LIVRE II, chapitre 1
PUBLICATIONS DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
HISTOIRE UNIVERSELLE
PAR
ETIENNE AÇOGH'IG DE DARON
Traduite de l'arménien, et annotée
PAR'
E. DULAURIER
MEMBRE DE L'INSTITUT
PROFESSEUR A I.'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
PREMIERE PARTIE
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
A l'école des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
1883
Après avoir commencé notre récit à partir du premier homme créé par Dieu, de notre père primitif, Adam (1), en prenant pour guide l'Écriture sainte, que nous avons abrégée, mais suivie d'un bout à l'autre exactement, nous avons noté les époques et les dates ; et nous sommes arrivés au règne de Tiridate II, le premier souverain qui s'illustra par sa conversion à la foi du Christ. Maintenant nous placerons en tête et au début de ce second livre, notre autre père, le premier illuminateur de l'Arménie [saint Grégoire], et nous continuerons par ordre de succession jusqu'au temps ou nous vivons. Nous mentionnerons les rois arsacides, jusqu'à l'extinction de cette dynastie, et ensuite les princes arméniens, qui se sont succédé jusqu'à l'établissement de la dynastie des Bagratides. [Nous donnerons] la liste des rois sassanides de Perse, jusqu'à leur renversement par Heraclius (2), et ensuite celle des Amir-al-Mouménin des Dadjigs (Arabes), avec la durée de leurs règnes. Nous dirons les actions de valeur qui furent accomplies de leur temps ; les vertus des saints hommes qui marchèrent avec gloire dans la voie de Dieu ; nous célébrerons les docteurs (vartabeds) qui se distinguèrent par leur éloquence ou par leurs talents littéraires ; nous raconterons les vicissitudes de paix ou de troubles, survenues dans notre pays.
Nous étant enquis de la première aimée de Tiridate, nous avons trouvé qu'il monta sur le trône la deuxième année de Dioclétien, et la deuxième aussi de Sapor Ier (Schabouh), roi de Perse (3). Tiridate étant arrivé à Césarée, nombre de satrapes arméniens allèrent au-devant de lui (4). La première année de ce prince, saint Grégoire, après avoir souffert d'intolérables tourments pour la foi du Christ, fut précipité dans un souterrain (5). Cependant le brave Tiridate, livra en peu de temps maints et maints combats : d'abord en Arménie et ensuite en Perse. Les Perses, si robustes eux-mêmes, firent l'épreuve de la vigueur extraordinaire de ce héros. Ayant eu son coursier tué sous lui à coups de flèches, il fut renversé à terre. Mais, se relevant aussitôt, il fondit à pied sur les ennemis, et se vengea en exterminant un grand nombre d'entre eux. S'étant emparé du cheval de l'un de ses adversaires, il y monta bravement. Dans une autre rencontre, oh il avait aussi voulu combattre à pied, il repoussa, l'épée à la main, les rangs des éléphants. Après s'être longtemps signalé en Perse et en Assyrie par des prouesses éclatantes, il poussa jusqu'au-delà de Dizpon (Ctésiphon).
La quinzième année de son règne, de saintes filles, Hripsimê et Gaiane, avec leurs compagnes, persécutées par Dioclétien pour la foi, se rendirent dans la ville de Valars'abad, et reçurent du roi Tiridate la couronne du martyre (6). Aussi, Dieu infligea un châtiment à ce prince et à ses sujets (6); alors saint Grégoire ayant été, par sdite d'une merveilleuse révélation d'en-haut, retiré du souterrain, se mit à répandre sa lumineuse doctrine, et à guérir les malades (6). Pendant cinq jours, tout le peuple resta sans prendre de nourriture, occupé à recueillir les enseignements que faisait entendre le saint homme. C'est le jeûne annuel, appelé Ar'adchavor (Préalable), lequel s'observe encore jusqu'à présent, sans compter les soixante jours de la prédication de saint Grégoire (7).
Tiridate étant parti pour Rome, afin d'aller voir le saint [empereur] Constantin (8), Schabouh (Sapor Ie1) profitant de son absence, et méditant la perte de notre pays, pousse, par ses instigations, les nations septentrionales à s'élancer, en hordes nombreuses, contre l'Arménie. Porté de son côté à des desseins hostiles, le chef de la famille Selgouni (9), se révolte contre le roi, et se retranche dans la forteresse Ogh'agan (10). Aussitôt accourt de l'occident le grand Tiridate, qui envoie Mamkoun, d'origine chinoise, vers Selgoun (11). Celui-ci parvint, par des paroles artificieuses, à tromper Selgoun, et un jour étant allé à la chasse [avec lui], il le tua d'un coup de flèche. A cette nouvelle, Tiridate donna à Mamkoun le rang de satrape, à la place du rebelle, et appela le district de Darôn du nom de ce dernier, satrapie Mamkounienne.
Cependant le roi, à la tête de l'armée arménienne, va camper, dans la plaine des Karkaratsis (12), en face des peuples du Nord, rangés en bataille, et il en vient aux mains avec eux. Au milieu de l'action, rompant les rangs pressés des ennemis, et avec une valeur irrésistible, il frappe à coups redoublés, et fait mordre la poussière à un nombre infini de barbares. Pareil à un adroit pêcheur, secouant à terre son filet rempli de poissons, il abattait les ennemis. A cette vue, le roi des Basiliens, s'avançant à sa rencontre, lui lance vigoureusement son lacet par derrière, et emboîte l'épaule droite du souverain arménien, au moment où celui-ci levait son épée pour frapper son ennemi. Le roi des Basiliens était protégé par une cotte de maille impénétrable aux traits. N'ayant pu, par la force des bras, ébranler le gigantesque héros, celui-ci saisit par le poitrail le cheval de son adversaire, qui, malgré les coups multipliés d'éperons, ne put se dégager assez lestement avant que Tiridate n'eût saisi avec prestesse, de sa main droite, le lacet formé de nerfs de bœuf. L'ayant tiré à lui de sa force toute puissante, il atteignit son ennemi avec son épée à deux tranchants, et par un coup si bien visé qu'il le fendit en deux, et, du même coup, qui lui partagea les épaules, il abattit la tête du cheval. Témoins de cet exploit, les barbares prirent la fuite, et Tiridate s'en retourna, chargé de butin.
Ayant réuni à lui tous les septentrionaux, il marche vers la Perse, contre Schabouh (Sapor) fils d'Ardaschir (13). Il avait avec lui ses quatre généraux : Mihran, chef des Géorgiens, qui avait mérité sa confiance en se ralliant à la foi du Christ, car, à cette époque, les Géorgiens s'étaient convertis au Dieu vivant, avec leur chef Mihran, à la voix de Nounê, l'une des compagnes de sainte Hripsimê; Pakarad, asbed (14); Manadjihr, prince de la famille des Reschdounis, [et Vahan, prince des Amadounis] (15).
La dix-septième année du règne de Tiridate, saint Grégoire monta sur le trône patriarcal de l'Arménie, et l'occupa trente ans (16).
La quarante-septième année du même prince, saint Grégoire, après avoir équipé et disposé son plus jeunes fils Resdaguès, l'envoya à Césarée, pour y recevoir la consécration, comme patriarche d'Arménie. Resdaguès remplit ces fonctions pendant sept ans. Il bâtit la grande église du pays de Dzopk', dans le gros bourg de Khozan. Ayant eu connaissance de la conduite dissolue d'Archélaüs, prince de la Quatrième-Arménie, il lui adressait des reproches chaque jour. Ce chef, qui guettait l'occasion de se défaire du saint patriarche, l'ayant rencontré au moment où il se rendait dans la contrée de Dzopk', le tua avec l'épée. Craignant de s'être attiré par ce crime le courroux du roi, il s'enfuit à Tarse, en Cilicie. Les diacres de Resdaguès, ayant relevé son corps, allèrent l'ensevelir dans la province d'Eguégh'iats, au village de Thortan.
