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table des matières dE PROCOPE

 

 

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

texte grec

 

 

 

 

CHAPITRE I.

1. église Saint Jean à Ephèse 2. Greniers à Ténédo.

 

1. J’ai décrit dans le livre précédent le plus exactement qu'il m'a été possible les ouvrages que l'empereur a fait faire en Europe, il faut que je décrive dans celui-ci ceux qu'il a fait faire en Asie et dont j'avais omis de parler. Je pense avoir remarqué tant les fortifications qu'il a fait faire aux villes d’Orient, que les autres bâtiments qu'il a élevés depuis la frontière de Perse jusqu’à la ville de Palmyre, qui est assise au pied du mont-Liban en Phénicie. Je remarquerai dans la suite les édifices qu'il a faits au reste de l’Asie et en Afrique, les villes dont il a relevé les murailles et les chemins qu'il a réparés, soit en coupant des montagnes, ou en comblant des précipices, ou en tournant le cours des rivières, ou enfin en éloignant par d'autres moyens les dangers dont ceux qui voyageaient étaient menacés.

2. Il y avait à l’opposite d'Ephèse une colline fort droite dont le terroir était si pierreux, et si stérile qu'il se portait point de fruits, quelque soin que l’on prit de le cultiver. Les gens du pays y avaient autrefois bâti une église en l'honneur de Saint Jean l'Apôtre, qui a été surnommé le Théologien, à cause qu’il a parlé de la nature divine d'une manière qui surpasse infiniment les pensées, et les expressions des hommes. Comme cette église était trop petite et même qu'elle était presque ruinée par le temps, Justinien l'a fait abattre entièrement pour en élever une autre, qui est si grande et si magnifique qu'elle peut être comparée à celle qu'il avait bâtie auparavant à Constantinople en l’honneur de tous les Apôtres.

3. Voila ce qu'il a fait à Ephèse. Ce qu'il a fait à Ténédo contribue beaucoup à la sureté, non seulement de Constantinople, mais de la mer. J'en ferai incontinent la description. Il faut remarquer auparavant que la mer de l’Hellespont est extrêmement étroite, parce qu'elle est pressée par deux terres fermes qui s'approchant de Seste et d'Abyde, commencent le Détroit. Lorsque les vaisseaux sont arrivés en cet endroit ils n'en peuvent partir pour aller vers Constantinople si ce n’est d'un seul vent, qui est le vent de Midi. Quand une flotte chargée de blé est arrivée d'Alexandrie, et qu'elle a ce vent favorable elle aborde en peu de temps au Port de Constantinople, et après y avoir déchargé elle s'en retourne promptement charger d'autres marchandises, afin de pouvoir revenir une seconde, ou même une troisième fois avant l'hiver ; mais lorsqu'un autre vent souffle, les navires et les grains s'y pourrissent. Justinien ayant appliqué ses soins, pour remédier à cet inconvénient, fit voir clairement qu'il n'y a rien, pour difficile qu'il paraisse, dont un homme d'esprit ne puisse venir à bout, Il a fait bâtir dans l’île de Ténédo qui est proche du Détroit, un grenier qui est large de quatre-vingt dix pieds, long de deux-cent quatre-vingt, et haut à proportion. Lorsque les marchands y sont arrivés et que le vent ne leur permet pas d'aller jusqu'à Constantinople, ils serrent leurs blés dans le grenier et s'en retournent. Dès que le vent est changé, d'autres personnes mènent le blé sur d'autres vaisseaux.

 

CHAPITRE II.

