Cicéron, Correspondance

CICÉRON

ŒUVRES COMPLÈTES DE CICÉRON AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE; INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - TOME CINQUIÈME - PARIS - CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie. LIBRAIRES - IMPRIMERIE DE L'INSTITUT DE FRANCE - RUE JACOB, 56 - M DCCC LXIX

LETTRES A ATTICUS

LIVRE X

Le texte latin est identique à celui ce l'édition Nisard (P. Remacle)

livre IX - livre XI

 

 

LETTRES A ATTICUS

LIVRE X

 

 

[I] Scr. in Laterio Quinti fratris iii Non. Apr. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Tertio Nonas quum in Laterium fratris venissem, accepi litteras, et paulum lectis respiravi : quod post has ruinas mihi non acciderat. Per enim magni aestimo tibi firmitudinem animi nostri et factum nostrum probari. Sexto enim nostro quod scribis probari, ita laetor, ut me quasi patris eius, cui semper uni plurimum tribui, iudicio comprobari putem : qui mihi, quod saepe soleo recordari, dixit olim Nonis illis, illis  Decembribus, quum ego, 'Sexte, quidnam ergo?'

Μὴ μὰν inquit ille ἀσπουδεί γε καὶ ἀκλειῶς ἀπαλοίμην·
Ἀλλὰ μέγα ῥέξας τι, καὶ ἐσσομένοισι πυθέσθαι.

Eius igitur mihi vivit auctoritas; et simillimus eius filius eodem est apud me pondere, quo fuit ille : quem salvere velim iubeas plurimum. [2] Tu tuum consilium et si non in longinquum tempus differs : iam enim illum emptum pacificatorem perorasse puto, iam actum aliquid esse in consessu senatorum; (senatum enim non puto); tamen suspensum me tenes, sed eo minus, quod non dubito, quid nobis agendum putes. Quid enim Flavio legionem et Siciliam dari scribas, et id iam fier ? quae tu scelera partim parari iam et cogitari, partim ex tempore futura censes. Ego vero Solonis, popularis tui, ut puto, etiam mei, legem neglegam, qui capite sanxit, si qui in seditione non alterius utrius partis fuisset;  nisi si tu aliter censes; et hinc abero et illim. Sed alterum mihi est certius : nec praeripiam tamen; exspectabo tuum consilium et eas litteras, nisi alias, iam dedisti, quas, scripsi, ut Cephalioni dares. [3] Quod scribis, non quo alicunde audieris, sed te ipsum putare me attractum iri, si de pace agatur : mihi omnino non venit in mentem, quae possit actio esse de pace, quum illi certissimum sit, si possit, exspoliare exercitu et provincia Pompeium; nisi forte iste nummarius ei potest persuadere, ut, dum oratores eant redeant, quiescat. Nihil video, quod sperem aut quod iam putem fieri posse. Sed tamen hominis hoc ipsum probi est, et  magnum τῶν πολιτικωτάτων σκεμμάτων, veniendumne sit in consilium tyranni, si is aliqua de re bona deliberaturus sit. Quare, si quid eius modi evenerit, ut arcessamur (quod equidem non curo : quid enim essem de pace dicturus, dixi; ipse valde repudiavit :) sed tamen, si quid acciderit, quid censeas mihi faciendum, utique scribito. Nihil enim mihi adhuc accidit, quod maioris consili esset. - Trebati, boni viri et civis, verbis te gaudeo delectatum : tuaque ista crebra ἐκφώνησις, ὑπέρευ, me sola adhuc delectavit. Litteras tuas vehementer exspecto, quas quidem credo iam datas esse. Tu cum Sexto servasti gravitatem eandem, quam mihi praecipis. Celer tuus disertus magis est, quam sapiens. De iuvenibus, quae ex Tullia audisti vera sunt. M. Antonii istud, quod scribis, non mihi videtur tam re esse triste quam verbo. Haec est ἅλη, in qua nunc sumus, mortis instar. Aut enim mihi libere inter malos πολιτευτέον fuit, aut vel periculose cum bonis; aut nos temeritatem bonorum sequamur : aut audaciam improborum insectemur. Utrumque periculosum est. At hoc, quod agimus, et turpe nec tamen tutum. Istum, qui filium Brundisium de pace misit (de pace idem sentio, quod tu; simulationem esse apertam, parari autem bellum acerrime;) me legatum iri non arbitror; cuius adhuc, ut optavi, mentio facta nulla sit. Eo minus habeo necesse scribere aut etiam cogitare, quid sim facturus, si acciderit, ut leger.

367. — A ATTICUS. Latérium, près d'Arplnum, avril.

A. X, 1 . J'ai reçu votre lettre, le 3 des nones, à mon arrivée chez mon frère à Latérium. J'ai respiré en la lisant; c'est la première fois depuis nos désastres. Je mets à haut prix l'approbation que vous donnez à la fermeté de mon âme et de ma conduite. Sextus m'en loue aussi, m’écrivez-vous. J'en suis heureux : son approbation vaut pour moi celle de son père qui était l'homme que j'estimais le plus. Il me fit un jour une réponse qui me revient souvent à la mémoire : c'était aux fameuses nones de décembre. Eh bien! Sextus, lui disais-je, que faut-il faire?

« Je ne veux pas mourir, me dit-il, lâchement et sans gloire, mais en me signalant par quelque grand exploit qui retentisse dans la postérité. »

 L'autorité de sa parole est toujours vivante pour moi, et je ne fais pas moins de cas de l'opinion d'un fils si semblable à son père. Offrez-lui , je vous prie, mes plus affectueuses salutations. Vous ne pouvez guère tarder à me donner votre avis; déjà le pacificateur à gages aura, je pense, fait sa motion, et quelque décision aura été prise dans cette réunion de sénateurs que je ne veux pas appeler sénat. Vous ne m'en tenez pas moins dans une sorte d'incertitude; quoique d'ailleurs je ne puisse douter du parti que vous me proposerez. Ne m'annoncez-vous pas qu'on envoie Flavius en Sicile avec une légion, et qu'il est déjà parti? Que d'attentats se préparent, dites-vous, les uns près d'éclore, les autres en travail dans de coupables pensées, sans compter ce que nous réserve l'avenir! J'en demande pardon à Selon votre compatriote, et, je pense, aussi le mien; mais je repousse sa loi de mort contre ceux qui ne prennent pas parti dans les guerres civiles, et, à moins d'arrêt contraire de votre bouche, je m'en vais avec mes enfants. Quant à ma neutralité, nulle incertitude. Toutefois, je ne précipiterai rien ; j’attends votre avis et la lettre que je vous ai prié de remettre à Céphaiion, a moins que déjà vous ne l'ayez expédiée par une autre voie. Vous pensez, maison n'en dit rien encore, que, s'il est question de paix, on m'appellera à Rome. Je n'imagine pas qu'il puisse être question de paix avec le projet arrêté de prendre a Pompée son armée et sa province? Il se peut, il est vrai, que cet orateur vendu persuade à notre homme de ne point agir pendant que les négociateurs iront et viendront. Mais, pour moi, je n'espère rien. Je ne vois rien de possible. C'est d'ail leurs une grande question en politique de savoir si un homme de bien peut entrer dans le conseil d'un tyran, même pour y délibérer d'une affaire qui importe à la chose publique. Mais enfin s'il arrivait qu'on m'appelât, je ne m'en préoccupe guère, je vous assure. Qu'aurais-je a dire pour la paix que je n'aie déjà dit, et fait à son grand déplaisir? Le cas supposé pourtant, que devrais-je faire? je vous le demande : jamais je ne me serais trouvé dans une position plus délicate. — Je suis charmé que vous ayez été content du langage de Trébatius ; c'est un homme excellent et un bon citoyen. Depuis longtemps rien ne m'avait été au coeur comme vos très-bien! très-bien! si souvent répétés. Ah! que j'attends avec impatience votre lettre! Elle est déjà partie, j'espère. Je n'ai en fait de dignité qu'à suivre votre exemple et celui de Sextus. Votre Céler a plus d'esprit que de bon sens. Ce que Tullie vous dit de nos jeunes gens est vrai. Le mot que vous me rapportez de M. Antoine me paraît moins fâcheux au fond que blessant dans la forme. Je vis dans une incertitude qui est pour moi pire que la mort; il me fallait rester libre au milieu des méchants ou m'exposer avec les bons à tous les périls; suivre ceux-ci en aveugle ou braver ceux-là en face. L'alternative était périlleuse. Le parti que je veux prendre n'est pas moins honteux et n'est pas plus sur. On députera, je pense, pour traiter, celui qui a envoyé son fils à Brindes. (Serv. Sulpicius) Mais ce sera pure feinte; au fond on se préparera avec acharnement à la guerre, j'en suis convaincu comme vous; et l'on ne songera guère à me prendre pour négociateur. D'ailleurs mon nom n'a pas même encore été prononcé, et c'est tout ce que je souhaite. Il est donc bien inutile que je vous demande ce que je devrais faire dans une hypothèse qui ne se présentera point, inutile que je m'en occupe moi-même.

[II] Scr. in Arcano Quinti fratris postr. Non. Apr. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Ego cum accepissem tuas litteras Nonis Aprilibus, quas Cephalio attulerat, essemque Minturnis postridie mansurus, et inde protinus; sustinui me in Arcano fratris, ut, dum aliquid certius afferretur, occultiore in loco essemus, agerenturque nihilo minus, quae sine nobis agi possunt. Λαλαγεῦσα iam adest et animus ardet; neque est quidquam, quo et qua. [2] Sed haec nostra erit cura et peritorum. Tu tamen, quoad poteris, ut adhuc fecisti, nos consiliis iuvabis. Res sunt inexplicabiles. Fortunae sunt committenda omnia. Sine spe conamur ulla. Melius si quid acciderit, mirabimur. Dionysium nollem ad me profectum; de quo ad me Tullia mea scripsit. Sed et tempus alienum est et homini non amico nostra incommoda, tanta praesertim, spectaculo esse nolim, cui te meo nomine inimicum esse nolo.

368. — A ATTICUS. Arcanum, avril.

A. X, 2. Céphalion m'a remis votre lettre des nones d'avril. Mon parti était pris : je comptais coucher le lendemain à Minturnes, et je me mettais immédiatement en route. D'après ce que vous me dites, je reste provisoirement à Arcanum, chez mon frère. C'est un lieu retiré : j'y attendrai des nouvelles plus positives, et l'on n'en mettra pas moins ordre à tout ce qui peut se faire sans moi. J'entends l'hirondelle qui chante et je brûle de partir, quoique je ne sache encore où aller, ni par quel chemin. Je verrai, je consulterai. En attendant, et tant qu'il y a possibilité, ne cessez pas de m'aider de vos conseils. Nous sommes dans un dédale ; il faut s'en remettre à la fortune. Je m'agite sans espérance, et ce serait merveille si les choses ne tournaient pas au pis. Je serais fâché que Dyonisius fût parti, comme Tullie me le mande; ce n'est pas le moment. Je ne me soucie pas, dans le trouble où je me sens, de me donner en spectacle à un homme qui n'est pas mon ami. Je ne prétends pas toutefois vous empêcher d'être le sien.

[III] Scr. in Arcano vii Id. Apr. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Quum, quod scriberem, plane nihil haberem, haec autem reliqua essent, quae scire cuperem : profectusne esset; quo in statu urbem reliquisset; in ipsa Italia quem cuique regioni aut negotio praefecisset; ecqui essent ad Pompeium et ad consules ex senatus-consulto de pace legati : ut igitur haec scirem, dedita opera has ad te litteras misi. Feceris igitur commode mihique gratum, si me de his rebus et si quid erit aliud, quod scire opus sit, feceris certiorem. Ego in Arcano opperior, dum ista cognosco.

[IIIa] Scr. in Arcano vii Id. Apr. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] A. d. vii Id. alteram tibi eodem die hanc epistulam dictavi; et pridie dederam mea manu longiorem. Visum te aiunt in regia, nec reprehendo : quippe quum ipse istam reprehensionem non fugerim. Sed exspecto tuas litteras :neque iam sane video, quid exspectem : sed tamen, etiam si nihil erit, id ipsum ad me velim scribas. [2] Caesar mihi ignoscit per litteras, quod non venerim; seseque in optimam partem id accipere dicit. Facile patior, quod scribit, secum Titinium et Servium questos esse, quia non idem sibi quod mihi, remisisset. Homines ridiculos! qui, quum filios misissent ad Cn. Pompeium circumsedendum, ipsi in senatum venire dubitarint. Sed tamen exemplum misi ad te Caesaris litterarum.

369. - A ATTICUS. Arcanum, avril.

A. X, 3. 1ere partie. Je n'ai rien à vous dire, sinon que je voudrais bien savoir quelques nouvelles. Est-il parti (César)? Dans quel état a-t-il laissé Rome? A qui a-t-il parfaire les districts d'Italie et délégué le pouvoir? Qui a-t-on nommé pour porter à Pompée et aux consuls des propositions du paix? Voilà seulement pourquoi je vous écris. Vous serez bien aimable et vous me ferez un plaisir extrême de me mettre au courant, et de me dire tout ce qui peut m'intéresser. En attendant, je me tiens coi à Arcanum.

370. — A ATTICUS. Arcanum, avril.

A. X, 3. 2e partie. Voilà la seconde lettre que je vous écris aujourd'hui, 7 des ides d'avril. Hier je vous en écrivis une plus longue et toute de ma main. On vous a vu, me dit-on, dans la maison des pontifes. Je ne prétends pas vous en faire un reproche, car je n'y échapperais pas moi-même. J'attends de vos lettres avec impatience. Que peuvent-elles m'apprendre? je ne sais, n'importe, ecrivez-moi toujours. César m'a écrit; il ne me sait pas mauvais gré de n'être pas venu à Rome; il prend, au contraire, cette résolution en bonne part. Mais je le trouve excellent quand il me dit que Tullius et Servius se sont plaints à lui de ce qu'il ne leur avait pas montre la même condescendance. Les plaisantes gens ! Ils ont envoyé leur fils assiéger Pompée, et ils se font scrupule de venir en personne au sénat! Je vous envoie toutefois copie de la lettre de César.