La cinquante-quatrième année de Tiridate, ce prince établit Verthanès, fils aîné de saint Grégoire, catholicos de la Grande-Arménie. Il siégea dix-sept ans (17).
Cependant, Tiridate, après avoir embrassé le christianisme, embellit le trône de l'éclat de ses vertus ; il voulut doter l'Arménie entière des bienfaits de la nouvelle religion. Mais notre orgueilleuse nation, au cœur dur et au caractère pervers, résista à sa volonté. Alors le roi, déposant sa couronne terrestre, pour courir après la couronne céleste, alla se retirer dans le lieu qu'avait habité le saint anachorète du Christ [Grégoire], et que l'on appelle l'antre de Mani ; il se confina dans cette solitude, au milieu des montagnes. Les satrapes, ayant envoyé vers lui pour lui promettre de vivre saintement, suivant ses désirs, s'engageant à le reconnaître toujours pour leur souverain, et le saint roi s'y étant refusé, ils lui donnèrent un breuvage empoisonné, comme [autrefois les Athéniens avaient fait boire] la ciguë à Socrate, ou comme les Juifs, dans leur rage, présentèrent à notre Sauveur une boisson mêlée de fiel. Ce fut ainsi que les satrapes éteignirent au milieu d'eux le brillant flambeau de la foi, et furent privés du bienfait de ses rayons lumineux, Tiridate avait régné cinquante-six ans (18).
Au moment où se répandit la nouvelle de sa mort, le bienheureux patriarche Verthanès se trouvait au district de Da-rôn, dans l'église d'Aschdischad, occupé à célébrer la vigile de la fête de Pâques. Les habitants du pays étaient accourus par groupes à l'instigation de la Reine des Reines (19), qui, irritée des reproches continuels que lui adressait Verthanès, cherchait à se débarrasser de lui. Le patriarche, étant sorti de l'église, vit toute cette multitude, retenue comme enchaînée par des liens invisibles. Après avoir appris d'eux la cause de cet accident, il les congédia [rendus à la liberté], et se dirigea vers le district d'Eguégh'iats.
En apprenant la mort de Tiridate, les barbares de l'Agh'ouanie, excités par le perfide Sanadroug, prince de cette contrée, de race arsacide, firent mourir leur évêque, Grégoire (Krikoris), fils de Verthanès, en le faisant fouler aux pieds des chevaux, dans la plaine de Vadnian, non loin de la mer des Gasp (Caspienne). Ses diacres, ayant relevé son corps, le transportèrent dans la petite Siounik', au bourg d'Amaras (20).
Cependant le roi Sanadroug, qui possédait en propre la ville de Ph'aïdagaran, voulut se rendre maître de toute l'Arménie. La connaissance de ce projet par le grand prince Pagour, ptiaschkh d'Agh'etznik', lui suggéra l'idée d'en faire autant, et il se ligua avec Ormizt, roi de Perse. De leur côté, les satrapes arméniens se réunirent auprès du grand Verthanès et envoyèrent deux des principaux chefs vers l'empereur Constance, fils de Constantin, pour lui demander des secours, et le prier de donner pour roi à l'Arménie Khosrov (Chosroès), fils de Tiridate (21). L'empereur, ayant agréé cette demande, fit partir une nombreuse armée sous les ordres d'Antiochus (22), qui vint placer sur le trône Khosrov, et envoya Manadjihr, avec l'armée du Midi et la légion de Cilicie contre le ptiaschkh Pagour. En même temps, Antiochus, ayant pris avec lui le reste des troupes arméniennes et les ayant réunies à l'armée grecque, marcha contre Sanadroug. Ce prince, après avoir garni de troupes perses la ville de Ph'aïdagaran, se sauva auprès du roi de Perse avec les satrapes des Agh'ouans. Les Arméniens saccagèrent le pays et, après cette expédition, s'en retournèrent chez eux.
Cependant Manadjihr, s'étant porté vers le sud, défait le ptiaschkh Pagour, met son armée en déroute, et chasse en même temps les auxiliaires que celui-ci avait reçus de la Perse. Une multitude de captifs furent enlevés par lui de Medzpin (Nisibe) et dans le nombre huit diacres du grand évêque Jacques (23). S'étant mis en quête de ces captifs, Jacques pria Manadjihr de leur rendre la liberté. Mais, sur son refus, Jacques résolut d'aller trouver le roi ; alors Manadjihr, irrité, ordonna de précipiter ces huit diacres dans la mer. Jacques, à la nouvelle de leur mort, s'en revint chez lui, et, plein de colère, comme Moïse lorsqu'il sortit de la présence de Pharaon, il gravit une montagne d'où l'on pouvait apercevoir les environs au loin, et là il maudit Manadjihr et le district. La vengeance de Dieu ne tarda pas à se faire sentir, car Manadjihr, pareil à Hérode, mourut bientôt après, et la contrée perdit sa fertilité, sous un ciel d'airain. La mer, se soulevant, engloutit les limites des campagnes. Le roi Khosrov, apprenant ces désastres, s'humilia et recommanda de mettre les captifs en liberté. Après la mort de Jacques, le fils et successeur de Manadjihr fit une sévère pénitence accompagnée de larmes et de gémissements, et, par l'intercession du saint, obtint, pour lui et pour son pays, la délivrance des maux dont ils étaient tourmentés.
La seconde année d'Ormizt, roi de Perse, et la troisième de [l'empereur] autocrate Constance (24), grâces à la volonté de ce dernier, Khosrov [le Petit] régna sur l'Arménie ; mais il fut loin d'égaler son père pour la bravoure et le courage. Il est vrai qu'il était d'une petite taille, mais non au-dessous de celle d'Alexandre de Macédoine, qui n'avait que trois coudées de haut. Khosrov se borna à fonder une ville au pied de' la montagne de Kégh'am ; il transporta sa demeure sur une colline où il construisit un palais environné d'ombrages, lequel est appelé, dans la langue des Perses, Tevin, mot qui signifie en effet colline (25).
À cette époque, la planète de Mars s'étant rencontrée sur la même route que le soleil, l'air, devenu brûlant et corrompu, répandait de fétides émanations.. Aussi les habitants d'Ardaschad acceptèrent volontiers ce changement de résidence.
Sous le règne de Khosrov, les nations du Nord, habitant le Caucase, s'étant coalisées fondirent en masse, jusqu'au cœur de notre pays, au nombre de 30.000 hommes. Parvenus aux portes de Valarsabad, ils mirent le siège devant cette ville. Les troupes arméniennes les ayant surpris à l'improviste, leur livrèrent combat auprès de la roche escarpée [appelée] Oschagan (26). Un des barbares [anariens], guerrier d'une stature démesurée, protégé par une cuirasse de feutre qui l'enveloppait entièrement, se signala par ses prouesses au milieu des combattants, et nul ne pouvait lui résister. Car, sur sa cuirasse, venaient s'émousser les coups de lance. En ce moment, le brave Vahan Amadouni, tournant son regard vers l'église cathédrale (27), s'écria : « Viens à mon aide, ô Dieu qui as dirigé la fronde de David droit contre le front de Goliath, dirige aussi ma lance contre ce terrible géant. » Sa prière fut exaucée; car, frappant la croupe du cheval de son adversaire, il le jeta à terre. Épouvantés de ce coup terrible, les ennemis prirent la fuite. Pakarad, en s'en retournant dans le district de Dzopk', rendit au roi un témoignage exact et impartial du haut fait accompli par Vahan. Pour récompenser celui-ci, le roi lui fit donation du lieu qui avait servi de champ de bataille, Oschagan. Khosrov ne survécut pas longtemps à cet événement; il mourut après un règne de neuf ans. Son corps fut transporté et enseveli à Ani (28), auprès de son père.
La dix-septième année du règne de Constance Auguste (29), ce prince donna la couronne à Diran, fils de Khosrov, et l'envoya en Arménie.
