαίνεται θερμά͵ τελευτῶντα δὲ καὶ
στερισκόμενα τοῦ ζῆν τοὐναντίον. Ἀναγκαῖον δὴ ταύτης τὴν ἀρχὴν τῆς
θερμότητος ἐν τῇ καρδίᾳ τοῖς ἐναίμοις εἶναι͵ τοῖς δ΄ ἀναίμοις ἐν τῷ
ἀνάλογον· ἐργάζεται γὰρ καὶ πέττει τῷ φυσικῷ θερμῷ τὴν τροφὴν πάντα͵
μάλιστα δὲ τὸ κυριώτατον. Διὸ τῶν μὲν ἄλλων μορίων ψυχομένων
ὑπομένει τὸ ζῆν͵ τοῦ δ΄ ἐν ταύτῃ φθείρεται πάμπαν͵ διὰ τὸ τὴν ἀρχὴν
ἐντεῦθεν τῆς θερμότητος ἠρτῆσθαι πᾶσι͵ καὶ τῆς ψυχῆς
§ 5. ὥσπερ ἐμπεπυρευμένης ἐν τοῖς
μορίοις τούτοις͵ τῶν μὲν ἀναίμων ἐν τῷ ἀνάλογον͵ ἐν δὲ τῇ καρδίᾳ τῶν
ἐναίμων. Ἀνάγκη τοίνυν ἅμα τό τε ζῆν ὑπάρχειν καὶ τὴν τοῦ θερμοῦ
τούτου σωτηρίαν͵ καὶ τὸν καλούμενον θάνατον εἶναι τὴν τούτου φθοράν.
|
§ 1. D'après cet axiome, donné par
l'observation, qu'en toutes choses la nature tâche toujours de faire
le mieux possible, il faut penser que c'est à la condition de se
trouver dans le milieu de la substance de l'être, que chacun de ces
deux principes accomplit le plus parfaitement sa fonction, à savoir
: le principe qui élabore définitivement la nourriture, et celui qui
la reçoit. C'est, en effet à cette condition, que le milieu sera en
rapport avec l'un et avec l'autre; et le siège central de cette
union [469b] est le siège du principe souverain. § 2. Il est
évident, de plus, que l'être qui se sert d'une chose, diffère de la
chose dont il se sert; et de même qu'il diffère en puissance, de
même aussi il peut différer par la manière dont il se sert de cette
chose, comme diffèrent la flûte et ce qui la met en jeu,
c'est-à-dire la main. § 3. Si donc l'animal se distingue de tout le
reste par cela seul qu'il possède le principe de la sensibilité, il
faut nécessairement que ce principe réside dans le cœur, chez les
animaux qui ont du sang, et que chez ceux qui n'en ont point, il
réside dans la partie qui remplace le cœur. § 4. Or, toutes les
parties de l'animal et tout son corps jouissent d'une certaine
chaleur naturelle qui leur est innée. Voilà pourquoi, tant qu'ils
vivent, ils paraissent chauds, et qu'une fois morts et privés de la
vie, ils deviennent tout le contraire. On voit que dès lors le
principe de cette chaleur doit nécessairement se trouver dans le
cœur pour les animaux qui ont du sang, et dans la partie
correspondante pour ceux qui n'en ont point, parce que tous, sans
exception, élaborent et digèrent leur nourriture, grâce à cette
chaleur naturelle, et que c'est surtout l'organe principal, le cœur
ou l'organe correspondant, qui agit dans cette fonction. Aussi la
vie demeure quand ce sont les autres parties seulement qui se
refroidissent ; mais l'animal meurt sur-le-champ, du moment que le
froid atteint celle-là, parce que c'est de là que dépend, pour tous
les animaux, le principe de la chaleur et de l'âme, qui est en
quelque sorte brûlante dans ces parties.
