GUILLAUME LE BRETON.
PHILIPPIDE : CHANT I
Oeuvre mise en page par par Partick Hoffman
texte latin numérisé par Philippe Remacle
COLLECTION
DES MÉMOIRES
RELATIFS
A L'HISTOIRE DE FRANCE,
depuis la fondation de la monarchie française jusqu'au 13e siècle
AVEC UNE INTRODUCTION DES SUPPLÉMENS, DES NOTICES ET DES NOTES;
Par M. GUIZOT,
PROFESSEUR D'HISTOIRE MODERNE A L’ACADÉMIE DE PARIS.
POUR LE TEXTE LATIN
LA PHILIPPIDE,
POÈME,
Par GUILLAUME LE BRETON.
CHANT PREMIER.
GUILLELMI PHILIPPIDOS PRIMUS LIBER.
CATHALOGUS MATERIE LIBRI PRIMI. Propositio.
Prelia magnanimi preclaraque gesta
Philippi,
Ergo age, Musa, viri tam precellentis honori
Deinde, quibus sub eo meruit
pollere triumphis Invocatio divini auxilii.
Xriste, Dei
splendor, virtus, sapientia, Verbum, De origine Francorum.
Postquam judicio Priameia regna
latenti
Ut se vitali viduavit Francio flatu,
At jam Sequanio surgebat littore cunctis
At Francos nunquam vis ulla Valentiniano 110
Tunc preerat Priamus rex Austricus omnibus illis ;
His Marcomirus gaudens, Francique quirites 130
Parisios igitur postquam cognovit eadem
Quis vero cui rex regi successerit ex tunc .................
Annus millenus centenus septuagenus
Hec tamen, haud dubium, tentatio contigit illi,
Ergo necesse fuit aliud prefigere tempus,
Annis ante dies elapsis quatuor illos,
Quod tam sancta patris sint vota a martyre sancto
320
Jamque dies aderat cunctis optata, novembris
Tunc pater ejus erat annorum septuaginta,
Tunc synagogali cedente superstitione,
Pulsis Judeis, sanctoque rigore fugatis,
Sic omnes regni fines purgavit ubique
Parisiis locus est, Campellos nomine dicunt.
Dum rex magnanimus eliminat omnibus horis
In castro silvis Aquilina quod undique cingit,
Rex sextum decimum nondum compleverat annum,
Non procul a fluvio Ligeri Castellio castrum
Vix bene finito dux Odo Allobrogus anno
Frugifero jucunda solo nihilominus illi 580
Rex igitur mittit pacis monitiva benigne
In puero sperni, nec se pro rege teneri
Interea solis aurora preambula terras
At rex, ut nullum sibi tempus in obsidione
Se dux ergo videns non posse resistere tantis
Rex igitur, cujus pietas excedere vota 710
Nec mora Bituricas exercitus ibat in oras
Terra Briensis habet castellum nomine Braiam,
Tempore cujusdam guerre, rex prodigus eris,
Dixerat, et scripto comites rogat, ecclesiarum
Uno dehinc anno belli secura quievit |
ARGUMENT. Dans ce premier chant Philippe est revêtu des insignes honneurs de la royauté. — Une loi nouvelle expulse les Juifs et institue des peines contre les blasphémateurs. — Un feu de courte durée fait passer les hérétiques dans les feux éternels. — Philippe fait purifier Champeaux et le décore de murailles élevées. — Les ennemis de l'Église sont réprimés, et dès le premier assaut les deux villes de Châlillon1 cèdent au roi vainqueur. — Sept mille Cotereaux sont mis a mort.— Une fournaise ardente consume tous les Juifs de Bray. — Le roi répondant d'une bouche éloquente au clergé de Rheims, lui rend actions pour actions, et paroles pour paroles. Je tâcherai de raconter sommairement en mes chants véridiques les batailles et les glorieuses actions par lesquelles le magnanime Philippe a signalé, dès ses plus jeunes ans, son bras puissant dans le maniement des armes; car je ne veux rapporter qu'un petit nombre de faits au milieu d'un plus grand nombre. Et qui pourrait en effet écrire ces actions dans tous leurs détails, ou les renfermer dans ses vers, ou les confier au papier, ou même en garder le souvenir fidèle? De tels exploits seraient dignes de la muse de 6 Maron, le poète des dieux, qui éleva jusques aux cieux les cendres de la ville de Troie, ou de celui qui fit succomber les remparts de Troie devant les Grecs vainqueurs, et qui chanta si dignement les voyages d'Ulysse, errant de lieux en lieux. Lucain, amant passionné de la gloire, non plus que celui qui raconta la Thébaïde en un poème plein de charmes, ne suffiraient point pour rapporter complétement, d'une façon digne du sujet, tant d'ennemis vaincus, tant de guerres, tant de siéges, tant de bonnes actions dans le palais, tant d'actes de valeur dans les exercices de la chevalerie. Il n'est personne qui soit en état d'épuiser un puits si large et si profond; personne même qui ait pour y puiser des cordes ou des seaux propres à supporter un tel poids. Je prendrai donc dans cet ensemble une part quelconque, qui sera pour moi comme la totalité. Je renonce à saisir le tout; à peine osé-je en aborder une partie. Courage donc, ô muse, couvre-toi de sueur avec empressement, pour honorer un homme si éminent en toutes choses, et commence ton récit dès l'année où le roi nouveau vit briller en ses mains son sceptre d'ivoire. Que ce soit là le point de départ de tes nouveaux chants; poursuis ensuite, et dis par quels triomphes la France a mérité sous son règne d'être élevée en puissance; dis par quel chevalier elle a courbé devant ses enfans les têtes des Neustriens, après avoir mis en fuite le roi des Anglais; et continuant ton récit, marche en avant d'un pas régulier, ayant soin de choisir un terrain solide sur les rivages de cette mer, afin de ne pas t'engloutir dans ses profondeurs. Toutefois veuille, dans le principe, rap- 7 porter quelle fut l'origine de la race des Français; quel fut celui qui donna aux Français un si grand nom; quelle région les envoya dans le pays qu'ils occupent maintenant; car tu sais qu'il est toujours nécessaire, quel que soit celui dont on parle, que l'on sache quel il est, avant que l'on apprenne ce qu'il a fait lui-même. Aide-moi à montrer que je connais la mer sur laquelle je déploie mes voiles, afin que je parcoure d'une marche plus légère le chemin qui s'ouvre devant moi, car il est bon d'observer en toutes choses une méthode régulière. Et toi, Christ, qui es la splendeur de Dieu, la puissance, la sagesse, le Verbe, qui procèdes de toute éternité du Père éternel, qui es véritablement le Verbe, la lumière issue de la vraie lumière, le vrai Dieu procédant du vrai Dieu, unique et identique, co-éternel au Père et à l'Esprit-Saint, je t'invoque en commençant; que ta grâce soit présente et vienne à mon secours; qu'elle me conduise à travers les aspérités de la forêt sans que rien heurte mon pied, sans que mon esprit, qui sans toi ne saurait comment se diriger, soit enveloppé de ténèbres. Sans toi rien n'est brillant, sans toi aucun chemin ne peut être ouvert: ô toi, qui es la lumière de l'astre de l'orient, dissipe les brouillards de mon esprit de ton céleste rayon; donne à mon entendement de briller de la lumière d'en-haut; enseigne à ma main ce qu'elle doit écrire, à ma langue ce qu'elle doit dire; conduis-moi par le droit sentier; prête-moi des forces nouvelles pour mes chants; sois mon chemin et mon guide, mon navire et mon Palinure; rends ma marche assurée à travers ces mors semées d'écueils. 