Le grand Verthanès, après avoir passé quinze ans sur le siège patriarcal, mourut dans la troisième année de Diran, et 'Ousig (Hésyche) son fils, fut conduit dans la ville des Kamirs (Césarée de Cappadoce) (30), pour y recevoir la consécration, comme patriarche d'Arménie. Il siégea six ans.
Cependant Diran irrité contre le bienheureux 'Ousig qui ne cessait de lui adresser des réprimandes, et aussi au sujet de l'image de Julien, que le roi avait fait placer dans l'église du district de Dzopk', et que le saint patriarche avait foulée aux pieds et mise en pièces, ordonna de le frapper à coups de fouet si violemment, que Verthanès rendit l'âme au milieu des tourments. Diran, maudit pour ce crime par le vieux chorévêque Daniel, disciple de saint Grégoire, en fut tellement irrité qu'il condamna Daniel à être étranglé. Il fut enseveli dans le monastère appelé Hatsiats-Trakhd (Jardin des frênes) (31) : et le bienheureux 'Ousig transporté et déposé auprès de son père, au village de Thortan.
Dans la seconde année (32) de Diran, le patriarcat fut dévolu à Ph'arnerseh, originaire d'Aschdischad [dans le district] de Darôn. Homme digne de louanges, il siégea quatre ans.
A cette époque, un général de Sapor, roi de Perse, arriva avec des forces imposantes en Arménie. Ayant persuadé par ruse Diran de venir le trouver, il lui fit crever les yeux, dans le district d'Abahounik', au village d'Artzgagh', et, comme le raconte Faustus de Byzance [III, 20], Diran fut puni ainsi d'avoir éteint les deux flambeaux de l'Arménie.
A Diran succéda Arsace, son fils qui occupa le trône sept ans (33).
La quatrième année de son règne, il envoya en pompe et avec une nombreuse escorte de troupes, Nersès, fils d'Athanakinès, fils de 'Ousig, fils de Verthanès, fils de saint Grégoire, dans la contrée de Kamir (la Cappadoce), pour y être consacré patriarche d'Arménie. Nersès siégea trente-quatre ans.
Du temps du roi Arsace, vivaient Vasag, fils de Vatchê, sbarabed (généralissime) de l'armée arménienne, qui construisit Vasagaguerd, dans le district d'Eguégh'iats; et le brave Mouschegh', fils de Vasag, de la famille des Mamigoniens.
[Le roi] fit périr Knel, fils de son frère, dont il convoitait l'épouse Ph'ar'antzem, et aussi à l'instigation de Dirith (34), qui lui donnait de perfides conseils. Ph'ar'antzem était la fille d'Antog (Antiochus), prince de Siounik' (35). Pour venger ce crime, Nersès maudit Arsace, et le royaume d'Arménie. En même temps, il s'éloigna et se retira sur le territoire grec, laissant pour le remplacer Khat, évêque de Pakrévant, lequel était originaire du district de Garin, du village de Markats (des prairies), dont les greniers regorgèrent, comme cela arriva du temps du grand [prophète] Elie.
A cette époque, Sapor, roi de Perse, arriva dans l'Aderbadagan, et ayant mandé auprès de lui Arsace, le fit arrêter, charger de chaînes, et conduire dans le Khoracan (36). La femme du roi, Ph'ar'antzem, qui avait prévu ce malheur, se sauva et alla se renfermer dans la forteresse d'Ardakers (37). Cependant le roi de Perse, ayant établi Mehroujan Ardzrouni (38), comme prince d'Arménie, s'en retourna dans ses États. Celui-ci assiégea la forteresse d'Ardakers, la prit et en fît sortir Ph'ar'antzem, attachée à un timon de char, suivant la coutume des Perses.
En apprenant ce qui s'était passé, le grand Nersès supplia l'autocrate Théodose [Ior] de ne point abandonner l'Arménie. Le puissant empereur, prêtant une oreille favorable à ses instances, fit venir le fils d'Arsace, Bab, qui se trouvait comme otage à sa cour, lui plaça la couronne sur la tête, et lui ayant donné pour auxiliaire le général Anatolius (Anadolis) (39), avec des forces considérables, et [lui ayant adjoint] le patriarche Nersès, le renvoya en Arménie. Ces troupes mirent en fuite Mehroujan et les Perses, et, dès ce moment, l'Arménie fut soumise définitivement à la domination de Bab, pendant sept ans.
Le général Anatolius, resté dans notre pays, d'après les ordres de l'empereur, et l'ayant parcourue en grande partie, se décida volontiers à bâtir une ville dans le district de Garin, contrée, au sol excellent, abondamment arrosé et fertile, et qu'il choisit comme un point central, non loin des lieux où sont les sources d'un bras de l'Euphrate(40), et où les eaux s'épanchant lentement, en vastes nappes, ressemblent à des marais. Là se trouvent à profusion des poissons et des oiseaux qui viennent y chercher leur pâture, et dont les œufs suffisent à l'alimentation des habitants. Sur les bords de ces marais, croissent des cannes et des forêts de roseaux. Toute cette plaine est tapissée d'une herbe épaisse ; elle est couverte d'arbres fruitiers portant avec eux leur semence. Dans les montagnes, vivent des animaux à la corne du pied fendue, et ruminants ; là se multiplient des troupeaux de bœufs de haute taille, énormes, qui se chargent de graisse.
Au pied de l'un des côtés de cette belle montagne jaillissent une multitude de sources d'une eau limpide qui s'échappe en filets. C'est là qu'Anatolius traça le plan de la ville qu'il méditait de construire ; il l'entoura d'un profond fossé, et d'un rempart dont il enfonça les fondements bien avant dans la terre, et sur lequel il éleva de hautes tours bien fortifiées. La première reçut de lui le nom de Théodose, en l'honneur de l'empereur, les autres à la suite étaient hérissées d'ouvrages en forme d'éperons de navires, et sans angles rentrants. Faisant face à la montagne, et à la plaine du nord, vers l'est et l'ouest, ces tours étaient de forme ronde. Au milieu de la ville, sur une éminence, il construisit de vastes greniers ; il appela ce lieu Augusteum (Okosdion) en l'honneur d'Auguste [Théodose]. Ayant réuni en une foule d'endroits des cours d'eau, il les conduisit dans la ville par des canaux souterrains. Il l'approvisionna d'armes et y établit une garnison, et la nomma Théodosiopolis, voulant, par le souvenir de cette cité, rendre son nom immortel. Au-dessus de sources chaudes, il éleva une voûte en pierres de taille (41).
Cependant Bab s'abandonnait sans honte aux désordres de ses passions; repris bien souvent à ce sujet, par saint Nersès, et irrité contre lui, il lui fit boire un breuvage empoisonné, dans le district d'Eguégh'iats, au village de Khakh, et lui donna la mort. Saint Nersès avait tenu le siège patriarcal pondant trente-quatre ans.
A cette nouvelle, le patriarche de Césarée, saint Basile (42), maudit Bab et tous ses partisans. Il fît le serment que désormais, le titulaire du siège de Césarée ne consacrerait plus le catholicos d'Arménie. Ses anathèmes ne tardèrent pas à recevoir leur accomplissement.
Bab donna le patriarcat d'Arménie, sans l'assentiment du métropolite de Césarée, à un certain Schahag, originaire du district d'Abahounik', du village de Manazguerd. Schahag remplit ces fonctions quatre ans (43).
Cependant le brave général Anatolius, s'étant saisi de Bab, le fit conduire, chargé de fers, auprès de l'empereur, qui, sans daigner le voir, ordonna de le précipiter dans la mer. Il le remplaça par un prince arsacide, appelé Varaztad, encore tout jeune, dont le règne fut de quatre ans. Varaztad nomma catholicos Zavên, frère de Sahag, lequel siégea quatre ans (44).