§ 5. Ainsi donc, pour les animaux qui
n'ont pas de sang, c'est dans la partie qui remplace le cœur, et
pour ceux qui en ont, c'est dans le cœur, que sont à la fois
nécessairement et la vie et le foyer qui entretient la chaleur
indispensable à la vie ; et ce qu'on appelle la mort n'est que la
destruction de cette chaleur. |
§ 1. La nature tâche
toujours. Principe des causes finales, qu'Aristote a toujours
invoqué, et dont l'usage l'a souvent aidé à comprendre et à
expliquer parfaitement la nature ; voir le Traité de l'Ame, II,iv,
b; III,iv,6, etIII, xn, 3.
— Qui élabore
définitivement. Voir plus haut, au chapitre précédent, § 1 :
c'est le sang qui est la nourriture définitive du corps.
— Et celui qui la reçoit.
Ces expressions semblent désigner la bouche et tout l'appareil
supérieur de la nutrition. Quelques commentateurs ont cru, au
contraire, qu'elles désignaient les intestins et le bas-ventre.
— De cette union. Le
texte est moins précis.
§ 2. Diffère de la chose
dont il se sert. C'est presque la phrase même de Bossuet,
voulant démontrer la distinction de l'âme et du corps : « II n'y a
rien de plus différent de celui qui se sert de quelque chose, que la
chose même dont il se sert.» Traité de la Connaissance de Dieu et de
soi-même, p. 73, a, édit. de 1836.
— Et de même.... de cette
chose. Certaines éditions paraissent n'avoir pas eu cette phrase
: l'édition de Berlin ne donne pas de variante.
§ 3. Si donc l'animal.
Voir le chapitre précédent, § 3, et le Traité de l'Ame, II, ii, 4.
On peut rema-quer, du reste, dans ce paragraphe comme dans le
suivant, des idées déjà répétées plusieurs fois ; et Aristote ne
semble pas ici très-fidèle à sa concision ordinaire. Léonicus dit
avec raison : « Multus et fere nimius. »
§ 4. Grâce à celte chaleur
naturelle. Voir le Traité de l'Ame, II, iv, 16, et I, ii, 23.
— Qui est en quelque sorte
brûlante. Voir une pensée toute pareille dans le Timée de
Platon, p. 198, trad. de M. Cousin.
§ 5. Ce paragraphe n'est
qu'une répétition assez peu utile de ce qui précède.
— Le foyer qui entretient.
Le texte dit simplement : « La conservation de cette chaleur. » Le
contexte autorise la métaphore dont je me suis servi. |
CHAPITRE V.
Le feu peut cesser de deux façons
différentes : ou il s'éteint de lui-même, ou quelque action
extérieure Pétouffe. — Exemples des charbons qu'on étouffe et du feu
qui couve sous la cendre. |
§ 1. Ἀλλὰ μὴν πυρός γε δύο
ὁρῶμεν φθοράς͵ μάρανσίν τε καὶ σβέσιν. Καλοῦμεν δὲ τὴν μὲν ὑφ΄ αὑτοῦ
μάρανσιν͵ τὴν δ΄ ὑπὸ τῶν ἐναντίων σβέσιν͵ [τὴν μὲν γήρᾳ͵ τὴν δὲ
βίαιον͵] § 2. συμβαίνει δ΄ ἀμφοτέρας διὰ ταὐτὸ γίνεσθαι τὰς
φθοράς· ὑπολειπούσης γὰρ τῆς τροφῆς͵ οὐ δυναμένου λαμβάνειν τοῦ
θερμοῦ τὴν τροφήν͵ φθορὰ γίνεται τοῦ πυρός. Τὸ μὲν γὰρ ἐναντίον
παῦον τὴν πέψιν κωλύει τρέφεσθαι· ὁτὲ δὲ μαραίνεσθαι συμβαίνει͵
πλείονος ἀθροιζομένου θερμοῦ διὰ τὸ μὴ ἀναπνεῖν μηδὲ καταψύχεσθαι·
ταχὺ γὰρ καὶ οὕτω καταναλίσκει τὴν τροφὴν πολὺ συναθροιζόμενον τὸ
θερμόν͵ καὶ φθάνει καταναλίσκον πρὶν ἐπιστῆναι τὴν ἀναθυμίασιν.