 

1. Edifices dont Justinien a embelli la ville d’Hélénopole   2. Autres édifices le long du fleuve Draco.

 

1. Il y a dans la Bithynie une ville du nom d'Hélène, mère de Constantin. Ce n’était autrefois qu'un Village de nulle considération mais ce prince voulant l'honorer comme par quelque sorte de reconnaissance de ce que sa mère y était née, lui donna le titre de ville, sans lui en donner néanmoins l'étendue ni la beauté. Ainsi elle demeura dans son premier état, et ne laissa pas de changer de nom. Justinien pour purger la mémoire du fondateur du nouvel Empire, du reproche qu'on lui pouvait faire d'une négligence fort blâmable, fit bâtir un magnifique aqueduc dans cette ville, par le moyen duquel il délivra les habitants de la soif dont ils étaient pressés auparavant. Il ne leur soumit pas seulement de l'eau pour boire, il leur en soumit aussi pour se baigner; et il leur fit bâtir un bain tout neuf, en un endroit où il n'y en avait jamais eu et réparer un ancien qui avait été négligé. Il y éleva aussi des hôtels pour les Magistrats, des églises, des Palais, des galeries, et d'autres édifices publics qui en sont le principal ornement.

2. Il y a un fleuve tout proche, que les gens du pays ont appelé Draco, à cause qu’il se roule, et se plie de coté et d'autre, et qu'il fait tant de tours et de détours que ceux qui voyagent sont obligés de le traverser jusqu'a vingt-fois en très peu de temps. Plusieurs même y sont péris lorsque par malheur il s'est soudainement débordé. De plus il y avait un bois fort épais, et une quantité extraordinaire de roseaux qui en embarrassaient l'embouchure, et qui augmentaient l'incommodité qu'il apportait. Il n'y a pas longtemps qu’ayant été enflé par des pluies excessives, il inonda le pays, et qu'il y fit d’étranges désordres. Il ravagea les terres, arracha les vignes, les oliviers, et d'autres arbres de toute sorte d’espèce. Il renversa quelques maisons qui étaient proches des murailles, et apporta une infinité d'autres calamités. Justinien touché de la misère des habitants de ce pays-là, a fait ce que je vais dire pour les soulager. Premièrement il fit abattre le bois, et arracher les roseaux pour rendre l'embouchure plus libre, et pour empêcher le débordement. Outre cela il a coupé deux montagnes qui s'élevaient alentour; il a comblé des précipices, et enfin il a aplani un chemin de telle sorte, que l'on peut aller fort commodément par terre, et l'on n'est plus obligé de passer le fleuve aussi souvent qu'on le passait. Enfin il a bâti sur le fleuve deux ponts fort beaux et fort larges, et depuis ce temps-là tout le monde y passe sans courir le moindre hasard.

 

CHAPITRE III.

1. Réparations faites à Nicée       2. Pont sur le Sangare et autres ouvrages.

 

1. Il ne faut pas oublier la magnificence qu'il à exercée envers la ville de Nicée en Bithynie, Premièrement il a réparé un aqueduc que le temps avait gâté et par ce moyen a fourni aux habitants de l'eau en grande abondance. De plus il a bâti plusieurs églises et a fondé plusieurs monastères et d'hommes et de filles. Il a refait de neuf une grande partie du Palais qui tombait en ruine, et il a réparé les thermes de tellerie des courriers qui étaient toutes rompues depuis longtemps. Il fond souvent du côté du Couchant des torrents impétueux qui rompent les chemins, et qui avaient emporté un pont sans en laisser aucun vestige. Justinien en a fait faire un autre qui est si haut et si large, que l'ancien n'avait rien, qui en approchât. Quand le torrent s'enfle et qu'il court avec un bruit extraordinaire, il passe sous les arches sans y faire de dommage. Le même prince a réparé dans Nicomédie les Thermes d'Antonin, bien que la grandeur de l'entreprise fit désespérer de la voir jamais achevée.

2. Le Sangare. Ce fleuve dont le cours est si rapide, dont la profondeur est un abîme, et dont la largeur ne peut être comparée qu’à l’étendue de l’Océan, n'avait jamais souffert de pont. Ceux qui étaient assez hardis pour le traverser attachaient plusieurs bateaux ensemble, et passaient dessus, de la même façon que l'armée des Perses passa l'Hellespont au temps de Xerxès. Mais cela ne se faisait pas sans danger, car ce fleuve rompait les cordages, dissipait les bateaux et noyait les hommes. Justinien a commencé d'y faire un pont, et il s'applique avec une telle ardeur à cet ouvrage, que je ne doute point qu'il ne l'achève dans peu de temps puisque Dieu seconde de telle forte ses desseins, qu'il n’a rien entrepris jusqu'ici qu'il n'ait heureusement exécuté, bien qu'il ait entrepris plusieurs choses qui paraissaient impossibles.

