Benjamen

BENJAMIN DE TUDELE

 

RELATION DE VOYAGE (partie I) (partie II)

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 


 

BENJAMIN DE TUDELE

RELATION DE VOYAGE[1]

PRÉFACE.[2]

Ce livre est composé des relations qu'a faites un homme juste, Navarrais, nommé R. Benjamin, fils de Jonas de Tudèle, dont la mémoire est en bénédiction. Cet homme a voyagé en plusieurs pays éloignés, ainsi qu'il le rapporte dans ce livre ; et, en quelque lieu qu'il soit allé, il a rapporté ce qu'il a vu ou entendu dire à des personnes dignes de foi, dont la renommée est parvenue jusqu'en Espagne. Il y parle aussi de plusieurs princes et autres grands personnages qui vivaient dans les lieux où il a passé. A son retour, il a apporté cette relation dans la Castille, l'an 933 (1173).[3]

Ce rabbin était un homme d'un esprit profond, très prudent et fort versé dans les lois sacrées. Tous ceux qui ont examiné après lui les choses dont il parle ont trouvé qu'il n'est rien sorti que de véritable de sa boucher car c'était un homme sincère et amateur de la vérité.

RELATION.

[4]ROUTE DE SARAGOSSE A MARSEILLE PAR TORTOSE, TARRAGONE, BARCELONE, GIRONNE, NARBONNE, BEZIERS, MONTPELLIER, LUNEL, POSQUIERS, SAINT-GILLES ET ARLES.

Benjamin de Tudèle, fils du rabbin Jonas de pieuse mémoire, dit:

Je partis (1) d'abord de la ville de Saragosse (2), je descendis l'Ebre pour me rendre à Tortose (3) : de là, après deux jours de marche, j'entrai dans la ville de Tarragone l'ancienne (4). Cette ville était d'une architecture grecque, gigantesque (5); dans toutes les provinces d'Espagne (6), on ne rencontrait aucune construction semblable. Tarragone est située près de la mer, et possède une belle synagogue desservie par le maître Joseph Ebn Palta (7), homme sage et fort instruit.

La ville de Barcelone (8) est à deux journées de là. Elle renferme une sainte réunion d'hommes sages et lettrés, de grands et nombreux chefs (9), tels que les docteurs Schescheth (10), Schealthiel (11) et Salomon fils d'Abraham ben Chasdaï (12), dont le souvenir soit en bénédiction. Barcelone est une ville petite, mais jolie, située sur le bord de la mer. Les négociants y abordent de toutes parts avec leurs marchandises ; de Pise, de Gènes, de la Sicile, de la Grèce, d'Alexandrie en Egypte, de la Palestine, et des pays limitrophes.

De Barcelone à Gironne (13), où se trouve une petite communauté juive, il y a une journée et demie de chemin. Le poète Zerachia le Lévite (14) préside cette communauté.

Narbonne (15) est à trois journées de cette dernière. C'est une ville où la profession de la loi existe depuis longtemps et d'où elle s'est ensuite répandue dans toutes les autres contrées. Elle renferme de grands savants et d'honorables chefs. On y remarque le rabbin Kalonymos (16), fils du fameux prince Théodore de glorieuse mémoire, connu dans sa généalogie comme descendant de la maison de David. Il possède des terres et des biens-fonds qu'il tient de Seigneurs du pays, sans que personne puisse les lui ravir par la force. A la tête des savants de cette cité, se trouvent le rabbin Abraham (17), chef de l'académie, le poète Joseph, fils d'Isaac ben Kimchi (18), le rabbin Machir (19) et le maître Iéhuda (20), ainsi qu'une foule d'autres docteurs de la loi. Narbonne compte aujourd'hui trois cents juifs (21).

A quatre milles (22) de Narbonne est Béziers (23). Les rabbins Salomon, fils de Chalefta, (24) et Joseph, fils de Nathanel (25), sont les chefs d'une congrégation de docteurs de la loi, qui se trouve en cette ville.

De Béziers jusqu'au Mont Gaas (26), plus connue sous le nom de Montpellier, il y a deux journées. C'est un endroit situé à deux milles de la mer et très avantageux pour le négoce. On y vient de tous côtés pour commercer. Les Chrétiens (27) et les Mahométans (28) s'y rendent d'Algarbe (29), d'Espagne, de France, d'Angleterre, appelée le pays des îles (30), de la Lombardie, du royaume de Rome la grande, (31) de la Grèce, de l'Egypte et de la-Palestine ; en un mot, on y trouve des gens de toutes les langues principalement des Génois (32) et des Pisans. Montpellier possède les docteurs les plus célèbres du siècle, dont voici les principaux : les rabbins Ruben, fils de Théodore (33), Nathan, fils de Zacharie (34), Samuel, fils de Moïse (35) leur maître, Salamia (36) et Mardochée d'heureuse mémoire (37). On en distingue de fort riches et très charitables qui soutiennent tous ceux qui invoquent leur secours (38).

Lunel (39) est à quatre milles de Montpellier. Elle renferme Une sainte assemblée d'Israélites, qui s'appliquent jour et nuit à l'étude de la loi. C'est là qu'avait, résidé! le maître Meschulam:(40), ce grand docteur. Ses cinq fils sont aussi érudits que riches, savoir : les rabbins Joseph (41), Isaac, Jacob (42), Ahron (43) et Asser l'Abstème (44), qui s'abstint d'occupations mondaines, s'attacha jour et nuit à l'étude, jeûna et ne mangea jamais de viande. Ce dernier est de plus un grand talmudiste, de même que le rabbin Moïse (45), son beau-frère, le rabbin Samuel l'ancien (46), le maître Salomon Cohen (47) et le docteur Iéhuda le médecin (48), fils du Saül Ebn Tybbon de Grenade en Espagne. Tous ceux qui viennent des pays éloigné pour apprendre la loi, sont nourris et instruits par eux. Ils reçoivent gratuitement de la communauté, tout ce qui leur est nécessaire, pour la nourriture et les vêtements pendant tout le temps qu'ils fréquentent le collège (49). Ce sont des hommes vraiment sages et saints ; ils observent les préceptes, et secourent leurs frères, présents ou éloignés. Lunel au reste est située à deux milles de la mer ; elle renferme à peu près trois cents israélites : que Dieu les protège !

De Lunel à Posquiers (50), il y a deux milles. C'est un grand bourg (51), qui possède environ quarante familles juives, et une célèbre école dirigée par le grand docteur Rabbi Abraham, fils de David (52), d'heureuse mémoire, grand dans ses actions et très savant dans le Talmud et la Bible. Ceux qui, de pays éloignés, viennent chez lui pour s'instruire, trouvent sécurité dans sa maison. Il les instruit gratuitement, et, comme il est très riche, il subvient, même de sa propre bourse, à toutes les dépenses de ceux qui n'ont pas les moyens de le faire eux-mêmes. Les autres savants de Posquiers, sont les rabbins Joseph (53), fils du maître Menachem, Benbenast (54), Benjamin (55), Abraham (56) et Isaac, fils de Moïse (57), dont le souvenir soit en bénédiction!

De là jusqu'au village (58) nommé bourg de St-Gilles (59), il y a trois milles. On trouve, dans ce village, une assemblée de juifs d'environ cent sages; à leur tête, se distinguent les rabbins Isaac, fils de Jacob (60), Abraham., fils de Iéhuda (61), Éléazar (62), Isaac (63), Moïse (64) et Jacob (65), fils du grand docteur Rabbi Lévi. St-Gilles est le rendez-vous des nations et des insulaires des extrémités de la terre (66). Elle est éloignée de trois milles de la mer et située sur les bords du grand fleuve appelé le Rhône, qui coule le long de la Provence. C'est la que demeure le noble maitre Abba-Mari, fils d’Isaac, d'heureuse mémoire, intendant (67) du prince (68) Ramon (69)

A trois milles de St.-Gilles est la ville d'Arles (70). Elle contient à peu près deux cents Israélites, qui ont pour chefs les docteurs Moïse (71), Tobie (72), Isaïe (73), Salomon Dodia:(74), Nathan, le maître,(75) et Abba-Mari de précieuse mémoire (76). D'Arles à Marseille (77) il y à trois journées. C'est une ville d'excellents et savants hébreux, qui forment deux communautés, au nombre de trois cents familles juives. Elles ont leurs habitations sur les bords de la mer, l'une occupant la partie supérieure, l'autre Celle qui lui est immédiatement inférieure, baignée par les eaux. Elles ont une grande académie et des docteurs de la loi fort instruits. Les chefs de la communauté de la ville haute sont les rabbins Siméon, fils d'Antoli (78), Iakob (79), son frère, et Rabbi Lebaro (80). A la tête de la communauté de la ville basse sont le rabbin Iakob Perpiniano (81), le rabbin Abraham (82), le rabbin Meir (83), son gendre, le rabbin Isaac Gaillac (84), Abba-Mari (85) et Meir (86). Marseille est, par son port de mer, une cité très commerçante et très célèbre dans le monde.

NOTES

(1) Vers l’an 1160,c'est ainsi que l'on fixe généralement l'époque du départ de notre voyageur, et c'est en effet environ versée temps-là qu'ont vécus les personnages cités par Benjamin de Tudèle.

(2) Ancienne capitale du royaume d'Aragon, ou Benjamin de Tudèle paraît avoir demeuré.

(3) Dertosa, ville forte et Considérable de la Catalogne, sur la rive gauche de l'Ebre.

(4) Taraco, antique et forte ville de la Catalogne, à 18 l. E. de Tortose. Elle renfermait un grand nombre de monuments antiques, entre autres un cirque, un théâtre, moitié marbre, moitié creusé dans le roc, et un temple dédié à Auguste, On en voit encore quelques ruines aux environs.

(5) Dans l'original cela signifie à la lettre : Construction géantique des Grecs.

(6) Le texte porte Sepharad, nom dont il est parlé dans Abadias I, 20,et que l'auteur de la paraphrase chaldaïque avait traduit par Espagne. Depuis ce temps les rabbins désignent ordinairement ce pays par le nom de Sepharad. Voyez notre Relation d'Eldad le Danite, chap. I, note 1

(7) Ce dernier passage manque dans le texte imprimé des voyages de Benjamin de Tudèle et le nom de Joseph Ebn Palta ne se trouve non plus cité ailleurs ; il y avait bien à cette époque un docteur du nom Joseph ben Plat, mais celui-ci était Français et ne demeurait point en Espagne.

(8) Barcino, ancienne capitale de Catalogne, à 18 l. E. de Tarragone.

(9) Le mot nasi en hébreu signifie proprement chef de Tribu, il se prend quelquefois, aussi dans le sens de noble ou prince.

(10) C'est le célèbre docteur Schescheth, que l'auteur du Tahkémoni, chapitre XLVI, page 63, cite avec elôgès.

(11) Charizi parle également de ce docteur renommé dans son livre Tahkémoni, au même chapitre, page 68.

(12) La famille ben Chasdaï à Barcelone est célèbre par la naissance qu'elle avait donné au fameux Abraham, fils de Samuel ben Chasdaï, poète et littérateur du treizième siècle.

(13) Gerunda, autre ville de la Catalogne, à 10 lieues de Barcelone.

(14) C'est probablement le poète Zerachia ha-Levi ben Ishak Girondi, de qui nous avons encore quelques morceaux de poésies sacrées. Charizi le met an troisième rang des poètes espagnols. (V. Tahkémoni, ms. chap. XII.) Son, fils Ishak ha-Levi ben Zerashia Gerundi, était également un poète distingué.

(15) Benjamin en se rendant en France, n'y visita que les synagogues situées sur la route entre les Pyrénées et Arles, en sorte qu'il ne mentionne point les israélites de Toulouse, Carcassonne et autre ville. Narbonne, la première ville. de commerce, de Languedoc aux VIIIe, IXe, Xe, XIe et, XIIe siècles, avait une communauté juive considérable, qui se livra. non seulement avec ardeur au commerce, mais aussi à l'éludé, témoins, les, docteurs célèbres qu'elle avait produite à cette époque, tels que Todros Narbonni, Abon Narbonni, Merwan ha-Levi, Iakob ben Abon Narbonni, Mosch ben Iakob Narbonni, Ishak ben Merwan ha-Levi, Joseph ben Merwan ha-Levi, Moseh ben Joseph ha-Levi, Abraham ben Ishak Ab-beth-din, etc.

(16) C'est peut-être le rabbin Kalonymos Nasi, de Narbonne, dont l'auteur du Séfer ha-Itor (édit. de Venise, page 95, col. 3), en cite les Réponses Légales.

(17) Il ne faut pas confondre ce docteur avec Abraham ben Ishak Ab-beth-din (note 15), ce dernier est mort en 1159, un an avant le voyage de Benjamin de Tudèle.

(18) Père des célèbres grammairiens David et Moïse Kimchi. On peut consulter sur ce savant de Rossi : Dizion, Stor. degli Autori Ebrei, vol. 1, p. 164.

(19) Il y a eu en France un autre docteur de ce nom, frère du célèbre Gerson Meor ha-Goleh, auteur d'un dictionnaire hébraïque très estimé.

(20) Sans doute le père du rabbin Ishak ben Iéhuda, que Menahem ha-Meïri cite au nombre des savants de Narbonne.

(21) Il est probable que Benjamin veut parler de trois cents pères de famille.

(22) Il paraît par cet endroit que la parasange, dont notre voyageur se sert pour mesurer les distances, sont d'une lieue ordinaire, puisqu'il dit qu'il y a de Narbonne à Béziers quatre parasanges, et qu'il est certain que ces deux villes ne sont éloignées que de quatre lieues.

(23) Biterrae, Bideras ou Bediers était regardée comme le centre de la colonie juive en Languedoc, aussi les juifs furent ils exposés périodiquement à une persécution odieuse. Mais au moment où Benjamin y passa (en 1160) ils se rachetèrent de cette persécution auprès du vicomte Raymond, surnommé Trincavelle. V. Depping, les Juifs dans le moyen âge, p. 57.

(24) Il y a dans l'original imprimé Salomon Chalefta, mais le manuscrit porte Salomon ben Chalefta.

(25) Ce rabbin n'est guère connu que par cette seule citation.

(26) Allusion au Mont Gaas dont il est parlé dans le livre de Josué XXIV, 30. Cet usage d'emprunter des noms de la Bible pour désigner de lieux et d'établissements, a été assez commun dans le moyen âge, non seulement chez les juifs, mais aussi chez les chrétiens, comme, par exemple, Béthanie, Josaphat, etc., que les moines se plaisaient à imposer à leurs monastres. Voyez Hist. Littér. de France, tome XVI, page 122.

(27) Edom, Iduméens, c'est ainsi que les rabbins du moyen-âge nomment généralement les chrétiens. Voyez Basnage, Hist. des juifs, liv. VII, chap. 8.

(28) Ismaël, Ismaélites, nom que les écrivains hébreux donnent ordinairement aux sectateurs de Mahomet, principalement aux Sarrasins.

(29) Algarve, Algarbia, province de Portugal dont la capitale est Tavina.

