LIVRE I, Chapitre 5
PUBLICATIONS DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
HISTOIRE UNIVERSELLE
PAR
ETIENNE AÇOGH'IG DE DARON
Traduite de l'arménien, et annotée
PAR'
E. DULAURIER
MEMBRE DE L'INSTITUT
PROFESSEUR A I.'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
PREMIERE PARTIE
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
A l'école des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
1883
Chapitre Ier. — Les Historiens des nations étrangères (2) et préface.
Chapitre II. — Les Ptolémées (3), souverains de l'Egypte.
Chapitre III. — Chefs des Hébreux de Tordre sacerdotal, qui gouvernèrent le peuple, après le retour de la captivité.
Chapitre IV. — Rois des Assyriens, des Mèdes (4) et des Perses.
Chapitre V. — Rois arsacides (5) d'Arménie.
Nous allons maintenant remonter le cours de notre récit. Ainsi que nous l'avons dit précédemment, la soixantième année après la mort d'Alexandre (2), Arsace le Brave régna sur les Parthes dans la ville de Bahl Aravadin, au pays des Kouschans. Il eut pour successeur Ardaschès (3), qui régna 31 ans, et qui fut remplacé à son tour par Arsace, son fils, surnommé le Grand. Celui-ci étendit sa domination sur la partie du monde comptée pour la troisième dans la division qu'indique le quatrième livre des histoires positives (4) d'Hérodote, lequel partage la terre en trois parties, et appelle l'une Europe, l'autre Libye et la troisième Asie, celle qu'Arsace tint sous son pouvoir.
Vers cette époque Arsace établit son frère Valarsace (5) roi de notre pays, en lui assignant pour limites le nord et l'occident. Une fois sur le trône, Valarsace rassemble une armée considérable d'Arméniens, auprès de la ville d'Armavir (6) et se dirigeant vers les confins de la Chaldée Pontique (Khagh'dik'), vient attaquer Morphylig (7), qui régnait en tyran sur les pays de Majak (8) et du Pont. Les deux adversaires se rencontrèrent auprès de la roche élevée et aiguë qui est la colline de Colonia (9). Morphylig, succomba sous les coups des braves Arméniens des deux familles de Sénékhérim (Sennachérib) (10) et de Haïg (11). Son armée ayant pris la fuite, le pays reconnut l'autorité de Valarsace, et toute agression se cas de la part des Macédoniens.
Le roi s'étant rendu à Nisibe (Medzpin) (12), y construisit un palais, pour en faire sa résidence. Voulant honorer un des Juifs attachés [à son service], appelé Pakarad (13), il éleva sa maison au rang des familles princières et le nomma thakatir (14) du Roi et asbed (15), en lui accordant en même temps le droit de paraître à la cour avec un diadème orné de trois rangs de petites perles, mais sans or ni pierreries.
Comme officiers chargés de lui mettre les gants, il établit les descendants de la race des Chananéens et de K'ananitès (16), lesquels au temps de Josué, s'étaient enfuis du pays de Chanaan en Arménie. Il donna à cette famille le nom de Kenthouni.
Ses gardes du corps, équipés militairement furent tirés de la race de Khor', issue de Haïg, et dont le chef était alors un certain Magh'khaz (17), homme éminent, robuste et courageux. Il conserva à cette famille son nom primitif de Khor'.
L'intendance des chasses royales fut confiée par lui à Tad, de la famille de Kar'nig, originaire de Kégham (18) et dont le fils Varaj, donna son nom à cette famille, qui s'appela Varajnounik'.
Kapagh' eut l'administration des vivres, Abel fut nommé majordome et chargé des sièges de la cour (19). Il leur accorda des villages qui prirent leur nom et constituèrent les satrapies Abélian et Kapégh'ian.
Les Ardzrounis (20) reçurent le droit de faire porter les aigles devant eux.
Les Knounis obtinrent la charge d'échansons du roi.
Ces deux dernières familles étaient de la race de Sénék'érim.
Les Sbantounis furent préposés aux sacrifices ; les Havounis à la fauconnerie ; les Tziounagans (21) eurent la garde des palais d'été et l'office de présenter les boissons glacées.
Il institua gouverneurs des contrées orientales, chacun à la tête de dix mille hommes, deux chefs des familles Sissagan (22) et de Gatmos (23). Les contrées du nord-est, sur les confins du fleuve Cyrus (Gour), qui traverse la grande plaine (24), furent placées sous le commandement d'Ar'an. De Sissag descend la famille qui possédait la plaine des Agh'ouans (25) et les parties montagneuses de cette région, depuis le fleuve Araxe (Eraskh) jusqu'à la forteresse de Hounaraguerd (26). Le pays reçut le nom du chef de cette race et fut appelé Agh'ouank'. Ce chef se nommait Agh'ou (miel) à cause de la douceur de son caractère. Cet Ar'an, l'un de ses descendants, célèbre par sa bravoure, fut créé par Valarsace gouverneur [de la province], et commandant de dix mille hommes. De sa lignée proviennent les races Oudêatsi, Karmanatsi, Dzotêatsi et Karkaratsi (27).
Kouschara, qui descendait des fils de Schara (28), obtint le Mont Ténébreux, qui est Gankark' (29), et la moitié du district de Dchavakhs (30), Gogh'p (31), Dzoph' (32), et Tzor (33), jusqu'à la forteresse de Hounaraguerd. La seigneurie d'Achots (34) et de Daschir (35) fut accordée à un des fils de Kouschara, de la race de Haig.
La préfecture des contrées septentrionales, en face du Caucase, fut le partage de cette grande et puissante famille, à laquelle [Valarsace] rattacha le titre de ptiaschkh (36) des Koukaratsis (37); elle remontait par son origine à un des satrapes de Darius, Mihrtad (Mithridate), qui avait été laissé [dans ce pays] pour gouverner les captifs que Nabuchodonosor avait enlevés à la nation ibérienne (38). Nabuchodonosor, plus fort qu'Hercule, ayant entrepris une expédition depuis la Libye jusqu'à l'Ibérie, s'était rendu maître d'une partie de ces contrées et avait transporté et établi ses captifs au côté droit de la mer du Pont (39). de l'Ibérie, il passa jusqu'aux limites extrême de l'Occident.
La grande vallée de Passen (40) fut assignée pour apanage à la famille Ortouni (41), qui comptait Haïg, comme ancêtre.
Dourk', qui, à cause de sa laideur, était surnommé Ankégh'ia (laid), et descendait de Bask'am (42), petit-fils de Haïg, fut créé gouverneur de l'Occident, et, par allusion à la difformité de son visage, sa race reçut le nom d'Ankegh'. Les chants populaires racontent qu'il avait la force de cent vingt éléphants, qu'il empoignait des roches et les lançait comme il voulait, et qu'il traçait avec l'ongle [sur la surface de ces pierres] des figures d'aigles ou autres. Des navires ennemis s'étant rencontrés sur les bords de la mer du Pont, il leur lança des roches grosses comme des collines, et les flots, entr’ouverts par la chute de ses masses, engloutirent nombre de ces navires, tandis que les autres étaient repoussés à plusieurs milles de distance par les flots soulevés. Quoique ces faits soient fabuleux, il n'en est pas moins vrai que cet homme était digne de servir de thème aux récits populaires (43).
Scharaschan (44), de la famille de Sanassar, fut institué grand ptiaschkh et gouverneur des contrées du sud-est, vers les confins de l'Assyrie, sur les bords du Tigre, et obtint le district d'Arzen (45), le territoire environnant, ainsi que le mont Taurus, qui est Sim (46).
Un homme du même district, chef d'une bande nombreuse de brigands, fut fait satrape des Mogatsis (47). Les Gortouatsis (48), les Antzévatsis (49) et les Aguèatsis (50), dans le même pays, furent aussi érigés en satrapies. Quant aux Reschdounis (51) et à ceux de Kogh'then (52), j'ai trouvé dans un récit qu'ils étaient vraiment une branche de la famille Sissagan.
Après toutes ces dispositions, Valarsace bâtit, à Armavir, un temple-ou il érigea des statues au soleil et à la lune.
Ayant sollicité avec les plus vives instances l'un des Juifs, descendants de Schampath, nommé Pakarad, qui était thakahir et asbed, d'abandonner le judaïsme et d'adorer les idoles, et celui-ci s'y étant refusé, il lui laissa sa liberté de conscience.
Il créa deux officiers chargés de lui rappeler par écrit, l'un, le bien à faire, l'autre, les punitions à infliger. Au premier, il prescrivit de remontrer au souverain irrité, la justice et la clémence.
Il établit pour loi que le roi n'aurait auprès de lui qu'un de ses fils, l'héritier-du trône, et que les autres seraient envoyés [dans le district de] Haschdiank' (53). Cette loi, il l'appliqua à sa famille, conservant seulement auprès de lui Arsace [son fils aîné] avec Ardaschès, son petit-fils, et fit partir les autres pour Haschdiank'.
Valarsace mourut à Nisibe (Medzpin), après un règne de vingt-deux ans. Son fils Arsace (54) lui succéda sur le trône de l'Arménie, qu'il occupa treize ans.
Ayant porté la guerre contre les habitants du Pont, laissa sur les bords de la grande mer (55), en signe commémoratif de cette expédition, une lance à la pointe arrondie, qu'il avait trempée, dit-on, dans le sang des serpents et autres reptiles. Debout sur ses pieds, il la fit pénétrer profondément et la fixa dans une colonne faite d'un gros bloc de pierre, qu'il érigea sur le rivage de la mer. Cette colonne fut vénérée par les habitants du Pont comme une œuvre des dieux.
Dans une autre expédition d'Ardaschès contre ces peuples, ils précipitèrent cette colonne dans les flots.
Parmi les fils de Pakarad, persécutés par Arsace pour les forcer à adorer les idoles, deux périrent par le glaive. Cette mort courageuse fit d'eux les émules des Ananias et des Eléazar (56).
Ardaschès succéda à son père Arsace, la vingt-quatrième année d'Arschagan, roi de Perse. Par la puissance qu'il acquit, il échangea le second rang contre la préséance; il revendiqua le droit particulier de battre monnaie, et y fit imprimer son effigie (57). Il ordonna de lever des troupes en si grand nombre qu'il n'en savait pas même le compte. Alors il ordonna que, dans tous les défilés, dans les descentes et les haltes, chaque homme déposerait une pierre, dont on formerait des tas, pour indiquer le chiffre des soldats. Il dirigea ses armes vers l'Occident et fit prisonnier Crésus, roi de Lydie (58). Ayant conquis les contrées situées entre les deux mers (59), il couvrit l'océan (60) de ses vaisseaux, se proposant d'asservir tout l'Occident; mais ses troupes, excitées par je ne sais quel esprit de discorde, s'exterminèrent mutuellement, et Ardaschès, forcé de prendre la fuite, périt, comme on le rapporte, de la main de ses propres soldats. Il avait régné 27 ans.
Ayant pris, dans l'Hellade, les statues de Jupiter, d'Artémis d'Athènê, de Hephaestos et d'Aphrodite, (61) il les fit transporter en Arménie. Ceux qui étaient chargés de cette mission n'avaient pas encore pénétré dans l'intérieur de notre pays, qu'apprenant la triste nouvelle de la mort d'Ardaschès, ils coururent se réfugier dans la forteresse d'Ani (62).
A Ardaschès Ier succéda son fils Tigrane (Dikran) (63), la dix-neuvième année d'Arschagan, roi de Perse. Il marcha contre les troupes grecques, qui, après la mort d'Ardaschès, son père, et après la dispersion de son armée, s'avançaient sur ses traces pour envahir notre pays. Les ayant atteintes, il les força de reculer jusqu'aux extrêmes frontières. Après quoi, il remet au mari de sa sœur, Mithridate (64), la ville de Majak et le gouvernement de l'Asie-Mineure ; et lui-même, ayant réuni autour de lui des forces imposantes, il reprend le chemin de ses Etats, descend vers la Mésopotamie, et jusque dans la Palestine, y fait nombre de Juifs prisonniers, et rentre chez lui.
A cette époque, Pompée, général des Romains (65), arrive avec une armée considérable dans l'Asie-Mineure. N'ayant pas rencontré Tigrane, il attaque Mithridate et le force de s'enfuir dans le Pont; ensuite, ayant pris Majak et fait captif le jeune Mithridate, fils de Mithridate, il se hâte de passer en Judée.
Cependant le roi d'Arménie, Tigrane, apprenant ces événements, va en Syrie, pour s'opposer aux Romains. Leur chef, Gabinius accourt à sa rencontre, car Pompée était alors retourné à Rome. Gabinius, impuissant contre Tigrane, traite avec lui en secret de la paix et lui livre comme otage Mithridate, fils de sa sœur. Les Romains, ayant conçu des soupçons contre Gabinius, le remplacèrent par Crassus. Celui-ci, arrivé à Jérusalem, met la main sur tout ce qu'il peut trouver de trésors dans le Temple; puis, s'avançant contre Tigrane, il franchit l'Euphrate; mais il est exterminé avec toute son armée par ce prince, qui reste le maître des trésors de son ennemi, et rentre en Arménie (66).
