chapitres LXXI à C - chapitres CXXI à CLX
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
A cause de notre amitié pour vous, nous nous sommes hâté de vous donner promptement, et avant tout, ces faibles marques de notre humilité ; et, en conséquence, nous avons envoyé des lettres au curopalate (d'Ibérie) et au chef des Abkhaz (Ap'hkhaz), en les priant d'écouter vos demandes, d'oublier tous les coups que vous vous êtes portés, de conclure une alliance d'amitié et une paix perpétuelle entre eux et tous les princes des Arméniens et des Albaniens, et de ne faire plus qu'un avec vous tous, pour combattre, réunis ensemble, le barbare ennemi, fils d'Abousidj, de sorte qu'il trouvera sa perte par vous tous, lui qui a causé, non seulement votre malheur, mais encore celui des nations voisines. Toutefois il sera nécessaire que votre sainteté coopère à cette union par la parole, par des lettres, par des messages, par les évêques, par les prêtres, par les hommes saints, et qu'elle enlève du milieu de son troupeau la flamme de la méchante inimitié.
Dans cette intervention, que jamais il n'y ait de paroles désagréables. Il faut employer des instances auprès des meilleurs pour les amener à suivre des conseils salutaires et à faire des actions louables Étant ainsi unis et d'un commun accord, vous agirez avec force contre le barbare oppresseur de votre pays. Quand vous aurez arrangé tous vos différends, notre prince, l'empereur couronné par Dieu, enverra, dans un temps convenable, beaucoup de il troupes à votre secours. Que le curopalate (d'Ibérie), le chef des Abkhaz, les ischkhans et les grands d'Arménie se joignent alors à nos soldats, puis, avec la puissante protection de Dieu et avec votre coopération sacerdotale, on marchera pour combattre, et il est très probable qu'à la fin on verra la perte de ces ministres de Satan. Ensuite nous serons assez généreux, vous et moi, pour leur accorder le pardon du péché qu'ils ont commis en se mettant en guerre avec nous, ce qu'ils ont fait par méchanceté ; et chacun recueillera ses dîmes et ses moissons, comme il paraîtra convenable à votre sainteté, parce que d'abord nous remettront chaque chose en ordre dans le sacerdoce. Sur ce, que la paix de Jésus-Christ soit avec vous, et que vos prières éclatantes de sainteté nous obtiennent le pardon de nos faiblesses !
Lorsque j'eus lu cette lettre, j'entrai, pour l'amour de Jésus-Christ, dans les intentions qu'elle exprimait : à cet effet je m'efforçai d'adoucir le roi d'Ibérie, et je parvins à obtenir de lui la promesse qu'il conclurait des traités de paix, d'amitié et d'alliance avec tout le monde, et particulièrement avec les ischkhans et les princes du pays des Arméniens et de celui des Ibériens, et qu'à cette occasion on se lierait réciproquement par un serment terrible. Après cela j'entendis les tonnerres de l'affliction et du malheur, qui tombaient sur le peuple de Dieu avec une violence extrême ; les larmes alors coulèrent de mes yeux comme des eaux abondantes, parce que je voyais que la méchanceté s'était élevée dans la maison du Seigneur, et que la sainteté de ce lieu avait été souillée par les infidèles. Lés prêtres du Seigneur soupiraient, et leur âme s'exhalait ; j'eus besoin de me ressouvenir du jour de mes douleurs et de ma séparation, et de rappeler le courage qui semblait s'être éloigné de mon cœur, parce que mes forces s'étaient affaiblies. Cependant, m'étant un peu réconforté et ranimé, je me mis en marche ; j'allai vers le pays de Daron, et ayant appelé auprès de moi les ischkhans et le peuple, mon cœur se dilata, et je trouvai une consolation pour mes chagrins et mes douleurs.
Notre adversaire, qui foulait aux pieds la sainteté du Seigneur, résidait alors dans la métropole Tovin, et là, secrètement, il méditait un grand nombre de funestes desseins ; il s’interrogeait lui-même en disant : que dévorerai-je ? Il répandait ses troupes dans toutes les parties de notre pays ; et son esprit, qui se complaisait dans le mal, agissait plus particulièrement sur le roi Gagig que sur les autres. Voulant que ce prince se réunît à lui, parce qu'il était le compagnon perfide de sa méchanceté., il rengagea à se mettre en route, et à venir à sa cour avec ses cavaliers, après la fuite de ses amis et le pillage de ses trésors. Mais Gagig réunit ensemble toute la population des diverses parties de sa souveraineté, puis s'avança vers les forts situés dans les gorges des pays de Mog (Mokk'h) et des Kurdes, s'y retira, s'y enferma et s'y cacha ; il avait avec lui son frère et le sbasalar de l'armée, qui étaient enflammés de fureur ; et couchés au milieu des nuits, ils étaient comme des bêtes féroces enragées, qui ont l'esprit toujours préoccupé ; avec eux était le grand ischkhan de Siounie, Sempad, attendant la paix divine,
Cependant le sbarabied Aschod se trouvait au milieu du torrent, pour s'être approché de la méchanceté, et il ne pouvait fondre sur Youssouf ni le vaincre ; c'est-pourquoi fon gardait adroitement un silence absolu sur les demandes des Arabes. Aussi le sbarabied, avec une juste prudence, réglait-il toutes les actions de sa vie d'après les désirs de l'osdigan ; seulement, il s'occupait avec le plus grand soin du salut de son âme.
