ΧΧ. DISCOURS CONTRE LOCHITÈS.- Κατὰ Λοχίτου
ΧΙΧ. Eginétique - xxi Discours contre Euthynus
ISOCRATE.
DISCOURS CONTRE LOCHITÈS.
ARGUMENT.
Auger, dans l'introduction qu'il a mise en tète de ce discours, s'exprime ainsi : « Le discours intitulé Contre Lochitès n'est que la péroraison d'un plaidoyer dans lequel un homme du peuple a dû prouver qu'il a été frappé et insulté par Lochitès. Dans cette péroraison, il montre avec force combien il est essentiel de punir les violences, surtout dans les démocraties; il expose les suites qu'elles peuvent avoir dans la société. Il exagère l'insulte qu'il a reçue, fait sentir aux juges qu'il est de leur propre j^intérét de punir sévèrement de pareilles fautes; que sa qualité de simple particulier, d'homme du peuple, est une raison de plus pour qu'on punisse avec vigueur l'injure qui lui a été faite. »
Nous pensons, avec Auger, que ce discours est incomplet, mais nous ne croyons pas qu'il n'y ait ici qu'une péroraison; le discours contre Lochitès nous semble être un de ces discours dont la durée était comptée aux plaideurs par la clepsydre ou horloge d'eau. L'accusateur aura produit ses témoins, et tiré, dans les quelques lignes qu'on va lire, les conséquences de leurs dépositions.
Nous avons déjà, dans l'Argument de quelques-uns des précédents discours, renvoyé le lecteur au mémoire de M. Egger sur la profession d'avocat chez les Athéniens, mé- 429 moire dont nous avons même cité des extraits ; nous l'y renverrons encore ici à propos de ces paroles de la fin : « J'ai parlé sur ce litige comme il m'a été possible de le faire ; si maintenant quelqu'un parmi les assistants veut seconder mes efforts, qu'il s'avance vers vous et prenne la parole. »
Quant à la date de ce discours, aucune donnée ne nous permet de la fixer.
430 SOMMAIRE.
............ .Ainsi donc : — 1 . Tous ceux qui étaient présents ont témoigné que j'ai été frappé par Lochitès, sans aucune provocation de ma part. — 2. Si la sécurité des personnes est la chose la plus importante dans une ville, la violation de cette sécurité doit être réprimée par les plus grands supplices. — 3. Voilà pourquoi les lois, dans ce cas, favorisent l'action judiciaire, et pourquoi ce genre d'oulrage est placé au rang de crime public. — 4. Si les injures sont punies des peines les plus sévères, que sera-ce lorsque des coups ont été portés! — 5. Quand vous considérez comme dignes de mort ceux qui, sous l'oligarchie, où cela élait permis, ont outragé leurs concitoyens, de quelle peine doit-on punir ceux qui se livrent à ce désordre sous la démocratie, où il est interdit ! — 6. Peut-être Lochitès dira-t-il que les coups qu'il m'a portés ne m'ont causé aucun dommage. — 7 . Ce n'est pas pour le dommage, c'est pour les coups en eux-mêmes et pour la honte qui s'y rattache, que je l'appelle en justice. — 8. De même que, dans le larcin, les lois ne considèrent pas la chose dérobée, mais le sentiment qui porte à cette sorte de crime ; de même, dans le cas actuel, c'est bien moins ce qui est arrivé qu'il s'agit de punir, que toute violence dans les moeurs qu'il faut réprimer, parce que de faibles causes ont souvent produit de grands malheurs ; des coups on a souvent été conduit à la fureur, aux blessures, à l'assassinat, à la mort, aux massacres les plus atroces.