Après Varaztad la couronne passa aux fils de Bab, Arsace et Valarsace qui la conservèrent cinq ans révolus. Dans la sixième année, l'Arménie fut partagée ; Arsace obtint la partie qui dépendait des Grecs, et Valarsace la portion qui relevait des Perses, la contrée d'Ararad.
De leur temps Asbouraguês, frère des deux précédents patriarches et originaire du même village, devint catholicos d'Arménie, et siégea cinq ans (45).
Après Valarsace, Khosrov (46), arsacide, régna sur la partie orientale de l'Arménie, par la volonté de Schabouh, (Sapor), roi de Perse, trois ans.
Il établit catholicos saint Sahag, fils du grand Nersès(47), lequel tint le siège, cinquante ans.
Au bout de trois ans, Khosrov fut renversé du trône par suite des calomnies dont il avait été l'objet auprès du roi Schabouh, et remplacé par son frère Vram-Schabouh, (Behram-Sapor), qui régna quinze ans (48).
Nous avons trouvé que la seconde année d'Ardaschir, roi de Perse, coïncide avec la cinquième de Vr'am-Schabouh, roi d'Arménie.
Sous le règne de ce dernier, le bienheureux Maschdots (49), originaire du district de Darôn, du village de Hatségats (50), encouragé par la protection de Vr'am-Schabouh et du grand patriarche Sahag, et aidé par les collaborateurs que celui-ci lui avait donnés (51), appliqua les caractères de Daniel (52) à la transcription de la langue arménienne. Plus tard, dans la sixième année de Vr'am-Schabouh, qui correspond à la première année du roi [de Perse] Vr'am-Guerman (Behram Kerman) (53), il substitua à ces lettres d'autres caractères,-révélés par Dieu, et dont on se servit pour transcrire les Livres saints, correctement traduits, ainsi que le racontent Gorioun (54) et Lazare [de Ph'arbe] (55). L'invention de l'écriture arménienne devint le signal de l'introduction de la science parmi nous et une source d'allégresse pour une foule de nations. Car, non seulement les Arméniens, mais encore les Géorgiens et les Agh'ouans reçurent de la bonté divine le bienfait de l'écriture que leur apporta le bienheureux docteur Mesrob [Maschdots] (56).
Vr'am-Schabouh, après une bonne fin, eut pour successeur son frère Khosrov, qui avait été précédemment privé du trône et qui fut rétabli, par le roi Guerman. Son second règne fut d'un an (57).
Après lui le roi Yazguerd (Yezdedjerd I) confia le pouvoir, non point à un prince arménien, mais à son propre fils, Schabouh. Yazguerd étant mort, Schabouh fut tué par les grands du royaume, et l'Arménie resta longtemps sans souverain. Nos recherches nous ont démontré que cet interrègne dura au juste onze ans.
Joseph et Eznig (58), qui étaient attachés à la personne de Sahag, lurent à cette époque, envoyés en Syrie, et de là, chez les Grecs, pour aller étudier les livres des maîtres de la science.
Ensuite les Arméniens eurent pour roi Ardaschès, autrement dit Ardaschir, qui fut appelé au trône par Vr'am, roi de Perse, et qui s'y maintint six ans.
Mesrob, dit Maschdots, prêtre admirable, l'inventeur et le maître de l'écriture et de la littérature arméniennes, florissait alors dans tout son éclat. De son coté, le grand pontife Sahag, qui descendait de saint Grégoire, s'occupait à traduire les saints Livres du grec en arménien, avec le concours d'Eznig, d'après des exemplaires authentiques apportés de Constantinople par Léonce et autres (59). Sahag releva l'église des Saintes-Vierges (60), détruite par le roi Sapor; grâces à ses prières, il obtint de découvrir le lieu ignoré qui recelait les ossements de sainte Hripsimê.
Avant d'être promu au patriarcat, il eût, pendant la nuit, une vision qui lui révéla la destruction de la monarchie des Arsacides, l'extinction du pontificat dans la famille de saint Grégoire, et sa transmission en des mains étrangères. « Mais, à l'expiration de ce temps, ajoutait saint Sahag, « le trône sera relevé, et le siège patriarcal rétabli par les « descendants des mêmes races, au temps fixé. »
A cette époque les satrapes d'Arménie vinrent, de concert, trouver saint Sahag pour accuser Ardaschir au sujet de ses moeurs dissolues, et lui annoncer qu'il fallait l'exclure du trône, et remettre le pays aux Perses. « Dieu me garde, leur répondit le patriarche, de livrer ma brebis en pâture au loup mécréant, et de changer mon agneau malade contre une bête féroce en parfaite santé, et dont la vigueur sera une cause de grands malheurs. Les nobles arméniens, mécontents de ce refus, se rendirent auprès de Vr'am, roi de Perse, pour dénoncer leur souverain Ardaschir et saint Sahag, par haine du pontificat. Vr'am, ajouta foi à leurs accusations, et manda aussitôt à sa Porte royale le prince arménien et le patriarche (61).
Ayant fait arrêter et charger de chaînes Ardaschir, il l'envoya dans le Khoujasdan (62). Il ordonna aussi de dépouiller saint Sahag de sa dignité, et, sur la demande des satrapes arméniens, il la conféra a un certain Aptischo (63), syrien jacobite, un malfaiteur, qui ne tint pas même un an, et, après lui, à un certain Schmouêl, de la même nation, pire que l'autre, et qui mourut au bout de deux ans ; puis à Sourmag, un effronté, qui était l'un des dénonciateurs de saint Sahag. Sourmag, originaire du district de Peznounik', du village d'Ardzguê, siégea sept ans. Il compte dans la série des patriarches, mais non Aptischo', ni Schmouêl.
C'est à la vue de ce spectacle, que le grand docteur Moïse [de Khoren], le père des lettrés, élevant sa voix, s'écriait : — « Je pleure sur toi, ô terre d'Arménie, toi, à qui on a « enlevé la souveraineté et le sacerdoce ; je pleure sur toi, « ô église d'Arménie, qui as été privée de ton prophète et « de ton conseiller (64). » De même que ce hardi soldat, le prophète Jérémie, déplorait la ruine de la nation juive et la désolation du Temple.
Saint Sahag se retira dans le district de Pakrévant, au village de Plour, ou, au bout de peu de temps, il termina sa carrière, résigné à la volonté de Dieu. Sa petite-fille, la princesse des Mamigoniens, nommée Tekhdig (65), fit transporter et ensevelir son corps dans le district de Darôn, au village d'Ardaschad. Il avait été catholicos pendant cinquante ans.
Bientôt après mourut aussi le grand docteur arménien Mesrob, dans le district de Kagh'ak'ou-Taschd, à Valar-sabad (66). Il fut enterré dans le village d'Oschagan.
Ici finit la monarchie arménienne dans la dynastie des Arsacides, après avoir commencé à la douzième année de Ptolémée Evergète II, roi d'Egypte. Elle cessa dans la vingt-quatrième année de Théo dose, empereur des Grecs, après avoir duré en tout cinq cent cinquante-neuf ans (67).
Chapitre Ier. — (1) Quoique l'auteur nous dise ici qu'il a commencé son ouvrage à partir d'Adam, le premier homme créé par Dieu, ce n'est qu'à la nativité d'Abraham, 2016 avant notre ère vulgaire, qu'il fait courir on réalité le fil des événements, en se conformant au système chronologique d'Eusèbe, qu'il suit avec tous les historiens et chronographes arméniens. Voir ci-dessus p. 48-49.
(2) Il n'est pas tout à fait exact de prétendre, comme le fait Acogh'ig, que ce fut l'empereur Heraclius qui porta les derniers corps et mit fin à la monarchie des Sassanides. Mais il l'avait considérablement affaiblie par ses belles victoires sur Khosrov (Chosroès II), Parwêz et ses généraux; ce furent les Arabes dont les armées irrésistibles détruisirent cotte grande monarchie. Heraclius, à son tour, attaqué par eux, et impuissant à leur résister, se vit enlever toutes les provinces orientales de son empire.