(30) Consulter sur cette dénomination, qui ne trouve point du reste dans le texte imprimé, Moïse de Coucy, Séfer Mizvoth Gadol, hilch. sabb.

(31) Voyez ci-après chapitre II.[5]

(32) Ubert Foglieta, en parlant du secours que les Génois accordèrent en 1143 à Guillaume VI, fils d'Ermessinde, seigneur de Montpellier, contre qui les habitants de cette ville s'étaient révoltés, fait remarquer aussi que la ville de Montpellier était alors la ville la plus marchande des pays voisins. Monspelium circumjectarum, regionum frequentissimum emporium est. Voyez Genuensium, histor. Lib. 1, ad annum 1143.

(33) Ce docteur n'est pas connu ailleurs.

(34) Rabbin qui paraît être le même que le maître Nathan, l'un des auteurs des Tossaphoth. Voyez Conforti, Koré ha-Doroth, p. 17 b.

(35) Savant que l'auteur de Séfer ha-Iuchasin, édition de Cracovie, p. 123 b., appelle mal à propos disciple de Moseh ha-Darschon.

(36) Il y a un rabbin Salamia mentionné par l'auteur du Séfer ha-Iuchasin, l. c; qui paraît être le même que le nôtre.

(37) J'ignore si ce rabbin Mardochée est le même que le rabbin Mardochée, collaborateur des Tossaphoth. Voyez Conforti, Koré ha-Doroth, p. 17.

(38) Cette expression est prise du psaume CV, 23. On la trouve aussi dans Ezéchiel XXII, 30. Elle s'entend également de ceux qui procurent des secours spirituels pu des secours temporels.

(39) Lunate, ville de Languedoc à 4 l. N. E. de Montpellier Les écrivains hébreux la nomment ordinairement Ierach, Lune.

(40) Célèbre savant; restaurateur des sciences et lettres parmi les israélites de Provence, fils d'un rabbin Iakob. Voyez la notice que j'ai donnée sur ce grand homme dans l'Orient du docteur Fürst, année 1840, Literaturblat, n° 49, page 760. — L'auteur du Séfer ha-Iuchasen, le cite parmi les anciens savants de Languedoc, il est donc à présumer qu'il n'est pas le docteur Meschulam, mort suivant l'auteur de Schebat Iehuda, édit. d'Amsterdam p. 55 en 1170.

(41) Rabbin assez peu connu, ainsi que son frère Isaac.

(42) Ce savant est cité par l'auteur du Séfer ha-Itur; édit. de Venise, p. 36, col. 3.

(43) Docteur cité dès sa jeunesse dans la lettre morale que le docteur Iehuda Ebn-Tybbon avait adressée à son fils Samuel, comme un excellent mathématicien. Ahron ben Meschulam est aussi connu comme, l'un des défenseurs des livres de Maïmonide contre les attaques du rabbin Meir ben Todros de Tolède, qui les condamnait au feu.

(44) Asser, également cité, dans sa jeunesse par Ebn-Tybbon, est auteur d'un ouvrage assez renommé sur les cérémonies et rites de la synagogue.

(45) Ce rabbin Moseh est sans contredit le docteur Mosek ben Iehuda, cité dans la lettre morale déjà mentionnée.

(46) Ha-Sakan, c'est ainsi la leçon de la première édition et du texte du manuscrit, quelques éditions ont Chazan, ce qui est une erreur.

(47) Sous ce nom, il n'y a aucun rabbin de Lunel connu à cette époque.

(48) Au sujet de ce célèbre médecin on peut lire ce que j'ai dit dans l'Histoire de médecins juifs, § XXXII, p. 70.

(49) Ceci ressemble assez aux bourses établies aujourd'hui dans la plupart des Universités, dont les Israélites paraissent avoir donné l'exemple, comme ils sont les fondateurs d'une foule d'autres bonnes œuvres, Concernant l'instruction.

(50) Posquières, Posquiers, Pouquiers, bourg non loin de Vauvert, à trois lieues de Nîmes, autrefois un lieu très considérable, formant là seigneurie de Posquières. Constantin Lempereur.(Not. in itiner. Benjamin). Basnage (Hist. des Juifs, liv. IX, chap.8, n° 33) D. de Vic et D. Vaissete (Hist. gén. de Languedoc, tom. II,.p. 517), et une foule d'autres écrivains jusqu'au Dr Zunz (Geiger 's Wisserisch. Zeitschrift für jüd. Theol., t. II, p. 309), se sont trompés en appliquant à la ville de Beaucaire, l'endroit de la relation de notre voyageur qui concerne le lieu de Posquières ; 1° la position que Benjamin donne à deux lieues de Lunel et à trois lieues de Saint-Gilles, ne peut convenir qu'à Posquières, comme le fait fort bien remarquer Ménage[6] 2° Beaucaire n'est désigné dans les écrits des écrivains hébreux que sous le nom de Belcaire, voyez Charizi, Tahkemoni, chap. XLVI, page 63 ; Minchat Iehuda, page 2, col. 3.

(51) Village, bourg, ou comme Arias Montanus; l'a rendu en latin, Castrum; Constantin Lempereur l'a mal traduit par le mot Civitas.

(52) C'est le célèbre critique de Maïmonide et de Zerachia ha-Levi, mort le 27 novembre 4198.

(53) J'ai cherché en vain dans les biographes hébreux quel pouvait être ce rabbin ; tout ce que j'ai pu trouver c'est qu'à la fin du XIIe siècle il y avait à Posquières, un savant grammairien et interprète nommé Menachem ben Siméon, qui était probablement le neveu de notre Joseph. Dans son commentaire sur Jérémie, manuscrit à la Bibliothèque Royale de Paris. (Fonds Sorbonne n° 85), il dit qu'il était disciple de Joseph Kimchi, et qu'il a terminé son livre à Posquières l'an 4951 (1191). C'est un commentaire littéral et grammatical.

(54) On ne put savoir quel est ce Benbenaste, mais il n'y a aucun doute que ce ne soit un docteur distingué dans son temps.

(55-56) Ce rabbin et le suivant sont eu connus aujourd'hui, l'histoire ne nous a rien laissé sur eux

(57) Il ne faut pas confondre notre docteur avec le rabbin Ishak ben Moseh, cité par Meir Rothenbourg (Questions et réponses légales, n° 753) ; ce dernier était Allemand et vivait plus d'un siècle plus tard.

(58) Magras, village, et non pas Nogrès, qui est une faute d'impression. Cette correction a déjà été proposée par Samuel Petit. Voyez Observat. Lib. III, chap. 1, p. 249.

(59) Bourk Sal Gil, c'est ainsi que Benjamin, qui rapporte ordinairement les noms comme on les prononçait de son temps dans la langue du pays, désigne St.-Gilles.

(60) Il y a plusieurs rabbins de ce nom, entre autres un disciple; du célèbre Rabbi Asser ben Iéchiel. Voyez ses Questions et réponses légales, section LXV, n° 2

(61) Ce savant Abraham ben Iehuda n'est pas l'auteur de Séfer Arbaa-Tourim, celui-ci était de Barcelone et vivait presqu'un siècle après notre rabbin.

(62) Rabbin assez peu connu aujourd'hui.

(63) Aucun biographe rabbinique ne parle de cet Isaac de St.-Gilles.

(64) Sous ce nom personne de St.-Gilles ne nous est connu.

(65) Il ne faut pas confondre ce savant avec Jacob ben Levi, auteur des Questions cabalistiques qui viennent d'être publiées en Turquie, ce dernier florissait en 1203. Voyez Azulai, Schemha-Ghedolim II, lettre Iod, n° 18.

(66) Le port de St-Gilles était aux XIe et XIIe siècles l'un des ports les plus considérables et les plus fréquentés de France. C'est là que la princesse Emma, fille de Roger, comte de Sicile, aborda en 1086, quand elle vint en France pour épouser le roi Philippe Ier qui voulait répudier la reine Berthe (Histor. Roberti Guiscardi, lib. IV, cap. 8). C'est là que le pape Gélase II, chassé d'Italie par l'empereur Henri V, débarqua en 1118 (Paudulgh, in Vita Gelasii II). C'est encore là que le pape Innocent II aborda de même en 1130, lorsque le parti d'Anaclet II, qui prévalait à Rome, l'obligea de se réfugier en France (Baronium, ad ann. 1130). Bertrand, comte de Toulouse, s'y embarqua, en 1109, avec quatre mille chevaliers sur quarante vaisseaux pour passer en Palestine (Hist. Génér. de Languedoc, tom. II, p. 352) et Louis VII vint y prendre terre en 1148, à son retour de Syrie (Du Chesne, tom. IV, p. 527). Enfin les ambassadeurs de Manuel Comnène vinrent y débarquer en 1162, deux ans après le voyage de Benjamin dans cette ville (Ibidem page 612 et 619).

(67) Pekid, inspecteur, homme d'affaires, intendant.

(68) Schilton, prince, en arabe sultan.

(69) C'est Raimond V, comte de Toulouse et de St-Gilles ; il est ainsi nommé suivant le langage qu'on parlait alors, qu'on parle encore aujourd'hui en Languedoc, et que Benjamin a fidèlement rapporté, comme nous l'avons déjà remarqué (ci-dessus, note 13). Quant au mot Damon qui se trouve dans le texte, ce n'est qu'une faute d'impression que l'on a pu aisément commettre en changeant le Resch en Daleth, si ressemblable en hébreu, surtout dans un nom propre inconnu des ouvriers compositeurs. On peut juger d'après ce qu'on vient de dire combien tous les traducteurs, depuis Arias Montanus jusqu'à Baratier, ont malentendu ce passage de notre voyageur.

(70) Arelate. Cette ville de Provence avait été très commerçante tant qu'elle fut le siège du préfet du Prétoire, et pour ainsi dire la capitale des Gaules. Cet avantage se soutint sous les Goths et sous les. Francs, et reprit même de nouvelles forces sous les rois d'Arles. Mais la Provence étant échue à dès Seigneurs particuliers, et la ville d'Arles ayant été obligée de les reconnaître, son commerce tomba, presque entièrement sous ces maîtres trop avides. La plus grande partie passa à St-Gilles, que le voisinage mit à portée d'en profiter et où la protection des comtes de Toulouse qui étaient les souverains et qui étaient puissants et généreux, contribua beaucoup à l'entretenir et à l'augmenter.

(71) Il ne faut pas confondre ce Rabbi Moseh avec le rabbin Moseh ben Iéhuda, d'Arles, qui florissait longtemps avant lui.

(72) Savant qui n'est plus connu ailleurs.

(73) Il y a un poète de ce nom, auteur d'un Tachnun qui commence par ces mots :  ainsi qu'on le voit par l'acrostiche, et d'un Pethicha inédit, mais celui-ci était italien et vivait après notre rabbin.

(74) Ste Dode, Miélan, bourg du département du Gers.

(75) Il est fait mention d'un rabbin Nathan dans le Séfer ha-Itur, page 72.

(76) Il y a un Abba-Mari souvent cité dans le Séfer ha-Itur, mais celui-ci était de Marseille et père de l'auteur de cet ouvrage.

(77) Massilia, à 16 S.-E. d'Arles.

(78) Chef de cette famille célèbre dont nous avons parlé au long dans notre Histoire des médecins juifs, voyez § LXII, page 121.

(79) V. Hist. de méd. juifs, ibidem.

(80) Ce rabbin n'est guère connu que par cette seule citation.

(81) Homme célèbre, mort en 1170 (Schebat Iéhuda, p. 55). Il était fils d'un riche philanthrope, nommé David, et trisaïeul du docteur Muels de Marseille, qui nous donne ainsi la généalogie de ses ancêtres dans la préface de sa traduction du Traité de l'Ame, composé en grec par Alexandre d'Aphrodisée, et traduit du grec en arabe par Ishak ben-Honaïn, manuscrit à la Bibliothèque royale de Paris, supplément N° 15 :

4900 (1140) David le Riche.

4930 (1170) Iakob Perpiniano.

4960 (1200) Salomon.

4990 (1230) Ishak.

5020 (1260) Meschulam.

5050 (1290) Iéhuda.

5080 (1320) Samuel, surnommé Muels de Marseille, écrivit en 1324.

(82-83) Ce docteur ainsi que son gendre rabbi Meir, ne sont point cité par aucun biographe.

(84) Village près de Perpignan.

(85) Probablement fils de Siméon ben Antoli (ci-dessus note 78) et père de deux savants célèbres ; Isaac ben Abba-Mari, auteur de Séfer ha-Itur, et de Iakob, ben Abba-Mari, dont nous avons déjà parlé dans cet ouvrage (voyez page 46).

(86) Rabbin qu'il faut distinguer de son homonyme (note 83), gendre du docteur Abraham.


 

[7]A Marseille l'on s'embarque pour Gènes, ville aussi située sur le bord de la mer, et où on peut arriver en quatre jours. Il n'y a dans cette ville que deux frères juifs, R. Samuel et son frère, lesquels sont de la ville de Sabatha, et fort honnêtes gens.

La ville est ceinte d'une muraille ; ses habitants n'ont point de roi ou de prince qui domine sur eux; mais ils ont des juges qu'ils établissent selon leur bon plaisir. Ils ont chacun une tour à leur maison; ils se font la guerre les uns aux autres; ils sont les maîtres de la mer; ils ont des vaisseaux qu'ils appellent galères, avec lesquels ils vont piller et ravager partout où ils trouvent quelque butin qu'ils emportent ensuite chez eux, à Gênes. Les Génois sont à présent en guerre avec les Pisans.

La ville de Pise est éloignée de celle de Gênes de deux journées. C'est une très grande ville où l'on compte environ dix mille tours aux maisons des citoyens, d'où ils se font la guerre dans le temps de leurs divisions. Ce sont tous des gens vaillants ; ils n'ont ni roi ni prince, mais des juges qu'ils établissent eux-mêmes. On trouve à Pise une vingtaine de Juifs qui ont à leur tête R. Moïse, R. Chajim et R. Joseph, d'heureuse mémoire. La ville n'a point de murailles ; elle est éloignée de la mer de quatre milles, mais elle a des communications avec la ville par le moyen d'une rivière qui la traverse, où les vaisseaux peuvent monter et descendre.

De Pise à Lucques, il y a quatre parasanges.[8] Lucques est une grande ville où l'on voit une quarantaine de Juifs dont les chefs sont R. David, R. Samuel et R. Jacob.[9]

A six journées de cette dernière ville on trouve Rome la grande, cette ville qui est la capitale du royaume d'Édom.[10] Il y a environ deux cents Juifs, tous gens de considération, qui ne payent point tribut à personne, entre lesquels il y en a quelques-uns qui sont ministres du pape Alexandre,[11] ce grand prince qui est établi sur toute la religion d'Edom. On trouve à Rome d'excellents sages, à la tête desquels sont le grand rabbin R. Daniel, et R. Jéchiel, ministre du pape, fort beau jeune homme, prudent et sage, qui entre et sort librement du palais du pape, étant son intendant des finances; il est petit-fils de R. Nathan, auteur du livre d'Aruch et de ses commentaires. Outre ces deux, il y a encore R. Jacob, fils de Salomon, R. Menahem, recteur de l'Académie, R. Jéchiel, qui habite au delà du Tibre, et R. Benjamin, fils de R. Schabtai, d'heureuse mémoire. La ville de Rome a deux parties. Le fleuve du Tibre qui la traverse la sépare en deux parties, l'une en deçà et l'autre au delà de ce fleuve.