— 9. Les autres injures ne blessent qu'une partie de la société : les outrages nuisent à la société tout entière ; ils ont anéanti beaucoup de familles et causé la destruction d'un grand nombre de villes. — 10. Déjà deux fois nous avons vu la démocratie détruite par les hommes qui méprisent les lois, qui servent les ennemis de leur pays, qui insultent leurs concitoyens, et Lochitès est un homme de cette nature. — 11. Il vaut mieux empêcher les maux à venir que de se venger des maux passés ; il ne faut pas attendre que les hommes d'une pareille perversité exercent leur méchanceté contre la ville tout entière, il faut saisir la première occasion favorable qui se présente pour les punir. — 12. Les châtiments qui s'adressent à la personne ont la même valeur pour tous ; mais il n'en est pas de même pour ceux qui portent sur les biens. Il faut donc infliger, pour les injures, une peine qui, lorsqu'elle aura été appliquée, mettra fin à la violence du coupable : or Lochitès ne renoncera pas à ses habitudes de violence pour avoir payé une somme d'argent, mais seulement quand il aura été frappé par un châtiment plus grave; et, si vous le lui appliquez, vous placerez votre propre vie dans une sécurité plus grande. — 13. Et que personne de 431 vous, parce que je suis pauvre, ne considère ce litige comme ayant moins d'importance ; tant que la démocratie subsiste, les citoyens sont égaux, et ceux qui osent transgresser la loi faite pour la sûreté des personnes blessent également tous les citoyens. — 14. Par conséquent, si vous êtes sages, vous ferez supporter à Locliitès le poids de votre colère , convaincus que les hommes de cette nature ne connaissent pas d'autres lois que les arrêts rendus par la justice. — 15 Si quelqu'un, parmi ceux qui sont présents, veut me donner son appui, qu'il prenne la parole.
LANGE.
Κατὰ Λοχίτου
... [1] Ὡς μὲν τοίνυν ἔτυπτέ με Λοχίτης, ἄρχων χειρῶν ἀδίκων, ἅπαντες ὑμῖν οἱ παρόντες μεμαρτυρήκασιν. Τὸ δ᾽ ἁμάρτημα τοῦθ᾽ οὐχ ὅμοιον δεῖ νομίζειν τοῖς ἄλλοις οὐδὲ τὰς τιμωρίας ἴσας ποιεῖσθαι περί τε τοῦ σώματος καὶ τῶν χρημάτων, ἐπισταμένους ὅτι τοῦτο πᾶσιν ἀνθρώποις οἰκειότατόν ἐστι, καὶ τούς τε νόμους ἐθέμεθα καὶ περὶ τῆς ἐλευθερίας μαχόμεθα καὶ τῆς δημοκρατίας ἐπιθυμοῦμεν καὶ τἄλλα πάντα τὰ περὶ τὸν βίον ἕνεκα τούτου πράττομεν. Ὥστ᾽ εἰκὸς ὑμᾶς ἐστὶ τοὺς περὶ τοῦτ᾽ ἐξαμαρτάνοντας, ὃ περὶ πλείστου ποιεῖσθε, τῇ μεγίστῃ ζημίᾳ κολάζειν. [2] Εὑρήσετε δὲ καὶ τοὺς θέντας ἡμῖν τοὺς νόμους ὑπὲρ τῶν σωμάτων μάλιστα σπουδάσαντας. Πρῶτον μὲν γὰρ περὶ μόνου τούτου τῶν ἀδικημάτων καὶ δίκας καὶ γραφὰς ἄνευ παρακαταβολῆς ἐποίησαν, ἵν᾽ ὅπως ἂν ἕκαστος ἡμῶν τυγχάνῃ καὶ δυνάμενος καὶ βουλόμενος, οὕτως ἔχῃ τιμωρεῖσθαι τοὺς ἀδικοῦντας. Ἔπειτα τῶν μὲν ἄλλων ἐγκλημάτων αὐτῷ τῷ παθόντι μόνον ὁ δράσας ὑπόδικός ἐστιν: περὶ δὲ τῆς ὕβρεως, ὡς κοινοῦ τοῦ πράγματος ὄντος, ἔξεστι τῷ βουλομένῳ τῶν πολιτῶν γραψαμένῳ πρὸς τοὺς θεσμοθέτας εἰσελθεῖν εἰς ὑμᾶς. [3] Οὕτω δ᾽ ἡγήσαντο δεινὸν εἶναι τὸ τύπτειν ἀλλήλους, ὥστε καὶ περὶ τῆς κακηγορίας νόμον ἔθεσαν ὃς κελεύει τοὺς λέγοντάς τι τῶν ἀπορρήτων πεντακοσίας δραχμὰς ὀφείλειν. Καίτοι πηλίκας τινὰς χρὴ ποιεῖσθαι τὰς τιμωρίας ὑπὲρ τῶν ἔργῳ παθόντων κακῶς, ὅταν ὑπὲρ τῶν λόγῳ μόνον ἀκηκοότων οὕτως ὀργιζόμενοι φαίνησθε; |
ISOCRATE. DISCOURS CONTRE LOCHITÈS. XX. .................................... 1. [1] Qu'ainsi donc Lochitès m'ait frappé le premier et qu'il ait porté la main sur moi injustement, tous ceux qui étaient présents l'ont attesté devant vous.