(3) Les dates sur lesquelles repose ce triple synchronisme : Ire année de Tiridate II, roi d'Arménie ;
2e année de Schabouh (Schahpour, Sapor II), roi de Perse ; 2e année de l'empereur Dioclétien (1er septembre 285 — 31 août 286), sont inconciliables, et laissent supposer quelque erreur de copiste. La seule date qui soit certaine, est celle de la 2e année de Dioclétien, dont l'avènement et l'intronisation solennelle à Nicomédie sont fixés au 1er septembre 284 par la Chronique Paschale.
(4) Le roi d'Arménie, Tiridate II, dit le Grand, sauvé après la mort violente de Khosrov, son père, et conduit encore tout jeune enfant par le satrape Ardavazt (Artabaze) Mantagouni, à Rome, y reçut une éducation très soignée et se distingua dans les rangs des armées impériales. En maintes circonstances, il donna des preuves de bravoure et de force corporelle extraordinaires.
Protégé des Romains, c'est à Dioclétien qu'il dut la couronne d'Arménie. Il arriva dans ce pays, entouré du prestige de la faveur de ses tout puissants patrons, et avec un contingent de troupes auxiliaires qu'ils lui avaient fourni. Ces circonstances expliquent l'accueil empressé que lui firent les satrapes arméniens accourus au devant de lui, ainsi que le raconte Acogh'ig.
(5) C'est le souterrain appelé Khor Virab (Fosse profonde), situé non loin d'Ardaschad, ville qui s'élevait sur les bords de l'Araxe, à la jonction de ce fleuve avec le Medzamor. Dans ce souterrain saint Grégoire l’illuminateur, vécut plongé pendant treize ans, ou, suivant d'autres, quinze ans, soutenu par un miracle continuel de la Providence et le pain que lui portait chaque jour une pieuse veuve chrétienne.
(6) La belle et touchante légende des saintes filles Hr'ipsitnê, Gaianc et de leurs compagnes qui vinrent du pays des Romains, c'est-à-dire des contrées de l'Occident, en Arménie pour se soustraire aux désirs impudiques et aux persécutions du vieux Dioclétien. Cette légende, racontée tout au long par Agathange, auteur du IVe siècle, a été reproduite d'âge en âge par tous les historiens et hagiographes arméniens (V. le Ménologe, 4 et G octobre), elle est encore aujourd'hui l'objet d'une pieuse et naïve croyance dans la nation, où la mémoire des héroïques martyres est conservée comme une des traditions les plus populaires et les plus chères.
(7) Le châtiment divin qui frappa le roi Tiridate et son peuple, et auquel notre auteur fait allusion, consiste dans leur transformation subite et momentanée en sangliers. Il y a là une réminiscence manifeste du sort qu'éprouva jadis le roi de Babylone, Nabuchodonosor.
(8) Ce voyage de Tiridate II et du patriarche saint Grégoire l’illuminateur à Rome, pour faire visite à l'empereur Constantin le Grand et au pape saint Sylvestre, est un fait très sujet à contestation. Le traité d'alliance qui résulta de cette entrevue et qui nous est parvenu, porte des traces non équivoques d'une composition récente et apocryphe. Il a été publié plusieurs fois à Constantinople et à Venise (1683 et 1692, in-4) et, en dernier lieu, il y a quelques années, à Constantinople, par le vartabed (docteur) Garabed Schahnazarian, qui en nie l'authenticité.
(9) La famille satrapale des Selgounis ou Segh'gounis, descendait d'un chef nommé Sgh'oug ou Slak' (flèche), auquel appartenait la seigneurie de Daron, district considérable de la province de Douroupéran, au nord-est du lac de Van, dans la grande Arménie.
Ce Sgh'oug ou Slak' avait été compris par le roi Valarsace, parmi les nobles arméniens dont les possessions furent érigées en satrapies ; •et fut attaché à la cour de ce prince, avec des fonctions analogues à celles de Grand-Veneur. Cf. Moïse de Khoren, Hist. d'Arm^ II, 8.
(10) Ogh'agan, mot écrit aussi Ogh'gan ou Ough'gan, forteresse du district de Daron.
(11) La révolte de Selgoun contre son suzerain, le roi Tiridate II, sa mort traîtreusement préparée et exécutée dans une partie de chasse par Mamcoun, chef de la race des Mamigoniens, à l'instigation, et par l'ordre du roi et l'attribution de ses richesses et de sa principauté, au meurtrier sont rapportées par Moïse de Khoren. Hist. d'Arménie, II, 84.
(12) Voir pour l'origine et la signification de l'ethnique Koukaratsi, la note 27 du chap. V, du livre 1er; ci-dessus, p. 73.
(13) Les peuples du Nord, les septentrionaux, comme les nomment notre auteur, ainsi que Moise de Khoren, étaient les habitants du Caucase ou des steppes au nord de cette chaîne de montagnes, et parmi lesquels les principaux étaient alors, les Passils ou Basiliens (Scythes royaux), les Khazirs ou Khazars, les Alains, les Huns et les Bulgares.
De temps en temps, ces hordes faisaient irruption dans les fertiles contrées de l'Arménie pour les piller et quelquefois aussi pour s'y établir. Elles arrivaient les unes par la Porte des Alains ou passage de Dariel, au centre du Caucase, les autres par la Porte de Djor, ou des Huns, le dénié de Derbend, à l'extrémité orientale, du Caucase sur les bords de la mer Caspienne. Le roi Tiridate, après avoir remporté sur les Passils et les Khazirs un triomphe signalé mais chèrement acheté, dut probablement faire alliance avec eux et se les attacher comme auxiliaires. C'est avec eux en effet que nous le voyons dans une autre circonstance, marcher contre le roi de Perse, Sapor Ier. — V. Moïse de Khoren, II, 58, G3, 70 et 85 et Zénob de Klag, Hist. du pays de Darôn, dans la Collection des historiens anciens et modernes de l’Arménie, de Victor Langlois, T. I, pp. 354-355.
(14) Pakarad, de la famille des Pakradounis ou Bagratides, était commandant du corps occidental de l'armée arménienne, il portait le titre héréditaire dans cette famille, d'Asbed ou Asbabed, c'est-à-dire grand maître de la cavalerie ou général en chef. Un autre privilège des Bagratides était de poser le diadème sur la tête des rois d'Arménie dans la cérémonie de leur couronnement. Ce privilège, qui conférait à celui qui en était investi le titre de Thakatir (Poseur de couronne), se maintint, on passant à d'autres familles jusque dans le moyen âge, à la cour des souverains de la Petite Arménie. C'est en qualité de commandant de l'un des quatre corps de l'armée territoriale que Pakarad prit part aux guerres de Tiridate contre le roi de Perse, Sapor. Son collègue et compagnon d'armes était Mihran, fils de Sapor, gouverneur de Géorgie et toparque (pteschkh) du pays de Koukark', lequel avait embrassé la religion chrétienne. Il fut la tige des souverains d'Agh'ouanie et de ceux de Géorgie, connus sous le nom de Mihranians, d'origine Sassanide. Cf. Moïse de Khoren, II, 85 et 86, et Brosset, Histoire de Géorgie, Impartie, p..80-82.
(15) La famille satrapale des Reschdounis ou Rouschdounis possédait comme seigneurie patrimoniale le territoire de ce nom, dans la province de Vasbouragan, au sud-est du lac de Van. Vahan, l'un des quatre généraux ici nommés, au service du roi Tiridate, commandait le corps oriental de l'armée arménienne. Il descendait d'un certain Manovaz, Manavaz ou Manon, fils de Haïg. Il fut établi par lo roi Valarsace, le premier des Arsacides d'Arménie, comme chef héréditaire du pays situé à Test du district de Vanant, au pied du mont Arakadz, dans le nord de la Grande Arménie. Moïse de Khoren, III, 6.
