LIVRE II - chapitres 2 à 6
PUBLICATIONS DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
HISTOIRE UNIVERSELLE
PAR
ETIENNE AÇOGH'IG DE DARON
Traduite de l'arménien, et annotée
PAR'
E. DULAURIER
MEMBRE DE L'INSTITUT
PROFESSEUR A I.'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
PREMIERE PARTIE
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
A l'école des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
1883
Après la mort d'Ardaschir, les satrapes s'étant réunis, nommèrent pour leurs sbarabed (généralissime) saint Vartan (1), qui était de la famille des Mamigoniens, petit-fils de saint Sahag. La nation vivait tantôt soumise aux Perses, et tantôt en révolte contre eux, ainsi que nous l'apprend l'histoire écrite par le docteur Elisée (2).
Sourmag étant mort, les évêques d'Arménie se rassemblèrent, et, s'étant mis en quête pour lui trouver un successeur, choisirent un prêtre nommé Joseph, ancien disciple du grand Mesrob, et originaire du district de Vaïots-Tzor, du village de Hogh'otsim (3), et, avec l'assentiment de Vartan, ils le placèrent sur le siège patriarcal, qu'il occupa deux ans. Joseph réunit un concile à Schahabi-Van, où furent sanctionné les canons relatifs aux amendes (4).
Cependant saint Vartan, après avoir maintenu les satrapes arméniens en bonne harmonie pendant dix-neuf ans, et avoir combattu contre Yazgnerd (Yezdedjerd II) (5), roi de Perse, mourut pour la sainte Église et pour la foi chrétienne, dans la plaine d'Avarair, au district d'Ardaz (6).
Deux ans après cet événement, saint Léonce et ses compagnons, avec le patriarche Joseph, furent martyrisés, le 26 du mois de Hrodits, pareil jour du mois de juillet (7), un dimanche. Ayant vérifié les années des règnes auxquelles ces faits se rapportent, nous nous sommes assurés que ce fut dans la quinzième année de Yazguerd, et la troisième de l'empereur Marcien le Maudit (8).
Après la mort de Vartan, l'Arménie resta sans chef pendant dix ans.
Durant cet intervalle, les persécutions et les troubles se multiplièrent, quoique Yazguerd eût suspendu un peu ses projets d'extermination. Rejetant sur l'apostat Vasag les malheurs qui étaient survenus, il ordonna de le dégrader ignominieusement.
Beroz (Firouz), fils de Yazguerd, étant monté sur le trône, rendit la liberté aux satrapes arméniens. La charge de sbarabed d'Arménie fut confiée à Magnus (Maknos), fils de Vartan, qui l'exerça dix ans.
Au seigneur Joseph,' succéda dans le patriarcat, le seigneur Kud, originaire du district de Vanant, du village d'Outhmous, lequel siégea dix ans.
Cette époque vit fleurir le grand philosophe Moïse (9), qui entreprit d'enseigner l'art de l'éloquence en Arménie et le saint solitaire Antoine (Andon), appelé aussi Thathoul (10). On dit qu'il avait renoncé au monde pour le Christ, avec son frère aîné Varos, et qu'il se retira dans des lieux de difficile accès, en compagnie des bêtes fauves et des serpents, au lieu qui est appelé aujourd'hui Kazanadzagk' (cavernes des animaux féroces), ou bien Thathlo'-Vank' (couvent de Thathoul) (11).
La vingt-cinquième année de Béroz, les Arméniens se révoltèrent contre les Perses, et leur firent une rude guerre, sous la conduite de Vahan, fils de Hmaïag, frère de Vartan (12). Ses autres frères étaient Vasag le Brave, Ar-daschès et Vart, le patrice, comme nous l'apprend Lazare de Ph'arbe. Celui qui les dirigeait, et par ses conseils et par son appui, était un homme aussi prudent qu'habile, le patriarche Jean Mantagoumi qui avait succédé, comme catholicos, au seigneur Kud, et qui siégea six ans (13).
A cette époque le bienheureux Diar'en-Thak (14), originaire du district d'Arscharounik', du village de Galots (15), souffrit héroïquement le martyre, auquel il fut condamné par Zar' Mihran Hazaravoukhd (16), général des Perses.
Cependant Vagh'arsch (Vologèse), roi de Perse (17), prêtant l'oreille aux bons avis qui lui étaient donnés, fit rentrer les Arméniens sous ses lois par la voie de la douceur, leur témoigna beaucoup d'estime, et fit la paix avec eux. En signe de réconciliation, il leur accorda des diplômes d'amnistie pour le passé, munis de son sceau (18). Il montra surtout pour Vahan une haute considération, et chargea Antégan (19) de la lui témoigner, il lui confia le gouvernement de l'Arménie avec le titre de marzban (20). Vahan exerça ces fonctions trente ans.
A cette époque Mamprê, frère de Moïse, lequel était réputé le troisième en rang parmi les philosophes (21), retourna en Arménie, ainsi que David, disciple de Moïse et originaire du district de Hark', au village de Hérian (22).
A cette époque, le bienheureux Jean Mantagouni, né dans le district d'Arschamounik', au village de Dzakhnoud, dota l'Arménie d'une foule d'excellentes institutions; il établit les K'aroz (23) de la nuit et du jour, le rituel pour le baptême, pour le diaconat, la prêtrise et l'épiscopat ; celui de la bénédiction des églises, et le missel complet, que l'on prétend être celui de saint Athanase. Il mourut dans la volonté de Dieu.
Il eut pour successeur, comme catholicos, le seigneur Papkén, du district de Vanant, du village d'Outhmous, lequel siégea trois ans.
A sa place fut élu le seigneur Samuel, du district de Peznoimik', du village d'Ardzguè; il siégea dix ans.
Après lui, on compte :
Le seigneur Mouschê de Godaik', du village d'Aïlapertk', huit ans;
Le seigneur Sahag, du district de Hark', du village de Egh'ékagan, cinq ans;
Le seigneur Christophe (K'risdaph'or), philosophe, du district de Pakrévant, du village de Dirar'idj, six ans (24).
Vahan embellit et restaura les églises ; il honorait les ministres des autels, et faisait fleurir notre patrie. Son administration fut signalée par la magnifique reconstruction de l'église cathédrale de l'Arménie (25). Il augmenta le nombre des moines du couvent de Sourenà'-Anabad (le Monastère de Sourèn) (26), et leur donna pour chef Lazare de Ph'arbe, homme disert et historien.
Il arrêta les irruptions des Alans (27).
De son temps, il y eut une éclipse totale de soleil, qui fut suivie d'une terrible famine (28).
Vahan, ayant terminé sa carrière par mie bonne mort, laissa le pouvoir à son frère Vart, patrice, qui le conserva quatre ans.
Sous Vahan, eut lieu l'invention des reliques du saint apôtre Thaddée, de sainte Santoukhd, et de saint Grégoire l’Illuminateur (29).
Après Christophe le patriarcat fut donné à saint Léonce, du district d'Ar'perani, du village de P'hok'r (Petit) Aresd, lequel siégea vingt ans.
Après le patrice Vart, frère de Vahan, des marzbans perses gouvernèrent l'Arménie, pendant onze ans.
A cette époque, Esdras, de la maison d’Ankegh', disciple de l'éloquent Moïse, évêque du district de Pakrévant, multiplia les écoles des belles-lettres.
Le gouvernement de l'Arménie passa ensuite à Mejèj (Mezzizius) (30), de la famille Knouni, qui l'exerça trente ans.
La septième année de Mejèj, le seigneur Nersès, du district de Pakrévant, du village d'Asclidarag, devint catholicos; il siégea neuf ans.
La quatrième année de son pontificat et la dixième du gouvernement de Mejèj, il rassembla un concile dans la ville de Tevin. A la tête de cette assemblée, étaient l’évêque Pierre, littérateur du pays de Siounik', et Ner-Schabouh de Baron. Là, ils établirent l'ère arménienne, dans la quatorzième année de l'empereur Justinien, qui bâtit Sainte-Sophie, et la vingt-quatrième de Khosrov, fils de Gavad (Kabadès), roi de Perse (31).
Cette même année, saint Yézid-Pouzid souffrit la mort pour le Christ (32).
Cette même année, les Arméniens se séparèrent de la communion des Grecs. C'était en 304 de l'ère des Grecs, et à partir de la septième année de l'empereur Philippe. Tout le temps écoulé, depuis la naissance du Sauveur jusqu'au concile de Tevin et à l'établissement de l'ère arménienne, est de 553 ans ; depuis la prédication de saint Grégoire, qui est le commencement de la conversion de l'Arménie au culte du vrai Dieu, il y a 252 ans (33).
Après le seigneur Nersès, l'Arménie eut pour catholicos le seigneur Jean (‘Ovhannès), du district de Kapégh'ian, du village de Sioun-Tzegh'oun (34). Il appartenait au monastère de Thathlo'-vank'. Il siégea quinze ans.
Il eut pour successeur Moïse, du district d'Arakadzoden, du village d'Egh'ivart (35), qui siégea trente ans. Ce fut Moïse qui consacra catholicos de Géorgie, Cyrion (Gurion), archiprêtre de la sainte cathédrale (36). Sur les derniers temps de la vie de Moïse, Cyrion (37), renonçant à la foi orthodoxe, reconnut le concile de Chalcédoine. Nombre de fois, Moïse lui avait reproché, avec une autorité divine, son erreur, mais sans le ramener, lorsqu'il mourut.
Dans la série des chefs politiques de l'Arménie, il y eut, après Mejêj Knouni, des marzbans perses, qui vinrent administrer notre pays ; d'abord Ten-Schabouh (38) qui propagea partout la fornication (39), et alluma le feu d'Ormizt dans le Reschdounik', contraignant les chrétiens à adorer le feu. Mais un grand nombre préférèrent la mort.
A celui-ci succéda un certain Varaztad, perse, de la même famille (40).
A cette époque, la mort avec un cortège de maux, sévit sur les populations. Ce fléau fut suivi de l'apparition d'un phénomène terrible, étincelant, de couleur de sang, qui se montra dans le ciel, et qui allait répandant un vif éclat, pendant toute la nuit', dans la direction du nord-ouest à l'ouest, sous forme d'une colonne. Ce phénomène dura huit mois (41).
Ensuite Khosrov, roi de Perse, donna à un de ses parents, de la famille Sourên, nommé Djihr-Veschnasb (42), le gouvernement de l'Arménie. Ce chef, étant venu prendre possession de notre pays, se mit à tourmenter violemment les satrapes arméniens. Il s'appropriait les femmes des nobles, sans qu'aucun fût assuré de pouvoir conserver la sienne. Le ptiaschkh Vartan, fils de Vasag, de la famille des Mamigoniens, irrité d'une pareille conduite, épia l'occasion et tua Sourên à coups d'épée. C'était en la quarante et unième année du règne de Khosrov, laquelle correspond à la septième de Justinien, le 22 du mois d'arek, un samedi du mois de février (43). Les chefs arméniens, se soulevant tous de concert contre les Perses, recoururent aux Grecs, et, soutenus par eux, résistèrent vigoureusement.
Cependant Vartan, ayant pris avec lui sa famille et les nobles de sa maison, se sauva chez les Grecs, dans la ville royale de Constantinople, où il se présenta à l'empereur Justinien, le même qui bâtit Sainte-Sophie, et il entra en communion avec lui. Justinien, à cette occasion donna à la porte principale de Sainte-Sophie, le nom de Porte des Arméniens, qu'elle a conservé jusqu'ici (44).
Cette époque fut un temps de guerres, de discordes, de massacres sans nombre; l'esclavage, le pillage, les fers pour les captifs, les tribulations, le manque de tout, la famine cruelle, la mort par le glaive, la peste, le sac des villages, l'incendie des édifices, enfin tous les fléaux réunis; tel fut le partage d'une foule de contrées, et ces calamités, vinrent de deux côtés à la fois en punition de l'oubli des préceptes de Dieu.
Après Moïse, le patriarcat d'Arménie fut donné à Abraham, originaire du district de Rouschdounik', du village d'Agh'pathanits (45). Il fut élevé à cette dignité par la volonté de Sempad, Bagratide, qui avait été créé marzban d'Arménie par Khosrov.
Sempad, étant allé faire la guerre dans la contrée de Vergan (Hyrcanie), y trouva une population d'Arméniens qui avaient été emmenés en captivité, et qui habitaient le désert du Thourkasdan, appelé Sakasdan (Sedjestan) (46). Ils avaient oublié leur langue nationale et l'écriture arménienne. Sempad fut enchanté de les revoir; il leur donna un prêtre nommé Abel (Hapegh'). Ces peuples, instruits par Abel dans les lettres arméniennes, ont été rattachés depuis lors au siège de saint Grégoire (47).
Le patriarche Abraham, employa les plus grands efforts et tous ses soins pour ramener les Géorgiens à l'orthodoxie, mais inutilement. Alors, tirant le glaive spirituel, il prononça contre eux l'anathème, de concert avec toute la nation arménienne.
L'empereur Maurice établit catholicos, dans l'Arménie grecque, un nommé Jean ('Ovhan), tandis qu'Abraham, de son côté, résidait à Tevin.
Un certain Aschod, envoyé par Khosrov (48), roi de Perse, vint battre les Grecs, et s'emparer de Guethr'idj (49), ville du Haschdiank', ainsi que de Garin. Il fit prisonnier le catholicos Jean, et enleva de son église tous les objets du culte. Il l'emmena dans la ville royale de Hamadan. Jean occupa le siège six ans.
Abraham, était dans la vingt-troisième année de son pontificat, lorsqu'il mourut.
Après le meurtre de Sourèn, le roi de Perse n'envoya plus en Arménie de marzban perse ; à la demande des satrapes arméniens, il conféra ces fonctions à David Sahar'ouni, qui les exerça trente ans. David avait été nommé par Ormizt, fils de Khosrov, roi de Perse (50).
La douzième année du gouvernement de David, se révéla Mahomet (Mahmèd), fils d'Abd-Allah (Aptela), en G8 de l'ère arménienne. Le commencement de la domination des Ismaélites date de l'an 12 de notre ère (51).
Après le seigneur Abraham, le catholicos d'Arménie fut le seigneur Gomidas, originaire du district d'Arakadzoden, du village d'Agli'ts (52) ; il siégea huit ans. Il rebâtit, sur un modèle élégant le tombeau de sainte Hripsimé, dont la construction ancienne, œuvre de saint Sahag, avait était démolie.
Dans ce temps, brillait par sa science théologique Jean (‘Ovhan) Maïrakometsi, auquel Gomidas avait confié l'administration du patriarcat. Il composa trois ouvrages auxquels il ne mit pas son nom, parce que la majorité de la nation ne les avait pas approuvés. Le premier avait pour titre le guide des mœurs, le second, le fondement de la foi et le troisième Noïêmag (53).
Après Gomidas les catholicos furent :
Le seigneur Christophe (K'risdaph'or), noble de la race d'Abraham (54), originaire du district d'Abahounik' ; six ans. Il fut renversé de son siège, parce qu'il fomentait la discorde parmi les chefs arméniens. Plus tard, on assigna à sa révocation quelque autre motif.
Le seigneur Esdras (Ezer), originaire du district de Nik, du village de Ph'arajnaguerd, lequel siégea dix ans (55).
Lors de son entrevue avec Heraclius, dans la ville de Garin, Esdras n'avait point emmené avec lui Jean, sacristain [de l'église] de Saint-Grégoire, le plus habile docteur de son temps dans la science de l'Écriture; il s'était adjoint seulement un demi-savant. Dans la conférence qui eut lieu, Heraclius ayant demandé au patriarche de souscrire une profession de foi, ces gens-là, qui étaient des théologiens ignorants, se laissèrent tromper par les raisons fallacieuses des Grecs, et maudirent les hérétiques, sans y comprendre ceux du concile de Chalcédoine. Ils communièrent avec les Grecs, et, en récompense, ils furent renvoyés comblés d'honneurs ; le patriarche obtint la cession de Gogh'p pour prix de sa foi trahie. A son retour, le clergé alla au-devant de lui, à l'exception de Jean. Esdras, fâché, lui ayant fait témoigner son mécontentement : « Dieu « me garde, répondit Jean, d'être en communion avec celui qui a détruit le mur de la foi. » Puis le patriarche l'ayant fait comparaître de force dans son cabinet : « homme désobéissant et orgueilleux, lui dit-il, pourquoi ne viens-tu pas nous faire visite? » — « L'orgueil n'est pas en moi, répondit Jean, mais je veux devenir le champion de la vérité. « Toi, c'est avec raison que tu as été nommé Ezer, car tu as poussé l'Arménie jusqu'aux limites [de la foi], et tu « l'en as exclue (56). Tu as détruit les bornes posées par les saints Pères ; tu as rompu le mur apostolique miné par « la lettre nestorienne de Léon (57). » Cela dit, il le quitta avec mépris, et se retira à Mairo'-vank (couvent de la forêt). Esdras l'en ayant chassé, donna à ce lieu le nom de Mairo'-Kom (étable de la forêt), et à Jean, celui de Mairo'-Kometsi (habitant de Mairo'-Kom). Jean étant passé dans le Kartman, y termina sa vie d'une manière apostolique. On a fait courir le bruit qu'il avait introduit une hérésie dans l'Église; ce n'est pas lui, mais un certain Sarkis (58), qui était un de ses disciples, et que Jean avait chassé de sa présence.
Après David Sahar'ouni les Arméniens eurent pour chef pendant vingt-cinq ans Théodore R'eschdouni (59).
A Esdras succéda, sur le siège patriarcal, Nersès, évêque de Daik'. Il construisit la chapelle de Saint-Grégoire, au-dessus du souterrain d'Ardaschad, ainsi que l'église consacrée aussi à saint Grégoire, sur la roche escarpée de Valarsabad et il l'embellit d'ornements variés.
A cette époque le khalife (amirabed) des Arabes (Dadjigs), sortit du désert de Sin (60) avec des forces considérables, et, ayant pénétré par mer dans les contrées du sud-est, dans le Sind, la Perse, le Sakasdan (Sedjestan), le Guerman (Kerman) et dans l'Inde (61), saccagea et désola tous ces pays, renversant tous les empires, sauf celui des Romains.