3. Il y a en Bithynie un chemin pour aller en Phrygie où les hommes et les chevaux périssaient durant l’hiver. La terre qui naturellement y est grasse étant détrempée par les pluies et par les neiges et par la rosée, y faisait une boue si profonde et si tenante, que les voyageurs y perdaient l'haleine, et la vie. La libéralité de Justinien, et de Théodora a délivré les voyageurs de ce danger. Ils ont relevé avec de grosses pierres l'espace d'environ une demi-journée de chemin et ainsi ils ont rendu le passage sûr.

4. Dans un autre endroit de la Bithynie qui s'appelle Pythie, il y a des sources d'eau chaude, d'où plusieurs personnes, et principalement les habitants de Constantinople tirent un notable soulagement dans leurs maladies. Justinien a laissé en cet endroit des marques d'une magnificence toute royale en y faisant bâtir un superbe Palais et un bain pour l'usage du public. De plus il y a fait conduire par un canal tout neuf, des eaux fraîches, afin de tempérer la chaleur des autres. Il a aussi agrandi l'église de Saint Michel Archange et l'hôpital des malades.

 

CHAPITRE IV.

 

1. Pont sur le fleuve de Sibéris.   2. Réparation des murailles de Césarée, avec quelques autres ouvrages.

 

1. Il y a dans la Galatie proche des Sycéens, et à dix milles de la ville de Juliopole un fleuve nommé Sibéris qui incommodait notablement, et même noyait les voyageurs par de furieuses inondations. L'empereur touche de la compassion que lui donnaient des accidents si funestes, y apporta le remède nécessaire eu bâtissant un pont d'une structure fort solide et capable de résister aux débordements les plus violents et en faisant faire du côté d'Orient une chaussée que ceux qui savent les termes de l'art appellent une digue. Il a aussi fait bâtir, du côté d'Occident une église, où les voyageurs peuvent se retirer pendant l'hiver. Comme la rivière qui battait le pied des murailles de Juliopole les ébranlait notablement, le même prince en a détourné le cours avec une digue longue, au moins de cinq cens pas.

2. Voici ce qu'il a fait dans la Cappadoce. La ville de Césarée est une ville fort grande, et fort peuplée et qui à cause de sa grandeur est aisée à attaquer, et malaisée à défendre. Elle contient un grand espace qu'il ne fallait pas enclore, et qui ne sert qu'à la rendre plus exposée aux courses et aux violences des ennemis. Il y avait plusieurs hauteurs fort éloignées les unes des autres que ceux qui ont bâti la ville ont voulu enfermer, de peur que les assiégeants n'en tirassent de l'avantage, et ainsi ils ont augmenté le péril, en pensant pourvoir à la sureté. Ils ont enclos des rochers, des jardins, des pâturages, qui sont depuis demeurés dans le même état et où l'on n'a point fait de bâtiment, de sorte que les maisons sont séparées l'une de l'autre, et privées de la commodité que le voisinage apporte. De plus il n'y avait jamais de garnison suffisante à proportion, de l’étendue, et il n’était pas au pouvoir des habitants de faire la dépense nécessaire pour entretenir leurs murailles. Ainsi n'étant point fermés, ils étaient dans une appréhension continuelle; Justinien a fait abattre une partie des murailles afin d'en réduire l’enceinte à une juste grandeur, qu'il a fait bien fortifier, et où il a établi une bonne garnison, et par cette sage prévoyance il a procuré la sureté et le repos, aux habitants.