Dans la première partie est la grande église qu'on appelle Saint-Pierre de Rome. Là est aussi le palais du grand Jules César, et plusieurs autres édifices et ouvrages qui surpassent tous les autres qui sont dans le monde. Toute la ville, tant ce qui est habité que ce qui est désert, contient l'espace de vingt-quatre milles. On y voit aussi quatre-vingts palais d'autant de rois de grand renom, qui s'appellent tous empereurs, depuis le règne de Tarquin[12] jusqu'au règne de Pipus (Pépin), père de Charles, qui s'est soumis l'Espagne après l'avoir arrachée aux Ismaélites.

Hors de Rome, on voit le palais de Tite, que trois cents sénateurs refusèrent de recevoir, parce qu'il n'avait pas obéi à leurs ordres, employant trois ans à prendre Jérusalem, au lieu qu'ils ne lui en avaient prescrit que deux.

Outre ce palais, on y voit aussi le château ou la forteresse du roi Vespasien, qui est un grand édifiée bien muni. C'est là encore qu'on voit le palais du roi Galbin (Galba), au milieu duquel on voit trois cent soixante tours,[13] selon le nombre des jours de l'année : ces tours ont trois milles de circuit.[14] Dans les temps anciens, il y a eu une guerre entre les Romains, où il y a eu plus de cent mille hommes de tués dans ce palais, dont l’on voit encore aujourd'hui les os pendus. Le roi a fait tailler toute celle histoire en marbre, où l'on voit les deux armées à l'opposite l'une de l'autre, avec les hommes, leurs chevaux et leurs armes, en sorte que dans ce siècle on peut encore voir cette guerre qui s'est faite dans les anciens temps. On voit encore une caverne souterraine où sont le roi et la reine son épouse sur leurs trônes; avec eux, environ cent des principaux grands seigneurs embaumés jusqu'à ce jour.

Dans la Salatisne[15] et dans le temple,[16] il y a deux colonnes d'airain de l'ouvrage du roi Salomon qui repose en terre, et sur chaque colonne est gravé (le nom de) Salomon, fils de David. Les Juifs de Rome m'ont raconté que tous les ans, le neuvième du mois d'ab,[17] ces colonnes suent à grosses gouttes.

Là on voit aussi une caverne où Tite, fils de Vespasien, mit les vases sacrés qu'il avait apportés de Jérusalem. Il y a encore une autre grotte ou caverne sous une montagne, au bord du Tibre, où sont les sépulcres des dix justes d'heureuse mémoire, qu'on appelle les Tués du royaume.[18]

Devant Saint-Jean (de Latran) est taillée l'image de Samson, tenant dans sa main un globe de pierre, comme aussi l'image d'Absalon, fils de David, et celle du roi Constantin qui a bâti Constantine, et l'a appelée de son nom Constantinople. Lui et son cheval sont d'une sculpture d'airain couverte d'or.[19] Il y a encore plusieurs autres édifices et ouvrages de Rome qu'il n'est pas possible de décrire.

De Rome, il y a quatre journées à Capoue; c'est une belle ville bâtie par le roi Capys. Mais les eaux sont très mauvaises et rendent la terre malsaine. Il y a là environ trois cents Juifs, parmi lesquels il y en a de très sages et célèbres partout, dont les principaux sont R. Compasso, R. Samuel son frère, R. Zaken, et ce grand maître R. David, d'heureuse mémoire, qu'on appelle principaux.

De Capoue, on va à Pouzzoles ou Sorrento[20] ; cette grande ville a été bâtie par Tzintzen-Nadar-Eser (Hadar'eser), qui fuyait devant le roi David, qui repose en paix.[21] Mais la mer s’étant débordée a inondé les deux parties de la ville. On y voit encore aujourd'hui les rues et les tours qui étaient au milieu d'elle.[22]

Là est une fontaine qui sort du fond des abîmes ; sur la superficie de ses eaux, on recueille une certaine huile qu'on appelle petroleo, dont on se sert pour des médicaments. On y trouve aussi des bains chauds, dont l'eau sort de la terre au bord de la mer. Il y a deux de ces bains dans lesquels quiconque va se baigner y trouve sa guérison et du soulagement. Tous les malades de Lombardie y viennent durant l'été.

De là, on va pendant quinze milles sous des montagnes ; ouvrage construit par Romudous (c'est-à-dire Romulus), ce roi qui a bâti Rome, lequel fit tout cela pour la peur qu'il eut de David et de Joab son général d'armée. C'est aussi pour la même raison qu'il fit les édifices qui sont au-dessus et au-dessous des montagnes de la ville de Naples.

Naples est une ville très forte, bâtie par les Grecs sur le bord de la mer. Il y a là environ cinq cents Juifs, entre lesquels sont R. Ezéchias, R. Schalom, R. Élie le sacrificateur, et R. Isaac-Mahar-Hahar, d'heureuse mémoire.

A une journée de Naples est la ville de Salerno, où il y a une école de médecins Iduméens ; on y compte environ six cents Juifs, entre lesquels sont les sages suivants : R. Juda, fils de R. Isaac, R. Melchisedech, ce grand maître natif de la ville de Siplionath, R. Salomon le sacrificateur,[23] R. Elie le Grec, R. Abraham de Narbonne, et R. Tiramon. La ville est enceinte d'une muraille, tant du côté de la terre que du côté de la mer. Sur le haut de la montagne il y a une bonne forteresse.

De là il y a une demi-journée à Amalfi,[24] où il y a une vingtaine de Juifs, entre lesquels sont Chananeel le médecin, R. Elisée et Abualgid le prince,[25] d'heureuse mémoire. Les habitants de cette contrée sont tous marchands, et vont çà et là pour négocier. Ils ne sèment point, et ils achètent tout pour de l'argent, parce qu'ils habitent sur des rochers et sur de hautes montagnes; mais, d'un autre côté, ils abondent en fruits, en vignes, en figuiers et en jardins. Personne ne peut leur aller faire la guerre.

D'Amalfi à Bénévent, il y a une journée; c'est une grande ville située sur le bord de la mer et sur une montagne. Il y a là une assemblée d'environ deux cents Juifs qui ont à leur tête R. Kalonyme, R. Zara et R. Abraham, d'heureuse mémoire.

De là il y a deux journées à Makhi (Melfi), dans la Pouille, qui est la terre de Phul,[26] où il y a environ deux cents Juifs qui ont à leur tête R. Achimaaz, R. Nathan[27] et R. Tzadok.

De là à Ascoli il y a une journée; on y trouve une quarantaine de Juifs; à leur tête sont R. Kontilo, R. Tzemach son gendre, et R. Joseph, d'heureuse mémoire.

D'Ascoli à Trani il y a deux journées ; cette dernière ville est sur le bord de la mer ; c'est le rendez-vous ordinaire de ceux qui veulent passer la mer pour aller à Jérusalem, parce qu'il y a là un port très commode. On y trouve une assemblée d'environ deux cents Juifs, dont les principaux sont R. Elie, R. Nathan le prédicateur, et R. Jacob. Cette ville est grande et belle.

A une journée de là est Micilas de Bar,[28] autrefois grande ville, mais qui a été ruinée par Guillaume, roi de Sicile, à cause de quoi il n'y a plus ni Juifs ni gentils.

De là à Tarente il y a une demi-journée ; c'est le commencement du royaume de la Calabre. Ses habitants sont Grecs. C'est une grande ville où l'on compte environ trois cents Juifs, parmi lesquels il y en a de très sages, dont les principaux sont R. Mali, R. Nathan et R. Israël.

A une journée de Tarente est Brindes, sur le bord de la mer, où il y a dix Juifs teinturiers.

A deux journées de là, Otrante, sur le bord de la mer de la Grèce, où il y a environ cinq cents Juifs, qui ont à leur tête R. Ménachem, R. Caleb et R. Mali.

D'Otrante on fait en deux jours le trajet à Okrophus (Corfou), où il n'y a qu'un seul Juif nommé R. Joseph ; jusqu'ici est le royaume de Sicile.[29]

De Corfou, il y a deux jours par mer à la terre de Levatto,[30] où commence le royaume de Manuel, roi de la Grèce. C'est un bourg où il y a environ cent Juifs, à la tête desquels sont R. Schélachia et R. Arkolis ou Hercule.

A deux journées de là est Achilon,[31] où il y a une douzaine de Juifs qui ont pour chef R. Schabtai.

A une demi-journée d'Achilon est Nétolikon,[32] située sur un bras de mer. Après un jour de trajet, on arrive de là à Patras, qui est la ville d'Antipater,[33] roi de la Grèce, qui fut l'un des quatre rois qui s'élevèrent après Alexandre. Il y a à Patras de grands et antiques édifices; il y a aussi une cinquantaine de Juifs qui ont à leur tête R. Isaac, R. Jacob et R. Samuel.

De Patras à Lépante, il y a une demi-journée par mer; on y trouve une centaine de Juifs, sur le rivage de la mer, dont les principaux sont R. Gazri, R. Schalom et R. Abraham, d'heureuse mémoire.

A une journée et demie de là est Cours,[34] où il y a deux cents Juifs, qui sont les seuls habitants du mont Parnasse; ils sèment et moissonnent leurs terres et leurs possessions. Ils ont à leur tête R. Salomon, R. Chajim et R. Jedajah.

A trois journées de là est la ville de Corinthe, où l'on compte environ trois cents Juifs, dont les principaux sont R. Léon, R. Jacob, R. Ézéchias.

A trois journées de Corinthe, on trouve Thèbes, la grande ville. Il y à Thèbes environ deux mille Juifs, lesquels sont les meilleurs ouvriers de la Grèce en soie et en pourpre. Il y a aussi parmi eus des sages très célèbres dans ce siècle, très versés dans le Talmud. A leur tête sont le grand rabbin R. Aaron-Koti, R. Moïse son frère, R. Chaïa, R. Élie Firtino et R. Joktan. Il n'y en a point de semblables à eux dans toute la Grèce, si vous en exceptez la ville de Constantinople.

De Thèbes il y a une journée à Égriphou,[35] grande ville sur le bord de la mer, très fréquentée par les marchands, qui y abondent de tous côtés. On y compte environ deux cents Juifs, qui ont à leur tête R. Psaltiri, R. Emmanuel et R. Caleb. De là il y a une journée à Jabustériza,[36] ville située sur le bord de la, mer, où il y a environ cent Juifs. A leur télé sont R. Joseph, R. Eléazar et R. Isaac: De Robenica,[37] il y a une journée à Sinon-Potmo,[38] où il y a une quarantaine de Juifs, qui ont pour chefs R. Salomon et R. Isaac.

Ici commence la Valachie, dont les habitants demeurent sur les montagnes.[39]

C'est la nation que l'on appelle Valaques; ils courent comme des chevreuils, et descendent des montagnes pour piller et voler dans les terres des Grecs.[40] Personne ne peut monter contre eux pour leur faire la guerre, ni aucun roi dominer sur eux; ils ne suivent point la loi des nazaréens ou chrétiens. Ils se donnent entre eux des noms comme les noms des Juifs; de là vient que plusieurs les croient Juifs. Il y en a même qui appellent les Juifs leurs frères. Quand ils en trouvent, ils les dépouillent bien, mais ils ne les tuent pas, comme ils tuent les Grecs. Ces peuples, au reste, n'ont point de loi.

De là il y a deux journées à Gradigi,[41] ville ruinée où il n'y a que peu d'habitants, tant Juifs que Grecs.

De là il y a deux journées à Armillo,[42] grande ville sur le bord de la mer, fort marchande et fort fréquentée par les Vénitiens, les Génois et les Pisans, et par tous les autres marchands qui y viennent de toutes parts. Le pays est fort grand. On y compte environ quatre cents Juifs, qui ont à leur tête R. Schilo et R. Joseph, le gouverneur de la synagogue.

A une journée de là, Bissina,[43] où il y a une centaine de Juifs qui ont à leur tête R. Schabta, R. Salomon et R. Jacob.

De là il y a deux journées par mer à Salouski,[44] qui a été bâtie par le roi Seleucus, l'un des quatre princes grecs qui se sont élevés après Alexandre. C'est une très grande ville dans laquelle il y a environ cinq cents Juifs, entre autres le grand rabbin R. Samuel et ses fils, disciples des sages. Celui-ci est gouverneur des Juifs et dépend immédiatement du roi[45] ; ensuite viennent R. Schabtai son gendre, R. Élie et R. Michel. Les Juifs captifs sont fort considérables dans cette ville, et ils y exercent diverses professions.

De Salouski il y a deux journées à Métressi,[46] où il y a vingt Juifs, entre autres R. Esaïe, R. Machir et R. Éliab.

A deux journées de là est Darma,[47] où l'on compte cent quarante Juifs, qui ont à leur tête R. Michel et R. Joseph.

De là il y a une journée à Canistoli,[48] où l'on trouve vingt Juifs.

De là il y a trois journées à Abiro (Abydos), située sur le bord de la mer.

Après cinq jours de marche entre les montagnes, on arrive enfin à la grande ville de Constantinople, qui est la capitale de toute la terre des Javanites appelés Grecs. Elle est le lieu de la résidence du roi Manuel,[49] empereur, lequel a douze rois[50] sous son empire, qui ont chacun leur palais à Constantinople. Ils ont aussi des châteaux et des villes et des gouvernements dans tout le pays. Ils ont à leur tête le roi Agripus le Grand[51] ; le second d'entre eux est Méga-Dumestukitz,[52] le troisième Dominot,[53] le quatrième Makdukus,[54] le cinquième Iknomus-Mégli,[55] et ainsi des autres, qui ont de semblables noms.

La ville de Constantinople a dix-huit milles de circuit, de telle sorte qu'il y en la moitié située sur la mer et l'autre moitié sur le continent.[56] Elle est sur deux bras de mer, dont l’un vient de Russie et l'autre de l'Espagne. Les marchands y viennent de tous côtés, de Babylone, de Sinéar, de la Médie, de la Perse, de tout le royaume d'Egypte, de la terre de Chanaan, du royaume de Russie, de la Hongrie, de Phasianke,[57] de Burie,[58] de la Lombardie et de l'Espagne. La ville est fort peuplée, à cause de la foule des marchands qui y abondent de tous côtés, par mer et par terre, en sorte qu'il n'y a point de ville dans le monde qui puisse lui être comparée que Bagdad, cette grande ville qui appartient aux Ismaélites.[59] C'est aussi à Constantinople qu'est le temple de Sainte-Sophie[60] et le pape des Grecs, ces derniers n'étant point soumis aux lois du pape de Rome. On compte autant d'autels que de jours en l'an dans le temple de Sainte-Sophie. On y apporte des richesses immenses des îles, châteaux et villes de tout le pays. Il n'y a aucun temple dans l'univers où l'on trouve tant de richesses que dans celui-là. Au milieu de ce temple, il y a des colonnes d'or et d'argent, et des chandeliers des mêmes métaux en si grand nombre qu'on ne peut les compter.

