Thomas de Split

THOMAS DE SPLIT

 

HISTOIRE DES EVEQUES DE SALONE ET DE SPLIT

 

Chapitre XXIX

 

Oeuvre numérisée et traduite par Marc Szwajcer

chapitres XXVII et XXVIII - CHAPITRES XXX à XXXV

THOMAS DE SPLIT

HISTOIRE DES EVEQUES DE SALONE ET DE SPLIT.

 

XXIX. De bello, quod gestum est pro uilla de Ostrogo

Per idem tempus quidam Chroate Tollen, Vilceta, filii Butco, cum parentela sua, inuaserunt uillam sancti Domnii, que appellatur Ostrog, ceperuntque contra prohibitionem ciuium munimen edificare, uolentes ibi cum familiis suis locum habitationis statuere, ut possent impune consueta latrocinia exercere. Dicebant autem, se esse coheredes loci ipsius. Archiepiscopus uero, ut eos colonos et coadiutores haberet, consensum corde simplici adhibebat.

Tunc Spalatenses preparationem belli ceperunt facere contra eos. Miserunt ergo et aduocauerunt comitem suum Petrum, qui ueniens cum magno equitum comitatu fecit totam expeditionem exercitus per mare et per terram applicare ad castrum. Fuitque recensitus ciuitatis exercitus, et inuenta sunt plus quam tria millia armatorum. Tunc ceperunt pugnare fortiter circa castrum. E contra uero Chroate in rupibus circumfusi, lapidibus, iaculis et sagittis fortiter repugnabant. Spalatenses uero uidentes eos loci munitione defendi ad aliarum se pugnandi maneriem conuerterunt. Protinus ergo coadunata multorum lignorum frondiumque congerie ignem sub ipsis rupibus succenderunt, ex quo fumifera se subrigens flamma, hostes obcecat; crates et tabulata, que ad sui protectionem parauerant, exuruntur. Tunc audatiores iuuenes ex nostris uidentes eos uiribus armisque deficere conabantur ad eos inter ignes ascendere, gladiis ipsos inuadere perquirentes. Sed illi ex eminenti rupe ingentes lapides reuoluentes quosdam ex nostris miserabiliter deiecerunt ita, ut decidentes in ignem, confracti et perusti animas exhalarent.

Taliter equidem aliquot diebus ab utraque parte pugnatum est. Sed deficientibus iam alimoniis, frustra miseri, uiribus corporeis destituti, repugnare posse confidunt, sed paulo post ad deditionem faciendam intendunt. Verum antequam deliberarent ad plenum, ecce cuneus unus ex fortissimis iuuenibus, alii reptantes manibus, alii per occultas semitas subito castrum inuadunt. Tunc comes Petrus cum tota militia, respicientes in altum, uident suos iam stantes in rupibus manu ad manum cum hostibus dimicare. Et statim comes exclamat: Nunc currite uiri, quoniam uictoriam dedit nobis Deus de inimicis nostris. Ad hanc uocem omnes irrumpunt castrumque per uiolentiam capiunt. Mox uero uniuersos hostes cum uxoribus et filiis apprehendentes uinctis post tergum manibus pertraxerunt ad suos. Tunc inito consilio cuncta, que eorum fuerant, diripientes, ecclesiam quoque, cuius se fundatores fore iactabant, ad solum diruentes, effoderunt sepulcra, extumulantes ossa progenitorum eorum, sparsim ea proiecerunt in campum, quatenus ius nullum eiusdem uille aliquando uendicarent. Tragurienses autem auxilium nostratibus impenderunt, sed modicum et exile. Tunc uinctis a tergo manibus ad ciuitatem duxere captiuos, artissima eos custodia mancipantes. Ubi triduo sine cura iacentes tum famis sitisque tabescentia resoluti, tum carceris squalore suffocati, plures eorum ibidem expirarunt.


 

 

THOMAS DE SPLIT

XXIX. LA GUERRE MENEE À CAUSE DU DOMAINE D’OSTROG[1]

A cette même époque un certain Croate Tollen et Vilceta, fils de Butko,[2] attaquèrent avec leurs parents le domaine de saint Domnion, qui s'appelle Ostrog et commencèrent, contrairement à l'interdiction des citoyens, à se bâtir un retranchement, voulant s'y installer avec leurs familles pour avoir la possibilité de faire impunément leurs brigandages habituels. Ils se disaient les héritiers de cet endroit. En fait, l'archevêque, souhaitant les avoir comme colons et coadjuteurs, y consentait avec un cœur naïf.

Les Spalatins se préparèrent alors à leur faire la guerre. Ils s’adressèrent pour cela au comte Pierre et l'appelèrent; venu en compagnie de nombreux cavaliers, il ordonna que toute la troupe en campagne sur mer et sur terre se dirigeât vers le retranchement. On fit le compte des forces de la ville, et on trouva plus de trois mille combattants. Après cela on se battit courageusement sous les murs du retranchement. Le parti des Croates, installé dans des rochers, se défendait furieusement avec des pierres, des javelots, des flèches. Les Spalatins, voyant que les Croates étaient protégés par un terrain renforcé, changèrent leur stratégie d'attaque. Faisant rapidement un gros tas de rondins et de feuillage, ils mirent le feu sous les rochers. La fumée dégagée aveugla l’ennemi, brûlant les planches et le plancher installés en protection. Alors nos jeunes les plus intrépides, voyant que les ennemis ne manquaient ni de forces, ni d’armes, tentèrent de passer au travers des flammes, comptant les frapper avec leurs épées. Mais, du haut d’un rocher, ils reçurent des pierres énormes, et furent malheureusement écrasés ; certains des nôtres, tombant dans les flammes, se rompirent les os, se brûlèrent et moururent.

Chaque camp se battit ainsi quelques jours. Mais comme les provisions vinrent à manquer, les hommes étaient dans un état pitoyable, physiquement épuisés, pensant vainement pouvoir encore résister; cependant un peu plus tard ils décidèrent de se rendre. Mais avant de prendre une décision définitive, voici qu’un détachement de nos jeunes les plus braves — les uns en rampant, les autres par des chemins secrets — se précipitèrent brusquement dans le retranchement. A ce moment, le comte Pierre et sa troupe, regardant d’en haut, vit les siens se trouvant sur les rochers, combattant déjà au corps à corps avec les ennemis. Le comte cria immédiatement : « Et maintenant en avant les braves, puisque Dieu nous accorde la victoire sur nos ennemis ». A cet appel tous se ruèrent en avant et prirent la forteresse. Bientôt, ayant capturés tous les ennemis avec femmes et enfants, ils les emmenèrent les mains attachées dans le dos. Après accord unanime, on s’empara de tous leurs biens, on détruisit même de fond en comble l'église, dont nos ennemis se proclamaient les fondateurs, on déterra les tombes, exhumant les os de leurs ancêtres, les dispersant à travers champs afin qu'ils ne puissent plus jamais revendiquer des droits sur cette terre. Les habitants de Тrogir nous avaient aidé, mais modestement et chichement. Les prisonniers furent ensuite conduits en ville les mains liées dans le dos, puis emprisonnés sous bonne garde. Après trois jours sans soins, plusieurs y moururent— les uns épuisés par la faim et par la soif, les autres asphyxiés par la puanteur de la prison.


 

 

 

[1] Ostrog : village croate entre Salona (Solin) et Trogir.

[2] Un autre Tollen est mentionné plus loin comme un des principaux ennemis de Split. Ce serait, selon Racki, le même que celui-ci.