Dans ce moment le jeune Mithridate, se révoltant contre Tigrane, frère de sa mère, va trouver César, qui lui donne le commandement de la ville de Pergame (67).
Ce prince rebâtit Majak sur un plan plus vaste, l'orne d'édifices magnifiques, et donne à cette ville le nom de Césarée, en l'honneur de César. Depuis ce moment, elle cessa d'appartenir aux Arméniens.
Tigrane, ayant obtenu d'Ardaschès, roi de Perse, un secours de troupes, qu'il réunit aux Arméniens, en confie le commandement à Bar-Tzaph'ran, chef de la famille des Reschdounis (68), et les envoie contre Jérusalem. Bar-Tzaph'ran, s'étant mis en campagne, vient se saisir d'Hyrcan, grand-prêtre des Juifs. Etant entré dans Jérusalem, il enlève les trésors d'Hyrcan, qui se montaient à plus de trois cents talents. Après avoir fait captifs les habitants de Samarie (69), il établit pour roi Antigone, emmenant Hyrcan chargé de chaînes ; celui-ci fut conduit vers Tigrane, avec les autres captifs, auxquels on assigna pour résidence la ville de Sémiramis (Van) (70). Tigrane ne survécut que deux ans (71) à cette expédition, et mourut après en avoir régné trente-trois.
Cependant Antoine, arrivé avec toutes les troupes romaines à Samosate (Schamschad), apprend la mort de Tigrane, et, s'étant emparé de cette ville, retourne en Egypte. Après avoir fait mettre à mort Antigone, il nomme Hérode, roi de toute la Judée et de la Galilée.
La couronne d'Arménie passa au fils de Tigrane, Ardavazt (Artabaze) qui donna en apanage à ses sœurs et à ses frères le district d'Agh'iovid et d'Ar'pérani (72); d'après l'usage suivi par les autres Arsacides, pour le district de Haschdiank' et de Tzor. Ardavazt ayant convoqué les dix mille hommes de la province d'Aderbadagan (73), et appelé à lui les montagnards du Caucase, ainsi que les Agh'ouans et les Géorgiens (Virs), vient camper dans la Mésopotamie, et en chasse les Romains. Antoine, rugissant comme un lion, accourt avec le gros de son armée à la rencontre d'Ardavazt, et, ayant traversé la Mésopotamie, il fait un horrible carnage de l'armée arménienne, et s'empare de la personne du roi. De retour en Egypte, il offre ce prince en cadeau, avec quantité de trésors, à Cléopâtre.
La vingtième année après la mort d'Ardaschès, les Arméniens eurent pour souverain Arscham, fils d'Ardaschès et frère de Tigrane. Arscham fut le père d'Abgar.
Cette même année, mourut le roi de Perse, Ardaschès, qui eut pour successeur Arschavir (74), encore en bas âge.
Comme Arscham n'avait de secours à espérer de nulle part, il traite de la paix avec les Romains, et consent à devenir leur tributaire pour la Mésopotamie et la contrée de Césarée. Ce fut ainsi que les Arméniens commencèrent à payer tribut pour une partie de leur pays aux Romains.
Hérode, après avoir accompli maintes actions de bravoure, entreprend de se signaler par des œuvres de bonne administration et d'utilité publique; il dote d'édifices une multitude de villes, depuis Rome jusqu'à Damas. Ayant demandé à Arscham de lui fournir une multitude de simples ouvriers, et celui-ci lui ayant opposé un refus, il marche contre lui. Sur ces entrefaites, Arscham envoie des ambassadeurs à César [Auguste] pour le prier de l'affranchir de la dépendance d'Hérode. Mais l'empereur, ayant décidé que non-seulement Arscham, mais encore toute l'Asie Mineure seraient sous la domination d'Hérode, Arscham se soumet de bonne grâce à cet ordre, et envoie à Hérode tous les ouvriers qu'il réclamait. Celui-ci les employa à couvrir les voies publiques d'Antioche, sur une longueur de 20 vedavans (75), d'un pavage en dalles de marbre blanc. Arscham, après un règne de vingt ans, meurt laissant la couronne à son fils Abgar, la vingt-cinquième année d*Arschavir, roi de Perse (76).
Dans la troisième année d'Abgar, l'Arménie entière devint tributaire des Romains (77).
L'empereur Auguste, ayant ordonné un dénombrement général, ainsi qu'il est dit dans l'Evangile de saint Luc, [chap. 2] envoya en Arménie des officiers qui placèrent en tous lieux son image.
A cette époque naquit notre Sauveur Jésus-Christ, fils de Dieu, lui qui est béni à jamais. Amen.
En même temps, Hérode donne l'ordre de placer son image à côté de celle de l'empereur, dans les temples de l'Arménie. Sur le refus d'Abgar, Hérode dirige contre lui une armée, sous le commandement du fils de sa sœur (78). Ces troupes, parvenues dans la Mésopotamie, en viennent aux mains avec celles d'Abgar, dans le district militaire de Pouknan (79). Le neveu d'Hérode est tué dans l'action, et les siens sont dispersés. Dans l'intervalle, Hérode meurt (80) et son fils Archélaüs est créé, par Auguste, ethnarque de la Judée. Auguste lui-même termine bientôt après sa carrière, et Tibère lui succède (81).
A cette époque, Abgar bâtit une ville destinée à servir de cantonnement à l'armée arménienne, dans un lieu qui fut anciennement un poste d'observation sur l'Euphrate, contre Cassius, et que l'on appelle Edesse. De Nisibe (Medzpin), il y transporte sa cour, ainsi que ses idoles (82) et les livres de l'Ecole des Temples.
A la suite de ces événements Arschavir, roi de Perse, meurt laissant la couronne à son fils Ardaschès (83). Abgar y étant allé dans l'Orient, y rétablit la paix, troublée par les dissensions survenues entre Ardaschès qui voulait assurer sa couronne à ses descendants directs et entre ses frères Garên et Sourên, ainsi que leur sœur Goschm, qui s'opposaient à ses prétentions. Ardaschès les tenait assiégés et l'armée perse était partagée entre ces différentes rivalités. Abgar établit un rapprochement dans cette famille divisée. Il décida qu'Ardaschès régnerait et pourrait transmettre la couronne à ses enfants et que ses frères appelés Bahlav, du nom de leur ville originaire et de leur grand et très-fertile pays, tiendraient le premier rang parmi les satrapes de la Perse, comme véritablement princes du sang royal. En vertu d'un pacte scellé par un serment, il stipule que, dans le cas où Ardaschès perdrait ses fils, les princes collatéraux hériteraient du trône. En-dehors des lignées issues de la famille régnante, il les constitua en trois branches distinctes, chacune sous une dénomination particulière, les Garéni-Bahlav, les Souréni-Bahlav, et leur sœur Asbabedi-Bahlav, d'après les fonctions (84) que remplissait son mari dans le royaume. Elle était, en effet, l'épouse du général en chef des Ariens. On dit que saint Grégoire (85) appartenait à la branche Sourénian-Bahlav, et les Gamsaragans (86) à la branche Garénian-Bahlav. De retour de son voyage en Orient et rentré dans sa ville d'Edesse, Abgar se ligua avec [Aréthas], roi de Pétra, auquel il fournit un contingent de troupes ; car Aréthas était en guerre avec Hérode (87), à cause de l'injure que celui-ci avait faite à sa fille [en la répudiant]. Les troupes d'Hérode éprouvèrent un rude échec, grâce à l'intervention des braves Arméniens. La justice divine semblait vouloir venger ainsi le meurtre de saint Jean-Baptiste.
A cette époque, l'empereur confia à Marinus, fils d'Eustorgius (88), le gouvernement de la Phénicie, de la Palestine, de la Syrie et de la Mésopotamie. Abgar envoya dans la ville de Beth-Koupin (Eleuthéropolis) (89), deux de ses principaux officiers, Mar-Ihap, ptiaschkh d'Agh'edznik' (90) et Schamschakram (91), chef de la satrapie d'Abahounik' (92), avec Anan, l'un de ses courtisans, pour faire connaître à Marinus, les motifs du voyage du roi en Orient, entrepris pour rétablir la paix entre Ardaschès et ses frères. Ces messagers rencontrèrent à Eleuthéropolis le chef romain, qui les reçut très honorablement et les chargea de dire à Abgar de n'avoir aucune appréhension à ce sujet du côté de l'empereur. De là, les députés se rendirent à Jérusalem, afin d'y voir Notre-Seigneur Jésus-Christ, attirés par le bruit des miracles qu'il opérait. En ayant été eux-mêmes témoins oculaires, ils en firent le récit à Abgar, qui crut que c'était bien réellement le fils de Dieu. Il lui adressa une lettre, dans laquelle il le suppliait de venir le guérir de douleurs rebelles à la science humaine. C'est là un fait attesté par ces paroles de l'Evangile : « Il y avait des païens qui vinrent à lui. » (S. Jean, Evang., xii, 20). Le Sauveur ordonna à l'apôtre Thomas de faire une réponse au roi, réponse qui fut remise à Abgar par Anan, son courrier (93), avec le portrait du Sauveur, peint d'après nature. Ce portrait fut conservé à Our'ha (94) ville des Edesséniens jusqu'au temps de l'empereur grec Nicéphore, qui le fit apporter à Constantinople par le métropolite Abraham (95).
Après l'ascension de notre Sauveur, Thaddée, l'un des soixante-douze disciples, alla, par ordre de l'apôtre Thomas, vers Abgar et lui rendit la santé. Ce prince crut alors au Dieu vivant, lui et toute sa cité d'Edesse. Il mourut après un règne de trente-huit ans.
Ananoun, son fils, qui lui succéda à Edesse, fit mettre à mort Atté, que l'apôtre avait établi pour son remplaçant dans cette ville. On lui coupa les deux pieds, pendant qu'il était assis dans la chaire où il enseignait. L'apôtre Thaddée qui était passé chez Sanadroug (96), fut martyrisé par l'ordre de ce prince, dans le district d'Ardaz (97). L'Arménie échut aussi, pour être évangélisée, à l'apôtre Thomas et à Barthélémy, qui souffrit le martyre chez nous, dans la ville d'Arabiôn(98). Le meurtre d'Atté, commis par le fils d'Abgar, ne resta pas impuni. La chute d'une colonne de marbre lui brisa les pieds et le tua. Aussitôt Sanadroug, fils de la sœur d'Abgar, qui déjà régnait sur la [Grande-]Arménie, vint fixer le siège de sa puissance à Edesse. La ville de Nisibe (Medzpin) ayant été ruinée par un tremblement de terre, il acheva de la démolir et la rebâtit plus magnifique qu'auparavant et l'entoura d'un double rempart. Monté sur le trône, la douzième année d'Ardaschès, roi de Perse, il vécut encore trente ans; il mourut à la chasse, atteint d'une flèche lancée par une main inconnue, et qui lui perça les entrailles. Il expia ainsi les tourments qu'il avait fait souffrir à [Santoukhd] sa sainte fille.
Après la mort de Sanadroug, les Arméniens eurent pour roi Erouant [II] (99), la septième année de Darius, le dernier du nom, roi de Perse (100). Erouant fit périr tous les fils de Sanadroug, à l'exception d'Ardaschès, jeune enfant sauvé des mains des meurtriers par Sempad (101), son père nourricier et son gouverneur, qui le conduisit à la cour du roi de Perse, Darius, pour y être élevé. La défiance s'éveilla dans le cœur d'Erouant; il invoqua le secours des Romains, pensant qu'il n'avait rien à craindre de leur part, sous le gouvernement de Vespasien et de Titus, et leur abandonna la Mésopotamie, soustraite dès lors à la domination arménienne. Le tribut qu'Erouant payait aux Romains fut de beaucoup augmenté.
Les commissaires romains, ayant très-solidement fortifié la ville d'Edesse, en firent le dépôt de leurs trésors, y réunirent toutes les archives, et y établirent deux écoles, l'une pour le syriaque, l'autre pour le grec (102).
Sous le règne d'Erouant, la cour [d'Arménie] fut transportée d'Armavir, plus à l'ouest, sur une colline escarpée, autour de laquelle l'Araxe se partageant dans sa direction vers la rivière Akhourian (103), environne, comme d'un rempart, cette colline appelée aujourd'hui Erouantak'ar (la roche d'Erouant) (104). Le roi y transporta tout ce que renfermait Armavir, à l'exception des idoles. A quarante asbarez (105) environ de distance, vers le nord, il bâtit une petite ville qu'il nomma Pakaran (106) où il les déposa, et institua grand-prêtre son frère Erouaz.