Il y a aussi un lieu où le roi se divertit, appelé Hippodrome, près de la muraille du palais.[61] C'est là que tous les ans, le jour de la naissance de Jésus le Nazaréen, le roi donne un grand spectacle.

On y représente par art magique, devant le roi et la reine, les figures de toutes les espèces d'hommes qu'il y a dans le monde; on y amène aussi des lions, des ours, des tigres et des ânes sauvages que l'on fait battre ensemble, comme aussi des oiseaux. On ne voit point de tel spectacle dans tout le monde.[62]

Le roi Emmanuel a aussi bâti un grand palais, pour le trône ou le siège de son royaume, sur le bord de la mer, outre ceux qui ont été bâtis par ses ancêtres, et l'a appelé Blachernes, dont il a couvert les colonnes et leurs chapiteaux d'or et d'argent pur, et y a fait graver toutes les guerres que lui et ses ancêtres ont faites.[63] C'est là aussi qu'il s'est fait un trône d'or[64] et de pierres précieuses, au-dessus duquel est pendue une couronne d'or par une chaîne aussi d'or, qui vient justement à sa mesure quand il est assis. Il y a à cette couronne des pierreries d'un si grand prix que personne ne peut les estimer. La nuit, on n'y a pas besoin de lumière, car chacun y voit assez à la faveur de l'éclat que jettent ces pierres précieuses. Il y a là encore plusieurs autres merveilles que personne ne pourrait raconter.

C'est là qu'on apporte tous les ans les tributs de toute la Grèce, dont les tours sont remplies d'habits de soie, de pourpre et d'or. On ne voit nulle part ailleurs dans le monde de tels édifices ni de si grandes richesses ; on dit même que le tribut de la seule ville de Constantinople monte à vingt mille florins d'or par jour, tant de ce qui provient des impôts sur les boutiques, sur les hôtelleries et sur les places des marchés, que de ceux que payent les marchands, qui y abondent de tous cotés par mer et parterre. Les Grecs habitants du pays sont très riches en or et en pierreries. Ils vont habillés de vêtements de soie garnis de franges d'or et d'ouvrages de broderie: à les voir dans cet équipage, montés sur leurs chevaux, on dirait que ce sont autant d'enfants de rois.

Le pays est fort vaste, abondant en pain, en viande, en vin et en toutes sortes de denrées. Personne, dans toute la terre, ne les égale en richesse,

Les Grecs sont aussi très versés et savants dans leurs livres, mangeant et buvant chacun dans sa vigne et chacun sous son figuier.

Ils entretiennent des soldats à gages de toutes les nations, qu'ils appellent barbares, pour faire la guerre au roi des peuples de Togarma,[65] appelés Turcs; car les Grecs eux-mêmes n'ont ni cœur ni courage pour la guerre : aussi sont-ils réputés comme des femmes qui n'ont aucune force pour combattre.

Il n'y a point de Juifs parmi eux dans la ville; on les a transportés au delà d'un bras de mer.[66] Le bras de mer de Sainte-Sophie les environne d'un côté, et ils ne peuvent sortir pour négocier avec les habitants de la ville que par mer.

On compte à Constantinople deux mille Juifs rabbinites, et outre cela cinq cents caraïtes[67] de l'autre côté. Il y a une muraille pour les séparer des rabbinites, qui sont les disciples des sages. A la tête de ceux-ci sont le grand rabbin R. Abtalion, R. Obadias, R. Aaron Chouspo, R. Joseph Sarguino et R. Éliakim, le gouverneur de la synagogue.

Il y a parmi eux des ouvriers en soie, beaucoup de marchands et de gens extrêmement riches. Il n'est pourtant permis à aucun Juif de monter à cheval, excepté au seul R. Salomon l'Égyptien, médecin du roi, par le crédit duquel les Juifs jouissent d'un grand soulagement dans leur captivité, qui d'ailleurs y est très rude. Ils sont surtout fort haïs par les tanneurs qui préparent les peaux, car ils jettent leur eau sale devant les portes des Juifs pour les souiller. En général, les Grecs haïssent tous les Juifs, sans distinction des bons ou des méchants; ils aggravent leur joug sur eux. Quand ils rencontrent des Juifs dans les rues, ils les battent, les traitent cruellement et les tiennent sous une dure servitude. Cependant les Juifs sont riches, gens de bien, charitables, supportant patiemment leur exil. Le lieu où ils habitent s'appelle Péra.

De Constantinople, il y a deux journées par mer à Rodoston,[68] où il y a une assemblée d'environ quatre cents Juifs, dont les chefs sont R. Moïse, Abia et Jacob.

A deux journées de là est Gallipoli, où l'on compte environ deux cents Juifs, à la tête desquels sont R. Élie Caphid, R. Schabtai Zutra et R. Isaac Mégas; car en Grèce on appelle mégas tout ce qu'on veut honorer.

De là il y a deux journées à Cals (ou Kilia),[69] où il y a une cinquantaine de Juifs, dont les chefs sont R. Juda, R. Jacob et R. Schémaia.

De là il y a deux journées à Mitylène,[70] où il y a des assemblées d'Israélites en dix endroits.

De là il y a trois journées à Chika (Chio), où il y a environ quatre cents Juifs, à la tête desquels sont R. Élie Teman et Schabtai. C'est là que sont les arbres d'où l'on recueille le mastic.[71]

A deux journées de là est l'île de Samos, où il y a environ trois cents Juifs, qui ont à leur tête R. Schémaria; R. Obadia et R. Joël, il y a dans toute cette île plusieurs assemblées d'Israélites.

De là il y a trois jours par mer à Rhodes, où il y a environ quatre cents Juifs, à la tête desquels sont R. Abba, R. Chananeel et R. Élie. A quatre journées de là est Dophros (Chypre), où il y a une assemblée de Juifs rabbinites. Il y a aussi là d'autres Juifs, hérétiques chypriens, qui sont épicuriens.[72] Les Israélites les excommunient partout : ils profanent le soir du sabbat et honorent le soir du premier jour.

De là il y a deux journées à Corcos (Corycus), aujourd'hui Korghos, le commencement du royaume d'Édom[73] appelé l'Arménie. C'est là que commence le royaume de Tourous,[74] seigneur des montagnes et roi d'Arménie, lequel règne jusqu'à la province de Dukim (Adiabene) et jusqu'au pays des Togarmites, qu'où appelle Turcs.

De là il y a trois jours à Malmistras[75] ou Tursis (Tersoos), située sur le bord de la mer.[76] Jusqu'ici s'étend le royaume des Javanites, qu'on appelle Grecs,

De là il y a deux jours à Antioche la Grande, située sur le fleuve Pir, torrent de Jabok, qui descend du mont Liban, de la terre de Hamath (Chamath). Cette grande ville a été bâtie par le roi Antiochus.

Au-dessus de la ville, il y a une fort haute montagne, ceinte d'une muraille. Au sommet de la montagne est une fontaine, laquelle a sur elle un homme établi pour conduire l'eau de cette fontaine, par des canaux souterrains, dans les maisons des grands de la ville. L'autre côté de la ville est arrosé par la rivière. Cette ville, au reste, est très forte et sous la domination des irrupteurs.[77] La foi dominante y est celle des Poitevins, qui est celle du pape. Il y a là quelques Juifs ouvriers en verre, qui ont à leur tête R. Mardochée, R. Chajim et R. Ismaël.

A deux journées de là est Liga,[78] ou Laodicée, fondée par Seleucus Nicator, où il y a environ deux cents Juifs, entre lesquels sont R. Chiia et R. Joseph.

De là il y a deux journées à Gébal, ou Bagdad (Ba'al-Gad), sous le mont Liban.

Près de Gébal est le peuple qu'on appelle Alhashishin.[79] Ces gens ne sont pas de la religion des Ismaélites, mais de celle d'un certain Cambat (Kharmath),[80] qu'ils tiennent pour un prophète. Ils obéissent à tout ce qu'il dit, soit pour la vie, soit pour la mort, ils l'appellent Scheich-al-Hassissin (Sheikh-al-Hashishing). C'est un vieillard établi sur eux, par l'ordre duquel ces montagnards vont et viennent. Le lieu de sa résidence est la ville de Karmos, qui était autrefois dans le pays de Sihon.[81] Ils sont très religieux observateurs de leur foi entre eux par l'ordre de leur vieillard. Ils se rendent formidables partout, parce qu'ils assassinent les rois avec une espèce de scie.[82] On peut marcher huit journées sur leurs terres. Ils sont en guerre avec ces Edomites qu'on appelle Francs, et avec le sultan de Tripoli, ou Taraboulous de Scham.[83]

Il n'y a pas longtemps qu'il y a eu à Tripoli un tremblement de terre où plusieurs gentils et Juifs ont été ensevelis sous les ruines des maisons qui tombaient sur eux. Ce tremblement de terre s'est aussi fait sentir en même temps dans tout le pays d'Israël, où il a péri plus de vingt mille personnes. A une journée de là, il y a une autre Gébal,[84] qui est sur les frontières du pays des enfants de Hammon (Ammon), où il y a environ cent cinquante Juifs. Elle est sous la domination de sept Hégénotes (Génois), dont le sultan (chef) s'appelle Giliano-Enviremo (Julianus Embriaco).[85] C'est là qu'on trouve la place où était autrefois le temple des enfants de Hammon. C'est aussi là qu'était leur abomination, c'est-à-dire leur idole, assise sur un trône fait de pierre, mais couvert d'or. Il y avait aussi deux femmes assises, l'une à sa droite et l'autre à sa gauche, et un autel vis-à-vis, où l'on offrait le parfum et où l'on sacrifiait en leur présence du temps des Ammonites. Il y a là environ deux cents Juifs, à la tête desquels sont R. Meir, R. Jacob et R. Sinha. Elle est sur le bord de la mer du pays d'Israël.

De là il y a deux journées à Biroth, qui est Beerouth, où il y a une cinquantaine de Juifs, qui ont à leur tête R. Salomon, R. Obadia et R. Jacob.[86]

De là il y a une journée à Tsaïd, ou Sidon la grande ville, où il y a une vingtaine de Juifs.

A dix milles de là est une nation qui fait la guerre aux Sidoniens. On appelle Ces gens-là Dogziens[87] ; on les nomme aussi Paganous, ou villageois, ou bien Paganous, ou païens. C'est un peuple sans religion qui habite sur de hautes montagnes et dans les cavernes des rochers. Ils n'ont ni roi ni prince qui domine sur eux. Ils vivent libres entre leurs montagnes et leurs rochers, qui s'étendent jusqu'à la montagne de Hermon, le chemin de trois jours. Ils sont plongés dans le vice, et se marient avec leurs propres filles. Ils ont une certaine fête dans l'année, en laquelle hommes et femmes s'assemblent pour boire, et alors ils changent de femmes les uns avec les autres. Ils disent, lorsque l'âme sort du corps : « Si c'est l'âme d'un homme de bien, elle entre dans le corps de quelque petit enfant qui naît au même moment qu'elle sort de son corps précédent; mais si c'est l'âme d'un méchant homme, elle entre, selon eux, dans le corps d'un chien ou de quelque autre animal. » Telle est la folle erreur de ces gens-là. Il n'y a point de Juifs parmi eux, sinon qu'il y a quelquefois chez eux des teinturiers ou des ouvriers juifs qui y demeurent quelque temps pour y travailler ou négocier; après quoi ils s'en retournent en leur maison. Ces peuples aiment les Juifs. Au reste, ils grimpent les montagnes et les collines avec une vitesse extraordinaire, et personne n'ose les aller attaquer.

A une journée de là est Tyr la nouvelle, ville extrêmement belle, avec un port très commode au milieu d'elle, où abordent les vaisseaux entre deux tours. Les péagers jettent, la nuit, entre ces deux-tours des chaînes de fer, en sorte que personne n'y peut venir, soit sur un vaisseau, soit autrement, pour voler quelque chose des vaisseaux qui y sont. Il n'y a point de port sur toute la terre si sûr et si commode. Il y a dans cette belle ville environ quatre cents Juifs, entre lesquels il y en a de très savants dans le Talmud. A leur tête sont R. Éphraïm l'Égyptien, juge ; R. Meir, de Carcassonne, et R. Abraham, chef de la synagogue. Les Juifs ont aussi des vaisseaux à eux sur mer. Là sont aussi les ouvriers qui font ce beau verre de Tyr si renommé par toute la terre. C'est aussi à Tyr que l'on trouve la meilleure pourpre.[88]

Si l'on monte sur les murailles de la nouvelle Tyr, on découvre de là Tyr la couronnée, couverte de la mer, qui n'est éloignée de la nouvelle que d'un jet de pierre. Si l'on y va avec un vaisseau, on voit au fond de la mer les tours, les palais, les places et les rues de cette ancienne ville. Au reste, la nouvelle Tyr est une ville fort marchande où l'on aborde de toutes parts.

De Tyr il y a une journée à Akdi, ou Acco,[89] autrefois les limites de la tribu d'Aser et le commencement de la terre d'Israël. Elle est située sur le bord de la grande mer. Elle a un grand port, où abordent tous ceux qui ont fait vœu d'aller à Jérusalem et qui y vont par mer. Il passe devant la ville une rivière appelée le torrent de Kadoumin.[90] Il y a là environ deux cents Juifs, à la tête desquels sont R. Tzadok, Japhet et Jonas, d'heureuse mémoire.

De là il y a trois parasanges à Niphesch, qui est Gad-Hachepha,[91] sur le bord de la mer. A un des côtés de la ville est la montagne de Carmel, au sommet et au pied de laquelle sont plusieurs tombeaux des Israélites,

Dans la montagne même est la caverne ou la grotte d'Élie, d'heureuse mémoire, où deux Iduméens ont bâti une église ou chapelle qu'ils appellent Saint-Elie. Au sommet de cette montagne, on reconnaît encore les vestiges de l'autel qu'Élie, d'heureuse mémoire, démolit et rebâtit au temps d'Achab. L'endroit de cet autel est rond et s'étend environ l'espace de quatre coudées.[92] Au pied de la montagne, à côté, coule le torrent de Céson.[93]

A quatre parasanges de là est Capernaüm, c'est-à-dire bourg ou village de consolation. Il semble au premier coup d'œil que cette ville est sur le Carmel.[94]

De Capernaüm il y a six parasanges à Gad des Philistins, ou Césarée. Il y a dans cette ville dix Juifs et deux cents Cuthéens, ou Juifs de Schomron, c'est-à-dire de Samarie, appelés vulgairement Samaritains. Césarée est une très belle et bonne ville, sur le bord de la mer, bâtie par le roi-empereur César, qui l'a appelée Césarée de son nom.[95]

A une demi-journée de là est Kakko[96] ou Kéhila. On n'y trouve aucun Juif.