Aschod, fils de Sempad, qui avait été fait roi par le roi des Ibériens,
[1] parcourait alors avec son armée le pays des Arméniens, et occupait les forts soumis à ta domination. Il livrait beaucoup de combats à ses nombreux ennemis, non seulement aux Sarrasins, mais encore aux Ibériens et aux peuples de Gougar, qui se conduisaient avec méchanceté envers lui, et il se distinguait par des actions vaillantes et courageuses.Lorsque je vis la tempête qui s'élevait et les incursion que faisaient les cavaliers pendant que j'étais dans la province de Daron, j'écrivis une lettre à l’empereur des Romains, Constantin, dont voici la teneur :
[2]A l'illustre et puissant empereur des Romains, Auguste Constantin (Kosdantianos), couronné par Dieu, brillant de gloire, grand, excellent vainqueur. Les rois du monde, ceux qui aiment Dieu, les hommes pieux et éclairés par la foi dans toutes les circonstances de la vie, ceux qui aiment avec ardeur la vérité et la paix, les neuf ordres célestes et égaux, les causes de la piété spirituelle, aussi bien que les légitimes chefs des peuples et des nations, et les palmiers divins plantés, dans la maison du Seigneur vous saluent et vivent en paix et en bonne amitié avec le patriarche d'une église qui est comme prise par les ennemis, qui est abandonnée comme un désert aride, ou comme une mère privée de ses enfants, mais qui cependant reste et persiste dans l'amour de la gloire de Dieu. Salut de la part de moi, Jean (Iouannés), indigne patriarche de la grande Arménie ; grâce et paix en Dieu et en notre Seigneur Jésus-Christ à tous ceux qui sont avec nous, aux évêques et à la totalité des monastères de la sainte église ; à tous ceux qui sont frappés, tourmentés et battus par une mort horrible et par le souffle perfide d'Amalec (Amaghek), ce qui provient de la méchante haine du cruel anthropophage et de sa sauvage grossièreté. La foudre de l’amertume est tombée sur nous ainsi que l'affliction, la colère et des vengeances innombrables. Malgré cela, nous avons conservé dans nos âmes la grâce de la joie et l'amour du Seigneur, conformément à ce que dit Paul (Boghos) : Avant que tous vous fassiez des prières remplies d'éternels gémissements, d'humbles supplications, de demandes d'intercession et de dignes louanges, à cause des monarques puissants, invincibles et couronnés par Dieu, vous recueillerez certainement le fruit d'une vie de justice et la véritable paix du roi céleste ; et vos supplications vous procureront la belle et magnifique habitation du monde entier. Et sûrement et certainement, à cause de vos pensées vivifiantes, de votre religion, de toute votre piété, de votre louable sainteté, il activera que vous serez comblé d'une joie délectable, d'une grande satisfaction, et que l'on verra fleurir pour vous l’admirable plante du délicieux et divin repos. A cause de votre amour sincère de Dieu, vous serez environné de gloire avec une splendeur digne de vous et avec le magnifique ornement de vos vertus et de votre religion. Certainement vous êtes fidèle par amour, et vous êtes armé d'une épée pour tirer une vengeance exemplaire des impies. Le soldat de Dieu, qui s'est préparé à nous secourir, le puissant empereur des Romains, couronné par Jésus-Christ et distingué glorieusement par son courage et sa puissance, s'avance aujourd'hui vers nous, au récit de nos épouvantables souffrances et en considération de nos larmes. C'est pour cela que nous disons que les conseils de ceux qui vous parlent nous amènent l'espoir de la joie ; ce prince est modeste et pieux, comme nous le savons ; dans son extrême piété il ne profère jamais que des paroles vertueuses, et il ne prévoit jamais la voix de la destruction. A cause de la sagesse divine qui est imprimée en vous, vous êtes l'objet des vœux de tout le monde, et je rends de grandes actions de grâces de ce que l'auguste et puissant empereur prépare ses forces pour nous secourir. Je prends, en conséquence, les mesures nécessaires pour que le récit de nos souffrances parvienne aux oreilles des hommes pieux, et pour qu'on sache que les haines furieuses des ennemis de la vérité pèsent sur nous du poids de toutes leurs forces ; ils sont comme des jaloux impudiques et impurs, qui courent avec ardeur vers le chaste lit de la fiancée, l'église, pour souiller l'héritage du Seigneur, remplir d'abominations son saint temple, anéantir le peuple de Dieu par la pensée, le ravage et la destruction, dévorer le nouvel Israël, et ravager les lieux où l’on glorifie son nom. Au reste il est manifeste pour toutes les nations que, derrière la secourable muraille de votre force et de la terreur que vous inspirez aux ennemis, et sous la protection des ailes des empereurs, nous sommes comme dans un camp fortifié