A la vue de ces progrès des Arabes, Théodore, seigneur de R'eschdounik','général de l'armée arménienne, et les autres chefs qui marchaient avec lui, renoncèrent à l'amitié des Grecs, et se soumirent aux Arabes. L'empereur Constantin, petit-fils d'Héraclius, furieux de cette défection, s'avança contre les Arméniens, menaçant hautement de les exterminer. Alors le patriarche Nersès, accourant au-devant de lui, apaisa son ressentiment. Le catholicos étant arrivé en compagnie de l'empereur, à Tevin, celui-ci ordonna aux prêtres romains de célébrer la messe dans les églises de cette ville, et tous les deux communièrent ensemble, au grand scandale d'une foule de personnes ; car, suivant la coutume [des Grecs] l'empereur observa pendant huit jours la même pratique, et à l'heure du repas, les nobles arméniens étaient vilipendés en sa présence.
Il s'en retourna à Constantinople, laissant quelques-uns de ses généraux comme gouverneurs de l'Arménie. Cependant le dragon rebelle, l'esprit du mal, la bête féroce ennemie de Dieu, n'abandonna pas ses trames d'iniquité et de malice. Son œil, qui ne se ferme jamais, ne perdait pas de vue le projet de susciter des persécutions contre l'Église de Dieu, dans l'Arménie ; car, sous le règne de ce même Constantin, fils de Constant, et petit-fils d'Héraclius, cet esprit infernal mit à exécution sa pensée innée de maléfice et de méchanceté, dans le but de troubler la pureté de la foi de notre clergé. Il prit pour ses ministres les troupes grecques cantonnées dans notre pays. Comme les Arméniens ne voulaient jamais admettre un Romain à la communion du corps et du sang de Notre-Seigneur, ils les accusèrent auprès de l'empereur Constantin et du patriarche de Constantinople. « Nous « sommes considérés ici, disaient-ils, comme des impies, « car ils regardent comme indignes du Christ, notre Dieu, « le concile de Chalcédoine et la lettre de Léon (62), et les « anathématisent, ainsi que tous ceux qui en suivent les doctrines. » Alors l'empereur, de concert avec le patriarche, ordonna d'adresser un rescrit en Arménie au saint catholicos Nersès, à tous les évêques, au grand Théodore, seigneur de R'eschounik', qui avait le gouvernement de notre pays et le commandement suprême des troupes, ainsi qu'à tous les chefs arméniens, pour leur prescrire de s'unir de croyance avec les Romains, de ne point rejeter le concile de Chalcédoine et la lettre de Léon. « Si quelqu'un des chefs [disait « ce rescrit] s'oppose à cet ordre, il sera privé de ses honneurs et de tout pouvoir, et ses biens seront confisqués; de « plus Usera conduit à la Porte impériale où il aura à rendre « compte de sa conduite. »
Il y avait alors un homme, originaire du district de Pakrévant, du village de Pakouan, qui avait étudié la philosophie, et qui se nommait David. [L'empereur] commanda de l'envoyer en Arménie pour aller mettre un terme à ces dissensions, et rétablir l'union.
Nos évêques et nos chefs se rassemblèrent à Tevin, auprès du catholicos, le véridique Nersès, l'ami du Christ, et auprès du pieux prince et général d'Arménie Théodore Sahar'ouni, patrice, seigneur de R'eschdounik'. Ils prirent communication du rescrit impérial et entendirent les raisonnements du philosophe, qui enseignait la distinction des deux natures en Jésus-Christ, diaprés le concile de Chalcédoine.
Après avoir écouté ces explications, les Arméniens refusèrent de changer la doctrine vraie de saint Grégoire, contre celle de la lettre de Léon. Tous furent d'accord qu'il fallait opposer une réponse à ces arguments, et montrer la solidité du fondement de la croyance correcte qu'ils professaient, et qu'ils tenaient des anciens docteurs de la nation. Ils s'écrièrent d'une voix unanime: — « Plutôt mourir que de changer la foi de saint Grégoire contre la foi de Chalcédoine et celle de la lettre de Léon. C'est cette croyance qui, pour nous tous, est la véritable espérance. Ceux qui veulent par le regard s'assurer du droit chemin, dont parle l'Apôtre, nous les supplions avant tout d'adresser à Dieu des prières, des vœux et des actions de grâce en faveur de tous les hommes et principalement des souverains et des princes, afin que nous puissions mener une vie calme et paisible dans la piété et la sainteté. Quoique notre indignité soit grande, néanmoins nous employons toutes notre diligence à accomplir ce qui nous est prescrit, c'est-à-dire à prier pour tous, mais surtout pour ta glorieuse Majesté, qui est agréable à Dieu, pour tous les chefs et l'armée, et pour ton palais, qui est sous la protection divine et où règne l'amour de Dieu. Les grâces des dons divins éclatent en vous aux yeux de tous. Car ton trône est élevé et placé au-dessus de tous les trônes, et ce n'est pas par la main de l'homme, mais par la droite de Dieu, qu'a été posée ta couronne, qui ne le cède qu'à celle du Christ roi, et à celle du Pontife suprême, saint, légitime et comblé des grâces divines.
« Les satrapes et les troupes, amis du Christ, la masse des populations, le peuple de Jésus-Christ notre Dieu, et nous, qui sommes illuminés des rayons de la gloire de ta pieuse Majesté, nous avons conservé avec une constance inébranlable notre foi, sous le joug des rois de Perse, ces tyrans inexorables, cruels et impies qui, après avoir détruit la monarchie arménienne, exterminèrent tous nos satrapes et notre armée, passèrent au fil de l'épée les hommes et les femmes, et traînèrent en captivité les populations des villes et des campagnes. Ceux qui échappèrent à ces rigueurs virent plus d'une fois briller sur leur tête le glaive levé pour les contraindre à embrasser l'erreur. Mais rien ne put les détourner, et les infidèles eux-mêmes eurent honte de leurs impuissants efforts; car le signe de la foi chrétienne est plus fort que tous les empires des païens. Enfin Gavad (Kabadès) et, après lui, son fils Khosrov (63), ces rois impies, proclamèrent un édit laissant à chacun la liberté de suivre sa croyance particulière et interdisant désormais d'inquiéter les Arméniens. « Tous « sont nos serviteurs [disaient-ils], et ils font pour nous un « service corporel; quant aux âmes, celui qui les juge, sait « ce qu'elles sont. »
Plus tard, sous le règne de Khosrov, fils d'Ormizt (64), après la prise de Jérusalem, le roi ordonna de réunir à la Porte royale, tous les évêques des contrées de l'Orient et de l'Assyrie. « J'ai appris, leur dit-il, que les chrétiens sont « divisés en deux partis qui se maudissent et s'accusent « d'erreur mutuellement. Je veux que tous, d'un commun « accord, se rassemblent en un même lieu. » Alors accoururent les évêques, les prêtres et tous les fidèles de ces pays, et il leur donna pour préfets Sempad le Bagratide, surnommé Khosrov-Schnoum(65), et le médecin en chef de la cour. Il y avait là parmi les captifs, Zakarie, patriarche de Jérusalem (66), et un grand nombre d'autres savants qui avaient été amenés prisonniers d'Alexandrie. Le roi Khosrov leur prescrivit de se prononcer avec impartialité et de lui faire connaître la doctrine orthodoxe et vraie. Tous s'étant rassemblés dans la salle royale, la controverse s'ouvrit au milieu des clameurs; caries uns, qui professaient la foi orthodoxe et avaient un écrit pourvu du sceau des anciens souverains, étaient d'accord avec la croyance arménienne ; les autres étaient Nestoriens, ceux-ci Sévériens (67), et un grand nombre d'une secte formée de doctrines confuses. Le patriarche (68), avec ses compatriotes, était venu pour faire entendre leurs accusations accoutumées : « Que cet homme, « dirent-ils, ne soit pas admis ici. » On rapporta ce propos au roi, qui dit : « Par quel ordre celui-là est-il venu dans « cette réunion? Que l'on lui donne la bastonnade et qu'il « s'en retourne chez lui. » Il en fut de même pour la tourbe des autres sectaires. Le roi voulut que l'on discutât seulement les doctrines de Nicée, de Constantinople, d'Éphèse et de Chalcédoine.
« Là se trouvaient deux évêques arméniens, hommes sûrs, qui avaient été députés pour porter au roi les doléances de leur patrie tyrannisée. L'un était Gomidas, évoque des Mamigoniens, l'autre Matthieu, évêque des Amadounis, qui avaient apporté avec eux fort à propos l'Histoire de saint Grégoire et autres livres dogmatiques (69).
Le roi ordonna de demander sous quels souverains avaient été tenus ces conciles. On lui répondit : « Celui « de Nicée a eu lieu sous Constantin; celui de Constantinople, sous Théodose le Grand; celui d'Éphèse, sous « Théodose le Jeune, et celui de Chalcédoine, sous Marcien. » « — Eh bien, reprit-il, les décisions de trois souverains me « paraissent plus vraies que celles d'un seul. Puis, ayant vu dans des livres ce qu'était Nestorius, son origine, le concile où il fut condamné, ce qu'il allégua et comment il fut traité, il fit expulser les nestoriens de l'assemblée. Il s'enquit, pareillement au sujet du concile de Chalcédoine, quels en avaient été les membres principaux, et dans quel but il fut tenu, et on lui donna ces renseignements. On lui dit qu'à Nicée et à Constantinople, les empereurs Constantin et Théodose le Grand étaient eux-mêmes présents ; que le concile d'Ephèse avait été présidé par Cyrille, patriarche d'Alexandrie; qu'à celui de Chalcédoine assistaient, un certain Théodoret, évêque, qui tenait le langage d'un nestorien ; le catholicos Anna (70) et autres évoques et prêtres en grand nombre de son diocèse, ainsi que de l'Arouasdan (71), du Khoujasdan (Khouzistan) et autres contrées. C'est pourquoi le roi Khosrov donna l'ordre de démolir toutes leurs églises. Si le concile de Chalcédoine était recevable, dit-il, pourquoi n'a-t-il pas envoyé de lettres? Et comme ceci me paraît exact, ce concile est en-dehors des trois précédents. Alors il les menaça tous de les faire périr par le glaive, s'ils n'abjuraient leurs erreurs, et s'ils se présentaient dans son palais.
Quant aux Chalcédoniens (72), le catholicos d'Ibérie et des Ag'houans, qui était à Ph'aidagaran, à la Porte royale, et autres évêques et prêtres des villes de l'Arménie grecque, et les chefs venus pour s'acquitter de leur service auprès du roi des Perses, il leur fit fournir des provisions (73). Après quoi, il demanda aux chefs des deux partis une exposition par écrit des doctrines du concile de Nicée, tenu sous Constantin; de Constantinople, sous Théodose le Grand; d'Éphèse, sous Théodose le Jeune; de Chalcédoine, sous Marcien; et, ayant tout passé en revue, il dit : « Pourquoi ceux-ci n'ont-ils pas proclamé deux natures distinctes, comme ceux-là. Il est ainsi évident qu'il faut nous-mêmes nous partager en deux, et soutenir qu'il y a deux royautés et non pas une seule. En examinant la nature de l'homme, il s'ensuit que je suis composé de deux natures, soit par mon père et ma mère, soit comme corps et âme. Mais la divinité qui est présente en tous lieux, si elle ne peut faire que tout ce qu'elle veut se réalise, ou le produire, qu'est-elle donc elle-même ? » Ensuite il ordonna de consulter Zakarie, patriarche de Jérusalem, et d'autres en grand nombre qu'il avait amenés d'Alexandrie; en leur enjoignant de déclarer, franchement et sous la foi du serment, la vérité. Ils répondirent : « Si nous n'avions pas marché dans une fausse voie devant Dieu, il ne nous aurait point égarés dans sa colère. Maintenant, frappés de la crainte du Seigneur, nous confesserons la vérité en ta présence. La foi orthodoxe est celle qui fut proclamée à Nicée, sous le règne du bienheureux Constantin. A cette foi est conforme celle de Constantinople et d'Éphèse, et la croyance des Arméniens est en réalité semblable à ces trois symboles. Celle qui est attribuée au concile de Chalcédoine s'en écarte, comme votre Clémence l'a appris. »
Alors le roi prescrivit de fouiller dans le trésor royal, et l'on y trouva des cahiers, qui traitaient de la foi orthodoxe, d'accord avec la foi des Arméniens, et qui étaient marqués du sceau du roi Gavad et de son fils Khosrov. Sur quoi le roi Khosrov décréta que tous les chrétiens de son empire suivraient la croyance arménienne, et ceux aussi qui étaient déjà unis aux Arméniens dans l'Assyrie, à savoir Gamgaièschov (74), le métropolite, et les dix autres évêques, la pieuse reine Schirên, le brave Sempad et le médecin en chef, qui étaient en communion avec les Arméniens. Il voulut que son sceau fût apposé à l'écrit où était consignée la profession de foi orthodoxe et que cet écrit fût déposé dans son trésor royal.
Dieu nous ayant délivré des puissances des ténèbres, et nous ayant rendus dignes d'être les serviteurs de Ta Majesté, appelée à habiter le ciel, avec combien plus de ferveur devons-nous prier et implorer le Christ notre Dieu, pour que ton trône, appuyé sur ta foi et ta piété, reste stable et inébranlable à jamais, comme le règne du ciel sur la terre. »
Après le départ de l'empereur,, Nersès, redoutant le ressentiment des satrapes, s'enfuit dans le Daïk', sa patine. Au bout de six ans, à la mort du général Théodore, il retourna en Arménie.
Dans ce temps et sous le gouvernement de Théodore R'eschdouni, en 86 de l'ère arménienne (75), eut lieu la première invasion des Arabes (Dadjigs), en Arménie, par l'ordre d'Omar, émh'-al-mouménin, le second après Mahomet (76).
En l'année 95 (77), les Arabes firent une seconde irruption avec des forces considérables et prirent la ville de Tevin, où ils firent 35.000 prisonniers. Ensuite ils étendirent leur domination sur l'Arménie, la Géorgie et le pays des Ag'houans.
Cependant les Arméniens, ayant secoué leur joug, se soumirent à l'empereur, qui, sur la demande de Nersès, leur donna pour chef Hamazasb, en l'année 104 (78). A cette nouvelle, l’amirabed (khalife), furieux, fit mettre à mort les otages arméniens au nombre de 777. Lui-même mourut aussitôt après, massacré par ses propres troupes (79).
L'armée ismaélite (arabe), qui était en Egypte, s'étant ralliée à l'empereur, se convertit à la religion du Christ et reçut le baptême, au nombre de 16.000 hommes.
Hamazasb étant mort, Nersès et les satrapes demandèrent à l'amirabed, pour gouverner l'Arménie, Grégoire Mamigonien, frère de Hamazasb, lequel était retenu en otage auprès du khalife. Grégoire construisit l'église cathédrale d'Aroudj (80).
Nersès, après avoir siégé dix ans, eut pour successeur, en l'année 120 (81), Anastase, son chambellan, originaire du district de Masiatsoden, du village d'Agor'i, qu'il dota d'une belle église. Sous son pontificat, saint David crut en Jésus-Christ (82).
Anastase ayant songé à donner aux Arméniens un calendrier fixe, comme celui des autres peuples, prescrivit à Ananie de Schirag (83), d'établir un cycle sur le quel il régla un calendrier fixe. Anastase avait conçu le projet de réunir un concile d'évêques, pour sanctionner cette réforme, lorsqu'il mourut, après avoir siégé six ans.
De son temps, florissait Philon Diragatsi, qui traduisit en arménien l'Histoire [ecclésiastique] de Socrate (84).
Après Anastase, le patriarcat fut dévolu au seigneur Israël, du district de Vanant, du village d'Outhmous, qui siégea dix ans.
Il fut remplacé par le seigneur Sahag, du district de Tzoro'-Ph'or, du village d'Ark'ounaschên, qui occupa le siège vingt-cinq ans.
La cinquième année de son pontificat fut marquée par la mort du prince Grégoire, qui succomba dans un combat contre les Khazirs, en l'année 180 (85).
En l'année 135 (86), Aschod le Bagratide devint prince d'Arménie ; et exerça ces fonctions pendant trois ans.
A cette époque, notre pays d'Arménie fut en proie aux troubles et à la dévastation ; car, en 134 (87), les peuples du Nord, c'est-à-dire les Khazirs, assujettirent à leur joug l'Arménie, la Géorgie et l'Agh'ouanie. Dans cette guerre, périrent le prince d'Arménie et celui de Géorgie.
Dans la troisième année de son règne, Justinien envoya en Arménie une armée formidable qui, par l'incendie et le pillage, dévasta vingt-cinq districts, et prit huit mille familles, auxquelles on fit racheter leur liberté.
L'année suivante, il fit partir une autre armée de 40.00 hommes.
L'Arménie était alors livrée aux plus grandes agitations, car les Arabes y pénétrant par le sud-est, dévastèrent nombre de districts. Aschod, prince d'Arménie, s'étant avancé contre eux, fut tué en combattant. Quelques chefs arméniens se soumirent volontairement aux envahisseurs.
Au commencement de la quatrième année de Justinien, ce prince arriva avec des forces considérables en Arménie, auprès de la montagne appelée Arardag. Là, ayant divisé ses troupes en trois corps, il les fit marcher contre les Arméniens, les Géorgiens et les Agh'ouans. Ayant mandé tous les chefs de ces contrées, ceux-ci se rendirent à son appel, non point de leur gré, mais par force. Il en retint plusieurs et exigea que les autres lui donnassent leurs fils en otages.
Le catholicos Sahag, et cinq évêques restèrent prisonniers auprès de lui. Quelques-uns des chefs, gratifiés de présents tirés de son trésor, furent chargés de gouverner ces contrées : Nerseh, seigneur de Schirag, comte de Gaboudr'ou, fut fait prince d'Arménie, Varaztad, patrice' et exarque, c'est-à-dire vice-roi, devint prince des Ag'houans. Après avoir laissé à ces chefs un corps de 30.000 hommes, l'empereur retourna à Constantinople.
Nerseh Gamsaragan exerça les fonctions de prince d'Arménie pendant quatre ans.
De son temps brillait, par sa science philosophique, Grégoras (Krikoris), chorévèque d'Arscharounik', qui composa un commentaire sur les Leçons (89), à la demande de Nerseh Gamsaragan.
Nerseh eut pour successeur, en l'année 140, Sempad, le Bagratide, fils de Piourad, qui gouverna l'Arménie vingt ans (90).
