Aristote : Premiers analytiques

ARISTOTE

 

PREMIERS ANALYTIQUES

LIVRE PREMIER

SECTION TROISIÈME ANALYSE DES SYLLOGISMES EN FIGURES ET EN MODES

CHAPITRE XXXIV

chapitre XXXIII - chapitre XXXV

 

 

 

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CHAPITRE XXXIV

Forme vicieuse des termes, qui souvent doivent être des mots concrets; et non des mots abstraits. Erreur possible dans les trois figures. - Moyen d'éviter cette erreur : substituer toujours l'expression concrète à l'expression abstraite. - Exemples divers.

1 πολλάκις δὲ διαψεύδεσθαι [48a] συμπεσεῖται παρὰ τὸ μὴ καλῶς ἐκτίθεσθαι τοὺς κατὰ τὴν πρότασιν ὅρους, οἷον εἰ τὸ μὲν Α εἴη ὑγίεια, τὸ δ´ ἐφ´ ᾧ Β νόσος, ἐφ´ ᾧ δὲ Γ ἄνθρωπος. ληθὲς γὰρ εἰπεῖν ὅτι τὸ Α οὐδενὶ τῷ Β ἐνδέχεται ὑπάρχειν (οὐδεμιᾷ γὰρ νόσῳ ὑγίεια ὑπάρχει), καὶ πάλιν ὅτι τὸ Β παντὶ τῷ Γ ὑπάρχει (πᾶς γὰρ ἄνθρωπος δεκτικὸς νόσου). Δόξειεν ἂν οὖν συμβαίνειν μηδενὶ ἀνθρώπῳ ἐνδέχεσθαι ὑγίειαν ὑπάρχειν. Τούτου δ´ αἴτιον τὸ μὴ καλῶς ἐκκεῖσθαι τοὺς ὅρους κατὰ τὴν λέξιν, ἐπεὶ μεταληφθέντων τῶν κατὰ τὰς ἕξεις οὐκ ἔσται συλλογισμός, οἷον ἀντὶ μὲν τῆς ὑγιείας εἰ τεθείη τὸ ὑγιαῖνον, ἀντὶ δὲ τῆς νόσου τὸ νοσοῦν. Οὐ γὰρ ἀληθὲς εἰπεῖν ὡς οὐκ ἐνδέχεται τῷ νοσοῦντι τὸ ὑγιαίνειν ὑπάρξαι. Τούτου δὲ μὴ ληφθέντος οὐ γίνεται συλλογισμός, εἰ μὴ τοῦ ἐνδέχεσθαι· τοῦτο δ´ οὐκ ἀδύνατον· ἐνδέχεται γὰρ μηδενὶ ἀνθρώπῳ ὑπάρχειν ὑγίειαν. 2 Πάλιν ἐπὶ τοῦ μέσου σχήματος ὁμοίως ἔσται τὸ ψεῦδος· τὴν γὰρ ὑγίειαν νόσῳ μὲν οὐδεμιᾷ ἀνθρώπῳ δὲ παντὶ ἐνδέχεται ὑπάρχειν, ὥστ´ οὐδενὶ ἀνθρώπῳ νόσον. 3 ν δὲ τῷ τρίτῳ σχήματι κατὰ τὸ ἐνδέχεσθαι συμβαίνει τὸ ψεῦδος, καὶ γὰρ ὑγίειαν καὶ νόσον καὶ ἐπιστήμην καὶ ἄγνοιαν καὶ ὅλως τὰ ἐναντία τῷ αὐτῷ ἐνδέχεται ὑπάρχειν, ἀλλήλοις δ´ ἀδύνατον. Τοῦτο δ´ ἀνομολογούμενον τοῖς προειρημένοις· ὅτε γὰρ τῷ αὐτῷ πλείω ἐνεδέχετο ὑπάρχειν, ἐνεδέχετο καὶ ἀλλήλοις.

4 Φανερὸν οὖν ὅτι ἐν ἅπασι τούτοις ἡ ἀπάτη γίνεται παρὰ τὴν τῶν ὅρων ἔκθεσιν· μεταληφθέντων γὰρ τῶν κατὰ τὰς ἕξεις οὐδὲν γίνεται ψεῦδος. Δῆλον οὖν ὅτι κατὰ τὰς τοιαύτας προτάσεις ἀεὶ τὸ κατὰ τὴν ἕξιν ἀντὶ τῆς ἕξεως μεταληπτέον καὶ θετέον ὅρον.  