ou au milieu d'une belle ville. Certainement la couche de l'épouse du Christ n'est pas souillée pour habiter dans Cédar, ainsi que je l'ai dit à votre glorieuse sainteté, ni par la fréquentation du compagnon de Bélial (Péliar) ; car le fiancé qui aime la paix, ne peut pas être éloigné. Comme nous sommes abandonnés, il faut que vous soyez notre vengeur, et que vous nous délivriez des poisons d'un perfide serpent ; il faut avec grandeur accorder ce qui est juste ; nous ne demandons point, avec des paroles de vengeance, la punition des coupables ; une autre fois, de nouveau, nous commencerons à exécrer le dessein de tourmenter ceux qui veulent détruire les barrières spirituelles de la vigne du Seigneur, d'avancer et de tomber sur eux ; de les brûler, de les fouler aux pieds, de les exterminer, et enfin de poursuivre et d'anéantir par les flammes du plus violent incendie les perfides et les traîtres qui, agissant contre la foi chrétienne établie par Jésus-Christ, suscitent des persécutions à la sainte église, et font, comme les gardiens des maisons ou ceux des forêts, qui, avec la hache, en détruisent les entrées. Ils ne respectent pas la sainteté du Seigneur ; ils renversent par terre la tente où l’on adore son nom, accomplissent un sacrifice d'impiété, mettent le crime affreux à la place des vertus, trompent ceux dont la confiance est en Dieu, donnent pour pâture aux bêtes féroces des monceaux de corps morts, élèvent jusqu'au ciel des piles de corps saints, et font couler à torrents, comme un fleuve autour de Jérusalem, le sang des prêtres de l'église. La vaillance des combattants a été fatiguée par la grande quantité des meurtres, et ils se sont souillés de sang. Les princes de la race de Thorgoma, tous les chefs des villes et des bourgs sont accablés et fatigués par les calamités et les douleurs. Les uns sont précipités dans les fers ou dans les cachots et éprouvent des tourments épouvantables ; d'autres sont abandonnés à la soif de l’épée ; d'autres, par une perfidie infâme, sont emmenés captifs pour être vendus, et restent dans la société des méchants. Les grands et les petits sont disperses de tous côtés sur la surface de la terre, ou bien retirés ou cachés sur les montagnes, dans les cavernes et dans les antres, tourmentés par la nudité, la faim, l'agitation, une peur terrible, des sueurs affreuses, et la crainte de la mort ; ils sont comme abattus par le souffle de la tempête ; ils sont à demi-morts par les tourments et les souffrances. Partout la main d'Amalec est occupée à abreuver de sang le fer (homicide) ; son souffle perfide fait sortir la mort de toutes parts. Plusieurs des nôtres tombent dans les embûches de la perfidie ; ils meurent dévorés en secret par ces brigands. Quelques-uns sont consumés par l'incendie qui approche ; d'autres périssent étouffés ; d'autres sont cruellement poursuivis par l'épée jusqu'à ce qu'ils reçoivent la mort, C'est ainsi que notre pays est abîmé, et c'est en conséquence de cela que je vous adresse ces paroles en faveur de Sempad Pagratide et de tous les princes orientaux, qui sont dignes d'être appelés, spirituellement pariant, vos fils et vos serviteurs. Par cette bonne action vous serez le protecteur de l'église, et vous éloignerez de nous tous ces maux affreux que nous a causés un cruel ennemi, vous serez le défenseur du troupeau de Jésus-Christ, malgré nos péchés, notre arrogance et notre impiété. Après avoir été agitée, bouleversée et tourmentée par les souffrances les plus grandes, la race d'Ascénes, dans sa vieillesse, sera pacifiée par une fécondité spirituelle, et délivrée de toutes des méchancetés par la volonté du maître des rois. Pour la gloire et la louange de Dieu, le troupeau réuni du Christ a été affligé et persécuté dans sa vieillesse : d'horribles fers, des lieux obscurs, des abîmes épouvantables, des endroits difficiles et des tour-ciments affreux, tel fut son sort ; après quoi on nous présenta l'amertume des souffrances, la mort par les tourments, le meurtre par la soif de l’épée. En définitive nous avons été trompés ; mais nous nous plaçons sous votre protection et nous sommes vos fidèles serviteurs. Actuellement il faut livrer des combats, oublier nos souffrances et suivre votre conseil ; il n'y a plus de milieu : il faut se préparer à la guerre et disposer tous les combattants. Sédécias (Sétekia) a été emmené en captivité ; Zorobabel (Zoropapel) ne peut pas relever la puissance déchue du pays des Arméniens. Hazael (Azaiel) est prêt pour détruire Israël ; l'ennemi nous environne et nous assiège de tous les côtés. Macchabée, trompé par de perfides et barbares ennemis, ne peut nous délivrer des tourments les plus affreux. La religion de Jésus-Christ, que nous professons, est abandonnée