Un osdigan, appelé Abdallah (Aptela), étant arrivé chez nous, se saisit des chefs arméniens et les envoya à Damas. Ce fut lui qui fit périr martyr saint David, dans la ville de Tevin.
A cette même époque, eut heu un combat à Vartanaguerd, dans lequel l'armée ismaélite fut entièrement détruite. Okba (Ogpa), général des Arabes, repoussé par les Gamsaragans, courut porter cette fatale nouvelle à l'amirabed (khalife). Celui-ci, irrité, expédia des forces considérables en Arménie avec l'ordre d'incendier, de démolir et de raser les églises.
Le catholicos d'Arménie Sahag, qui avait été fait prisonnier par Abdallah, était retenu comme otage à Damas. Ayant appris les projets menaçants d'Okba, il demanda la permission d'aller le trouver, afin d'essayer de l'en détourner. Cette permission lui ayant été accordée, il vint à Khar'an, ou il tomba malade. Les dernières lignes qu'il traça furent pour Okba, afin de lui rappeler le souvenir de la mort qui frappe tous les hommes et des peines de l'enfer; il lui représentait en même temps comment lui, Sahag, finissait ses jours sur la terre étrangère. Il recommanda que l'on plaçât cette lettre dans sa main droite, afin qu'Okba, en arrivant, pût la prendre. Celui-ci ayant su que le saint patriarche était mort, ordonna de conserver son corps jusqu'à son arrivée.
Dès qu'il fut en présence de l'homme de Dieu, il le salua de la main en disant : sàlam alêk (91). Par la vertu de l'Esprit-Saint, le mort répondit à ce salut en tendant la main vers le général arabe en signe de supplication. Effrayé de ce prodige, Okba prit la lettre, et, après l'avoir lue : « Ta prière, « dit-il, est déjà exaucée, ô homme de Dieu. » Il fit transporter en Arménie les restes mortels du patriarche, et expédia un ordre écrit pour que les Arméniens fussent traités avec bienveillance et que leurs torts leur fussent pardonnés.
Le Seigneur Sahag eut pour successeur, en l'année 158 (92), Elie (Eg'hia), originaire du village d'Ardjêsch, [du district] d'Aghiovid, et évêque de Peznounik'. Il siégea treize ans.
Elie, par l'ordre d'Abdalmélik (AptelmeliK') réunit un concile à Bardav, et fit conduire Pagour, catholicos des Agh'ouans à l'amirabed, parce qu'il s'efforçait de faire adopter aux Agh'ouans la doctrine de Chalcédoine.
A Elie, succéda le seigneur Jean, le philosophe, du district de Daschir, du village d'Otzoun, lequel siégea onze ans. Il tint dans la ville de Manazguerd, sur l'extrême frontière de Hark', un concile où se rassemblèrent tous les évêques d'Arménie, parmi lesquels était Grégoras (Krikoris), le philosophe, chorévêque d'Arscharounik', et six évêques syriens, de la communion jacobite, venus par ordre de leur patriarche au temps da gouvernement de Sempad. Ce concile avait pour objet de purger notre pays de l'erreur des Chalcédoniens, qui admettent les deux natures [en Jésus-Christ] et de l'usage d'employer dans le saint sacrifice le pain fermenté et l'eau, et, pendant le jeûne du carême et autres jours d'abstinence, de manger du poisson, et de se servir d'huile et de boire du vin; usages qui, depuis le temps d'Esdras (Ezer) jusqu'à cette époque, étaient restés en vigueur dans l'Arménie grecque. Après avoir rejeté toutes ces pratiques, comme un vieux levain, le concile établit en règle de foi le dogme d'une seule nature du Verbe divin incarné, la célébration du saint-sacrifice sans pain fermenté et sans eau, et l'observance rigoureuse et complète du jeûne. Toutefois cette dernière prescription fut mitigée en faveur des malades et des princes qui vivent dans le monde, pour le samedi et le dimanche ; mais elle était de rigueur pour les ministres des autels et pour ceux qui étaient voués à la vie monastique.
Jean avait un extérieur charmant, tout en étant doué de toutes les vertus. Il portait un cilice en poil de chèvre, qu'il recouvrait de vêtements somptueux aux couleurs éclatantes. Sur sa barbe blanche, il insufflait de la poudre d'or et la parfumait avec de l'huile odoriférante. L'osdigan Walid (Velith), ayant eu occasion de le voir, et étant retourné à Bagdad, dépeignit au khalife la belle mine de Jean. Désireux de le voir, le khalife lui demanda de revêtir son magnifique costume habituel, et de se montrer ainsi paré à lui.
Jean rendit son extérieur encore plus brillant et plus imposant que d'habitude ; il frisa sa belle barbe grisonnante en boucles d'or, et, prenant en main sa crosse doctorale dorée, il se présenta à la cour. A cette vue le khalife étonné, le fit asseoir avec de grands honneurs, et lui dit : « Pourquoi es-tu ainsi paré, tandis que ton Christ et ses disciples ont prescrit l'humilité et l'abjection? — Notre Christ, répondit Jean, voilait sa divinité glorieuse sous les apparences de l'humanité, tandis que ses miracles éclatants mettaient en évidence sa majesté; ses disciples, en opérant « les mêmes prodiges, se rendirent imposants aux yeux de ceux qui en étaient les témoins ; mais, comme cette faculté d'opérer tant de choses extraordinaires n'existe pour nous que très affaiblie, nous nous servons d'une pompe extérieure pour exciter les gens simples à la crainte de Dieu; de même que vous autres souverains, pour rehausser votre majesté aux yeux des hommes, vous leur apparaissez sous des vêtements de pourpre brochés d'or. Mais si tu veux examiner mon costume pièce à pièce, le voici. » Et s'étant déshabillé, il lui fit voir un cilice des plus grossiers. Le khalife, saisi d'admiration, redoubla de considération et d'égards pour lui, et le renvoya en Arménie, comblé d'honneurs et de présents.
Après Sempad, le gouvernement de l'Arménie passa entre les mains d'Aschod le Bagratide, fils de Vassag, lequel le conserva quinze ans. (93) Il fat privé de la vue par les Mamigoniens, jaloux de son autorité, sous le règne de Merwan, émir-almouménin. Sempad eut pour successeur son fils, pendant vingt-deux ans (94).
Dans la série des patriarches, après Jean viennent :
Le seigneur David, du district de Godaik', du village d'Aramounik', 13 ans.
En l'année 190, le seigneur Tiridate (Dertad), du district de Vanant, du village d'Outhmous; 23 ans.
Le seigneur Tiridate II, de Tasnavank' ; 3 ans.
Puis le seigneur Sion, du village de Pavônk ; 8 ans.
De son temps eut lieu le massacre de Thalin, où 700 personnes furent tuées et 1.200 traînées en captivité.
Après le seigneur Sion, on choisit en 221 (95) le seigneur Esaïe, du district de Nik, du village d'Egh'ibadrouch, lequel siégea 13 ans.
Il était le fils unique d'une veuve, qui, réduite à la mendicité, se tenait, avec son enfant encore à la mamelle, auprès du palais patriarcal ; restant dehors, exposée au chaud et au froid, elle ne quittait pas la porte de l'église. Les prêtres lui ayant demandé pourquoi elle s'exposait ainsi aux intempéries des saisons : «Vous ne savez donc pas, leur répondit-elle, que je nourris mon enfant ici pour qu'il soit un jour catholicos. Et, en effet, ce jeune enfant, élevé dans cette même église, devint d'abord évêque de Kogh'then et plus tard patriarche d'Arménie.
Esaïe eut pour successeur le seigneur Etienne (Sdeph'annos), dans la ville de Tevin ; il siégea deux ans. Après lui, l'on compte comme catholicos :
En 240, le seigneur Joab ('Ovap), 6 ans. Il était originaire d'Osdan, de Gourabagh'adin-Abaran (Palais du curopalate) ;
Le seigneur Salomon (Sogh'omon), du bourg de Karni’ lan.
Le seigneur Georges (Kêork) d'Arakadz-oden, du village d'Aschdaragk' ; 3 ans.
Le seigneur Joseph surnommé Garidj, du district d'Arakadz-oden, du village de Sahrk-Grégoire, 11 ans;
Le seigneur David, du district de Mazaz, du village de Gagagh', 25 ans.
Le seigneur Jean du district de Godaïk', du village d'O-vaïts, 22 ans. Sous son pontificat, l'émir Mamounig vint en Arménie.
Dans la succession des princes d'Arménie après Sempad, fils d'Aschod, vient Aschod surnommé Messaguer (Carnivore), fils de Sempad, qui gouverna 20 ans. Il acheta, à prix d'argent, de la famille des Gamsaragans, le district d'Arscharounik', et y transporta sa résidence princière de Gokovid. Il eut pour successeur son fils Sempad, surnommé Aboul-Abbas (Ablapas), qui tint le pouvoir 30 ans.
Celui-ci avait été, dans sa jeunesse, retenu en otage à Sa-mara, à la cour du khalife, sous Raschid-Haroun. Rendu à la liberté en l'année 275, il retourna en Arménie, et bâtit dans le district d'Arscharounik' un manoir qu'il appela Akerdjegouis (96).
De son temps, en l'année 290, Khaled (Khaleth) Ibn-Yézid, émir d'Arménie, passa avec des forces considérables en Géorgie; il mourut dans le Dchavakhs, au village de Khozapir.
A cette époque, sous le pontificat du seigneur Jean, en l'année 300 (97) de l'ère arménienne, un préfet nommé Abou-zeyd (Abouseth) fut envoyé par l'amirabed Djafar (Dchaph'r). Arrivé dans le district de Darôn, il s'empara du prince Pakarad, qu'il envoya à Djafar.
Cependant les habitants du mont Taurus, s'étant groupés, se ruèrent en masse sur l'osdigan, et le massacrèrent lui et ses troupes. Ceux qui échappèrent coururent porter cette triste nouvelle à Djafar, qui, rugissant comme un lion, et plein de rage, rassembla des forces innombrables, et les confia à un de ses esclaves nommé Bough'a, et le fit partir pour l'Arménie, avec l'ordre de se saisir des chefs, de les lui envoyer, et d'exterminer leurs troupes. Il lui avait recommandé en même temps, de traiter honorablement ceux qui consentiraient à embrasser la religion de Mahomet, et de les emmener avec lui. Bough'a parvenu dans le district de Darôn, mit la main sur les trois fils de Pakarad, et extermina tous les Khouthatsis, sur la montagne appelée Vaschkinag. De là, s'étant porté en avant, il vint s'emparer de tous les chefs arméniens, du prince des Ardzrounis, Aschod, père de Térénig, du sbarabed (généralissime) d'Arménie, Sempad, père du roi Aschod, du prince de Siounik', Vassag, de Garidj, prince de Kartman, du prince de Khatchên, Ader-Nerseh, d'Esaïe, prince des Agh'ouans, du prince des Sévortik', Etienne surnommé Gon, lequel reçut du Christ la couronne du martyre, à la Porte royale, dans la ville de Samara. Il chargea de chaînes ces princes et beaucoup d'autres chefs, et les fit partir pour Samara. Tout notre pays fut livré à l'esclavage.
Ce n'est pas tout. Il s'attaqua aussi au clergé, voulant lui imposer la loi erronée de l'islamisme. Il choisit de beaux jeunes gens, qu'il fit jeter en prison pour les forcer à renier le Christ. Mais ces héros chrétiens supportèrent bravement les opprobres, les tortures, les ceps, et les coups ; méprisant la souffrance, ils bravaient les supplices, s'offrant à la mort avec joie. Le tyran, irrité de tant de fermeté, ordonna de les immoler tous. Ces intrépides martyrs furent ainsi couronnés par le Christ. Parmi eux, il y en avait sept, dont le principal se nommait Adom, originaire du district d'Agh'ag, du village d'Osiran.
Comme c'étaient des hommes de bonne mine et braves dans les combats, ils ne furent pas mis à mort avec les autres. On les pressa vivement d'abjurer, en leur offrant des trésors d'or et d'argent, en leur promettant de leur donner des villages et des champs, pris sur les domaines royaux. Mais ces généreux confesseurs s'illustrèrent par un refus opiniâtre de céder à„ces séductions. Le tyran, rendu plus irrité par cette résistance, leur fit endurer des tourments si cruels, que la langue de l'homme ne saurait les décrire. Mais, vains efforts ! les promesses de la vie future, l'amour du Christ, et le bonheur du martyre, allégeaient ces affreuses souffrances.
La rage de ce forcené n'ayant fait qu'augmenter, il ordonna de les crucifier. Saint Adom, appliqué à la croix, encourageait ses compagnons : « Ne craignez rien, frères, leur disait-il; car, au milieu de nos maux, nous sommes toujours les copartageants du Dieu vivant. » Puis, levant les yeux vers le ciel : « Je te rends grâce, s'écria-t-il, ô Christ, mon espoir. J'avais fait vœu, dans cette fête de saint Georges, d'immoler des boucs et des agneaux, pour te glorifier ; à la place de ces victimes, nous nous offrons à toi; reçois, ô Seigneur, cet holocauste, et donne-nous rang parmi tes saints. »
C'est ainsi que ces martyrs, restés maîtres d'une victoire complète, rendirent l'âme, et furent couronnés par le Christ, en 302 (98) de l'ère arménienne. Il y en eut plus de 150, dont le nom fut inscrit dans le Livre de vie. Le patriarche Jean établit une fête annuelle et solennelle pour le jour de leur commémoration, le 25 du mois de méhégan; à la gloire de Dieu tout-puissant (99).
Aussitôt après, Bough'ase dirigea sur Deph'khis (Tiflis) ; il fit mettre en croix Sahag, fils d'Ismaël. De là, étant passé à Bardav, il fit périr, par le glaive, Mogathel de Vanant, qui mourut martyr, en confessant, avec les sentiments les plus orthodoxes, le nom du Christ.
Lorsque fut accomplie la vingt-cinquième année du patriarcat de Jean, en 302 de notre ère (100), ce pontife termina sa carrière. Aussitôt le sbarabed (généralissime) Sempad demanda aux évoques de se réunir et de sacrer Zakharie, du district de Godaïk', du village de Tzak, lequel siégea vingt-deux ans. Avant de parvenir à cette dignité, Zakharie n'avait reçu aucun des grades de la hiérarchie ecclésiastique, ni la prêtrise, ni le diaconat, mais il vivait dans une pureté exemplaire. Tous ces degrés lui furent conférés le même jour.
Cependant le sbarabed (généralissime) Sempad se rendit avec Bough'a auprès de l'amirabed, et sa dignité passa à son fils Aschod, le béni, qui, plus tard, devint roi.
Les chefs arméniens faits prisonniers par Bough'a rentrèrent au bout de quelques années, chacun dans son district, à l'exception du sbarabed Sempad, et d'Etienne Gon, qui donna sa vie pour le nom du Christ, à Samara.
En 311 de l'ère arménienne (101), s'assit sur le trône, comme émir-almouménin, Ahmed, qui confia le gouvernement de notre pays à Ali, fils de Yahya (Yahê). Celui-ci établit comme prince des princes Aschod, fils de Sempad, qui exerça ces fonctions vingt-cinq ans, jusqu'en 336 de notre ère (102), et qui plus tard reçut le titre de roi.
Du temps d'Aschod, en l'année 312, à l'époque du carême, dans la petite semaine, (103) un violent tremblement de terre se fit sentir, qui fit périr quantité de personnes, et renversa de magnifiques édifices. Ce fléau dura trois mois.
Cette même année Schahab, fils de Sévata arriva à la tête d'une formidable armée en Arménie, avec l'intention de la saccager et de la ruiner. Parvenu dans le district d'Arscharounik', il fit halte sur la rive sud de l'Araxe (Éraskh), dans un lieu appelé aujourd'hui A'ar'assounk' (les Quarante). Cependant le jeune Apas, sbarabed d'Arménie, plein de confiance en Dieu, partit du bourg de Gagh'-zouan, à la tête de quarante mille hommes des plus braves, des plus aguerris d'entre les Arméniens, pour aller affronter l'armée ennemie. Il la dispersa entièrement, passant les uns au fil de l'épée, précipitant les autres dans le fleuve. C'est par suite de cette victoire signalée, que ce lieu a pris et conserve jusqu'à ce jour le nom de Kar'assounk', d'après le nombre des martyrs de Sébaste. Schahab se sauva à grand-peine, avec vingt-six hommes seulement, couvert de honte.
Après ces événements, en 324 de notre ère (102), mourut le seigneur Zacharie, catholicos. Il eut pour successeur le seigneur Georges (Keôrk), que l'on intronisa solennellement le jour de la fête de la circoncision de Notre-Seigneur.
Cette année fut marquée par une terrible mortalité qui se répandit partout.
Georges était originaire du bourg de Kar'ni. Il tint le siège 12 ans.
La dernière année de son ministère vit l'avènement d'Aschod comme souverain (103).
Et maintenant, à l'instar des voyageurs qui ne pouvant porter tout le fardeau dont ils voudraient se charger, à cause de l'insuffisance de leurs forces, réservent le surplus pour un prochain voyage, nous reproduirons ici ce que nous avons laissé de côté dans notre Histoire, la série des rois de Perse, celle des émirs-almouménin des Arabes et ensuite la liste des empereurs grecs, afin que, de cette manière, notre ouvrage soit coordonné d'après un plan symétrique.
1. Ardaschir, 40 ans [de règne].
2. Schabouh (Sapor), 53 ans.
3. Nerseh, 14 ans.
4. Ormizt, 3 ans.
5. Ardaschir, 3 ans.
6. Schabouh (Sapor), 58 ans.
7. Vr'am Guerman (Behram Kirman-Schah), 11 ans.
8. Yazguerd, 1 an.
9. Vr'am (Behram), 2 ans.
10. Yazguerd, l'exterminateur, 29 ans.
11. Béroz (Firouz) 21 ans.
12. Vagh'arsch (Valarse ou Vologèse), 4 ans.
13. Gavad (Kawadh), 11 ans.
14. Dchamasb (Djamasp), 2 ans.
15. Gavad (Kawadh), 41 ans.
16. Khosrov (Chosroès) lequel fut baptisé, 47 ans.
Ce prince, au moment de sa mort, reçut les grâces célestes de la foi en Jésus-Christ, et le baptême au nom de la Sainte-Trinité. Il fit célébrer le saint sacrifice de la messe dans sa chambre et participa à la communion du corps et du sang de Notre Seigneur.