IV. Scr. in Cumano xvii K. Mat. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Multas a te accepi epistulas eodem die, omnes diligenter scriptas; eam vero quae voluminis instar erat, saepe legendam, sicuti facio : in qua non frustra laborem suscepisti; mihi quidem pergratum fecisti. Quare, ut id, quoad licebit, id est, quoad scies ubi simus, quam saepissime facias te vehementer rogo. At deplorandi quidem, quod quotidie facimus : sit iam nobis aut finis omnino, si potest, aut moderatio quaedam, quod profecto potest. Non enim iam, quam dignitatem, quos honores, quem vitae statum amiserim, cogito, sed quid consecutus sim, quid praestiterim, qua in laude vixerim : his denique in malis, quid intersit inter me et istos, quos propter omnia amisimus. Hi sunt, qui, nisi me civitate expulissent, obtinere se non putaverunt posse licentiam cupiditatum suarum : quorum societatis et sceleratae consensionis fides quo eruperit, vides. [2] Alter ardet furore et scelere, nec remittit aliquid, sed in dies ingravescit; modo Italia expulit : nunc alia ex parte persequi, ex alia, provincia exspoliare conatur : nec iam recusat, sed quodam modo postulat, ut, quemadmodum est, sic etiam appelletur tyrannus. [3] Alter, is, qui nos sibi quondam ad pedes stratos ne sublevabat quidem, qui se nihil contra huius voluntatem facere posse, elapsus e soceri manibus ac ferro, bellum terra et mari comparat, non iniustum ille quidem, sed quum pium, tum etiam necessarium, suis tamen civibus exitiabile, nisi vicerit, calamitosum, etiam si vicerit. [4] Horum ego summorum imperatorum non modo res gestas non antepono meis, sed ne fortunam quidem ipsam, qua illi florentissima, nos duriore conflictati videmur. Quis enim potest aut deserta per se patria aut oppressa beatus esse? Et si, ut nos a te admonemur, recte in illis libris diximus nihil esse bonum nisi quod honestum; nihil malum nisi quod turpe sit, certe uterque istorum est miserrimus; quorum utrique semper patriae salus et dignitas posterior sua dominatione et domesticis commodis fuit. Praeclara igitur conscientia sustentor, quum cogito me de re publica aut meruisse optime, quum potuerim, aut certe numquam nisi pie cogitasse : eaque ipsa tempestate eversam esse rem publicam, quam ego xiv annis ante prospexerim. Hac igitur conscientia comite proficiscar, magno equidem cum dolore, nec tam id propter me aut propter fratrem meum, quorum est iam acta aetas; quam propter pueros, quibus interdum videmur praestare etiam rem publicam debuisse : quorum quidem alter non tam, quia maiore pietate est, me mirabiliter excruciat, alter (o rem miseram! nihil enim mihi accidit in omni vita acerbius) indulgentia videlicet nostra depravatus, eo progressus est, quo non audeo dicere. Et exspecto tuas litteras. Scripsisti enim, te scripturum esse plura, quum ipsum vidisses. [6] Omne meum obsequium in illum fuit cum multa severitate : neque unum eius, nec parvum, sed multa magna delicta compressi. Patris autem lenitas amanda potius ab illo quam tam crudeliter neglegenda. Nam litteras eius ad Caesarem missas ita graviter tulimus, ut te quidem celaremus, sed ipsius videremur vitam insuavem reddidisse. Hoc vero eius iter simulatioque pietatis qualis fuerit, non audeo dicere. Tantum scio, post Hirtium conventum, arcessitum ab Caesare : cum eo de meo animo a suis rationibus alienissimo et consilio relinquendi Italiam; et haec ipsa timide. Sed nulla nostra culpa est :natura metuenda est. Haec Curionem, haec Hortensi filium, non patrum culpa, corrupit. Iacet in maerore meus frater, neque tam de sua vita quam de mea metuit. Huic tu, huic tu malo affer consolationes, si ullas potes; maxime quidem illam velim : ea, quae ad nos delata sint, aut falsa esse aut minora. Quae si vera sint, quid futurum sit in hac vita et fuga, nescio. Nam si haberemus rem publicam, consilium mihi non deesset, nec ad severitatem, nec ad indulgentiam. Haec sive iracundia sive dolore sive metu permotus gravius scripsi, quam aut tuus in illum amor aut meus postulabat. Si vera sunt, ignosces : si falsa, me libente eripies mihi hunc errorem. Quoquo modo vero se res habebit, nihil assignabis nec patruo nec patri. [7] - Quum haec scripsissem, a Curione mihi nuntiatum est eum ad me venire. Venerat enim is in Cumanum vesperi pridie, id est, Idibus. Si quid igitur eius modi sermo eius attulerit, quod ad te scribendum sit, id his litteris adiungam. [8] - Praeteriit villam meam Curio iussitque mihi nuntiari mox se venturum, cucurritque Puteolos, ut ibi contionaretur. Contionatus est, rediit, fuit ad me sane diu. O rem foedam! Nosti hominem : nihil occultavit, in primis nihil esse certius, quam ut omnes, qui lege Pompeia condemnati essent, restituerentur; itaque se in Sicilia eorum opera usurum. De Hispaniis, non dubitabat, quin Caesaris essent; inde ipsum cum exercitu, ubicumque Pompeius esset; eius interitu finem belli fore; plane iracundia elatum voluisse Caesarem occidi Metellum tribunum pl. ; proprius factum esse nihil; quod si esset factum, caedem magnam futuram fuisse; permultos hortatores esse caedis; ipsum autem non voluntate aut natura non esse crudelem, sed quod putaret popularem esse clementiam : quod si populi studium amisisset, crudelem fore : eumque perturbatum, quod intellegeret, se apud ipsam plebem offendisse de aerario : itaque ei quum certissimum fuisset, antequam proficisceretur, contionem habere, ausum non esse, vehementerque animo perturbato profectum. [9] Quum autem ex eo quaererem, quid videret ? quem exemplum ? quam rem publicam ? plane fatebatur nullam spem reliquam; Pompei classem timebat : quae si esset, se de Sicilia abiturum. Quid isti, inquam, sex tui fasces? si ab senatu, cur laureati? si ab ipso, cur sex? Cupivi, inquit, ex senatus-consulto surrepto : nam aliter poterat. At ille impendio nunc magis odit senatum.  Ad senatum a me, inquit, omnia proficiscentur. Cur autem sex? [10] Quia duodecim nolui : nam licebat. Tum ego, quam vellem, inquam , petisse ab eo, quod audio Philippum impetrasse! sed veritus sum, quia ille a me nihil impetrabat. Libenter, inquit, tibi concessisset. Verum puta te impetrasse : ego enim ad eum scribam, ut tu ipse voles, de ea re nos inter nos locutos. Quid autem illius interest, quoniam in senatum non venis, ubi sis? Quin nunc ipsum minime offendisses eius causam, si in Italia non fuisses. Ad quae ego, me recessum et solitudinem quaerere, maxime quod lictores haberem. Laudavit consilium. Quid ergo,  inquam ? nam mihi cursus in Graeciam per tuam provinciam est : quoniam ad mare superum milites sunt. Quid mihi, inquit, optatius?' Hoc loco multa perliberaliter. Ergo hoc quidem est profectum, ut non modo tuto, verum etiam palam navigaremus. [11] Reliqua in posterum diem distulit : ex quibus scribam ad te, si quid erit epistula dignum. Sunt autem, quae praeterii : interregnumne esset exspectaturus; an, quomodo dixerit ille quidem, ad se deferri consulatum, sed se nolle in proximum annum. Et alia sunt, quae exquiram. Iurabat ad summam, quod nullo negotio facere, amicissimum mihi Caesarem esse debere. Quid enim, inquit, scripsit ad me Dolabella. Dico, quid? Affirmabat eum scripsisse, quod me cuperet ad urbem venire, illum quidem gratias agere maximas, et non modo probare, sed etiam gaudere. Quid quaeris? Acquievi. Levata est enim suspicio illa domestici mali et sermonis Hirtiani. Quam cupio illum dignum esse nobis, et quam ipse me invito, quae pro illo sit suspicandum! Sed opus fui, Hirtio convento. Est profecto nescio quid; sed velim quam minimo. Et tamen eum nondum redisse miramur. Sed haec videbimus. [12] Tu Oppios Terentiae dabis. Iam enim urbis vanum periculum est. Me tamen consilio iuva, pedibusne Regium, an hinc statim in navem; et cetera, quoniam commoror. Ego ad te statim habebo, quod scribam, simul et videro Curionem. De Tirone cura, quaeso, quod facis, ut sciam, quid is agat.

372. — A ATTICUS. Cumes, 14 avril.

A. X, 4. Je viens de recevoir à la fois plusieurs lettres de vous, toutes remarquables, surtout celle qui ressemble à un volume. Je la relirai plus d'une fois, elle le mérite. Ne regrettez pas votre peine, je vous prie; vous me faites un trop grand plaisir. Aussi, tant que vous le pourrez, c'est-à-dire tant que vous saurez où m'adresser vos lettres, ne vous épargnez pas, je vous en conjure ; mais mettons, dès aujourd'hui, un terme à nos éternelles lamentations, s'il est possible; si non mettons-y du moins quelque mesure : car j'ai dit adieu pour jamais à tout ce que j'ai perdu, en position, en honneurs, en prépondérance. Je ne veux plus me rappeler que la manière dont j'y étais parvenu, comment je m'y suis montré, quelle gloire j'y ai acquise, tout ce qu'il reste enfin de distance, jusque dans mon abaissement môme, entre moi et ceux par qui tout cela m'est enlevé. Je parle de ces deux hommes qui ont cru ne pouvoir lâcher la bride à leurs passions qu'a la condition de m'expulser de Rome. Vous voyez les fruits de ce bel accord, de cette alliance criminelle. L'un, dans le délire d'une coupable ambition, ne respecte rien, et chaque jour accroît sa rage, il vient de chasser sou rival de l'Italie. Il veut le poursuivre plus loin encore et le dépouiller de sa province. Déjà le nom de tyran ne lui fait plus peur; on dirait même qu'ayant la chose, il ne serait pas fâché d'avoir le nom. Et cet autre qui ne daignait pas même me tendre la main, lorsque je me jetais à ses pieds, qui ne pouvait, disait-il, rien faire que du consentement d'une autre volonté, le voilà qui, à peine échappé au glaive de son beau-père, va porter la guerre et sur terre et sur mer; guerre juste, guerre sainte, indispensable même, mais qui n'en sera pas moins l'anéantissement de Rome, s'il est vaincu et, s'il est vainqueur, une source de calamités sans fin. Ainsi, bien loin de mettre les actions de ces grands généraux au-dessus de ma gloire, je préfère même à tout l'éclat de leur fortune les dures 359 vicissitudes de la mienne. Est-ce être heureux, en effet, que de déserter sa patrie ou de s'en rendre l’oppresseur? Et si, comme vous me le rappelez, j’ai dit avec raison dans mes ouvrages qu'il n'y a de bonheur que dans la vertu et de honte que dans le mal, ne doit-on pas les regarder tous deux comme les plus malheureux des hommes, eux qui ont toujours fait passer leur ambition et leur intérêt avant le salut et la gloire de la patrie? Oui, ma conscience me rend ce beau témoignage que j'ai toujours bien servi la république, que j'ai du moins toujours tout prévu ; et si le tourbillon l'emporte, il y a quatorze ans que je l'annonce. Je pars soutenu par cette idée, avec le cœur navré, non pour moi ou pour mon frère, notre carrière est finie; mais pour nos enfants, à qui nous aurions dû laisser une patrie. L’un d'eux surtout me met la mort dans l'amé ; sa tendresse est si touchante. L'autre, ô douleur! c'est le plus amer de ma coupe ; l'autre, gâté par notre indulgence, en est venu à des excès que je n'ose dire. J'attends d'ailleurs ce que vous m'écrirez sur son compte comme vous avez promis de le faire en détail, aussitôt que vous l'aurez vu. J'ai usé à la fois de douceur et de sévérité, je l'ai préservé, non pas une fois, mais mille, de fautes tantôt graves et tantôt légères. Mais l'extrême bonté de son père méritait un redoublement de tendresse au lieu d'un si cruel retour. Sa lettre à César nous a chagrinés au point de vous en faire mystère ; son père en était inconsolable Je n'ose dire ce que je pense de ce voyage et du motif de tendresse filiale dont il a voulu le colorer. Ce que Je sais, c'est qu'après une entrevue avec Hirtius, César le fit appeler; il paraît qu'il lui parla de moi comme de l'homme le plus en opposition à ses vues et me dénonça comme ayant formé le projet de sortir d'Italie. Je ne vous dis cela qu'avec peine. Au reste, nous n'aurions là-dessus rien à nous reprocher ; il faudrait n'accuser que sa nature qui est mauvaise. Il en est ainsi du fils de Curion et du fils d'Hortensius. Les deux pères ne sont pour rien dans la conduite de leurs enfants. Mon pauvre frère est dans un état d'abattement cruel. Il craint pour moi le contre-coup de cette démarche, et non pour lui-même. A lui, à lui vos consolations, si vous en avez à offrir. La meilleure pour moi serait d'apprendre que tous ces rapports sont faux ou du moins exagères. S'ils sont vrais, je ne sais vraiment ce que nous ne devons pas craindre d'une conduite pareille et d'une telle escapade. Si nous avions encore une république, je saurais bien à la fois et déployer une juste rigueur et la tempérer ensuite par l'indulgence. Mais peut-être que mon irritation, mon chagrin ou mes alarmes m'aveuglent, et que j'en dis plus qu'il ne convient à mes sentiments comme aux vôtres. Si les faits sont vrais, il faut me pardonner ces épanchements; s'ils manquent d'exactitude, avec quelle joie je les verrai par vous rectifiés ! Quoi qu'il en soit et en aucun cas, ne vous en prenez, je vous en conjure, ni à son oncle, ni à son père. — Tout cela était écrit lorsque Curion m'a fait annoncer sa visite. Il était à Cumes depuis hier au soir, qui était le jour des ides. Je ne fermerai pas ma lettre, sans y ajouter tout ce qu'il me dira de notable. — Curion a passé devant ma maison sans s'arrêter, en me faisant annoncer son prompt retour. Il allait en toute hâte à Pouzzol pour 360 haranguer le peuple. Sa harangue faite, il revint chez moi et y resta assez longtemps. Que d'abominations il m'a dites! Vous connaissez l’homme : il n'a rien eu de caché pour moi. D'abord il m'a donné comme positif le rappel de tous les bannis de la loi Pompéia. Il compte lui-même employer en Sicile ceux qu'il y trouvera. Il regarde César comme déjà maître de l'Espagne. De là César doit se mettre, avec toutes ses forces, à la poursuite de Pompée, en quelque lieu qu'il soit, la guerre ne devant finir que par la mort de ce dernier. César s'est emporté contre Métellus, tribun du peuple, et a failli le faire tuer, exécution qui eût été le prélude d'un massacre, car il se trouvait bien des gens pour y pousser. César n'est pas clément par goût ou par nature; mais il sait que c'est un moyen de popularité. L'affection du peuple une fois perdue, sa cruauté prendrait le dessus. L'affaire du Trésor avait excité les murmures de la populace, et, quand le grand homme l'a su à n'en pas douter, il n'a point osé haranguer le peuple avant de partir, et s'en est allé dans un trouble extrême, .l'ai demandé à Curion ce qu'il voyait dans l'avenir, ce qu'il pensait d'une hardiesse sans exemple : dans le passé, ce qu'il augurait de la forme de république que nous devions avoir. Il me répondit nettement qu'aucune république n'était possible. Il craint que Pompée n'ait une flotte, auquel cas, il évacuerait, lui, la Sicile. — « Que signifient, lui ai -je dit, ces six faisceaux? Si c'est le sénat qui vous les donne, pourquoi les lauriers? Si c'est César, pourquoi n'en avez-vous que six? » J'aurais voulu, dit-il, supposer un sénatus-consulte, car c'est la seule voie. Mais César a plus que jamais le sénat en aversion. « Dorénavant, m'a-t-il dit, tout émanera de moi. » Mais pourquoi rien que six? parce que je n'en ai pas voulu douze. Je n'avais qu'a dire.