au tyran Antiochus (Andiok’hos). Mathathias (Madathéas) n'est pas vivant pour combattre contre un guerrier perfide et tyran. L'église de Jésus-Christ est abandonnée ; elle reste dépréciée et isolée, comme une habitation ravagée par l'incendie, et les solennités des fêtes sont silencieuses. Le troupeau de Jésus-Christ se trouve tout entier privé des secours paternels ; il est dépouillé de sa propriété ; les pauvres, les affligés et les délaissés des pays orientaux sont toujours tourmentés par l'affliction ; ils poussent des gémissements lamentables et versent d'abondantes larmes ; ils endurent continuellement les persécutions des méchants ; ils sont agités, et leur sensibilité est mise à l'épreuve par toutes sortes de désagréments. Moi, le très indigne Jean, je supporte l'abattement de mon âme, en pensant qu'on ne jugera pas que les âmes des justes ont mérité d'être abandonnées aux méchants. Au reste mes péchés s'élèvent fortement contre moi. Le mal-ci heur, les tourments et l'exil ne sont que des épreuves ; j'en suis content, et je les place devant vous. Ainsi, selon Paul, c'est par la souffrance que se glorifie la faiblesse, et c'est par la patience qu'on illustre ses dangers. Beaucoup d'hommes sont persécutés et affligés par les enfants d'Agar (Hagar) ; tombés dans un puits marécageux, ils sont enchaînés avec des liens de fer, et ont à subir de mauvais traitements, des coups et des cruautés inimaginables, qui seraient suffisantes pour m'arracher l'âme. Au reste, moi, je suis comme un homme tourmenté. Toutefois notre espoir est en Jésus-Christ, qui nous soutiendra par la force ; qui ne pourra voir ce que je raconte sans délivrer mon corps de cet état de mort, et qui m'affranchira de l'esclavage, ainsi que ceux qui sont avec moi poursuivis par le midi, et comme, pour ainsi dire, tenus entre les dents du dragon. Élie (Éghia) s'enfuit à Sarepta (Sariptha) de Sidon, à cause de la prophétie faite contre Jézabel (Iezapel) ; Paul, craignant de perdre la vie, se réfugia dans les puissants remparts de Damas (Tamaskos), à cause du prince Arétas (Areda). Toutes ces souffrances, je les ai méritées. Par l'arrêt du Seigneur, je vais fuyant de ville en ville ; je me présente à la porte des riches, des grands, des rois puissants, dont je suis éloigné. Je demande et j'implore votre miséricorde, votre pitié, votre indulgence et votre bonté, non seulement pour moi, mais encore pour toute la race d’Ascénez. Défendez vos enfants et vos serviteurs, qui tous boivent dans la coupe de la colère dû tyran du Midi. Goûtons, épuisons même la lie de l'affliction dans le vase des malheurs affreux qui rendent notre état déplorable. Je vous prie donc, dans la sagesse et la piété de votre esprit, de lever votre main contre un ennemi impie, jusqu'à ce qu'il soit détruit, jusqu'à ce que vous ayez délivré votre propre héritage, et que vous ayez rétabli, aux dépens des infidèles, le grand et beau temple du Dieu très haut, qui a été pillé et dévasté par eux, Il faut mettre en fuite ces cruelles bêtes féroces, ces loups dévorants, ces infidèles, ces impies, ces barbares grossiers. Soumettons ces contrées, qui, dès le commencement, ont été converties à notre douce religion, qui est remplie de miséricorde ; (soumettons-les) afin de pouvoir tranquilliser notre terre, pacifier tout ce qui est au milieu de nous, et ôter le joug qui, pesant sur nos têtes, nous accablera jusqu'à la mort par la main des tyrans ; (soumettons-les) afin de sanctifier ce pays et nos villes, (en les délivrant) de l'infidélité, de la méchanceté des traîtres, de la destruction, et des mauvais princes, ennemis de Dieu ; ou, pour parler comme les prophètes, afin d'hériter de la félicité, en rendant malheureuses les filles de Babylone ; ce qui nous sera accordé. C'est pour cette cause que Dieu, dans sa bonté, choisit selon ses désirs ceux à qui il donne la paix. Il rend aux hommes puissants ce qui leur est dû pour leur service ; par une manière de vivre tranquille et par la paix ils s'approchent de Dieu. C'est parce que le Seigneur m'a confié ce troupeau spirituel de fidèles que je vous adresse des prières et des supplications. La conséquence de cela est que je suis obligé de dire à l'empereur, excellent vainqueur, couronné par Jésus-Christ, que la tyrannie du Midi m'accable ce de tout le poids d'un joug épouvantable ; que nous sommes tourmentés par la gêne, la contrainte et la nécessité de fuir ; par les souffrances, la faim, l'épée et la captivité. Je suis placé sur les fleuves de Babylone, et je me rappelle perpétuellement la captivité de Sion. Je me réfugie sous la protection du miséricordieux et puissant empereur ; je suis prosterné à ses pieds, je le supplie de faire attention à mon habitation et aux