2. Mais
il ne faut pas considérer ce crime comme un crime semblable aux
autres, ni prononcer, pour un outrage à la personne, les mêmes
peines que pour un attentat qui porterait sur la propriété. Vous
savez que 3. [2] Vous trouverez en effet que ceux qui nous ont donné des lois se sont surtout occupés de ce qui concerne les attentats dirigés contre les personnes. D'abord c'est la seule espèce de crime pour laquelle ils aient établi l'action privée et l'action publique, sans exiger le dépôt de l'amende préjudicielle, afin que chacun de nous, suivant ses moyens et sa volonté, pût faire punir ceux 435 qui lui auraient causé un tort quelconque. Ensuite, pour ce qui touche aux autres crimes, celui qui s'en est rendu coupable n'a de poursuites judiciaires à redouter que de la part de l'offensé, tandis que, s'il s'agit de violences, l'affaire entrant dans le domaine de l'intérêt public, il est permis à tout citoyen d'accuser le coupable devant les thesmothètes et de le traduire devant vous. 4. [3] Nos législateurs regardaient comme une faute si grave de se frapper entre citoyens, que, pour ce qui touche aux injures, ils ont fait une loi qui condamne à une amende de cinq cents drachmes ceux qui profèrent quelques-unes de ces paroles dont l'emploi est interdit. Par quels châtiments dès lors ne devez-vous pas venger ceux qui ont été les victimes d'actions brutales, puisqu'on vous voit sévir avec tant de rigueur dans l'intérêt de ceux qui n'ont été outragés que par des paroles ! |
[4] Θαυμαστὸν δ᾽ εἰ τοὺς μὲν ἐπὶ τῆς ὀλιγαρχίας ὑβρίσαντας ἀξίους θανάτου νομίζετε, τοὺς δ᾽ ἐν δημοκρατίᾳ ταὔτ᾽ ἐκείνοις ἐπιτηδεύοντας ἀζημίους ἀφήσετε. Καίτοι δικαίως ἂν μείζονος οὗτοι τιμωρίας τυγχάνοιεν: φανερώτερον γὰρ ἐπιδείκνυνται τὴν αὑτῶν πονηρίαν. Ὅστις γὰρ νῦν τολμᾷ παρανομεῖν, ὅτ᾽ οὐκ ἔξεστι, τί ποτ᾽ ἂν ἐποίησεν, ὅθ᾽ οἱ κρατοῦντες τῆς πόλεως καὶ χάριν εἶχον τοῖς τὰ τοιαῦτ᾽ ἐξαμαρτάνουσιν; [5] Ἴσως οὖν Λοχίτης ἐπιχειρήσει μικρὸν ποιεῖν τὸ πρᾶγμα, διασύρων τὴν κατηγορίαν καὶ λέγων ὡς οὐδὲν ἐκ τῶν πληγῶν κακὸν ἔπαθον, ἀλλὰ μείζους ποιοῦμαι τοὺς λόγους ἢ κατὰ τὴν ἀξίαν τῶν γεγενημένων. Ἐγὼ δ᾽ εἰ μὲν μηδεμία προσῆν ὕβρις τοῖς πεπραγμένοις, οὐκ ἄν ποτ᾽ εἰσῆλθον εἰς ὑμᾶς: νῦν δ᾽ οὐχ ὑπὲρ τῆς ἄλλης βλάβης τῆς ἐκ τῶν πληγῶν γενομένης, ἀλλ᾽ ὑπὲρ τῆς αἰκίας καὶ τῆς ἀτιμίας ἥκω παρ᾽ αὐτοῦ δίκην ληψόμενος, [6] ὑπὲρ ὧν προσήκει τοῖς ἐλευθέροις μάλιστ᾽ ὀργίζεσθαι καὶ μεγίστης τυγχάνειν τιμωρίας. Ὁρῶ δ᾽ ὑμᾶς, ὅταν του καταγνῶθ᾽ ἱεροσυλίαν ἢ κλοπήν, οὐ πρὸς τὸ μέγεθος ὧν ἂν λάβωσι τὴν τίμησιν ποιουμένους, ἀλλ᾽ ὁμοίως ἁπάντων θάνατον καταγιγνώσκοντας, καὶ νομίζοντας δίκαιον εἶναι τοὺς τοῖς αὐτοῖς