De là il y a une demi-journée à Sargorg,[97] ou Luz. Il n'y a qu'un seul Juif, teinturier, dans cette ville.

A une journée de cette ville est Sébaste, ou Samarie. On y reconnaît encore les vestiges du palais d'Achab, roi d'Israël. Samarie est une ville très forte, située sur une montagne et arrosée de fontaines. Le terroir est entrecoupé de ruisseaux et abonde en jardins, en vergers, en vignobles et en oliviers ; mais on n'y trouve point de Juifs.

De Samarie il y a deux parasanges à Naplouse, ou Sichem, sur la montagne d'Ephraïm. Il n'y a point ici de Juifs. La ville est située entre les montagnes de Garizim et d'Ébal, dans une vallée. On y compte environ cent Cuthéens, qui ne gardent que la loi de Moïse, et qu'on appelle Samaritains. Ils ont des sacrificateurs de la postérité d'Aaron le sacrificateur, qu'ils appellent Aaronites. Les Samaritains ne donnent point leurs filles aux sacrificateurs, ceux-ci ne prenant pour femmes que des filles de race sacerdotale, pour ne pas se confondre avec le peuple. Cependant ces sacrificateurs de leur loi sacrifient et offrent des holocaustes, dans l'assemblée qu'ils ont sur le mont Garizim, comme il est écrit dans le livre de la loi (Deut., XI, 20) : « Tu donneras la bénédiction, sur la montagne de Garizim. » C'est pourquoi ils disent que c'est la maison du sanctuaire. Ils offrent des holocaustes le jour de Pâques et les autres jours de fête sur un autel bâti sur le mont Garizim, de ces pierres dont les Israélites ont dressé un monument lorsqu'ils passèrent le Jourdain. Ils se disent de la tribu d'Ephraïm. Ils ont parmi eux le sépulcre du sage Joseph, fils de Jacob, notre père, selon ce qui est dit (Jos., XXIV, 32) : « On ensevelit à Sichem les os de Joseph, que les Israélites avaient apportés d'Egypte.[98] »

Les Samaritains n'ont pas ces trois lettres , cheth et ajin. Ils n'ont point de dans le nom d'Abraham, notre père; c'est pourquoi ils n'ont point de gloire. Ils manquent du cheth dans le non d'Ischak, notre père; c'est pourquoi ils n'ont point de piété. Enfin ils n'ont point de ajin dans le nom de Jacob, notre père, et, par conséquent, ils manquent aussi d'humilité. Au lieu de ces trois lettres, ils mettent un aleph, par où ils font connaître qu'ils ne sont pas de la postérité d'Israël : ils ont la loi de Moïse, excepté ces trois lettres.[99] Ils se gardent soigneusement de la souillure des morts, des os dos tués par accident, et des sépulcres. Lorsqu'ils vont à leur synagogue, ils dépouillent leurs habits ordinaires, et, après s'être lavé le corps avec de l'eau, ils en prennent d'autres. C'est ainsi qu'ils en usent toujours. Au reste, il y a des fontaines et des vergers sur le mont Garizim; mais celui d'Ébal est sec comme les pierres et les rochers. La ville de Sichem (Naplouse) est dans une plaine entre deux montagnes.

A quatre parasanges de là est la montagne de Gilboa,[100] que les Édomites appellent monte Gilboe, qui est terroir fort aride.

De là il y a cinq parasanges à la vallée d'Ajalon, appelée par les Iduméens val de Luna.

De cette vallée est éloignée à une parasange la montagne de Moria-Grandariel,[101] qui est la grande ville de Gabaon, où il n'y a point de Juifs.

De Gabaon, il y a trois parasanges à Jérusalem. C'est une petite ville munie de trois murailles et fort peuplée de Jacobites, de Syriens, de Grecs, de Géorgiens et de Francs de toute langue et nation. Il y a une maison où l'on fait de la teinture, que les Juifs possèdent, ayant eux seuls le droit de faire de la teinture, moyennant une certaine somme qu'ils payent tous les ans au roi. On compte dans cette ville environ deux cents Juifs,[102] qui demeurent sous la tour de David, dans un coin de la ville. Pour ce qui est de la muraille de la tour de David, il ne reste environ que dix coudées de haut sur les fondements de cet ancien édifice bâti par nos pères. Tout ce qui est au-dessus est l'ouvrage des Ismaélites. Il n'y a point d'édifice dans toute la ville plus fort que cette tour.

Il y a encore à Jérusalem deux hôpitaux d'où sortent quatre cents chevaliers, et où l'on reçoit tous les malades qui y viennent, auxquels on fournit tout ce qui leur est nécessaire soit pour la vie, soit pour la mort. On appelle le second hôpital de Salomon. C'a été le palais qu'a bâti le roi Salomon autrefois. Dans celui-ci demeurent et en sortent quatre cents chevaliers toujours prêts pour la guerre, outre les chevaliers qui viennent du pays des Francs et des Édomites, qui ont fait des vœux, et qui y restent quelques années, jusqu'à ce que leur vœu soit accompli.

Là est aussi ce grand temple qu'on appelle Sepolcro, qui est le tombeau de cet homme.[103]

Il y a à Jérusalem quatre portes : la porte d'Abraham, la porte de David, la porte de Sion et la porte de Josaphat, vis-à-vis de la maison du Sanctuaire, qui était là autrefois.[104] C'est la qu'est te temple Domino,[105] qui a été autrefois un lieu sacré sur lequel Omar, fils d'Alcata,[106] avait bâti une grande et parfaitement belle voûte, où les gentils n'osent point mettre d'images, ni aucune ressemblance, mais y viennent seulement pour y faire leurs prières.

A l'opposite de cet endroit, à l'occident, est une muraille qui est un reste de celle du temple, et même du Saint des Saints ; on l'appelle la porte de Miséricorde. Tous les Juifs vont prier devant cette muraille, à l'endroit où était le parvis.[107]

Il y a encore à Jérusalem, dans cette maison qui a été autrefois à Salomon, les écuries que ce roi a fait bâtir : c'est un bâtiment très solide, tout de grandes pierres ; on ne voit nulle part ailleurs un bâtiment semblable.

On y voit encore aujourd'hui le canal où l'on égorgeait autrefois les victimes. Tous les Juifs y écrivent leurs noms sur la muraille.

En sortant de la porte de Josaphat, on trouve le désert des peuples, où est la statue appelée Jad-Absçalom,[108] le sépulcre du roi Ozias, et la grande fontaine des eaux de Siloé, auprès du torrent de Kédron. Sur la fontaine est un grand édifice bâti du temps de nos pères; on n'y trouve que fort peu d'eau, la plupart des habitants de Jérusalem ne buvant que de l'eau de pluie, qu'ils reçoivent dans les citernes qu'ils ont dans leurs maisons.

De la vallée de Josaphat on va à la montagne des Oliviers, qui n'est séparée de la ville que par cette vallée.

De cette montagne on découvre la mer de Sodome, qui n'est éloignée que de deux parasanges de la statue de sel en laquelle fut changée la femme de Loth. Quoique les troupeaux qui passent lèchent continuellement cette statue, elle recroît néanmoins toujours et devient comme elle était auparavant; on voit aussi de là toute la plaine et le torrent de Sittim, jusqu'au mont Nébo.

Devant Jérusalem est la montagne de Sion, sur laquelle il n'y a point d'autres édifices qu'on temple des nazaréens ou chrétiens. Il y a encore devant Jérusalem trois espèces de cimetières des Israélites, où ils ensevelissaient autrefois leurs morts, entre lesquels il y a un tombeau qui a sa date gravée. Mais les Iduméens les démolissent et en tirent les pierres pour bâtir leurs maisons.

Tout autour de Jérusalem il y a de grandes montagnes. Sur le mont de Sion sont les sépulcres de la maison de David et des rois qui ont régné après lui. Mais personne ne connaît cet endroit; car il y a environ quinze ans qu'une muraille du temple qui est sur le mont de Sion étant tombée, le patriarche ordonna au prêtre de rebâtir cette église, et lui dit de prendre des pierres de l'ancien mur de Sion pour cet effet, ce que ce prêtre se mit aussitôt en devoir de faire. Il laissa une vingtaine d'ouvriers qui arrachaient les pierres des fondements de la muraille de Sion. Parmi ces ouvriers, il y en avait deux, entre autres, très bons et très fidèles amis. Un jour un de ces deux ayant régalé son camarade, et tous deux étant retournés un peu tard à leur ouvrage, celui qui les commandait leur dit : « Pourquoi venez-vous si tard? » A quoi ils répondirent : « Qu'est-ce que cela te fait? nous travaillerons pendant que nos camarades iront manger. » En tirant donc de ces pierres, ils en tirèrent entre autres une sous laquelle ils trouvèrent l'entrée d'une caverne ou grotte. Là-dessus ils se dirent l'un à l'autre : « Allons voir si nous trouverons quelque trésor. » Ils entrèrent donc dans la caverne jusqu'à ce qu'ils parvinrent à un grand palais, bâti sur des colonnes de marbre, tout couvert d'or et d'argent. D'abord s'offrit à leur vue une table et un sceptre d'or, avec une couronne d'or. C'était le tombeau de David, roi d'Israël; à la gauche était celui de Salomon ; et de même ceux de tous les autres rois de Juda qui y ont été ensevelis. Il y avait aussi des coffres fermés, et personne ne sait ce qu'ils contiennent. Ces deux hommes voulurent entrer dans le palais ; mais voici qu'un vent impétueux, qui venait de l'entrée de la caverne, les terrassa de telle sorte qu'ils tombèrent à terre comme morts, et demeurèrent là jusqu'au soir. Alors s'éleva un autre vent, et comme une voix d'homme qui leur cria : « Levez-vous, sortez d'ici! » Ces ouvriers, tout effrayés, se hâtèrent de sortir, et vinrent raconter le tout au patriarche. Celui-ci fit venir de Constantinople R. Abraham Chasid, ou le Pieux, un de ceux qui pleurent Jérusalem,[109] et lui raconta tout ce qui était arrivé à ces deux hommes. R. Abraham répondit: « Ce sont les tombeaux des rois de la maison de David et des rois de la maison de Juda. » Le lendemain, on renvoya s'informer vers ces deux hommes, qu'on trouva l'un et l'autre gisant dans leurs lits et disant : « Nous n'avons garde de retourner en se lieu, car l'Éternel ne veut pas que personne voie ces choses. » Alors le patriarche fit boucher l'entrée de la caverne, pour cacher cet endroit aux hommes jusqu'à ce jour. R. Abraham le Pieux m'a conté lui-même toute cette histoire.

De Jérusalem il y a deux parasanges à Bethléem, ou la maison de pain de Juda.

A un demi-mille de cette ville est le monument du sépulcre de Rachel, dans un chemin fourchu. Ce monument est composé de onze pierres, selon le nombre des enfants de Jacob. Au-dessous il y a une voûte soutenue par quatre colonnes. Tous les Juifs qui passent par là écrivent leurs noms sur les pierres de ce monument.

A Bethléem, il y a douze teinturiers juifs. Le pays est arrosé de plusieurs torrents, puits et fontaines.

De Bethléem à Hébron il y a six parasanges. Cette ville, située autrefois sur une montagne, est maintenant déserte et ruinée. La ville d'aujourd'hui est dans la vallée. Dans la plaine de Macpéla il y a un grand temple appelé Saint-Abraham, qui du temps des Ismaélites était une synagogue des Juifs. Les gentils, c'est-à-dire les chrétiens, y ont bâti six tombeaux sous les noms d'Abraham et de Sara, d’Isaac et de Rébecca, de Jacob et de Léa ; ils disent aux voyageurs que ce sont les sépultures de ces patriarches, et en tirent de l'argent; mais s'il vient un Juif qui donne de l'argent au portier de la caverne, on lui ouvre une porte de fer faite du temps de nos pères ; alors, descendant avec des flambeaux à la main, ils ne trouvent rien dans la première ni la seconde caverne ; mais, venant à la troisième, ils y trouvent les six tombeaux d'Abraham et de Sara, d'Isaac et de Rébecca, de Jacob et de Léa, vis-à-vis les uns des autres. Chacun a son inscription propre. Sur le tombeau d'Abraham est cette inscription : « Ceci est le tombeau d'Abraham, notre père, qui repose en paix. » Et de même sur le tombeau d'Isaac et sur les autres. Il y a une lampe allumée, dans la caverne, qui brûle jour et nuit sur les tombeaux. On y voit aussi des tonneaux pleins des os des Israélites, qui apportaient là chacun des morts et les os de leurs ancêtres, qui sont encore là jusqu'à ce jour.

Au bout du champ de Macpéla[110] est la maison d'Abraham, notre père, et devant la maison il y a une fontaine. Il n'est pas permis de bâtir là d'autre maison, par respect pour Abraham.

D'Hébron à Beith-Gabren,[111] ou Marescha, il y a cinq parasanges; il n'y a là que trois Juifs.

A cinq parasanges de là est Toron-Dolos-Gabra-Larisch,[112] ou Sunem ; on y trouve trois cents Juifs.

De là il y a trois parasanges à San-Samuel de Scilo,[113] éloignée de Jérusalem de deux parasanges. Lorsque les Édomites (chrétiens) prirent Rimla (qui est Rama) sur les Ismaélites, ils trouvèrent prés de la synagogue des Juifs le tombeau de Samuel de Rama ; alors ils en tirèrent le corps, le transportèrent à Scilo, et bâtirent dessus un grand temple qui subsiste encore sous le nom de San-Samuel de Scilo.

A trois parasanges de Scilo on trouve le mont Morija, ou Resipuah,[114] qui est Gibéath de Saül, ou Gibéa de Benjamin, où il n'y a point de Juifs.

De là il y a trois parasanges à Beth-Nobi (Beith-Nubi), ou Nob, ville des sacrificateurs ; au milieu du chemin sont les deux rochers de Jonathan,[115] dont l'un s'appelle Botzetz et l'autre Séna. Il n'y a là que deux Juifs, teinturiers.

De là il y a trois parasanges à Ramas, qui est l'ancienne Rama. On y voit encore des murailles bâties du temps de nos pères, car c'est ainsi que nous l'avons trouvé écrit sur les pierres. Il n'y a là que deux ou trois Juifs. C'était autrefois une très grande ville. On y voit encore un cimetière des Israélites qui a trois milles de circuit.[116]

A cinq parasanges de là est Gapha, ou Japho (Jaffa), sur le bord de la mer, où il n'y a qu'un seul Juif, teinturier.

De là à Eblin ou Jasné[117] il y a trois parasanges. On y voit encore le lieu de l'école,[118] mais il n'y a plus de Juifs. Jusqu'ici s'étendent les limites d'Éphraim.[119]

De Jasné il y a deux parasanges à Palmis, ou Asdod[120] des Philistins. Cette ville est ruinée, et il n'y a point de Juifs.