§ 3. Διόπερ οὐ μόνον μαραίνεται τὸ ἔλαττον παρὰ τὸ πλεῖον πῦρ͵ ἀλλὰ
καὶ αὐτὴ καθ΄ αὑτὴν ἡ τοῦ λύχνου φλὸξ ἐντιθεμένη πλείονι φλογὶ [470a]
κατακαίεται͵ καθάπερ ὁτιοῦν ἄλλο τῶν καυστῶν. Αἴτιον δ΄ ὅτι τὴν μὲν
οὖσαν ἐν τῇ φλογὶ τροφὴν φθάνει λαμβάνουσα ἡ μείζων φλὸξ πρὶν
ἐπελθεῖν ἑτέραν͵ τὸ δὲ πῦρ ἀεὶ διατελεῖ γινόμενον καὶ ῥέον ὥσπερ
ποταμός͵ ἀλλὰ λανθάνει διὰ τὸ τάχος.
§ 4. Δῆλον τοίνυν ὡς εἴπερ δεῖ
σῴζεσθαι τὸ θερμόν (τοῦτο δ΄ ἀναγκαῖον͵ εἴπερ μέλλει ζῆν)͵ δεῖ
γίνεσθαί τινα τοῦ θερμοῦ τοῦ ἐν τῇ ἀρχῇ κατάψυξιν. § 5. Παράδειγμα
δὲ τούτου λαβεῖν ἔστι τὸ συμβαῖνον ἐπὶ τῶν καταπνιγομένων ἀνθράκων·
ἂν μὲν γὰρ ὦσι περιπεπωμασμένοι τῷ καλουμένῳ πνιγεῖ συνεχῶς͵
ἀποσβέννυνται ταχέως· ἂν δὲ παρ΄ ἄλληλά τις ποιῇ πυκνὰ τὴν ἀφαίρεσιν
καὶ τὴν ἐπίθεσιν͵ μένουσι πεπυρωμένοι πολὺν χρόνον. Ἡ δ΄ ἔγκρυψις
σῴζει τὸ πῦρ· οὔτε γὰρ ἀποπνεῖν κωλύεται͵ διὰ μανότητα τῆς τέφρας͵
ἀντιφράττει τε τῷ πέριξ ἀέρι πρὸς τὸ μὴ σβεννύναι͵ τῷ πλήθει τῆς
ἐνυπαρχούσης αὐτῷ θερμότητος.
§ 6. Ἀλλὰ περὶ μὲν τῆς αἰτίας
ταύτης͵ ὅτι τὸ ἐναντίον συμβαίνει τῷ ἐγκρυπτομένῳ καὶ καταπνιγομένῳ
πυρί (τὸ μὲν γὰρ μαραίνεται͵ τὸ δὲ διαμένει πλείω χρόνον)͵ εἴρηται
ἐν τοῖς προβλήμασιν. |
§ 1. Mais on peut observer que le
feu est exposé à deux causes de destruction : ou il s'éteint ou il
est étouffé. On dit qu'il s'éteint quand il se détruit de lui-même,
et il est étouffé quand il cesse par l'action d'éléments contraires.