17. Ormizt, 12 ans.
Sous son règne vivait un certain Vahram Méhévant, prince des contrées orientales de la Perse, lequel défit vaillamment les troupes des Thédals (2) et s'empara de vive force de Balkh (Pagh'k'), et de tout le pays des Kouschans jusqu'au delà du grand fleuve que l'on appelle Vehrod (3) et jusqu'au lieu nommé Kaspoun (4). Ce Vahram ayant fait la guerre au roi des Mask'ouths (Massagètes), défit toutes ses armées et tua ce prince. Ayant pillé les trésors royaux, il n'en envoya au roi Ormizt qu'une faible portion et distribua le reste aux troupes. Cependant le roi ayant reçu ce qui lui avait été offert, dit avec colère : le « souper a été bien autrement plantureux, et l'on peut en reconnaître l'indice par ce fragment de tant de richesses ; c'est donc tout ce que vous avez apporté pour le trésor royal ? » En même temps il ordonna à ses gardes du corps d'aller faire rentrer tout ce qui avait été distribué aux soldats. Ceux-ci irrités massacrèrent les envoyés du roi, et ayant proclamé comme souverain Vahram, marchèrent de concert vers l'Assyrie afin d'aller tuer Ormizt. A cette nouvelle, celui-ci voulut prendre la fuite et traverser le Tigre (Teglath) sur un pont volant à Vehgavad (5). Alors ses gens ainsi que ses gardes et officiers ayant tenu conseil, le mirent à mort et le remplacèrent par son fils Khosrov. Peu de temps après, Vahram à la tête de toutes ses forces survint à l'improviste, rapide comme l'aigle. Khosrov avec les siens se sauva au delà du grand fleuve Teglath, tandis que Vahram arrivant sur ses traces, s'emparait de la maison et des trésors du roi, et occupait le trône.
N. B. On lit dans notre texte arménien, en marge, cette note de copiste : « Dans l'exemplaire original il manquait neuf pages » (6).
Nous ayons suppléé à cette lacune pour le présent chapitre III, par le récit d'un auteur à peu près contemporain d'Acogh'ig' Thomas Ardzrouni, historien de la maison satrapale des Ardzrounis Livre second, chapitre III, pages 93-97, édition de Constantinople, in-8°, 1852.
La huitième année de Maurice, empereur des Grecs, le roi des Perses, Ormizt, de la famille de Sassan, fut tué par ses courtisans, et son fils Khosrov, qui était encore en bas âge, monta sur le trône. Un certain Vahram Mehrevantag, lequel était gouverneur des contrées orientales, à la tête de forces considérables, battit vaillamment les Thédalatsis, et marchant sur Balkh (Pakhgh') s'empara de cette ville de vive force, et de toute la contrée des Kouschans, jusqu'au delà du grand fleuve Vehrod ; puis il se rendit maître du royaume des Perses. Le fils d'Ormizt, Khosrov accourut vers l'empereur Maurice emmené par ses oncles maternels Bindôës (Vento') et Bistâm (Vesdam) qui le conduisirent chercher un refuge à la Porte impériale. Ils députèrent à l'empereur Maurice des personnes d'un haut rang, chargées de cadeaux magnifiques, et d'une lettre dictée par Khosrov, de la teneur suivante :
0 grand Monarque, souverain de la mer et de la terre, donne-moi un secours de troupes, et rétablis-moi sur le trône de mes pères, afin que je puisse vaincre mon ennemi, et replacer la couronne sur mon front. Je deviendrai pour toi un fils soumis, et je te donnerai la Syrie et tout l'Arévasdan (18) jusqu'à la ville de Medzpin ; dans l'Arménie la contrée de Danoudêragan jusqu'à l'Aïrarad, en passant par Tevin jusqu'au bord de la mer de Peznounik', et jusqu'au bourg d'Ar'esd; en outre la majeure partie de la Géorgie jusqu'à la ville de Deph'khis. Nous ferons de part et d'autre un traité de paix, avec des serments et des conditions qui seront maintenues inviolables entre nous et nos fils qui régneront après nous ».
L'empereur Maurice, ayant agréé ces propositions, députa vers Khorov son gendre Philippe ; il lui adressa une lettre bienveillante et reçut de lui son serment. Il mit a sa disposition un corps de troupes impériales; Jean (Ovhan), patrice originaire de l'Arménie, le général (Sdradélat) Nersès, Mouschegh', robuste et courageux guerrier, ainsi que toutes les troupes grecques, arméniennes, géorgiennes et du pays des Ag'houans. Cette innombrable armée arriva dans l'Aderbadagan au district de Var'arad.
Cependant Vahram écrivit à Mouschegh' et aux autres généraux une lettre ainsi conçue :
« Je pensais que, lorsque je combats vos ennemis, vous seriez venus de votre côté à mon aide, et que nous aurions réuni nos efforts pour détruire ce fléau du monde, la famille de Sassan, et voilà que maintenant vous marchez tous ensemble contre moi. Mais je ne redoute en rien les chefs romains qui s'avancent pour m'attaquer.
Quant à vous, Arméniens, c'est d'une manière bien inopportune que vous faites acte de fidélité envers vos maîtres [actuels]. N'est-ce pas la famille de Sassan qui a détruit chez vous votre souveraineté nationale et vous venez contre moi ! Si cependant il vous plaisait de vous séparer de ceux-là, et de vous joindre à moi, j'en jure, dans le cas où je serais victorieux, j'en jure par le grand dieu Ormizt, par le soleil et la lune, par le feu et par l'eau, par Mihr et par tous les dieux, le royaume d'Arménie vous sera rendu, et vous choisirez pour roi celui que vous voudrez, et en prenant la Syrie pour limites, vous obtiendrez l'Assyrie, Medzpin, Nouschiragan, jusqu'au territoire des Arabes (Dadjigs) ; de votre côté, je ne pourrai dépasser l'Araxe. Je vous distribuerai les trésors du pays des Aris avec une libéralité, qui ne s'arrêtera que lorsque vous aurez dit: c'est assez; je vous donnerai des secours de troupes autant que vous en aurez besoin jusqu'à ce que votre royaume soit raffermi. » Après avoir ajouté à cette lettre les serments en usage dans la religion des Perses, et y avoir enveloppé du sel, il la leur envoya; mais ceux-ci l'ayant reçue et lue, n'y firent pas de réponse.
Vahram leur écrivit une seconde fois, en leur disant : Je vous ai avertis de vous séparer de ces gens-là, et vous n'avez pas voulu m'écouter; je vous plains, car demain, à l'aurore, je vous montrerai des éléphants, tout armés et montés par les plus braves guerriers couverts de cottes de maille, qui feront pleuvoir sur vous des traits en fer, des javelots bien trempés et des dards d'acier ; je vous montrerai de valeureux archers, qui vous accableront d'une grêle de flèches en quantité suffisante pour Khosrov et pour vous. » Mouschegh' lui répondit en ces termes : Après avoir pris connaissance de tes paroles, je te dirai que la royauté vient de Dieu, et qu'il la donne à qui bon lui semble. C'est toi-même que tu dois plaindre et non pas nous, car je vois que tu es un fanfaron, qui té confies en ta propre personne, et non en Dieu, dans le nombre de tes troupes et dans la force de tes éléphants. Je dois ajouter, que si Dieu le veut, demain de vaillants combattants t'envelopperont et tomberont sur toi comme des nuées du ciel ; empoignant leurs lances à pleines mains, ils fendront la multitude de tes soldats, comme un éclair qui précède la foudre. Si telle est la volonté de Dieu, un vent impétueux les balayera, comme de la poussière. Nant, Bindôës (Vento') et Bistâm (Vesdam) et les troupes perses formaient un corps de 8.000 hommes de cavalerie, sans compter les contingents grecs et arméniens.
Le lendemain, lorsque le soleil commençait à dorer les cimes élevées, les deux armées se rangèrent en ordre de combat, bataillon contre bataillon ; puis s'élançant en masse dans une horrible mêlée, elles ne cessèrent de lutter avec acharnement, du matin au soir ; elles épuisèrent tous leurs efforts dans ce terrible duel.
Le carnage fut si horrible, que le sang répandu coulait par torrents sur toute l'étendue de la plaine. Les troupes de Vahram ayant fini par plier et ne pouvant plus tenir contre les Grecs, se débandèrent; ceux-ci les poursuivirent jusqu'à ce que la nuit fut close, couvrant la plaine de cadavres, et faisant quantité de prisonniers qu'ils conduisirent à Khosrov. Cette journée fut décisive en sa faveur. Vahram fugitif, se sauva dans sa résidence royale de Balkh (Pakhgh'). Plus tard il fut mis à mort par ordre de Khosrov. Ce dernier affermi sur le trône, remplit les promesses qu'il avait faites à l'empereur, il lui concéda tout l'Arévasdan jusqu'à Medzpin (Nisibe), l'Arménie jusqu'au fleuve Hourazdan, le district de Godaik' jusqu'au bourg de Kar'ni, sur les bords de la mer de Peznounik'., et jusqu'au bourg d'Ar'esd, le district de Gokovid, jusqu'à Hatsiv et Magou. Un traité solennel d'amitié fut conclu entre les deux souverains, celui des Perses et celui des Grecs.
En l'année 14 du règne de Khosrov et la 20e de Maurice, les troupes grecques stationnées dans la Thrace se révoltèrent contre ce dernier et se donnèrent pour souverain un certain Phocas. Ayant marché toutes ensemble contre Constantinople elles tuèrent Maurice et firent asseoir Phocas sur le trône.
Ici reprend le récit d'Acogh'ig.
Les troupes de Maurice se révoltèrent dans la Thrace et proclamèrent Phocas, puis marchant sur Constantinople, elles mirent à mort Maurice et ses fils. Khosrov ayant appris ce meurtre s'avança à la tête de toutes ses troupes contre les pays d'occident et vint prendre la ville de Dara, après quoi il envoya le général Khor'em surnommé Raz-man avec une armée dans la Syrie et Aschtad vers les frontières de l'Arménie. Celui-ci vint attaquer les troupes grecques stationnés à Tou et Ortrou(34), les mit en fuite et les poursuivit jusqu'à Satala. Il prit Garin et fit prisonnier le catholicos Jean ; il enleva tout ce qui appartenait à la résidence patriarcale, ainsi que les habitants de cette ville, et les emmena à Ahmadan. De son côté Khor'em étant entré en Syrie prit Amith, Edesse (Our'ha) et Antioche. Le général perse Schahên d'un autre côté se rendit maître de Césarée oh il séjourna un an. Khor'em étant passé à Pisiton, prit la ville de Tarse et marcha sur Jérusalem qu'il tint assiégée dix-neuf jours. Une mine creusée sous les remparts lui livra cette ville. Les Perses y mirent le feu, passèrent au fil de l'épée 57.000 personnes, et firent 35.000 prisonniers. Le patriarche Zacharie, la sainte Croix du Sauveur avec tous les vases sacrés d'or et d'argent qui l'accompagnaient, tombèrent entre leurs mains, et furent envoyés à la Porte royale [de Perse]. Cependant le roi [Khosrov] donna l'ordre de ramener à Jérusalem tous les habitants faits prisonniers, de rebâtir cette ville et d'en chasser les Juifs. Il en nomma patriarche Modeste, lequel adressa une lettre aux Arméniens.
En l'année 29 de Khosrov, Gomidas ayant fait détruire la chapelle de Sainte Hripsimê, construite par saint Sahag, y découvrit le corps de la sainte, ayant neuf empans et quatre doigts, et scellé du sceau de saint Grégoire et de saint Sahag. Il y apposa aussi le sien, puis il fit reconstruire l'édifice, et replaça ces reliques au même endroit. Par ses soins la toiture en bois de la Cathédrale fut refaite en pierres. Jean était économe du couvent.
Cependant le général perse Khor'em après avoir pris Jérusalem, se dirigea sur Chalcédoine, d'où il fit attaquer par sa flotte Constantinople ; mais il perdit en un seul jour quatre mille Perses.
L'empereur Heraclius, ayant placé sur le trône son fils Constantin, partit pour Césarée, afin de réunir toutes ses forces qui étaient de 120.000 hommes.
S'étant mis en marche, pour attaquer le roi de Perse, il vint d'abord de la Cappadoce à Garin, et de là à Tevin qu'il saccagea. Nakhdjavan, Kantzag et Hitag furent détruites de fond en comble. Les autels du grand Pyrée appelé Veschnasb furent renversés. Après avoir saccagé la Perse, il retourna par la Médie et arriva à Ph'aidagaran, dans le pays des Gasp et alla camper au bourg de Dikranaguerd. Les généraux perses Schahr-Varaz et Schahên, chacun à la tête de leur armée, accoururent pour tenir tête à Héraclius, l'un par devant l'autre par derrière. Mais l'empereur opérant un mouvement de retraite vint tomber sur Schahên, dont il mit en déroute l'armée, forte de 30.000 hommes; puis se portant par Dzegh'ougs, sur Nakhdjavan, il franchit l'Araxe, au bourg de Vrendchounis passa à Pakrévant, de là dans l'Abahounik' et vint camper au village de Kharjdôk'. Cependant SeJiahr Varaz avec un corps de 6.000 hommes d'élite alla se poster à Ardjêsch, où il dressa une embuscade à Heraclius. Celui-ci ayant marché contre les Perses pendant la nuit, mit le feu à la ville et massacra tous ceux qui tentèrent d'en sortir. De là il se dirigea avec toute son armée par Césarée jusqu'à Amasia, pour la faire reposer. Une seconde expédition le ramena en Arménie; pénétrant dans la province de Schirag, et faisant route par Gokovid, il entra dans les districts de Hêr et de Zarévant, et marcha droit sur Ctésiphon (Dispon) contre Khosrov ; puis étant passé de l'autre côté du mont Varasb dans l'Assyrie, il se porta vers l'ouest sur Ninive (Nurwê).
Heraclius étant retourné avec des forces imposantes contre les Perses, sans que ceux-ci eussent connaissance de ce mouvement, car un brouillard enveloppait toute la plaine, ils ne s'aperçurent de l'arrivée des Grecs que lorsque ceux-ci furent arrivés sur eux, et que le combat fut engagé. Le Seigneur favorisa Heraclius; dans cette journée, les Perses furent défaits et exterminés, leur pays ouvert à l'invasion et saccagé. L'empereur parvenu aux portes de Ctésiphon, brûla tous les édifices royaux qui s'élevaient aux alentours de cette ville, puis il rétrograda jusque dans l'Aderbadagan. Sur ces entrefaites l'armée et les grands de la Perse, placèrent sur le trône Gavad (Kawadh) fils de Khosrov, et firent périr ce dernier. Aussitôt Gavad fit partir des ambassadeurs avec des présents pour aller proposer la paix à l'empereur. Heraclius envoya les' siens pareillement, et la paix fut conclue et les limites des deux empires rétablies comme au temps de Maurice et de Khosrov.
Gavad après avoir régné six ans, mourut, laissant la couronne à son tout jeune fils Ardaschir.
Cependant Heraclius écrivit au général perse Khor'em qui était alors du côté d'Alexandrie pour l'inviter à venir le trouver ; il lui donna la couronne de Perse et en retour lui demanda la Croix du Seigneur. Il le fit accompagner par quelques hommes sûrs et un petit corps de troupes. Khor'em arrivé en Perse, mit à mort le jeune Ardaschir et ayant recherché la croix du Sauveur, il l'envoya à Heraclius, qui la rapporta à Jérusalem.
Ici finit l'empire des Perses dans la famille de Sassan. Commencé en la 5e année de Philippe, empereur des Romains, il cessa dans la 18e année d'Héraclius, en 77 de l'ère arménienne, cette dynastie ayant duré en totalité 386 ans.
Ensuite un grand nombre de chefs du royaume occupèrent le trône d'une manière éphémère, quelques jeunes filles s'y assirent même pendant quelques mois, mais aucun de ces souverains n'est digne de mémoire. Cependant voici leurs noms : après Khor'em il y eut Porn, fille de Khosrov, et après elle Yazguerd, fils de Gavad et petit-fils de Khosrov, lequel régna à Ctésiphon.
Un peu avant la mort de Khosrov (Chosroès II) et la 8e année de l'empereur Heraclius en 68 de l'ère arménienne parut Mahomet (Mahmêd), sorti du désert, fils d'Abdallah (Aptela) et prophète des Dadjigs (Arabes).
A cette époque les Juifs en révolte contre les Grecs s'étaient fortifiés dans la ville d'Edesse. Lorsqu'ils ne purent plus tenir, ils sortirent de la ville et se rendirent dans l'Arabie (Dadjgasdan), auprès des fils d'Ismaël, au nombre de 12.000 hommes. Ils leur firent savoir qu'ils étaient de même race et implorèrent leurs secours. Comme Mahomet leur avait dit : Dieu a promis de vous donner ce pays ; personne ne pourra nous résister, les armes à la main, les enfants d'Ismaël se rassemblèrent depuis Hevilah jusqu'à Sour et jusqu'en face de l'Egypte.
Ils sortirent de Phar'an en un corps de douze tribus, suivant le nombre de leurs familles patriarcales. Arrivés à Raboth (R'apovth) de Moab (Movap), sur les limites [de la tribu] de Ruben, ils en vinrent aux mains avec Théodose, frère d'Héraclius et le mirent en fuite. L'empereur Heraclius ayant réuni une nouvelle armée de 70.000 hommes l'envoya contre eux. Les Grecs arrivés sur les bords du Jourdain, le franchirent et passèrent en Arabie. Ils marchèrent à pied au combat contre les Ismaélites, mais l'issue leur en fut fatale et ils furent forcés de prendre la fuite. Les Arabes traversant alors le Jourdain, vinrent camper auprès de Jéricho. Cependant les habitants de Jérusalem effrayés, placèrent la sainte Croix et tous les objets sacrés de l'église [de la Résurrection] sur un navire qui les transporta à Constantinople.
Mahomet, après avoir gouverné sa nation pendant deux ans, mourut la onzième année d'Héraclius ; il eut pour successeur Aboubekr (Apoupakr), Othman et Omar, qui conservèrent le pouvoir pendant 38 ans.