Comme Ardaschès était devenu grand, Sempad demanda au roi de Perse un corps de troupes pour l'aider à placer le jeune prince sur le trône d'Arménie. A cette nouvelle, Erouant rassembla autour de lui une armée composée d'Arméniens et de Géorgiens. Le combat fut livré dans le lieu dit Marats-Mark (la prairie des Mèdes), sur les bords de l’Akhourian, à une distance de 300 asbarez de la ville d'Erouant. Ce souverain, ayant été vaincu, se réfugia dans cette ville. Ardaschès et ses troupes l'y poursuivirent, et, l'ayant atteint, le tuèrent dans sa forteresse.
Ardaschès monta sur le trône la vingt-neuvième année de Darius, roi de Perse. Etant venu dans un lieu où l'Araxe et le Medzamor (107) confondent leurs cours, et ayant trouvé agréable la colline qui s'élève en ce lieu, il y fonda une ville qu'il appela de son nom Ardaschad (Artaxate) (108), pour la construction de laquelle les forêts de l'Araxe lui fournirent d'abondants matériaux. Tous les ornements que possédait la ville d'Erouant et que ce prince y avait fait venir d'Armavir et ceux dont lui-même était l'auteur, Ardaschès les transporta à Artaxate. Ensuite il ordonna de fixer les limites des villages et des campagnes, car il avait accru considérablement la population de l'Arménie, en y appelant quantité d'étrangers de diverses nations, qu'il établit sur les montagnes, dans les vallées et les plaines. Voici comment il marqua ces limites : il fit tailler des pierres quadrangulaires, creusées en forme de jattes et les fit enfoncer jusqu'à leur milieu dans la terre, en faisant saillir la partie quadrangulaire un peu au-dessus du sol. Ardaschir, fils de Sassan, jaloux d'un pareil travail, voulut l'imiter en Perse, et y attacher son nom, afin de faire oublier celui du souverain arménien.
On dit que, du temps d'Ardaschès, il ne resta aucun terrain inculte en Arménie, ni sur les montagnes, ni dans les plaines; tout le pays était peuplé. Sous son règne, furent réglés les cycles des semaines, des mois et des années (109). Les lacs intérieurs furent livrés à la navigation, des ponts construits, les instruments de pêche mis en usage. Jusqu'à lui, l'agriculture était partout négligée; les habitants, comme les peuplades septentrionales, se nourrissaient de chairs crues. Ardaschès mourut après un règne de 41 ans, et eut pour successeur son fils Ardavazt (Artabaze).
Au bout de quelques jours, ce prince ayant traversé le pont de la ville d'Artaxate, pour aller chasser les sangliers et les onagres, une hallucination lui troubla le cerveau. Entraîné au loin par son cheval, il tomba dans une excavation profonde, ou il disparut englouti.
Diran, autre fils d'Ardaschès, monta sur le trône, la troisième année de Bérose Ier, roi de Perse. Diran possédait deux chevaux, plus rapides que Pégase, infatigables à la course. On eût dit qu'ils n'effleuraient pas la terre, mais qu'ils volaient à travers les airs.
Comme il se rendait dans le district d'Eguégh'iats (110), il périt en route, surpris par une rafale de neige septentrionale, après un règne de vingt-un ans.
Il eut pour successeur son frère Tigrane (Dikran), le dernier du nom, la vingt-quatrième année de Bérose ; Tigrane régna quarante-deux ans, jusqu'à sa mort.
Après lui vint Vagharsch (Vologèse), son fils, qui monta sur le trône la trentième année de son homonyme Vagharsch, roi de Perse. Il bâtit un grand bourg, dans le district de Passen, là où l’Araxe et le Mourts (111) mêlent leurs eaux, et appela ce bourg de son nom, Valarsavan (Vagh'arschavan) (112). C'est dans ce lieu que sa mère lui avait donné le jour, tandis qu'elle se rendait à sa résidence d'hiver dans l'Ararad (113). Il entoura d'un rempart le bourg fortifié de Vartkès, (114) situé sur le fleuve K'asakh (115). Vartkès, qui était le mari de la sœur d'Erouant [premier du nom], vécut peu ; il descendait de Haïg. C'est lui qui avait construit ce bourg. Vagharsch l'entoura de murailles et de solides défenses, et lui donna le nom de Vagh'arschabad (Valarsabad) (116). On l'appelle aussi Ville-Nouvelle. Vagharsch mourut après un règne de vingt ans. Je puis vous affirmer que, par la bonne réputation qu'il laissa, il se survécut à lui-même beaucoup plus que tous les rois fainéants; car, sous son règne, les peuplades du nord, les Khazirs et les Passils (117) s'étant ligués pour faire une incursion par la porte de Djor (118), sous la conduite de leur roi Vnaseb Sourhab (119), franchirent, le fleuve Cyrus et fondirent de ce côté-ci. Vagharsch s'étant porté à leur rencontre, avec une masse de population et d'hommes de guerre, les poursuivit jusqu'au-delà du défilé de Djor. Là, les ennemis se ralliant, engagèrent un nouveau combat, dans lequel ils furent repoussés et mis en fuite par les braves Arméniens; mais Vagh'arsch périt percé par les traits d'habiles archers.
Après lui, régna Khosrov (Chosroès) son fils, la troisième année d'Artaban (Ardavan) roi de Perse. Khosrov, ayant aussitôt rassemblé les troupes arméniennes, franchit la grande montagne (le Caucase) pour tirer vengeance de la mort de son père. Ayant défait par l'épée et la lance ces vaillantes nations, il se fit remettre un homme sur cent d'entre les principaux, et, en signe de sa domination, il érigea une colonne portant une inscription grecque.
A cette époque, Ardaschir, fils de Sassan, tua Artaban, roi de Perse, et s'empara de la couronne. Khosrov, roi d'Arménie, instruit de cette usurpation, en donna avis à Philippe, empereur des Romains, en lui demandant du secours. Philippe lui donna un corps considérable de troupes, tirées de l'Egypte et du désert, jusqu'aux bords de la mer du Pont. A la tête de ces forces immenses, Khosrov s'avance contre Ardaschir, le bat, et le met en fuite ; il lui enlève l'Assyrie et les autres contrées de résidence royale (120). Alors Ardaschir se sauve loin de Khosrov, vers les confins de l'Inde. Abattu par ces revers, il prodigue les promesses à ses satrapes, pour s'assurer si l'un d'eux le délivrera de son adversaire, soit par le poison, soit par le glaive. Il s'engageait à donner pour prix de ce service de riches présents, et le second rang, immédiatement après lui, dans toute l'étendue du pays des Ariens. Anag, de la famille Sourénian-Bahlav, séduit par ces promesses, consent à immoler Khosrov, et feignant une rupture avec Ardaschir, s'enfuit vers le roi d'Arménie. Parvenu dans la plaine d'Ardaz, il lui arriva de prendre gîte non loin de la Porte (121) du saint apôtre Thaddée. Là, comme dans la partie réservée d'une tente (122), là, dit-on, la mère de notre grand et saint Illuminateur [Grégoire] le conçut dans son sein.
Après deux ans passés en Arménie et dans le cours de la troisième, Anag assassina Khosrov. Ce prince avait régné 48 ans. Dès lors Ardaschir put envahir sans obstacle notre pays. Ayant chassé les troupes grecques, il le saccagea et en pilla la plus grande partie, y imposa ses lois et fixa pour limites des fossés qu'il fit creuser.
Après la mort de Khosrov, Ardavazt (Artabaze), satrape de la race des Mantagounis (123), ayant pris avec lui Tiridate, fils du roi (124), se réfugia sur le territoire grec.
Une femme chrétienne, nommée Sophie, nourrice du jeune Grégoire, le sauva en l'emportant à Césarée de Cappadoce. Ce rejeton de la race Bahlav fut élevé dans cette ville et voué à la foi de Jésus-Christ.
Ardaschir, après le meurtre de Khosrov, domina sur l'Arménie vingt-six ans. Il mourut laissant l'empire de la Perse, à son fils Schabouh (Sapor) (85), nom qui signifie fils de roi (125).
Tiridate, élevé chez les Romains, donna maintes preuves de bravoure; ayant saisi de chaque main deux taureaux sauvages, par les cornes, il les leur arracha en les tordant violemment. Une autre fois, aux courses de chars du Grand-Cirque (126), il fut renversé par l'adresse de son rival et précipité à terre. Saisissant alors le char de celui-ci, il l'arrêta tout court à la grande admiration des spectateurs.
Tout ce que nous avons rapporté, à partir du règne d'Arsace le Brave jusqu'ici, est [extrait] du grand historien Moïse de Darôn (127), évêque de Pakrévant et d'Arscharounik' (128). La mort de Khosrov marque un point d'arrêt dans les annales de notre patrie.
Chapitre V. — (1) Ce cinquième chapitre est un abrégé, souvent textuel, des chapitres u à lxxiv inclusivement du livre second de l'Histoire d'Arménie de Moïse de Khoren.
(2) Nous avons déjà calculé cette date qui fixe le soulèvement des Parthes contre les Séleucides et l'avènement d'Arsace le Brave, dans l'intervalle de 256 à 250 av. J.-Ch. (Cf. n. 37 du chap. iv.)
(3) Ardaschès ou Artaxerxès, et dans Justin (xxi, 5) Tiridate, fils d'Arsace; son frère, suivant Arrien (Cf. Polybe, X, 28), qui raconte, ainsi que Justin, la guerre que ce prince soutint vaillamment contre le roi de Syrie, Antiochus, fils de Seleucus.
(4) Acogh'ig apprécie le caractère de l'ouvrage d'Hérodote au même point de vue et presque dans les mêmes termes que Moïse de Khoren, qui l'appelle iragan, mot arménien signifiant réel, positif, pris ici dans le sens de narration d'un genre purement historique, et d'où la fiction et la poésie sont exclues.
(5) L'avènement de Valarsace comme roi d'Arménie, sous la suzeraineté d'Arsace le Grand, roi de Perse, son frère aîné, est placé par Tchamitch (Hist. d'Arménie, t. III, tables, p. 106), à l'année 149 av. J.-Ch. ; par Saint-Martin (Fragm. d'une hist. des Arsacides), à 150 ou 149 (chap. iv, n. 55). Voir la discussion de cette date au livre II, chap. i, in fine.
(6) Armavir, la plus ancienne capitale du royaume d'Arménie, la ville sainte, bâtie sur une colline, au nord de l'Araxe, vers l'embouchure du K'assagh' dans ce fleuve; Armauria de Ptolémée (Geogr., V. 13). Elle fut fondée par le roi Armais, 2000 ans environ avant l'ère chrétienne, suivant la tradition que nous a conservée Moïse de Khoren (Hist. d'Arménie, I, 2). Cf. Luc Indjidjian, qui place cette ville dans la province d1 Ararad (Description de l'ancienne Arménie, Venise, 1822, in-4°, en arménien); le P. Léonce Alischan (Topographie de la Grande-Arménie, Venise, 1855, in-4°, en arménien), et Saint-Martin (Mémoires historiques et géographiques sur l'Arménie, Paris, 1819, 2 vol. in-8°, tome Ier, p. 123-124). Il ne reste même plus de ruines aujourd'hui de cette antique cité et son emplacement est inconnu.
(7) Morphylig (Morphylicès), roi de la Cappadoce et de tout le nord de l'Asie Mineure, lequel avait été établi par les Macédoniens à la suite des conquêtes d'Alexandre, et qui était alors l'allié ou le vassal des Séleucides.
(8) Majak est le nom indigène et primitif de Césarée de Cappadoce ainsi appelée en l'honneur de Tibère. Les écrivains grecs ont transcrit ce nom sous la forme Mazaca, remplaçant le j qui manque dans leur alphabet par le z ou sifflante douce qui en est l'équivalent atténué. Suivant la tradition, sa fondation remonterait à 2000 ans avant notre ère et serait due à un certain Meschag, gouverneur de la portion orientale de l'Asie-Mineure pour le roi d'Arménie (Moïse de Khoren, I, 13). Elle faisait partie de la province dite Première-Arménie. Aujourd'hui c'est Kaisarié, chef-lieu d'un sandjak turc.
(9) Colonia, ville forte, située sur la rive occidentale de l'Euphrate. Elle fut fondée par Pompée qui lui donna son nom. V. Procope, de Aedif. Just., III, 4. Au xe siècle, elle était la capitale d'un des thèmes ou divisions militaires de l'empire byzantin. V. Constantin Porphyrogénète, de Themat., lib. I, p. 32-33; et Saint-Martin, Mémoires, tome Ier, p. 187-190.
(10) Les deux fils de Sénékhérim ou Sennachérib, roi d'Assyrie, Adramélek et Sarassar, ayant tué leur père, comme nous l'apprend la Bible (III, Rois, xix ; Isaïe, xxxvii ; Tobie, i), cherchèrent un refuge auprès du roi d'Arménie, Barouïr, de la race des Haïciens. Ce prince les accueillit et leur donna le pays au sud de l'Arménie, sur les confins de l'Assyrie, dans la région montagneuse de Gortouk' ou des Kurdes. Ce pays prit, dans la suite, le nom de Sanassoun, et, dans la langue vulgaire, Sassoun. Adramélek eut pour apanage la partie qui contourne le lac de Van vers le sud-ouest. Ses descendants formèrent, dans la suite, les deux maisons satrapales des Knounis et des Ardrzounis. Cette dernière maison devint l'une des plus puissantes de l'Arménie ; au moyen âge, elle possédait le territoire qui s'étend au sud et à l'ouest du lac de Van, la vaste province de Vasbouragan.