8 Lorsque, par l'effet d'un jugement secret, le royaume de Priam eut été livré aux feux des Grecs par la colère du Dieu vengeur, qui double le châtiment des pécheurs en les frappant par le bras même des pécheurs (faisant ainsi tourner en moyens de salut les crimes des hommes qu'il voit pour long-temps encore plongés dans les souillures du péché), Francion, fils d'Hector, fils de Priam, ayant donné la sépulture à son père, et redoutant les terribles vengeances des Grecs, voyant toute l'Asie et la Troade réduites en cendres, se prépara à chercher au loin une meilleure patrie, selon que le sort ou la force des armes lui donneraient de l'obtenir. Une troupe choisie de jeunes gens se réunit à lui pour s'associer à son exil ainsi qu'à ses travaux; et comme par son extrême valeur et par ses exploits il leur fit acquérir beaucoup d'honneur et de nombreuses victoires, ces jeunes gens le reconnurent pour leur roi, en posant le diadème sur sa tête, et s'appelèrent d'un commun accord du nom de Francs, afin qu'appelés Francs, ceux qui avaient adopté Francion pour chef pussent lui ressembler par leurs actions, aussi bien que par leur nom. Marchant alors avec leur roi, ils passèrent sur des bateaux le fleuve du Danube, que l'on peut à peine traverser à la nage, et non loin de ses bords ils fondèrent la ville qu'ils nommèrent Sicambrie, et dans laquelle Francion régna le premier avec eux, après avoir soumis à son empire la totalité de ce royaume, qui a été appelé Austrie dans la langue teutonique. La nation des Francs posséda ce royaume durant un très-long temps, savoir onze cent vingt-deux ans avant que la bienheureuse Vierge eût mis au monde le Christ, et trois 9 cent soixante-seize ans depuis la naissance de Dieu. Après que Francion eut perdu le souffle de la vie, cette noble race s'accrut à l'infini, et ses brillantes forces se multiplièrent à tel point qu'une seule contrée ne fut plus en état de contenir sa nombreuse population. Ibor donc se sépara d'elle2, suivi d'une troupe considérable d'hommes francs, au nombre de vingt-trois mille, sans compter le sexe féminin et tous ceux encore qui ne pouvaient porter les armes. Etant sortis du pays de leurs pères, ils allèrent à travers les campagnes de la Gaule, cherchant un emplacement convenable pour élever des murailles, et s'appelèrent Parisiens, d'un mot grec qui, traduit en notre langue, veut dire courage, prenant ce nom uniquement pour éviter toute erreur, et ne voulant d'ailleurs se distinguer, que par le nom, des Francs dont ils s'étaient séparés. Mais déjà s'élevait sur les rives de la Seine cette ville plus belle que toutes les autres villes, dont la faiblesse de mon esprit ne me permet pas de célébrer tous les avantages, qui est la capitale du royaume, qui nourrit les illustres rejetons des rois, et qui est l'institutrice de l'univers entier. Et quoiqu'à vrai dire, aucun lieu dans le monde ne brille au-dessus de celui-là, comme à cette époque ses marais et son territoire humide la rendaient toute fangeuse, les Parisiens l'appelèrent Lutèce, d'un nom qui convenait à cette circonstance3. Ils y habitèrent pendant un très-long temps, menant une vie simple, se gouvernant eux et leurs peuples 10 selon les usages des Gentils, payant annuellement aux Romains le tribut qu'ils leur devaient, et vivant suivant les lois de leurs pères. Quant aux Francs, Valentinien ne put réussir à les dompter, malgré les plus grands efforts, et quoiqu'il eût tenté à plusieurs reprises de les soumettre à l'Empire romain: voyant qu'ils étaient toujours invincibles, et ne pouvaient être subjugués dans aucun combat: «Ceux-là, s'écria-t-il, je les appellerai véritablement Francs, que leur valeur rend toujours farouches et indomptables4.» Le roi Priam régnait alors en Austrie sur tous ces Francs. Lorsqu'il eut acquitté sa dette envers la nature, son fils Marcomir lui succéda dans son royaume, et par sa valeur, s'éleva au-dessus de tous ses ancêtres. Valentinien lui écrivit enfin en ces termes: «Franc, je te remets pour deux fois cinq ans le tribut que tu me sers, et je me fais ton ami, sous la garantie de la paix, si tu me prêtes ta milice jusqu'à ce que j'aie triomphé du peuple alain, qui se déclare l'ennemi des Romains et ose vouloir soustraire sa tête à noitre joug, tant il puise de courage dans les fureurs d'une populace armée et accoutumée au pillage, dans la multitude de sa race et dans l'aspect horrible des lieux qu'il occupe, couverts de montagnes et de rochers escarpés, et impénétrables à tout ennemi.» Tout joyeux de cet écrit, Marcomir et les soldats francs acceptent ces propositions, vont combattre les Alains, et, dans l'emportement de leur fureur, font 11 de ceux-ci un si cruel massacre, que de cette immense multitude il n'en demeura pas un qui ne fût ou décapité par un chevalier franc, ou frappé de mort après avoir subi des tourmens de toute espèce, et qu'il n'échappa à ce carnage que ceux à qui la nature avait refusé la force de combattre. Cet exploit excita l'admiration de tout le monde, et la gloire des Francs se répandit dans le monde entier. Après l'expiration des dix années, Rome redemanda aux Francs son ancien tribut. Ayant racheté leur liberté au prix de leur sang, les Francs au cœur farouche dirent alors qu'ils aimeraient mieux souffrir l'exil et renoncer entièrement à leur patrie que de demeurer soumis à Rome sous la dure loi d'un tribut. Et comme après la mort de Valentinien, la république romaine se trouvait fort affaiblie, les Francs, sortant de leur pays, allèrent de leurs bras vigoureux subjuguer les Germains et les Teutons, même les Allemands, les Tongres et les Belges, les Saxons et les Lorrains, et tous les peuples en outre qui sont répandus dans les champs des Gaules jusqu'à ce que l'on arrive sur les bords du fleuve de la Seine; et aucun duc, ou comte, ou roi, ne put demeurer vivant, s'il ne se soumit volontairement à la valeur de ces Francs. Lorsqu'ils apprirent que les Parisiens étaient issus de la race dont eux-mêmes descendaient, les chevaliers francs s'en firent des amis au moyen d'une solide paix, les appelant frères des Francs, et concluant avec eux un traité durable, en sorte que les Francs et les Parisiens ne formèrent plus qu'un seul peuple. Leur ville alors fut pour la première fois appelée Paris, cette ville à qui d'abord le site même où elle se 12 trouvait avait fait donner le nom de Lutèce. Partant ensuite de ce lieu avec Pharamond, fils de Marcomir, que son père leur avait donné pour roi, les enfans des Francs allèrent soumettre à leurs puissantes armes tout ce qu'il y a de pays entre la mer qui nous sépare maintenant des Anglais, et les confins et les ports éloignés de l'Espagne, que l'on a coutume d'appeler vulgairement les barrières de Charles5. C'est ainsi que l'on nomma France, du nom des Francs, la terre qui avait eu plus anciennement le nom de Gaule, et dans laquelle Pharamond fut le premier revêtu des honneurs de la royauté, après avoir entièrement expulsé les Romains. Son propre fils, Clodius, lui succéda. Celui-ci, en mourant, laissa son sceptre à Mérovée, et le fils hérita de nouveau des droits de son père. Mérovée eut pour fils Childéric; et