De là il y a deux parasanges à Askelona ou Ascalon la Nouvelle, bâtie par Esdras le sacrificateur, d'heureuse mémoire, sur le bord de la mer. On l'appelait au commencement Bénibra. Elle est éloignée de quatre parasanges de l'ancienne Ascalon, qui est déserte. C'est une grande et belle ville qui, étant située à l'extrémité des frontières de l'Egypte, est très fréquentée pour le commerce. On y compte environ deux cents Juifs rabbanites, qui ont à leur tête R. Tzemach, R. Aaron et R. Salomon. Il y a aussi une quarantaine de Karréens et environ trois cents Cuthéens ou Samaritains. Au milieu de la ville il y a un puits qu'on appelle Bir-Abraham-al-Calil, qui a été creusé du temps des Philistins.[121]

D'Ascalon[122] on va à Segoures ou Lud, et, en une journée et demie, on arrive à Zarzin (Serain) ou Izréel, où il y a une grande fontaine[123] et un seul Juif, teinturier.

A trois parasanges de Zarzin est Schiphouria,[124] autrefois Tsippori, où est le sépulcre de notre rabbin le saint,[125] et de R. Chija, qui est venu de Babylone, et celui de Jonas le prophète, fils d'Amittai. Ces tombeaux sont sur la montagne avec plusieurs autres.[126]

A cinq parasanges de là est Tibérias,[127] située sur le Jourdain, qui y prend le nom de mer de Cinnéreth ou de Génézareth, car le Jourdain se jette dans cette mer, et ensuite va se perdre dans la mer Salée, dans la plaine appelée Asded-Happisga ; c'est la mer de Sodome, ou la mer Salée. Il y a à Tibérias environ cinquante Juifs, qui ont à leur tête R. Abraham le voyant, R. Muctar et R. Isaac,

Il y a aussi des bains chauds qui sortent du fond de la terre, et qu'on appelle bains chauds de Tibérias; tout près de là est la synagogue de Caleb, fils de Jephuné, et un cimetière des juifs où sont les tombeaux de R. Jochanan, fils de Zaccaï, et de R. Jonathan, fils de Lévi. Tout cela est dans la Galilée inférieure.

De Tibérias il y a deux journées à Timin (Tebnin) ou Timnatha,[128] où sont les tombeaux de Samuel le Juste[129] et de plusieurs autres Israélites.

De là il y a une journée à Aschat, autrefois Guseb-Chalab,[130] où il y a une vingtaine de Juifs.

A six parasanges de là est Marandite, autrefois Meron;[131] près de là est une grotte ou caverne, où sont les sépulcres d'Hillel et de Schammaï, et de vingt d'entre leurs disciples, de même que ceux de R. Benjamin, fils de Japhet, et de R. Joda, fils de Betira.

De là il y a six parasanges à Alma, où il y a une cinquantaine de Juifs et un grand cimetière des Israélites.

A une demi-journée de là est Kadis ou Kades-Nephtali, sur le bord du Jourdain[132] où sont les tombeaux de R. Éléazar, fils d'Arach, de R. Eléazar, fils d'Azaria, aussi bien que ceux de Chouni-Hammaegal, de Raschbag, de R. José le Galiléen, et de Darak, fils d'Abianoum. Il n'y a là, au reste, point de Juifs.

De là il y a une journée à Balinos (Belinas), autrefois Dan. C'est là qu'est la caverne d'où sort le Jourdain,[133] qui, après un parcours de trois milles, se joint à l'Arnon,[134] lequel descend des frontières de Moab. Au-devant de la caverne l'on connaît encore l'endroit où était l'idole de Mica, qu'adoraient les Danites, et celui de l'autel de Jéroboam, fils de Nébat, où était le veau d'or.[135] Ici finissent les limites de la terre d'Israël du côté de la mer postérieure.

De là il y a deux journées à Damas, grande ville où commence le pays de Nouraldin,[136] roi des Togarmites ou Turcs. La ville est fort grande et fort belle, ceinte de murailles ; le terroir abonde en jardins et en vergers, à quinze milles à la ronde ; on ne voit point dans toute la terre de pays si fertile que celui-ci. La ville est située au pied du mont Hermon, d'où sortent les deux rivières d'Amana et de Pharphar, dont la première passe par le milieu de la ville, et dont les eaux sont conduites par des aqueducs dans les maisons des grands, aussi bien que dans les places et dans les marchés. Ce pays commerce avec tout le reste du monde. Le Pharphar arrose de ses eaux les jardins et les vergers qui sont: hors de la ville.[137] Les ismaélites ont à Damas une mosquée appelée Goman-Dammesec, c'est-à-dire synagogue de Damas.[138] Il n'y a point de bâtiment semblable dans toute laterre. On dit que c'a été autrefois un palais de Benhadad. On y voit une muraille de verre construite par art magique. Il y a dans cette muraille autant de trous qu'il y a de jours dans l'année solaire; le soleil, descendant par douze degrés, selon le nombre des heures du jour, entre chaque jour dans l'un de ces trous, et, par là, chacun peut connaître à ces trous quelle heure il est. Au dedans du palais il y a des maisons bâties d'or et d'argent, grandes comme une cuve, qui peuvent contenir trois personnes si elles veulent s'y laver ou se baigner. Au milieu du palais on voit suspendue la côte d'un Anakéen, c'est-à-dire d'un géant, longue de neuf pans et large de deux, C'était un ancien roi de la race des Anakéens, nommé Abcamaz, car c'est ainsi qu'on l'a trouvé écrit sur une pierre de son sépulcre, où il était aussi écrit qu'il avait régné sur tout le monde. Il y a à Damas environ trois mille Israélites,[139] entre lesquels il y a plusieurs disciples des sages et plusieurs riches, c'est là que sont les chefs de l'Académie du pays d'Israël. Là est aussi R. Esdras[140] et ses frères, le prince Schalom, père de la maison du jugement, R. Joseph, le cinquième dans l'Académie, R. Matzltach, chef de l'ordre et prédicateur, R. Meir, la gloire des sages, R. Joseph Aben-Phallat, le plus habile et le plus intelligent de l’Académie, R. Heman, et R. Tzaddik le médecin. On compte encore à Damas environ deux cents caraïtes et quatre cents Cuthéens. Ils cultivent la paix entre eux, mais ils ne s'allient point par mariage.

De Damas à Galaad il y a une journée ; on y compte environ soixante Israélites, dont le chef est R. Tsadok. La ville est ample, et la terre abonde en torrents, jardins et vergers. De là il y a une demi-journée à Salcaat, qui est la ville de Salcat de l'Écriture.[141]

A une demi-journée de Safcaat est Balbek, autrefois Baalath, bâtie par Salomon en faveur de la fille de Pharaon, dans la vallée du Liban.[142] Le palais est tout bâti de grandes pierres, chacune longue de vingt pans et large de douze; il n'y a rien du tout entre les pierres, aussi dit-on qu'il ne peut avoir été bâti que par les mains d'Asmodaï. A l'entrée de la ville il sort une grande source qui l'arrose par le milieu, comme une grande rivière, autour de laquelle il y a des moulins, des jardins et des vergers.

Tadmor est aussi dans le désert.[143] Salomon l'a pareillement bâtie toute de grandes pierres. Cette ville est ceinte d'une muraille. Elle est dans un désert, éloignée de toute habitation, et à quatre journées de cette Baalath dont nous venons de parler. Il y a à Tadmor environ deux mille Juifs vaillants à la guerre. Ils sont en guerre avec les Iduméens et avec les Arabes sujets de Nouraldin, et fournissant du secours à leurs voisins les Ismaélites.[144] Ces Juifs ont à leur tête R. Isaac le Grec, R. Nathan, et R. Uyrel, d'heureuse mémoire.

De là il y a une demi-journée à Kiriathin (Cariatin) ou Kiriathaïm, où il n'y a qu'un seul Juif, teinturier.

De Kiriathin il y a une demi-journée à Hamaou Chamath, située sur la rivière de Jabok (l'Oronte), sous le mont Liban. Il n'y a pas longtemps qu'un grand tremblement de terre a fait périr dans cette ville quinze mille personnes en un seul jour; il n'en est resté que soixante-dix, à la tête desquels sont R. Oulah le sacrificateur, le Scheich ou vieillard Abualgala, et Muctar.[145]

A une demi-journée de là est Scehia, autrefois Hatzor.[146]

De là à Lamdin,[147] il y a trois parasanges.

A deux journées de là est Halab, autrefois Aram-Tsoba, lieu de la résidence du roi Nouraldin, au milieu de laquelle il y a un palais environné d'une haute muraille. Il n'y a ni puits ni rivière dans cette ville ; les habitants n'y boivent que de l'eau de pluie, que chacun a soin de ramasser chez soi, dans une citerne, qu'on appelle algob. On compte à Halab quinze cents Israélites, à la tête desquels sont R. Moïse, Al-Constantini, R. Israël et R. Seth.

De Halab il y a deux journées à Balitz[148] ou Pethora, sur l'Euphrate, où l'on voit encore aujourd'hui la tour de Balaam, fils de Beor,[149] dont le nom soit en exécration ; il l'a bâtie de telle sorte qu'elle répond aux heures du jour. Il y a là quelques Juifs.[150]

A une demi-journée de là est Kalahgaber ou Selah-Midbara,[151] qui est restée aux Arabes lorsque les Turcs s'emparèrent de leur pays et les chassèrent dans le désert. Il y a là environ deux milles Juifs, à la tête desquels sont R. Sedekias, R. Chija et R. Salomon.

De là il y a une journée à Rakia,[152] autrefois Calné, à l'entrée de la terre de Sinhar (Mésopotamie). On y compte environ sept cents Juifs, qui ont à leur tête R. Zachée, R. Nadid le Clairvoyant, et R. Joseph. Il y a là une synagogue bâtie par Esdras, lorsqu'il alla de Babel à Jérusalem. Rakia, au reste, sépare le pays de Sinhar d'avec le royaume des Turcs.

A deux journées de là est Charran l'ancienne,[153] où il y a environ vingt Juifs, et pareillement une synagogue bâtie par Esdras. A l'endroit où a été autrefois la maison d'Abraham, notre père, il n'y a point d'autre maison bâtie. Les Ismaélites honorent cet endroit et y viennent faire leurs prières.

De Charran il y a deux journées à l'endroit où est la source d'Al-Chabor ou Chabor, qui, après avoir traversé le pays des Mèdes, tombe dans la montagne de Gazan.[154] Il y a là environ deux cents Juifs.

De là il y a deux journées à Nisibe, qui est une grande ville, où il y a des rivières ou sources d'eau, et environ mille Juifs.[155]

De Nisibe il y a deux journées à Guezir-ben-Omar (Zabdicena).[156] Cette ville est dans une île au milieu du Tigre, au pied des montagnes d'Ararat,[157] à quatre milles au lieu où est l'arche de Noé. Mais Omar, fils d'Alchittab, a pris l'arche qui est sur le sommet de ces deux montagnes, et en a bâti une mosquée. Près de l'arche, il y a une synagogue d'Esdras le scribe qui subsiste jusqu'à ce jour, les Juifs de la ville y viennent faire leurs prières les jours de fête.[158] Dans la ville de Guezir d'Omar, fils d'Al-chittah, on compte environ quatre mille Juifs, à la tête desquels sont R. Macbar, R. Joseph, R. Chaüm. De là il y a deux journées à Al-Motzal,[159] qui est Assur la grande,[160] où il y a environ sept mille Juifs, à la tête desquels sont R. Zaccaï ou Zachée, le prince de la postérité de David, et R. Joseph, surnommé Brahon-Alphelec, astronome du roi Zinaldin, frère de Nouraldin, roi de Damas.[161]

suite

 

 


 

[1] Le texte numérisé ci-dessous provient en grande partie de l’ouvrage d’Ed. Charton, Voyageurs anciens et modernes, t. II, 1854. Cet auteur indique qu’il s’appuie essentiellement sur la traduction faite par Baratier au XVIIIe siècle à laquelle il a fait quelques amendements.

Le début de cette Relation provient de la Revue Orientale, 1841, trad. d’Eliakim Carmoly, rabbin et érudit juif alsacien du XIXe s (voir sa biographie sur Wikipédia).

Carmoly était vraisemblablement meilleur connaisseur de l’hébreu qu’Ed. Charton, journaliste et homme politique, ce jugement arbitraire est soutenu par E. Charton lui-même à la fin de cette Relation, où il déclare : « il est très regrettable que l’auteur Carmoly n’ait encore publié que ce premier chapitre ; les notes sont intéressantes et instructives. »

La traduction anglaise de 1907, disponible sur Internet, quel que soit le texte français retenu, offre des disparités sur les noms de lieux et de personnes, mais aussi sur la forme littéraire du texte, les notes, etc. Aussi peut-on espérer un jour une traduction réellement meilleure et des notes modernisées. Une telle traduction n’existe pas en février 2010.

[2] La préface provient du texte d’Ed. Charton.

Cette préface se trouvait en tête des deux manuscrits d'après lesquels furent faites les premières éditions en hébreu (1543 et 1556). Il est évident que ce n'est point Benjamin qui en est l'auteur. On suppose qu'elle fut ajoutée au récit vers la fin du douzième siècle.

[3] 933 est écrit pour 4933. Les Juifs font commencer l'ère vulgaire trois mille sept cent soixante ans après la création.

[4] Ici commence la traduction d’Eliakim Carmoly.

[5] Ce chapitre II n’a jamais été écrit par Carmoly.

[6] Voici ses propres paroles (Les Origines de la langue française, art. Vauvert): On a aussi appelé Vauvert, de la verdeur des vallées, un bourg du bas Languedoc, à deux lieues de Lunel. Il n'y a pas plus de cent ans qu'on l'appelait Pasquiers et Pousquiers:: et il est ainsi appelé dans tous les anciens titres. Benjamin dans son Itinéraire, fait mention de ce Pousquiers. Le traducteur s'est trompé, en rendant Pousquiers par Beaucaire : le chemin de Lunel à Saint-Gilles n'étant pas de passer à Beaucaire, mais à Vert.

[7] Ici commence le texte d’E. Charton, Voyageurs anciens et modernes, t. II.

[8] Le voyageur semble faire ici un détour inusité ; Lucques est plus près de Gènes que ne l'est Pise.

[9] R. Jacob B. Jeduha, qui fit un voyage en Provence cent quarante ans après Benjamin de Tudèle, rapporte que, de son temps, on ne rencontrait aucun Juif depuis la Provence jusqu'à Rome, et que le petit nombre de ceux qui, au siècle précédent, habitaient Gênes, Pise et Lucques, avaient disparu. Zunz fait remarquer qu'il y avait toutefois des congrégations juives dans le centre et l'est de l'Italie septentrionale. En 1460, le rabbin Moshe-Minz parle de l'enseignement juif à Lucques.

[10] « De toute la chrétienté. » (Asher.)

[11] Alexandre III, natif de Sienne, qui avait succédé en 1159 à Adrien IV (Nicolas Breakspare), né en Angleterre. Du rapprochement des dates historiques, on conclut que Benjamin de Tudèle dut nécessairement visiter Rome entre 1159 et 1167.

