Helmold

HELMOLD DE BOSAU

 

Chronique des Slaves LII

Oeuvre numérisée et traduite (pour certaines parties) par Marc Szwajcer

LI - LIII-LIV

 

 

 

 

HELMOLDUS

CHRONICA SLAVORUM

De ritu Slavorum. Capitulum LII.

Postquam igitur mortuus est Kanutus cognomento Lawardus rex Obotritorum, successerunt in locum eius Pribizlaus atque Niclotus, bipartito scilicet principatu, uno scilicet Wairensium atque Polaborum, altero Obotritorum provinciam gubernante. Fueruntque hii duo truculentae bestiae, Christianis valde infesti. Invaluitque in diebus illis per universam Slaviam multiplex ydolorum cultura errorque supersticionum. Nam preter lucos atque penates, quibus agri et opida redundabant, primi et precipui erant Prove deus Aldenburgensis terrae, Siwa dea Polaborum, Radigast deus terrae Obotritorum. His dicati erant flamines et sacrificiorum libamenta multiplexque religionis cultus. Porro sollempnitates diis dicandas sacerdos iuxta sortium nutum denuntiat, conveniuntque viri et mulieres cum parvulis mactantque diis suis hostias de bobus et ovibus, plerique etiam de hominibus Christianis, quorum sanguine deos suos oblectari iactitant. Post cesam hostiam sacerdos de cruore libat, ut sit efficacior oraculis capescendis. Nam demonia sanguine facilius invitari multorum opinio est. Consummatis iuxta morem sacrificiis populus ad epulas et plausus convertitur. Est autem Slavorum mirabilis error; nam in conviviis et compotacionibus suis pateram circumferunt, in quam conferunt, non dicam consecracionis, sed execracionis verba sub nomine deorum, boni scilicet atque mali, omnem prosperam fortunam a bono deo, adversam a malo dirigi profitentes. Unde etiam malum deum lingua sua Diabol sive Zcerneboch, id est nigrum deum, appellant. Inter multiformia autem Slavorum numina prepollet Zuantevith, deus terrae Rugianorum, utpote efficacior in responsis, cuius intuitu ceteros quasi semideos estimabant. Unde etiam in peculium honoris annuatim hominem Christicolam, quem sors acceptaverit, eidem litare consueverunt. Quin et de omnibus Slavorum provinciis statutas sacrificiorum impensas illo transmittebant. Mira autem reverentia circa fani diligentiam affecti sunt; nam neque iuramentis facile indulgent neque ambitum fani vel in hostibus temerari paciuntur. Fuit preterea Slavorum genti crudelitas ingenita, saturari nescia, inpaciens otii, vexans regionum adiacentia terra marique. Quanta enim mortium genera Christicolis intulerint, relatu difficile est, cum his quidem viscera extorserint palo circumducentes, hos cruci affixerint, irridentes signum redemptionis nostrae. Sceleratissimos enim cruci subfigendos autumant. Eos autem, quos custodiae mancipant pecunia redimendos, tantis torturis et vinculorum nodis plectunt, ut ignoranti vix opinabile sit.


CHAPITRE LII.

Du rite des Slaves.

Or donc ce fut ainsi que mourut Kanut, surnommé Laward, Roy des Obotrites & sa principauté fut partagée entre Prybyslas & Niclot ; l’un gouverna la province des Wagriens & Polabes & l’autre celle des Obotrites. Ce furent deux véritables bêtes féroces avides du sang chrétien & de leurs temps on vit fleurir dans la Slavie le culte de toutes sortes d’idoles, d’erreurs & de superstitions. Car outre les bois sacrés & les pénates qui remplissaient les champs & les bourgs, ils avaient des dieux Principaux tels que Prowe dieu de la terre d’Aldenbourg, Siwa déesse des Polabes, Radegast dieu de la terre des Obotrites ; tous ces dieux avaient leurs prêtres leurs sacrifices & leur culte particulier ; le prêtre consulte les sorts & d’après leur décision fixe les jours de solennités où se rassemblent les hommes les femmes & les enfants, chacun y sacrifie des bœufs, des brebis & quelquefois des chrétiens, parce qu’ils croient que leur sang est très agréable aux dieux. Le prêtre, après avoir frappé la victime, fait des libations de son sang afin de se mettre en état de rendre des oracles, car beaucoup de gens sont dans l’opinion que le sang attire les démons. Lorsque les sacrifices sont finis, le peuple se livre à la joie des festins, car les Slaves ont une singulière erreur lorsqu’ils boivent ensemble : ils font passer à la ronde une patère dans laquelle ils portent des paroles ; je ne dirai pas de consécration mais d’exécration au nom de leurs dieux du bien & du mal disant que toute la bonne fortune vient du dieu bon & la mauvaise du mauvais dieu. Ils appellent celui-ci Diabol ou Czerneboch, c'est à dire le Dieu noir.

Parmi les dieux multiformes des Slaves, le plus illustre est Zwantbevit, dieu de la terre des Rugiens, ils le croient le plus efficace dans ses réponses & ne regardent les autres dieux que comme des demi-dieux, en comparaison de lui. Aussi pour lui rendre un honneur particulier, ils tirent tous les ans un chrétien au sort & le lui sacrifient ; toutes les provinces Slaves contribuent aux dépenses de ces sacrifices, les peuples ont pour ce temple un singulier respect, ils ne permettent point que l'on y jure & ne souffrent point que l'on en viole le circuit, même à l'égard d'un ennemi.

Au reste, les Slaves sont un peuple d'une insigne cruauté, ne pouvant vivre en paix & ne cessant de vexer ses voisins tant par terre que par mer. L'on ne saurait imaginer tous les genres de mort qu'ils ont inventé pour faire périr les chrétiens. Quelquefois ils attachaient un bout de leurs boyaux à un arbre & les dévidaient en les faisant marcher autour de l'arbre. Quelquefois ils les mettaient en croix, pour se moquer par là du signe de notre salut. Car ils croient qu'il n'y a que les plus scélérats que l'on doivent crucifier. Ceux qu'ils destinent à être rançonnés, ils les affligent de tourments & les chargent de liens, d'une manière incroyable.