« Je voudrais bien, ai-je alors repris, avoir demandé à César ce qu'il a accordé à Philippe ; mais j'ai craint un refus n'ayant rien fait pour lui moi-même. — Il y aurait consenti de grand coeur, reprit Curion; mais supposez la chose faite. .Te vais lui écrire que nous avons arrangé cette affaire ensemble. Des que vous ne venez pas au sénat, que lui importe où vous soyez! Il y a mieux ; je suis sûr qu'il n'eût point trouvé mauvais que vous eussiez d'abord quitté l'Italie. » Je lui dis que c'était surtout mon cortège de licteurs qui me faisait souhaiter la retraite et la solitude. Et il m'a approuvé en cela. — « Mais, ai-je encore dit, je ne puis gagner la Grèce qu'en passant par votre province, car la côte de l'Adriatique est toute garnie de troupes. — Tant mieux, a-t-il répondu, rien ne me charmera davantage ; » et mille autres choses très-aimables. Ainsi ma traversée s'opérera en sûreté et même sans mystère. Curion a remis à demain ce qu'il lui reste à me dire. Je vous écrirai tout ce qui en vaudra la peine. J'ai oublié de l'interroger sur bien des choses. Y aura-t-il interrègne? Dans quel sens entend-il que César lui a offert le consulat, mais qu'il n'en a pas voulu pour l'année prochaine? Et mille autres questions encore. Il me jurait à tout bout de champ, vous savez que les serments ne lui coûtent guère, il me jurait que César était très certainement au mieux pour moi. « _ Car enfin, disait-il, qu'est-ce que m'écrit Dolabella ? — Que vous écrit-il donc? — Qu'il a dit à César son désir de vous voir à Rome; que César lui a répondu par de grands remerciements et l'assurance de son approbation et même de sa vive satisfaction, si vous y veniez. » Que vous dirai-je? Je suis plus tranquille ; mon coeur se trouve du moins ainsi déchargé du poids de cette trahison domestique, et de ce pourparler avec Hirtius. Combien je souhaite que notre neveu soit digne de nous, et combien je combats pour écarter de ma pensée tout soupçon contre lui ! Mais pourquoi cette démarche près d'Hirtius? II y a quelque chose là-dessous. Espérons que cène sera rien ; mais il est singulier qu'il ne soit pas encore de retour. Nous verrons. Vous remettrez à Térentia les fonds que j'avais chez les Oppius; car il ne faut pas s'exposer à être sans argent dans Rome. Conseillez-moi : faut-il m'en aller par terre à Rhégium ou m'embarquer ici? et puisque je reste encore, donnez-moi vos avis sur tout. Je vous écrirai, des que j'aurai revu Curion. Continuez, je vous prie, à me donner des nouvelles de la santé de Tiron.

[V] Scr. in Cumano xv K Mai a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] De tota mea cogitatione scripsi ad te antea satis, ut mihi visus sum, diligenter. De die nihil sane potest scribi certi praeter hoc :ante lunam novam. [2] Curionis sermo postridie eamdem habuit fere summam, nisi quod apertius significavit se harum rerum exitum non videre. Quod mihi mandas de Quinto regendo, Ἀρκαδίαν. Tamen nihil praetermittam. Atque utinam tu! ... Sed molestior non ero. Epistulam ad Vestorium statim detuli, ac valde requirere solebat. [3] Commodius tecum Vectienus est locutus, quam ad me scripserat. Sed mirari satis hominis neglegentiam non queo. Quum enim mihi Philotimus dixisset [se] HS L emere de Canuleio deversorium illud posse, minoris etiam empturum, si Vectienum rogassem; rogavi, ut, si quid posset, ex ea summa detraheret : promisit : ad me nuper se HS XXX. emisse : ut scriberem, cui vellem addici : diem pecuniae Id. Novembr. esse. Rescripsi ei stomachosius cum ioco tamen familiari. Nunc, quoniam agit liberaliter, nihil accuso hominem : scripsique ad eum me a te certiorem esse factum. Tu, de tuo itinere quid et quando cogites, velim me certiorem facias. A. d. xv  Kal. Maias.

374. — A ATTICUS. Cumes, 17 avril.

A. X, 5. Je vous ai précédemment rendu compte de mes déterminations d'une manière assez complète, ce me semble. Quant au jour fixé, je ne saurais rien vous en dire encore, si non que ce ne sera point avant la nouvelle lune. Curion n'a guère fait que répéter le lendemain sa conversation de la veille; seulement il dit positivement qu'il ne voit aucune fin à tout ceci. Oui, je vois bien ce que vous entendez pour le jeune Quintus; mais c'est vraiment l'Arcadie à gouverner qu'une pareille tête : n'importe; vous m'en priez; j'y mettrai tous mes soins. Pourquoi faut-il que vous-même?.... enfin je ne serai pas si méchant. J'ai fait passer immédiatement la lettre pour Vestorius; il envoyait sans cesse s'en enquérir. Vectiénus est bien mieux quand il vous parle que quand il m'a écrit; mais je ne puis assez admirer sa négligence. Philotime m'avait mandé qu'il pourrait avoir le pied-à-terre de Canuléius pour cinquante mille sesterces, et même à moins, si je m'adressais à Vectiénus. Je le priai en effet de faire rabattre quelque chose sur le prix. Il m'en donna sa parole. Ce n'est que d'hier qu'il m'annonce avoir traité à trente mille sesterces. Il me demande quel nom mettre dans le contrat, et me prévient que l'argent doit être prêt pour les ides de Novembre. Je lui ai répondu d'une manière assez verte, en plaisantant toutefois comme entre amis. Puisqu'il se décide à se bien conduire, je ne lui en veux plus. Je lui ai dit que j'avais reçu de vous tous les détails. Où en êtes-vous de vos projets de départ? Quel jour avez- vous fixé? Veuillez me le dire. Le 15 des kalendes de Mai.

[VI] Scr. in Cumano medio m. Apr. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Me adhuc nihil praeter tempestatem moratur. Astute nihil sum acturus : fiat in Hispania quidlibet: et tamen  recite. Meas cogitationes omnis explicavi tibi superioribus litteris. Quocirca hae sunt breves :  et tamen, quia festinabam eramque occupatior. [2] De Quinto filio, fit a me quidem sedulo; sed nosti reliqua. Quod dein me mones, et amice et prudenter me mones : sed erunt omnia facilia, si ab uno illo cavero. Magnum opus est : mirabilia multa; nihil simplex, nihil sincerum. Vellem, suscepisses iuvenem regendum. Pater enim nimis indulgens, quidquid ego adstrinxi, relaxat. Si sine illo possem, regerem : quod tu potes. Sed ignosco : magnum, inquam, opus est.  [3] Pompeium pro certo habemus per Illyricum proficisci in Galliam. Ego nunc qua et quo videbo.

375. — A ATTICUS. Cumes, avril.

A. X, 6. Rien ne me retient plus aujourd'hui que le vent. Je n'y mets pas de finesse : arrive que pourra en Espagne... Toutefois n'en dites rien, s'il vous plaît. Je vous ai déroulé mon plan dans mes précédentes lettres. Aussi je serai court. Le temps presse d'ailleurs, et j'ai beaucoup à faire. Quant à Quintus, « j'en fais le premier de mes soucis. » Vous savez le reste. Je reconnais votre amitié et votre sagesse dans les bons conseils. Je vois qu'en me gardant d'un seul écueil tout peut devenir facile; c'est toutefois une bien grande affaire; le caractère est insaisissable, nulle simplicité, nulle franchise. Que ne l'avez-vous pris sous votre tutelle! Le père est trop indulgent. Il est toujours là pour mollir quand je tiens ferme. Sans lui j'en viendrais à bout. Il vous en aurait coûté si peu à vous! mais je ne veux pas vous chercher querelle. Seulement, je vous le répète, c'est une grande affaire. On regarde comme certain que Pompée se rend dans les Gaules par l’Illyrie. Ainsi donc nécessité d'un autre plan pour moi et d'un autre itinéraire.

[VII] Scr. in Cumano circ. ix K. Mai. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Ego vero Apuliam, et Sipontum, et tergiversationem istam probo : nec tuam rationem eandem esse duco quam meam : non quin in re publica rectum idem sit utrique nostrum : sed ea non agitur. Regnandi contentio est; in qua pulsus est modestior rex, et probior, et integrior, et is, qui nisi vincit, nomen populi Romani deleatur necesse est : sin autem vincit, Sullam more exemploque vincet. Ergo hac in contentione neutrum tibi palam sentiendum, et tempori serviendum est. Mea causa autem alia est, quod beneficio vinctus, ingratus esse non possum : nec tamen in acie, sed Melitae aut alio in loco simili [oppidulo] futurum puto. Nihil, inquies, iuvas eum, in quem ingratus esse non vis? Imo minus fortasse voluisset. Sed de hoc videbimus. Exeamus modo : quod ut meliore tempore possimus, facit Adriano mari Dolabella, Fretensi Curio. [2] - Iniecta autem mihi spes quaedam est, velle mecum Ser. Sulpicium colloqui. Ad eum misi Philotimum libertum cum litteris; si vir esse volet, praeclara συνοδία, sin autem, erimus nos, qui solemus. [3] Curio mecum vixit, iacere Caesarem putans offensione populari, Siciliaeque diffidens, si Pompeius navigare coepisset. Quintum puerum accepi vehementer. Avaritiam video fuisse et spem magni congiari. Magnum hoc malum est. Sed scelus illud, quod timueramus, spero nullum fuisse. Hoc autem vitium puto te existimare non a nostra indulgentia, sed a natura profectum : quem tamen nos disciplina regemus. De Oppiis Veliensibus quid placeat cum Philotimo videbis Epirum nostram putabimus  : sed alios cursus videbamur habituri.

376. — A ATTICUS. Cumes, avril,

A. X, 7. Sans contredit, j'approuve le détour que vous faites par l'Apulie et Siponte. Votre position est toute différente de la mienne. Ce D'est pas que nous ne soyons tenus tous deux à de semblables devoirs envers la république; mais il s'agit bien de la république. Qui sera le maître? Voilà la question. Le roi qui fuit a plus de modération et de probité; il est moins engagé, et s'il n'est vainqueur, c'en est fait du nom romain. Mais si la victoire lui reste, ce sera une victoire à la Sylla. Au milieu du débat, vous n'avez, vous, à prendre ouvertement parti pour personne, et vous êtes libre d'agir suivant les circonstances. Ma position à moi est tout autre. Je suis lié par des bienfaits et je ne puis être ingrat. Je ne veux pourtant pas aller sur les champs de bataille. Je veux me retirer à Malte ou dans quelque autre petit coin. Mais me direz-vous, tout en voulant n'être pas ingrat, c'est ne rien faire pour la reconnaissance. Lui-même peut-être eût-il encore exigé moins. Au surplus j'ai le temps d'y réfléchir. L'essentiel est de partir. Grâce à Dolabella et à Curion qui sont maîtres, l'un de l'Adriatique, l'autre du détroit, je puis attendre que la saison soit meilleure. - Il m'est venu je ne sais quelle espérance que Ser. Sulpicius désirait me voir. Je lui écris par Philotime mon affranchi. S'il tient bon, je ne puis avoir meilleure compagnie ; s'il recule, je n'eu serai pas moins fidèle à mes résolutions. Curion a été avec moi ces jours-ci. Il prétend que César est un peu découragé de la désaffection du peuple et qu'il craint pour la Sicile, si Pompée est déjà en mer. J'ai vigoureusement tancé le jeune Quintus. Je vois dans son fait de la cupidité. Il espérait obtenir une grosse somme. C'est déjà fort mal sans doute, mais je veux le croire innocent du crime dont nous l'avions soupçonné. La cupidité, vous le concevez bien, n'est pas le fruit de mon indulgence, c'est un penchant de sa nature. Vous réglerez comme vous l'entendrez avec Philotime l'affaire des Oppius de Véîe. Je serais comme chez moi en Épire. Je le sais bien; mais c'est probablement ailleurs que je me dirigerai.