reliques des saints patriarches qui ont été avant moi, qui, au commencement, ont amené nos ancêtres dans le saint bercail de la foi, et qui occupaient cette habitation. Alors, éloigné par la force et le pouvoir de Dieu et de la sainte croix, et protégé par la miséricorde des invincibles empereurs, chacun en son ce temps, le troupeau fidèle paîtra tranquillement, le cœur en paix, et délivré de la crainte par la religion. Moi-même je vous supplie, en vous donnant la bénédiction par la croix salutaire et vivifiante, de ne pas me tromper, ni ceux qui avec moi adorent le saint signe divin, et d'accomplir les destinées réservées aux rois par le Seigneur. Au reste je suis empêché par le grand nombre de mes années d'aller auprès de vous, et je me suis trouvé arrêté ici jusqu'à ce jour. Votre gloire auguste, votre haute et puissante protection nous rendront la paix et la douce tranquillité de la vie ; probablement les Arabes seront chassés, le saint bercail de vos serviteurs sera fortifié et défendu, le troupeau de Dieu vivra désormais dans la plus grande sécurité ; et nous adresserons à Dieu de continuelles actions de grâce, à cause de la paix, de l’éloignement des ennemis, de l'extrême bonté du puissant maître des rois, et de vos efficaces secours. Avec gloire et éclat nous rétablirons le pays des Arméniens, nous rassemblerons le peuple devant le Seigneur, et grâce à vous nous remplirons les désirs de Dieu. Il est sans doute manifeste devant la gloire de votre trône que moi, faible pasteur d'un troupeau, je me soutiens à l'aide du glorieux et invincible saint signe, et par la protection des puissants empereurs. Bien plus, ce troupeau est dans l'héritage de Jésus-Christ ; il suit constamment mes traces ; il est toujours parqué sous la protection de la croix, de manière que les brebis ne peuvent pas sortir de la bergerie pour se répandre dans le pays. En définitive nous recherchons l'alliance de l'empire des Romains, comme tout ce qu'il y a de plus sûr et de plus convenable pour nous. Ceux qui ne la désirent pas sortent du troupeau du Seigneur. Aussi c'est pour cela que nous, nous obéissons à vos volontés et que nous y obéirons toujours. Moi, indigne, je resterai toujours dans mes péchés ! Que le saint signe élevé jusqu'aux cieux, brillant et éclatant de gloire, qui est au milieu du firmament, et qui resplendit comme le soleil, soit au milieu de vos états, sur la glorieuse ville où vous habitez, sur le palais où ce vous résidez ! Qu'ils soient sauvés de tout mal ; qu'ils ne soient point affligés par d'effroyables calamités ; qu'il ne s'élève point d'ouragan sur vos mers par la fureur des barbares étrangers ; que votre peuple ce n'éprouve point de violentes tempêtes qui soient suscitées par les infidèles et qui amènent l'hiver de la destruction, non plus que des flots qui ressemblent A des montagnes ! Des ennemis, même redoutables, ne peuvent enchaîner vos mouvements, ni tromper un monarque chrétien, dont la puissance, s'étend depuis les limites du pays jusqu'aux limites du monde ; votre empire est brillant de gloire. Nous sommes extrêmement joyeux et contents de l'admirable repos dont vous jouissez par la tranquillité et la paix. Votre salut est pour nous un sujet de très grande satisfaction, et votre noble commisération ne nous laisse pas dans les agitations de l'inquiétude. Nous nous approcherons pour recevoir la douce bénédiction de celui qui vous a couronné d'une couronne étincelante et glorieuse pour la gloire de Jésus-Christ, et qui a élevé votre justice par la force du Seigneur. Nous, nous bénissons glorieusement votre nom, puissant, excellent vainqueur, bon empereur des Romains, Auguste Constantin !
Quand on lut cette lettre devant l'empereur, on sut que nous étions encore en butte, dans ce moment, à la fureur des méchants du Midi ; que nous étions tourmentés et tout près de notre perte ; que le bon et illustre roi Sempad était sorti de la vie, et qu'il avait reçu la tunique des martyrs. Alors on pensa à nous protéger efficacement. En conséquence on envoya promptement