3. Comme il y avait dans une rase campagne un fort, nommé le fort de Mocése, qui était dans un si mauvais état qu'une partie de ses bâtiments était tombée en ruine, et que l'autre était prête d'y tomber, Justinien l’a rasé entièrement, et a élevé une muraille du côté d'Occident sur une colline fort raide, et d'un accès fort difficile, et dans l'étendue de son enceinte il a fait bâtir des églises, des hôpitaux, des bains et d'autres édifices de cette nature qui relèvent la gloire des villes. Ce qui a été cause que celle-ci est devenue la Métropole, qui est le titre que les Romains donnent à la première d'un pays.

 

CHAPITRE V.

1. Chemin élargi, 2. Pont réparé.

 

1. Il y a un bourg nommé Platanon sur un chemin qui conduit de la ville d'Antioche ou plutôt, comme on rappelle maintenant, de la ville de Théopole à la Cilicie, proche duquel il y avait un passage qui étant fort serre entre deux montagnes, et rompu par des pluies continuelles était tout-à-fait dangereux. Justinien n'en eut pas plutôt avis qu'il en chercha le remède. Car faisant une dépende inestimable à couper ces montagnes, et surmontant la résistance de la nature, il ouvrit et aplanit un chemin propre à passer des chariots, et fit voir qu'il n'y a rien qui soit impossible à ceux qui ont de l'esprit, et qui méprisent l'argent. Voila ce que ce prince fit alors.

2. La ville de Mopsueste est une ville de Cilicie, qui fut autrefois fondée par ce Devin, si célèbre et qui est arrosée et embellie par le fleuve Pyrame, sur lequel il n'y avait qu'un pont qui tombait en ruine, de qui menaçait d'une mort prochaine ceux qui y passaient. Cet ouvrage> qui n'avait été bâti que pour la sureté des hommes y était devenu pour eux un sujet de crainte et un lieu de péril. L'empereur a fait réparer soigneusement tout ce qu'il y avait de rompu, et a rendu la fermeté au pont, la sureté aux passants, et l'ornement à la ville. Un peu plus loin est la ville d'Adane, qui est arrosée du côté d'Orient par le Sare, qui tire sa source des montagnes d'Arménie. Comme ce fleuve n'est pas guéable et qu'il porte de grands vaisseaux, on y avait autrefois bâti un pont d'une structure merveilleuse et telle que je vais représenter. Il y avait de grosses piles de pierres qui s'élevaient en divers endroits à une juste distance, et qui soutenaient des arches d'une hauteur extraordinaire. Les piles qui étaient les plus exposées au courant de l’eau avaient été tellement affaiblies par le temps, qu'elles semblaient toutes prêtes à tomber, de sorte que ceux qui voulaient passer dessus, souhaitaient seulement qu'elles pussent durer encore un moment. Justinien a fait d'abord détourner le cours du fleuve, puis il a fait abattre et refaire de neuf ce qui menaçait de ruine, après quoi on a ramené le fleuve dans son canal ordinaire. La ville de Tarse est arrosée par le fleuve Cydne, qui n'ayant jamais fait de dégât par le passé, en fit une fois un fort grand par l’occasion que je dirai ici. Un vent de Midi ayant fondu à l’équinoxe du Printemps les neiges qui étaient tombées durant l’Hiver sur le mont Taurus, les ruisseaux descendirent du haut des rochers, les torrents fondirent de toutes parts, enfin le pied de la montagne produisit comme une infinité de rivières, qui s’étant jointes au Cydne l’enflèrent de telle forte qu'il ruina le faux-bourg qui était du côté de Midi, inonda la ville, renversa les ponts, entra dans les maisons, et y flotta durant deux jours, après lesquels il s'abaissa, et reprit son cours ordinaire. Quand Justinien eut appris la nouvelle de ce fâcheux accident, il divisa le fleuve, et le fit couler moitié hors de la ville, et moitié dedans. De plus il fit faire les arches plus larges, et les piles plus serrées afin qu'elles résistassent aux inondations et ainsi il délivra la ville de crainte et de danger.

 

CHAPITRE VI.

Eglise de la Mère de Dieu à Jérusalem.