[VIII] Scr. in Cumano vi Non. Mai. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Et res ipsa monebat, et tu ostenderas et ego videbam, de iis rebus, quas intercipi periculosum esset, finem inter nos scribendi fieri tempus esse. Sed, quum ad me saepe mea Tullia scribat, orans, ut, quid in Hispania geratur, exspectem, et semper adscribat idem videri tibi, idque ipse etiam ex tuis litteris intellexerim, non puto esse alienum me ad te, quid de ea re sentiam, scribere. [2] Consilium istud tunc esset prudens, ut mihi videtur, si nostras rationes ad Hispaniensem casum accommodaturi essemus; quod fieri dicitis oportere. Necesse est enim aut, id quod maxime velim, pelli istum ab Hispania, aut trahi id bellum, aut istum, ut confidere videtur, apprehendere Hispanias. Si pelletur, quam gratus aut quam honestus tum erit ad Pompeium noster adventus, quum ipsum Curionem ad eum transiturum putem? Si trahitur bellum, quid exspectem aut quam diu? Relinquitur ut, si vincimur in Hispania, quiescamus. Id ego contra puto ; istum enim victorem magis relinquendum puto quam victum, et dubitantem magis quam fidentem suis rebus. Nam caedem video, si vicerit, et impetum in privatorum pecunias, et exsulum reditum, et tabulas novas, et turpissimorum honores, et regnum non modo Romano homini, sed ne Persae quidem cuiquam tolerabile. [3] Tacita esse poterit indignitas nostra? pati poterunt oculi me cum Gabinio sententiam dicere ? et quidem illum rogari prius? praesto esse clientem tuum Clodium ? C. Atei Plaguleium ? ceteros? Sed cur inimicos colligo ? qui meos necessarios a me defensos, nec videre in curia sine dolore, nec versari inter eos sine dedecore potero. quid ? si ne id quidem est exploratum, fore, ut mihi liceat; (scribunt enim ad me amici eius me illi nullo modo satisfecisse, quod in senatum non venerim; ) tamenne dubitemus, an ei nos etiam cum periculo venditemus, quicum coniuncti ne cum praemio quidem voluimus esse? [4] Deinde hoc vide, non esse iudicium de tota contentione in Hispaniis : nisi forte, iis amissis, arma Pompeium abiecturum putas : cuius omne consilium Themistocleum est. Existimat enim qui mare teneat, eum necesse (esse) rerum potiri. Itaque numquam id egit, ut Hispaniae per se tenerentur; navalis apparatus ei semper antiquissima cura fuit. Navigabit igitur, quum erit tempus, maximis classibus, et ad Italiam accedet : in qua nos sedentes quid erimus? Nam medios esse iam non licebit. Classibus adversabimur igitur? Quod lalum maius, seu tantum denique? quid turpius? An ni valde hinc absentes solus tuli scelus ? eiusdem, cum Pompeio et cum reliquis principibus non feram? Quod si iam, misso officio, periculi ratio habenda est; ab illis est periculum, si peccaro: ab hoc si recte fecero: nec ullum in his malis consilium periculo vacuum inveniri potest; ut non sit dubium, quin turpiter facere cum periculo fugiamus, quod fugeremus etiam cum salute.  Non simul cum Pompeio mare transierimus ? Omnino non potuimus. Exstat ratio dierum. Sed tamen (fateamur enim quod est;  ne condamus quidem, ut possimus); fefellit ea me res, quae fortasse non debuit, sed fefellit : pacem putavi fore : quae si esset, iratum mihi Caesarem esse, quum idem amicus esset Pompeio, nolui. Senseram enim, quam idem essent. Hoc verens in hanc tarditatem incidi. Sed assequor omnia, si propero; si cunctor, amitto. [6] Et tamen, mi Attice, auguria quoque me incitant quadam spe non dubia nec haec collegi nostri ab Appio, sed illa Platonis de tyrannis. Nullo enim modo posse video stare istum diutius, quin ipse per se, etiam languentibus nobis, concidat; quippe qui florentissimus ac novus vi, vii diebus ipsi illi egenti ac perditae multitudini in odium acerbissimum venerit; qui duarum rerum simulationem tam cito amiserit, mansuetudinis in Metello, divitiarum in aerario. Iam, quibus utatur vel sociis vel ministris, si ii provincias, si rem publicam regent, quorum nemo duo menses potuit patrimonium suum gubernare? [7] Non sunt omnia conligenda, quae tu acutissime perspicis : sed tamen ea pone ante oculos : iam intelleges id regnum vix semenstre esse posse. Quod si me fefellerit, feram, sicut multi clarissimi homines in re publica excellentes tulerunt : nisi forte me Sardanapalli vicem in meo lectulo mori malle censueris quam exsilio Themistocleo : qui quum fuisset, ut ait Thucydides, τῶν μὲν παρόντων δι' ἐλαχίστης βουλῆς κράτιστος γνώμην, τῶν δὲ μελλοντῶν ἐπὶ πλεῖστον τοῦ γενησομένου ἄριστοϲ εἰκαστής, tamen incidit in eos casus quos vitasset si eum nihil fefellisset. Etsi is erat, ut ait idem, qui τὸ ἄμεινον καὶ τὸ χεῖρον ἐν τῷ ἀφανεῖ ἔτι προεῶρα μάλιστα, tamen non vidit nec quo modo Lacedaemoniorum, nec quo modo suorum civium invidiam effugeret, nec quid Artaxerxi polliceretur. Non fuisset illa nox tam acerba Africano, sapientissimo viro, non tam dirus ille dies Sullanus callidissimo viro C. Mario, si nihil utrumque eorum fefellisset. Nos tamen hoc confirmamus illo augurio, quo diximus; nec nos fallit, nec aliter accidet. Corruat iste necesse est aut per adversarios aut ipse per se, qui quidem sibi est adversarius unus acerrimus. Id spero vivis nobis fore. Quamquam tempus est, nos de illa perpetua iam, non de hac exigua vita cogitare. Sin quid acciderit maturius, haud sane mea multum interfuerit, utrum factum videam, an futurum esse multo ante viderim. Quae quum ita sint, non est committendum, ut iis pareamus, quos contra me senatus, ne quid res publica detrimenti acciperet, armavit. [9] Tibi sunt omnia commendata; quae commendationis meae pro tuo in nos amore non indigent. Nec hercule ego quidem reperio, quid scribam. Sedeo enim πλουδοκῶν. Etsi nihil umquam tam fuit scribendum, quam nihil mihi umquam ex plurimis tuis iucunditatibus gratius accidisse, quam quod meam Tulliam suavissime diligentissimeque coluisti. Valde eo ipsa delectata est : ego autem non minus; cuius quidem virtus mirifica. Quo modo illa fert publicam cladem ? quomodo domesticas tricas! quantus autem animus in discessu nostro! Sit στρογῆς licet summa σύντηξις, tamen nos recte facere et bene audire vult. [10] Sed hac super re nimis; ne meam ipse συμπάθειαν iam evocem. Tu, si quid de Hispaniis certius, et si quid aliud, dum adsumus, scribes: et ego fortasse discedens dabo ad te aliquid; eo etiam magis, quod Tullia te non putabat hoc tempore ex Italia. Cum Antonio item est agendum, ut cum Curione, Melitae me velle esse, huic civili bello nolle interesse. Eo velim tam facili uti posse et tam bono in me quam Curione. Is ad Misenum vi Nonas venturus dicebatur, id est, hodie : sed praemisit odiosas litteras hoc exemplo:

[VIIIa] Scr. circa finem m. Apr. a. 705 (49).

ANTONIVS TRIB. PL. PRO PR. CICERONI IMP. SAL.

[1] Nisi te valde amarem, et multo quidem plus, quam tu putas, non extimuissem rumorem, qui de te prolatus est, quum praesertim falsum esse existimarem. Sed quia te nimio plus diligo, non possum dissimulare mihi famam quoque, quamvis sit falsa, magni esse. Te iturum trans mare credere non possum, quum tanti facias Dolabellam et Tulliam tuam, feminam lectissimam, tantique ab omnibus nobis fias; quibus me hercule dignitas amplitudoque tua paene carior est quam tibi ipsi. Sed tamen non sum arbitratus esse amici non commoveri etiam improborum sermone : atque eo feci studiosius, quod iudicabam duriores partis mihi impositas esse ab offensione nostra, quae magis a ζηλοτυπίᾳ mea quam ab iniuria tua nata est. Sic enim volo te tibi persuadere, mihi neminem esse cariorem te, excepto Caesare meo, meque illud una iudicare, Caesarem maxime in suis M. Ciceronem reponere. [2] Qua re, mi Cicero, te rogo, ut tibi omnia integra serves : eius fidem improbes, qui tibi ut beneficium daret, prius iniuriam fecit : contra ne profugias, qui te, etsi non amabit (quod accidere non potest), tamen salvum amplissimumque esse cupiet. Dedita opera ad te Calpurnium, familiarissimum meum, misi; ut mihi magnae curae tuam vitam ac dignitatem esse scires.

Eodem die a Caesare Philotimus attulit hoc exemplo:

[VIIIb] Scr. ex itinere xv K Maias a. 705 (49).

CAESAR IMP. SAL. D. CICERONI IMP.

[1] Etsi te nihil temere, nihil imprudenter facturum iudicaram; tamen permotus hominum fama, scribendum ad te existimavi, et pro nostra benevolentia petendum, ne quo progredereris proclinata iam re, quo integra etiam progrediendum tibi non existimasses. Namque et amicitiae graviorem iniuriam feceris, et tibi minus commode consulueris, si non fortunae obsecutus videberis (omnia enim secundissima nobis, adversissima illis accidisse videntur), nec causam secutus (eadem enim tum fuit, quum ab eorum consiliis abesse iudicasti), sed meum aliquod factum condemnavisse : quo mihi gravius abs te nil accidere potest. [2] Quod ne facias, pro iure nostrae amicitiae a te peto. Postremo, quid viro bono, et quieto, et bono civi magis convenit quam abesse a civilibus controversiis? Quod nonnulli quum probarent, periculi causa sequi non potuerunt. Tu, explorato et vitae meae testimonio et amicitiae iudicio, neque tutius neque honestius reperies quidquam quam ab omni contentione abesse. xv Kal. Maias ex itinere.
 

380. — A ATTICUS. Cumes, 2 mai.

A. X, 8. Vos avis s'accordent avec mes propres observations, et la chose parle assez d'elle-même. Il est temps de cesser une correspondance qu'on peut saisir, et qu'il y aurait dès lors péril à continuer. Mais ma Tullie m'a écrit plusieurs fois pour me supplier de ne pas prendre un parti avant de savoir comment les choses se passeraient en Espagne. Elle ajoute que c'est votre avis, et je le vois bien par vos lettres. A cela j'ai plusieurs choses à dire. Le conseil me paraîtrait bon, si j'avais a régler ma conduite sur les événements d'Espagne. Ou César sera chassé du pays, ce que je souhaite fort; ou la guerre traînera en longueur, 367 ou enfin il s'en rendra maître, comme il semble n'en pas douter. S'il est chassé, n'aurais-je pas bonne grâce alors à aller trouver Pompée? et quel gré m'en saurait-il, lorsque Curion lui-même pourrait bien aussi, je le suppose, en faire alors autant? Si la guerre traîne en longueur, combien de temps faudra-t-il attendre? Enfin si nous sommes vaincus, il est clair que je ne bouge pas. Voici comme je raisonne. J'aime mieux le quitter vainqueur que vaincu, et quand il doute encore du triomphe que lorsqu'il s'en croirait assuré. S'il est vainqueur, je prévois des massacres, des confiscations, le rappel des bannis, la banqueroute, les honneurs accordés aux plus infâmes; enfin une tyrannie qui serait insupportable même à un Perse, bien plus à un Romain. Mon indignation pourrait-elle rester silencieuse? Il me faudrait voter avec Gabinius, après lui peut-être! Avoir à mes côtés votre client Clélius, le client de C. Atéius, Plaguléius, mille autres encore! Je cite des ennemis. N'éprouverais-je pas déjà assez de dépit à la vue de mes plus intimes, de gens que j'ai défendus, et au milieu desquels il faudrait, non sans mourir de honte, me trouver au sénat? Que sais-je? On m'interdirait peut-être l'entrée de la curie : ses amis me mandent qu'il a été fort mécontent de ne pas m'y voir en dernier lieu. Je n'ai pas voulu de son alliance, quand elle m'offrait des avantages; dois-je me vendre à lui, quand il n'y a que péril à le faire? Considérez enfin que tout ne sera pas décidé avec la question d'Espagne, à moins qu'en perdant cette province. Pompée ne mette bas les armes : mais il n'a que Thémistocle en tête, et il se persuade que quand on est maître de la mer on est maître de tout. Aussi remarquez qu'il n'est pas de sa personne en Espagne, et qu'il ne met d'intérêt qu'à se rendre formidable sur mer. On le verra, lorsqu'il en sera temps, réunir une puissante flotte, mettre à la voile et débarquer en Italie. Nous qui sommes restés, que deviendrons-nous alors? Plus de neutralité possible. Nous opposerons-nous à sa descente? quelle extrémité et quel opprobre ! Nous fera-t-il un crime de notre absence et de notre sécurité? irons-nous partager avec Pompée et ses lieutenants les inimitiés et les vengeances de l'autre? Laissons un moment de côté le devoir, et ne faisons acception que du danger. Là, il y a péril en faisant mal; ici, péril en faisant bien. Péril partout. Point de doute alors : ne faisons pas en nous exposant ce que nous ne voudrions pas faire pour nous sauver. Mais pourquoi n'avoir pas passé la mer avec Pompée? La chose était matériellement impossible. Qu'on rapproche les époques, et je l'avoue quand je pouvais garder cela pour moi, j'ai cru, je n'aurai pas du croire peut-être, mais enfin j'ai cru à la paix, et je n'ai pas voulu avoir pour ennemi César redevenu l'ami de Pompée : je les connais, ce sont toujours les mêmes hommes. Voilà le mot de mes retardements. Aujourd'hui l'occasion est à moi, si je me hâte ; elle est perdue, si j'hésite. C'est ce que me disent aussi, mon cher Atticus, certains augures en qui j'ai toute confiance; non les augures de notre collège que consulte Appius, mais ceux de Platon sur les tyrans. Je mets hors de doute que notre homme (César) ne peut passe soutenir, et que, dût notre résistance être languissante, il ne tombe de lui même, lui a qui, dans ses plus beaux moments et dans toute sa nouveauté, il n'a pas fallu plus de six ou sept jours pour se faire exécrer de cette populace avide et affamée ; et qui a si vite abandonné le double mensonge de sa douceur et de sa richesse, en traitant comme il l'a fait Métellus et le trésor public. Voyez quels seront ses ministres et ses seconds pour conduire les provinces et la république ! Il n'y en a pas un qui ait su gouverner son patrimoine pendant deux mois. Inutile de remarquer ici tout ce qu'il y a à en dire, vous le savez aussi bien que moi ; mais réfléchissez-y un moment, et vous verrez qu'un tel règne n'en aurait pas pour six mois a durer. Me trompé-je? Eh bien. Je prendrai mon parti comme tant d'hommes illustres et de grands citoyens, à moins pourtant que vous ne préfériez pour moi le lit de mort de Sardanapale à l'exil de Thémistocle, l'homme, au dire de Thucydide, qui jugeait le mieux le présent et appréciait le mieux l'avenir, et qui néanmoins tomba dans des malheurs qu'il eût évités s'il avait su tout prévoir. Quoique, toujours suivant Thucydide, personne ne fût plus habile à reconnaître le bon et le mauvais côté des choses, il ne sut se mettre à couvert, ni contre la jalousie des Spartiates, ni contre la jalousie de ses concitoyens, et il ne vit pas où le menaient ses engagements avec Artaxerce. Si on ne se trompait jamais, notre Africain, le plus sage des hommes, n'aurait pas vu cette nuit cruelle qui fut pour lui sans lendemain ; et C Marius, le plus rusé des hommes, n'aurait pas eu les durs moments que Sylla lui a fait subir. Mais l'augure dont je parle ne me trompe point, il est Infaillible, l'événement le prouvera. Il faut que cet homme tombe ou sous les coups de ses adversaires, ou par ses propres mains, car il n'a pas de plus dangereux ennemi que lui-même. Nous vivrons assez pour le voir, j'espère. Apres tout, il est temps que je songe a la vie dont la durée est sans fin de préférence à cette misérable vie d'un jour. Que si quelque incident en avance le terme, il m'est aussi indiffèrent de toucher déjà au moment suprême, que de l'avoir longtemps en expectative. Avec de tels sentiments, irai-je faire ma soumission à ceux contre qui le sénat m'a arme d'un décret de salut public? Je vous ai donne mes instructions sur tout, et votre amitié rend mes recommandations superflues. Je n'ai donc plus rien à vous dire, sinon que j'attends le premier vent favorable pour m'embarquer. Que dis-je? il est une chose qu'il importe par-dessus tout que je vous écrive; c'est que de toutes vos bontés, si nombreuses pour moi, aucune ne m'est plus douce et plus sensible que vos aimables attentions et vos tendres soins pour ma chère Tullie. Elle en a été enchantée, et je n'y suis pas moins sensible qu'elle. Avec quelle résignation elle supporte les calamités publiques et les chagrins d'intérieur! Quel courage dans notre séparation ! Sa tendresse est infinie. Son âme ne fait qu'une avec la mienne. Eh bien! elle ne voit que ce que le devoir et l'honneur me prescrivent. Je m'arrête, je crains ma propre émotion. Ne manquez pas, je vous prie, de me tenir au courant des nouvelles d'Espagne, et de tout ce qui pourrait survenir pendant que je suis encore ici. Peut-être vous écrirai-je moi-même un mot avant mon départ, surtout s'il est vrai, comme Tullie me l'assure, que vous n'aurez point quitté l'Italie. J'ai maintenant à recommencer avec Antoine les mêmes 369 manoeuvres qu'avec Curion, pour qu'on me laisse à Malte sous ma promesse d'être neutre. Puissé-je trouver l'un aussi accommodant et aussi facile ijue l'autre! On annonce son arrivée à Misène pour le 6 des nones, c'est-à-dire, pour aujourd'hui. Il s'est fait précéder de l'odieuse lettre dont je vous envoie copie.

