Aristote : Hermeneia

ARISTOTE

 

HERMENEIA - ΠΕΡΙ ΕΡΜΗΝΕΙΑΣ : CHAPITRE PREMIER

 

PLAN - CHAPITRE II

 

HERMÉNEIA, ou TRAITÉ DE LA PROPOSITION.

 

 

 

 

CHAPITRE PREMIER.

Énumération des objets divers de ce traité. - Rapports du langage à la pensée. - Les mots isolés n'expriment ni vérité ni erreur : il faut qu'ils soient réunis pour exprimer l'un ou l'autre.

1  [16a] Πρῶτον δεῖ θέσθαι τί ὄνομα καὶ τί ῥῆμα, ἔπειτα τί ἐστιν ἀπόφασις καὶ κατάφασις καὶ ἀπόφανσις καὶ λόγος.

2 Ἔστι μὲν οὖν τὰ ἐν τῇ φωνῇ τῶν ἐν τῇ ψυχῇ παθημάτων σύμβολα, καὶ τὰ γραφόμενα τῶν ἐν τῇ φωνῇ. 3 Καὶ ὥσπερ οὐδὲ γράμματα πᾶσι τὰ αὐτά, οὐδὲ φωναὶ αἱ αὐταί· ὧν μέντοι ταῦτα σημεῖα πρώτων, ταὐτὰ πᾶσι παθήματα τῆς ψυχῆς, καὶ ὧν ταῦτα ὁμοιώματα πράγματα ἤδη ταὐτά. 4 περὶ μὲν οὖν τούτων εἴρηται ἐν τοῖς περὶ ψυχῆς, — ἄλλης γὰρ πραγματείας· 5 ἔστι δέ, ὥσπερ ἐν τῇ ψυχῇ ὁτὲ μὲν νόημα ἄνευ τοῦ ἀληθεύειν ἢ ψεύδεσθαι ὁτὲ δὲ ἤδη ᾧ ἀνάγκη τούτων ὑπάρχειν θάτερον, οὕτω καὶ ἐν τῇ φωνῇ· περὶ γὰρ σύνθεσιν καὶ διαίρεσίν ἐστι τὸ ψεῦδός τε καὶ τὸ ἀληθές. 6 Τὰ μὲν οὖν ὀνόματα αὐτὰ καὶ τὰ ῥήματα ἔοικε τῷ ἄνευ συνθέσεως καὶ διαιρέσεως νοήματι, οἷον τὸ ἄνθρωπος ἢ λευκόν, ὅταν μὴ προστεθῇ τι· οὔτε γὰρ ψεῦδος οὔτε ἀληθές πω. σημεῖον δ´ ἐστὶ τοῦδε· καὶ γὰρ ὁ τραγέλαφος σημαίνει μέν τι, οὔπω δὲ ἀληθὲς ἢ ψεῦδος, ἐὰν μὴ τὸ εἶναι ἢ μὴ εἶναι προστεθῇ ἢ ἁπλῶς ἢ κατὰ χρόνον.
 

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§ 1. [16a]  Il faut établir d'abord ce que c'est que nom, et que c'est que verbe, puis ensuite, ce que c'est que négation et affirmation, énonciation et jugement.

§ 2. Les mots dans la parole ne sont que l'image des modifications de l'âme; et l'écriture n'est que l'image des mots que la parole exprime. § 3. De même que l'écriture n'est pas identique pour tous les hommes, de même les langues ne sont pas non plus semblables. Mais les modifications de l'âme, dont les mots sont les signes immédiats, sont identiques pour tous les hommes, comme les choses, dont ces modifications sont la représentation fidèle, sont aussi les mêmes pour tous. § 4. On a déjà parlé de cela dans le Traité de l'Âme : et en effet ce sujet appartient à un autre traité que celui-ci. § 5. De même qu'il y a dans l'âme, tantôt des pensées qui peuvent n'être ni vraies ni fausses, et tantôt des pensées qui nécessairement doivent être l'un ou l'autre, de même aussi dans la parole; car l'erreur et la vérité ne consistent que dans la combinaison et la division des mots. § 6. Les noms eux-mêmes et les verbes ressemblent donc à la pensée sans combinaison ni division, par exemple : homme, blanc, sans rien ajouter à ces mots. Ici en effet rien n'est encore ni vrai ni faux: et en voici bien la preuve: un cerf-bouc, par exemple, signifie certainement quelque chose; mais ce n'est encore ni vrai ni faux, si l'on n'ajoute pas que cet animal existe ou qu'il n'existe pas, soit d'une manière absolue, soit dans un temps déterminé.