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 1 Souvent aussi l'on se trompera, parce que les termes, dans la proposition, n'auront pas été bien exprimés: par exemple, soit A la santé, B la maladie, et C l'homme. Il est vrai de dire que A ne peut être à aucun B, car la santé n'est jamais à la maladie; et que B est à tout C, car tout homme est susceptible de maladie; donc il semblerait résulter de ceci que la santé ne saurait être à aucun homme. Le motif de cette erreur c'est que, dans I'énonciation les termes n'ont pas été bien posés; car, en changeant les termes qui expriment la disposition, il n'y aura plus de syllogisme. Par exemple, qu'au lieu de : santé, on mette : sain, et au lieu de maladie : malade; dès lors il n'est plus vrai de dire qu'il n'est pas possible que sain soit à malade. Mais, si l'on ne fait pas ce changement, il n'y a plus syllogisme que du contingent, c'est-à-dire, de ce qui n'est pas impossible : et, en effet, il est possible que la santé ne soit à aucun homme. 2 Cette erreur pourra se produire tout aussi bien dans la moyenne figure. Ainsi la santé ne peut être à aucune maladie, mais elle peut être à tout homme : donc la maladie n'est à aucun homme. 3 Dans la troisième figure, la conclusion fausse est sous forme contingente; car la santé et la maladie, la science et l'ignorance, et en général les contraires, peuvent être à tout un même objet; mais il est impossible qu'ils soient jamais l'un à l'autre. Ceci, du reste, est contradictoire à une remarque précédente; car l'on a établi que, quand plusieurs choses. pouvaient être à une seule et même, elles pouvaient aussi être les unes aux autres.

4 Il est donc clair que, dans tous ces cas, l'erreur ne résulte que de l'énoncé des termes, et qu'en permutant ceux qui expriment la disposition, il n'y a plus de conclusion erronée. Ainsi, il est évident que, dans les propositions de ce genre, il faut toujours substituer le dérivé de la disposition à la disposition elle-même, et prendre ce dérivé pour terme.

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§ 1. Voici le syllogisme entier dans la première figure, Celarent : Il est nécessaire que la santé ne soit à aucune maladie : la maladie est à tout homme; Donc il est nécessaire que la santé ne soit à aucun homme, conclusion fausse. Elle est modale nécessaire d'après les règles posées au chap. 9, § 2. - Qui expriment la disposition, c'est-à-dire, les termes abstraits de : maladie, santé. - Il n'y aura plus de syllogisme, sous-entendu : apparent, c'est-à-dire qu'on verra sur-le-champ la fausseté du syllogisme. Le voici : Il est nécessaire qu'aucun malade ne soit bien portant: tout homme est malade; Donc il est nécessaire qu'aucun homme ne soit bien portant, conclusion fausse qui résulte de la fausseté même de la majeure; car le malade n'est pas nécessairement malade puisqu'il peut recouvrer la santé. -Si l'on ne fait pas ce changement, Si l'on garde les termes abstraits, la conclusion vraie est modale contingente : Il se peut que la santé ne soit à aucun homme, et non point absolue.

§ 2. Cette erreur est également possible dans la seconde figure en Cesare: Il est nécessaire que la santé ne soit à aucune maladie : il se peut quel la  santé soit à tout homme; Donc la maladie n'est à aucun homme. Ici encore on découvrira la fausseté de la majeure, en prenant les termes concrets: sain, malade, au lieu des termes abstraits : santé, maladie, car la majeure alors sera fausse, comme ci-dessus.

§ 3. Dans la troisième figure, il faut que le moyen soit sujet des deux termes. Les deux termes sont ici des contraires, le même sujet pourra bien les recevoir tour à tour: mais dans la conclusion ils ne pourront être l'un à l'autre, c'est-à-dire que la conclusion sera fausse avec les deux prémisses vraies; c'est qu'on aura pris les termes abstraits au lieu des concrets. Ainsi en Darapti: Il se peut que la santé soit à tout homme : il se peut que la maladie soit à tout homme; Donc il se peut que la santé soit à quelque maladie, conclusion fausse. En remettant les termes concrets, le syllogisme sera vrai de tout point : Il se peut que tout homme soit sain : il se peut que tout homme soit malade: Donc il se peut que quelque malade soit sain. - Remarque précédente. Plus haut, ch. 20, § 2, il a été établi que de deux prémisses contingentes dans la troisième figure, sortait toujours une conclusion contingente, vraie comme elles; et ici la conclusion est fausse; c'est que les termes sont mal énoncés.

§ 4. En permutant ceux qui expriment la disposition, c'est-à-dire, en prenant les adjectifs au lieu des substantifs abstraits. - Le dérivé de la disposition... sain à santé, malade à maladie. Voir § 3.

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