ἔργοις ἐπιχειροῦντας ταῖς αὐταῖς ζημίαις κολάζεσθαι. [7] Χρὴ τοίνυν καὶ περὶ τῶν ὑβριζόντων τὴν αὐτὴν γνώμην ἔχειν, καὶ μὴ τοῦτο σκοπεῖν, εἰ μὴ σφόδρα συνέκοψαν, ἀλλ᾽ εἰ τὸν νόμον παρέβησαν, μηδ᾽ ὑπὲρ τοῦ συντυχόντος μόνον ἀλλ᾽ ὑπὲρ ἅπαντος τοῦ τρόπου δίκην παρ᾽ αὐτῶν λαμβάνειν, [8] ἐνθυμουμένους ὅτι πολλάκις ἤδη μικραὶ προφάσεις μεγάλων κακῶν αἴτιαι γεγόνασι, καὶ διότι διὰ τοὺς τύπτειν τολμῶντας εἰς τοῦτ᾽ ἤδη τινὲς ὀργῆς προήχθησαν ὥστ᾽ εἰς τραύματα καὶ θανάτους καὶ φυγὰς καὶ τὰς μεγίστας συμφορὰς ἐλθεῖν: ὧν οὐδὲν διὰ τὸν φεύγοντα τὴν δίκην ἀγένητόν ἐστιν, ἀλλὰ κατὰ μὲν τὸ τούτου μέρος ἅπαντα πέπρακται, διὰ δὲ τὴν τύχην καὶ τὸν τρόπον τὸν ἐμὸν οὐδὲν τῶν ἀνηκέστων συμβέβηκεν. |
5. [4]
Il y aurait lieu de s'étonner si, lorsque vous considérez comme
ayant mérité la mort ceux qui ont commis des violences sous le règne
de l'oligarchie, on vous voyait, sous la démocratie, renvoyer, sans
leur infliger 6. [5] Peut-être Lochitès voudra-t-il essayer d'atténuer la gravité des faits et de jeter du ridicule sur l'accusation, en disant que les coups que j'ai reçus ne m'ont fait aucun mal, et que je donne à mes paroles plus d'importance que n'en ont eu ses actions. 437 7. Quant à moi, si aucun affront ne s'était joint aux voies de fait, je ne me serais jamais présenté devant vous. Aussi je viens pour tirer vengeance, non de la douleur que ses coups m'ont fait éprouver, mais d'un traitement injurieux et de la honte qui s'y rattache ; [6] car ce sont des choses pour lesquelles les hommes libres doivent surtout faire éclater leur indignation et obtenir les réparations les plus sévères. 8. Je vois que, lorsque vous portez une condamnation pour un vol ou pour un sacrilège, vous ne mesurez pas la peine à la valeur de l'objet dérobé, mais que vous prononcez également la mort contre tous les coupables, parce que vous considérez comme juste de frapper du même châtiment ceux qui ont commis des crimes de la même nature. [7] Vous devez donc avoir la même opinion relativement à ceux qui commettent des violences ; il ne faut pas examiner s'ils ont frappé avec excès, mais s'ils ont transgressé la loi; de même qu'il ne faut pas les punir seulement pour réprimer le délit particulier, mais pour mettre un frein à la violence dans les mœurs, [8] car vous savez que souvent de faibles causes ont produit de grands malheurs, et qu'on a vu quelquefois des hommes poussés à un tel degré d'indignation par ceux qui avaient osé porter la main sur eux, qu'ils en venaient aux blessures, aux meurtres, aux exils et à des actes de la plus haute gravité. Or il n'est aucun de ces actes qui ne se soit produit par le fait de mon adversaire ; tous, au contraire, ont eu lieu autant qu'il a dépendu de lui ; et c'est grâce à la fortune, grâce à ma modération, que l'on n'a vu arriver aucune calamité irrémédiable. |