en mourant, il l'institua roi et son successeur, en vertu de ses droits paternels. Ce dernier fut père du roi Clovis, le premier entre les rois des Francs qui fut jugé digne de croire en Christ et de trouver une nouvelle vie dans les eaux du saint baptême. Lorsqu'il se fut converti aux dogmes de l'Evangile, et comme saint Remi se disposait à l'oindre de l'huile sacrée, voilà que l'ennemi de l'homme, tout affligé et toujours envieux de l'honneur de l'Église, brisa le vase, et répandit la liqueur sainte, cherchant par là, lui qui trouve toujours dans sa propre nature mille moyens de faire le mal, cherchant à provoquer le roi à renoncer à son vœu, ou du moins à différer son baptême de quelques heures, tout joyeux de pouvoir nuire, sinon tout-à-fait, du moins autant qu'il était en son 13 pouvoir, et tâchant d'affaiblir d'une manière quelconque la vertu du roi, car il aime toujours à perdre les ames bien plus que les corps. A cette vue, la troupe païenne fut ébranlée; tous s'écrièrent que ce fait était arrivé par la puissance de leurs dieux, que le roi ne devait point se détourner des voies antiques que toute sa race avait jusques alors suivies, et que cet événement démontrait avec évidence que le Dieu même qui avait permis que l'huile sainte fût répandue et le vase brisé ne voulait pas que le roi, tout couvert de cette huile, se liât à la loi du Christ. Mais le saint archevêque, levant alors vers le ciel les yeux et les mains, obtint par ses ardentes supplications qu'une liqueur sacrée fût envoyée du ciel même avec un vase sacré. Publiquement, et à la vue du roi lui-même et de tous ses Francs, un ange, envoyé du ciel, apporta à l'archevêque cette huile, dont ce même roi fut sacré le premier; et depuis lui, tous les rois des Francs, lorsqu'ils sont appelés à porter le sceptre, et au moment de leur couronnement, sont sacrés de cette même huile. Ainsi, tandis que redoutant de perdre un seul roi, l'ennemi de l'Église inventait une fraude perfide, il arriva qu'il mérita de perdre en même temps tous les Francs, car les païens, ayant vu un si grand miracle, se firent tous rajeunir dans les eaux de la vie éternelle. Quel roi a succédé à un autre roi depuis cette époque jusqu'à nos jours, c'est ce que tu pourras apprendre, ô lecteur, par cet arbre généalogique que je place ici sous tes yeux, et dans lequel Pharamond se présente le premier, parce que le premier il régna sur cette terre des Francs: et cependant l'opinion la 14 plus commune affirme que Clovis est le premier de ces rois, parce que le premier il mérita de croire en Christ et d'abandonner les erreurs des Gentils. Partant de Pharamond comme de celui qui fut le tronc, la ligne se développe et montre quelle fut la descendance directe et ensuite la descendance collatérale....6. C'était l'an 1179 après le temps sacré de l'enfantement de la Vierge, que le père très-pieux de Philippe résolut de mettre dans les mains de son fils le sceptre royal, au jour vénérable sanctifié par la sainte Assomption de la bienheureuse Marie. Comme les grands du royaume et ceux que décorent les honneurs de l'épiscopat avaient été appelés pour prendre part à de si grandes joies, comme on était près du jour où le nouveau roi devait recevoir l'onction, celui-ci, accompagné de ses serviteurs et de jeunes gens de son âge, s'était rendu dans la forêt de Cuise7 pour y chasser. Le hasard lui ayant fait rencontrer à lui seul un sanglier, le prince, encore enfant, entraîné par l'amour de la gloire et du butin, se lança à sa poursuite dans la profondeur des bois, sans être accompagné de personne. Comme il se trouvait déjà bien loin des chasseurs et ne pouvait entendre ni leurs cris, ni les cors, ni les aboiemens des chiens, tout-à-coup, tel qu'une ombre et une fumée, s'évanouit à ses yeux ce sanglier trompeur, si toutefois il est permis de nommer un sanglier celui qui voulut nous frapper d'une si grande plaie et enlever si brusquement aux Fran- 15 cais leur Philippe, qui était seul et unique héritier de son père et du royaume. L'enfant donc, ayant voulu retourner auprès de ses compagnons, ne put plus retrouver son chemin, ne sut même plus de quel côté il devait se diriger; et, n'ayant personne avec lui, il erra sans relâche deux jours et une nuit de suite. N'ayant pour toute consolation que la compagnie de son cheval, portant de tous côtés ses pas inquiets, ô terreur! il allait se précipitant à travers tous les mauvais pas, en tous sens, dans les lieux où ne se trouvait point de sentier, partout enfin où le conduisait sa marche incertaine et vagabonde. Pendant ce temps, ses amis affligés le cherchaient de tous côtés, et enfin ils le trouvèrent le soir du second jour, après de longs ennuis. Il se mit au lit pour quelque temps, et tomba malade, non sans y être poussé par de nombreux motifs, par la frayeur et la faim qui l'avaient tourmenté durant deux jours, et par la fatigue qu'il avait endurée en errant ainsi, au grand chagrin de tout le peuple. Le jour que l'on avait fixé pour son sacre se trouva ainsi dépassé. Il n'est pas douteux cependant que cette épreuve ne tomba sur lui qu'afin que Dieu le rendît meilleur par cet accident et plus attentif à prendre soin des affaires du royaume. Une chose en effet qui se distingue par de si grands honneurs, que sa propre excellence fait vivement desirer, plus elle est différée, plus il faut de grands efforts pour y atteindre, et plus aussi elle est agréable, plus elle devient chère, plus elle mérite de fixer les plus vives affections, car ce qui s'obtient sans effort devient méprisable, et l'on aime bien mieux ce que l'on n'acquiert qu'à force de 16 travail. Par là en outre notre ennemi tombe dans la confusion, lui qui se plaît toujours à corrompre les bonnes semences, qui, lorsqu'il ne peut les faire disparaître, travaille du moins à différer ce qui nous est avantageux, cherchant toujours à s'opposer aux bonnes actions. Et lui-même ne nous est nuisible qu'autant que cela lui est permis par le Seigneur, qui nous éprouve et nous exerce par lui, afin de nous couronner après la victoire remportée sur le tentateur, et afin que notre vertu, sans cesse éprouvée, aille aussi s'augmentant sans cesse. Il fut donc nécessaire de déterminer à l'avance une autre époque pour que le roi reçût le diadèmen après qu'il serait guéri. Quatre années avant cette époque, le père de ce prince, partant ainsi qu'un pélerin, s'était rendu dévotement, pour y faire ses prières, à l'église dans laquelle reposent les ossemens de Thomas le martyr, dont les vertus ont embaumé le monde entier, par la puissance de celui pour le nom duquel Thomas souffrit et mourut. Le roi très-pieux, se tenant debout devant le sépulcre du saint martyr, et répandant des larmes, fit entendre entre autres paroles les paroles suivantes: «Hôte saint, notre dévotion t'a consolé dans ton exil par des honneurs bien inférieurs à ceux qu'elle eût voulu te rendre. Toi cependant, obligé de prendre la fuite pour la cause de la liberté de l'Église, daignant