(16)Voir mes Recherches sur la chronologie arménienne, technique et historique, t. Ier, p. 47, où j'ai déterminé la date de l'avènement de saint Grégoire l'Illuminateur, comme catholicos ou patriarche d'Arménie à l'année qui correspond à septembre 303 — septembre 304 de notre ère. Ayant résigné ses fonctions de premier pasteur de l'Arménie, il se retira dans l'antre de Mani, au milieu des âpres solitudes du mont Sébouh, où il mourut ignoré de tous. Il fut remplacé sur le siège pontifical par son fils cadet Resdaguès (Aristacès) en 333, lequel à son tour eut pour successeur, vers 340, son frère aîné Verthanès.
(17)Le patriarche Verthanès siégea depuis la cinquante-quatrième année de Tiridate II jusqu'à la troisième année du roi Diran II, petit-fils de ce dernier (Moïse de Khoren, III, 2), c'est-à-dire, à partir de 340 ou 341 (V. la note précédente), pendant quinze ans environ. Cf. Tchamitch, t. III, tables, p. 109.
(18) Ce long règne de Tiridate II (56 ans), attesté par tous les historiens arméniens, correspond à l'intervalle écoulé de 286 à 341 de Jésus-Christ. Notre auteur ajoute que ce prince mourut un peu avant Pâques, par conséquent dans le troisième ou quatrième mois de 341.
(19) Le titre de diguin dignats « dame des dames » ou « reine des reines », désigna à la cour d'Arménie, sous les Arsacides, ainsi que sous les Bagratides, et plus tard au moyen-âge sous les rois Roupéniens de la Cilicie, la reine mère ou reine douairière.
(20) Amaras ou Amarêh, bourg (avan) du district de Hapant ou Petite Siounik', dans la province d'Artzakh. Il était situé sur l'Araxe, un peu avant la jonction de ce fleuve avec le Gour (Cyrus).
Cf. le R. P. Léonce Alischan, Topographie de la Grande Arménie, § 175.
(21) Khosrov ou Chosroes II, dit Le Petit, fils de Tiridate II et de la reine Aschkhên, ainsi surnommé à cause de sa taille exiguë et de sa faiblesse physique et morale. Cf. Moïse de Khoren, II, 33 et III, 5, 6 et 8.
(22) Moïse de Khoren, III, 5, qualifie cet Antiochus envoyé par l'empereur Constance pour placer Khosrov II sur le trône, de curateur ou préfet, 'artaritch, du palais impérial, fonctions qui plus tard furent désignées par le titre de curopalate.
(23) Saint Jacques, évêque de Nisibe, proche parent de saint Grégoire l'Illuminateur et l'un des plus illustres pères et confesseurs de l'Église syrienne. Cf. M. Khor, II, 86, 89, et III, 7.
Les Homélies publiées en arménien, par le cardinal Antonelli, sous le nom de saint Jacques (Rome, 1756, in-fol.), ont été reconnues comme n'étant pas de lui, mais d'Aphraotès, le sage Perse, qui les écrivit en Syriaque.
(24) Il y a ici une erreur de date. Ce n'est pas la troisième année, mais bien la huitième de l'empereur Constance, fils de Constantin le Grand, dans laquelle Khosrov le Petit, monta sur le trône d'Arménie. L'avènement de Constance ayant eu lieu en 339, au partage de l'empire avec ses deux frères Constantin II et Constant, si l'on ajoute à ce dernier chiffre celui de huit ans énoncé par Moïse de Khoren, on aura l'année 344 écoulée et 345 en cours qui est la date exacte du règne de Khosrov IL Ce chiffre a été adopté par Tchamitch, Histoire d'Arménie, t. III, tables, p. 106, Dynastie des Arsacides.
(25) Acogh'ig ne fait que répéter ici ce que dit Moïse de Khoren (III, 8) que le nom de la ville de Tevin (Tibion et Doubios des Byzantins) est un mot perse, signifiant en arménien, plour, « colline. » Ce mot n'existe plus dans le persan actuel, du moins sous une forme reconnaissable. La ville de Tevin reçoit quelquefois l'épithète d'osdan (royale), parce qu'elle fut la capitale de l'Arménie, sous les derniers Arsacides, et ensuite sous les gouverneurs perses (marzbans) et les préfets arabes (osdigans) qui leur succédèrent. Elle se trouvait au nord de la ville d'Ardaschad, sur le Medzamor, un des affluents septentrionaux de l'Araxe, et était comprise dans l'Ararad, l'une des plus considérables des quinze provinces de la Grande Arménie.
(26) Oschagan, forteresse et village du district d'Arakadzoden (Pied du mont Arakadz), dans le nord de la province d'Ararad, ce district s'étend depuis cette montagne jusqu'à l'Araxe, au sud.
(27) L'Église cathédrale ou Gathoghiguê (Katholicê) de l'Arménie, est la grande et célèbre église d'Edchmiadzin, la plus ancienne, la plus vénérée de toutes celles que possède ce pays et dont la fondation remonte à saint Grégoire l'Illuminateur. Elle tient au couvent du même nom, où réside le catholicos ou patriarche suprême de la nation.
(28) La forteresse d'Ani, vulgairement Gamakh, qu'il ne faut pas confondre avec Ani la ville royale des Bagratides, située beaucoup plus à l'est, dans le district de Schirag, province d'Ararad, la forteresse d'Ani s'élevait sur la rive occidentale de l'Euphrate dans la province de Haute Arménie au district de Taranagh'i (Mines de sel). C'était le lieu où les souverains Arsacides conservaient leurs trésors et leurs archives et avaient leur sépulture.
(29) La dix-septième année de l'empereur Constance, fils de Constantin le Grand, nous donne la date de 353 pour l'avènement de Diran II, roi d'Arménie. Constance ayant commencé à régner en 337 (V. ci-dessus note 24), sa dix-septième année coïncide avec cette date de 353, adoptée avec raison par Tchamitch, Histoire d'Arménie, t. III, tables, p. 106.
(30) Les premiers patriarches d'Arménie allèrent recevoir l'onction épiscopale du métropolite ou archevêque de Césarée de Cappadoce ; de qui, il semble, qu'ils relevaient. Cet usage subsista jusqu'au patriarche Schahag (384-386) qui fut consacré par les évêques d'Arménie réunis pour cette cérémonie. Depuis cette époque l'Eglise arménienne fut et resta autocéphale. V. Tchamitch, Histoire d'Arménie, liv. II, annot. II, 47, t. I, p. 728.
(31) Le couvent appelé Hatsiats-Trakhd (Jardin des frênes) était sur les confins du district de Daron.
(32) Le synchronisme de la deuxième année du règne de Diran II et de l'élévation de Ph'ar-Nerseh sur le siège patriarcal est faux ; il faut lire la dixième année de Diran, qui correspond à 362, date vraie de l'intronisation de ce prélat (Moïse de Khoren, Histoire d'Arménie, III, §16).
(33) L'avènement d'Arsace, fils de Diran est marqué par Tchamitch (t. III, tables, p. 106) à l'année 363. Si on a égard au temps et aux circonstances historiques on est conduit à supposer que c'est le même souverain qu'Ammien Marcellin (xxx, i, 1) appelle Para et dont il dit, « Para Armeniorum rege clandestinis insidiis obtruncato. »
(34) Dirith était de la race royale des Arsacides, petit-fils de Diran II et neveu d'Arsace II. Il avait été donné en otage à l'empereur Julien qui l'interna à Byzance. Envoyé par son souverain vers le roi de Perse, Sapor II, et ayant échoué dans sa mission, il fut assassiné à son retour par l'ordre d'Arsace. Moïse Khoren, III, 13, 21, 22, 23 et 25.