[9] Ἡγοῦμαι δ᾽ ὑμᾶς οὕτως ἂν ἀξίως ὀργισθῆναι τοῦ πράγματος, εἰ διεξέλθοιτε πρὸς ὑμᾶς αὐτοὺς ὅσῳ μεῖζόν ἐστι τοῦτο τῶν ἄλλων ἁμαρτημάτων. Εὑρήσετε γὰρ τὰς μὲν ἄλλας ἀδικίας μέρος τι τοῦ βίου βλαπτούσας, τὴν δ᾽ ὕβριν ὅλοις τοῖς πράγμασι λυμαινομένην, καὶ πολλοὺς μὲν οἴκους δι᾽ αὐτὴν διαφθαρέντας, πολλὰς δὲ πόλεις ἀναστάτους γεγενημένας. [10] Καὶ τί δεῖ τὰς τῶν ἄλλων συμφορὰς λέγοντα διατρίβειν; αὐτοὶ γὰρ ἡμεῖς δὶς ἤδη τὴν δημοκρατίαν ἐπείδομεν καταλυθεῖσαν καὶ δὶς τῆς ἐλευθερίας ἀπεστερήθημεν, οὐχ ὑπὸ τῶν ταῖς ἄλλαις πονηρίαις ἐνόχων ὄντων, ἀλλὰ διὰ τοὺς καταφρονοῦντας τῶν νόμων καὶ βουλομένους τοῖς μὲν πολεμίοις δουλεύειν, [11] τοὺς δὲ πολίτας ὑβρίζειν. Ὧν οὗτος εἷς ὢν τυγχάνει. Καὶ γὰρ εἰ τῶν τότε κατασταθέντων νεώτερός ἐστιν, ἀλλὰ τόν γε τρόπον ἔχει τὸν ἐξ ἐκείνης τῆς πολιτείας. Αὗται γὰρ αἱ φύσεις εἰσὶν αἱ παραδοῦσαι μὲν τὴν δύναμιν τὴν ἡμετέραν τοῖς πολεμίοις, κατασκάψασαι δὲ τὰ τείχη τῆς πατρίδος, πεντακοσίους δὲ καὶ χιλίους ἀκρίτους ἀποκτείνασαι τῶν πολιτῶν. [12] Ὧν εἰκὸς ὑμᾶς μεμνημένους τιμωρεῖσθαι μὴ μόνον τοὺς τότε λυμηναμένους ἀλλὰ καὶ τοὺς νῦν βουλομένους οὕτω διαθεῖναι τὴν πόλιν, καὶ τοσούτῳ μᾶλλον τοὺς ἐπιδόξους γενήσεσθαι πονηροὺς τῶν πρότερον ἡμαρτηκότων, ὅσῳ περ κρεῖττόν ἐστι τῶν μελλόντων κακῶν ἀποτροπὴν εὑρεῖν ἢ τῶν ἤδη γεγενημένων δίκην λαβεῖν. [13] Καὶ μὴ περιμείνηθ᾽ ἕως ἂν ἀθροισθέντες καὶ καιρὸν λαβόντες εἰς ὅλην τὴν πόλιν ἐξαμάρτωσιν, ἀλλ᾽ ἐφ᾽ ἧς ἂν ὑμῖν προφάσεως παραδοθῶσιν, ἐπὶ ταύτης αὐτοὺς τιμωρεῖσθε, νομίζοντες εὕρημ᾽ ἔχειν, ὅταν τινὰ λάβητ᾽ ἐν μικροῖς πράγμασιν ἐπιδεδειγμένον ἅπασαν τὴν αὑτοῦ πονηρίαν. [14] Κράτιστον μὲν γὰρ ἦν, εἴ τι προσῆν ἄλλο σημεῖον τοῖς πονηροῖς τῶν ἀνθρώπων, πρὶν ἀδικηθῆναί τινα τῶν πολιτῶν, πρότερον κολάζειν αὐτούς: ἐπειδὴ δ᾽ οὐχ οἷόν τ᾽ ἐστὶν αἰσθέσθαι πρὶν κακῶς τινὰς παθεῖν ὑπ᾽ αὐτῶν, ἀλλ᾽ οὖν γ᾽ ἐπειδὰν γνωρισθῶσι, προσήκει πᾶσι μισεῖν τοὺς τοιούτους καὶ κοινοὺς ἐχθροὺς νομίζειν. |
9. [9] Je crois que vous éprouveriez la plus juste indignation pour ce qui s'est passé, si vous vouliez considérer à quel point ce crime surpasse tous les autres. 439 Vous trouveriez que, si toutes les actions contraires à la justice nuisent à une partie de notre existence, la violence blesse tous nos intérêts, et qu'elle a causé la perte de beaucoup de familles et de beaucoup de villes. 