sanctifier mon royaume durant ton exil, y vivant saintement et en toute piété pendant sept années, tu as reçu d'un cœur satisfait ce que nos ressources nous permettaient de t'accorder, ainsi qu'aux saints pères que 17 «l'ennemi de la foi avait condamnés comme toi à l'exil. Après cela, rappelé dans ton pays sous les fausses apparences de la paix, lorsque j'étais tout attristé d'avoir à renoncer à ta présence, tu me dis (et sans doute l'esprit qui sanctifiait mon hôte ne souffrira pas que ses paroles demeurent sans effet), tu me dis donc: «Roi très-pieux, la compassion que tu as toujours montrée pour moi, en me traitant en citoyen, et non en exilé, cette compassion avec laquelle tu m'entretenais, pour me consoler, de présens continuels, et m'offrais mille soulagemens dans mon exil, cette compassion est et demeurera à jamais gravée dans mon cœur, et je garderai à jamais un profond souvenir de ta bonté. Je m'engage donc par un vœu, et dans toute la sincérité de ma foi, à ce que, dans toutes les choses que tu voudras, et que tu m'auras demandées pour toi ou pour les tiens, tu n'essuies jamais aucun refus, autant que le Seigneur m'aura donné la puissance de les accomplir.» Telles furent tes promesses, ainsi tu te lias spontanément envers moi. Maintenant souviens-toi de ta parole; maintenant le lieu et l'occasion t'imposent le devoir de faire ce que vient te demander ton ami, ou plutôt ton serviteur très-soumis. Voilà, tu es puissant; voilà, Dieu t'accorde, dans sa générosité, tout ce que tu lui demandes toi-même; voilà, par l'effet de tes mérites, tous les infirmes qui viennent implorer ton assistance retournent chez eux parfaitement sains. Puissant protecteur, je place Philippe sous ta tutelle: conserve-le, seconde-le dans ses entreprises, veuille être en toute chose son premier protecteur, je ne te recom- 18 mande que lui. Père très-bon, prends pour lui un amour de père, aie pour lui la tendre sollicitude d'un tuteur, pour lui que la divine clémence, par l'effet des mérites des saints, des prières des hommes et des tiennes, m'a donné pour unique héritier lorsque j'étais déjà décrépit et affaissé sous le poids des ans.» Que les prières sacrées d'un père ont été exaucées par le saint martyr, c'est ce qu'ont bien prouvé le fait suivant et les événemens postérieurs. En effet, la piété de son père et les mérites du bienheureux martyr l'ont assisté, et il s'est montré tel en toutes choses qu'il est devenu digne de recevoir les dons célestes. Bien plus, le saint le choisit spécialement pour vengeur de son propre sang, et résolut de se servir de lui et de ses enfans pour extirper jusque dans ses plus profondes racines la race ensanglantée des parricides. Le même martyr l'annonça dans une inspiration divine à un saint homme, et lui ordonna de dire ces choses au roi, afin qu'il fût mieux assuré que de tels combats seraient agréables au Seigneur. Et quoique cet homme ait différé de rapporter la vision qu'il avait eue, lorsque tous ces parricides eurent été presque entièrement détruits par les armes de Philippe, l'événement se justifia lui-même, et le résultat prouva bien que la vengeance du martyr avait été confiée au roi. Enfin arriva le jour vivement desiré de tous, qui est le premier de novembre, jour depuis longtemps sanctifié par tous les saints, et maintenant devenu bien plus saint encore, jour où le roi très-auguste brilla décoré de tous les honneurs de la royauté 19 et fut oint de l'huile sainte, dont Dieu a donné à nos rois de se servir en cette circonstance; huile préparée des mains des anges par un effet de la puissance divine, afin que ceux qui portent successivement le sceptre des Français soient seuls et spécialement consacrés par elle; par où l'excellence particulière de notre royaume est mise en évidence, en sorte que notre roi devient bien véritablement plus grand que tout autre roi, lui que le métropolitain de Rheims, assisté des autres prélats, ses collègues, a seul le droit de consacrer de ce saint chrême, que l'huile céleste n'a destiné qu'à cet unique usage. Ce fut donc cette huile, et non aucune autre, que Guillaume, archevêque dans la ville de Rheims, répandit sur les membres de notre roi, descendant de Charles, en se conformant aux usages suivis par ses devanciers. Pénétré de respect, il posa sur sa tête le diadème sacré, au milieu des applaudissemens du clergé et du peuple. Ainsi les bontés du Christ nous accordent une gloire toute particulière, à nous qui jouissons en commun des honneurs des Français. Ainsi le roi des cieux se fait l'ami de notre roi, ainsi il exalte au dessus de tous les rois de la terre celui qu'il fait seul consacrer de la sainte onction du ciel, tandis que les autres ne sont consacrés que d'une essence toute matérielle. A cette époque, le père de Philippe était âgé de soixante et dix ans, et dans le cours de cette même année, il passa dans le sein du Seigneur8. Philippe lui-même n'avait pas encore atteint la moitié de sa quinzième année; ses joues se couvraient à peine d'un léger duvet; il avait vu deux fois sept années et deux 20 mois de plus. Aussitôt qu'il se trouva seul chargé de l'administration du royaume, devenu libre, et gouvernant par sa propre volonté, il se livra tout d'abord, de toute la puissance de son corps et de son ame, au bon plaisir du Seigneur, de celui qui l'avait choisi lui-même pour être la gloire spéciale du monde. Desirant donc consacrer ses premiers actes à son bienfaiteur, il retira son amour aux Juifs, qui ont en haine et Dieu et la loi de l'Eglise et ses sacremens. Ensuite il remit leurs dettes à tous ceux qui devaient aux Juifs une chose quelconque, en retenant la cinquième partie pour lui, afin de protéger les droits de son royaume. Car son père avait eu de faibles revenus et ne lui avait rien laissé absolument, si ce n'est sa puissance, afin qu'il lui succédât comme son légitime héritier; tant les mains généreuses de ce père très-pieux avaient d'ailleurs dépouillé le domaine royal, pour l'usage de ceux qui sont les membres du Christ. Le roi même eût pu, s'il l'eût voulu, prendre tout cela pour lui, et sans faire aucun dommage à ceux à qui il l'eût pris, puisque c'était la propriété et le mobilier de ses esclaves. Bientôt après9, il chassa ces mêmes Juifs de tout le territoire de son royaume, qu'il délivra ainsi d'une peste dangereuse, accordant toutefois à ces malheureux le temps nécessaire pour qu'ils pussent préparer leurs effets mobiliers, leur personne et celle des leurs, pour ce départ, selon que le prescrit l'usage. Les superstitions de la synagogue ainsi rejetées, le roi fit consacrer les synagogues en églises, et en tous lieux où il y avait eu une école ou une syna- 21 gogue, il augmenta le service divin et en institua dans tous les quartiers. Et afin que le culte de Dieu ne pérît point, si par hasard ses ministres venaient à se trouver dans le besoin, il donna à tous les établissemens de grandes dotations. Ensuite il sanctionna et fit publier dans tout le royaume