Lorsque Constantin, fils d'Héraclius, fut monté sur le trône, les Arabes se rendirent maîtres de la Judée et de la Syrie. Ils se divisèrent en trois corps dont l'un se dirigeant vers l'Egypte, s'empara de tout le pays jusqu'à Alexandrie. Le second corps marcha vers le nord, contre l'empire grec ; et conquit toute la contrée depuis la mer inférieure jusqu'aux rives du grand fleuve Euphrate et, sur la rive orientale de ce fleuve, prit Édesse (Our'ha) et toutes les villes de la Mésopotamie. Le troisième corps se porta vers l'est, et arrivé à Ctésiphon renversa l'empire perse, battit l'armée du roi Ormizt et tua ce prince qui était le petit-fils de Khosrov (Chosroès II). La Perse fut saccagée par les Arabes, les trésors royaux pris et emportés par eux dans leur pays. Une partie considérable de l'armée arabe, envahit et pilla la Médie, Kogh'then et Nakhdjavan. Un autre détachement fondit sur le district d'Ardaz, attaqua le général grec Procope (Brokob), le défit et chargé des dépouilles de son camp, reprit le chemin du pays d'où il était venu. Ceci arriva la 22e année du gouvernement d'Aboubekr, Othman et Omar, chefs des Ismaélites.
Ces incursions cessèrent pendant trois ans, au bout desquels, la 26e année des chefs précités et la 3e de Constantin, petit-fils d'Héraclius, l'armée d'Ismaël, sortant de l'Assyrie par le chemin de Tzor, envahit le pays de Daron et par Peznounik' et la vallée de Pergri, se répandit dans l'Ararad et vint s'emparer de Tevin. Toute la population virile de cette ville fut passée au fil de l'épée; les femmes et les enfants emmenés en servitude, au nombre de 35.000. C'était le 20 du mois de Drê, à l'époque des vendanges.
Le prince d'Arménie Théodose, seigneur de Redchdou-nik', qui restaura par ses constructions l'île d'Akhthamar, livra bataille aux Arabes à Gokovid, mais il ne put les vaincre. Cet événement eut lieu sous le pontificat d'Esdras (Ézer) catholicos.
Cependant le roi des Ismaélites, voyant la monarchie perse renversée, donna l'ordre à ses troupes de tourner leurs efforts contre l'empire romain, et de s'emparer de Constanti-nople, afin de détruire aussi cette puissance. Le khalife écrivit à l'empereur une lettre d'injures, dans laquelle se trouvaient ces mots : « Ton Christ qui n'a pu se sauver lui-même des mains des Juifs, comment pourra-t-il te délivrer des miennes ? » Toutes les troupes arabes accoururent des contrées de l'Orient, de la Perse, du Khoujasdan, de l'Inde, de l'Assyrie de l'Egypte et se réunirent auprès de Moawiyah (Mawi) chef de l'armée arabe, lequel résidait à Damas. Une flotte de guerre fut équipée à Alexandrie et dans toutes les villes du littoral, et fournie d'armes et de machines de guerre. Il y avait trois cents grands vaisseaux, contenant chacun mille hommes et en outre 5.000 petits navires, montés chacun par 100 hommes. Moawyiah fit partir cette flotte, tandis que lui-même à la tête de ses troupes se dirigeait par terre vers Chalcédoine. L'armée, grecque de son côté, se renferma dans Constantinople pour défendre cette ville. C'était la 13e année de Constantin. Les Ismaélites parvenus à Chalcédoine envoyèrent la lettre de leur souverain à l'empereur Constantin. Celui-ci se rendit à l'église, cette lettre à la main, et se prosternant la face contre terre : Vois, Seigneur, s'écria-t-il. Il se revêtit d'un cilice, s'assit sur la cendre et proclama un jeûne général. Cependant le chef des Ismaélites ayant ordonné de disposer la flotte en front de bataille, elle s'avança contre Constantinople. Alors le Seigneur du haut du ciel, commanda aux vents de se déchaîner, et la mer se soulevant du fond de ses abîmes, engloutit toute la flotte et les troupes qui la montaient, pas un ne put se sauver, car cette furieuse tempête dura six jours. Les troupes qui étaient campées à Chalcédoine s'enfuirent pendant la nuit et s'en retournèrent dans leur pays.
En la 36e année du gouvernement d'Aboubekr, Othman et Omar, les Arabes entreprirent une nouvelle expédition en Arménie. Ils se partagèrent en trois corps, l'un marcha vers Vasbouragan, l'autre contre [le district de] Daron, le troisième parvenu dans [le district de] Gokovid, prit pendant la nuit la forteresse d'Ardzaph'. Ce jour même tandis que les Arabes pleins de sécurité après la victoire se livraient aux excès d'une débauche crapuleuse, le prince Théodose à la tête de 600 hommes vint fondre sur eux et les extermina tous, au nombre de 3.000 : il leur reprit les prisonniers et le butin qu'ils avaient faits.
Après la mort d'Aboubekr, Othman et [Omar], le pouvoir passa aux mains de Moawyiah (Mawia) qui l'exerça pendant 19 ans. Dans sa première année et la 25e année de Constantin, le prince Sempad Bagratide et le général des Grecs, allèrent, par ordre de Constantin, attaquer les Arabes qu'ils rejoignirent par le pont volant de l'Euphrate, mais ils furent vaincus et mis en déroute.
Après quoi un décret fut expédié en Arménie par lequel un tribut était imposé à ce pays. Les chefs et les satrapes ainsi que le catholicos Nersès consentirent à payer, chaque année, 500 tahégans, Moawiyah établit prince d'Arménie et de Géorgie, Grégoire (Grikor). A sa mort, il fut remplacé par son fils, qui gouverna deux ans. Celui-ci eut pour successeur Abd-almélik (Aptelmélik), fils de Menvan, lequel occupa le khalifat 21 ans.
Le prince d'Arménie, Grégoire, rendit la paix à ce pays. C'est à lui qu'est due la construction de l'église d'Aroudj. Il périt sous les coups des peuples du Nord. Son successeur fut Aschod, patrice, homme illustre, ami de l’étude, et rempli de la crainte de Dieu. Il construisit Tarouink'. Ayant fait venir des pays d'Occident un tableau représentant au naturel l'incarnation de Jésus-Christ, il le plaça avec une pompe solennelle dans cette église qu'il dédia sous ce nom.
La première année de son gouvernement parut un astre chevelu, qui projetait en arrière des rayons lumineux en forme de colonne. C'était un présage de famine, d'extermination et de commotions terribles.
Abd-almélik comptait seize ans de khalifat, lorsqu'il donna l'ordre à ses troupes de marcher sous le commandement du général Mohammed contre l'Arménie. Les Arabes étant arrivés dans notre pays, et ayant vu que le couvent de Saint-Grégoire était riche d'ornements et de vases sacrés, ils conçurent une mauvaise pensée contre ce saint asile. Un détachement de ces infidèles étant venu y prendre gîte,' ils étranglèrent pendant la nuit un de leurs esclaves et le jetèrent dans une excavation. A l'aurore s'étant mis en cherche, ils découvrirent ce cadavre. Alors Mohammed fit couper les mains et les pieds aux moines, et les fit attacher à une croix au nombre de plus de 40. Tous les objets du culte que renfermait l'église furent pillés.
Cependant Mahomet partit pour la Syrie, laissant un des siens pour gouverner l'Arménie. Ce chef entreprit de détruire le corps de la noblesse arménienne. En cette occasion se découvrit la trahison de Sempad Bagratide, lequel appelant auprès de lui Sempad, fils du prince Aschod, Vart, fils du prince Théodose, et son propre frère Aschod résolut avec eux d'émigrer sur le territoire grec. Les Ismaélites au nombre de 5.000 s'étant mis à leur poursuite, les atteignirent au bourg de Vartanaguerd. Les Arméniens n'étaient que 2.000 seulement. A l'aurore, le combat s'engagea, et les Ismaélites furent vaincus et taillés en pièces. Car ils étaient glacés de froid, ayant été forcés de passer la nuit en plein air. Ceux qui parvinrent à s'échapper, ayant voulu traverser l'Araxe gelé furent engloutis dans les flots. Sempad envoya des chevaux arabes et les nez des cadavres ennemis à l'empereur qui pour le récompenser lui confia la dignité de curopalate. De là Sempad se retira dans le Daïk' et s'en vint dans la forteresse de Thoukars.
Abd-almélik ayant appris la défaite des siens, donna l'ordre au général Mohammed d'entrer en Arménie avec des forces nombreuses. A sa rencontre vint le catholicos Sahag, qui obtint la paix pour son pays, et cela, après sa mort arrivée dans la ville de Khar'an, de la manière que nous l'avons raconté plus haut.
Abd-almélik étant mort, son fils Walid (Valith) lui succéda, et gouverna 10 ans. Dans la première année de son règne, Walid conçut le projet d'anéantir toute la noblesse arménienne, et donna ses ordres en conséquence au général Mohammed. Celui-ci prescrivit à un certain Kassem (Gams), qui était gouverneur du district de Nakhdjavan, d'appeler auprès de lui les satrapes arméniens avec leur cavalerie, sous prétexte de passer une revue, et de recevoir une solde du trésor royal. Ceux-ci avec leur simplicité habituelle accoururent aussitôt à ce rendez-vous. On les partagea en deux groupes, dont l'un fut renfermé dans l'église de Nakhdjavan, et l'autre dans l'église de Khram. Puis le feu ayant été mis à ces deux édifices ils périrent tous dans les flammes, en l'année 153 de notre ère ; en même temps les principaux d'entre les satrapes furent condamnés à périr sur la croix. Dans cette exécution furent compris Sempad, fils d'Aschod, Grégoire (Krikor) et Gorioun de la famille des Ardzrounis, leurs femmes et leurs enfants furent tramés en esclavage. Quant à Vartan, fils de Khosrov, seigneur de Kogh'then, encore en bas âge, il fut emmené par les Arabes, qui firent son éducation et lui enseignèrent leur écriture et leur loi infâme. Mais parvenu à l'adolescence et ayant obtenu du khalife la restitution des possessions de son père, il retourna en Arménie et fit profession du christianisme et d'une vie sainte. Conduit à la porte royale, il fut condamné à périr par le glaive et mourut martyr en l'année 186 de notre ère, comme nous l'apprend l'histoire qui a été composée à son sujet.
Après que les chefs arméniens eurent péri dans les flammes, Sempad curopalate et les satrapes qui s'étaient sauvés avec lui, se rendirent dans le pays d'Eker; l'empereur des Grecs, leur donna la ville de Pouïth oh ils s'établirent. Mais plus tard ayant mis cette ville et pillé l'église, ils s'en revinrent dans notre pays. Alors l'empereur donna l'ordre aux archevêques et aux métropolites de prononcer l'anathème contre eux et de lire cette sentence à la fête de Pâques, jour oh ils avaient commis leur crime.
Walid remplaça le général Mohammed par un certain Abd-alaziz (Aptelaziz), lequel était sourd. Celui-ci pacifia l'Arménie et rebâtit la ville de Tevin beaucoup plus forte et sur un plan beaucoup plus vaste qu'auparavant. Il disait : C'est par moi qu'a eu lieu la destruction de cette ville, et je la relèverai. J'étais, ajouta-t-il, un enfant de douze ans et je portais une ceinture rouge, au moment où les Ismaélites combattaient contre les habitants de Tevin. Je pénétrai dans un conduit et ayant débouché sur le rempart, je poussai de grands cris vers les nôtres; aussitôt les soldats postés à l'avant-garde désertèrent le rempart et les Arabes redoublant de courage à cette vue se rendirent maîtres de la place. Voilà comment la chose se passa.
Le général Mohammed, qui convoitait dans son cœur de tenter une attaque contre le pays des Djen (Chinois) demanda au chef des Ismaélites 200.000 hommes de troupes. Ayant traversé l'Assyrie et la Perse, il arriva dans une partie du territoire des Djen, et campa sur les bords du fleuve appelé Paudis. De là il écrivit au roi des Djen une lettre ainsi conçue : — Pourquoi, toi seul, tu ne reconnais pas l'obéissance de notre souverain, dont le nom fait trembler toutes les nations. Le roi des Djen répondit: Le roi de Babylone a conquis le monde, il en a été de même du roi des Macédoniens et de celui des Perses, mais ils n'ont pu nous assujettir; je ne te paierai pas de tribut, je te donnerai seulement des présents royaux, Mohammed lui envoya lui dire de nouveau : Donne-moi 30.000 jeunes filles et je me retirerai de ton pays. Les désirs des chefs arabes étaient en effet enflammés par la beauté des jolies filles des Djen. Le roi des Djen fit disposer des chariots recouverts de ciels en brocart et dans lesquels il plaça 40.000 guerriers bien armés ; puis il se rendit sur les bords du fleuve et se posta à une petite distance des chariots, en même temps il fit dire à Mohammed : — Prends tes officiers en même nombre que nos 30.000 jeunes filles, et passe de ce côté-ci du fleuve, afin que nous tirions au sort à qui elles écheront, et que les tiens n'aient pas l'occasion d'en venir aux mains les uns avec les autres. Mohammed ayant pris avec lui 30.000 de ses principaux guerriers et ayant traversé le fleuve, le roi des Djen donna l'ordre aux siens de se précipiter sur les Arabes. Les hommes qui étaient dans les chariots, cachés sous les rideaux en sortirent, et cernant les Arabes les taillèrent en pièces. Mohammed s'étant jeté dans le fleuve avec une poignée des siens, prit la fuite.
Walid mourut après un règne de 10 ans; il eut pour successeur Souleyman, qui se maintint trois ans. Dans sa troisième année, ce dernier fit réunir des troupes par Mouslim (Meslin) et les envoya vers Derbend d'où elles débusquèrent les Huns et les chassèrent. Au moment où les Arabes étaient occupés à démolir le rempart de cette ville ils trouvèrent dans les fondements une pierre sur laquelle étaient gravés ces mots : « L'empereur autocrate Marcien construisit cette ville et ces tours avec de grandes dépenses qu'il a fournies de son trésor. Dans des temps postérieurs les enfants d'Ismaël la démoliront et la reconstruiront à leurs frais. » A la lecture de cette inscription, les Arabes suspendirent leur œuvre de destruction, et rebâtirent le rempart qu'ils avaient détruit.
Après Omar le khalife fut Yézid, lequel régna 6 ans. Ce prince poussé par l'esprit du mal déclara la guerre aux chrétiens. Il ordonna de mettre en pièces les peintures qui représentaient la véritable image de l'incarnation du Seigneur, et les portraits de ses disciples; il fit casser les croix dans tous les lieux où s'élevait ce signe vénéré pour être adoré à l'égal de la Sainte-Trinité. Il donna aussi l'ordre de tuer les porcs, et d'en faire disparaître entièrement la race. Il mourut étouffé par le démon qui l'obsédait.
Il eut pour successeur Hescham qui régna 12 ans. Ce prince aggrava les impôts de l'Arménie. Ensuite se montrant arrogant envers l'empereur Léon, il lui demanda de se soumettre à sa suprématie et de lui payer tribut. L'empereur n'ayant pas voulu y consentir, le khalife furieux fit partir son frère Mouslim (Meslim) avec des forces considérables pour envahir le territoire grec. Ayant traversé la Cilicie, il pénétra dans la contrée de Mesigon (Mesogeion), mot qui signifie contrée méditerranée. Arrivés dans la Bithynie, les Arabes battirent les Grecs et après avoir ravagé le pays rentrèrent chez eux. Le grand chef d'Ismaël voyant ce succès, réunit de nouveau des troupes et les confia à son frère Mouslim, qu'il envoya contre l'empereur des Grecs. Mouslim avait fait le serment de ne point retourner vers son frère, avant d'avoir détruit Constantinople et Sainte-Sophie. S'étant mis en marche et étant parvenu sur le rivage de la mer du Pont, il écrivit à Léon en ces termes : Quelle est donc ton obstination de n'être pas venu nous faire ta soumission? N'as-tu pas appris tous les maux que nous avons fait éprouver aux puissances qui ont voulu nous résister. Nous les avons brisées comme un vase d'argile. Car la promesse de Dieu à notre père Ismaël, s'est accomplie, et maintenant j'ai juré de ne point revenir dans mon pays, que je n'aie détruit ton empire, et ruiné ta ville fortifiée par des remparts, et ta Sainte-Sophie qui est le lieu où tu vas adorer. » L'empereur après avoir lu cette lettre injurieuse courut à Sainte-Sophie avec le patriarche et toute la multitude de Constantinople et déployant cet écrit outrageant en présence de Dieu, il resta pendant trois jours, sans interruption, occupé à réciter les prières de l'Office et sans prendre de nourriture; après quoi il adressa au général Mouslim cette réponse : — Pourquoi t'enorgueillir dans ta malice et ta puissance impie ? La verge de Moise qui était l'image de la Croix du Christ, engloutit Pharaon. Avec combien plus de force cette sainte Croix causera ta ruine? T'en retourner, c'est le meilleur parti pour toi et tes troupes; si non accomplis le projet auquel ta pensée te poussera. » A la lecture de cette lettre, le général Mouslim commanda à ses soldats de monter sur la flotte qu'il avait équipée, et s'avança contre les murs de Constantinople.
L'empereur Léon ayant aperçu cette innombrable multitude d'assaillants qui couvrait toute l'étendue de la mer, ordonna de disposer la barrière faite en grillage de fer et de fermer la porte des ouvrages de défense formés par des chaînes, et ne permit à personne d'en venir aux mains avec l'ennemi. Plein de confiance en Dieu, il attendit le salut d'en haut, puis ayant chargé sur ses épaules l'étendard invincible de la Croix et accompagné du patriarche et de tous les habitants, portant des cierges et faisant fumer l'encens, et au son des cantiques, ils sortirent hors des murs. L'empereur toucha avec la Croix l'eau de la mer, en disant trois fois : « Viens à notre secours, ô Christ, sauveur du monde ». Aussitôt les abîmes se soulevèrent et engloutirent les Ismaélites. Une partie des navires fut poussée par les flots agités sur les côtes de la Thrace, les autres jusque dans des îles éloignées. Cette armée comptait plus de 500.000 hommes. Mouslim fut fait prisonnier et conduit à l'empereur qui lui dit : — Dieu a jugé dans ma cause, je ne porterai pas les mains sur toi; va, retourne dans ton pays, raconter les merveilles que Dieu a opérées. Mouslim s'en revint en effet chez lui, couvert de honte ; et jamais plus il ne voulut ceindre l'épée.