 

Voila ce que Justinien a fait en Cilicie. Il a élevé en l’honneur de la Mère de Dieu dans Jérusalem une église, à laquelle nulle autre ne peut être comparée. Les habitants l’appellent l’église neuve. J'en ferai la description après que j'aurai remarqué quelque chose de l'assiette de la ville. Elle est pleine de collines pierreuses, et raides d’où l'on descend comme par degrés. Les autres Édifices sont situés ou sur des hauteurs, ou dans des fonds. Le temple dont je parle a seul une situation toute différente. Justinien a voulu qu'il ait été bâti sur la colline la plus élevée, et il en a prescrit le dessin, la longueur, la largeur, et les autres dimensions. Mais comme la colline n’était pas d'une étendue suffisante, et qu'il manquait tant du côté de Midi que du coté d'Orient, qui est le côté destiné à la célébration des Saints Mystères, l'espace nécessaire pour bâtir environ le quart de l'église, les Architectes s'avisèrent de cette invention. Ils jetèrent dans la vallée les fondements d'un édifice qu'ils élevèrent à la hauteur de celui qui était sur la colline, puis ils les joignirent, de telle sorte néanmoins que l'un était fondé sur la colline et l'autre était comme suspendu. Les pierres qui composent ce bâtiment ne sont pas d'une grandeur ordinaire, car comme les Architectes avaient entrepris se surmonter la nature en élevant un bâtiment qui surpassât la hauteur de la colline où ils bâtissaient, ils ont dédaigné d'employer des matériaux communs, et ils ont recherché des machines nouvelles et surprenantes. Ils ont détaché de quelques unes des montagnes qui sont autour de la ville, des masses de pierres d'une prodigieuse grosseur et après qu'elles ont été taillées, ils les ont fait charier de cette manière Ils firent fabriquer des chariots de la même grandeur que les pièces et ensuite ils les chargèrent. Chaque chariot était tiré par quarante bœufs, choisis entre les plus forts qu'eût l'empereur. Comme les chemins étaient trop étroits, on tailla les rochers pour les élargir. Ils bâtirent par ce moyen cette église de la longueur que Justinien l'avait souhaité. Mais comme la largeur était fort grande à proportion de la longueur, ils ne savaient comment la couvrir: Ils parcoururent pour cet effet diverses forêts et enfin, ils en trouvèrent une où: il y avait des Cèdres assez hauts dont ils se servirent. Ainsi Justinien vint à bout de ce grand ouvrage et la joie qu'il eut de le voir achevé fut la récompense de la piété. Il y manquait néanmoins des colonnes dont la beauté répondît au reste des ornements. La situation du pays qui était plein de rochers etéloigné de la mer, ne permettait pas d'en amener. Comme l'empereur était en inquiétude sur ce sujet, Dieu découvrit les carrières de marbre dans une montagne voisine, soit que ces carrières y eussent été inconnues jusqu'alors, ou qu'elles n'y aient été formées qu'en ce temps-là. Ceux qui rapporteront à Dieu la gloire de cette invention, n'auront pas de peine à croire que l'un et l'autre a été possible ; mais comme les hommes mesurent souvent les choser par l'étendue de leur puissance, ils en trouvent beaucoup qui leur paraissent impossibles, quoi qu'il n'y ait rien qui soit non seulement impossible, m même difficile à Dieu. On tira donc de ces carrières une grande quantité de colonnes, dont la couleur vive et brillante approchait de celle du feu et on les plaça en divers endroits de l'église, tant en haut qu'en bas, et on en mit aussi le long de la galerie qui règne alentour, à la réserve du côté qui est exposé à l'Orient. Il y en a deux au portail qui sont peut-être les deux plus belles qu’il y ait au monde. Il y a ensuite une galerie que l'on a appelée Férule parce qu'elle est étroite. Au bout est un portique soutenu de colonnes pareilles à celles dont j’ai parlé. Les portes; sont embellies de tant d'ornements qu’elles font aisément juger de la beauté du dedans. Il y a ensuite un vestibule admirable, qui est appuyé sur deux colonnes, et qui s’élève à une prodigieuse hauteur. Quand on va plus avant, on trouve deux demi-cercles vis-à-vis l'un de l'autre, dont l’un conduit à un hôpital pour les étrangers et l'autre à un hôpital pour les malades. Ces deux hôpitaux ont été fondés par Justinien, qui a aussi donné de grands revenus à l’église dont je viens de faire la description

 

Chapitre VII.