(11) Haïg, le fondateur de la nationalité arménienne et le premier souverain du peuple qui se désigne lui-même sous le nom de Haï (Arménien). L'âge où vécut Haïg est fixé communément au xxiie ou xxive siècle av. J.-Ch. Sa légende, rapportée par Moïse de Khoren, d'après le vieil historien syrien Mar Abas Kadina, avec tous les embellissements épiques dont l'avaient accrue et ornée les anciens bardes populaires, nous montre en lui un chef de tribu, de race sémitique probablement, se dirigeant de Babylone vers le nord-est, pour aller s'établir sur le plateau arménien, au milieu des populations de race aryenne, fixées dans ces lieux longtemps auparavant et qu'il s'assujettit. Ses descendants soumis successivement aux rois d'Assyrie et aux souverains de la Perse, quelquefois, mais à de courts intervalles, indépendants, se maintinrent sous le nom de Haïtiens, jusqu'à Vahê, le dernier d'entre eux qui périt dans l'invasion des armées d'Alexandre le Grand. Mais les souvenirs de ces princes, disséminés sur un espace de dix-sept siècles et recueillis tardive ment, sont confus et inconsistants, et on n'y distingue que les grands traits qui marquent cette première période des annales de l'Arménie. Ce qu'il y a de certain, c'est la présence persistante sur le sol arménien de grandes familles reconnues comme tirant leur origine de Haïg. Ces familles trouvèrent place dans le nombre des maisons satrapales qu'institua Valarsace (Moïse de Khoren, II, 2 et 3). Elles se soutinrent avec plus ou moins de puissance et d'éclat encore beaucoup plus tard, puisque nous voyons dans le royaume de la Petite-Arménie, au temps des Croisades, la famille des princes Héthoumiens de Lampron se vanter d'avoir Haig pour ancêtre. Au point de vue de la critique moderne, ce chef de race, avec l'auréole de fictions dont la légende l'a entouré, doit être considéré comme la personnification symbolique de l'une des plus anciennes et des plus originales nationalités que l'Asie ait enfantées, plutôt que comme un être réel et historique.
(12) Les Arméniens ont conservé l'ancien nom de Nisibe, Medzpin. Les Syriens l'appellent Netzibin ; les Arabes, Nessibin ; elle reçut des Macédoniens le nom d'Antiochia Mygdoniae. Devenue la résidence des Arsacides d'Arménie, ils en firent, ainsi que d'Édesse, un poste d'observation et de défense contre les entreprises des Séleucides et ensuite des Romains.
Elle fut prise par Lucullus, qui y mit ses troupes en quartiers d'hiver après qu'il eut défait Tigrane II, roi d'Arménie, près du fleuve Arsanias, le 6 octobre 69 avant Jésus-Christ. Cette ville ne présente maintenant que des ruines, sur lesquelles s'élève un simple village. V. Plutarque, Lucullus, cap. xviii; Appien, Mithrid. bell., xlv; Memnon, apud Photium, p. 753, et Millier, Fragmenta historicorum Grsscorum, t. III, cap. lvi-lvii, p. 555-556.
(13) Pakarad, l'un des captifs juifs, que Nabuchodonosor, roi d'Assyrie avait transportés de Jérusalem et établis dans l'Arménie. Il a été la tige de l'illustre famille des Pakradounis ou Bagratides, dont les branches principales dominèrent au moyen âge, avec le titre de rois, à Ani et à Kars, dans la Grande-Arménie; à Lorê, dans l'Albanie arménienne (les Goriguians) et en Géorgie. De cette dernière branche de Géorgie était issu le célèbre général russe Bagration, qui périt en s'illustrant, à la bataille de la Moskova, en 1812.
Voir là liste chronologique de ces divers souverains dans Tchamitch, Hist. d'Arménie, t. III, tables, pages 107; Saint-Martin, Mémoires t. Ier, p. 418-423, et M. Brosset, Histoire de la Géorgie. Ire partie, Addition 10, Hist, des Bagratides géorgiens, d'après les écrivains arméniens et grecs, jusqu'au xie siècle, p. 138-188.
(14) Thakatir, mot composé qui signifie littéralement, en arménien, poseur de couronne, et désigne la charge d'un des grands officiers du palais, investi du privilège de placer le diadème sur le front des souverains dans la cérémonie de leur couronnement. Cette charge se conserva jusque sous la dynastie des rois Roupéniens de la Petite-Arménie, à l'époque des Croisades. Une charte émanée de la chancellerie de ces princes et écrite en français, mentionne le grand baron Constantin de Lampron, en qualité de meteor de la couronne des Ermines. Voir ma Collection des historiens des Croisades, publiée par l'Académie des inscriptions et belles-lettres, Documents arméniens, t. Ier, introduction, p. lxxiv.
(15) Asbed, abréviation d'Asbahàbed, Asbabed et Asbarabed, est le sanskrit Açvapati, signifiant « le grand maître ou général de la cavalerie. » Comme la cavalerie était la principale force des armées en Orient, cette expression a pris usuellement le sens de général en chef. M. Levaillant de Plorival, dans sa traduction de Moïse de Khoren, l'a rendue par chevalier ; les PP. Mékhitharistes, plus exactement, par généralissime. Ce titre, au moyen âge, sous les princes Roupéniens, avait été remplacé par le titre équivalent de connétable, emprunté aux Francs de la Syrie. Voir, dans la Collection des historiens des Croisades, mes Documents arméniens, introduction, t. Ier, p. lxxv.
(16) Ou bien Chananitas (le Chananéen), un des chefs des Chananéens qui, d'après le récit de Moïse de Khoren (I, 19), vaincus et poursuivis par Josué, s'enfuirent à Akr'as, sur la côte méditerranéenne d'Afrique, comme le conjecturent les PP. Mékhitharistes (Mose Corenese, p. 59, note 1), et allèrent aborder à Tharsis, que Huet assimile à Tanger dans le Maroc. Cette tradition nous a été conservée aussi par Procope, De bello Vandal., II, 10;cf. Evagre, Hist. eccles., IV, 19; au sujet de Chanaan, cf. Genèse, x, 15.
(17) La famille de Magh'kaz constituait une des principales satrapies de l'Arménie. Lazare de Ph'arbe cite un certain Vriv-Magh'kaz, p. 75, et Kardchouil-Magh'khaz, p. 212. Cf. Faustus de Byzance, VII, 38, 43; et Agathange, p. 289. Il y avait en Arménie une localité nommée Magh'khazan, célèbre par ses bergeries, située dans le district de Her, et qui appartenait sans doute à la famille des Magh'khazounis (Cf. Paustus de Byzance, III, 30.) — Cette famille s'est perpétuée jusqu'à nos jours dans la Lituanie polonaise sous le nom de Malkazovski ou Malakovski. Cf. Indjidjian, Antiquités de l’Arménie, t. II, p. 139. Le titre des fonctions que remplissait le chef des Magh'kaz, dans l'ancienne Arménie, en qualité de commandant de la garde royale, ainsi que nous l'apprend Agathange, était Magh'khazouthioun, comme qui dirait en français le Malkhazat.
(18) Kégh'am ou Kégh'arkounik', district, au sud du lac de Kegh'am ou Sévan, province de Siounik', dans l'est de la Grande-Arménie.
(19) J'ai entendu le mot arménien kahavor comme désignant l'officier chargé de veiller à la disposition et à l'arrangement hiérarchique des sièges qu'occupaient, en présence du roi et dans les assemblées solennelles, les grands dignitaires de la couronne. Les PP. Mékhitharistes traduisent ce mot par ciambellano.
(20) Voir sur l'origine de la noble et puissante famille des Ardzrounis, issue de Sennachérib, roi d'Assyrie, la note 10, page 68. Moïse de Khoren (XI, 12) fait dériver le nom d'Ardzrouni, du composé Ardziv-ouni, « aquilifer. »
(21) Le nom des Knounis, échansons du roi, vient de kini, « vin, » mot qui, par la permutation assez fréquente de la gutturale en labiale, se retrouve dans la plupart des dialectes de la famille aryenne.
Le nom des Sbantounis, préposés aux sacrifices, est formé de la racine sban, que l’on rencontre dans « sbananel, » immoler, sacrifier, « et sbant, » immolation, sacrifice.
Le nom des Havénounis, chargés de la fauconnerie royale, dérive de Hav, « oiseau, volatile. » Celui des Tziounagans ou glaciers du roi, de tzioun « neige » parce que les boissons étaient rafraîchies, comme encore aujourd'hui en Orient, en les entourant de neige.
Ces antiques dénominations nous présentent dans leurs éléments constitutifs de formation des types entièrement semblables à ceux de la langue qui s'est perpétuée du ive siècle jusqu'à nos jours, et nous prouvent que l'état dans lequel elle se montre à nous, dès le principe, remontait beaucoup plus haut que tous les monuments écrits que nous possédons.
(22) Sissagan, adjectif dérivé de Sissag, lequel descendait de Haïg à la cinquième génération, par Arménag, Armais, Amassia et Kégh'am; surnommé Agh'on, « miel », dit Moïse de Khoren (II, 8), à cause de la douceur de ses mœurs. De son nom, ajoute le même historien, est venu celui des Agh'ouans. Mais qui ne voit que cette étymologie a été imaginée très-postérieurement pour rendre raison d'une dénomination géographique dont l'origine et le sens étaient inconnus ? Il en est de même de plusieurs appellations de ce genre que l'on trouve dans Moise de Khoren, et qui ont été évidemment inventées après coup. Mais rien n'empêche d'admettre comme vraie, la tradition qui attribuait à un certain Sissag et à ses descendants la possession très-ancienne, à titre d'apanage, des provinces orientales de l'Arménie, depuis la Siounik' jusqu'à l'Agh'ouanie ou Albanie.
(23) Gatmos ou Cadmus, que Moïse de Khoren, ou plutôt l'historien syrien Mar Abas Katina, qu'il a suivi dans le premier livre de son Hist. d'Arménie, nous donne comme fils d'Arménag, fils de Haïg. Ce nom est probablement une réminiscence de celui du Phénicien Cadmus, introduit par l'écrivain syrien dans le récit de la fondation du royaume arménien, à cette époque de syncrétisme historique et religieux où vivait Mar Abas Katina, et qui caractérise sa composition, comme celles de Bérose, Abydène et Manéthon.
(24) La plaine marécageuse de Mough'an ou Moukan, qui s'étend dans l'est de la Grande-Arménie, depuis la ville de Ph'aïdagarn'an jusqu'à la mer Caspienne. Elle se dessèche pendant l'été, et produit une herbe abondante que venaient paître autrefois de nombreux troupeaux. Mais elle est infestée de serpents venimeux, que la chaleur fait éclore et pulluler dans le sol détrempé par les eaux. Ce phénomène naturel arrêta Pompée, qui, au rapport de Plutarque (Vie de Pompée, § 39), dans sa marche vers l'Hyrcanie et la mer Caspienne, fut obligé de retourner sur ses pas et de reprendre le chemin de l'Arménie-Mineure. Les princes mongols souverains de Perse et en même temps maîtres de l'Arménie, avaient dans cette plaine une résidence d'été. Son ancien nom, en arménien, est Taran-Taschd ou Tar'in-Taschd « la plaine de Taran ou Tar'n. »
(25) Les Agh'ouans ou Albaniens des historiens grecs et latins. Ce pays correspond aujourd'hui à la partie orientale du Schirvan, et à la partie méridionale du Daghestan. On peut lire dans Plutarque {Vie de Pompée, §§ 37, 38, 39 et 40), la relation des deux campagnes que le général romain entreprit contre ce peuple.
(26) Hounaraguerd ou Henaraguerd, bourg et forteresse de la province d'Artzakh, dans le nord de la Grande-Arménie, entre le Cyrus et l'Araxe, non loin du lieu où ces deux fleuves se réunissent.
(27) C'est-à-dire les populations des quatre localités ici mentionnées et situées dans le nord-est de la Grande-Arménie, sur les confins de l'Agh'ouanie, limitrophes ou faisant partie de la province d'Oudi. 1° Oudi, district particulier de cette même province; 2° Kartman, district avec une forteresse du même nom, au sud du Cyrus ; 3° Dzotêk' ou Dzovtêk, territoire sur la rive septentrionale ; et Karkar, district assez considérable, au nord pareillement. Du reste, les auteurs arméniens varient sur l'étendue et la position de ces localités, relativement au fleuve qu'elles avoisinent.
(28) Schara, fils d'Armaïs et arrière-petit-fils de Haïg, et dont le nom est devenu, à ce qu'assure Moïse de Khoren (Hist. d'Arménie, I, 12), celui du district de Schirag, qu'il avait obtenu en apanage, dans la province d'Ararad.