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 Herméneia, J'ai cru devoir conserver le mot grec, parce qu'il est impossible de le bien traduire à moins d'une longue périphrase. Les commentateurs du moyen âge ont conserver le titre tout entier : et les deux mots Peri hermeneias sont devenus pour eux un accusatif pluriel féminin qui a en son génitif en arum et son datif en is. Quant au second titre, il n'appartient pas à Aristote : mais le catalogue de Diogène Laërce et l'autorité de plusieurs commentateurs le recommandent : de plus, il a l'avantage d'être une explication du premier et une indication assez fidèle des matières traitées dans l'ouvrage. Voir sur le titre de l'Herméneia la discussion d'Ammonius, Schol. p. 95, b, 21.

§ 1. Nom... verbe, Les deux éléments indispensables de la proposition.

- Jugement, Le terme grec est vague et moins précis que celui par lequel j'ai dû le rendre : on pourrait traduire aussi : proposition, mot qui est un peu plus précis.

§ 2. L'image des modifications de l'âme, C'est donner au langage une origine tout humaine. L'antiquité grecque n'a jamais résolu autrement cette question, que d'ailleurs elle n'a point cherché à approfondir.

§ 3. Les modifications de l'âme... sont identiques, Ceci ne contredit pas le paragraphe qui précède. Les modifications sont identiques: mais les images de ces modifications ne le sont pas, précisément parce que la volonté de l'homme intervient dans la production de ces images. On voit, comme le font remarquer les commentateurs, que toute cette théorie est contraire à celle que Platon développe dans le Cratyle. Pacius ajoute qu'il y a ici quatre degrés distincts : l'écriture qui représente les mots. les mots qui représentent les conceptions de l'esprit, et enfin ces conceptions qui représentent les choses. Cette gradation que fait Aristote est parfaitement exacte. Alexandre d'Aphrodise, dans son commentaire qui n'est pas venu jusqu'à nous contestait cette identité de pensées pour tous les hommes. voir Ammonius, Scholies, p. 100 a, 32 et la note. et p. 101, b, 1. Herminus proposait ici une variante qui ne tient qu'au changement d'accent, et il corrigeait ainsi la pensée d'Alexandre se jugeait pas très juste, ib., 8 et la note.

§ 4. On a déjà parlé de cela dans le Traité de l'Âme, Voir le Traité de l'Âme, livre 3, §. 7, éd., de Tredelenbourg, p. 94 et 96. Andronicus de Rhodes, ne retrouvant pas textuellement ceci dans le Traité de l'Âme, avait déclare l'Herméneia apocryphe. II est le seul parmi les commentateurs à soutenir cette opinion. Voir les Scholies, éd. de Berlin, p. 94, a, 21, p. 97 a, 19, et mon mémoire sur la Logique, t. 1, p. 53.

§ 5. N'être ni vraies ni fausses, En tant qu'elles n'impliquent ni l'affirmation ni la négation d'un objet matériel.

- Dans la combinaison et la division des mots, Voir dans les Catégories, ch. 2, § 1, et surtout ch. 4, § 3.

§ 6. Les noms eux-mêmes et les verbes, Pris isolement et sans combinaison.

- Un cerf-bouc signifie certainement quelque chose, Dans la pensée, mais non dans la réalité, si on ne l'affirme ni ne le nie. Voir la République de Platon. liv. 6 p. 10, Trad. de M. Cousin.

- Soit d'une manière absolue, Ceci peut signifier encore, comme le veut Pacius, que l'affirmation s'applique au présent, comme les mots suivants: soit dans un temps déterminé, s'appliquent aux deux autres moments du temps, le passée et l'avenir.

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