Dans le premier cas, c'est la vieillesse; dans l'autre, c'est une
destruction violente. § 2. Il se peut que ces deux destructions du
feu viennent d'une seule et même cause. Ainsi, la nourriture venant
à manquer, et la chaleur ne pouvant plus prendre l'aliment
nécessaire, il y a destruction du feu; c'est alors le contraire qui,
arrêtant la digestion, empêche que l'être ne se nourrisse. Parfois
aussi le feu s'éteint de lui-même, quand la chaleur s'accumule en
trop grande quantité, et que l'animal ne peut plus ni respirer, ni
se refroidir. La chaleur accumulée ainsi absorbe bientôt toute la
nourriture, et elle l'absorbe si rapidement que l'évaporation n'a
pas le temps de se faire. § 3. Voilà pourquoi non-seulement un feu
plus faible s'éteint de lui-même devant un feu plus fort, mais aussi
pourquoi la flamme d'une lampe qui vit et subsiste par elle-même, si
elle est placée dans une flamme plus grande s'y trouve consumée, [470a]
comme tout autre combustible. La cause en est que la plus grande
flamme a le temps de consumer la nourriture qui est dans la flamme
[la plus petite] avant qu'il en arrive d'autre. Mais le feu continue
toujours à se produire et à s'écouler comme un fleuve ; et si l'on
ne voit pas ce mouvement, c'est à cause de sa rapidité.
§ 4. Il est donc évident que s'il
faut que la chaleur se conserve parce qu'elle est indispensable à la
vie, il faut aussi qu'il y ait un certain refroidissement de la
chaleur qui est dans le principe. § 5. On peut en voir un exemple
bien simple dans les charbons qu'on étouffe. Si on les enferme sans
interruption dans cette machine à couvercle qu'on appelle un
étouffoir, ils s'éteignent sur-le-champ. Mais si on lève plusieurs
fois le couvercle et qu'on le remette tour à tour, ils demeurent
très-longtemps allumés. Ainsi, couvrir le feu le conserve, parce
qu'alors la cendre n'est pas assez épaisse pour l'empêcher de
respirer, et qu'il résiste assez, grâce à l'air extérieur, pour ne
pas s'éteindre par la quantité de chaleur qu'il renferme en
lui-même.
§ 6. On a, du reste, expliqué, dans
les Problèmes, la cause spéciale qui fait que le contraire arrive au
feu qu'on couvre et à celui qu'on étouffe. L'un, en effet, s'éteint;
l'autre, au contraire, subsiste plus longtemps.
|
§ 1. Il est étouffé.
J'ai dû prendre cette expression pour mieux faire sentir la
distinction qu'établit ici Aristote.
— C'est la vieillesse.
Aristote revient au sujet même de ce traité; mais il y revient bien
brusquement, et il le quitte de nouveau bien vite. Voir des théories
analogues sur le feu, Traité de la Respiration, ch. viii, § 6.
§ 2. Il y a destruction du
feu. Par une cause violente, et qui lui est, en quelque sorte,
étrangère.
— S'éteint de lui-même.
C'est le sens propre de l'expression grecque.
— L'évaporation. Voir
plus haut le Traité du Sommeil, ch. iii, § 4.
§ 3. S'éteint de lui-même.
Suivant la distinction faite par Aristote au § 1.
— Et subsiste par
elle-même. Indépendamment du grand foyer dans lequel on la
place, tandis que dans le premier cas, on doit supposer que le plus
petit feu s'alimente, comme le premier, par l'air qui l'entretient.
La différence doit, du reste, sembler trop peu marquée.
— La plus petite. J'ai
ajouté ces mots qui me semblent indispensables, ainsi qu'à quelques
com-mentateurs. On lèverait toute difficulté en traduisant : « Dans
sa flamme, » et en faisant rapporter ceci à la lampe.
— Ce mouvement. Le
texte est moins précis que n'a dû l'être ma traduction.
§ 4. Un certain
refroidissement. C'est par des raisons analogues que Platon
explique dans le Timée la nature et le rôle du poumon, p. 198, trad.
de M. Cousin. Aristote reproduira d'ailleurs ceci avec plus de
développements dans le Traité de la Respiration.
§ 5. Un exemple bien
simple. Le fait décrit ici par Aristote est très-exact, bien
qu'il n'en dise pas la cause vraie, tout en paraissant cependant
plusieurs fois la soupçonner. Il entrevoit le rôle que joue l'air,
sans le lui attribuer d'une manière très-précise.