(29) Le Mont-Ténébreux, autrement appelé Gankark', est la chaîne de montagnes qui s'élève au nord du lac de Kégh'am ou Sévan. Elle est ainsi appelée du nom du district et de la ville de Gankark', qui sont dans le voisinage et qui dépendaient de l'ancienne province de Koukark'.V. Saint-Martin, Mémoires, t. 1", p. 283, 241; Indjidjian, Arménie ancienne, p. 285, le P. Léonce Alischan, Topogr. de la Grande-Arménie, §, 6, Cf. ma traduction de ce dernier ouvrage, Journal asiatique, mai-juin, 1869, p. 398. Ce point du territoire arménien, et les six autres énumérés ici consécutivement par notre auteur, sont dans le nord de l'Arménie, sur les limites de la Géorgie.
(30) Le district de Dchavakhk', Dchavagh' ou Kavaghk', appartient à la province de Koukark', à l'ouest de celle d'Oudi.
(31) Gogh'p ou Gogh', district considérable de la province de Daïk’, à l'ouest de Koukark' et de l'Oudi, se trouve au pied du mont Barkhar.
(32) Sous la dénomination de pays de Dzoph'k', on comprend deux districts de la Quatrième-Arménie, Je grand et le petit Dzoph'k', qui formaient une des satrapies du royaume. C'est dans ces pays que sont les sources du Tigre.
(33) Tzor (vallée) ou Tzoraph'or (creux de vallée), district de la province de Koukark', dans la partie nord-est de l'Arménie, sur les limites de la Géorgie.
(34) Aschots, district dans le nord de la province d'Ararad, à l'ouest du lac de Sévan, et qui était la propriété et la résidence originaire de la famille des Bagratides.
(35) Daschir, ou le pays des Daschirs, district très-considérable de la province de Koukark', à laquelle il donne quelquefois son nom; situé au nord-ouest du lac de Sevan.
(36) Il y avait, en Arménie, deux chefs qui portaient le titre de Ptiaschkh, celui de la province d'Agh'etznik', la Mésopotamie armé nienne, et celui de la province de Koukark'. On retrouve ce titre grécisé, sous la forme Petiaxès, gravé sur une belle onyx du Cabinet des antiques, à la Bibliothèque nationale. (V. Visconti, Iconogr. grecque, chap. xii, § 10, et Atlas, planche xlv.) Le nom du personnage que rap pelle ce petit monument est [As]ousas (Aschouscha), qualifié de Petiaxès des Ibères Karkhèdes (Koukaratsis), lequel vivait au Ve siècle. Il fut le contemporain de saint Mesrob, ce grand instituteur religieux et litté raire de l'Arménie, qu'il invita à venir répandre la foi de l'Évangile et l'instruction dans ses domaines du Daschir. (Moïse de Khoren, III, 60.)
(37) Le pays des Koukaratsis, ou province de Koukark', la Gogarène de Ptolémée, était une des satrapies les plus considérables du nord de l'Arménie. Sa principale ville, Lor'é ou Lor'i, qui devint dans la suite la capitale de l'une des branches régnantes de la famille des Bagratides, était située dans le district d'Agh'asdev ou Agh'esdev, compris plus particulièrement dans le Daschir.
(38) Le nom national des Géorgiens est Vir, tel que l'ont transcrit les Arméniens, auxquels l'ont emprunté les Grecs et les Romains, en le transformant en Ibères. Le mot Vir est peut-être le sanskrit, vira, «guerrier, héros, «mot qui est passé dans le javanais archaïque oukawi, avec la même signification, et comme titre d'honneur, Vir en latin.
(39) Eusèbe, Chronique, trad. de Zohrab et Maï, p. 27, 133, et Prépar. évangél., ix, 41.
(40) Passên ou Passian, immense vallée dans le bassin du haut Araxe, comprise dans la province d'Ararad, à l'est de la ville de Garin (Théodosiopolis), et anciennement appelée, dit Moïse de Khoren (Hist. d'Arménie, II, 8), Passên supérieure et déboisée; la Phasiane des Byzantins. Le même historien nous apprend (ibid.) que là s'était fixée une colonie de Bulgares, conduite par un certain Vegh'entour, Boulgar de Vount, mais à une époque qu'il n'indique pas, et il ajoute que la contrée prit, de ce nom de Vount, celui de Vanant.
(41) Les Ortounis, famille satrapale, qui, avec les Peznounis et les Manavazians, deux autres grandes familles arméniennes, s'exterminèrent réciproquement dans les temps d'anarchie qui suivirent la mort du roi Tiridate II (342-344 de Jésus-Christ.)
(42) Bask'am, petit-fils du roi Haïgag Ier, qui fut le dix-huitième de la dynastie de Haïg, et dont le règne est fixé par Tchamitch et Saint-Martin à 1381 av. J.-Ch.
(43) C'est-à-dire aux récits poétiques qui, sous le nom de « chants historiques, » erkk' vibassanats, étaient répétés au son du pampir'n (la lyre arménienne) par les rapsodes populaires. Moïse de Khoren parle souvent de ces sortes de poèmes antiques, et nous en a conservé quelques fragments.
(44) Il y a, dans le texte d'Açogh'ig, Sanassar, leçon que j'ai corrigée par Scharaschan, d'après Moïse de Khoren (Hist. d'Arménie, II, 8). Sanassar ou Sarassar, chef de cette race et ancêtre de Scharaschan, était un des deux fils du roi d'Assyrie, Sénékhérim (Sennachérib), qui se réfugièrent en Arménie, après avoir assassiné leur père.
(45) Arzen ou Ardzen ou Aggh'zen, district de la province d'Agh'etznik', ou sud-ouest du Tigre, ayant pour ville principale Tigranocerte (Dikranaguerd) ou Amid.
(46) Le mont Sim fait partie du Taurus arménien, en se rattachant à la chaîne des monts Gortouk' ou montagnes des Kurdes, dans le sud-ouest de l'Arménie. V. le P. Léonce Alischan, Topogr. de la Grande-Arménie, dans ma traduction, Journal asiatique, mai-juin, 1869, p. 407-409.
(47) La contrée de Mogkou des Mogatsis, l'une des quinze provinces qui partageaient la Grande-Arménie, située au sud du lac de Van, dans les montagnes du Kurdistan. Saint-Martin incline à l'assimiler à la Moxoène d'Ammien Marcellin. (t. Ier, —Mémoires, p. 174-175.)
(48) Les Gortouatsis, ou habitants du pays de Gortouk', sont les ancêtres des Kurdes, qui occupent encore aujourd'hui la région montagneuse à l'ouest et au sud du lac de Van.
(49) Antzévatsis ou Antzavatsis, district de la province de Vasbouragan, au sud-ouest du lac de Van.
(50) Les Aguêatsis, ou habitants du canton d'Aguê, qui fait partie de la province de Mogk'. L'auteur passe ici en revue, toute la région qui entoure à l'ouest, au sud et à l'est le lac de Van.
(51) R'ouschdounis ou Reschdounis, district de la province de Vasbouragan, au sud du lac de Van, l'une des principales satrapies de l'Arménie. Plus tard, à l'époque du khalifat, ce district, celui des Antzévatsis et presque tout le Vasbouragan, constituèrent l'apanage de la famille des Ardzrounis, dont le chef obtint de la cour de Bagdad le titre de roi.
(52) Kogh'then, district de la province de Vasbouragan, sur la rive gauche de l'Araxe, à l'est de Nakhdchavan (Nakhidchévan).
Cette localité était renommée pour ses vignobles, et encore plus pour ses chantres populaires, qui, au temps de Moïse de Khoren, redisaient encore avec amour, akhorjelov, en s'accompagnant du pampir'n, les anciennes poésies épiques de l'Arménie (Hist. d'Arménie, I, 30, et II, 49).
(53)Haschdiank', district dans la partie orientale de la Quatrième-Arménie, au sud de l'Euphrate méridional, l'Arsanias des anciens, le Mourad-Tchaï des Turks. Le Haschdiank' est assimilé par Saint-Martin, Mémoires, t. Ier, p. 72, à l'Asthianène ou Austanitis de Ptolémée (Géogr., v, 13), de Procope (de Aedific. Justin., III, p. 56,) et du Code de Justinien (lib. I, de Mag. milit.).
(54) Arsace (Arschag I"). Tchamitch, Hist. d'Arménie, t. III, tables, p. 106, et Saint-Martin, Mémoires, t. Ier, p. 410, le font régner en 127 av. J.-Ch.; en 127 ou 128, suivant ce dernier, dans ses Fragments d'une histoire des Arsacides, t. II, tableau 2.
(55) L'Euxin ou la mer Noire.
(56) Les Ananiens, c'est-à-dire Ananias et ses deux compagnons Misaël et Azarias, parents de Sédékias, roi de Juda, lesquels, ayant été faits captifs par le roi de Babylone Nabuchodonosor, furent jetés, par ordre de ce prince, dans une fournaise ardente, pour les punir de leur refus d'adorer une statue d'or, et miraculeusement préservés de l'atteinte des flammes. V. Daniel, m, et Josèphe, Anliq. Jud., x, 2.
Les Éléazariens nous rappellent le docteur de la loi Eléazar et ses compagnons, qui, pressés par le roi de Syrie Antiochus Épiphane de manger de la viande de porc, s'y refusèrent, préférant expirer sous les coups de la flagellation, que d'enfreindre le précepte de Moïse (II Machabées, v, 6; et Josèphe, Antiq, Jud., xii, 7).
(57) Dans la monarchie féodale des Arsacides, le premier rang appartenait au roi de Perse, qui portait le titre de Roi des rois ; le second, aux Arsacides d'Arménie ; le troisième, aux Arsacides de la Bactriane; et le quatrième, à ceux du nord du Caucase qui dominaient sur les Massagètes. Le roi de Perse, comme suzerain, avait seul le droit de battre monnaie et d'y faire empreindre son effigie. L'usurpation de cette prérogative par Ardaschès Ier, roi d'Arménie, ne fut que momentanée. L'organisation politique de toutes les souverainetés de la Haute-Asie, fondée sur ce système de hiérarchie politique, existait dès la plus haute antiquité.
(58) Acogh'ig ne fait que copier ici Moïse de Khoren (Hist. d'Arménie, II, 8), en ce qui concerne la prétendue défaite de Crésus et la destruction du royaume de Lydie, par le roi d'Arménie, Ardaschès I".
Cet étrange anachronisme, qui est de plus de quatre cents ans, et que reconnaît Moïse lui-même, ne l'empêche pas d'adopter un récit évidemment fabuleux, mais qui flattait la vanité nationale. En s'appuyant de quatre écrivains grecs qu'il cite, Polycrate, Evagoras, Camaterus et Phlégon, il ne saurait infirmer le témoignage d'Hérodote, Plutarque, Justin et Valère-Maxime qui, d'accord avec la succession des événements et des temps, sont unanimes pour attribuer à Cyrus, roi de Perse, les faits dont Moïse s'est plu à faire honneur à Ardaschès Ier. Ajoutons que si sa critique est ici en défaut, son savoir et sa bonne foi ne sauraient être mis en doute; car il nous apprend qu'il avait consulté, non pas un ou deux historiens grecs, mais un grand nombre, et qu'il avait fait beaucoup de recherches à ce sujet. (Ibid.)
(59) Les deux mers, dont il est ici question, sont sans doute celles qui limitent l'Asie Mineure, au nord et au sud : le Pont-Euxin et le mare internum de Pamphylie et peut être aussi à l'ouest, la mer Égée.
(60) Les Arméniens donnent à la Méditerranée le nom générique d'Océan.
(61) Cette invasion d'Ardaschès Ier dans l’Hellade, où il aurait enlevé les statues de plusieurs divinités, est très-peu probable. S'il s'avança vers l'ouest, il ne dut pas quitter le continent asiatique, ni aller au-delà des contrées centrales de l'Asie-Mineure, la Cappadoce et peut-être le Pont. A cette nomenclature de divinités énumérées par Açogh’ig, Moïse de Khoren (II, 12) ajoute Apollon, qu'Ardaschès trouva dans l'Asie [Mineure] et l'Hercule viril, œuvres d'art dues au ciseau de deux célèbres statuaires Scyllis et Dipœnus, de Crète ; mentionnés aussi par Pausanias, ii, 15, 1; vi, 19, 14; et Pline, H. N. xxxvi, 4, 41.
(62) Ani, ancienne forteresse, qui s'élevait sur la rive occidentale de l'Euphrate, dans la province de Taranagh'i. Il ne faut pas la confondre avec Ani, capitale de l'Arménie sous les rois Bagratides, dans le district de Schirag, et qui est beaucoup plus à l'est. Cette forteresse se nommait, en langue vulgaire, Gamakh, qui est la Camakha de Constantin Porphyrogénète (de Administ. imper., cap. l, p. 188). Dans son enceinte, il y avait un temple consacré au dieu Aramazd (Ahoura Mazda), temple vénéré dans toute l'Arménie, et un dépôt précieux d'archives, que mit à contribution le célèbre hérésiarque Bardesane d'Édesse pour composer son histoire d'Arménie (Moïse de Khoren, II, 46). Là aussi étaient la sépulture des rois Arsacides, et le dépôt de leurs trésors. Les empereurs byzantins y entretinrent jusque vers le milieu du xie siècle une forte garnison, pour protéger la partie orientale de leurs États contre les attaques des Arabes et ensuite des Turks. V. Saint-Martin, Mémoires, t. Ier, p. 72-73.