[3] au prince royal Aschod, d'après ma demande, un certain Théodore (Théotoros), délégué impérial porteur de nombreux et magnifiques présents, d'un traité d'alliance et d'amitié, et chargé enfin de renouer les liens qui avaient subsisté entre Basile (Pasil), père de l’empereur, et Sempad, père du roi. Il s'empressa de se mettre en route pour aller voir le prince et pour arranger toutes les choses Nécessaires, parce que le fils du roi, Aschod, était retiré et caché dans les forts dépendants de sa souveraineté. Comme j'étais alors dans la province de Daron, le délégué impérial vint d'abord me trouver ; moi, par une espèce d'inspiration, j'allai au-devant de lui. Je le reçus, et je l'envoyai au fils du roi, Aschod. Quand il fut arrivé auprès de ce prince, il lui montra l'ordre impérial ; Aschod fut ranimé par l'amitié et les bonnes dispositions (que lui témoignait cet écrit). Il se mit immédiatement en route pour se rendre auprès du grand empereur, et il fit rapidement son voyage ; partout où il s'arrêta pour prendre quelque repos, il trouva la plus parfaite hospitalité et des honneurs tout à fait royaux, Parvenu à sa destination, il fut reçu avec la plus haute distinction et la plus grande magnificence. On lui rendit bien plus d'honneurs qu'à tous les plus grands princes ; on le traita, non comme les autres hommes distingués mais comme le rejeton des rois, et presque avec autant de magnificence que s'il s'était agi de l'empereur lui-même ; on lui présenta toutes sortes d'ornements royaux, et on le combla de distinctions royales. En même temps l'empereur l'appelait fils de martyr et son cher enfant ; il le fit revêtir de pourpre, lui donna des robes magnifiques enrichies d’or, et des ornements dorés, et le ceignit de ceintures enrichies de pierreries. Ce ne fut pas une fois ou deux, mais à plusieurs reprises ; il lui faisait aussi monter des chevaux rapides, couverts de riches et superbes caparaçons. Enfin Aschod reçut en présent une grande quantité de coupes et de vases, et beaucoup d'ustensiles d'or et d'argent. Tous les nakharars qui étaient venus à sa suite furent également comblés de marques d'honneur ; on leur compta de fortes sommée d'argent, et on leur assigna un traitement considérable, qui devait durer jusqu'au moment où ils repartiraient.Quant à moi, je me mis en route et j'axai dans la province de Terdchan, où je séjournai tout le reste du mois, quoique je reçusse très fréquemment des invitations et qu'on m'engageât avec une très affectueuse amitié à me rendre dans le palais auprès de l'empereur. Je ne crus pas devoir y aller, parce que j'avais dans l'idée que peut-être on me presserait instamment de suivre la doctrine du concile de Chalcédoine. En conséquence je ne voulus pas entreprendre ce voyage, retenu que j'étais par la pensée qu'on me ferait cette offense. Ensuite, d'après mon choix et mes désirs, je me dirigeai vers une sainte caverne, dans laquelle s'était d'abord retirée la femme Mani, où avait ensuite habité notre trois fois heureux libérateur, et où l'on déposa les faibles restes de son saint corps, après qu'il eut vaincu, par l'ordre de Dieu, la tyrannie des forts. Ce lieu, plein de souvenirs de vertu, offre tout l'appareil d'une religion vivifiante ; il est digne de tous les genres de bonheur et couronné d'une gloire éclatante par le Seigneur.
Je vis dans une gorge toute pierreuse une petite caverne, dont l'abord et l'entrée étaient très difficiles ; elle me parut extrêmement désagréable à habiter, à cause de l'âpreté de son aspect ; mais dès longtemps la table du Seigneur y était dressée, et Tony avait, sans interruption, célébré les sacrifices de Jésus-Christ. Le cœur saisi de crainte, je m'avançai, et je me plaçai sur la pierre raboteuse, sur laquelle, tous les deux jours, s'accomplissait le saint mystère, et qui couvrait l'endroit où avait cessé de vivre sainte Mani ; là, avec la plus grande effusion, je me prosternai devant la toute-puissance de Jésus-Christ. J'allai ensuite vers la fontaine limpide, dans laquelle les saints venaient se rafraîchir, pour éteindre l'ardeur des douleurs et pouvoir se livrer plus complètement au service spirituel ; elle était entourée d'une grande quantité de pierres, et on y allait étancher sa soif en invoquant le nom du saint et pur Grégoire. Dans cet endroit je trouvai convenable, moi, malheureux pécheur, de me pencher aux bords de la source, pour satisfaire mes désirs et pour boire de l'eau de cette fontaine du salut et de la rénovation. Je m'approchai ensuite du trône, qui est un lieu respectable et illustre, et de cette terre de bénédiction, sur laquelle on tombe prosterné, et qui renferme des trésors spirituels d'un prix inestimable pour le pasteur. C'est dans ce lieu même que, par mon ordre, une église avait précédemment été bâtie ; elle formait un magnifique bâtiment. Je vis là, dans une gorge, des religieux qui habitaient une caverne pierreuse ; ils étaient couverts de cilices, couchaient sur la terre nue, marchaient nu-pieds, se nourrissaient d'aliments grossiers, priaient Dieu continuellement, versaient d'abondantes larmes, se formaient à la justice par de pénibles exercices, et s'instruisaient dans la pratique de la vertu. Ces moines n'étaient pas tous réunis dans un seul endroit, mais dispersés çà et là, au pied de la montagne où ils étaient fixés et où, par des travaux extrêmement rudes, ils s'efforçaient tous de vaincre et de dominer leur corps.