[12] Tarquin l'Ancien. Rappelons ici, à propos de ces quatre-vingts rois, que Benjamin de Tudèle n'avait pas grande science, surtout en histoire. Il est vrai que la plupart de ses contemporains, même à Rome, n'étaient ni moins ignorants, ni moins crédules. Gibbon cite des traits curieux de l'oubli complet où était tombée l'histoire de l'ancienne Rome.

[13] Asher traduit fenêtres au lieu de tours.

[14] La circonférence du palais.

[15] A la porte Latine.

[16] L'église de Saint-Jean de Latran.

[17] Jour de deuil pour les Juifs. C'est l'anniversaire de la destruction des deux temples de Jérusalem. Il est l'occasion de cérémonies solennelles dans toutes te synagogues.

[18] Dix Juifs qui enseignèrent leur foi et furent immolés dans l'intervalle des règnes de Vespasien et d'Hadrien. Ils ne furent pas tous ensevelis à Rome.

Les tombeaux d'Akiba, d'Ishma'el et de Jehuda B. Thema étaient révérés en Palestine entre les treizième et seizième siècles ; peut-être aussi ceux de Jehuda B. Baba et de Simon B. Gamaliel.

[19] Statue de Marc Aurèle.

[20] Il y a ici confusion entre deux villes fort éloignées l'une de l'autre. Il s'agit probablement de Pouzzoles et des ruines romaines que rouvraient en partie les eaux. Plus loin, il est fait allusion à la grotte de Pausilippe.

[21] Cette bizarre tradition et la plupart de celles du mime genre que l'on trouve dans la relation paraissent avoir été empruntées à Josephus Gorionides.

[22] La disposition des lieux a changé depuis et ces derniers sont bien au-dessus du niveau de la mer.

[23] Non pas sacrificateur, mais cohen, suivant Asher. Nous sommes obligé de passer sous silence la plupart de ces différences d'importance secondaire entre les deux traducteurs.

[24] Soumise et en partie ruinée par l’empereur et les Pisans, en 1135, Amalfi existait cependant encore comme république en 1310. (Ersch und Gruber Encyclopedia, art. Amalfi.)

[25] Le bienveillant ou noble. (Asher.)

[26] Voy. Isaïe, LXVI, 19. Erreur commise également par des auteurs moins anciens.

[27] Le lecteur ou interprète de la sainte Écriture.

[28] Saint-Nicolas de Bari. L'église et le prieuré de ce nom échappèrent à la destruction de la ville en 1156. C'était Roger, duc d'Apulie, qui les avait fait construire. Guillaume le Bon ordonna sa reconstruction en 1169 ; Benjamin visita donc Bari avant cette date.

[29] Manuel, empereur de Grèce, avait repris Corfou au roi de Sicile en 1149.

[30] Au golfe d'Arta. (Voy. Pouqueville, t. II, p. 91.)

[31] Achéloüs, ancienne ville d'Étolie, sur la rivière Achéloüs qui va dans la mer Ionienne à l’opposé d’Ithaque.

[32] Anatolica, sur le golfe, au nord-ouest, près de Missolonghi.

[33] Patras, l’ancienne Patrae, fondée bien avant l’époque d’Antipater.

[34] Crissa, à la base méridionale du Parnasse.

[35] Nègrepont, nom dérivé d'Euripus, Euripo, Negripo, Négripont. (Gibbon, ch. 60.)

[36] Jabustériza, ville inconnue aujourd'hui, et qui fut sans doute détruite au moyen âge. (Asher.) — Jaboustérisa, dit Lelewel, répond à Proschina (sur d'autres cartes Proscina, Frescina). Ce nom est tout à fait slave, désignant, sans changer de prononciation, « poudre, une toute petite parcelle de poudre; » et on appelle une toute petite chose, un tout petit objet, protchina, pronschina, proszina.

[37] Robenica. Il est question de cette ville dans la Chronique de Henri de Valenciennes : « Ensi comme jou devant vous dys, fut li parlemens ou val de Ravenique. »

[38] Sinon-Potamo ou Zeitun. Asher suppose qu'il faut lire « Zeitun sur la rivière. » Cette ville a encore quelque importance. (Voy. Pouqueville, III, 255, 258.)

[39] « Ici commence la Balakhia, Valakhia, dit Benjamin, et cela révolterait toutes les conceptions étroites qui se borneraient à la Valakhie d'aujourd'hui. Mais si l'on interroge l'histoire, on apprendra qu'il y avait une Valakhie sur le Niestr, une Valakhie dans l'intérieur de la Hongrie, une Valakhie en Macédoine, en Romanie, en Thessalie, et c'est la Grande-Valakhie. Fouillez les écrivains byzantins, et vous y trouverez que les Valaches, en descendant de Zigora (nom slave des montagnes, d'au delà des montagnes), se répandirent aussi bien dans l'intérieur de la Grèce, comme vers le Danube, que leurs bandes vagabondes, leurs hordes errantes étaient connues en Macédoine, en Thessalie, avant qu'elles ne le fussent au nord de Hémus, Gora, Zagora; que, par conséquent, on appelait le pays aux environs de Zeitoun Grande-Valakhie. Or, en partant de Boudounitsa, on entrait, du temps de Benjamin, dans la Grande-Valakhie. » (Lelewel.)

[40] Voyez un passage à l'appui de cette assertion dans l’Allgemeine Zeilung, 16 juillet 1839, p. 1531. « A cette époque, dit aussi Pouqueville, parlant de ces Valaques, on les voit aux prises avec les empereurs grecs, incendiant et désolant les plus belles contrées de la Thrace et de la Macédoine. Parfois vaincus, et plus souvent vainqueurs, ils brillent par des traits de courage et de férocité. Unis aux Romains et aux Scythes, ils descendent comme des torrents dévastateurs des sommets du mont Hémus et du Rhodope. Sersès, Philippolis, Ternobe, Rodosto, éprouvent leurs fureurs, et l'Orient épouvanté tremble au seul bruit de leur nom. Ils fomentent toutes les révolutions pour y prendre part, et ils se mêlent aux convulsions sanglantes de l'État, afin de le démembrer et de s'en partager les lambeaux. Enfin, au mois de mars 1205, ils portent un coup fatal à ce fantôme d'empire que les Latins voulaient soutenir. »

[41] Gardicki ou Cardicki, sur le bord du golfe Volo ; petite bourgade. « Sur la route d'Amyros à Zeitun, dit Pouqueville, à la distance de sept heures, sont situés Vrignia, Cardicki, Garrani et Kouphous

[42] Armyros, de même sur la côte du port Volo.

[43] Les auteurs du moyen âge appellent cette ville Vissena, Vessena et Bezena. Elle n'existe plus.

[44] Salonicki, l'ancienne Thessalonique.

[45] Le roi Jean avait conféré à un Juif, nommé James, le titre de presbyter (ancien) de tous les Juifs d'Angleterre.

[46] Mitrizzi, ou plutôt Dimitritzi, qui était située près d'Amphipoles.

« De Salouski, Benjamin compte à Metressi deux journées, de là à Darma deux journées. A une telle distance de Saloniki, sur la plaine de l'antienne Philippi, vous avez aujourd'hui Drama. Or Metressi, étant à moitié chemin, est situé au nord ou au midi du lac Takinos. Je pense donc que c'est Seres. C'est une jolie ville, dit Edrisi, bâtie sur une colline dont les environs sont très agréables, les habitations nombreuses et les ressources abondantes. » (Lelewel.)

[47] Drama, suivant Nicéphore Grégoras, Dramine et Draimes, suivant Villehardouin, était située dans une vallée, près de l'ancienne cité de Philippi.

[48] Christopoli (ville du Christ), ville qui était située sur les frontières de la Macédoine et de la Thrace, sur la côte européenne de la Propontide. On s'y embarquait ordinairement pour se rendre de Macédoine à Constantinople. On naviguait le long de la côte, on doublait la péninsule de Gallipoli, et l'un se dirigeait vers le port d'Abydos, sur l'Hellespont.

[49] Emmanuel Comnène, dont le règne commença en 1143, et qui mourut en 1180. On trouve dans le quarante-huitième chapitre de Gibbon (Décadence et chute de l'empire romain) de belles pages sur cet empereur et sur son avènement au trône.

[50] Douze ministres d'État. (Gibbon, chap. LIII.)

[51] Asher traduit : « Le premier de ces dignitaires porte le titre de prœpositus magnus. » C'était le gouverneur de la ville et le commandant des forces militaires qui la gardaient. (Voy. le Glossaire de Ducange.)

[52] Domesticus, le général en chef des années.

[53] Dominus, le grand chambellan.

[54] Megas ducas, le grand amiral.

[55] Oeconomos magnus.

[56] Les détails dans lesquels Benjamin de Tudèle entre sur cette ville sont au nombre de ceux qui donnent le plus de prix à sa relation. Ils s'accordent avec les faits recueillis par Gibbon, Hammer et les principaux historiens de Constantinople et du Bas-Empire.

[57] « Pa'tzinakia, peuple Scythe ou slave qui habile une partie de h Hongrie. » (Asher.). « Les Palzinakh, Partzinakh, appelés par les Polonais Pietchingin, sont, dit Lelewel, les Badjnaks d'Edrisi et Phasianke de Benjamin; la Bourie serait la Boulgarie, Boulgria, Bougria, Boura, établies toutes deux sur le Danube. » Ils sont appelés aujourd’hui Petchénègues.

[58] « Budia, probablement le pays des Bulgares. » (Asher.)

[59] Mahométans.

[60] Voy. la belle description et l'histoire de ce temple dans l’ouvrage de Hammer : Constantinople et le Bosphore, et celle de Procope.

[61] Aujourd'hui appelé At-Meidan, ou marché des chevaux.

[62] Il est possible que Benjamin ait été le témoin des fêtes célébrées à Constantinople à l'occasion du mariage de l'empereur Manuel avec Marie, fille du prince d'Antioche, le jour de Noël de 1161.

[63] On suppose ici quelque souvenir confus de la colonne d’Arcadius.

[64] Sur ce trône, voy. Cinnamus, t. II, et Gibbon, ch. liii.

« Sur une haute estrade couverte de tapis précieux, s'élevait un trône d'or enrichi de pierreries et couronné d'un dais où brillaient les plus belles perles de l’Orient. Le prince, assis sur le trône, était vêtu d'une pourpre éclatante, semée de haut en bas de perles et de pierreries de diverses couleurs, plus artistement arrangées que les fleurs dans le plus beau parterre ; sur sa poitrine pendait, à des chaînes d'or, un rubis étincelant, d'une grosseur extraordinaire, et la Splendeur de cette rayonnante parure était encore surpassée par l'éclat du diadème... Cette salle semblait être le palais du Soleil. » (Le Beau, 88, 38, d'après Cinnamus et Nicétas.)

[65] « Le sultan de Thogarmini. » (Asher.)

[66] Au delà de la tour de Galata, et près de l'entrée du port. « La Juevie, que l'on appelle le Stanor (Stenum), dit Villehardouin, où il avoit mult bone ville et mult riche. »

[67] Les caraïtes, moins nombreux que les Juifs de l'autre secte, rejetaient les explications religieuses des rabbins. Cette secte existe encore. Le docteur Delitzsch a fait connaître ses doctrines ; voy. Aron Ben Elia's Ez Chajim ; Leipsick, 1840.

[68] Rodosto, l'ancienne Bisanthe, appelée Radesta par Ptolémée, et Rodostoch par Villehardouin.

[69] Coela de Ptolémée, Celus de Pline et de Pomponius Mela. Kilia est un port sur la côte orientale de la péninsule de Gallipoli.

[70] « L'une des îles de la mer. » (Asher.)

[71] Ce suc, qui découle du pistachier (Pistacia Lentiscus), est encore un des principaux objets du commerce de Chio.

[72] Sur les anciennes sectes juives, consultez l'ouvrage de Zunz : Gottedienstliche Vortrage, p. 395, 396.

[73] D’Aram.

[74] Toros ou Thoros. Ce prince avait été le favori de l'empereur Jean Porphyrogénète. A l'avènement de Manuel Comnène, il prit la fuite, déguisé en marchand, guerroya longtemps, et finit par se réconcilier avec Manuel, qui lui donna le litre de pansebastos. Il mourut en 1167.

[75] L'ancienne Mopsubestia, sur le Pyranius, aujourd'hui Messis, sur le Jeihan.

[76] Erreur. Malmistras était à environ quinze lieues de Tersous, ou Tarse.

[77] « Sous la domination du prince Boémond Poitevin, surnommé le Baube. Elle contient environ dix Juifs qui fabriquent le verre : les principaux d'entre eux sont R. Mordekhai, R. Maüm et R. Jishma'el.» (Asher.) — « On donne, dit Thomas de la Thaumassière, le nom de Poitiers à Poitevin, comte de Valentinois, descendant de Guillaume de Poitiers. » — On lit dans l'Art de vérifier les dates : « Boémond III, prince d'Antioche, surnommé le Bambe ou l'Enfant par les uns, le Baube ou le Bègue par les autres, succéda, l'an 1163, à sa mère dans la principauté d'Antioche. L'an 1201 fut le terme de ses jours. »

[78] Lega ou Latachia.

[79] On sait que sous ce nom d’Assassins, ou plus correctement Hashishin, il faut entendre les partisans d'une secte mahométane qui apparut en Perse, au onzième siècle, et se rendit fameuse par son ardeur guerrière, sa discipline et son fanatisme. Hassain ou Hassan-Ben-Sabah, leur chef, avait composé un catéchisme à leur usage. Le nom d’Assassins est dérivé, soit de la plante hashish, qui sert à composer une liqueur enivrante dont les sectaires faisaient usage, soit plus probablement du nom même du fondateur de la secte, Hasain. (Voy. sur ce sujet les notes de docteur Gesenius, dans sa traduction des Voyages en Syrie de Burckhardt, et, plus loin, un paragraphe spécial de la bibliographie qui termine cette relation.)

[80] Fondateur de la secte des Carmathiens, que notre voyageur confond avec celle des Assassins.

[81] « Dans la cité de Kadmus, le Kedemoth de l'Écriture, sur la terre de Sichon. » (Asher.)

[82] Avec une espèce de scie ne se trouve point dans la traduction d'Asher; il y a seulement dans le texte qu'ils tuent même les rois si leur chef (Chamath) l'ordonne.

[83] Tarablous-el-Sham.

[84] Djebaïl, Byblos des Grecs.

[85] Guillaume Embriaco prit Byblos en 1100, et en devint le suzerain, soumis comme tributaire à Gènes, sa patrie.

[86] Voy. sur l'état de cette ville dans le commencement du quinzième siècle, le vol. XXI de l’Archeologia, p. 342.

[87] M. Asher traduit par le mot Druses. M. Rapaport lit : Nosariens ou Nosairi (sectaires chiites) qui, selon le docteur Gesenius, sont cités plusieurs fois comme apostats dans le catéchisme des Druses. Ils auraient été appelés originairement Karmats ou Carmats, et leur fondateur, qui leur aurait donné le nom de sa patrie, serait né à Nasrana on Nasraya, près de Kufa.