ANTOINE,TRIBUN DU PEUPLE ET PROPRÉTEUR, A CICÉBON, IMPÉRATOR, SALUT.

« Sans l'amitié que j'ai pour vous, et qui est plus forte que vous ne pensez, je ne m'inquiéterais pas d'un bruit qui court à votre sujet, d'autant plus que je le crois sans le moindre fondement. Mais je vous aime trop pour ne pas m'affecter même de rumeurs vaincs. Non, je ne puis croire que vous vouliez passer la mer, vous à qui Dolabella et voire charmante Tullie sont si chers, vous qui nous êtes si cher à tous, vous enfin qui ne pouvez, je le jure, prendre plus à coeur que nous ce qui touche à votre honneur et à votre considération. Il n'y aurait pas, selon moi, d'amitié à rester insensible à de méchants propos ; et je m'en suis d'autant plus préoccupé que je sens toute la délicatesse de ma position envers vous, par suite de ces démêles où je m'accuse de plus de vivacité que je ne saurais vous reprocher de torts. Je tiens à vous convaincre que, César excepté, il n'est personne pour qui j'aie plus d'affection que pour vous, et qu'il n'est personne à ma connaissance sur le dévouement de qui César compte davantage. Je vous en supplie donc, mon cher Cicéron, abstenez-vous de toute démarche qui vous engage; gardez-vous de qui a voulu vous faire payer son appui par un injurieux abandon, et n'allez pas fuir comme un ennemi un homme qui, lors même qu'il ne vous aimerait pas, chose impossible, voudrait encore vous voir puissant et honoré. Je vous envoie cette lettre par Calpurnius, mon ami particulier, afin que vous sachiez à quel point j'ai à coeur tout ce qui se rapporte à votre salut et à votre gloire. » Le même jour, Philotime m'a apporté de la part de César une autre lettre dont voici la copie :

CÉSAR, IMPERATOR, A CICÉRON, IMPERATOR SALUT. 17 avril.

« Je vous crois tout à fait incapable d'agir imprudemment et à la légère. Cependant il court des bruits qui m'inquiètent, et je me décide à vous écrire. N'allez pas, je vous en supplie, au nom de nos bons rapports, n'allez pas vous rallier à une cause aujourd'hui compromise, quand vous n'en avez pas voulu alors que les chances étaient entières. Voulez-vous vous soustraire à l'arrêt de la fortune ? Ce serait outrager l'amitié, ce serait vous faire gratuitement tort à vous-même. Tout ne nous a-t-il pas réussi? tout ne leur a-t-il pas été contraire? Non, vous ne cédez point à des affections de parti : leur cause était la même, quand vous refusâtes d'aller prendre place dans leurs conseils. Il faut donc que j'aie fait quelque action bien condamnable; car jamais démarche de votre part n'aura pour moi une signification plus grave. Gardez -vous de la faire. Je le demande à votre amitié. J'en ai le droit; et dites-moi d'ailleurs si la neutralité n'est pas le rôle qui convient le mieux à un homme de bien et de paix, à un bon citoyen. Quelques hommes, qui au fond pensaient ainsi, ont été jetés hors de la voie par un sentiment de crainte. Mais pour vous qui savez ma vie entière 370 qui pouvez en interroger tous les témoignages, et qui connaissez mon amitié, quoi de mieux et de plus honorable que de vous abstenir? En marche, le 16 des kalendes de mai. »

[IX] Scr. in Cumano v Non. Mai. a. 705 (49)

CICERO ATTICO SAL.

[1] Adventus Philotimi (at cuius hominis, quam insulsi et quam saepe pro Pompeio mentientis!) exanimavit omnes, qui mecum erant Nam ipse obdurui. Dubitabat nostrum nemo, quin Caesar itinera repressisset : volare dicitur; Petreius cum Afranio coniunxisset se  : nihil affert eiusmodi. Quid quaeris? Etiam illud erat persuasum : Pompeium cum magnis copiis iter in Germaniam per Illyricum fecisse; id enim αὐθεντικῶς nuntiabatur. Melitam igitur, opinor, capessamus, dum, quid in Hispania : quod quidem prope modum videor ex Caesaris litteris ipsius voluntate facere posse; qui negat neque honestius neque tutius mihi quidquam esse, quam ab omni contentione abesse. [2] Dices, ubi ergo tuus ille animus, quem proximis litteris? Adest et idem est. Sed utinam meo solum capite decernerem ? Lacrimae meorum me interdum molliunt, precantium, ut de Hispaniis exspectemus. M. Caeli quidem epistulam scriptam miserabiliter, quum hoc idem obsecraret, ut exspectarem, ne fortunas meas, ne unicum filium, ne meos omnis tam temere proderem, non sine magno fletu legerunt pueri nostri; etsi meus quidem est fortior eoque ipso vehementius commovet; nec quicquam nisi de dignatione laborat. Melitam igitur; deinde quo videbitur. [3] - Tu tamen etiam nunc mihi aliquid litterarum, et maxime si quid ab Afranio. Ego, si cum Antonio locutus ero, scribam ad te, quid actum sit. Ero tamen in credendo, ut mones, cautus. Nam occultandi ratio quum difficilis, tum etiam periculosa est. Servium exspecto ad nonas : et adigit ita Postumia et Servius Flius. Quartanam leviorem esse gaudeo. Misi ad te Caeli etiam litterarum exemplum.

381. — A ATTICUS. Cumes, mai.

A. X, 9. Philotime est arrivé : vous savez quelle tête folle, et quel magasin de fausses nouvelles favorables à Pompée. Il a mis la mort dans l'âme a mes commensaux. Moi, je suis de marbre. Nous pensions tous que César avait suspendu sa marche : c'est le contraire, dit Philotime; César vole. On avait annoncé la jonction de Pétréius avec Afranius. Philotime prétend que la nouvelle ne s'est pas confirmée. Que voulez- vous? On assure que Pompée, à la tête de forces considérables, se dirige par l’Illyrie vers la Germanie. Cela est donné comme positif. Eh bien ! partons vite pour Malte. Allons-y attendre les événements d'Espagne, .l'entre un peu par là dans les idées de César, puisqu'il me dit dans une de ses lettres que la neutralité est pour moi le parti le plus honorable et le plus sûr. Qu'est donc devenu, allez-vous me dire, l'homme résolu de ma dernière lettre? Cet homme n'a point changé : je suis toujours le même. Hélas! s'il ne s'agissait que de ma tête mais j'ai les miens autour de moi qui pleurent, qui me supplient d'attendre ce que deviendront les affaires d'Espagne : mon coeur n'y tient pas toujours. Célius aussi m'écrit dans les termes les plus attendrissants; il me conjure de ne pas brusquer ma résolution, de ne pas compromettre ma position, mon fils, ma famille, par un coup de tête . Nos enfants n'ont pu lire sa lettre sans des torrents de larmes. Cicéron toutefois montre une fermeté qui ne fait que rendre ma sensibilité plus vive. Il ne songe qu'aux exigences de l'honneur. A Malte donc ! on verra ensuite. — Écrivez-moi un mot encore, je vous prie, surtout si vous savez quelque chose d'Afranius. En cas d'entrevue avec Antoine, je vous dirai comment les choses se seront passées : mais je ne me fierai qu'à bon escient à ses paroles, soyez tranquille. Je ne pense plus à me cacher : c'est trop difficile et trop dangereux. J'attendrai Servius jusqu'aux nones. Postumius et le jeune Servius m'en ont prié. Enfin votre fièvre quarte commence a tomber. Tant mieux ! Je vous envoie une copie de la lettre de Célius.

[X] Scr. in Cumano v Non. Mai. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Me caecum, qui haec ante non viderim! Misi ad te epistulam Antoni. Ei quum ego saepissime scripsissem nihil me contra Caesaris rationes cogitare; meminisse me generi mei, meminisse amicitiae; potuisse, si aliter sentirem, esse cum Pompeio; me autem, quia cum lictoribus invitus cursarem, abesse velle, nec id ipsum certum etiam nunc habere; vide quam ad haec παροινικῶς: [2] « Tuum consilium quam verum est ! Nam qui se medium esse vult, in patria manet : qui proficiscitur, aliquid de altera utra parte iudicare videtur. Sed ego is non sum, qui statuere debeam, iure quis proficiscatur necne. Partis mihi Caesar has imposuit, ne quem omnino discedere ex Italia paterer. Quare parvi refert me probare cogitationem tuam, si nihil tamen tibi remittere possum. Ad Caesarem mittas, censeo, et ab eo hoc petas. Non dubito, quin impetraturus sis, quum praesertim te amicitiae nostrae rationem habiturum esse pollicearis.

[3] Habes σκυτάλην Λακωνικήν. Omnino excipiam hominem. erat autem v Nonas venturus vesperi, id est, hodie. Cras igitur ad me fortasse veniet. Tentabo, audeam, nihil properare; missurum ad Caesarem, clamabo, me; cum paucissimis alicubi occultabor; certe hinc istis invitissimis evolabo, atque utinam ad Curionem! Σὺν θεῷ τοι λέγω Magnus dolor accessit. Efficietur aliquid dignum nobis. [4] Δυσουρία tua mihi valde molesta. Medere amabo, dum est ἀρχή. De Massiliensibus gratae tuae mihi litterae. Quaeso, ut sciam, quidquid audieris. Ocellam cuperem, si possem palam : quod a Curione effeceram. Hic ego Servium exspecto; rogor enim ab eius uxore et filio, et puto opus esse. [5] Hic tamen Cytherida secum lectica aperta portat, alteram uxorem : septem praeterea coniunctae lecticae amicarum, sunt, an amicorum ? Vide, quam turpi leto pereamus : et dubita, si potes, quin ille, seu victus seu victor redierit, caedem facturus sit. Ego vero vel luntriculo, si navis non erit, eripiam me ex istorum parricidio. Sed plura scribam, quum illum convenero. [6] Iuvenem nostrum non possum non amare  :sed ab eo nos non amari plane intellego. Nihil ego vidi tam ἀνηθοποίητον, tam aversum a suis, tam nescio quid cogitans. Vim incredibilem molestiarum! Sed erit curae, et est, ut regatur. Mirum est enim ingenium, Ἤθους ἐπιμελητέον.

382. — A ATTICUS. Cumes, 3 mai.

A. X, 10. Aveugle que j'étais ! Comment n'ai-je pas vu ce qui arrive ! Lisez cette lettre d'Antoine; je lui avais écrit mille fois que je n'avais aucune pensée hostile à César, que je n'oubliais pas mon gendre, que je n'oubliais pas l'amitié que, si je l'avais voulu, je serais avec Pompée; seulement que j'avais l'intention de quitter l'Italie, parce qu'il ne me convenait pas de courir sans cesse à droite et à gauche avec mes licteurs; mais que ce n'était pas même encore une idée arrêtée. Voyez ce que l'ivrogne me répond : « Comme votre conduite est franche ! quand on veut rester neutre, on demeure chez soi. Qui émigre se prononce. Au surplus, ce n'est pas « à moi de juger si l'on a ou non des raisons légitimes de partir. J'ai l'ordre positif de César de ne laisser sortir d'Italie qui que ce soit. Ainsi, il importe peu que j'approuve votre intention, puisque je n'y puis rien. Envoyez un exprès à César, et présentez-lui votre demande ; il l'ac- 371 cueillera, je n'en doute pas, surtout si vous y joignez la promesse de ne point faillir a notre amitié. » Voilà bien la scytale lacédémonienne. Il faut absolument que je lui donne le change. Il doit arriver le 5 des nones au soir, c'est-à-dire, aujourd'hui; peut-être viendra-t-il me voir demain. J'userai de ruse, je lui dirai avec assurance que rien ne me presse, je lui cornerai aux oreilles que je vais envoyer un exprès à César; puis je me tiendrai coi quelque part avec un très-petit nombre de mes gens, et je parviendrai bien à m'échapper en dépit de tout. Puissé-je seulement rejoindre Curion ! les dieux me protègent ! je suis piqué au vif, on verra quelque trait de ma façon. Votre indisposition m'afflige; vous m'obligerez beaucoup de ne pas la négliger, surtout dans le principe. Que j'aime vos nouvelles de Marseille ! Tenez-moi, je vous prie, au courant de tout ce que vous apprendrez. J'irais rejoindre Ocella si je le pouvais ouvertement, comme j'en étais convenu avec Curion; j'attends ici Servius; sa femme et son fils m'en ont prié. Il le faut, je crois. Antoine traîne à sa suite Cythéris dans une litière découverte ; sa femme est dans la seconde. 11 en a de plus sept autres de suite, toutes remplies ou de maîtresses ou de mignons. Voilà par quelles honteuses mains il nous faut périr ; et doutez après cela, si vous le pouvez, du sang qui coulera au retour de César ou vainqueur ou vaincu! Pour moi, je prendrai plutôt une nacelle, à défaut de vaisseau, pour me sauver de leurs mains parricides. Je vous en dirai plus quand j'aurai vu Antoine. Je ne puis me défendre d'aimer notre jeune homme, mais je vois clairement qu'il ne nous aime point. Je n'ai jamais vu d'esprit plus de travers, le contre-pied de tous les siens une tête qui bouillonne sans cesse. Quelle source d'afflictions! je fais de mon mieux pour rectifier cette nature étrange. Il faut le veiller de près.