Après que j'eus béni ces religieux, j'allai vers le bourg de Thortan, dans la maison de plaisance et le jardin de saint Grégoire, où sont cachés des trésors de sagesse et d'immortalité, c'est-à-dire les reliques vivantes des saints, qui tous sont venus pour civiliser ce pays selon la vérité. Comme le soleil ils brillent d'une lumière qu'on ne peut supporter ; ils sont éclairés par le feu de l'esprit et resplendissent comme un lieu rempli de lampes ; ils brillent d'une lumière inextinguible pour la gloire de Dieu. Je fis les vêpres dan cet endroit ; j'y adorai le Seigneur en y célébrant le sacrifice avec du pain fait avec du froment qui avait été semé par les mains de notre saint illuminateur. Ensuite je m'agenouillai sur la montagne, du côté du désert. Quand j'eus été neuf mois en prières dans ces lieux l'audace et les paroles querelleuses de nos rois, qui s'engageaient dans une voie fatale aux mœurs établies par Dieu, me déterminèrent à m'en retourner dans la terre des Arméniens, parce que je prévoyais le châtiment qui attendait ces princes à cause de la violation de leurs serments. Ne sachant que faire, sentant mon esprit incertain, détournant la face à la vue de leur méchanceté, mais cependant profondément affligé de la situation déplorable de mon pays et de mes concitoyens, par deux fois je désirai ardemment d'être loin d'eux et d'habiter auprès du saint homme, ou bien, en place, d'obtenir la mort, mais cependant quand ce serait la volonté du Seigneur. Toutefois tandis que le basilic qui souffle un mauvais air était tranquille dans la ville de Tovin, il méditait perpétuellement de méchants projets ; il mordait de sa dent cruelle et empoisonnée le roi Gagig, ainsi que tout son peuple et tous ses nakharars, pour les précipiter enfin vers leur chute et leur perte. Mais le roi s'étant confié dans le Seigneur, et ayant entendu la voix du peuple s'élever, donna des ordres qui mirent tout en mouvement autour de lui ; il rassembla ses commandants et ses gouverneurs, avec les troupes et les généraux des frontières de Her, de Zéravant, de Marant et de Nakhidchévan ; et après un certain nombre de jours, ses cavaliers, ses soldats et ses généraux s'avancèrent contre l'ennemi, combattirent avec vaillance et courage, et versèrent une grande quantité de sang.
Lorsque le méchant osdigan vit cette vigoureuse résistance, il fut comme honteux et comme méprisé par ceux qu'il avait toujours vus à ses pieds. Il méditait secrètement la vengeance ; il était furieux, il murmurait, il se portait rapidement de tous les côtés, et il réunissait auprès de lui une grande quantité de troupes de sa nation ; puis il se mit en marche et s'avança du côté de Margasdan, dans la province de Dosb ; les chefs, enflammés de fureur, voulaient égorger, déchirer, briser, battre, tuer, renverser, faire périr, et enfin passer au fil de l'épée tout le peuple, toutes les races et toutes les familles. A la vue de cette effroyable multitude de troupes arabes, on se rassembla pour se défendre et on montra de la résolution ; malheureusement quelques lâches, qui étaient fatigués de combattre et qui ne voulaient pas qu'on marchât à la rencontre de l'ennemi, entravèrent tout. On se porta cependant en avant, mais on ne put achever le mouvement, ni décider les récalcitrants à attaquer les Arabes. Après cet incident, les nôtres se mirent en marche et s'avancèrent au pas de course. Dans toutes leurs démarches, ils employèrent l'adresse et la prudence ; puis, se tant tous revêtus de leurs habits de guerre et ayant pris leurs armes et leurs ornements, ils sortirent, soit des forts bâtis au pied des montagnes, soit des vallées profondes, soit des forts de pierre, et se répandirent de tous les côtés. Ils marchaient avec célérité et rapidité, poursuivaient l'ennemi, allaient sur ses derrières, et s'emparaient de ses vivres ; c'étaient des flots qui se succédaient ; ils couraient à l'aventure dans toutes les directions ; ils étaient, selon les expressions de Salomon, comme les troupeaux de chèvres sauvages, qui courent et qui errent sur la montagne de Pertela ; mais ils ne purent soutenir les efforts des ennemis, ni terminer leur entreprise d'une manière conforme à leurs désirs. Ensuite, pendant deux mois, ils furent comme retenus ou aveuglés par la diversité des jugements et des avis. Ils avancèrent enfin, laissèrent l'ennemi loin d'eux, et, avec la permission de Dieu, allèrent par le côté méridional de la province de Rhodog (Rhodak), à Her, à Selmas (Saghamas), et de là dans les villes de l'Azerbaïdjan.
Le sbarabied Aschod était inquiet et tourmenté de son triste et éternel esclavage. Ne se rappelant plus le méchant tyran Youssouf, et se livrant à l'instabilité de son cœur, il était toujours le serviteur des mauvais conseils, et restait tranquille parce qu'il avait sa retraite assurée par la route du Vasbouragan. Ensuite la grande et pieuse princesse, mère du sbarabied, et ses deux sœurs, qui étaient du côté de Nakhidchévan, furent envoyées en Perse, vers l’Azerbaïdjan, et placées en prison pour servir d'otages. Au bout de quelques jours, le sbarabied Aschod fut invité à se rendre promptement à la cour ; il se mit immédiatement en route avec ses compagnons ; il fut reçu magnifiquement ; on lui donna une somme d'argent très considérable, et on lui fit de grands présents.
Lorsque le roi Gagig, les princes de sa race et les nakharars virent cette indigne et méchante perfidie, ils devinrent secs et arides, se portèrent en avant et marchèrent tous, conduits par le glorieux protecteur, qui est Dieu. Mais ensuite ils retournèrent chacun dans leurs provinces, dans leurs villes, dans leurs possessions, dans leurs bourgs, dans leurs maisons, sans avoir déjoué les mauvais desseins du perfide. Peu après ceux qui avaient été glacés de terreur par l'ennemi ne purent parvenir à se jeter sur ce terrible vagabond.