A cette époque le chef suprême des Ismaélites, Hescham envoya pour gouverner notre pays Merwan, fils de Mohammed. Celui-ci établit patrice d'Arménie, Aschod fils de Vasag, le Bagratide.
Hescham étant mort, le khalifat passa à Walid (Velith) qui régna un an et demi. Ce prince fut mis à mort par les grands de son royaume d'après la décision des Kora (lecteurs du Coran). A sa place ils établirent Souleyman. Merwan ayant appris la mort de Walid, rassemble aussitôt ses troupes et repassant l'Euphrate, vient attaquer Souleyman, le défait et le tue; il règne ensuite pendant six ans. Ayant fait le siège de Damas, il prit cette ville: Les habitants, fils d'Ismaël (musulmans), furent liés à quatre pieux, et avec des instruments de menuisier on leur raclait la figure ; les femmes enceintes étaient éventrées, les jeunes garçons emmurés; les jeunes filles emmenées en esclavage.
Alors s'accomplit la prophétie d'Amos (I, 3-4) : « A cause des trois impiétés de Damas et à cause des quatre, je ne retirerai pas mon arrêt contre cette ville. » En effet corrompus et dans leur esprit et dans leurs sens ils reproduisaient les douloureux enfantements de la mort, le meurtre, la cupidité des richesses, et l'amour des voluptés, et enfin la quatrième [impiété], le manque de confiance en la protection de Dieu.
A cette époque le prince d'Arménie était Aschod, qui gouverna la nation avec gloire pendant quinze ans. Après quoi il fut privé de la vue par Grégoire (Krikor) Mamigonien. Aschod survécut à cette mutilation encore quatorze ans ; il fut enterré dans le village de Tariouns.
Tandis que Merwân régnait, tout en combattant sa propre nation, une armée partit du Khoraçan, sous le commandement d'un certain Abdallah (Aptela), franchit le Tigre et marcha contre le grand campement des Arabes à Agogh'a. Les troupes de Merwân furent attaquées et perdirent 3.000 hommes ; lui-même ayant été atteint fut tué.
Abdallah étant monté sur le trône à sa place, envoya son frère qui se nommait aussi Abdallah, parcourir tous les pays soumis à sa domination, afin de prélever une capitation sur les vivants et aussi sur les morts. Cet émissaire accabla les populations de maux et de vexations, et les réduisit à la pauvreté. Il forçait les prêtres à déclarer le nombre des morts, afin de faire payer leurs familles pour eux. Il faisait apposer un sceau de plomb au cou de chacun et de chacun il exigeait des masses de zouzês (pièces de monnaie), au point que les gens tombaient dans la dernière misère, par suite des exactions que leur imposait ce misérable bourreau. 12.000 hommes émigrèrent sur le territoire grec, sous la conduite de Schabouh, de la famille des Amadounis et de son fils Hamam. Cependant les ennemis s'étant mis à leur poursuite, les atteignirent sur les limites de Gog'h. Mais les émigrants faisant volte face mirent les Arabes en fuite, puis continuant leur route, ils passèrent le fleuve Akampsis, qui prend sa source dans le Daik', coule vers le nord-ouest en se dirigeant vers le Pont, dans lequel il se jette. Ayant donné avis à l'empereur Constantin de leur arrivée, il leur assigna pour demeure un excellent et fertile territoire. Les gens du peuple restés dans notre pays, courbés sous un joug pesant, se résignèrent à la servitude, sous les fils d'Ismaël, remplissant auprès d'eux les offices de fendeurs de bois ou de porteurs d'eau.
En ce temps-là le catholicos d'Arménie Esaïe termina dignement sa carrière. Ibn-Togl par la menace et la terreur qu'il inspirait s'étant fait apporter chez lui les trésors et les objets sacrés que contenait l'église s'empara de ce qui lui convint. Etienne ayant acheté à force de présents le pontificat, succéda comme catholicos, à Esaïe.
Ainsi que nous l'avons dit précédemment en 68 de l'ère arménienne parut Mahomet prophète des Arabes, lequel gouverna pendant deux ans.
Aboubekr, 60 ans.
Omar, 11 ans.
Othman Ibn Aph'an, 10 ans.
Moawiyah (Mawia), le vieux, 23 ans.
Yézid, 6 ans.
Moawiyah (Mawia) Ibn-Yézid, 1 an.
Merwan, 1 an.
Abd-almelik (Aptelmelk'), Ibn Merwan, 20 ans.
Walid (Velith) Ibn-Abd-almélik, 9 ans, jusqu'en 163 de l'ère arménienne (714-715).
Après Walid l'amir-almouménin fut Merwan, en 192 de l'ère arménienne (743-744).
Abdallah (Aptela) lequel mourut en 219 de l'ère arménienne (770-771).
Après lui Mahdi (Mahti) devint amir-almoumenin.
Haroun(Aharon), mort en 255 de l'ère arménienne (806-807)
Abdallah II, qui pénétra sur le territoire des Romains,
Haroun dont le frère était Dja'far (Dchaph'r) et qui mourut en 298 (849-850).
Dja'far en 310 (861-862).
Ahmed (Ahmad) qui envoya Ali fils de Yahya (Yahè) en Arménie en qualité d'émir et qui créa Aschod prince des princes en 311 (862-863).
Quoique nous ayons fait d'intelligentes recherches dans les ouvrages historiques des anciens, afin d'en extraire sommairement le récit des événements accomplis, et que ces historiens aient dit la vérité, cependant nous avons trouvé chez eux les noms et les dates des règnes de plusieurs amir-al-mouménins marqués diversement. J'ignore si cela provient de ce que ces princes ont porté un double nom; ou si, apparaissant l'un à côté de l'autre, redoutables et illustres, ils ont été comptés comme souverains indépendants, et que leurs noms aient été ainsi enregistrés dans l'histoire. Quant à nous, nous avons consigné ici l'ensemble de ces récits afin qu'aucune lacune ne se trouve dans notre livre. Mais sache comme une chose bien avérée, que c'est en l'année 68 de l'ère arménienne et la huitième du règne d'Héraclius que parut Mahomet, et qu'à partir de cette époque commença la domination tyrannique des Arabes sur le monde, en se prolongeant jusqu'en 364 de l'ère arménienne (915-916), jusqu'à la vingt-quatrième année du règne de Sempad, qui fut attaché à une croix et jusqu'à l'avènement de l'empereur Léon fils de Basile. A partir de ce moment, et antérieurement, quoique aucune autre nation n'ait assujetti les Arabes, cependant ils se divisèrent entre eux, et formèrent des partis opposés. Ce ne sont pas seulement ceux qui possédaient des villes considérables qui s'érigèrent en tyrans souverains, mais des chefs qui s'étaient rendus maîtres de petites cités et de forteresses, se proclamèrent indépendants, et ne cessèrent d'être en lutte acharnée les uns contre les autres.
En la 3e année de Dioclétien l'Arménie eut pour roi Tiridate (Dertad). Après quoi, Dioclétien se maintint encore 17 ans. Ensuite régna Constantin pendant 32 ans.
Dans sa 2e année, il transféra le siège de l'empire de la ville de Rome dans la presqu'île de Byzance ; il en fit une cité forte et considérable, qu'il appela de son nom Constantinople. Ayant pris avec lui une partie des reliques de saint Pierre et de saint Paul afin de donner une base solide à son empire, il éleva dans sa ville, la capitale universelle, une vaste et magnifique église à laquelle il donna le nom très convenable des [Saints]-Apôtres.
En sa 3e année il réunit un concile de 318 évêques à Nicée, en Bithynie contre Arius d'Alexandrie, qui enseignait que le fils de Dieu est une créature.
En sa 7e année il envoya (Hélène) sa mère à Jérusalem pour rechercher la croix vénérée de Jésus-Christ. Ce prince réclama et obtint de Schabouh (Sapor II), roi de Perse, l'ancienne couronne du prophète David, qu'avait enlevée le roi Nabuchodonosor de la tête de Jéchonias, fils de Josias, ainsi que te l'apprend l'histoire écrite par Schabouh le Bagratide, fils d'Aschod l'Antipatrice.
La 20e année de Constantin correspond à la 291e de la Passion vivificatrice de Notre-Seigneur.
Après Constantin, ses fils Constance, Constant et Constantin régnèrent sur les Romains et les Grecs 24 ans.
Au temps de ces princes André (Antre), frère de l'évêque Magnus (Manknos) composa une concordance des calendriers. Cyrille de Jérusalem lui adressa une lettre au sujet de l'apparition de la Sainte Croix.
Le trône fut ensuite occupé par Julien, fils du frère de Constantin, deux ans.
Sous son règne le bienheureux Athanase, patriarche d'Alexandrie, était à Sguth (le désert de Schétê), chassé pour la seconde fois par les Ariens.
Julien mourut en Perse, et fut enseveli à Tarse (Darson) ainsi que le raconte l'historien Socrate. Puis viennent :
Jovien, un an.
Valentinien et Valens 11 ans.
Valens relégua saint Nersès, patriarche d'Arménie, dans File de Pathmos (Badmos), ainsi qu'un grand nombre de Pères qui vécurent dans ce lieu des poissons que la mer rejetait sur le rivage.
La 11e année de Valens mourut le bienheureux Athanase qui était rentré à Alexandrie après en avoir été banni.
Sous le règne de ce prince Mûrissaient les saints docteurs Basile de Césarée, Grégoire de Nysse, son frère, et Grégoire de Nazianze, le théologien.
Gratien, 5 ans.
Sous son règne vécut Epiphane, évêque de Cypre, qui composa un Traité contrôles hérésies.
Saint Théodose, 15 ans.
Ce prince réunit à Constantinople un concile de 150 Pères contre Macédonius, qui niait la divinité du Saint Esprit, et qui était mort précédemment.
Arcadius et Honorius, fils de Théodose, 24 ans.
Sous leur règne brillèrent Jean Chrysostôme, Epiphane de Cypre, Ammonius d'Alexandrie, qui rédigea les Index de l'Evangile et Euthalius, lequel fit un admirable travail sur les Écritures et sur les Actes des Apôtres, et sur les Épîtres catholiques, en en composant les préfaces, en y introduisant la division par chapitres, et par parties, en établissant les concordances, et en distinguant les versets.
Théodose, le jeune fils d'Arcadius, 42 ans.
Il tint un concile à Ephèse, composé de 200 saints Pères, contre Nestorius, qui prétendait que Marie était la mère d'un homme, et non la mère de Dieu. Anathématisé, il fut exclu du concile.
Du temps de Théodose vivait saint Ésaïe, patriarche d'Arménie, sous le pontificat duquel l'écriture arménienne formée de 29 lettres fut instituée par Daniel, philosophe syrien. Quant aux sept lettres qui manquaient, elles furent-révélées au bienheureux Mesrob de Daron, qui avait imploré l'assistance divine.
Marcien 7 ans.
Ce prince dans la 3° année de son règne, réunit un concile à Chalcédoine, pour venger la déposition de Nestorius, exilé dans le Khoujasdan et qu'il fit revenir. Mais la main de Dieu le frappa, il périt le corps rempli de vers.
Léon le Grand, 17 ans.
Le second Léon, 1 an.
Zénon Ier, 1 an.
Basilisque, 1 an.
Le second Zénon 12 ans.
Celui-ci était un prince glouton. Le jour de carnaval il se gorgea de manger et de boire jusqu'à l'aurore du jour d'abstinence. A son réveil, il trouva un débris de viande entre ses dents ; car les Romains n'ont pas l'usage après le repas de se rincer et de se nettoyer la bouche, n'employant pas les choses nécessaires à cet usage, comme ce que l'on appelle oschnan (saponaire) et ne se servant pas d'eau pure. Alors il prescrivit sous la sanction du patriarche et sous peine d'anathème de ne manger à la fin du carnaval que des mets faits de laitage.
Ce prince adressa à tous ses sujets grecs et romains une lettre qui porte le titre de Henoticon, dans laquelle il maudit le concile de Chalcédoine et tous ceux qui confessent deux natures en Jésus-Christ. Il fit rentrer à Alexandrie Timothée qui avait été banni par Zénon Ier.
Zénon II mourut dans sa seconde année.
Anastase, 25 ans. Il partageait les sentiments orthodoxes de Zénon.
Justin, 9 ans. Il accepta le concile de Chalcédoine.
Justinien, 37 ans.
Dans la 14e année de son règne fut établie l'ère arménienne, dans le concile de Tevin. Dans sa 3° année, les Alexandrins instituèrent le cycle de 19 ans, et le 14° jour de la lune pascale avec le cycle de 28 ans, ce qui produit la période de 532 ans.
Justinien chassé par ses troupes, sur quelque léger prétexte, se réfugia auprès du Khakan, roi des Khazirs, et ayant épousé la fille de ce prince il reçut en dot la ville de Ihritia(?). Il revint fort du secours des troupes Khazirs dans sa ville impériale de Constantinople, et reprit possession définitive de son trône. Plus tard il bâtit la grande et magnifique église de Sainte-Sophie.
Justinien, 11 ans.
Tibère, 4 ans.
Sous son règne eut lieu à Constantinople un concile composé d'Arméniens et de Romains, pour fixer la définition de la foi de Chalcédoine et dans lequel les Arméniens eurent le dessous.
Maurice, 20 ans.
On dit que ce prince était arménien de naissance, du district d'Arakadzoden, du village d'Oschagan; et en effet, une fois à Constantinople il n'oublia pas son pays natal. Cette origine explique le proverbe qui circule : Ici à Oschagan il y a de l'encens sous la main.
Sous son règne périt Ormizt (Hormisdas IV) roi de Perse et Vahram (Varahran VI) monta sur le trône. Khosrov (Chosroès II) fils d'Ormizt s'étant réfugié auprès de Maurice fut baptisé, et par le secours de ce prince rentra en possession de la couronne de son père.
Phocas, qui tua Maurice, 8 ans.
Khosrov (Chosroes II), ayant entrepris de venger ce meurtre, ravagea par le fer et le pillage le territoire grec. Il prit la sainte cité de Jérusalem et emporta la Croix du Sauveur en Perse.
Heraclius, 31 ans.
Dans sa 18° année, ce prince tua le roi Khosrov, et fit revenir de la Perse la Croix. Cette année coïncidait avec la 77e de l'ère arménienne (628-629).
A partir de l'année 29 de Tibère où fut crucifié notre Sauveur jusqu'à la 18e année d'Héraclius et au retour de la Croix rédemptrice, il y a en tout 595 ans; depuis Adam il y en a 5907.
Constantin, 3 ans. Sous son règne les Arabes se rendirent maîtres de la Syrie et firent Jérusalem tributaire.
Constantin fils de Constant et petit-fils d'Héraclius, 19 ans. Dans sa 2e année, la ville de Tevin fut prise par les Arabes.
Constantin III, 13 ans.
Justinien IV, fils de Constantin, 5 ans.
En la première année de son règne, la nation septentrionale des Khazirs envahit l'Arménie, la Géorgie et le pays des Agh'ouans.
Léon (Léonce), 20 ans.
Absimare [Tibère], 7 ans.
Justinien Rhinotmète, 6 ans.
Philippique, 2 ans.
Artémius.
Théodose, 1 an.
Léon [L'Isaurien], 24 ans.
En sa 12e année les Arabes arrivèrent a Nicée.
Constantin [Copronyme], 33 ans.
Dans sa 2ÎC année, ce prince prit la ville de Garin, en 204 de l'ère arménienne (755-756). Dans sa [vingt]-deuxième année, 205 de l'ère arménienne, elle fut rebâtie par Yézid (Izid), émir d'Arménie.
Léon, 5 ans.
Constantin et Hélène (Érinê) sa mère, 10 ans.
De leur temps, des statues furent érigées à Rome en 237 de l'ère arménienne (787-788). On raconte de ces deux souverains, qu'ayant vu un tombeau en marbre, très haut et très large, et admirant ses vastes proportions, ils donnèrent l'ordre d'en retourner le couvercle, et l'on trouva ces mots écrits dans l'intérieur : — A quoi te sert de me cacher, car au temps de l'empereur Constantin et de sa mère Hélène le soleil me verra.
Nicéphore, 9 ans.
En 260 de l'ère arménienne (811-812), ce prince fit une expédition contre les Bulgares et y périt avec son armée.
Michel, 2 ans. Sous son règne, la Thrace fut ravagée.
Léon [l'Arménien], 5 ans.
L'ennemi s'avança jusqu'à la Porte d'or; un grand nombre de villes furent prises, et la capitale de la Macédoine, Andrinople, fut saccagée.
Léon détruisit les images, il bâtit Byzou (Puzou), Arcadiopolis (Argatoubolis) et Gamar'akh, en 265 de l'ère arménienne (816-817).
Michel, 9 ans.
Sous ce prince arriva Thomas l'imposteur, et il y eut parmi les chrétiens troubles et exterminations, en 272 de l'ère arménienne (823-824). L'empereur Michel ayant combattu Thomas et l'ayant fait prisonnier, lui fit couper les pieds et les mains et le fit mettre en croix. Ensuite Michel ayant porté la guerre contre les Arabes, en détruisit un nombre considérable sur leur flotte fortement équipée et remporta la victoire. Il mourut en 278 de l'ère arménienne (830-831) et eut pour successeur
Théophile, son fils, qui occupa le trône 13 ans.
Sous son règne eut lieu l'arrivée des Horomitians (Romains ou Grecs), Chalcédoniens dans le district de Pasen, lesquels passèrent au fil de l'épée nombre d'habitants et attaquèrent le bourg de Komatzor. Cependant Théophile se rendit dans la Chaldée Pontique (Khagh'dik') passant sur le continent, par un point; il fit prisonniers quantité d'Arméniens avec leurs familles. Ayant conféré le consulat c'est-à-dire le patriciat proconsulaire à Aschod fils de Schabouh, il le laissa dans le district de Sber. Après avoir perçu un tribut des habitants de Théodosiopolis, il s'en retourna. Les Horomitians ayant pénétré dans [le district de] Vanant, au village de Gadjgak'ar, furent taillés en pièces par Sahag, fils d'Is-maël.
La même année Théophile entra dans l'Assyrie et se rendit maître de la ville d'Ourbêl(?). Ayant livré bataille aux Arabes à Aschmouschad, il les défit.