(35) Antog ou Antiochus, prince de Siounik', se distingua par son expédition en Perse, en conduisant son armée jusqu'à Ctésiphon qu'il pilla et ensuite par la vigoureuse résistance qu'il opposa dans les murs de Dikranaguerd (Amid), à tous les efforts de Sapor II pour prendre cette place (Moïse de Khoren, III, 26 et 28). Il était père de la fameuse Pharandzêm, femme ambitieuse qui parvint à. se faire épouser par le roi Arsace IL Celui-ci s'étant défait par un meurtre de son neveu Knel, premier mari de Pharandzêm, probablement sa complice, la fit asseoir à côté de lui sur le trône de cette princesse. La vie et la fin dramatique de cette reine, que les Perses firent périr en lui faisant subir les plus honteux outrages, sont racontés par Faustus de Byzance, IV, 55 et Moïse de Khoren, III, 31 et 35 ; Ammien Marcellin, XXVII, 12.
(36) Arsace II fut dirigé, chargé de chaînes par ordre de Sapor II, dans le Khoujasdan (Khouzistan) et renfermé dans le château de l'Oubli (An'ousch-pert). Moïse de Khoren, III, 35 ; Faustus de Byzance, IV, 23 et 54 et Jean Catholicos.
Cette prison est mentionnée sous le même nom (Lêthês Phrourion) par Procope, Bell. Pers. 1, 5; Agathias, IV, p, 138, et par Cedrenus, 1.1, p. 355 et 396, édit. du Louvre.
(37) Le château d'Ardakers ou Ardakerits (au génitif pluriel), forte resse très ancienne, située dans le district d'Arscharounik', province d'Ararad, avait été rebâti par le roi Arsace II qui y déposa ses trésors et en fit une de ses places fortes. Artageras de Strabon, Artagera de Velleius Patercule, Artagigarta de Ptolémée et Artogerassa d'Ammien Marcellin.
(38) Mehroujan, de la famille des Ardzrounis, avait renié la religion chrétienne pour embrasser le magisme, et s'était mis au service du roi de Perse, Sapor II. Il fut le persécuteur de ses compatriotes, et leur fit toute sorte de mal. Battu à la bataille de Tzirav et tombé entre les mains du général arménien Sempad, celui-ci le fit périr en lui plaçant sur la tête une lame de fer rougie au feu et repliée en forme de couronne, par dérision des prétentions de l'apostat au trône d'Arménie. Moïse de Khoren, III, 29, 35, 39 et 54.
(39) Le général Anatolius qui fut alors envoyé en Arménie avait le titre de préfet du Prétoire d'Orient ; il fut ensuite nommé consul et patrice. Il fut un de ceux qui conclurent la paix avec le roi de Perse, Vahraran V (Behram Gour). Il paraît qu'il remplit un rôle assez important dans l'État, puisqu'il existe une loi qui lui fut adressée par Théodose II, sous la date du 2 des calendes de juillet (30 juin) 443. Cf. Tillemont, Histoire des Empereurs, t. VI, pp. 45-102.
(40) C'est le bras oriental de l'Euphrate, qui en se grossissant de divers affluents va, dans la direction du sud-ouest, se joindre à l'Euphrate méridional (Arsanias, Aradzani), auprès de Khozan, ville et district de la Quatrième Arménie.
(41) Sur les ruines et l'état actuel de Théodosiopolis, V. le P. Léonce Alischan, Topographie de la Grande Arménie § 44. Cette ville à laquelle le général romain Anatolius donna le nom de Théodose II, portait anciennement, chez les Arméniens, celui de Garin, et ensuite au Xe siècle, elle reçut la dénomination arabe d'Arzen-Erroum ou Arzen des Romains pour la distinguer d'une autre ville homonyme. C'est la moderne Erzeroum, capitale du pachalik de ce nom.
Cf. Luc Indjidji, Arménie ancienne p. 27-34, où ce savant religieux a réuni chronologiquement tous les passages des écrivains arméniens relatifs à l'histoire de Garin-Théodosiopolis ; et Saint Martin, Mémoires hist. et géogr. sur l'Arménie, T. I, p. 66-68.
(42) Saint Basile le Grand, archevêque de Césarée, l'un des plus illustres docteurs de l'Eglise grecque, et auteur de la règle monastique adoptée et encore suivie par tous les couvents de l'Orient. Comme sa mort est fixée à 379, il faut faire remonter de deux ou trois ans l'avènement synchronique de Bab, roi d'Arménie, que Tchamitch (Hist. d'Arménie, T. III, tables, p. 106) a retardée jusqu'en 381.
(43) Le patriarche Schahag occupa le siège quatre ans, suivant Moïse de Khoren, III, 39 ; Tchamitch (Tables p. 109) indique 2 ou 3 ans. Il appartenait sans aucun doute par sa naissance et son éducation au clergé syrien, dans les rangs desquels les rois sassanides de Perse allaient chercher leurs candidats aux fonctions de chefs de l'église arménienne, pour les opposer aux descendants directs de saint Grégoire l'Illuminateur qui était de race arsacide.
(44) Acogh'ig attribue à Zavên quatre ans de pontificat. Tchamitch varie entre les chiffres, 1, 2 ou 4 ans. En général, la chronologie des premiers catholicos ou patriarches d'Arménie est très incertaine, et par suite de la divergence des chiffres, impossible à rétablir aujourd'hui avec exactitude.
(45) Asbouraguès était, ainsi que ses deux prédécesseurs Schahag et Zavên étranger à la famille patriarcale de saint Grégoire l'Illuminateur, et par suite considéré avec eux comme illégitime. Il siégea 3 ans, 5 ans ou 7 ans.
(46) Nous savons que le roi d'Arménie Khosrov, troisième du nom se rattachait à la famille des Arsacides, mais d'une manière indirecte, et n'avait d'autre droit à la couronne que la faveur et la volonté du roi de Perse.
Le royaume fut alors divisé en deux parties, l'une occidentale, l'Arménie grecque qui échut à l'empereur Arcadius, et l'autre à l'Arménie orientale ou perse dont s'empara Behram Kirmân-Schah. (Moïse de Khoren, III, 1). Ce fut le commencement de la fin de la patrie arménienne. Le règne de Khosrov III fut de 3 ans (dans Tchamitch, 5 ans) : remplacé par son frère Vr'am Schabouh (Vahram Sapor) pendant 15 ans (Tchamitch, 21 ans), il remonta sur le trône, mais il ne s'y maintint que 8 mois.
(47) Nersès dit le Parthe (Parthev), et surnommé le Grand, parce qu'il s'illustra pendant son pontificat, comme coopérateur du roi Vahram Sapor dans la propagation des études religieuses et littéraires et l'organisation des écoles populaires, en Arménie. (Voir ci-après note 49.)
(48) V. pour la durée du règne de Vram Schabouh, ci-dessus note 46.
(49) Mesrob dit aussi Maschdots, le promoteur glorieux de la ré novation intellectuelle qui au Ve siècle dota l'Arménie d'un nouvel alphabet parfaitement adapté à l'idiome pour lequel il fut inventé, ou plutôt perfectionné, de la version des Livres saints faite sur les meilleurs exemplaires du texte des Septante, d'une littérature nationale, et qui fit entrer son pays dans le mouvement des doc trines du christianisme hellénique et le courant de la civilisation occidentale. Le nom de Mesrob est inséparable des noms du patriarche saint Sahagt et du roi Vram Schabouh, qui n'épargnèrent rien pour le seconder dans ses infatigables et patriotiques travaux. V. Moïse de Khoren III, 49, 52, 57, 59, 61, 65 et 67.
(50) Le village de Hatségats, ou Hatsig, Hats et Khats faisait partie du district de Daron, au nord ouest du lac de Van.
(51) Acogh'ig nomme plus loin p. 108 les deux principaux disciples de saint Mesrob, le prêtre Joseph de Bagh'in et l'évêque Eznig de Gogh'p, auteur d'un ouvrage classique dans la littérature arménienne et des plus curieux, la Réfutation des sectes hétérodoxes, les plus répandues de son temps. Cet ouvrage, plusieurs fois réimprimé à Constantinople et à Venise, a été traduit en français ou plutôt défiguré par Levaillant de Plorival.