une nouvelle loi, afin que nul ne fût assez téméraire pour blasphémer par le cœur, ou la tête, ou tout autre membre, de Dieu, de telle sorte que celui qui aurait transgressé cette même loi serait tenu de payer quatre fois cinq sous aux pauvres du Christ, ou serait jeté dans les eaux du fleuve, voulant par là détourner les hommes de ce péché et réformer peu à peu cette détestable habitude, dont la France n'est que trop souillée, de déchirer en quelque sorte les membres bienheureux de Jésus, pour rien du tout, pour les choses les plus futiles, ou de lui imputer criminellement les péchés dont il s'est chargé lui-même pour notre propre salut. Les Juifs ayant été expulsés et mis en fuite avec une sainte rigueur, le roi ordonna ensuite de rechercher au plus tôt les hérésiarques, qui séduisent les cœurs des simples par leurs dogmes remplis de faussetés, tuant ainsi par leurs fraudes secrètes les ames qui ne se tiennent pas sur leurs gardes, et ceux encore qui nient les avantages du mariage, qui disent que c'est un crime de manger des viandes, ou qui cherchent à introduire d'autres superstitions, sur lesquelles Paul s'est expliqué en peu de mots dans une de ses épîtres. Tous ceux qui prenaient goût à des doctrines contraires à notre foi, et que l'on appelle du nom vulgaire de Poplicains, contraints à sortir de 22 leurs ténèbres et de leurs asiles cachés, étaient traduits au grand jour, et, selon l'ordre des juridictions, convaincus et envoyés au feu, allaient souffrir temporellement d'une flamme matérielle, pour souffrir ensuite à jamais dans les flammes de la géhenne. Toutefois à l'heure même de leur mort, et s'ils se sont repentis en toute pureté de cœur, ils ont pu éprouver l'indulgence de ce Dieu qui, suspendu sur la croix, selon ce que nous lisons, dit au larron attaché aussi sur une croix: «Tu seras doté de la vie éternelle, et tu seras aujourd'hui avec moi dans le paradis10» Voilà ce que valut à ce larron le mérite de la foi, la contrition du cœur et cette grâce qui devance les mouvemens spontanés, au moment où il suppliait le Seigneur, se trouvant placé sur le seuil de la tombe. Ainsi le roi purgea le territoire de son royaume de tous les hérétiques et de la criminelle perfidie des Juifs, qui souillent le monde de leurs usures: et dès lors nul ne put plus vivre dans toute l'étendue du royaume, s'il s'opposait aux lois de l'Eglise, s'il ne consentait fermement et en tout point à toute la foi catholique, ou s'il reniait les sacremens. Il est à Paris un lieu que l'on appelle Champeaux, et dans lequel sont ensevelis, de droit commun, les corps de tous ceux, quelque nombreux qu'ils soient, qui sortent du monde dans cette ville. Ce lieu était d'ordinaire ouvert à tout venant, et même aux cochons, rempli d'immondices, de pierres et de beaucoup de fumier, et ce qui était encore pire que tout le reste, les courtisanes s'y livraient à leurs prostitutions. Ainsi 23 l'on faisait la plus grande insulte aux morts et à un lieu consacré, pour lesquels on doit toujours, d'après les ordres de Dieu, avoir la plus grande crainte et le plus grand respect. Le roi donc, brûlé du zèle de l'amour divin, et indigné que l'on se permît de telles abominations en un cimetière consacré, où reposent ensevelis les corps d'un grand nombre de saints, le fit entourer de pierres carrées, et fit construire des murailles bien unies, suffisamment élevées et sur une circonférence assez vaste, telles qu'on les fait dans les châteaux ou dans les villes. Par là ce lieu sacré fut purgé de toute souillure, et dès ce moment on lui rendit l'honneur qui lui était dû. Tandis que cet auguste roi extirpait avec puissance et à toute heure les crimes des Français et ceux qui sont les amis des crimes, tandis que, tout nouvellement parvenu au trône, il se réjouissait d'affermir la foi catholique, dès le commencement de son règne, par l'expulsion des hérétiques, Hébon du Berry11, Gui, comte de Châlons, et le farouche Imbert, qui tenait sous sa domination le château de Beaujeu et plusieurs autres châteaux, entreprirent de porter préjudice, de toutes sortes de manières, à l'Eglise du Christ et aux ministres de l'Eglise, et l'entreprirent dans leur pays, où chacun d'eux croyait pouvoir prendre plus de licence. Le roi, enfant par son âge, mais homme mûr par son courage et la force de ses armes, les détruisit par la guerre plus promptement qu'on n'aurait pu l'espérer, et les contraignit tous à courber la tête sous les pieds de l'Eglise. Le roi accabla ces brigands d'un bras si vigoureux que tout ce qu'ils avaient enlevé 24 au clergé ou aux colons du clergé, ils le leur restituèrent, après avoir préalablement payé une amende. Ainsi ce roi, encore tout nouveau, dès son début consacra très-dévotement au Christ et à l'Eglise les prémices de ses œuvres et ses premières armes. Ainsi, tout récemment revêtu des insignes de la chevalerie, il sut d'abord les employer pour Dieu; ainsi jeune chevalier il aima mieux défendre par ses armes le patrimoine du Crucifié, que s'en aller de lieu en lieu cherchant de vains exercices, ou poursuivant les frivoles honneurs d'une renommée trompeuse; et par là il mérita que le Seigneur l'élevât, dans les années suivantes, par de brillans succès, et dirigeât toujours heureusement les entreprises de son jeune champion. En outre, le Seigneur daigna le visiter par une apparition que je vais raconter, et se montrer à lui face à face. Dans le château qu'entoure de toutes parts la forêt d'Iveline, et auquel saint Léger a donné son nom, le roi étant un jour à entendre célébrer les mystères de la messe, vit entre les mains du prêtre, au moment même de l'élévation, un enfant d'une admirable beauté, et les anges, citoyens des cieux, entourant de très-près cet enfant, et lui témoignant un extrême empressement. A cette vue le roi s'humilia la face contre terre et tout inondé de larmes, et se dévoua tout entier devant l'autel au Seigneur des cœurs, qui dévoile ses secrets quand il veut et à ceux qu'il veut choisir. Mais dans tout le peuple qui l'entourait, nul, pas même le prêtre, ne fut appelé à voir la même chose; la puissance mystérieuse se découvrit au roi seul, seul jugé digne qu'un si grand spectacle lui fût offert; afin que celui qui était déjà si empressé à protéger le 25 clergé et l'Eglise, devenu plus empressé encore et plus dévoué par cette apparition, se disposât pour le reste de sa vie à des œuvres de vertu. Ainsi il est hors de doute que les secrets de la foi lui furent alors révélés, afin qu'il apprît avec quelle puissance le Christ pourvoit au salut des hommes, par les mystères, lui qui tous les jours, pour l'amour des pécheurs, s'offre véritablement lui-même en sacrifice à son Père sous l'apparence du pain, lorsque le ministre catholique célèbre les saints mystères, ayant soin d'observer les formes adoptées dans l'Eglise, et que le Christ lui-même a enseignées. Le roi n'avait pas encore accompli sa seizième année, et déjà il protégeait l'Eglise de Dieu, de telle sorte que