[XI] Scr. in Cumano iv Non. Mai. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Obsignata iam epistula superiore, non placuit ei dari, cui constitueram, quod erat alienus. Itaque eo die data non est. Interim venit Philotimus, et mihi a te litteras reddidit : quibus quae de fratre meo scribis, sunt ea quidem parum firma, sed habent nihil ὕπουλον, nihil fallax, nihil non flexibile ad bonitatem, nihil, quod non, quo velis, uno sermone possis perducere. Ne multa : omnes suos, etiam quibus irascitur crebrius, tamen caros habet, me quidem se ipso cariorem. Quod de puero aliter ad te scripsit et ad matrem de filio, non reprehendo. De itinere et de sorore, quae scribis molesta sunt, eoque magis quod ea tempora nostra sunt, ut ego eis mederi non possim. Nam certe mederer. Sed quibus in malis et qua in desperatione rerum simus, vides. [2] Illa de ratione nummaria non sunt eiusmodi (saepe enim audio ex ipso), ut non cupiat tibi praestare; et in eo laboret. Sed si mihi Q. Axius in hac mea fuga HS XIII non reddit, quae dedi eius filio mutua, et utitur excusatione temporis; si Lepta, si ceteri; soleo mirari de nescio quis HS XX quum audio ex illo se urgeri. Vides enim profecto angustias. Curari tamen ea tibi utique iubet. An existimas illum in isto genere lentulum aut restrictum? Nemo est minus. [3] De fratre satis. De eius filio, indulsit illi quidem suus pater semper; sed non facit indulgentia mendacem, aut avarum, aut non amantem suorum; ferocem fortasse atque adrogantem et infestum facit. Itaque habet haec quoque, quae nascuntur ex indulgentia : sed ea sunt tolerabilia (quid enim dicam?) hac iuventute. Eea vero, quae mihi quidem qui illum amo, sunt his ipsis malis, in quis sumus, miseriora, non sunt ab obsequio nostro;  nam suas radices habent; quas tamen evellerem profecto, si liceret. Sed ea tempora sunt, ut omnia mihi sint patienda. Ego meum facile teneo. Nihil est enim eo tractabilius : cuius quidem misericordia languidiora adhuc consilia cepi; et, quo ille me certiorem vult esse eo magis timeo, ne in eum exsistam crudelior. [4] - Sed Antonius venit heri vesperi. Iam fortasse ad me veniet, aut ne id quidem, quoniam scripsit, quid fieri vellet. Sed scies continuo, quid actum sit. Nos iam nihil nisi occulte. De pueris quid agam? Parvone navigio committam? Quid mihi animi in navigando censes fore? Recordor enim, aestate cum illo Rhodiorum φράκτῷ navigans, quam fuerim sollicitus. Quid, duro tempore anni, actuariola fore censes? O rem undique miseram! Trebatius erat mecum, vir plane et civis bonus. Quae ille monstra, di immortales! Etiamne Balbus in senatum venire cogitet? Sed ei ipsi cras ad te litteras dabo. Vectienum mihi amicum, ut scribis, ita puto esse : cum eo, quod ἀποτόμως ad me scripserat de nummis curandis, θυμισκώτερον eram iocatus. Id tu, si ille aliter acceperit, ac debuit, lenies. MONETALI autem adscripsi, quod ille ad me PROCONSULE. Sed quoniam est homo et nos diligit, ipse quoque a nobis diligatur. Vale.

383. — A ATTICUS. Cumes, mai.

A. X, 11 . Après avoir fermé ma dernière lettre, l'idée me vint de ne plus la confier à la personne qui devait s'en charger, et qui n'est pas des nôtres. Aussi ne fut-elle pas expédiée à sa date. Dans l'intervalle est arrivé Philotime, qui m'a remis celle ou vous vous plaignez de mon frère. Oui, c'est un caractère faible, mais sans fard, sans détours, facile à ramener au bien, et dont vous ferez d'un mot tout ce que vous voudrez. Sans aller plus loin, il ne cesse de s'emporter contre les siens, et pourtant il les aime tendrement, moi en particulier plus que lui-même. Touchant son fils, il écrit à vous dune façon, et à la mère d'une autre. Je n'y vois pas grand mal. Ce que je trouve fâcheux, c'est ce que vous me dites de votre soeur, et a propos de ce voyage; d'autant plus que je n'y puis que faire, placé comme je le suis. Dans une autre situation, je trouverais remède au mal ; mais voyez ou nous en sommes réduits. Quant à la somme qu'il vous doit, ce n'est rien moins que mauvaise volonté de sa part, je l'ai vu cent fois, s'il tarde à vous payer. Il y fuit tous ses efforts. Mais quand je ne puis, moi, à la veille d'un départ, rentrer dans les treize mille sesterces que j'ai prêtés au fils de Q. Axius; quand je vois le père s'excuser sur le malheur des temps; quand Lepta et autres font de même, en vérité je m'étonne de vous voir tourmenter mon frère pour ces vingt milles sesterces, vous qui connaissez son embarras. 372 Au surplus, ses ordres sont donnés pour vous satisfaire. Ne le croyez pas serré et mauvais payeur; jamais homme ne le fut moins. Passons au fils. Il est vrai que son père ne l'a jamais assez tenu; mais l'indulgence ne rend pas un enfant menteur, intéressé, et sans amitié pour les siens : elle peut seulement le rendre fier, hautain, turbulent. Il a les défauts qu'engendre une éducation trop molle, mais ce sont des défauts qui se tolèrent. Et puis, il faut le dire, il est si jeune ! mais il en a d'autres qui deviennent bien graves par les circonstances fatales où nous sommes. Je ne me dissimule malheureusement pas, moi qui l'aime, que ceux-là ne procèdent pas de notre indulgence. Non, la cause en est radicale. Je viendrais bien à bout de les déraciner, si j'en avais le loisir : mais au temps où nous vivons, il faut tout supporter. Quant à mon fils, j'en fais ce que je veux. C'est le caractère le plus maniable. Mon coeur se brise pour cet enfant; voilà ce qui m'ôte l'énergie. Plus il me veut ferme, et plus je crains à son égard de me montrer cruel. — Antoine est arrivé hier au soir. J'aurai sans doute sa visite, à moins qu'il ne veuille en rester sur la lettre où il me notifie sa volonté. Quoi qu'il advienne, je vous écrirai. Je ne puis plus partir que secrètement. Mais que faire de nos jeunes gens? Irai-je les exposer sur une nacelle? Jugez ce que j'aurai à souffrir dans cette traversée. Je me rappelle encore les alarmes de cette navigation en vaisseau plat de Rhodes, et c'était en été. Que sera-ce quand je les verrai sur une frêle barque, dans la saison de l'année la plus cruelle? De tous côtés des angoisses ! J'ai ici Trébatius, homme excellent et bon citoyen. Que d'horreurs il entrevoit, grands dieux? Balbus prétendre au sénat? mais vous entendrez Trébatius lui-même. Je lui donnerai demain une lettre pour vous. Je crois à l'amitié de Vectiénus sur votre parole. Il m'avait réclamé sou argent d'un ton un peu incisif. Je me suis piqué, et peut-être ai- je poussé avec lui la plaisanterie un peu loin. S'il a pris la chose trop au sérieux, faites ma paix. Je l'ai appelé Monétalis en tête de ma lettre. Il m'avait donné du proconsul tout court. Mais s'il entend raison et n'en est pas moins mon ami, je reste le sien.

[XII] Scr. in Cumano iii Non. Mai. a. 705(49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Quidnam mihi futurum est ? aut quis me non solum infelicior, sed iam etiam turpior ! Nominatim de me sibi imperatum dicit Antonius; nec me tamen ipse adhuc viderat, sed hoc Trebatio narravit. Quid agam nunc, cui nihil procedit, caduntque ea, quae diligentissime sunt cogitata, taeterrime? Ego enim Curionem nactus, omnia me consecutum putavi. Is de me ad Hortensium scripserat. Reginus erat totus noster. Huic nihil suspicabamur cum hoc mari negoti fore. Quo me nunc vertam? Undique custodior. Sed satis lacrimis. [2] Πάρωρα πλευτέον igitur, et occulte in aliquam onerariam corrependum : non committendum, ut etiam compacto prohibiti videamur. Sicilia petenda : quam si erimus nacti, maiora quaedam consequemur. Sit modo recte in Hispaniis! Quamquam de ipsa Sicilia utinam sit verum! Sed adhuc nihil secundi. Concursus Siculorum ad Catonem dicitur factus; orasse ut resisteret; omnia pollicitos : commotum illum, dilectum habere coepisse. Non credo, ut est luculentus auctor : potuisse certe teneri illam provinciam scio. Ab Hispaniis autem iam audietur. [3] Hic nos C. Marcellum habemus, eadem vere cogitantem aut bene simulantem : quamquam ipsum non videram, sed ex familiarissimo eius audiebam. Tu, quaeso, si quid habebis novi : ego, si quid moliti erimus, ad te statim scribam. Quintum filium severius adhibebo. Utinam proficere possim! Tu tamen eas epistulas, quibus asperius de eo scripsi, aliquando concerpito, ne quando quid emanet : ego item tuas. [4] Servium exspecto nec ab eo quicquam ὑγιές. Scies quicquid erit.

[XIIa] Scr. in Cumano prid. Nou. Mai. a. 705(49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Sine dubio errasse nos confitendum est. At semel ? at una in re. ? Immo omnia, quo diligentius cogitata, eo facta sunt imprudentius.

Ἀλλὰ τὰ μὲν προτετύχθαι ἐάσομεν, ἀχνύμενοί περ,

in reliquis modo ne ruamus. Iubes de profectione me providere. Quid provideam? Ita patent omnia, quae accidere possunt, ut, ea si vitem, sedendum sit cum dedecore et dolore : si neglegam, periculum est, ne in manus incidam perditorum. Sed vide, quantis in miseriis simus. Optandum interdum videtur, ut aliquam accipiamus ab istis quamvis acerbam iniuriam, ut tyranno in odio fuisse videamur. [2] Quod si nobis is cursus, quem speraram, pateret, effecissem aliquid profecto, ut tu optas et hortaris, dignum nostra mora. Sed mirificae sunt custodiae : et quidem ille ipse Curio suspectus. Quare vi aut clam agendum est : et si vi, forte ne cum tempestate : clam autem istis. In quo si quod σφάλμα, vides, quam turpe sit. Trahimur : nec fugiendum, si quid violentius. [3] De Caelio, saepe mecum agito; nec, si quid habuero tale, dimittam. Hispanias spero firmas esse. Massiliensium factum cum ipsum per se luculentum est, tum mihi argumento est, recte esse in Hispaniis. Minus enim auderent, si aliter esset, et scirent : nam et vicini et diligentes sunt. Odium autem recte animadvertis significatum theatro. Legiones etiam has, quas in Italia assumpsit, alienissimas esse video. Sed tamen nihil inimicius quam sibi ipse. Illud recte times, ne ruat. Si desperarit, certe ruet. Quo magis efficiendum aliquid est, fortuna velim meliore, animo Caeliano. Sed primum quidque; quod, qualecumque erit, continuo scies. [4] Nos iuveni, ut rogas, suppeditabimus, et Peloponnesum ipsam sustinebimus. Est enim indoles : modo aliquod hoc sit  ἦθος διδαχῆ ἅλωτον. Quod si adhuc nullum est, esse tamen potest, aut ἀρετὴ non est δίδακτον : quod mihi persuaderi non potest.

384. — A ATTICUS. Cumes, mai.

A. X, 12. Que devenir? Je suis le plus malheureux des hommes et en même temps le plus déshonoré. Antoine prétend avoir injonction spéciale de me retenir. Je ne l'ai pas vu lui-même, mais il l'a déclaré à Trébatius. Quel parti prendre, quand rien ne me réussit, et que mes plus sûres combinaisons sont précisément celles qui me tournent le plus mal? Je regardais comme une bonne fortune d'avoir trouvé la Curion, et je me croyais au bout de mes peines. Il avait écrit pour moi à Hortensius. Réginus était tout à moi. Mais je ne me doutais pas qu'Antoine eût rien à voir sur cette côte. Où fuir maintenant? me voilà gardé à vue. Toutefois trêve de gémissements. Il ne me reste plus qu'à gagner furtivement quelque barque, et à voguer malgré vents et marée. Risquons tout, plutôt que de laisser croire que les obstacles qui me retiennent ne sont qu'un jeu joué. Gagnons d'abord la Sicile. Une fois là, j'aurai de l'espace devant moi. Pourvu que les choses tournent bien en Espagne! pourvu même que ce qu'on dit de la Sicile soit vrai, si peu que ce soit I On dit que la population en masse est venue au devant de Caton, qu'elle l'a supplié de se mettre à sa tête, en lui offrant toutes les ressources de l'île ; qu'il s'est rendu à leurs voeux et a commencé des levées. La nouvelle m'est suspecte; mon auteur voit tout eu beau. Ce qui est incontestable , c'est qu'on pourrait se maintenir en Sicile. Au surplus, on saura bientôt quelque chose d'Espagne. Marcellus est ici, ayant le même dessein que moi, du moins en faisant semblant à merveille. Nous ne nous sommes pas vus, mais j'ai causé avec un de ses intimes. Faites-moi part de vos nouvelles. De mon côté, je ne vous laisserai rien ignorer de mes démarches. Je tiens de près le fils de Quintus. Puissé-je réformer son caractère! Déchirez, je vous prie, les lettres où je parle de lui trop en mal. Ces choses-là doivent rester entre nous. J'en ferai autant des vôtres. Servius va venir; mais je n'attends de lui rien de bon. Je vous en écrirai dans tous les cas. Je me suis trompé, il faut que j'en convienne. Trompé une fois? sur un seul point?

Allons! je me suis trompé d'un bout à l'autre, et ce sont toutes mes précautions qui m'ont perdu.