 

1. Montagne de Garizim. 2. Sédition excitée par les Samaritains. 3. Deux édifices élevés par Justinien sur cette montagne.

 

1. Neapolis est une ville de Palestine commandée par la montagne de Garizim, qui est une montagne que les Samaritains possédaient autrefois et où ils montaient à toute heure pour prier. Ils n'y avaient pas néanmoins bâti de temple et ils se contentaient d'en adorer le sommet avec une profonde vénération. Pendant que Jésus, fils de Dieu, conversait visiblement avec les hommes, il eut la bonté de s'entretenir un jour avec la femme d'un homme du pays, qui lui avait fait quelques questions au sujet de cette montagne, il lui répondit qu'il viendrait un temps auquel les Samaritains n'y adoreraient plus et auquel les véritables adorateurs l'y adoreraient lui-même. Par ces véritables adorateurs il entendait les Chrétiens. Comme cette divine prédiction ne pouvait pas être fausse, elle a été accomplie après une longue suite d’années. Voici comment.

2. Sous le règne de l'empereur Zénon les Samaritains s'étant assemblés dans la ville de Néapolis, ils fondirent sar les Chrétiens pendant qu'ils étaient dans l'église et qu'ils y célébraient la fête de la Pentecôte; ils en tuèrent un grand nombre, et ayant trouvé l'Evêque nommé Terébinthe, qui offrait sur l'Autel l’ineffable Sacrifice, ils lui donnèrent plusieurs coups d’épée, lui coupèrent les doigts, et profanèrent les saints Mystères par des sacrilèges dignes de leur impiété, et indignes d'avoir place dans nôtre histoire. L'Evêque alla à Constantinople, se présenta devant l'empereur, lui montra ses mains coupées, et lui fit un récit fidèle des cruautés que les Samaritains avaient exercées. Il lui rappela dans la mémoire la prédiction du fils de Dieu, et le supplia de punir une insolence si criminelle. Zénon transporté d'une juste indignation fit une prompte justice contre les coupables, en les châtrant de la montagne de Garizim, et la donnant aux Chrétiens. Il fit depuis bâtir sur le sommet une église en l'honneur de la Vierge, qu'il fit fortifier avec une muraille de pierres sèches. Il mit en bas dans la ville une forte garnison, mais il ne laissa en haut que dix soldats pour la garde de l'église. Les Samaritains en ressentaient un cuisant déplaisir, mais ils le cachaient dans le fond de leur cœur par la crainte qu'ils avaient de la puissance de l'empereur. Depuis sous le règne d’Anastase, une troupe de gens de cette nation grimpèrent, à la persuasion d'une femme, au haut de cette montagne par un endroit des plus raides, à cause que le chemin ordinaire était gardé par les soldats. Quand ils furent arrivés à l’église ils tuèrent ceux qui la gardaient, et appelèrent leurs compagnons qui étaient en bas, et qui n’osèrent monter. Peu de temps après le gouverneur de la province nommé Procope, qui était natif d'Edesse, et homme fort prudent, prit les coupables, et les condamna à la mort.

3. L empereur qui régnait alors ne prit aucun soin de faire fortifier l'église, mais Justinien, quoi qu'il eût converti la plupart des Samaritains à la Religion Chrétienne, ne laissa pas toutefois de faire faire autour de l'église une muraille neuve au dehors de l'ancienne. Il fit aussi rebâtir dans la ville cinq églises que les Samaritains avaient brûlées.

 

CHAPITRE VIII.

Justinien fait bâtir une église et un fort sur le mont Sina.