(63) Tigrane, dit le Grand, le célèbre mais malheureux adversaire de Lucullus et de Pompée, régna de 89 ou 90 jusqu'à35 ou 36 av. J-Ch.
(64) Mithridate le Grand, Eupator, qui s'illustra par la lutte acharnée qu'il soutint contre les Romains. Moïse de Khoren, comme Acogh'ig, le disent beau-frère du roi d'Arménie, tandis que, d'après les historiens grecs et-latins, il aurait été son gendre.
(65) Les Arméniens appellent Hroms ou Romains, les Grecs byzantins, qui eux-mêmes se paraient de ce nom, en se considérant comme les continuateurs de l'empire romain, et Hromaietsis, les peuples de l'em pire d'Occident. Moïse de Khoren (II, 74), comme Acogh'ig, a soin de bien distinguer ces deux expressions, en qualifiant l'empereur Phi lippe du titre de César des Hromaietsis.
(66) Cette version de la défaite de Crassus, par le roi d'Arménie Tigrane (Cf. Moïse de Khoren, II, 17), si différente de celle que nous lisons dans tous les historiens grecs et latins, qui font succomber le général romain sous les coups de Suréna, général d'Orode, roi des Parthes, cette version est évidemment une fable populaire d'origine arménienne, que Moïse de Khoren s'est empressé de recueillir et de rapporter par le même sentiment d'orgueil national qui l'a poussé à nous représenter, contre toute vraisemblance historique, le père de Tigrane, Ardaschès Ier, comme le vainqueur de Crésus. A propos de Suréna, je ferai remarquer, que ce nom, donné par Plutarque et Tacite, comme un nom propre, n'est autre que l'appellation générique de la branche des Arsacides, Sourên-Bahlav, à laquelle se rattachait le général qui fit subir un aussi terrible échec aux armes romaines.
(67) Il y a, dans Acogh'ig, ainsi que dans Moïse de Khoren, Perguia; il faut lire Pergame, qui fut donnée, comme nous l'apprend Josèphe (Antiq. Jud., xiv. 8, et Bell, jud., I, 9), au jeune Mithridate.
(68) Le nom du Bar-Tzaph'ran, Barzapharnès, prince des Beschdounis, est syro-perse d'origine. Josèphe, Antiq. Jud., xiv, 13; et Bell, jud., I, 13, en mentionnant ce personnage nous dit que c'était un satrape parthe ou arménien. Du temps des Arsacides, en effet, le nom de Parthe désignait indistinctement les Perses et les Arméniens.
(69) On lit dans toutes les éditions de Moïse de Khoren (II, 19), qui raconte l'expédition de Bar-Tzaph'ran, général de Tigrane, en Syrie, que ce chef s'empara de la ville des Mariciens. C'est une leçon vicieuse, qui doit être remplacée par la ville des Samaritains ou Samarie, comme le prouvent et le texte d'Açogh'ig et l'un des deux manuscrits de Moïse de Khoren, dont M. Jacques Gariniants nous a donné les variantes dans un très-intéressant travail, publié à Tiflis en 1858, gr. in-8°, sur la comparaison de ces deux manuscrits avec l'édition de Venise de 1843.
(70) La ville de Van, qui paraît être la même que Schamiramaguerd (ville de Sémiramis), est située sur le bord oriental du lac de Van, dans le district de Dosb, province du Vasbouragan. Les immenses travaux et les embellissements qu'y avait fait exécuter la grande reine des Assyriens, et les inscriptions qu'elle avait fait graver sur les rochers et que nous connaissons, du moins en partie, par les copies de Schultz, sont décrits par Moïse de Khoren (Hist. d'Arménie, I, 16 ), avec des détails dont on a vérifié de nos jours la parfaite exactitude et qui donnent une haute idée de la magnificence de ces constructions. Van portait aussi le nom de Vanapert, « forteresse de Van,» ou Vanaguerd « ville de Van, » comme ayant été rebâtie ou restaurée par le roi Van, qui vivait un peu avant l'expédition d'Alexandre le Grand, en Asie. V. le savant et intéressant article que Saint-Martin a consacré à l'histoire de cette antique cité, dans ses Mémoires, t. Ier, p. 137-140.
(71) Acogh'ig nous dit que le roi Tigrane survécut deux ans à l'expédition de Bar-Tzaph'ran ; on lit trois ans dans Moïse de Khoren (II, 19).
(72) Agh'iovid, district considérable de la province de Douroupéran : Ar'pérani, district de la province de Vasbouragan, tous les deux au nord du lac de Van.
(73) Aderbadagan, l'Atropatcne des Grecs, l'Adherbeidjan des Persans, province considérable, à l'est de l'Arménie, et au sud-ouest de la mer Caspienne; l'ancien pays des Mèdes. C'est la patrie de Zoroastre, qui y fonda le culte du feu, le mazdéisme. C'est ce qu'indique d'ailleurs la dénomination de cette province, dont le premier élément composant est ader (zend âtar), « feu, » le second bad, « enveloppe, enceinte, » suivi de la terminaison arménienne agan, qui est propre aux adjectifs de possession ou de qualité; en sorte que cette dénomination, doit signifier : le [pays] où est l'enceinte du feu, en persan Atesch-hhaneh ou Atesch-gah.
(74) Ce prince, nommé Arschavir (Assuérus), par Moïse de Khoren (II, 24) et Açog'hig, paraît être le Phraates IV de Justin, xiii, 5, lequel rendit à Auguste les soldats de Crassus et d'Antoine, faits prisonniers et les enseignes des légions romaines. Il régna de l'an 37 av. J.-Ch. jusqu'à l'an 15 de notre ère, où il fut tué par son fils Phraataces ; il fut, par conséquent, contemporain des rois d'Arménie, Arscham et Abgar.
(75) Le Vedavan est une mesure itinéraire que tous les traducteurs de Moïse de Khoren, d'où ce passage d'Acogh'ig est tiré, ont rendue par stade. Un auteur arménien inédit, cité par Saint-Martin, Mémoires, t. II, p. 379 (notes sur la Géographie de Moïse de Khoren), affirme que le vedavan a la même longueur que l'asbarez, qui, ajoute le même auteur, équivaut à 500 portées de flèche. Cette définition concorde très bien avec la signification étymologique de l'asbarez (asb, «cheval»), synonyme du mot tzi-enihatsk' ou tzio'arschavan, «course de cheval », c'est-à-dire, l'espace que peut parcourir d'une haleine un cheval. Ainsi, Hérode en pavant les voies publiques d'Antioche d'un dallage en marbre blanc, sur une longueur de 20 vedavans, aurait couvert un espace équivalant à 10.000 portées de flèche. D'après l'auteur précité, une portée de flèche égalant 150 pas, soit environ 100 mètres, nous aurons ainsi 500 mètres pour le vedavan ou asbarez, et, par conséquent, une longueur totale de 10 kilomètres pour la chaussée construite par Hérode. Cette détermination n'a rien d'improbable; mais ce qui n'est pas justifié le moins du monde, c'est l'étendue de 150 pas = 100 mètres, que le P. Pascal Aucher attribue à l'asbarez. (Traité des poids et mesures des anciens, Venise, 1821, in-4°, tables p. 216.) Du reste, l'article qu'il a consacré à cette mesure itinéraire, dans le corps de son ouvrage (p. 45-48), est tellement confus qu'il est impossible d'en rien tirer de concluant»
(76) En admettant avec M. H. Fines Clinton, qu'Arschavir (Phraatès IV) monta sur le trône de Perse en 37 av. J.-C, l'avènement d'Abgar, qui eut lieu suivant Moïse de Khoren et Acogh'ig, la 25° année d'Arschavir, correspondrait à l'an 13 av. J.-Ch. Mais cette dernière date est trop reculée, le règne d'Abgar Oukama, ou le Noir, commença, suivant Tchamitch (Hist. d'Arménie, t. III, tables, p. 106), en l'an 1er av. J.-Ch.
(77) La soumission de l'Arménie tout entière aux Romains est fixée par Moïse de Khoren (II, 26), à la seconde année du règne d'Abgar. Acogh'ig dit la troisième. Mais cette variante, fort peu importante, n'est vraisemblablement qu'une erreur de copiste.
(78) Moïse de Khoren (I, 16), dit : o Hérode envoie le fils de son frère, » ce qui est la vraie leçon, tandis que nous lisons dans Acogh'ig : « le fils de sa sœur ». Ce neveu d'Hérode se nommait Joseph ; il était fils de Joseph, frère d'Hérode, et épousa Olympias, fille de ce dernier, par conséquent sa cousine germaine. Josèphe, Antiq. Jud., xvii, 2, 3, et Bell. jud., i, 28, 4.
(79) Ce district de la Mésopotamie, appelé aussi par Moïse de Khoren (II, 26), Pouknan, était situé dans le voisinage d'Édesse, mais nous n'en connaissons point au juste l'emplacement.
(80) La date de la mort d'Hérode est de mars, 4e année av. J.-Ch., ainsi qu'on peut l'induire de divers passages de Josèphe, Antiq. jud., xvii, 6, 4; 8, 1 et 9, 3; cf. Bell. jud., i, 33, 4.
(81) Auguste étant mort en 14 de J.-Ch., le 14 des calendes de septembre (19 août), il y a, par conséquent, un intervalle de dix-huit ans entre sa fin et celle d'Hérode; intervalle que Moïse de Khoren (II, 27) et Acogh'ig réduisent à quelques jours ou à quelque peu de temps seulement.
(82) Moïse de Khoren (II, 27) fait l’énumération des divinités dont Abgar transporta les statues ou les images de Nisibe à Édesse. Ce sont :
1° Naboc ou Nabo, Nabu, ancienne divinité assyrienne ou chaldéenne, dont le nom apparaît comme premier élément de composition dans les noms de Nabuchodonosor, Nabu-Zardan, Nabo-Nassar, Nabo-Polassar, etc., et dont il est parlé, ainsi que de Bel, dans Isaïe (xlvi, 1);
2° Bel ou Baal, divinité babylonienne, dont il est si souvent question dans l'Ecriture sainte et dont le culte s'était répandu chez tous les peuples de la Syrie ;
3° Bathnikal, déesse en honneur principalement à Harran, dans la Mésopotamie, d'après les témoignages de Leboubna, mais dont on ne connaît point au juste les attributs ;
4° Tharatha, la déesse Athargatis ou Derceto, qui, au dire de Diodore de Sicile (II, 4), était adorée à Ascalon. sous la figure d'une femme avec le reste du corps en forme de poisson.
Cf. Lucien, de Dea syra;— Jacques de Seroudj, Discours sur la chute des idoles, dans Assemani, Bibl. orient., I, 327, et dans le Journal de la société orientale allemande, 1875, p. 131, où M. l'abbé Martin a publié ce discours avec traduction et notes; — Selden, de Diis syris, synt. II, 12; — D. Calmet, Dictionnaire de la Bible, V° Dagon; — Smith, Dictionary of the Bible, 2° édit. 3 vol. in-4°; — le P. Léonce Alischan, Lettre d'Abgar ou Histoire de la conversion des Edesséens par Laboubnia, p. 31, notes 1 et 2, et p. 32, notes 1 et 2; — Phillips, the Doctrine of Addai, the apostle, p. 23, note c et p. 24, notes a, b et c; — Castelli Lexicon syriacum, éd. Michaelis, v° Athargata.
(83) Cet Ardaschès, roi arsacide de Perse, pourrait bien être Phraataces, successeur d'Arschavir (Phraates IV), lequel monta sur le trône par le meurtre de son père, au dire de Justin ; mais le témoignage de l'historien latin est inconciliable avec le récit de Moïse de Khoren.
(84) Ces noms Gareni-Balhav, Soureni-Balhav et Asbabedi-Balhav, nous offrent, avec le nom d'origine commun aux trois branches collatérales de la famille régnante en Perse, celui qui caractérisait chaque branche en particulier, lié au second par le y d'annexion, d'après une règle commune à la langue parsi, au pelhvi et au néo-parsi ou persan moderne.
Plus loin, l'auteur donne ces noms ethniques sous la forme adjec-tive arménienne, Sourénian et Garénian. Le titre d'Asbabeb (sanskrit açvapati) signifie « chef de la cavalerie, » c'est-à-dire généralissime. (Cf. la note 15 de la page 70.)