10. [10] Maïs pourquoi nous arrêter à parler de calamités étrangères? Nous-mêmes, n'avons-nous pas vu deux fois la démocratie détruite? N'avons-nous pas été deux fois privés de la liberté ? Et cela, non par des hommes qui se fussent rendus coupables d'autres crimes, mais par ceux qui, méprisant les lois, voulaient servir les ennemis de leur pays, [11] et outrager leurs concitoyens. Lochitès est un de ces hommes. Car, s'il est postérieur, par son âge, au système politique établi alors, il a le caractère et les mœurs qui conviennent à un tel gouvernement. Ce sont des hommes de ce caractère qui ont livré aux ennemis notre puissance, qui ont renversé les murailles de la patrie, qui ont mis à mort, sans jugement, quinze cents de leurs concitoyens. 11. [12] Il faut vous souvenir de ces faits et punir, non seulement ceux qui alors vous ont porté préjudice, mais les hommes qui veulent aujourd'hui replacer notre patrie dans une situation semblable ; il faut vous montrer d'autant plus sévères pour ceux qui donnent les indices d'une perversité supérieure à celle des hommes qui se sont signalés autrefois par de coupables violences, qu'il y a plus d'avantage à trouver les moyens de détourner les malheurs dont la menace est encore suspendue, que de tirer vengeance des maux passés. [13] Vous ne devez pas attendre que de tels hommes se réunissent, et que, saisissant une occasion favorable, ils fassent de la ville entière l'objet de leurs attentats ; mais, du moment où ils vous 441 en donnent un motif, vous devez le saisir pour les frapper, convaincus que vous recevez une faveur de la fortune, lorsque vous surprenez l'un d'eux ayant, dans une circonstance peu importante, donné des preuves de sa perversité tout entière. [14] Ce qu'il y aurait de préférable serait, sans doute, qu'un signe particulier fît reconnaître les méchants, et qu'on pût les punir avant qu'aucun citoyen ait été leur victime : mais, puisqu'il est impossible de les pressentir avant que quelqu'un ait éprouvé les effets de leur méchanceté, du moins est-il convenable, quand ils se sont manifestés, que tout le monde les haïsse, et qu'ils soient considérés comme des ennemis communs. |
.[15] Ἐνθυμεῖσθε δ᾽ ὅτι τῶν μὲν περὶ τὰς οὐσίας κινδύνων οὐ μέτεστι τοῖς πένησι, τῆς δ᾽ εἰς τὰ σώματ᾽ αἰκίας ὁμοίως ἅπαντες κοινωνοῦμεν: ὥσθ᾽ ὅταν μὲν τοὺς ἀποστεροῦντας τιμωρῆσθε, τοὺς πλουσίους μόνον ὠφελεῖτε, ὅταν δὲ τοὺς ὑβρίζοντας κολάζητε, [16] ὑμῖν αὐτοῖς βοηθεῖτε. Ὧν ἕνεκα δεῖ περὶ πλείστου ποιεῖσθαι ταύτας τῶν δικῶν, καὶ περὶ μὲν τῶν ἄλλων συμβολαίων τοσούτου τιμᾶν, ὅσον προσήκει τῷ διώκοντι κομίσασθαι, περὶ δὲ τῆς ὕβρεως, ὅσον ἀποτείσας ὁ φεύγων παύσεσθαι μέλλει τῆς παρούσης ἀσελγείας. [17] Ἄν οὖν περιαιρῆτε τὰς οὐσίας τῶν νεανιευομένων εἰς τοὺς