« Mais laissons le passé et ses regrets, »

et tâchons de sauver ce qui peut rester encore de l'avenir. Vous me dites de tout prévoir pour ma fuite. Prévoir quoi ? Tout n'est que trop prévu; il n'y a guère à délibérer. Rester ici avec ma honte et mes remords, ou m'échapper, au risque de tomber aux mains de ces bandits. Mais voyez à quelle extrémité je me trouve réduit! J'en suis à désirer parfois un mauvais traitement, afin qu'il soit notoire que je suis mal avec le tyran. Ah! si le moyen d'évasion que j'espérais pouvait se retrouver, je saurais bien répondre à vos voeux et justifier mes retards. Mais l'on fuit autour de moi si bonne garde, et je ne me fie pas trop même à Curion. Reste à me faire jour par la force, ou à tromper la surveillance par un déguisement. J'aurai, dans un cas, affaire aux éléments; dans l'autre, à mes ennemis. Et si je suis pris sur le fait, quelle ignominie! Mais l'honneur commande et m'entraîne. Je ne reculerai devant rien. Je me propose souvent Célius pour exemple : que l'occasion de faire comme lui se présente, je n'y manquerai pas. L'Espagne tiendra bon, je l'espère. Le coup de vigueur des Marseillais est une excellente chose en soi, et j'en conclus que tout va bien en Espagne. S'ils se sont tant avancés, c'est qu'ils ont des informations sûres; ils sont à proximité et ne s'endorment point. Oui, vous avez raison, ce qui s'est passé au théâtre est un symptôme de mécontentement. C'est aussi, je le vois, dans les légions levées en Italie qu'il trouve le moins d'affection. Mais son plus grand ennemi, c'est lui-même. Vous avez bien raison de craindre qu'il ne tourne à la violence ; et il y tournera, si ses affaires vont mal. Raison de plus pour moi de me signaler par quelque entreprise à la Célius. Et puissé-je être plus heureux! Quoi que je fasse, de quelque manière que je m'y prenne, vous le saurez aussitôt. Soyez tranquille sur le jeune homme. Je suis là, et ferai face au besoin à tout le Péloponnèse. Il y a du fonds chez lui. L'éducation rectifie la nature et peut même y suppléer, à moins qu'on ne prétende que la vertu ne s'acquiert point; ce qu'on ne me persuadera jamais.

[XIII] Scr. in Cumano Nou. Mai. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Epistula tua gratissima fuit meae Tulliae, et me hercule mihi. Semper secum aliquid afferunt tuae litterae. Scribes igitur: ac, si quid ad spem poteris, ne dimiseris. Tu Antoni leones pertimescas cave. Nihil est illo homine iucundius. Attende πρᾶξιν πολιτικοῦ. Evocavit litteris e municipiis decem primos et iiii viros. Venerunt ad villam eius mane. Primum dormiit ad H. iii. Deinde, quum esset nuntiatum venisse Neapolitanos et Cumanos (his enim est Caesar iratus), postridie redire iussit; lavari se velle et περὶ κοιλιολουσίαν γίνεσθαι. Hoc here effecit. Hodie autem in Aenariam transire constituit. Exsulibus reditum polliceretur. Sed haec omittamus, de nobis aliquid agamus. [2] - Ab Axio accepi litteras. De Tirone gratum. Vectienum diligo. Vestorio reddidi. Servius pridie Nonas Maias Minturnis mansisse dicitur, hodie in Liternino mansurus apud C. Marcellum. Cras igitur nos mature videbit, mihique dabit argumentum ad te epistulae. Iam enim non reperio, quid tibi scribam. Illud admiror, quod Antonius ad me ne nuntium quidem, quum praesertim me valde observarit. Videlicet aliquid atrocius de me imperatum est : coram negare mihi non vult. Quod ego nec rogaturus eram nec; si impetrassem, crediturus. Nos tamen aliquid excogitabimus. [3] Tu, quaeso, si quid in Hispaniis : iam enim poterit audiri; et omnes ita exspectant, ut, si recte fuerit, nihil negoti futurum putent. Ego autem nec retentis iis, confectam rem puto; neque, amissis, desperatam. Silium et Ocellam et ceteros credo retardatos. Te quoque a Curione impediri video. Etsi, ut opinor, habes κέλητα ἄοκνον.

385. — A ATTICUS. Cumes, mai.

A. X, 13. Votre lettre a enchanté ma Tullie, et moi par contre-coup : il y a toujours quelque chose à gagner dans votre correspondance. (Continuez donc à m’écrire. Si vous pouvez me donner quelque bonne nouvelle, n'y faites faute, N’allez pas avoir peur des lions d'Antoine. Jamais on ne fut plus doux et plus aimable que lui. Voulez-vous un échantillon de sa tenue comme homme public? Il avait convoqué par lettres les premiers décurions et les quatuorvirs des villes municipales. Des le matin voilà mes gens qui arrivent. Mais Antoine est au lit, et ne bouge qu'à la troisième heure (neuf heures du matin). Plus tard on lui annonce les gens de Cumes et de Naples, à qui César garde rancune : il les remet au lendemain. Il avait à se baigner, il avait un laxatif à prendre : telle est sa journée d'hier. Il se propose aujourd'hui de passer dans l'île d'Enaria. il annonce hautement le retour des bannis. Mais assez sur son compte. Occupons-nous de ce qui nous intéresse. — J’ai reçu une lettre d'Axius. Bien obligé pour Tiron. Vectiénus est tout aimable. J'ai remboursé Vestorius. On dit que Servius a couche à Minturne la veille des nones de mai, et qu'il s'arrêtera aujourd'hui à Literne chez Marcellus. J'aurai donc sa visite demain de bonne heure, et ainsi de quoi remplir une lettre. Je commençais à ne savoir que vous écrire. Je m'étonne qu'Antoine ne m'ait pas adressé même un message. Il avait toujours montré pour moi beaucoup d'égards. Probablement il a des ordres pénibles en ce qui me concerne, et il ne veut pas avoir à me dire non en face. Mais je ne lui aurais pas demandé de grâce; et m'en eût-il accordé, je ne me serais pas lié à sa parole. Je trouverai bleu quelque autre voie. — Donnez-moi, je vous prie, des nouvelles d'Espagne; on doit maintenant en avoir. Elles sont attendues comme si tout devait s'y décider. Pour moi, je ne vois pas plus le succès assuré si nous conservons l'Espagne, que désespéré si nous la perdons. Peut-être s'est-il élevé des obstacles au départ de Siiius, d'Ocella et des autres. Il paraît que vous en éprouvez vous-même de la part de Curtius, bien que muni d'un passe-port; je le suppose.

[XIV] Scr. in Cumano viqi Id. Mai. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] O vitam miseram ! maiusque malum, tam diu timere, quam est illud ipsum, quod timetur! Servius, ut antea scripsi, quum venisset Nonis Maiis, postridie ad me venit. Ne diutius te teneam, nullius consili exitum invenimus. Numquam vidi hominem perturbatiorem metu: neque hercule quicquam timebat, quod non esset timendum; illum sibi iratum, hunc non amicum; horribilem utriusque victoriam, quum propter alterius crudelitatem, alterius audaciam, tum propter utriusque difficultatem pecuniariam, quae erui nusquam nisi ex privatorum bonis posset. Atque haec ita multis cum lacrimis loquebatur, ut ego mirarer, eas tam diuturna miseria non exaruisse. Mihi quidem etiam lippitudo haec, propter quam non ipse ad te scribo, sine ulla lacrima est, sed saepius odiosa est propter vigilias. [2] Quamobrem quidquid habes ad consolandum, collige et illa scribe, non ex doctrina neque ex libris :nam id quidem domi est ; sed nescio quo modo imbecillior est medicina quam morbus.  Haec potius conquire, de Hispaniis, de Massilia; quae quidem satis bella Servius affert; qui etiam de duabus legionibus luculentos auctores esse dicebat. Haec igitur si habebis et talia. Et quidem paucis diebus aliquid audiri necesse est. [3] - Sed redeo ad Servium. Distulimus omnino sermonem in posterum : sed tardus ad exeundum : multo se in suo lectulo malle, quicquid foret. Odiosus scrupulus de fili militia Brundisina. Unum illud firmissime asseverabat, si damnati restituerentur, in exsilium se iturum. Nos autem ad haec : et ipsum certo fore : et, quae iam fiant, non esse leviora;  multaque colligebamus. Verum ea non animum eius augebant, sed timorem, ut iam celandus magis de nostro consilio quam ad idem videretur. Quare in hoc non multum est. Nos a te admoniti de Caelio cogitabimus.

386. — A ATTICUS. Cumes, mai.

A. X, 14. Quelle misérable vie! cette appréhension continuelle est un mal pire que le mal lui-même. Ainsi que je vous l'ai déjà mandé, Servius, arrivé le jour des nones de mai, est venu me voir le lendemain. Pour ne pas vous faire languir, je vous dirai que nous n'avons pu arriver à aucune conclusion. Jamais je ne vis d'homme plus terrifié ; et, par Hercule, il ne craint rien qui ne soit à craindre. L'un lui veut du mal, l'autre ne lui veut guère de bien. La victoire, quelque parti qu'elle favorise, amènera des scènes d'horreur; soif de sang d'un côté, audace effrénée de l'autre; chez tous deux : extrême pénurie d'argent, et qui ne pourra s'assouvir que par des spoliations. Ses larmes coulaient pendant ces réflexions, et avec une abondance qui depuis longtemps eût dû en tarir la source. Quant à moi, ce n'est pas à force de pleurer que mes yeux souffrent au point de m'empêcher d'écrire; c'est l'irritation produite par l'insomnie. Aussi, je vous conjure de rassembler tout ce que vous trouverez de consolations à m'offrir : non pas de celles qu'on puise dans la philosophie et dans les livres, celles-là je puis les tirer de mon propre fonds ; et toutefois je ne sais pourquoi le mal est plus fort que le remède. C'est en Espagne, à Marseille, qu'il faut aller me chercher des consola- 375 tions. Servius m'en apporte d’assez bonnes de ces pays- là. Il paraît même que la nouvelle des deux légions vient de bonne source. Voilà ce qu'il me faut, ou quelque chose de semblable. On ne peut tarder à avoir des nouvelles. — Pour revenir à Servius, nous remîmes notre conversation au lendemain ; mais il ne peut se résoudre à partir; il aimerait mieux attendre les événements dans son lit. La campagne de son fils à Brindes le gène terriblement. Il m'a pourtant énergiquement déclaré que si l'on rappelait les bannis, il s'exilerait lui-même. Je lui ai dit que le rappel aurait lieu infailliblement, qu'on voyait tous les jours des choses de cette force; et j'en multipliais les preuves. Loin de s'affermir dans sa résolution, je vis ses hésitations croître au point que, n'espérant pas le déterminer, j'ai cru devoir lui l'aire mystère de mon dessein. Il n'y a pas réellement de fond à faire sur Servius. Votre avis est bon. Je songerai à l'exemple de Célîus.

[XV] Scr. in Cumano iv Id. Mai. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Servius quum esset apud me, Cephalio cum tuis litteris vi Idus venit; quae nobis magnam spem attulerunt meliorum rerum de octo cohortibus : (etenim hae quoque quae in his locis sunt, labare dicunturà eodem die Funisulanus a te attulit litteras, in quibus erat confirmatius idem illud. Ei de suo negotio respondi cumulate, cum omni tua gratia. Adhuc non satis faciebat : debet autem mihi multos nummos; nec habetur locuples. Nunc ait se daturum, cui expensum tulerit, morari : tabellarius, si apud te esset, quas satisfecissest, dares. Quantum sit, Eros Philotimi tibi dicet. - Sed ad maiora redeamus. [2] Quod optas, Caelianum illud maturescit. Itaque torqueor, utrum ventum exspectem. Vexillo opus est : convolabunt. Quod suades, ut palam; prorsus assentior : itaque me profecturum puto. Tuas tamen interim litteras exspecto. Servii consilio nihil expeditur. Omnes captiones in omni sententia occurrunt. Unum C. Marcellum cognovi timidiorem; quem consulem fuisse paenitet. Ὢ πολλῆς ἀγεννείας ! qui etiam Antonium confirmasse dicitur, ut me impediret; quo ipse, credo, honestius. [3] Antonius autem vi Id. Capuam profectus est : ad me misit, se pudore deterritum ad me non venisse quod me sibi suscensere putaret. Ibitur igitur, et ita quidem, ut censes, nisi cuius gravioris personae suscipiendae spes erit ante oblata. Sed vix erit tam cito. Allienus autem praetor putabat aliquem, si ego non, ex conlegis suis. Quivis licet, dum modo aliquis. [4] De sorore laudo. de Quinto puero, datur opera. Spero esse meliora. De Quinto fratre, scito eum non mediocriter laborare de versura : sed adhuc nihil a L. Egnatio expressit. Axius de xii milibus pudens. Ssaepe enim adscripsit, ut Gallio, quantum is vellet, darem. Quod si non scripsisset, possemne aliter? Et quidem saepe sum pollicitus sed tantum voluit cito. Me vero adiuvarent his in angustiis. Sed dii istos! Verum alias. Te a quartana liberatum gaudeo itemque Piliam. Ego, dum panes et cetera in navem parantur, excurro in Pompeianum. Vectieno velim gratias; quod studiosus sit. Si quemquam nactus eris, qui perferat; litteras des ante, quam discedimus.

387. — A ATTICUS. Cumes, mai.