 

Il y a dans la troisième Palestine, qu'on appelait autrefois Arabie ; une solitude vaste et profonde qui semble avoir été condamnée à une triste stérilité, et à une extrême disette d'eau et des autres commodités de la vie. Il s'élève dedans une montagne inculte, nommée la montagne de Sina, qui est comme suspendue au-dessus de la mer rouge. Il n'est pas nécessaire que je m'arrête à décrire ce pays, parce que dans les livres de la guerre contre les Vandales, j'ai fait une relation très exacte, si je ne me trompe tant de cette mer, que du golfe Arabique, des Ethiopiens Auxomites et des Sarrasins Omérites, lorsque j'ai raconté de quelle manière Justinien conquit le champ des Palmiers. Je n'en rapporterai rien ici, de peur de paraître importun. La montagne de Sina est habitée par des moines, qui jouissent en repos des délices de leur chère solitude, et qui vivent dans une méditation continuelle de la mort. Comme ils ne désirent rien de ce que le monde possède et qu'ils méprisent les richesses de la fortune, les délicatesses du corps et les divertissements de l’esprit, Justinien ne pût rien faire en leur faveur que de leur bâtir une Chapelle pour prier et pour offrir le saint Sacrifice. Il ne la bâtit pas sur la cime, parce que personne n'y peut passer la nuit, à cause du bruit qui s'y fait entendre, et qui jette la frayeur et le trouble dans l’esprit. On dit que ce fut là que Moïse reçût les tables, de la loi. Justinien fit encore bâtir au pied de cette montagne un fort, où il mit une bonne garnison, pour empêcher les Sarrasins de faire des courses dans la Palestine. Voila ce que ce prince a fait sur cette montagne. Je dirai en peu de paroles ce qu'il a fait dans les monastères de ce pays-là, et dans le reste de l’Orient,

 

CHAPITRE IX.

Diverses réparations faites en des monastères d'Orient.

 

Le même prince a fait réparer dans Jérusalem les monastères de Saint Talélée, de Saint Grégoire, de Saint Pantaléon, qui est dans le désert du Jourdain, l’hôpital de Jéricho, l'église de la Mère de Dieu dans Jéricho. Le monastère des Ibériens dans Jérusalem Celui des Laziens dans le désert. Celui de Sainte Marie sur le Mont des Olives, celui de la fontaine de Saint Elisée à Jérusalem, celui de Siléthée, celui de l'Abbé Romain. Il a aussi rétabli les ruines des murailles de Bethléem, et du monastère de l'Abbé Jean.

Voici les puits et les Citernes qu'il a fait faire dans le monastère de Saint Samuel un puits et un mur. Un puits dans le monastère de l'Abbé Zacharie, un puits dans le monastère de Susanne, un puits dans le monastère d’Aphéle. Un puits dans le; monastère de Saint Jean au désert du Jourdain. Un puits dans le monastère de S. Serge, sur la montagne de Cistéron. Le mur de Tibériade, l’hôpital de Phénicie dans le pays des Bostréniens. L'église de la Mère de Dieu à Porphyréon. Le monastère de Saint Phocas sur la Montagne. L’église de Saint Serge dans la Ptolémaïde. L'église de Saint Léonce à Damas. Dans le faubourg d'Apamée il a réparé l'hôpital de Saint Romain, et le mur de Saint Maron et dans celui de Théopole l’église de Daphné. Il a réparé à Laodicée l’église de Saint Jean. Dans la Mésopotamie les monastères de Saint Jean, de Telphraque, de Zébin, de Théodote, de Jean, de Sarmate, de Cyréné, et de Bégadée Il a réparé le monastère d’Apadne dans l’Isaurie. Il a réparé le bain et l’hôpital de la ville de Cyrice. De plus l'hôpital et l’aqueduc de Saint Conon dans l’île de Chypre. L'église de Saint Cosme, et de Saint Damien dans la Pamphylie, l'hôpital de Saint Michel dans la ville de Perge en Pamphylie,