πολίτας καὶ μηδεμίαν νομίζηθ᾽ ἱκανὴν εἶναι ζημίαν, οἵτινες ἂν εἰς τὰ σώματ᾽ ἐξαμαρτάνοντες τοῖς χρήμασι τὰς δίκας ὑπέχωσιν, ἅπανθ᾽ ὅσα δεῖ τοὺς καλῶς δικάζοντας διαπράξεσθε: [18] καὶ γὰρ περὶ τοῦ παρόντος πράγματος ὀρθῶς γνώσεσθε καὶ τοὺς ἄλλους πολίτας κοσμιωτέρους ποιήσετε καὶ τὸν βίον τὸν ὑμέτερον αὐτῶν ἀσφαλέστερον καταστήσετε. Ἔστι δὲ δικαστῶν νοῦν ἐχόντων περὶ τῶν ἀλλοτρίων τὰ δίκαια ψηφιζομένους ἅμα καὶ τὰ σφέτερ᾽ αὐτῶν εὖ τίθεσθαι. [19] Καὶ μηδεὶς ὑμῶν εἰς τοῦτ᾽ ἀποβλέψας, ὅτι πένης εἰμὶ καὶ τοῦ πλήθους εἷς, ἀξιούτω τοῦ τιμήματος ἀφαιρεῖν. Οὐ γὰρ δίκαιον ἐλάττους ποιεῖσθαι τὰς τιμωρίας ὑπὲρ τῶν ἀδόξων ἢ τῶν διωνομασμένων, οὐδὲ χείρους ἡγεῖσθαι τοὺς πενομένους ἢ τοὺς πολλὰ κεκτημένους. Ὑμᾶς γὰρ ἂν αὐτοὺς ἀτιμάζοιτ᾽ εἰ τοιαῦτα γιγνώσκοιτε περὶ τῶν πολλῶν. Ἔτι δὲ καὶ πάντων ἂν εἴη δεινότατον, [20] εἰ δημοκρατουμένης τῆς πόλεως μὴ τῶν αὐτῶν ἅπαντες τυγχάνοιμεν, ἀλλὰ τῶν μὲν ἀρχῶν μετέχειν ἀξιοῖμεν, τῶν δ᾽ ἐν τοῖς νόμοις δικαίων ἀποστεροῖμεν ἡμᾶς αὐτούς, καὶ μαχόμενοι μὲν ἐθέλοιμεν ἀποθνῄσκειν ὑπὲρ τῆς πολιτείας, ἐν δὲ τῇ ψήφῳ πλέον νέμοιμεν τοῖς τὰς οὐσίας ἔχουσιν. [21] Οὐκ, ἄν γέ μοι πεισθῆθ᾽, οὕτω διακείσεσθε πρὸς ὑμᾶς αὐτούς, οὐδὲ διδάξετε τοὺς νεωτέρους καταφρονεῖν τοῦ πλήθους τῶν πολιτῶν, οὐδὲ ἀλλοτρίους ἡγήσεσθ᾽ εἶναι τοὺς τοιούτους τῶν ἀγώνων, ἀλλ᾽ ὡς ὑπὲρ αὑτοῦ δικάζων, οὕτως ἕκαστος ὑμῶν οἴσει τὴν ψῆφον. Ἅπαντας γὰρ ὁμοίως ἀδικοῦσιν οἱ τολμῶντες τοῦτον τὸν νόμον παραβαίνειν τὸν ὑπὲρ τῶν σωμάτων τῶν ὑμετέρων κείμενον. [22] Ὥστ᾽ ἂν σωφρονῆτε, παρακαλέσαντες ἀλλήλους ἐνσημανεῖσθε Λοχίτῃ τὴν ὀργὴν τὴν ὑμετέραν αὐτῶν, εἰδότες ὅτι πάντες οἱ τοιοῦτοι τῶν μὲν νόμων τῶν κειμένων καταφρονοῦσι, τὰ δ᾽ ἐνθάδε γιγνωσκόμενα, ταῦτα νόμους εἶναι νομίζουσιν. Ἐγὼ μὲν οὖν ὡς οἷός τ᾽ ἦν εἴρηκα περὶ τοῦ πράγματος: εἰ δέ τις τῶν παρόντων ἔχει τί μοι συνειπεῖν, ἀναβὰς εἰς ὑμᾶς λεγέτω. |
12. [15] Remarquez encore que, relativement aux dangers qui concernent la fortune, les pauvres n'y participent pas, mais que tous nous participons également aux outrages qui blessent les personnes : de sorte qu'en sévissant contre les hommes qui s'emparent du bien des autres, vous êtes uniquement utiles aux riches; tandis qu'en châtiant ceux qui se livrent à des violences, [16] c'est vous-mêmes que vous protégez. Aussi devez-vous attacher la plus haute importance aux jugements de cette nature : et en réglant vos condamnations, dans les autres affaires, sur le dédommagement que la partie lésée a droit d'obtenir, vous devez infliger, pour la violence, un châtiment tellement sévère que le coupable soit contraint de mettre un terme à son insolence. [17] Si donc vous pensez qu'aucune