tous le reconnaissaient hautement pour l'athlète du Christ, et le défenseur de la foi et du clergé. Mais voilà que plusieurs des grands du royaume, comtes et ducs, appréciant la circonstance de ses jeunes années et non les forces de son ame, oubliant l'amour dont le vassal est tenu envers son seigneur, le chevalier envers son roi, et conspirant dans le même but, se disposent en commun à l'attaquer et à faire la guerre à leur roi; entre autres le comte Etienne, qui possédait les remparts de Sancerre et occupait en grande partie les campagnes du riche Berry, qui produisent un vin renommé, quoiqu'il fût vassal et oncle du roi (car sa sœur était la reine Adèle, mère du roi), déclara la guerre à son seigneur et neveu12. Mais celui qui passait dans leur esprit pour délicat, frêle encore et dénué de sagesse, et dont ils croyaient qu'il ne pourrait se défendre, leur fit voir tout aussitôt et 26 très-clairement combien il était différent de l'opinion qu'ils en avaient, et se montra roi dans la guerre, vieillard par la tête, jeune homme dans l'action, homme mûr par la force de son esprit; frustrés dans leurs espérances, ils trouvèrent justement armé de sévérité celui qu'ils avaient dédaigné comme trop doux; celui qu'ils avaient espéré pouvoir vaincre, ils le reconnurent pour invincible; celui qu'ils avaient cru encore assujéti à la condition de son jeune âge, ils apprirent qu'il n'avait rien à attendre des années ni du temps. Non loin du fleuve de la Loire, le château de Châtillon13 brille au milieu de champs fertiles, orné d'un côté par les eaux de ce fleuve agréable, sur les autres côtés entouré de vignobles, fier de ses tours élevées, de ses murailles et de ses fossés, comme s'il eût voulu publier qu'il ne redoutait aucune force humaine. A cette époque, le comte Etienne remplit en outre ce château d'armes, de grains, d'hommes vaillans et de nombreux chevaliers. Mais le roi précipita sa marche rapide, assiégea vigoureusement le château, le prit d'un bras puissant, plus promptement qu'il n'avait espéré, et l'ayant pris il le détruisit complétement; se livrant aux transports de sa colère, il le brûla jusque dans ses fondemens; et envoyant des coureurs dans les environs, il ravagea le territoire voisin, enleva du butin et ceux qui cultivaient la terre et leurs riches dépouilles. Alors cependant Etienne, voyant que ses pertes étaient irréparables (car le malheur avait ouvert son entendement), vint en suppliant s'humilier aux pieds du roi, et déposant les armes, 27 remit à sa disposition et sa personne et tous ses biens. Alors le roi, oubliant ses ressentimens, l'accueillit gracieusement, et lui rendit sa première affection. A l'exemple d'Etienne, les autres, quels qu'ils fussent, qui avaient refusé hommage au roi, lui firent demander la paix et obtinrent bientôt d'être accueillis par lui dans toute la bonté de son cœur. Car telle fut toujours sa disposition envers ceux qui venaient à composition, disposition toute naturelle, par laquelle il faisait le bonheur des autres dans la prospérité, qualité plus précieuse que toute autre qualité, et qui faisait qu'autant il s'élançait irrémissiblement contre l'ennemi qui résistait, autant il se rapprochait dans la bonté de son cœur de son ennemi abattu, en sorte que jamais il ne refusait grâce à l'ennemi suppliant; semblable au lion, à qui il suffit dans sa fureur d'avoir renversé un corps, et pour qui le combat est fini aussitôt que son ennemi tombe par terre. Les choses ainsi réglées et confirmées par une paix solide, le roi ayant heureusement terminé son expédition, repassa la Loire et revint dans son pays: la terre alors demeura en silence pendant une année, et n'eut à souffrir d'aucun des désordres de la guerre. A peine cependant cette année était-elle heureusement révolue, que le duc Eudes de Bourgogne14 se mit à opprimer les églises, et dans l'irritation de son ame troubla la paix des monastères et le repos du clergé. Il était puissant par son peuple, riche en trésors, et plus riche encore en armes et en hommes vaillans que lui fournissaient le noble château de 28 Dijon et la ville très-antique d'Autun, ville remplie de richesses, jadis regorgeant de nombreuses légions et d'une population superbe, très-fidèlement unie aux enfans de Rome, fatiguant plus que de raison ses voisins par des guerres continuelles, mais plus récemment presque déserte, et n'étant plus habitée que par un petit nombre de colons, ayant alors de nobles rues où avaient été des trésors et des maisons, et montrant au lieu de trésors des bois, au lieu d'habitans des bruyères. Le roi Arthur l'avait enlevée aux Romains, et dans la suite Rollon le Norwégien la renversa et la détruisit si complétement qu'on pouvait à peine en retrouver les traces. En outre de beaucoup d'autres villes, et non moins joyeuse de son sol fertile, Beaune-la-Vineuse était soumise aux lois du duc, Beaune dont les vins rouges disposent les têtes à toutes les fureurs de la guerre, Chors, Semur, Flavigny, Mulseau, Avallon, pays très-fertile, et presque toute la riche Bourgogne, terre heureuse si ses enfans y pouvaient jouir de la paix, obéissaient au duc, en vertu des droits de ses pères, de telle sorte cependant que le duc était vassal du roi pour ses propriétés. Il possédait en outre le château nommé Châtillon15, bourg noble, l'honneur des Allobroges, le boulevard du royaume, que le fleuve de la Seine traverse et arrose de ses ondes limpides, père et instituteur des nobles hommes, et qui contient une population qui n'est inférieure à aucune autre population du monde pour la chevalerie, l'esprit, le savoir, la philosophie, les arts libéraux, l'élégance, les vêtemens et la beauté. Le duc donc, redoutant le 29 roi, avait approvisionné ce lieu de toutes les choses nécessaires à la guerre, y faisant entrer des armes, de vigoureux satellites et de nombreux chevaliers. Dans sa prévoyance, le héros de la Bourgogne y avait en outre entassé des quantités suffisantes de grains, et avait rempli le château de toutes choses et en abondance, afin que ses défenseurs ne fussent privés de rien tant que la guerre durerait. Il fit aussi garnir les tours et les remparts de claies en bois, étançonner les murailles et pratiquer des fenêtres longues et étroites, de telle sorte que les braves servans d'armes, cachés par derrière, pussent lancer de loin les traits messagers de mort. En outre, il pressa vivement pour faire élargir et creuser plus profondément les fossés qui enveloppaient les remparts, afin que les combattans du dehors n'eussent aucun moyen de s'approcher, et que le château devînt ainsi inexpugnable sur tous les points. Le roi dans sa bonté envoya d'abord au duc des lettres pour l'inviter à la paix et l'engager à se désister de ses mauvais desseins. Mais le duc, plus pervers encore à la suite de ces avertissemens, s'appliqua plus rudement à accroître les maux de l'Eglise, et loin de renoncer à sa colère, opprima encore plus et le clergé et le patrimoine du Christ. Le roi, renouvelant