A. X, 15. Servius était encore chez moi le 6 des ides, quand Céphalion m'a remis votre lettre. La nouvelle des huit cohortes me donne bonne espérance. Les cohortes d'ici sont également, dit-on, prèles à lui échapper. Le même jour, Funisulanus m'a apporté une seconde lettre de vous qui confirmait la première. Je l'ai rendu content au dernier degré pour ce qui le concerne, et je vous en ai laissé tout l'honneur. Il est mon débiteur d'une forte somme, et ne passe pas pour être riche. Mais il sera bientôt, dit-il, en mesure de me payer au moyen d'un remboursement qu'on lui a fait un peu attendre. Vous pourriez charger un messager de cet argent dès qu'il vous sera remis. Éros, l'affranchi de Philotime, vous dira le chiffre exact. — Mais parlons de choses plus importantes : vous serez satisfait; sous peu, l'exemple de Célius portera son fruit. Seulement je suis au supplice. Dois-je ou non attendre les vents favorables? Il ne faut qu'un drapeau : tout le monde va s'y rallier. Vous me conseillez d'agir sans mystère, c'est tout à fait mon avis, et je suis décidé à partir. Écrivez-moi toujours en attendant. Servius ne se décide a rien. Il a objection a tout. Je ne connais de plus peureux que C. Marcellus, qui se repent d'avoir été consul, et qui, dit-on (le lâche!), pousse Antoine à empêcher mon départ, sans doute pour se couvrir de mon manteau, Antoine, au contraire, est parti pour Capoue le 6 des ides, et m'a fait dire que, s'il n'était pas venu me voir, c'était par discrétion, me croyant fâché contre lui. Je partirai donc, et partirai comme vous me le conseillez, à moins que d'ici là il n'y ait quelque chose de mieux à faire. Mais il n'y a pas d'apparence que l'occasion s'en présente de si tôt. Cependant l'opinion du préteur Alliénus est qu'il y a un grand rôle à jouer, et que si ce n'est moi, ce sera un de ses collègues. N'importe qui, pourvu que quelqu'un s'en charge. Je vous approuve pour votre soeur. Le jeune Quintus a tous mes soins, et j'en augure mieux, Quant à mon frère, je vous jure, il est fort tourmenté de sa dette. Mais il n'a encore rien pu tirer de L. Egnatius. Axius y va sans façon avec ses douze mille sesterces. Il m'avait écrit de donner à Gallius tout ce qu'il demanderait; quand il ne me l'eut pas écrit, aurais-je pu m'en dispenser? ne m'étais-je pas mis à sa disposition? mais trouver à l'instant pareille somme! Que je m'avise de compter sur 376 eux, moi, dans mes embarras présents ! Les dieux !e leur rendent! Mais laissons ces gens-là. Enfin vous voilà délivrés de votre fièvre quarte, vous et Pilia. J’ai bien du plaisir à vous en faire mon compliment. Pendant qu'on charge mon vaisseau de vivres et autres provisions, je vais faire une excursion à Pompéi. Remerciez, je vous prie, Vectiénus de ses bonnes dispositions; et s'il se présente une occasion de m'écrire avant mon départ, ne la laissez point échapper, je vous en conjure.

[XVI] Scr. in Cumano prid. Id. Mai. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Commodum ad te dederam litteras de pluribus rebus, quum ad me bene mane Dionysius fuit : cui quidem ego non modo placabilem me praebuissem, sed totum remisissem, si advenisset, qua mente tu ad me scripseras. Erat enim sic in tuis litteris, quas Arpini acceperam, eum venturum facturumque, quod ego vellem. Ego volebam autem, vel cupiebam potius, esse eum nobiscum. Quod quia plane, quum in Formianum venisset, praeciderat, asperius ad te de eo scribere solebam. At ille perpauca locutus, hanc summam habuit orationis : ut sibi ignoscerem; se rebus suis impeditum nobiscum ire non posse. Pauca respondi, magnum accepi dolorem : intellexi fortunam ab eo nostram despectam esse. Quid quaeris? Fortasse miraberis : in maximis horum temporum doloribus hunc mihi scito esse. Velim, ut tibi amicus sit. Hoc quum tibi opto, opto ut beatus sis. Erit enim tamdiu. [2] - Consilium nostrum spero vacuum periculo fore. Nam et dissimulavimus, et ut opinor, acerrime adservabimur. Navigatio modo sit, qualem opto. Cetera, quae quidem consilio provideri poterunt, cavebuntur. Tu, dum adsumus, non modo quae scieris audierisve, sed etiam quae futura providebis, scribas velim. [3] Cato, qui Siciliam tenere nullo negotio potuit, et, si tenuisset, omnes boni ad eum se contulissent, Syracusis profectus est ante diem viii Kal. Mai., ut ad me Curio scripsit. Utinam, quod aiunt, Cotta Sardiniam teneat! Est enim rumor. O, si id fuerit, turpem Catonem! [4] Ego, ut minuerem suspicionem profectionis aut cogitationis meae, profectus sum in Pompeianum a. d. iii Id. ut ibi essem, dum quae ad navigandum opus essent, pararentur. Quum ad villam venissem, ventum est ad me: centuriones trium cohortium, quae Pompeiis sunt, me velle postridie convenire; (haec mecum Ninnius noster) velle eos mihi se et oppidum tradere. At ego abii postridie a villa ante lucem, ut me omnino illi ne viderent. Quid enim erat in tribus cohortibus? Quid si plures? quo apparatu? Cogitavi eadem illa Caeliana, quae legi in epistula tua, quam accepi, simul et in Cumanum veni, eodem die, et simul fieri poterat, ut tentaremur. Omnem igitur suspicionem sustuli. [5] - Sed quum redeo, Hortensius venerat, et ad me Terentiam salutatum deverterat; sermone erat usus honorifico erga me. Tamen eum, ut puto, videbo. Misit enim puerum, se ad me venire. Hoc quidem melius, quam collega noster Antonius, cuius inter lictores lectica mima portatur. [6] Tu quoniam quartana cares, et novum morbum removisti, sed etiam gravedinem, te vegetum nobis in Graecia siste; et litterarum aliquid interea.

388. – A ATTICUS. Cumes, mai.

A. X, 16. Dionysius vint chez moi l'autre jour de grand matin, comme je venais de vous écrire tranquillement sur une foule de choses. Il n'aurait pas eu de peine à me désarmer, et j'étais même disposé à tout oublier; mais il fallait au moins qu'il eût les dispositions que vous m'aviez annoncées. La lettre que j'ai reçue de vous à Arpinum portait positivement qu'il venait se mettre à ma discrétion. Ma volonté ou plutôt mon désir était de le garder. C'est précisément pour m'a voir déjà refusé net à Formies, que je m'étais expliqué sur son compte avec tant d'humeur. Il ne m'a dit que quelques mots, où en somme il me prie de ne pas lui en vouloir, et me déclare que le soin de ses affaires ne lui permet pas de rester. Ma réponse fut bientôt faite. Le trait avait porté. Je sentais le contre-coup de ma mauvaise fortune. Que voulez-vous? Vous auriez beau vous étonner, mes grands chagrins ne m'empêchent pas d'être sensible à celui-ci. Puisse Dionysius rester votre ami ! C'est vous souhaiter que la fortune vous soit fidèle. Tant qu'elle durera, comptez sur lui. — Mon plan, je pense, n'offre aucun danger. Je saurai feindre, et bien prendre mes précautions. Que j'aie seulement le vent pour moi, et, autant que la prudence peut le faire, je réponds de tout. En attendant que je parte, écrivez-moi, je vous prie, non-seulement ce que vous savez et ce qu'on dit, mais encore ce que vous prévoyez de l'avenir. Rien n'empêchait Caton de conserver la Sicile. Sa présence eût suffi pour en faire le rendez- vous de tout ce qu'il y a de gens de bien au monde. Mais Curion m'écrit qu'il a quitté Syracuse le 8 des kalendes de mai. Puisse du moins Cotta se maintenir en Sardaigne, comme on le dit ici! S'il en est ainsi, quelle honte pour Caton ! — Afin de donner le change sur mon départ et mes projets, je suis parti pour Pompéi le 4 des ides, et j'y resterai tout le temps que dureront les préparatifs de la traversée. En y arrivant, on m'annonça que les centurions des trois cohortes en garnison dans la ville devaient venir me trouver le lendemain. Mon ami Ninnius me dit en confidence que leur intention était de me livrer la place. Mais moi je vous ai laissé là Pompéi dès le lendemain avant le jour, afin d'éviter jusqu'à l'ombre d'une entrevue. Qu'est-ce que trois cohortes? et quand il y en aurait eu davantage, avec quoi les entretenir? J'ai songé au sort de Célius, et j'ai pensé tout ce que vous m'en dites dans la lettre que je viens précisément de recevoir en arrivant à Cumes. Peut-être était-ce un piège qu'on me tendait? J'ai ôté prise à tout soupçon. — Pendant que j'étais en route pour revenir, Hortensius est venu faire visite à Tèrentia : il n'a eu à mon sujet que des paroles flatteuses. Je le verrai, je pense ; car il m'a envoyé un de ses esclaves me dire qu'il reviendrait. Voilà un procédé meilleur que celui 377 de mon collègue Antoine, qui promené une comédienne dans sa litière, au milieu de ses licteurs. Quant à vous, puisque la fièvre quarte est partie, que le dernier accès a manqué, et qu'il ne vous en reste même plus de trace, venez avec toute votre santé nous retrouver en Grèce. En attendant, quelques bonnes petites lettres, je vous prie.

[XVII] Scr. in Cumano xvii K Iun. a. 705(49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Prid. Idus Hortensius ad me venit, scripta epistula. Vellem cetera eius. Quam in me incredibilem ἐκτένειαν! qua quidem cogito uti. Deinde serapion cum epistula tua : quam priusquam aperuissem, dixi ei te ad me de eo scripsisse antea, ut feceras. Deinde, epistula lecta,  cumulatissime cetera : et hercule hominem probo; nam et doctum et probum existimo. Quin etiam navi eius me et ipso convectore usurum puto. [2] - Crebro refricat lippitudo, non illa quidem perodiosa, sed tamen quae impediat scriptionem meam. Valetudinem tuam iam confirmatam esse et a vetere morbo et a novis temptationibus gaudeo. [3] Ocellam vellem haberemus. Videntur enim esse haec paullo faciliora. Nunc quidem aequinoctium nos moratur, quod valde perturbatum erat.  Id si ἀκραές erit, utinam idem maneat Hortensius! si quidem, ut adhuc erat, liberalius esse nihil potest. [4] - De diplomate admiraris quasi nescio cuius te flagiti insimularim. Negas enim te reperire, qui mihi id in mentem venerit. Ego autem, quia scripseras, te proficisci cogitare; (etenim audieram nemini aliter licere ;) eo te habere censebam, et quia pueris diploma sumpseras. Habes causam opinionis meae :tamen velim scire, quid cogites, in primisque, si quid etiam nunc novi est. xvii Kal. Iun.

389. — A ATTICUS. Cumes, 16 mai.

A. X, 17. Hortensius est venu me voir la veille des ides, comme je venais de finir ma lettre. Puisse-t-il être toujours ainsi pour moi ! Que de protestations de dévouement I Je compte bien le mettre a l'épreuve. Un moment après, Sérapion m'apporta votre lettre. Avant de l'ouvrir, je dis à Sérapion que vous m'aviez déjà écrit en sa faveur. Je lus ensuite votre lettre, et tout ce que j'ajoutai le combla. Eu effet, c'est, je crois, un excellent sujet, instruit autant qu'honnête. Je pourrai me servir de son navire, et l'engager à s'embarquer avec moi. — Mon mal d'yeux me tourmente sans cesse, non pas au point d'être insupportable, mais assez pour m'empêcher d'écrire. J'apprends avec joie que votre santé est tout à fait remise, et des atteintes de votre dernière maladie, et des ressentiments que vous aviez éprouvés. Je voudrais bien avoir Ocella : tout ici en irait mieux. Maintenant nous ne sommes plus arrêtés que par l'équinoxe, qui est fort mauvais cette aimée. Des que le temps se remettra, je n'aurai qu'un souhait à faire : c'est qu’Hortensius ne change point. On n'est pas meilleur que lui, jusqu'à ce jour. — Vous vous récriez sur mon mot de passe-port, comme si j'avais voulu y entendre malice et vous le reprocher comme un crime. Vous n'imaginez pas, dites-vous, d'où peut me venir une pareille idée. Mais vous m'aviez écrit que vous partiez; j'avais ouï dire qu'on ce pouvait partir sans passe-port. Je trouvais donc tout simple que vous en eussiez un, surtout en ayant pris pour vos gens. Mon observation n'a pas d'autre cause. Mandez-moi, je vous prie, à quoi vous vous déterminez, et n'oubliez pas de me donner des nouvelles. Le 17 des kalendes de juin.

[XVIII] Scr. in Cumano xiv aut xiii K. Iun. a. 705 (49).

CICERO ATTICO SAL.

[1] Tullia mea peperit xiiii Kal. Iun. puerum ἑπταμηναῖον. Quod ηὐτόκησεν gaudeo. Quod quidem est natum, perimbecillum est. Me mirificae tranquillitates adhuc tenuerunt, atque maiori impedimento fuerunt quam custodiae, quibus adservor. Nam illa Hortensiana omnia fuere infantia. Ita fit : homo nequissimus a Salvio liberto depravatus est. Itaque posthac non scribam ad te, quid facturus sim, sed quid fecerim. Omnes enim Κωρυκαῖοι videntur subauscultare quae loquor. [2] Tu tamen, si quid de Hispaniis sive quid aliud, perge, quaeso, scribere; nec meas litteras exspectaris, nisi quum quo opto, pervenerimus, aut si quid ex cursu. Sed hoc quoque timide scribo : ita omnia tarda adhuc et spissa. Ut male posuimus initia, sic cetera sequuntur. [3] Formias nunc sequimur; eodem nos fortasse Furiae persequentur. Ex Balbi autem sermone, quem tecum habuit, non probamus de Melita. Dubitas igitur, quin nos in hostium numero habeat ! Scripsi equidem Balbo te ad me et de benevolentia scripsisse et de suspicione. [3] Egi gratias. De altero ei me purga. Ecquem tu hominem infeliciorem? Non loquor plura, ne te quoque excruciem. Ipse conficior venisse tempus, quum iam nec fortiter; nec prudenter quidquam facere possim.

 

390. — A ATTICUS. Cumes, mai.

A. X, 18. Tullie est accouchée d'un fils à sept mois, le 14 des kalendes de juin. Sa délivrance a été heureuse, à ma grande joie. Mais son enfant est d'une faiblesse extrême. Les calmes qui continuent de me retenir sont incroyables, et me gênent bien plus que la surveillance dont je suis entouré. Les belles paroles d'Hortensius ont abouti à néant, chose assez ordinaire. Ce n'en est pas moins un vilain homme. Son affranchi Salvius l'a perverti. Je ne veux plus vous dire : Je ferai ceci, mais bien : J'ai fait cela; car il me semble qu'il y a des Coryciens (des espions) de tous côtés qui guettent mes paroles. Quant à vous, ne cessez, je vous prie, de m'informer de ce qui pourrait survenir en Espagne ou ailleurs, et n'attendez de lettres de moi que lorsque je serai arrivé à ma destination, à moins que je ne vous écrive un mot en route. Je ne saurais même là-dessus rien vous dire avec certitude, tant j'ai de peine à venir à bout de quelque chose. Les premières mesures ont été mal prises, et la suite s'en ressent. Je songe maintenant à Formies; peut-être y trouverai-je encore les furies ( les troupes de César) sur mon chemin. D'après votre conversation avec Balbus, je renonce à Malte. Est-ce que vous pouvez croire qu'il (César) ne me regarde pas encore son ennemi? J’ai écrit à Balbus au sujet de ce que vous me dites de sa bienveillance et de ses soupçons. Je le remercie sur le premier point; disculpez-moi sur l'autre. Y eut-il jamais, a votre avis, homme plus infortuné que moi? Mais je ne veux pas vous mettra au supplice. Ce qui me désole, c'est d'en être venu à ce point que le courage et la prudence ne peuvent rien pour moi.