Dans une expédition en Orient, aux confins de l'Arménie, il s'empara de la forteresse arménienne de Hmou, d'Asagh'in, de Medzguerd, d'Alpert, dans le district de Kegh'am, ainsi que de Khozan, dans la Quatrième Arménie ravagée par lui et devenue un désert vide de peuples et d'animaux.
Michel, son fils et son successeur, régna 24 ans. Il fut tué en secret par Basile qu'il avait associé à l'empire.
Basile régna après lui, 22 ans.
Il construisit à Constantinople une grande église tout ornée de dorures et qu'il appela les Saints-Guerriers. On prétend qu'il était du district de Daron, originaire du village de Thil.
De son temps, le siège patriarcal d'Arménie était illustre par sa libéralité et par ses travaux littéraires.
Sous son règne, Aschod devint roi de la Grande Arménie.
Ici finit la seconde partie de mon livre, pour recommencer avec la troisième restauration de la royauté arménienne qui forme la suite de ma narration.
Chapitre II. — (1) Vartan surnommé le Grand, de l'illustre famille satrapale des Mamigoniens, décoré par l'empereur Théodose II du titre de stratélate (général) et par le roi de Perse du titre de sbarabed (généralissime), avec la mission de gouverner l'Arménie ; se révolta contre Yazguerd II, prit les armes; mais trahi par la plus grande partie de son armée, il fut vaincu et périt à la bataille d'Avarair, en 451 de J.-C. voir ci-après, note 6.
(2) V. notre notice sur l'historien Elisée, liv. 1er, chap. 1er, note 10 ci-dessus p. 52. Secrétaire du général Vartan, et évêque du district des Amadounis, il assista aux guerres de l'indépendance arménienne contre la Perse et s'en est fait le narrateur fidèle et très élégant. Mort vers 480.
(3) Hogh'otsim ou Khogh'otsim, village du district de Vaïots-Tzor province de Siounik', dans l'est de la Grande Arménie.
(4) Le premier concile tenu à Schahabi-Van en 447, sous le catholicos Joseph, pour redresser et ramener les dissidents (chalcédoniens), qui persistaient dans leur opposition, et où furent établis vingt canons relatifs aux amendes à payer pour les infractions à la discipline ecclésiastique. Tchamitch, Hist. d'Arménie, t. II, p. 16-18.
(5) Yazguerd II, roi de Perse, surnommé par les Arméniens Dchakhdchahh, « le Fracasseur », Exterminateur », parce qu'il leur suscita des guerres continuelles et des persécutions atroces pour les forcer à abjurer la religion chrétienne et à embrasser le magisme.
Son règne fut de 17 ans 4 mois (suivant Agathias, de 445 à 464).
(6) Avaraïr est un village qui donne son nom a la plaine environnante, dans le district d'Ardaz, province de Vasbouragan, au sud du Massis ou Ararad,
(7) Dans mes Recherches sur la chronologie arménienne, 1.1, p. 203-205, j'ai calculé cette date du martyre du patriarche Joseph et des prêtres ses compagnons, en la plaçant au dimanche 26 du mois arménien de hrodits ou juillet 453-454.
(8) Le nom de l'empereur Marcien est toujours accompagné de l'épithète de maudit, chez les Arméniens, à cause de sa partialité en faveur de la doctrine du concile de Chalcédoine sur les deux natures en J. C, doctrine qu'ils rejettent, comme entachée de Nestorianisme.
(9) Le célèbre historien et rhéteur arménien, Moïse de Khoren. Voir la note 9 du chapitre Ier de notre premier livre.
(10) Antoine dit aussi Thathoul, fut un des disciples de saint Mesrob, Maschdots, au cinquième siècle.
(11) Le couvent de Thathoul (Thathlo'-vank') était situé au district dit Kapégh'ian, dans une localité appelée Kazanadzagk' (Repaire des bêtes féroces) non loin de Gagh'zouan, province d'Ararad.
(12) Vahan frère de Vartan et son successeur dans le gouvernement de l'Arménie, aussi habile stratégiste, que brave dans l'action et homme d'Etat consommé. Après avoir vaincu les Perses dans une foule de combats, il fit la paix avec Valarse ou Vologèse, roi de Perse, qui le nomma marzban d'Arménie.
Ses prouesses et les actes de son gouvernement sont racontés par l'historien Lazare de Ph'arbe témoin contemporain et souvent oculaire. Vahan est sans contredit la plus forte tête politique qu'ait produite l'ancienne Arménie.
(13) Le patriarche Jean Mantagouni, l'un des plus savants docteurs de l'église arménienne, monta sur le siège en 480 et l'occupa 6 ans, suivant notre auteur, 6 ans et 6 mois d'après Tchamitch. (Liste des Catholicos ou patriarches d'Arménie. Histoire d'Arménie, t. III, tables p. 109).
(14) Diar'nenthak (Couronne du Seigneur) est mentionné aussi par l'historien Vartan. Il fut mis à mort par ordre du général perse Hazaravoukhd. (Voir ci-après note 16). Après son martyre, ses reliques furent recueillies et transportées dans le district de Schirag, au village de Per'nos, où fut érigée une église en son honneur. Cf. Tchamitch, t. II, p. 189.
(15) Le village de Galots était compris dans le district d'Eraskatzor (Vallée de l'Araxe) ou Arscharounik', en vulgaire Aschornêk', province d'Ararad, sur le bord méridional de l'Araxe.
(16) Le général perse Zahrmihr ou Zarmihran Hazaravoukhd, envoyé par le roi Béroz, contre Vahan, chef de l'insurrection arménienne, lequel triompha de tous ses efforts pour le soumettre et s'emparer de sa personne.
(17) Vagh'arsch ou Vologèse, roi de Perse, monta sur le trône aussitôt après la mort de son frère Béroz, tué dans une expédition contre les Huns Hephthalites en 489.
Lazare de Ph'arbe nous apprend que les Grands de la Porte royale, s'étant rassemblés sous la présidence de Hazaravoukhd décernèrent la couronne à Valarse, en lui déclarant qu'ils le choisissaient pour leur souverain à cause de ses mœurs douces et faciles et de son amour de la justice, qualités qui formaient un contraste complet avec le caractère capricieux et hautain de son frère Berose.
Ce récit nous montre que lorsqu'il y avait interruption dans la filiation directe des rois sassanides, les Grauds avaient la faculté d'élire tel membre de cette famille qu'ils jugeaient le plus digne.
(18) Le sceau des rois sassanides portait l'image d'un sanglier, varaz, animal symbolique et sacré. De là tant de noms propres ou entre ce mot comme élément composant, en signe de consécration au sanglier et qui étaient autant en vogue chez les Arméniens comme en Perse. Tels que: Varaz-Tad, donné par le sanglier, Schahr Yaraz le sanglier royal; Varaz-Dirots, Varaz-Tên, Varaz-Nerseh, Varaz-Sapor, Varaz Vagh'an, Varaz Vatchê, Varaz K'ourtag (noms d'hommes) ; Varaz-Guerd (nom de lieu) etc., etc.
(19) Antégan, gouverna l'Arménie avec le titre de marzban pendant un an, de 484 à 485.
(20) Le titre de marzban, signifiait en parsi comme en persan moderne, gardien de marche ou frontière, dans le même sens que le mot marquis dans l'Europe occidentale au moyen âge.
(21) Mamprê surnommé Verdzanôg, le lecteur, frère de Moïse de Khoren, et auteur de deux discours, l'un sur la Résurrection de Lazare l'autre sur la fête des Rameaux, imprimés à Venise, chez les Mekhi-tharistes de saint Lazare, 1833 et 1842. — V Patkanian. Catalogue de la littérature arménienne, Saint-Pétersbourg, 1860, brochure in-8.p. 83.
(22) Hérian, village du district de Hark', dans la province de Douroupéran, au N.-E. du lac de Van.
(23) Les K'aroz sont les prédications ouïes invitations que prononce le diacre dans le cours de la liturgie et de l'office de l'Église arménienne.
(24)Voici les dates qu'assigne Tchamitch à la succession des six patriarches, ici énumérés par Acogh'ig :
480, Jean Mantagouni.
487, Papguên.
492, Samuel.
502, Mousché.
510, Sahag.
515, Christophe (K'risdaph'or),
(25) L'église d'Edchmiadzin, la cathédrale de toute l'Arménie, Saint-Pierre de Rome pour la nation arménienne. Il en a été question précédemment, chap. 1er, p. 102 et ibid. note 27. Lazare de Ph'arbe lui donne déjà ce titre au ve siècle, p. 308, éd. de 1793, Venise in-12.
(26) Le couvent de Sourên (Sourena'-Anabad), était situé dans le petit district de Salahounik', au sud de Garin (Théodosiopolis, la moderne Brzeroum), non loin du cours supérieur de l'Euphrate.
(27) Les Alans ou Alains s'étaient infiltrés par les steppes du Kouban et du Térek au nord du Caucase, dans l'intérieur de la chaîne, d'où ils se répandaient continuellement dans les belles et riches contrées de l'Arménie. Moïse de Khoren mentionne leurs incursions dévastatrices et leurs rapports hostiles, quelquefois pacifiques avec les souverains arméniens. (Voir dans son Histoire d'Arménie II, 49. 50-52, le charmant épisode du mariage du roi Ardaschès, avec Sathinig, la vierge des Alains, fille de leur roi épisode qui est une véritable idylle, création de la muse populaire, dont Moïse nous a conservé un très précieux fragment.)
Les descendants actuels des Alains se retrouvent sous le nom d'Ossètes, parmi les tribus du Caucase dont ils occupent la partie centrale, sur le territoire que traverse le défilé, appelé de leur nom Défilé des Alains ou Passage de Dariel. Ce passage ne doit pas être confondu, comme cela est arrivé souvent, avec celui qui est à l'extrémité orientale du Caucase, sur la mer Caspienne, et qui était désigné dans l'antiquité sous la dénomination de Porte de Djor [Zour] dans Procope. (Bell. Goth, IV), de Porte des Huns ou des Caspiens (Gasp), aujourd’hui Bab-alabouâb ou Derbend.
(28) Il doit être question ici de l'éclipsé solaire qui est mentionnée dans la Chronique de Marcellinus Cornes, comme ayant eu lieu en 497, date qui correspond à la 13e année du gouvernement de Vahan le Mamigonien. Cf. Muralt, Essai de Chronographie byzantine, p. 113.
(29) L'invention des reliques de saint Thaddée, de sainte Santoukhd, fille du roi Sanadroug et de celles de saint Grégoire l'Illuminateur est relatée dans les 'Aïsmavourlt' (Ménologe arménien), au 30 mai. Cette question d'hagiographie, qui donne lieu à quelques difficultés chronologiques a été discutée avec beaucoup de critique et de savoir par Tchamitch (Hist. d'Arm, liv. II, annot. 18, II, pp. 583-587), mais en restant encore sans solution.)
(30) Méjêj ou Majêj, dont le nom est transcrit par les Grecs, sous la forme Mezzizios ou Mézétios, était de la famille satrapale des Knounis, qui, à la cour des anciens rois arsacides, possédait la charge de grand échanson. Méjêj fut à la tête des affaires de l'Arménie comme lieutenant du roi de Perse pendant trente ans, de 518 à 548. Un de ses descendants du même nom que lui, ayant été proclamé empereur par les habitants de Syracuse., Constantin Pogonat, marcha contre lui, le vainquit et le fit décapiter (668).
Cf. Tchamitch, annot. du livre III, t. II, p. 528 et Muralt, Essai de Chronogr, byz. p. 306.
(31) Ce synchronisme qui nous donne pour point initial de la grande ère arménienne l'année 551 de l'ère chrétienne, 11 juillet, a été amplement discuté dans nos Recherches sur la chron. armén. Chap. II, §§2 et 3.
(32) Dans le Ménologe et les divers auteurs arméniens le nom de ce martyr, qui était perse de naissance, est écrit sous des formes plus ou moins altérées ; la leçon correcte paraît être Yezd-Bouzid, du mot persan yezd, zend yazata « Dieu » et bouzid, c'est-à-dire, excusé ou loué, en sorte que ce nom composé pourrait signifier excusé ou loué par Dieu.
(33) Acogh'ig, à l'imitation d'Eusèbe de Césarée, plaçant la naissance du Christ une année avant la première de l'ère chrétienne usuelle, son chiffre 553 correspond en réalité à 552 de notre comput. En rétrogradant avec lui de 252 ans, nous avons 300 ou 301, comme date de l'établissement définitif du Christianisme dans l'Arménie.
(34) Sioun-Tzegh'oun, village du district de Kapegh'ian, province d'Ararad.
(35) Egh'ivart, village du district de Godaik', province d'Ararad.
(36) Sur l'église appelée la cathédrale de l'Arménie, voir ci-dessus, note 25 et chap. I, n. 27.
(37) Cyrion, archiprêtre de la cathédrale d'Edchmiadzin et chorévèque de la province d'Ararad, était un homme considérable par sa vertu et son savoir ; il possédait parfaitement quatre langues, l'arménien, le grec, le persan et le géorgien. Ayant été consacré catholicos de Géorgie par le patriarche d'Arménie Moïse, second du nom (551-594), il entraîna son clergé vers la foi de Chalcédoine, que rejetaient les Arméniens. Cette scission religieuse des deux nations produisit entre elles des dissentiments non seulement théologiques mais encore politiques et sociaux, qui ne sont point encore éteints de nos jours. Les Géorgiens, ralliés à l'Église grecque et par conséquent à l'Eglise russe, sont séparés depuis cette époque des Arméniens leurs voisins. [L'histoire de ce schisme a été retracée par un auteur du Xe siècle, Oukhthanès d'Edesse, dont l'ouvrage intitulé : Histoire de l'Eglise, a été retrouvée il y a quelques années, dans la riche et célèbre bibliothèque d'Edchmiadzin et imprimé à la typographie de ce monastère, 1871,in-12.
(38) Tên-Schaboup fut marzban ou préfet de l'Arménie pendant quatre ou cinq ans, 548-552.
(39) Le mot fornication, en arménien « schnouthioun » ou « bor'n-gouthioun, » est pris quelquefois dans le sens biblique d'idolâtrie et ici plus particulièrement avec l'acception de profession du magisme ou de la religion des Perses, alors maîtres de la plus grande partie de l'Arménie.
(40) Le marzban perse, Varaz Tad, exerça ses fonctions pendant six ans, 558-564.
(41) Il est évidemment question d'une comète. L'apparition d'un astre de ce genre la plus rapprochée de l'époque où nous sommes ici placés, est celle qui eut lieu en 556, indiction V, d'après Malalas, 488,15 et Théophane, Chronogr., an du monde 6049; cf. Muralt, Essai de chronogr. byz., p. 211.
(42) Le marzban Sourên Djihr-Veschnasb, était, Arsacide de race, de la branche de Sourên-Bahlav. L'on voit par notre auteur que cette branche s'était alliée par mariage à la famille des Sassanides. Sourên, gouverna sept ans l'Arménie 564-571, jusqu'au moment où fatigué de ses excès de pouvoir Vartan le Mamigonien le tua à coups d'épée.
(43) La réunion de ces synchronismes m'a permis de fixer avec cer titude l'année du meurtre du marzban Sourên Djihr-Veschnasb à 572. Voir.mes Rech. sur la chronol. arm. p. 206.
(44) Cette assertion que à l'occasion de la visite que fit dans la ville impériale le général Vartan le Mamigonien, Justinien, donna le nom de Porte des Arméniens, à l'une des entrées de la grande église de Sainte-Sophie, ne se rencontre nulle part ailleurs que dans les auteurs arméniens. Procope dans son ouvrage De Aedificiis Jusliniani (I, 1), et parmi les modernes, Gyllius (Gilles) (de topographia Cptana II, 4, Descriptio templi Sophise) ne disent pas un mot de ce fait.
(45)Le village d'Agh'patbanits était compris dans le district de Reschdounik', au sud du lac de Van, d'après l'historien Jean Catholicos et notre auteur ; d'autres le plaçaient dans le district d'Abahounik', au nord de ce même lac. La première opinion a été adoptée par Indjidjian, Arm. anc., p. 506.
(46) Le Sakasdan ou pays des Saces, nation Scythique le Sedjestan actuel, une des provinces orientales de la Perse. Ce nom est attribué quelquefois dans les livres arméniens au Mazandéran, région au sud de la mer Caspienne. D'après le contexte d1 Acogh'ig, dans ce passage il semble que c'est la situation qu'il donne au Sakasdan.
(47) Cette colonie d'Arméniens, transplantée à l'extrémité nord-est de la Perse, sur le rivage méridional de la mer Caspienne, n'a pas laissé de trace dans le pays où elle s'était établie ni dans les monuments historiques parvenus jusqu'à nous.
(48) L'expédition entreprise par le roi Khosrov II Parwêz contre l'empire byzantin sous le prétexte de venger sur Phocas le meurtre de Maurice et où il arriva jusqu'à Chalcédoine dont il s'empara, doit être rapportée à l'année 604-605 Dans cette guerre les Arméniens se firent les auxiliaires dévoués des Perses. Le général Aschod, fils de Sempad, saccagea l'Arménie grecque, prit la ville de Garin, d'où il enleva le patriarche Jean qui avait été institué par Maurice et le conduisit prisonnier à Ahmadan.
Le souverain pontificat commençait alors à être bifurqué comme il l'a toujours été depuis cette époque; un autre patriarche, Abraham, résidait en même temps à Tevin, dans la partie orientale de l'Arménie soumise aux Perses.
(49) Guethridj ou Guitar'idj, bourg du district de Haschdiank', dans la province de Quatrième Arménie.
(50) David Saharouni, gouverna l'Arménie pour le roi de Perse depuis 601. Quelques années plus tard, il passa au service des Grecs, et l'empereur Heraclius le conserva dans ses fonctions, en lui décernant le titre de curopalate en 632; il les exerça trois ans environ, jusqu'en 635. Tchamitch, III, 54, t. II, p. 342.
(51) L'année 72 de l'ère arménienne où Acogh'ig fait commencer l'ère des Arabes correspond à l'intervalle écoulé du 24 juin 622 au 23 juin 623. On peut voir dans mes Rech. sur la chronol. Arm., p. 210 et suiv., ce que les Arméniens entendent par l'Ère des Arabes dont ils placent le point initial de 611 à 624, tandis que les Arabes ont la date invariable du jeudi 15 juillet 622, comme Ère de l'Hégire.