On peut voir dans la Monographie de Gorioun (Langlois, Collée, des histor. anc. et modernes de l'Arménie, T. II, p. 25), l'un des compagnons de Joseph et d'Eznig, la liste complète des nombreux disciples et collaborateurs de saint Mesrob.
(52) Daniel, évêque de la Mésopotamie, possédait un ancien alphabet arménien dont nous ne savons rien, sinon qu'il était calqué, pour la forme des lettres et leur disposition sur l'alphabet syrien. (Moïse de Khoren III, 2.) Il est probable que ce dernier alphabet, propagé par les prêtres syriens de l'ancienne école d'Edesse et plus tard par les Nestoriens, avait été, dans l'origine appliqué à la langue arménienne comme il le fut au zend et ensuite à l'Ouïgour. Mais dans l'Arménie occidentale, qui relevait de l'empire byzantin, ce sont les caractères grecs qui avaient prévalu.
(53) Suivant les calculs d'Acogh'ig, la 6e année du roi Vram Schabouh, roi d'Arménie, correspond à la première année de Vahram Kirmân-Schah, roi de Perse. Celui-ci étant monté sur le trône en 396 (Agathias, IV, 24), nous avons par conséquent 390 de l'ère chrétienne pour la date de l'avènement du souverain arménien. Tchamitch, (t. III, tables, p. 106) le place en 392.
(54) Gorioun, Biographie du saint docteur Mesrob, publiée en arménien par les RR. PP. Mékhitharistes de saint Lazare, Venise, 1838 et 1854, traduite en français par M. Emin de Moscou et insérée dans le Tome II de la Collection des historiens arméniens de V. Langlois, pp. 9-16. On y lit les détails les plus circonstanciés, sur l'invention de l'alphabet arménien de saint Mesrob, et les travaux de ce savant docteur, dont Gorioun était l'élève.
(55) L'historien Lazare de Ph'arbe est aussi très explicite (pp. 24-33 éd. de Venise in-12,1793) sur les travaux littéraires et apostoliques de saint Mesrob, sur les établissements d'instruction publique et les écoles d'interprètes qu'il fonda, sur la version des Livres saints exécutée sous sa direction.
(56) Des trois alphabets arméniens, géorgien et agh'ouan que mit en usage saint Mesrob, le dernier des trois s'est perdu et ne nous est pas connu. Celui que prétendit avoir découvert le savant et respecté P. Bore (Lettres et correspondance d'un voyageur en Orient) n'est qu'une suite de caractères de fantaisie, parmi lesquels on en remarque quelques-uns qui sont réellement arméniens, mais de la forme appelée nâdrakir, « écriture de notaire ou de chancellerie, » dont l'invention ou du moins l'usage ne date au plus tôt que de la fin du XVIe siècle. La mission de saint Mesrob chez les Géorgiens et les Agh'ouans est racontée par Moise de Khoren, III, 34.
(57) Le second règne de Khosrov III fut de 8 mois, suivant Tchamitch qui fixe pour cette restauration la date de 414. (T. III, tables, p. 106). Notre auteur dit un an seulement.
(58) Au sujet des deux principaux disciples ou collaborateurs de saint Mesrob Joseph de Bagh’ïn et Eznig de Gogh'p. v. ci-dessus la note 51.
(59) Le Prêtre Léonce, l'un des plus savants disciples de Mesrob, souffrit le martyre avec le patriarche Joseph et autres saints prêtres par ordre de Ten-Schabouh, général de l'armée perse en Armé nie. Les deux historiens Elisée et Lazare de Ph'arbe rapportent d'une façon très émouvante l'interrogatoire et le supplice que subirent ces intrépides confesseurs. —Voir V. Langlois, Collection, t. II, pp. 202-242 et 266-320. Tchamitch, t. II, pp. 99, 104-112 et Annotât, du 3e Livre, t. II, pp. 465-468.
(60) Saintes Hripsimê, Gaianê et leurs compagnes dont il a été déjà question, ci-dessus, note 6. — Deux églises consacrées chacune sous l'invocation de l'une de ces saintes s'élèvent à côté et au nord de la cathédrale d'Edchmiadzin, d'où le nom de Le tre Chicse donne à ce lieu et mentionné par le florentin Balducci Pegolotti (XIVe siècle), dans sa Prallica della mercatura, et en turc, Utch Kilissé.
(61) Ce furent les dénonciations envenimées et incessantes des satrapes arméniens contre leur roi Ardaschès ou Ardaschir et le patriarche saint Sahag, auprès du roi de Perse Vahram Kirman-Schah, qui irritèrent ce prince et le déterminèrent à donner l'ordre à Ardaschès et à saint Sahag de se rendre à sa cour (Porte royale), afin de se justifier et répondre à leurs accusateurs. Vahram, peu satisfait à ce qu'il paraît de leurs réponses, fit renfermer le roi d'Arménie dans la prison d'Etat du Khoujasdan (Khouzistan), la Forteresse de l'Oubli, et dépouilla le patriarche de son autorité et de ses biens. Plus tard il rendit à ce dernier sa liberté et le renvoya en Arménie, mais en lui adjoignant un assesseur, le syrien Samuel, qui avait la haute main sur toutes les affaires de l'Eglise et de l'Etat.
(62) Khoujasdan, le pays des Khouj. Le mot khouj, signifie en arménien barbare, sauvage et Khonjatouj, une tourbe confuse de nations nomades et barbares. Le Koujardan est situé dans le Sud-ouest de la Perse, le Khouzistan actuel.
(63) Moïse de Khoren nomme ce personnage qui était syrien Per-kischo ou Barhischo ; mais la véritable leçon est celle que nous fournit Acogh'ig Abd-Ischo, « Serviteur de Jésus ». On voit par cette nomination d'un étranger, la persistance de la cour de Ctésiphon à imposer aux Arméniens des patriarches d'une nationalité et d'une communion religieuse qui n'étaient pas la leur.
(64) Voir Moïse de Khoren, III, 68. Ce chapitre en forme d'élégie sur les malheurs de l'Arménie, privée à la fois de la famille royale des Arsacides, et de la famille sacerdotale, issue de la même race par saint Grégoire l'Illuminateur, termine la grande composition du Père et du plus illustre des lettrés arméniens, K'erthoghaliair, au moins telle que nous la possédons aujourd'hui.
(65) La princesse Tekhdig ou Tesdrig (petite fille, fillette) en épousant Vartan le Grand, le héros de la résistance nationale contre Yazguerd II, roi de Perse, était devenue ainsi par alliance princesse de la puissante et noble famille des Mamigoniens.
(66) Le district de Kagh'akou' Taschd (Plaine de la ville) renfermait, comme son nom l'indique, la ville de Valarsabad, et était compris dans la province d'Ararad.
(67) La 24e année de Théodose le jeune est 431, ce qui nous donne, pour le commencement de la dynastie des Arsacides d'Arménie, l'an 128 av. J. C. Ce calcul est trop court de sept ans au moins, car Ptolémée Evergète II, roi d'Egypte, étant monté sur le trône le 28 septembre 146 (Clinton, Fasti hellenici, T. III, 2e édit.), sa douzième année correspond à 135. Tchamitch, Hist. d'Arménie, T. III, tables p. 106 et Saint Martin d'après lui (Mém. histor. et géogr., t. I, p. 410) ont placé l'avènement de Valarsace, le fondateur de la dynastie des arsacides arméniens, à l'an 149 av. J. C. Mais cette détermination est purement approximative et en la fixant au milieu du second siècle avant notre ère, c'est le calcul le plus vraisemblable qu'il soit possible d'obtenir par la combinaison des circonstances historiques sur lesquelles on l'appuie.
[1] Les listes de rois et souverains me paraissent sans intérêt à notre époque, elles ont été omises.