ses saintes remontrances, ne réussit pas mieux, et même excita plus vivement les transports de fureur qu'il voulait réprimer, par où cette fureur se prépara à elle-même de plus grands maux, pour le moment où le roi arrêta enfin le mal. Ainsi Ovide rapporte dans ses fables que jadis les représentations des grands redoublèrent les fureurs de Penthée 3 lorsqu'il voulait supprimer les fêtes de Bacchus; Cependant le roi enfant, indigné de se voir méprisé comme un enfant, et de n'être point respecté comme roi, vole au plus tôt suivi de sa troupe, et entre en toute hâte sur le territoire de la Bourgogne, accompagné seulement d'un petit nombre de chevaliers, car l'excès de sa colère ne lui permit pas d'attendre tous ceux qu'il avait convoqués. Déjà il avait laissé derrière lui les plaines de la Champagne et les champs de Brienne et la ville de Troye, et dépassant rapidement les remparts de Bar16, il entre, hôte illustre, dans les murs de Mulseau, et y attend ses troupes durant trois nuits, car ses soldats marchaient sur ses traces en toute hâte. Tandis donc qu'il passa ces trois jours dans la vallée de Mulseau, il apprit d'une manière certaine, par ses éclaireurs, combien le château de Châtillon était fortifié et comment le duc Eudes l'avait rempli d'armes et de combattans, dont on lui dit aussi le nombre et la valeur. Mais ni la position de ce lieu, fortifié par de tels moyens de défense, ni l'illustre réunion d'une si belle troupe, qui veillait dans l'intérieur à la garde du château, ne purent effrayer le cœur du roi et l'empêcher d'aller tout aussitôt l'assiéger en personne et l'investir avec les siens. A ce moment où l'on ne voit encore ni la nuit ni le jour, mais où l'on voit l'un et l'autre, où le sommeil paresseux permet à peine aux yeux qu'il accable de l'entrevoir, et amoureux du repos inonde les veines des hommes de sa rosée de pavots, l'enfant intrépide choisit cette heure pour envelopper de ses bannières et de ses armes l'enceinte du château 31 qui contient dans son circuit plusieurs arpens de terre; et dès lors ceux qui voudraient en sortir ne trouvent plus aucune issue qui ne soit fermée par des chevaliers et de simples soldats. Pendant ce temps, l'aurore, avant-courrière du soleil, avait dissipé les ténèbres de la terre et rendu la lumière au monde. Les assiégés, sortant enfin de leur lit, se voient enveloppés de tous côtés; ils montent sur les remparts, ils se précipitent en groupes confus pour barricader les portes; ils transportent sur leurs épaules des claies et des madriers; partout où, sur leurs murailles élevées, ils peuvent découvrir quelque crevasse, ils s'empressent à l'envi de boucher toutes les fentes. Ainsi les fourmis se livrent à un travail du même genre lorsque le voyageur ou le berger a frappé de son bâton sur leur demeure: elles courent en tous sens et dans le plus grand désordre; elles s'empressent avec une ardeur extrême à réparer leurs cellules toutes renversées, et on les voit en même temps comme sourdir de terre par tous les passages. De même les assiégés se répandent pêle-mêle sur les remparts, dans les rues et sur les places; ils s'étonnent que le roi ait pu si subitement investir leurs murailles et couvrir les champs de ces innombrables milliers de combattans; qu'un homme, quel qu'il soit, ait pu en aussi peu de temps convoquer tant d'hommes armés et les rassembler en un seul corps. Mais le roi, afin de ne perdre aucun temps à ce siége, presse sans relâche et le jour et la nuit, et s'applique lui-même à échauffer le courage des combattans. Les mangonneaux lancent dans les airs de grosses pierres; les claies en bois, dont les murailles sont re- 32 couvertes, frappées à coups redoublés, se brisent et tombent en pièces; les créneaux se fendent et s'entrouvrent de toutes parts. S'avançant, à l'abri de leurs claies entrelacées et de leurs boucliers rassemblés sur leurs têtes, et s'élançant d'un pied léger vers le haut des fossés, les soldats assiégeans, réunis par bandes, lancent incessamment une grêle de traits, afin que nul des assiégés n'ose monter sur les murailles, ou, selon leur usage, courir derrière les créneaux, soit pour porter des traits, soit pour charrier des pierres, dont les défenseurs des remparts se puissent servir ensuite pour accabler leurs adversaires. Bientôt les fossés sont comblés de terres relevées sur leurs bords; dressant leurs échelles au pied des murailles, les satellites agiles et légers, tandis que le roi se montre lui-même à tout moment et sur tous les points, glissent le long des murs, semblables aux écureuils, et s'élancent sur les remparts. Déjà Manassé de Mauvoisin, merveilleusement agile, déjà le chevalier des Barres17, se jetant au premier rang, sont montés sur les échelles, déploient toute leur valeur, et parviennent au sommet de la muraille. Les vaincus prennent la fuite alors et vont en bataillon serré s'enfermer dans la tour la plus élevée, afin de pouvoir sauver leur vie encore quelques momens, abandonnant toutes les richesses qu'enferme la très-riche enceinte, et que le roi livre aussitôt à ses chevaliers et à ses satellites, digne récompense de leur valeur, ne se réservant pour les droits de son fisc que les corps mêmes de tous les prisonniers. Bientôt, et plus promptement qu'on ne l'aurait espéré, la citadelle elle-même fut renversée; et 33 tombant par terre, elle ouvrit un passage au vainqueur, qui y entra aussitôt. On prit dans ce fort un nombre infini de citoyens et beaucoup de chevaliers; et l'héritier très-légitime du duc, qui dans la suite devint le duc Eudes, fut lui-même fait prisonnier aussi bien que tous les autres. Le duc se voyant donc dans l'impossibilité de résister à tant de forces, et craignant pour son fils retenu dans les fers, renonça à toutes ses grandes paroles; et abandonnant les desseins qu'il avait formés dans l'amertume de son cœur rempli d'orgueil, s'humiliant enfin, reconnaissant de son propre aveu qu'il soutenait une cause injuste, il confessa, quoique bien tard, combien il était coupable envers la justice et envers son seigneur, et déclara devant lui qu'il avait péché. Puis, fléchissant le genou, et se jetant spontané:ment aux pieds du roi, il le supplia de lui infliger le châtiment qu'il voudrait déterminer, de décider sur lui et sur les siens tout ce qu'il lui plairait, et de lui faire subir, pour se venger d'un coupable, la peine dont il jugerait devoir le frapper. Le roi, dont la bonté sait dépasser les espérances et les mérites des supplians, dont le cœur plein de douceur possède la vertu particulière d'avoir compassion et d'épargner toujours, presse joyeusement dans ses bras son ennemi repentant, l'admet à son amitié et lui rend sa bienveillance accoutumée. Il lui rend aussi ses terres, ses villages et son noble château, quoiqu'il lui eût été bien permis en toute justice de garder pour lui tout ce qui, ayant appartenu au duc, avait passé maintenant en son pouvoir par la justice des armes. Mais le clément roi. 34 préféra l'équité à