(52) Agh'ts, bourg du district d'Arakadzoden, dans l'Ararad.
(53) Le docteur Jean Maïrakometsi, sacristain de l'église de Saint-Grégoire, se déclara contre le patriarche Esdras (Ezer) parce que celui-ci, dans une entrevue avec l'empereur Heraclius, à Garin (Théodosiopolis), s'était laissé entraîner à communier avec les Grecs et à reconnaître le concile de Chalcédoine. Ce rigide observateur de la foi arménienne fit secte un moment parmi le clergé de son pays. Des trois ouvrages de lui que mentionne notre auteur, aucun n'est arrivé jusqu'à nous. Cf. Tchamitch, t. II, p. 330-332 et annot. du livre III, pp. 541-544. Le troisième de ces ouvrages semble révéler par son titre, Noiémag, une composition dans le goût des Apocryphes de l'Ancien Testament.
(54) Le patriarche Christophe III (K'risdaph'or), originaire du district d'Abahoumk', descendait de la famille du catholicos Abraham, l'un de ses prédécesseurs. Il siégea de 625 à 628.
(55) Le patriarche Ezer (Esdras) siégea douze ans, de 628 à 640.
(56) Jean Mairakometsi qu'Açogh'g met ici en scène, interpelle le patriarche Esdras, en arménien Ezer, mot qui signifie limite, en faisant sur ce nom un jeu de mots. Il lui reproche d'avoir détruit la limite « ezer » de la foi orthodoxe, en se convertissant à la doctrine de Chalcédoine et en y poussant les Arméniens.
(57) C'est la lettre que le pape saint Léon Ier écrivit pour servir de règle de foi aux Pères du Concile œcuménique de Chalcédoine (451), contre le monophysisme de l'archimandrite Eutychès. Comme les doctrines eutychéennes avaient gagné les Arméniens, ceux-ci accusaient leurs adversaires de tomber dans l'erreur contraire et d'admettre avec Nestorius, la séparation des deux natures, divine et humaine en Jésus-Christ. C'est à ce point de vue que notre auteur essaie de flétrir la Lettre de saint Léon de l'épithète de nestorienne.
La liste nombreuse des lettres échangées par ce savant pontife avec l'empereur Marcien, l'impératrice Pulchérie, le patriarche de Constantinople, Plavien et la plupart des évêques orientaux, se trouve dans Ph. Labbe, Conciliorum generalium, etc., historica synopsis, Paris, 1661, in-4, pp. 43-51.
(58) Jean Mairakometsi, réfractaire à l'autorité du patriarche Esdras, s'était retiré au district de Kartman, dans l'Albanie arménienne ; il y fut rejoint par Sarkis, son disciple, qui, enchérissant sur son maître, entreprit de faire revivre les erreurs de Julien d'Halicarnasse et de Sabellius. Tchamitch, annot. du liv. III, t. II, pp. 543-544.
(59) Théodore Reschdouni ou R'ouschdouni, de la famille satrapale de ce nom, dont les domaines formaient une partie considérable de la province de Vasbouragan.
(60) Sin, ville et désert au sud de la Palestine, dans l'Arabie Pétrée. Il semble qu'Açogh'ig ait pris ici ce mot dans un sens géographique plus largo et qu'il ait entendu toute la Péninsule arabique.
(61) Cette énumération des conquêtes des Arabes vers l'est et dans l'intérieur du continent asiatique aurait dû comprendre les pays au delà de l'Oxus, ainsi que le Turkestan jusqu'aux frontières de l'Empire chinois qu'ils atteignirent. Acogh'ig ne connaît pas non plus leurs invasions dans le Sind, où ils établirent cependant leur domination, encore moins dans la vallée du Gange, où ils portèrent leurs armes victorieuses, mais sans s'y fixer.
(62) Voir ci-dessus, note 57, p. 120.
(63) Gava (Kabadh, Cobadès), fils de Perozès (Beroz), régna d'abord onze ans, 493-504. Remplacé par son frère Dchamasp (Zamasphès), autre fils de Perozès, pendant quatre ans, 504-508; il remonta sur le trône et l'occupa encore trente ans, 508-538.
Suivant Agathias (IV, 24) et Malalas (471, 8), Gavad mourut la cinquième année de Justinien, indiction X, ce qui nous donne la date peu probable de la fin de 531.
(64) Khosrov (Chosroès II) Parwêz, fils d'Ormizt, régna trente-sept ans et cinq mois, 590-627.
(65) Sempad le Bagratide, gouverna l'Arménie comme marzban, au nom de Chosroès II; pendant huit ans, 593-801.
(66) Zacharie, évêque de Jérusalem, 609-629.
(67) Les sectateurs de Sévère d'Antioche, qui fonda la secte des Acéphales, eutychéens mitigés, sous le règne de l'empereur Léon Ier (457-474).
(68) Il est impossible de savoir de quel patriarche il est question dans ce passage. D'après la suite du contexte on pourrait croire que c'est Zacharie, patriarche de Jérusalem, alors captif en Perse, qui était catholique, par conséquent partisan du concile de Chalcédoine, et par suite avait pour adversaire les Arméniens monophysites.
(69) L'ouvrage d'Agathange, Histoire de saint Grégoire l'Illuminateur et de la conversion de la nation arménienne à la foi de l'Évangile, contient une longue exposition de la doctrine chrétienne dont purent se servir, comme livre dogmatique et de controverse les deux évêques arméniens Gomidas et Matthieu qui prirent part à la conférence théologique provoquée par le roi Chosroès II.
(70) Le catholicos Hanna doit être sans doute le patriarche alors siégeant des Nestoriens. Nous n'avons aucune indication sur son compte.
(71) L'Arouasdan correspond à la haute Mésopotamie ou Mésopotamie arménienne avec Neph'erguerd (Martyropolis), Dikranaguerd (Tigranocerte) ou Amid, Nisibe (Medzpin) pour principales villes.
(72) Le mot chalcédonien « kagh'guétonatsi » est dans le sens arménien une injure contre les catholiques qui admettent le concile de Chalcédoine.
(73) Notre auteur en disant que le roi Chosroès II, ordonna de pourvoir aux besoins des patriarches de Géorgie et d'Albanie, des évêques et des prêtres de l'Arménie grecque, réunis alors autour de lui et qui tous tenaient pour la foi de Chalcédoine, notre auteur semble attester l'impartialité de ce prince vis-à-vis des chrétiens de toutes les communions, ses sujets puisqu'il témoignait sa bienveillance au clergé du rite grec, tout en décrétant l'excellence et l'adoption de la croyance arménienne monophysite dans ses États.
(74) Le nom de ce métropolite ou archevêque, Gamgaiêschov, probablement l'un des chefs des Monophysites dans l'Assyrie, renferme deux éléments dont le second est facile à reconnaître, « Ieshov ou Ieschou, » Jésus en Syriaque et le second qui est tellement altéré qu'il est impossible de le restituer.
(75) L'année 75 de l'ère arménienne, coïncide avec l'intervalle du 23 juin 626 au 22 juin 627.
(76) Voir pour les premières invasions des Arabes en Arménie et la conquête de ce pays en 639-643, les récits des historiens arméniens, et entre autres de Sébéos et de Léonce le Prêtre, contemporains, dans mes Recherches sur la chronologie arménienne, t. I, p. 225-232.
(77) 95 de l'ère arménienne = (18 juin 646-17 juin 647).
(78) L'année arménienne 104 = (16 juin 655-14 juin 657).
(79) Ce khalife dont parle Acogh'ig, mais sans le nommer est Othman fils d'Affan, lequel avait succédé à Omar. Par sa faiblesse et ses prodigalités, par les faveurs qu'il prodiguait aux siens, ayant mécontenté tous les Musulmans, il fut assassiné à Médine en 655.
(80) Aroudj, bourg situé dans les gorges du mont Arakadz, au nord de la province d'Ararad.
(81) L'année arménienne 120 = (12 juin 671-10 juin 672).
(82) David dit de Tevin était perse de nation et de race royale, à ce qu'affirme sa légende, consignée dans le Ménologe arménien. Sa mère arménienne de naissance et originaire de la Persarménie était chrétienne. David étant venu du Khoraçan à Tevin, crut au Christ et reçut au baptême, en échange de son nom primitif de Sourhan, celui de David. Dénoncé à l'osdigan (préfet arabe) Abdallah, celui-ci le condamna à mourir sur une croix, en 142 de l'ère arménienne, le 23 du mois d'arek (31 mars 693). Sa mémoire est célébrée le même jour dans l'Église arménienne. Cf. J. B. Aucher Vie des saints, t. VI, p. 124-129, les historiens Guiragos et Jean Catholicos, dont les témoignages ont été résumés par Tchamitch, t. II, p. 376-577.
(83) Ananie de Schirag, célèbre computiste et mathématicien arménien du septième siècle. V. mes Recherches sur la chronologie arménienne, t. I, p. 183 et passim.
(84) V. sur la version arménienne de l’Histoire ecclésiastique de Socrate et sa continuation par le docteur Philon de Thirag, notre note 7 du chapitre premier du livre premier.
(85)L'année arménienne 130 = (9 juin 681-7 juin 687).
(86)L'année arménienne 135 = (8 juin 686-7 juin 687).
Chapitre III. — (1) Sur la chronologie des rois de Perse, Sassanides.
Toutes les listes des souverains de cette dynastie dressées jusqu'à présent par les chronographes et les historiens anciens ou modernes, présentent entre elles des divergences telles que l'on peut considérer ces listes comme inconciliables dans leurs détails, et il faut se contenter d'obtenir un ensemble chronologique à peu près exact. Dans les écrivains arméniens, byzantins, syriens et arabes, les synchronismes ne manquent pas, mais pour que ces indications pussent servir de base solide à des déterminations chronologiques certaines, il faudrait que, par elles-mêmes, elles eussent une valeur indiscutable et une fixité absolue. Sans vouloir entrer dans des recherches de chronologie comparée qui nous entraîneraient bien au delà du cadre que nous nous sommes imposé ici, et en les réservant pour un Mémoire spécial, nous nous bornerons à reproduire la liste de ces princes qui a le plus d'autorité, comme la plus ancienne de toutes, la liste d'Agathias le Scholastique, historien grec du vie siècle, par conséquent contemporain des Sassanides, et parce qu'elle a été puisée aux meilleures sources. Lui-même nous apprend en effet (iv, 24) qu'il avait consulté un Syrien, nommé Serge, attaché à la cour de Perse, en qualité d'interprète, au temps de Chosroès II, qui le tenait en grande estime. Serge avait demandé ses renseignements sur la succession date des règnes des Sassanides aux archivistes chargés de la garde des registres royaux et après avoir obtenu ces renseignements assez facilement, les avait communiqués au chroniqueur grec.
Dans les temps récents, la première des listes que nous puissions citer comme la plus savamment coordonnée est celle de Pétau, qui l'a insérée dans son Rationarium temporum, ouvrage plusieurs fois réimprimé (Cf. l'édit. de Leyde, in-8, 1724, t. III, p. 126], et d'où elle est passée dans tous les livres d'histoire et de chronologie qui ont vu le jour postérieurement et notamment dans Tillemont et Bossuet.
Plus tard, l'un des plus doctes chronologistes de nos jours, M. H. Fines Clinton, a donné dans ses Fasti romani, t. III, p. 126, une liste des Sassanides fondée sur les synchronismes de l'histoire romaine que lui a fournis l'auteur arabe Eutychius, patriarche melchite d'Alexandrie, lequel vivait dans la seconde moitié du ixe siècle et la première moitié du xe. Mais ces synchronismes, comme nous l'avons fait remarquer plus haut, qui auraient besoin eux-mêmes d'être justifiés, ne peuvent conduire qu'à des déterminations d'une fixité relative.
Dans l'Appendice ou Excurse que M. Th. Noldeke a joint à sa traduction de l'Histoire des Sassanides de Thabari (Leyde, 1879, in-8.) ce savant orientaliste a consacré quelques pages à la question chronologique (pp. 399-435). Il a reproduit la liste d'Agathias, en la mettant en parallèle avec celle d'un écrivain syrien du septième au huitième siècle, Jacques d'Edesse qui nous a été conservée par un autre écrivain de la même nation, Elie de Nisibe, et qui paraît calquée sur celle d'Agathias. A côté de la date de l'avènement de chaque souverain, calculée d'après Tore des Séleucides (1er octobre 313 av. J.-C), M. Noldeke a placé la correspondance des années de l'ère chrétienne. Mais ici se présente une observation, qui, je crois, n'est pas sans importance. Le savant en question en prenant pour point fondamental de ses déterminations chronologiques le 16 juin 632, date astronomique de l'ère dite d'Yezdedjerd III, aurait dû nous montrer d'abord que cette date qui est probablement le résultat de quelque observation céleste, destiné à servir de thème aux calculs des astronomes, que cette date, disons-nous, est l'année historique vraie de l'avènement de ce souverain. De là, remontant proleptiquement le cours des règnes des prédécesseurs d'Yezdedjerd III, d'après les chiffres d'Agathias, il arrive à fixer pour première année royale d'Ardeschir ou Artaxare Ier, fondateur de la dynastie des Sassanides, le 26 septembre 226 de J.-C. qu'il fait coïncider avec 528 de l'ère des Séleucides. Mais sur quoi repose ce quantième mensuel du 26 septembre? Sur rien évidemment ; car il n'est prouvé par aucune donnée historique, ni par la comparaison théorique des ères et des calendriers. Ici en effet ce n'est pas seulement le calendrier solaire et réformé des Syro-macédoniens et le calendrier Julien romain qu'il y avait lieu de mettre en rapport l'un avec l'autre, mais encore un troisième élément de comparaison, le calendrier de la Perse, tel qu'il était en usage au temps des Sassanides. Il y a là une équation à trois degrés, et l'un de ces degrés ne saurait être omis sans rendre l'opération incomplète et fausse. On sait que la plus ancienne forme d'année employée non seulement en Perse, ainsi que chez les Arméniens qui la conservent encore de nos jours, et probablement chez tous les peuples de la Haute-Asie, mais aussi en Egypte, était l'année vague de 365 jours sans fraction, qui évoluait dans un cycle de 1,461 ans, cycle équivalant à 1.460 années de 365 jours un quart, pour recommencer, au bout de cet intervalle, par le même point de départ, marqué par quelque phénomène de la voûte céleste. On sait aussi qu'une réforme fut faite en Perse dans ce système de division du temps par l'intercalation d'un mois de 30 jours au retour de chaque période de 120 ans, intercalation qui rétablissait l'ordre des mois en accord avec les quatre phases cardinales de l'année tropique, les deux solstices et les deux équinoxes. Quelle est celle des deux formes de calendrier, l'ancienne, c'est-à-dire, celle qui se développait sans interruption dans toute l'étendue du grand cycle de 1.461 années vagues, ou la forme modifiée par l'intercalation mensuelle, insérée douze fois dans le cours de ce même grand cycle? C'est-la, une question qu'au siècle dernier se posait Préret (Œuvres complètes, 20 vol. in-18, Paris, an IV-1796, t. XII, p. 65 et suiv. De l’ancienne année des Perses), et dont la sagacité et l'érudition de l'illustre savant n'ont pu venir à bout. Cette solution serait cependant nécessaire avant tout pour fixer la chronologie des Sassanides, par le calcul proleptique que M. Noldeke a imaginé.
Un des professeurs anglais les plus distingués de nos jours, M. Georges Rawlinson, dans un ouvrage intitulé : The seventh great oriental monarchy, London, 1876, in-8,) a reconstitué les annales des Sassanides, aussi complètement qu'il était possible de le faire aujourd'hui en réunissant et en mettant en œuvre toutes les notions éparses dans les auteurs orientaux, grecs et latins, et, en éclaircissant quelques dates jusqu'ici incertaines.
Celles que l'on rencontre dans les monuments de la littérature arménienne, ont été l'objet d'un essai très intéressant, quoique un peu confus, de la part de M. Patkanof (Patcanian), professeur de langue arménienne à l'Université de Saint-Pétersbourg, essai publié en russe et plus tard traduit en français et inséré dans le Journal asiatique de 1866 (cahier de février-mars) par feu M. Evariste Prud'homme. La critique chronologique y laisse beaucoup à désirer.
Les études entreprises par M. Adrien de Longpérier et plus récemment par M. Mordtmann et Edward Thomas, sur la numismatique des Sassanides, très utiles pour le classement relatif des règnes, laissent de côté la détermination précise des dates.[1]
Chapitre V. — (1) Ce chapitre est une répétition abrégée du précédent, comme on peut s'en assurer par une comparaison de l'un à l'autre. Qu'il soit une addition de l'auteur lui-même et non une interpolation de copiste, c'est ce que nous inclinons à croire, puisque ce même chapitre est annoncé et compris dans le sommaire placé en tête du Livre second, et que ce sommaire comme les deux autres, du Livre Ier et du Livre II, entre dans le plan général et fait partie essentielle de l'ouvrage original. Peut-être est-ce un document que l'auteur avait inséré dans une première rédaction de son ouvrage en attendant de le fondre dans un remaniement ultérieur avec le chapitre V qui traite du même sujet. Il dit l'avoir emprunté à un autre historien aylmê badmakrê, mais lequel? C'est ce qu'il nous laisse ignorer et aucun des autres auteurs arméniens que nous possédons aujourd'hui ne nous offre un texte pareil. Quoiqu'il en soit, ce chapitre ainsi que la fin du IVe, à partir de ces mots : il fit apposer un sceau de plomb, p. 162 et tout le sixième manquent dans l'édition de l'archimandrite Schahnazarian, publiée sur un manuscrit de la Bibliothèque patriarcale d'Edchmiadzin. Nous avons comblé cette lacune et complété l'ouvrage d'Acogh'ig qui paraît pour la première fois dans son entier, d'après un manuscrit de la Bibliothèque de Saint-Lazare à Venise et grâce à la bienveillante communication des savants religieux de ce monastère. M. Emin de Moscou, qui a connu ces fragments par une copie assez imparfaite qui lui en avait été envoyée de Paris, après avoir terminé sa traduction russe de notre auteur en avoir achevé l'impression, les a donnés sous forme d'addition, prilojénié, à la fin de son ouvrage. (Moscou, 1864, in-8°).
[1] Les listes de rois et souverains me paraissent sans intérêt à notre époque, elles ont été omises.