(85) Saint Grégoire, le premier patriarche de l'Arménie, surnommé l’Illuminateur, parce que, suivant le langage des auteurs de sa nation, «il répandit la lumière de l'Evangile dans son pays, plongé dans les ténèbres de l'idolâtrie. » L'histoire de son apostolat et des longues et cruelles souffrances que lui fit endurer le roi Tiridate II, qu'il finit par convertir, ainsi que toute la cour et l'armée, et l'exposé de sa doctrine, forment l'objet du livre que lui a consacré Agathange. Il monta sur le siège patriarcal en 303-304.
Saint Grégoire, élève de la savante école chrétienne de Césarée de Cappadoce, fut le propagateur du christianisme hellénique en Arménie. Avant lui des prêtres et des docteurs de l'école syrienne d'Édesse, avaient fait entendre leurs prédications parmi les Arméniens, et fondé un commencement d'organisation ecclésiastique. Mais ces premiers essais n'avaient eu qu'un faible succès. C'est à saint Grégoire que revient le mérite d'avoir établi définitivement la doctrine de l'Evangile en Arménie, et d'avoir ainsi donné à sa nation ce caractère moral et cet esprit de patriotisme qui en ont fait un peuple à part dans le monde asiatique.
(86) Les Gamsaragans, famille de la branche des Garénians de Perse, dont le chef éponyme fut Gamsar, fils aîné de Berozamad, lequel vint se mettre au service du roi d'Arménie, Tiridate II. Gamsar, d'après Moïse de Khoren (II, 37) avait reçu ce nom, parce qu'en combattant avec intrépidité contre les troupes du grand Khak'an (Vzourg ou Vezerg Khak'an), il avait reçu un coup de sabre qui lui avait enlevé le sommet de la tête. En effet, ce nom est composé de deux mots, gam (en persan manquant) et sar tête. Cette étymologie donnée par Moïse de Khoren semble prouver que la langue parsi, au ve siècle, ne différait point du persan moderne sous le rapport de la composition grammaticale.
(87) Hérode Antipas, le troisième fils d'Hérode le Grand, après la mort duquel il fut nommé par Auguste tétrarque de la Galilée. Il avait répudié sa femme, fille d'Aréthas (Hareth), roi de Pétra, pour épouser Hériodiade, femme de son frère Philippe. Cette union incestueuse lui ayant été reprochée vivement par saint Jean-Baptiste, on sait comment Hérodiade, pour se venger, demanda et obtint la tête du saint Précurseur.
(88) Ce Marinus, fils d'Eustorgius, mentionné aussi par Moïse de Khoren (II, 30), nous est inconnu. Ce ne peut être un des procurateurs de la Judée, puisqu'il était investi d'une mission temporaire et d'un commandement beaucoup plus étendu que ne l'était celui de ces officiers, et qu'il avait sous son autorité la Phénicie, la Palestine, la Syrie et la Mésopotamie. D'ailleurs, le nom d'Eustorgius n'est pas latin, mais grec; il est cité par Pape, dans son Woerterbuch der griechischen eigennamen, 3° édit., par Ed. Benseler. Moïse de Khoren le transcrit sous la forme Storkia génitif de Storkios ou Storkès. Dans le texte syriaque de la relation de la prédication de l'apôtre Thaddée ou Addée à Edesse par Leboubna, il est appelé Sabinus, fils d'Eustorgius, et qualifié de député en Orient de l'empereur Tibère (The doctrine of Addai, the apostle, now first edited in a complete form, in the original syriac... by G. Phillips, London, 1876, in-8°, p. iv. et 2). Les PP. Mékhitharistes de Venise, dans leur traduction italienne de Moïse de Khoren (p. 144, note 1), conjecturent que ce personnage est peut-être le tribun Julius Marinus, qui, au rapport de Tacite, Annal., vi, 10, fut plus tard mis à mort par l'ordre de Tibère.
Il peut être utile d'avoir ici la liste des procurateurs de la Judée donnée par Tchamitch (Histoire d'Arménie, t. Ier, p. 278); la voici rectifiée d'après Josèphe pour la plupart des noms que le savant religieux de Venise a défigurés.
Copenius;
Marcus Ambivius ;
Annius Rufus ;
Valerius Gratus ;
Pontius Pilatus; et après la mort d'Hérode Agrippa, fils d'Aristobule, fils' d'Hérode le Grand :
Cuspius Fadus;
Tibère Alexandre ;
Cumanus ;
Félix ;
Festus.
Albinus ;
Gessius Florus.
Sous ce dernier, les Juifs s'étant révoltés, Vespasien et Titus marchèrent contre eux, s'emparèrent de toute la Palestine et détruisirent Jérusalem et le Temple.
Je dois ajouter que la relation précitée de Leboubna ou Leboubnia, qui pourrait remonter à la fin du n° siècle ou au commencement du me, a été retrouvée dans ces derniers temps en original parmi les manuscrits syriaques du Musée britannique de Londres. Elle a été d'abord insérée par fragments dans les Reliquiae syriacae, du Rev. W. Cureton, collection publiée après sa mort par M. Wright, à Londres, et enfin, d'une manière plus complète, d'après un manuscrit de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, par le Dr Georges Phillips. La version arménienne, probablement contemporaine de la rédaction syriaque, a été découverte dans la bibliothèque du couvent de Saint-Jacques à Jérusalem, et publiée à l'imprimerie de ce couvent en 1868, in-18. De son côté, le R. P. Léonce Alischan, religieux mékhitariste de Saint-Lazare à Venise, a fait paraître le texte arménien que lui a fourni un manuscrit de la Bibliothèque nationale de Paris, Venise, 1868, in-8°, et la traduction française, même ville, même format et même date. L'original syriaque permet de rectifier la fausse leçon Leroubna qui s'est glissée dans toutes les éditions de Moïse de Khoren, leçon qui, du reste, paraît être fort ancienne, et qui a prévalu, par suite de la ressemblance du r faible arménien avec le p privé de son trait transversal. Il faut donc rétablir la forme correcte Gh'epoupna (Leroubna), dans le texte de l'historien arménien.
(89) Bethgoubrin, la Baitogabra de Ptolémée, aujourd'hui Beith-Djibrin, village du district d'Eleuthéropolis (Reland, Palestina. I, 8 ; Danville, Géogr., anc. abrégée, II, 3). Eleuthéropolis était une ville épiscopale de la Palestine, sur l'ancien territoire de la tribu de Juda.
(90) Agh'etznik', la Mésopotamie arménienne, dans la vallée supérieure de l'Euphrate et du Tigre, et où se trouvaient plusieurs villes célèbres, Edesse, Nisibie, Mardin, Amid (Tigranocerte) et Nepherguerd (Martyropolis).
(91) Ce mot est transcrit en grec sous la forme Samsikeranos ou Sampsigeramos, dans Strabon (Geogr., xvi, 2,5, 10); Josèphe (Antiq. jud., xviii, 5, 4; et xix, 8, 1). Malala (Chronogr., t. Ier, p. 371). Schemsgram, dans le Livre de la loi des contrées, attribué à Bardesane. (Cf. Langlois, Collection des histor. anciens et modernes de l’Arménie, t. Ier, p. 73. )
Sous le règne d'Abgar, souverain de l'Osrhoène, pays de langue syriaque, il n'y rien d'étonnant à voir des Syriens à la tête de provinces ou de districts de l'Arménie.
(92) Abahounik', district de la province de Douroupéran, à l'ouest dulac de Van, Apakounis de Constantin Porphyrogénète (de Administr. imper., cap. xliv, t. III, p. 191-193, de l'édit. de Bonn).
(93) Moïse de Khoren (II, 32), et d'après lui, Acogh'ig, qualifient Anan du titre de courrier (sourhantag) du roi. Cette expression con firme la leçon tabelloro « courrier » qu'il faut adopter dans le texte de Leboubna, comme Ta fait W. Cureton, dans son Spicilegium syriacum à l'exclusion de la leçon taboulloro, « tabularius ou archiviste, » qu'a préférée M. Phillips (The doctrine of Addai, p. 3 et note 2).
(94) Our'ha, ancien nom que portait la capitale de l'Osrhoène, avant d'avoir reçu des Macédoniens celui d'Edesse, Rohâ des Arabes, Ourfa ou Orfa des modernes. Après avoir appartenu pendant quelques années aux Arméniens (de l'an 14 à 55 de J.-Ch.), sous les Arsacides, elle fut soumise à la domination des Romains, puis des empereurs de Constantinople, des Arabes et enfin des Turks (1087). Les croisés français s'en emparent en 1099 et la conservèrent quarante-cinq ans, jusqu'en 1144, après quoi elle leur fut enlevée par Emad-Eddin Zangui, prince des Atabeks de Syrie. Cette ville célèbre, qui renferme des monuments, restes de la domination française, attend encore un explorateur qui décrive et nous fasse connaître ce qu'il en reste aujourd'hui.
(95) Eusèbe, dans son récit de l'ambassade envoyée par Abgar au Sauveur, ne parle pas de cette image de Jésus-Christ, prise sur nature. Mais il en est fait mention par Moïse de Khoren (II, 33), ce qui prouve que, déjà au ve siècle, cette particularité avait été ajoutée à la tradition primitive. Cette image, transportée d'abord à Edesse, et ensuite à Constantinople, par les soins de l'empereur Nicéphore Phocas, est déposée aujourd'hui dans l'Eglise de Saint-Barthélemy, à Gênes, et conservée comme une des plus précieuses reliques de cette ville. J'en ai donné l'histoire d'après l’Armenia de M. l'abbé Cappelletti, dans la note 4 de la page 227-228, du t. Ier de mes documents arméniens relatifs aux Croisades. Si l'on s'en rapporte aux autorités qu'a suivies M. l'abbé Cappelletti, ce fut l'empereur Constantin Porphyrogénète qui l'acheta aux Arabes, alors maîtres d'Edesse, pour une somme de douze mille pièces d'argent et qui la fit transporter à Constantinople; il ajoute que l'empereur Jean VI, Paléologue, reconnaissant du secours que lui avaient fourni les Génois, contre son gendre Jean Cantacuzène, qui l'avait dépouillé de sa couronne, on fit cadeau au doge Leonardo Montaldo.
(96) Sanadroug (Sanatrucès), neveu (fils de la sœur) d'Abgar, gouverna d'abord la Grande Arménie, avec le titre de prince des princes, puis, au bout de quatre ans, après la mort d'Ananoun, fils d'Abgar, il régna à Edesse et sur toute l'Arménie. Baptisé par saint Thaddée, il abjura plus tard et revint à l'ancienne religion armé nienne. Il fit mourir saint Thaddée et sa propre fille Santoukhd, qui avait résisté à ses instances pour la forcer à renoncer à la foi. Il régna quatre ans avec Ananoun et trente ans seul (34 à 52 de J.-Ch.).
(97) Ardaz, Ardoz ou Ardazaguê, district appelé aussi Schavarschan, dans la province de Vasbouragan, au pied du Massis ou Ararad, vers le sud-est.
(98) La ville où l'apôtre saint Barthélémy fut martyrisé par ordre du roi Sanadroug est placée en Arménie par Moïse de Khoren (II, 38), qui transcrit le nom de cette Tille sous la forme Arebanos, l'Arabiôn d'Açogh'ig. Saint Dorothée l'appelle Corbanopolis de la Grande Arménie Sophonius, Alhanopolis; Nicétas, Urbanopolis. Dans le t. IX, p. 445 des Vie des Saints, le P. J.-B. Aucher, indique le lieu du martyre de saint Barthélémy, à Arevpanosou Ourbanos, qu'il suppose avoir existé non loin de Salamasd et d'Ormi, dans la Perse-Arménie, sur les limites de l'Adherbeïdjan; mais cette ville, quelle que soit la manière d'orthographier son nom, est tout à fait inconnue. Le P. Stilting, dans le recueil des Bollandistes, n'a pas été plus heureux pour jeter quelque lumière sur les courses apostoliques et le lieu de la mort de notre saint.
(99) Il y avait eu un Erouant Ier, bien antérieur à celui-ci, puisqu'il est de la première dynastie arménienne, celle des Haïtiens, et qu'il régna, suivant les calculs approximatifs de Tchamitch, de 569 à 565 av. J.-Ch.
(100) Moïse de Khoren (II, 87), fait monter Erouant II sur le trône d'Arménie la huitième année de Darius (Vologèse), roi de Perse, (en 58 de l'ère chrét.) et non la septième, comme marque Acogh'ig.
(101) Sempad, fils de Piourad, de la famille des Bagratides. Cf. Moïse de Khoren, n, 36 et 37.
(102) Parmi les archives que les Romains réunirent à Edesse et qui renfermaient des documents soit administratifs et relatifs à la perception des impôts, soit provenant des temples et ayant un caractère religieux ou historique, Moïse de Khoren (II, 38) mentionne principalement celles de la ville de Sinope, dans le Pont.