— Un étouffoir. Ce mot
de notre langue est une traduction exacte du mot grec
— De respirer. Cette
métaphore même prouve à elle seule qu'Aristote comprend la nécessité
de l'air pour l'entretien de la combustion.
—. Grâce à l'air
extérieur. Je crois pouvoir com-prendre ainsi ce passage ; les
commentateurs comprennent, en général , que le feu résiste à l'air
extérieur ; c'est qu'ils mettent au datif ce que je crois pouvoir
mettre à l'ablatif.
§ 6. Dans les Problèmes.
Léonicos a remarqué arec raison qu'on ne trouvait rien de pareil
dans les Problèmes, tels qu'ils nous sont parvenus. Aristote se sert
d'ailleurs ici du mot même qui fait le titre actuel de ce traité.
Plus haut, il a employé un mot différent ; voir plus haut, Traité de
la Mémoire, ch. ii, § 2, et Traité du Sommeil et de la Veille, ch.
ii, § 14.
— Plus longtemps. Que
si on ne le couvrait pas. |
CHAPITRE VI.
Causes de la conservation de la
chaleur naturelle dans les végétaux : les animaux tirent de l'air et
de l'eau le refroidissement périodique dont ils ont besoin.
Nécessité d'étudier cette importante fonction avec plus de
développements. |
§ 1. Ἐπεὶ δὲ πᾶν ζῶν ἔχει ψυχήν͵
αὕτη δ΄ οὐκ ἄνευ φυσικῆς ὑπάρχει θερμότητος͵ ὥσπερ εἴπομεν͵ τοῖς μὲν
φυτοῖς ἡ διὰ τῆς τροφῆς καὶ τοῦ περιέχοντος ἱκανὴ γίνεται βοήθεια
πρὸς τὴν τοῦ φυσικοῦ θερμοῦ σωτηρίαν. Καὶ γὰρ ἡ τροφὴ ποιεῖ
κατάψυξιν εἰσιοῦσα͵ καθάπερ καὶ τοῖς ἀνθρώποις τὸ πρῶτον
προσενεγκαμένοις͵ αἱ δὲ νηστεῖαι θερμαίνουσι καὶ δίψας ποιοῦσιν·
ἀκίνητος γὰρ ὢν ὁ ἀὴρ ἀεὶ θερμαίνεται͵ τῆς δὲ τροφῆς εἰσιούσης
καταψύχεται κινούμενος͵ ἕως ἂν λάβῃ τὴν πέψιν. § 2. Ἐὰν δὲ τὸ
περιέχον ὑπερβάλλῃ ψυχρότητι διὰ τὴν ὥραν͵ ἰσχυρῶν γινομένων πάγων͵
ἐξαυαίνεται ἡ τοῦ θερμοῦ ἰσχύς͵ ἂν δὲ συμβαίνῃ καύματα καὶ μὴ
δύνηται τὸ σπώμενον ἐκ τῆς γῆς ὑγρὸν καταψύχειν͵ φθείρεται
μαραινόμενον τὸ θερμόν͵ καὶ λέγεται σφακελίζειν καὶ ἀστρόβλητα
γίνεσθαι τὰ δένδρα περὶ τοὺς καιροὺς τούτους. Διὸ καὶ γένη τινὰ
λίθων ταῖς ῥίζαις ὑποβάλλουσι καὶ ὕδωρ ἐν [470b] ἀγγείοις͵
ὅπως αἱ ῥίζαι ψύχωνται τῶν φυτῶν.