amende n'est suffisante pour ceux qui se sont livrés envers leurs concitoyens à des emportements de jeunesse, et si, d'un autre côté, vous êtes convaincus qu'aucune peine, lorsqu'elle se résout en argent, n'est assez forte contre ceux qui se rendent coupables d'attentats envers les personnes, vous ferez tout ce que doivent faire des juges équitables ; 443 [18] ainsi, dans l'affaire qui vous occupe, non-seulement vous prononcerez selon la justice, mais vous rendrez les citoyens plus circonspect?, et vous entourerez votre propre existence de plus fortes garanties. Il appartient à des juges habiles, lorsqu'ils rendent des arrêts conformes à la justice sur des intérêts étrangers, de pourvoir, en même temps, à leurs propres intérêts. 13. [19] Et que personne de vous, voyant que je suis pauvre, que je suis un homme de la foule, n*en tire la conséquence qu'il doit modérer la peine, il n'est pas juste, parce que les violences tombent sur des hommes obscurs, de les punir moins sévèrement que si elles tombaient sur des citoyens dont le nom jette de l'éclat, ni de regarder les pauvres comme inférieurs par leur nature à ceux qui possèdent de grands biens. Vous vous déshonoreriez vous-mêmes en prononçant un pareil jugement à l'égard de vos concitoyens. Ce serait, en effet, le comble de l'iniquité, [20] si, vivant sous la démocratie, nous n'obtenions pas tous des avantages égaux ; si, nous considérant tous comme également dignes d'arriver aux emplois publics, nous consentions à nous dépouiller nous-mêmes des droits consacrés par les lois ; et si, lorsque nous aspirons tous à mourir en combattant pour les institutions de notre pays, nous accordions un privilège, dans les jugements, à ceux qui possèdent la fortune. [21] Non, si vous consultez la sagesse, vous ne serez pas à l'égard de vous-mêmes dans une telle disposition ; vous n'apprendrez pas aux jeunes gens à mépriser la masse des citoyens; vous ne considérerez pas les procès de cette nature comme vous étant étrangers, et vous donnerez vos suffrages comme si la cause vous était personnelle. Ceux qui osent violer la loi qui protège vos personnes offensent la société tout entière. 445 14. [22] En résumé, si vous voulez être sages, vous vous encouragerez mutuellement, et vous marquerez Lochitès du sceau de votre colère, convaincus que de tels hommes méprisent les lois de l'Etat, et considèrent vos arrêts comme les seules lois véritables. 15. J'ai parlé sur ce litige comme il m'a été possible de le faire ; si maintenant quelqu'un parmi les assistants veut seconder mes efforts, qu'il s'avance vers vous et prenne la parole. |