(103) L'Akhourian sort du mont Barkhar, traverse le district de Schirag, passe, auprès de Kars et d'Ani, et va se jeter dans l'Araxe, au-dessous de cette dernière ville. Il porte aujourd'hui le nom de Karéked, en arménien, ou Arpa-Tchaï, en turk, c'est-à-dire « rivière de l'orge, » ou celui de Gh'arsou-Ked, «rivière de Kars. »
(104) Erouantak'ar (la roche d'Erouant) paraît avoir été la forteresse intérieure de la ville d'Erouantaschad ou Erouantaguerd. Quelques-uns ont cru que ces deux dernières dénominations s'appliquaient à deux cités distinctes, séparées par l'Araxe. Mais il est probable que ce n'est qu'une seule et même ville, ayant deux noms, l'un parthe (Erouantaschad) et l'autre arménien ou perse (Erouantaguerd, de guerdel, « faire, ou construire » Kerden en persan).
(105)Voir sur la valeur de cette mesure la note 75 ci-dessus, p. 80.
(106) Le mot Pakaran et suivant la prononciation arménienne orientale, Bagaran, c'est-à-dire le lieu ou la ville des dieux. En effet, bag, en sanskrit baga, en slavon bog, signifie « Dieu » et aran est un suffixe arménien qui indique le lieu où une chose se fait ou bien est déposée. Le mot pak ou bag se rencontre aussi dans plusieurs autres dénominations géographiques de l'Arménie, comme Bagavan « le bourg des dieux, » aujourd'hui Bakou, lieu vénéré par les Guèbres, à cause des feux que produisent les sources de naphte qui jaillissent du sol ; Bagarindj, ou Bagayarindj, bourg du district de Terdchan, dans la province de Haute-Arménie, etc.
(107) Le Medzamor « grand marais, » était, suivant Indjidjian, (Arménie ancienne, p. 465), un lac dont les eaux, en s'échappant de son bassin, formaient un courant qui, traversant la ville d'Ardaschad, venait se jeter dans l'Araxe. Agathange (II, 8), parle d'un pont sur le Medzamor, non loin de cette ville. Suivant Tchamitch (Hist. d'Arménie, index général, t. III, p. 167), c'est une rivière qui, après avoir passé auprès des anciennes villes de Tevin et d'Artaxate, va se jeter dans l'Araxe, du côté nord.
(108) La célèbre ville d'Artaxate, capitale de l'Arménie sous les successeurs d'Ardaschès. Elle avait été fondée, d'après les avis et les plans d'Annibal, par Artaxias, d'abord gouverneur de l'Arménie pour les Séleucides, puis souverain indépendant. Sous Néron, elle fut dévastée et brûlée par Corbulon, puis rebâtie sous le nom de Neronia, par Tiridate IL Après que le roi d'Arménie, Arsace III, eut été retenu prisonnier par Sapor II, roi de Perse, Artaxate, tombée au pouvoir de ce dernier, perdit ses monuments et ses habitants, qui furent traînés en captivité. Elle se releva en 450, année où un concile y fut tenu par le patriarche Joseph pour s'opposer à la diffusion de la religion de Zoroastre parmi les Arméniens. Détruite de nouveau aux vie et viie siècles, d'abord par les Perses et ensuite par les Arabes, elle n'est plus aujourd'hui qu'une bourgade faisant partie du domaine particulier du catholicos ou patriarche d'Arménie. Chardin parle des ruines de cette ville où il signale celles d'un vaste palais appelé Thakt-Dertad.
(109) L'adoption par les Arméniens des cycles de semaines, de mois et d'années, que mentionne notre auteur, d'après Moise de Khoren (II, 59), semble prouver qu'ils introduisirent alors chez eux la période de 1461 années vagues = 1460 années juliennes, dont le renouvellement coïncida avec le 11 juillet 552. Par conséquent, la période précédente était comptée à partir du même jour de l'année 908 av. J.-Ch. Ils durent emprunter cette période à la Perse, pays voisin, avec lequel ils avaient en commun, à cette époque reculée, la civilisation, la religion avec les mêmes maîtres.
L'année vague de 365 jours et le grand cycle de 1460 ans, dont elle implique l'existence et l'emploi simultanés, étaient en usage, comme on sait, en Egypte, sous le nom de période sothiaque ; cette forme d'année avait cours aussi, à ce qu'il paraît, dans toute l'Asie occidentale. Elle y fut maintenue, comme année sacrée, lorsque les progrès de la science astronomique eurent révélé la durée précise de l'année tropique. Les Arméniens la conservent encore de nos jours, tout en en combinant la marche avec celle de l'année julienne qui sert à régler leur calendrier ecclésiastique et civil. Dans l'année vague, les mois étaient de 30 jours, ce qui nous donne 30 X 12 = 360, auxquels on ajoutait cinq jours épagomènes, avélials, en tout 365 jours. C'est par erreur que Moïse de Khoren et Acogh'ig parlent de cycles de semaines ; car la période hebdomadaire est une institution judaïque, imitée par les chrétiens, tandis que, dans le calendrier égyptien, perse et arniénien, les jours se succédaient dans le cours du mois par une progression non interrompue de 1 à 30. Il est probable que e calendrier arménien, qui n'a jamais subi de changement, reproduit la forme de l'ancien calendrier de la Perse, telle qu'il était avant la réforme qui porte le nom d'Iezdedjerd III, et qui procède par sous-périodes de 120 ans.
(110) Le district d'Eguéghiats, qui correspond à l'Acilisène de Strabon (XI, p. 527-530) et de Ptolémée (Geogr., V, 13), était un district de la province de la Haute-Arménie, où s'élevait le temple de la déesse Anaïtis, qui a été assimilée à Diane. Ce district était situé sur la rive occidentale de l'Euphrate, à la hauteur de la ville d'Erez ou Eriza, la moderne Arzendjan.
(111) Le Mourts, affluent de la rive gauche de l'Araxe, va se jeter dans ce fleuve, sur les limites du district de Passên; c'est probablement le Musus de Pline (VI, 9).
(112) Le mot avan, en arménien, bourg, gros village. Ainsi Vagh'ars-chavan signifie le bourg de Valars. Ce bourg était compris dans le district de Passên, qui faisait partie de la province d'Ararad, à l'est de Garin (Théodosiopolis). Cf. note 40 ci-dessus, p. 74.
(113) La célèbre province d'Ararad ou Aïrarad, situé au centre de la Grande-Arménie, et dont le nom sert quelquefois à désigner tout ce pays. Elle est traversée dans toute sa largeur par l'Araxe qui la partage en deux parties presque égales. Sous les rois Arsacides, elle était subdivisée en vingt districts ; du temps des Bagratides, sa capitale, Ani, s'éleva à un haut degré de prospérité et de splendeur, dont témoignent ses ruines admirablement conservées. V. la description d'Ani dans le Voyage en Pologne et en Crimée, du P. Minas Medici, Venise, 1830, in-8, et celle plus récente de l'archimandrite Abel Mekhithariants, religieux d'Edchmiadzin, Constantinople, 1855, in-18 (en arménien) ; ainsi que Texier, Voyage dans l'Asie-Mineure, l'Arménie et la Perse.
(114) Vartkès, du mot vart « rose, » et kês « chevelure. » c'est-à-dire, celui dont la chevelure a la couleur ou l'odeur de la rose.
(115) Le K'assagh', ou rivière de Valarsabad ; et dans la géographie de l'Arménie moderne, Garpi-Dchour, « rivière de Garpi, « parce quelle passe auprès de Valarsabad et de Garpi ; l'un des affluents septentrionaux de l'Araxe.
(116) Valarsabad, ville de la province d'Ararad, l'une des anciennes capitales de l'Arménie, fondée par le roi Erouant Ier, dans le vie siècle avant notre ère. Elle porta d'abord le nom d'Ardimet, avant de recevoir celui de Valarsabad, et celui aussi de Ville-Nouvelle. Le mot abad, qui termine, comme second élément de composition, le nom de plusieurs villes de l'Arménie et de la Perse, appartient à la langue de ces deux pays, avec la signification de « lieu habité, » et par suite de « ville. » En arménien, le mot an-abad, « non habité, » est très usité pour exprimer le désert, les lieux solitaires où vivent les anachorètes et les moines.
(117) Les Khazirs ou Khazars, peuple dont il est fréquemment question dans les historiens byzantins, une des nations du Nord, comprises sous le nom générique de Scythes ou de Sarmates, occupaient au temps de Moïse de Khoren (Cf. Hist. d'Arménie, II, 65, et Géographie, dans Saint-Martin, Mémoires, t. II, p. 354-355), le nord de la mer Caspienne. Dans leur voisinage se trouvaient les Basiliens, en arménien, Barsegh1 dont le nom rappelle les Sarmates royaux (Basi-liscsei Sarmatse de Ptolémée). V. Stritter, Memorial populorum, olim ad Danubium, Pontum Euxinum, paludem, Meotidem, Caucasum, mare Caspium et inde magis ad septemtriones incolentium, e scriptoribus byzantinis erutse et digestse, 4 vol. in-4°, Pétersbourg, 1779, t. III, p. 550-578.
(118) La Porte de Tchor ou Dchor, ou Porte des Huns, Zoûr d'Agathange et de Procope; Bah-Tour'n, « la Porte de garde, » dans l'historien Elisée, est le défilé qui s'ouvre entre l'extrémité orientale de la chaîne du Caucase et la mer Caspienne, le Derbend (défilé) des historiens et géographes arabes, persans et turcs. Il y avait sur ce point des travaux considérables de défense qui se reliaient à la muraille que les rois de Perse avaient fait construire sur toute l'étendue de la chaîne du Caucase, pour contenir les barbares du Nord.
(119) Saint-Martin (Mémoires, t.-1, p. 301) lit; « Venaseb et Sour-hag », et en fait deux personnages, l'un roi des Khazars; et l'autre des Basiliens ou Scythes royaux. Mais ni le texte de Moïse de Khoren (II, 65), ni celui d'Açogh'ig ne justifient cette distinction.
(120) J'ai rendu par : pays de résidence royale, l'expression arménienne arkayanisd aschkharh, qui signifie littéralement « pays où réside le roi. » Ce sont sans doute les contrées qui relevaient immédiatement de l'autorité royale, et étaient gouvernées par des préfets temporaires nommés directement par le souverain, à la différence des satrapes, sorte de feudataires, investis par une concession perpétuelle accordée à eux et à leurs descendants.
(121) La porte de Saint-Thaddée. Les Arméniens entendent quelquefois par le mot toufn. « porte », une église ou une chapelle.
(122) C'est-à-dire la partie intérieure et secrète de la tente qui renferme le harem.
(123) Les Mantagounis, illustre famille satrapale d'Arménie, issue de Miantag, dit l'inévitable [dans les combats], lequel avait été préposé par le premier roi arsacide d'Arménie, Valarsace, à la garde des montagnes et à la chasse du chamois. Les possessions de cette famille étaient sur les limites des districts de Hark' et de Darôn, dans le Douroupéran. A cette famille appartenait le patriarche Jean Ier, dit Mantagouni, l'un des pères les plus éloquents de l'Eglise arménienne.
(124) Tiridate II (Dertad), après la mort de son père Khosrov, fut emmené par son gouverneur Ardavazt (Artabaze) Mantagouni, chez les Romains. Il y fut élevé et se distingua à leur service, dans les guerres que soutinrent les empereurs qui se succédèrent, depuis Carus et Numérien jusqu'à Dioclétien. Devenu leur client, il fut replacé par leur secours sur le trône d'Arménie (Moïse de Khoren, II, 79, 82, 83, 85 et 87).
Après avoir été le persécuteur acharné de saint Grégoire l'Illuminateur, il se convertit à la foi du Christ, et y entraîna sa nation. Il est le premier de tous les souverains qui aient embrassé le christianisme, puisque sa conversion précéda de plusieurs années celle de Constantin le Grand. Tiridate est honoré comme un saint par les Arméniens et son nom est inscrit dans leur ménologe.
(125) En arménien, Schabouh ou Sapor, signifie en effet comme le disent Moise de Khoren et Acogh'ig, fils de roi, prince royal, sanskrit Kschatropoutra.
(126) Il y a, dans le texte arménien, medz kerkessios, qui est la transcription de la dénomination du Circus maximus, à Rome, entre le Palatin et l'Aventin. Fondé par Tarquin l'Ancien, rebâti avec magnificence par Jules César, orné par Auguste, il eut beaucoup à souffrir dans l'incendie de Néron. Après avoir été restauré par Vespasien et Trajan, puis agrandi et de nouveau embelli par Constantin et son fils Constance, il fut rendu un instant à son ancienne splendeur par le roi Théodoric le Grand. Depuis lors, il tomba rapidement en ruines et il n'en reste aujourd'hui que quelques vestiges, à son extrémité sud-est (Handbook of Rome and its environs, 11e édition, dans les Guides Murray, Londres, in-12, 1872).
(127) Moïse de Darôn, plus connu sous le nom de Khorenatsi, c'est-à-dire, originaire de Khoren ou Khorni, bourg du district de Darôn, dans la province de Douroupéran.
(128) Pakrévant et Archarounik', districts de la province d’Ararad.
[1] Les listes de rois et souverains me paraissent sans intérêt à notre époque, elles ont été omises.