la justice, et en outre il rendit au duc sou fils sans rançon, ce que le duc avait à peine osé espérer. Toutefois, avant de lui rien rendre, il lui fit réparer tous les dommages qu'avaient soufferts les églises; et afin de garantir sa fidélité pour tout le reste de sa vie, le duc donna au roi une suffisante caution, en lui envoyant des otages, des gages, et en lui prêtant serment. Aussitôt après l'armée du roi se rendit dans le pays de Berry, pour réprimer les violences et les cruautés des Cotereaux18, qui ne rendaient aucun honneur et ne témoignaient aucun respect aux églises ni aux vases des églises, aux personnes sacrées, non plus qu'aux objets et aux lieux consacrés. La valeur ne défendait point le jeune homme, la faiblesse de l'âge ne servait ni à l'enfant ni au vieillard; la noblesse était inutile à l'homme bien né, la robe à l'habitant des champs, le froc au religieux, la débilité de son sexe à la femme, l'admission dans les ordres sacrés, au prêtre; tous étaient mis à mort par ces Cotereaux, en quelque lieu qu'il leur arrivât de les rencontrer et dès qu'ils pouvaient prendre quelque avantage ou par artifice, ou par la force des armes. En outre, et avant de leur donner la mort, ils tourmentaient leurs victimes par toutes sortes de supplices, ou bien ils les faisaient périr d'une mort lente, afin de parvenir d'abord à leur extorquer de l'argent. La troupe royale les ayant rencontrés, les maltraita de telle sorte qu'en un seul jour elle en tua sept mille; tous ceux qui échappèrent à la mort par une prompte fuite se 35 dispersèrent dans la contrée et n'osèrent plus dès ce moment faire aucun mal ni au roi, ni au royaume. Il y a dans la terre de Brie un château nommé Bray19; et sur cette même terre, la comtesse de Brienne possédait beaucoup de Juifs qui, selon leur usage, prêtaient de l'argent à usure. Or il arriva qu'un certain paysan, confesseur de notre foi, devait à ces mêmes Juifs un grand nombre de sous; et comme il ne s'acquittait pas de sa dette, la comtesse leur abandonna ce malheureux pour le punir à leur gré, principalement à raison de ce qu'il avait fait de nombreux affronts à ces Juifs, livrant ainsi dans sa barbarie un membre du Christ à ses ennemis, avec une légèreté de femme et sans conserver aucune crainte de Dieu. Cet homme donc leur ayant été remis, les Juifs le dépouillent à nu, le couronnent d'épines et le conduisent ainsi dans les villages et dans les campagnes, portant sa couronne d'épines; ils l'accablent de soufflets, le frappent de verges; puis, après l'avoir ainsi maltraité, ils l'élèvent sur une croix, lui percent le flanc d'une lance, et ensanglantent avec des clous ses pieds et ses mains, afin de figurer complétement sur l'esclave la passion du Seigneur. Ayant appris cela, le roi, rempli d'une grande colère et dévoré, dans son cœur plein de piété, d'un saint zèle pour le Christ, se rendit sur les lieux en personne; et d'une course rapide, autant de Juifs qu'il trouva à Bray, autant ce champion du Seigneur, ayant fait allumer un grand feu, en fit jeter dans les flammes. On en brûla quatre-vingt-dix-neuf, et ainsi le roi vengea par le feu l'insulte faite au Christ et la honte de ses serviteurs. 36 A l'époque d'une certaine guerre, le roi, n'ayant pas d'argent, et se trouvant, dans une circonstance, obligé de payer la solde à beaucoup d'hommes, demanda au clergé de Rheims, et par écrit, de lui prêter secours, afin qu'il fût lui-même mieux disposé à lui prêter aussi des secours gratuits, ainsi qu'il arrive souvent que l'Église assiste ses patrons. Mais ceux de Rheims répondirent qu'ils étaient tenus en droit de donner l'assistance de leurs prières au roi souverain, et non de lui payer aucune solde, ni redevance; car ils craignaient que dans la suite les églises, laissant s'établir une telle coutume, n'en souffrissent quelque dommage. Après cela, et la guerre terminée, comme le roi et les grands jouissaient de la paix, une circonstance difficile survint tout-à-coup et força le clergé de Rheims à intercéder à son tour auprès du roi. Les comtes de Réthel et de Coucy, et le seigneur de Rosay, n'ayant aucune crainte ni de Dieu, ni du roi, pillaient à l'envi le patrimoine de l'Église, et opprimaient par leurs dévastations ruineuses et le peuple et le clergé. Le roi alors se réjouit et fit à ceux-ci cette brève réponse: «Naguère vous m'avez secouru de vos seules prières; maintenant à mon tour je vous secourrai dans vos combats selon la même mesure.» Il dit, et demande par écrit aux comtes de renoncer à ruiner les églises et à dépouiller le clergé. Mais les comtes les persécutent au contraire plus rudement, et ne cessent de faire les plus grands dommages au clergé et aux lieux sacrés, pensant bien que le roi ne mettait pas beaucoup d'importance à sa demande, lui qui pourrait les réprimer par l'ordre le plus simple. 37 Enfin le clergé apprit (car le malheur le lui enseigna) avec quel soin et quel empressement l'Église doit chercher à gagner l'affection du roi et s'efforcer par dessus tout de s'assurer la protection de celui sans lequel le patrimoine du Christ ne peut être défendu. Bientôt il supplia le roi, reconnut qu'il avait péché, et lui donna toute satisfaction pour avoir refusé de lui prêter secours dans la guerre, lorsqu'il le lui avait demandé. Le roi, s'armant aussitôt pour le combat, lança ses cohortes sur les. terres des comtes, et leur fit souffrir beaucoup de dommages jusqu'à ce que, cédant à la force, ils eussent rendu tout ce qu'ils avaient enlevé à l'Eglise et au peuple, après avoir d'abord payé une amende. Dès lors, et pendant une année, la terre demeura en repos et sans guerre; et dans tout le royaume nul n'osait résister au roi, ou faire la guerre à son voisin. Et, comme il arrive, une si douce paix rendait le peuple bien heureux; mais le sort jaloux ne put longtemps supporter les joies d'une paix si constante et si sainte. Bellone nous appelle de nouveau aux armes: pilote, déploie de plus larges voiles, cas il faudra sillonner une plus grande mer.
|
NOTES( 1) Châtillon-sur-Seine et Châtillon-sur-Cher. (2) On lit en marge du manuscrit: Ibor était un noble Franc, qui fut prince de vingt-trois mille Francs. (3) Lutum, fange, bourbier. (4) Il y a ici sur les mots francus, ferancus et ferus un jeu de mots, qu'il est impossible de reproduire. (5) Les Pyrénées, appelées par Matthieu Paris la Croix de Charles. (6) II y a ici une lacune dans laquelle se trouvait cet arbre généalogique rapportant la série des rois de France. (7) De Cuise ou de Compiègne. (8) En 1180. (9) En 1181. (10) Évang. selon saint Luc, ch. 23, v. 43. (11) Hébon ou Ebbon de Carentan, en Berry. (12) Rigord rapporte ce fait à l'année 1180. (13) Châtillon-sur-Cher. (14) A cette époque c'était Hugues III qui gouvernait en Bourgogne, et non Eudes, son fils. (15) Châtillon-sur-Seine. (16) Bar-sur-Seine. (17) Guillaume des Barres. (18) Scotelli, Coterelli. Voyez la note placée dans le tome vii de cette collection, page 373. (19) Bray-sur-Seine. |