Τῶν δὲ ζῴων ἐπεὶ τὰ μέν ἐστιν ἔνυδρα
τὰ δ΄ ἐν τῷ ἀέρι ποιεῖται τὴν δίαιταν͵ ἐκ τούτων καὶ διὰ τούτων
πορίζεται τὴν κατά ψυξιν͵ τὰ μὲν τῷ ὕδατι τὰ δὲ τῷ ἀέρι. Τίνα δὲ
τρόπον καὶ πῶς͵ λεκτέον ἐπιστήσασι τὸν λόγον μᾶλλον. |
§ 1. Comme tout animal a une âme et
qu'il ne peut vivre sans chaleur naturelle, ainsi que nous venons de
le dire, les plantes trouvent dans leur nourriture et dans le milieu
qui les entoure, tous les moyens suffisants pour conserver cette
chaleur naturelle. La nourriture des végétaux leur donne du
refroidissement, en s'introduisant en eux, comme elle en donne aux
hommes dans le premier moment qu'on l'ingère, tandis que les jeûnes
échauffent et provoquent la soif. En effet, quand l'air n'est pas
mis en mouvement il s'échauffe toujours; mais, du moment que la
nourriture entre, le mouvement que l'air reçoit refroidit l'animal
jusqu'à ce que la nourriture ait reçu la digestion convenable. § 2.
Mais si le milieu qui entoura le végétal est très-froid par suite de
la saison qui amène des gelées violentes, le végétal se dessèche; ou
bien, s'il y a de grandes chaleurs dans l'été, et que l'humidité que
la plante tire du sol ne soit pas suffisante pour la refroidir, sa
chaleur [naturelle] alors s'éteint et se perd. On dit, dans ce
dernier cas, que les arbres sont frappés de marasme et ont un coup
de soleil. Voilà pourquoi on met alors au pied des plantes des
pierres d'une certaine espèce, [470b] ou des fossés pleins
d'eau, pour que les racines puissent s'y rafraîchir.
§ 3. Quant aux animaux, comme les uns
sont aquatiques et que les autres vivent dans l'air, c'est de ces
deux éléments qu'ils tirent le refroidissement qui leur est
nécessaire, les uns le prenant à l'eau, et les autres, à l'air. Mais
pour expliquer de quelle manière et à quelles conditions s'accomplit
ce phénomène, il faut entrer dans quelques développements.
FIN DU TRAITÉ DE LA JEUNESSE ET DE LA
VIEILLESSE.
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§ 1. Ainsi que nom
venons de le dire. Voir plus haut, ch. ii, § 4 et suiv.
— Et dans le milieu qui
les entoure. Le texte est un peu moins précis.
— Dans le premier moment
qu'on l'ingère. Aristote déduit sans doute cette théorie de
l'observation ai souvent faite du frisson qu'on ressent après les
repas, et avant que la digestion ait complètement commencé.
L'explication qu'il donne de ce phénomène n'est pas très-exacte ; il
est plus probable que ce refroidissement momentané tient à l'afflux
considérable du sang vers l'estomac, qui en a besoin dans ce pénible
travail.
§ 2. Sa chaleur naturelle.
J'ai ajouté ce dernier mot, que justifie tout le contexte.
— De marasme.
Peut-être ce mot ne s'applique-t-il pas très-bien aux plantes.
— Un coup de soleil.
C'est la traduction littérale de l'expression grecque.
— Des pierres d'une
certaine espèce. Léonicus rapporte des passages de Théophraste
et de Virgile qui rappellent ce fait : c'est une pratique encore
employée aujourd'hui très-fréquemment.
§ 3. Dans quelques
développements. C'est l'objet du Traité de la Respiration ; mais
on voit que le présent traité n'aura guère justifié son titre : il
n'a point exposé avec les détails nécessaires ce que sont la
jeunesse et la vieillesse, la vie et la mort. On pourrait croire
qu'Aristote y revient dans le traité suivant, qui a des liens si
étroits avec celui-ci ; mais il n'en dit encore que quelques moto
insuffisants, quoique profonds, dans le ch. xviii du Traité de la
Respiration , admirable d'ailleurs à tant d'égards. |