Cependant le très prudent, l'excellent conseiller et le très juste Adom, ischkhan d'Andsévatsi, s'avançait avec des forces très considérables pour secourir le roi Gagig. Il croyait lui-même, par une très grande et très profonde connaissance de la sagesse, qu'avec l'aide de la bienveillance divine, on séparerait et on éloignerait de son pays et du palais de son père celui qui faisait tant de mauvaises actions, et dont toutes les pensées étaient empreintes de méchanceté. Il se sentait fortement protégé par les ailes de Dieu contre ce que pourrait entreprendre la brûlante méchanceté de l'impétueux Youssouf.
L’ischkhan de Mog (Mokk'h), Grégoire, et son frère Gourgen préparaient beaucoup de présents pour offrir au roi Gagig, pendant son adversité, leur tribut de soumission.
Ce dernier était alors lui-même, ainsi que son riche pays, dans l'abîme et dans d'insurmontables difficultés ; mais enfin il sortit sain et sauf de ce précipice de captivité et de tyrannie.
Aschod, fils de roi, apprit tout cela quand il était encore dans l'empire des Romains. Alors, avec de grandes actions de grâces et de grandes promesses d'un service fidèle, il demanda à l'empereur la permission de retourner promptement dans le royaume de ses pères, et il lui fit connaître que, par la bienveillance du Seigneur, tout serait arrangé pour le mieux dans le pays des Arméniens.
L'empereur Constantin, sur la fin de ce temps de bonheur, reçut avec beaucoup de bienveillance la demande d'Aschod. Il fit préparer pour ce prince une grande quantité de présents, de dons, de vêtements splendides, d'ornements magnifiques et superbes ; puis il lui donna de fortes sommes d'argent, plaça sous ses ordres plusieurs généraux, rassembla un nombre considérable de troupes romaines, et l'envoya dans son royaume. Aschod se mit en route, alla en avant, passa par beaucoup de stations, et enfin parvint à sa destination, après avoir établi sa domination dans beaucoup de lieux qui se soumettaient d'eux-mêmes, et qui, avec le plus grand plaisir, s'empressaient d'offrir de nouveaux dons à cet hôte.
Le grand bourg de Goghp montra de la méchanceté et lui résista. Comme il ne voulait pas se conduire dans un esprit convenable, on le réduisit à l'obéissance ; mais, à cause de sa résistance, on le livra à l'esclavage des Grecs.
Ensuite Aschod, sbarabied des Arméniens, retourna à cette époque vers l'osdigan Youssouf ; s'étant mis en marche, il entra dans la métropole Tovin. L'adroit osdigan avait alors imaginé un expédient très habile pour jeter l'épée de la division entre ses alliés et ses ennemis et pour rendre inutiles les projets qu'ils avaient conçus. Il mit une couronne royale sur la tête du sbarabied des Arméniens,
[4] et le ceignit d'une épée ; puis il le renvoya dans son pays afin qu'il s'élevât une violente dissension entre lui et le prince royal du même nom.[1] D'après le récit de Jean Catholicos, dans ce chapitre, et surtout dans le chapitre cii, il semblerait qu’Aschod, fils du roi Sempad, ne fut reconnu roi d'Arménie par Gourgen, roi d'Ibérie, que postérieurement à l’année dans laquelle eut lieu le couronnement d’Aschod par Adernersèh, roi de Géorgie. Saint-Martin (Mém. I, 360) place en 915 ce dernier événement, et y associe Gourgen et Adernersèh.
[2] La longue lettre de Jean Catholicos à l'empereur Constantin Porphyrogénète, qui est rapportée ici en entier, fut probablement écrite dans le courant de l’année 920, peu après que Jean eut reçu celle du patriarche de Constantinople dont la teneur remplit les chapitres c et ci. Mais il faut suppléer au silence de l'historien arménien, en rappelant ici qu'à cette époque Constantin Porphyrogénète ne régnait que de nom.
[3] L'arrivée d'un envoyé impérial auprès du roi Aschod et le voyage de ce prince à Constantinople se placent en 921. (Voyez Saint-Martin, Mém. I, 361.) Le récit de Jean Catholicos doit être modifié par suite de la remarque qui termine la note précédente et la note relative aux chapitres c et ci.
[4] C'est aussi en 921 que l'osdigan Youssouf couronna roi d'Arménie, à Tovin, le sbarabied Aschod, fils de Schahpour (Schahbouèh) et cousin-germain du roi légitime d'Arménie, Aschod, fils du feu roi Sempad. Dans les chapitres suivants (cxxi et suiv.), Jean Catholicos évite la confusion qui pourrait naître de la conformité du nom et du titre de ces deux princes, en distinguant souvent le dernier par l'épithète de fils de roi, et, plus tard (ch. cxlviii et suiv.), par le titre de roi des rois (Schahanschah), que lui conféra, au nom du khalife, l’osdigan Serpouk'h, successeur d'Youssouf.