[88] La pêche du murex, coquillage qui donne la pourpre, se fait près de Tyr, surtout dans le mois d'avril et de mai.

[89] Acre. On peut lire dans Rosenmüller et dans Clarke une histoire détaillée de cette ville.

[90] Ou le Nahr-el-Mukattua, qui coule à l'est de la baie d'Acre, ou le Naaman (Belus), dont les sables ont longtemps servi à la fabrication du verre.

[91] Khaifa, petit village, ou l'ancienne Ephah.

[92] Voy. la relation d'Irby et Mangles, qui visitèrent l'autel et l'église gothique construite auprès.

[93] La rivière Mukattua, qui traverse la plaine d'Esdralon, et se jette dans la mer près de Khaifa.

[94] Erreur manifeste du voyageur ou des copistes.

[95] Non par Auguste, mais par Hérode, en l'honneur d'Auguste.

[96] Aujourd'hui Kakon. (Voy. la place de cette ville sur l'excellente carte de la Palestine par Ritter.)

[97] « De ce point (Kakon), dit Lelewel, il n'y a qu'une autre demi-journée à Samaria. Cependant le texte nomme à une demi-journée Sargorg-Louz, éloigné d'une journée entière de Samaria (VIII, p. 76, 77). Je présume que sur ce point le texte est corrompu. Une journée, Sargorg-Louz et deux teinturiers ne sont pas à leur place. Cette présomption grandit et se confirme lorsqu'on confronte ce passage avec la corruption de l'autre, où Segores-Loud avec une journée et demie et d'autres circonstances aggravantes (X, p. 155) reparaissent bien misérablement. » — Asher traduit « Saint-Georges. »

[98] Cette tradition s'est conservée jusqu'à nos jours.

[99] M. Rapaport fait observer que ces remarques sur la vicieuse prononciation des Samaritains sont confirmées par les voyageurs et les critiques modernes. Ou les trouve aussi textuellement dans un extrait de Makrizi publié par Sylvestre de Sacy (Chrestomathie arabe).

[100] « A quatre parasanges de Sichem il se trouve au monte Gilboe. Benjamin se conforme trop souvent à une étrange version de la Bible pour qu'il soit nécessaire de remarquer qu'il ne s'agit pas ici de la montagne véritable de Gilboa (éloignée de huit parasanges de Sichem), mais de quelques hauteurs arides du mont Efraïm, au delà de Libna, qualifiée quelquefois de Gibba. » (Lelewel.)

Il se pourrait toutefois qu'il y eut plutôt erreur dans la mesure itinéraire.

Sur la montagne de Gilboe était le tombeau de Goliath. Il avait l'apparence des monuments druidiques que l'on appelle galgals; c'était un amas de pierres. « On ne saurait trouver à vingt milles à la ronde, dit le compagnon de saint Antonin, une seule pierre transportable, car il est d'usage que quiconque passe par cet endroit doit porter avec lui trois pierres et tes jeter sur ce tombeau ; et ainsi avons-nous fait nous-mêmes. »

De même, en Grèce, les passants jetaient des pierres sur les galgals consacrés à Mercure.

Darius avait fait élever un amas de pierres sur les bords de l’Artisque. (Hérod., liv. IV, ch. 92.)

On prétendait qu'il ne pleuvait jamais sur le mont Gilboe, mais cette assertion a été démentie. « Il n'est pas vrai, dit le dominicain Brocard, qu'il ne tombe ni rosée ni pluie sur la montagne de Gilboe (où David prononça l'imprécation après la mort de Jonathas), car j'y étais le jour de la Saint-Merlin, l'an du Seigneur 1383, quand il y tomba une telle pluie que je fus mouillé jusqu'à la chair. »

[101] Gran-David, suivant Asher, qui émet l'hypothèse qu'au temps de Benjamin cette ville pouvait être connue sous le nom de Gib-Daoud.

[102] Petachia, qui visita Jérusalem vers 1175, ne trouva qu'un seul Juif dans cette ville.

[103] C'est ainsi que Jésus-Christ est appelé dans le Talmud.

[104] Voy., sur les portes de Jérusalem, la relation d'Arculfe par Adamnan sur ce même site.

[105] Templo Domino.

[106] Fils d'Al-Khotaab.

[107] Voy. la relation d'Arculfe par Adamnan sur ce même site.

[108] Voy. la relation d'Arculfe par Adamnan sur ce même site.

[109] Un de ceux que l'on appelait les pleureurs de Jérusalem.

[110] Makhphéla.

[111] Beith-Jaberim ou Beith-Jibrin est la Bethogabris des écrivains grecs et romains. D'après Edward Robinson, ce serait la célèbre Éleutropolis, que mentionnent souvent Eusèbe et saint Jérôme.

[112] Toron de los Caballeros, un des forts construits pendant que les chrétiens occupèrent la Palestine.

[113] Il y a en effet, à peu de distance de Jérusalem, à deux heures au sud-est de Gib, sur une éminence, une mosquée appelée Nebi-Semwill qui est supposée contenir le sépulcre de Samuel ; c'est une ancienne église chrétienne. Edw. Robinson pense que ce doit être l'emplacement de l'ancienne Mizpeh.

Benjamin de Tudèle ne pouvait pas avoir visité tous ces lieux dans l’ordre où il les cite. Ce n'est évidemment pas un itinéraire qu'il a voulu tracer.

[114] Asher traduit Pesipua. Ce nom ne paraît avoir aucun rapport avec le mont Moriah, qui du reste est lui-même fort étranger à Gébéa-Shaoul ou Giba-Benjamin, situé à trente stades de Jérusalem.

[115] Edw. Robinson a vu, en effet, ces deux collines de forme conique entre Jeba et Mukhmâs.

[116] Deux milles, d'après Asher.

[117] Ibelin, Jabneh. Une ville et une forteresse situées près de cette ville appartinrent, pendant l'occupation chrétienne, à Balian, frère du comte Guillaume de Chartres, et à ses descendants.

[118] Avant le dernier siège de Jérusalem, les Juifs membres du sanhédrin, ou cour judiciaire suprême, s'étaient retirés à Jabneth et y siégèrent longtemps sous la direction des plus célèbres interprètes du Talmud.

[119] Erreur. La tribu d’Éphraïm était au nord de la Palestine.

[120] L’Azotos des Grecs ou l’Azotus des Romains. C'est aujourd'hui un petit village dont les misérables huttes sont mêlées à des ruines. Palmis était sans doute un nom adopté par les Européens.

[121] Büsching fait mention de ce puits.

[122] « En rétrogradant, » dit Asher.

[123] Guillaume de Tyr donne à cette fontaine le nom de Tubania. E. Robinson croit que c'est l'ancienne fontaine de Jesréel; on l'appelle aujourd'hui Jalud.

[124] Sufurieh, jadis ville principale de Galilée, et l'un des cinq sanhédrins de Judée.

[125] Rabbi Juda, surnommé le Saint, docteur de l'Académie de Tibériade, qui composa, dans le premier quart du troisième siècle, le Mischna (Répétition ou Seconde loi), recueil des codes partiels et des lois traditionnelles des écoles pharisiennes. Ce code est divisé en six parties appelées sedarim (ordres). Les notes et les discussions dont il fut ensuite l'objet forment un nouveau recueil que l'on appela Guemara (Complément : Le Mischna et le Guemara réunis forment le Talmud (Doctrine).

Rappelons qu'il y a deux Talmud : celui des écoles de Palestine, appelé le Talmud de Jérusalem, que l’on croit avoir été achevé dans la deuxième moitié du quatrième siècle; l'autre, appelé le Talmud de Babylone, rédigé au cinquième siècle par Asché, docteur de l'Académie de Sora, et par son disciple Rabina, et terminé l'an 500 par Rabbi José.

[126] Petachia décrit ces tombeaux.

[127] « Tabarié est belle, et construite sur une colline qui s'étend, en longueur plus qu'en largeur, sur un espace d'environ deux milles; au pied de cette colline, du côté de l'ouest, est un lac d'eau douce. La longueur de ce lac est de douze milles, et sa largeur d'une égale étendue… On y voit des bains d'eaux thermales; ces eaux sont chaudes en toutes saisons, sans qu'il soit nécessaire du feu pour les échauffer. » (Jaubert, traduction d'Edrisi.)

[128] Erreur. Timnatha était située dans la Judée, fort loin de Tibérias.

[129] Peut-être faut-il lire Simon au lieu de Samuel.

[130] Aujourd'hui Gish.

[131] Meirûn (voy. la carte de Berghaus) est encore, de nos jours, un lieu de pèlerinage pour les Juifs ; ils y viennent prier sur des tombeaux.

[132] Erreur.

[133] La caverne de Panéas.

[134] Un des petits affluents du Jourdain, mais inconnu sous ce nom.

[135] Il s'agit, comme nous l'avons indiqué précédemment, d'inscriptions grecques et romaines.

[136] Nour eddin.

[137] Edrisi dit de Damas : « La situation en est admirable, le climat sain et tempéré, le sol fécond, les eaux abondantes, les productions variées, les richesses immenses, les troupes nombreuses, les édifices superbes. »

[138] Asher traduit : « une Mosquée mahométane, appelée la synagogue de Damas. »

[139] Au temps de Petachia, il y avait dix mille Juifs à Damas.

[140] « Président de l'université de Palestine » (Asher.) — Au temps de Benjamin, les présidents de l'enseignement et de la justice étaient nommés à Bagdad par le prince de la captivité.

[141] Salkah est située dans le voisinage de Boszra, à plus de deux journées de Damas.

[142] Balbek, l’Héliopolis des Grecs et des Romains. Edrisi compte dix jours de distance entre Damas et les ruines de Balbek.

[143] Il n'y a pas si loin de Thadmor à Palmyre qu'on pourrait le croire à première vue. C'est affaire de prononciation. Les Arabes appelaient Thadmira la ville espagnole Palma.

« Parmi les villes que Salomon fit bâtir ou fortifier pour protéger le pays contre une invasion, nous trouvons la célèbre ville de Tadmar (Palmyre), dont les fortifications pouvaient servir de boulevard contre les ennemis venant de l'Euphrate et contre les hordes arabes. » (Munk, Palestine, p. 294.)

[144] De Guignes confirme ce que dit Benjamin au sujet des guerres que, de son temps, se livraient les chrétiens et les Arabes: « Les Francs, dit-il, avaient profité des circonstances que toute la contrée était dégarnie de troupes pour faire ne expédition dans ses environs... Quelque temps après ils vinrent dans la vallée de Bacar, proche Damas. C'est dans ces contrées que l’on trouve tme ville célèbre par ses monuments et par ses superbes édifices. On croit qu'elle est la même que l'ancienne Palmyre. Les habitants des environs furent faits prisonniers, leurs biens pillés et leur territoire ravagé… Telles furent les suites des divisions qui régnaient parmi les musulmans. »

[145] Ce tremblement de terre eut lieu en l'année 1157, et ruina, en même temps que Hamab, un grand nombre de villes de Syrie : Antioche, Émesse, Apamie, Laodicée, etc.

[146] « Reiha, qui est Chatsor. » (Asher.) —. On donne encore aujourd'hui ce nom à une montagne sur la route de Damas à Alep.

[147] Lieu inconnu. — « Lamdin, d'où l'on va en deux jours à Aky, l'Ararm-Tsoba de l'Écriture. » (Asher.)

[148] Belès, d'après Irby et Mangles, et d'après Buckingham. « Cette ville, dit Ibn-Haukal, est située au bord de l'Euphrate, sur les confins du désert. » — Conquise par les croisés sous Tancrède, en 1111, elle fut reprise par les Turcs sous Zenghi.

[149] « Bifani-ben-Be'or. » (Asher.)

[150] « Dix Juifs. » (Asher.)

[151] Voy. sur cette place, de Guignes, Hist. des Huns, t. III, p. 110.

Voici ce qu'en dit Aboulféda : « Kalatdjabar s'appelait anciennement Daousariah, de Daouser, employé de Noman-ben-Montjari, roi de Gira, qui le fit construire quand il administrait les frontières de la Syrie. Ensuite il s'empara du fort Saboheddin-Djabar le Kaschirien et le posséda jusqu'à sa vieillesse, qui le priva de la lumière. Depuis ce temps, le fort changea de nom. Les deux fils dudit Djabar, dont le brigandage causait des inquiétudes, furent dépossédés par Seljdouk Melik-Schah (vers 1060). Enfin ce fort abandonné tomba en mines. Il est dans le Djezira (Diar-Bekr), sur les rives septentrionales de l'Euphrate, sur un rocher inaccessible, entre Balès et Rakka. »

[152] Racca, ville très commerçante au temps d'Edrisi. (Voy. de Guignes, Hist. des Huns, t. III.)

[153] « Harran est la ville principale des Sabéens ; ils y possèdent une colline sur laquelle est un oratoire qu'ils vénèrent beaucoup, et dont ils attribuent la fondation à Abraham, sur qui soit salut ! » (Edrisi.)

« Harran, dit Niebuhr, est actuellement un petit endroit à deux journées au sud sud-est d'Orfa, que les Juifs vont encore fréquemment visiter; c'était, selon toute apparence, la ville qu'Abraham quitta pour aller au pays de Chanaan. »

[154] Peut-être Ras-el-Aïn, ville considérable où, suivant Edrisi, l'on voyait près de trois cents sources environnées de grillage et formant la source du Khabour.

« Je ne saurais dire d'où Benjamin a pu tirer l'assertion bizarre que Khabor, après avoir traversé le pays des Mèdes, tombe dans la montagne de Gozan. Certainement elle n'est pas le produit de ses propres explorations, mais plutôt d’une érudition mal conçue et maladroitement appliquée. La montagne Gozan est un produit biblique ; du temps de David, on disait que Khabor était un fleuve du pays de Gozan ; Madaï vient d'un autre point de l'érudition, où, au nombre des terres de l'exil, Habor, Gozan et Madaï se trouvent dans les mêmes versets. » (Lelewel.)

[155] Au temps de Niebuhr, Nisibe n'était déjà plus qu'une bourgade. En 1812, on n'y voyait plus que des ruines. (Voy. Buckingham, Mésopotamie, t. I, p. 431, 440.)

[156] Djeziret ou Zabdicena était une ville commerçante servant d'entrepôt, entre Mossoul et l'Arménie. Aujourd'hui son nom turc est Kora, ce qui veut dire noir, parce que ses maisons sont construites en basalte.

[157] Erreur manifeste; mais la tradition relative à l'arche de Noé était, en effet, très populaire au temps de Benjamin. « Joudi est une montagne près de Nisibe, dit Ibn-Haukal, et l'on assure que l'arche de Noé (la paix soit avec lui!) s'arrêta à son sommet. »

[158] « Le 9 de ab. »

[159] Mossoul.

[160] Ce passage est digne de remarque.

[161] Voy. plus loin la note sur le califat de Bagdad.