Constantion Porphyrogénète

CONSTANTIN VII PORPHYROGÉNÈTE

GEOPONIQUES : extrait

 

Oeuvre numérisée et mise en page par Marc Szwajcer

 

 
CONSTANTIN PORPHYROGENETE

GEOPONIQUES

Extrait

 

 

LIVRE XX

 

 

Chapitre XLI. Pour les seiches seulement.

Pilez lie de vin qui soit sans eau avec huile & entrez dans la mer & mettez icelle au lieu où verrez que la seiche aura laissé son encre noire, & elles viendront où l’huile sera, & ainsi vous les pourrez prendre.

Chapitre XLII. Pour les langoustes.

Liez à quelque chose qui soit bien fort, un poisson appelé Mormyrus,[1] & pilez dix poissons, de quoi se fait la poulpre & y ajoutez un peu de mousse, & puis les mettez sur une pierre, & ainsi vous les prendrez.

Chapitre XLIII. Pour le poisson appelé Melanurus.

Prenez foie de chèvre & en amorcez l’hameçon ; & si nous trouvons quelque autre pêche en la mer, & aussi pour prendre plusieurs autres poissons, nous userons en lieu d’amorçage, de l’ongle de l’âne ou de chèvre.

Chapitre XLIV. La confection de la sauce que l’on appelle Garum.

Le GARUM[2] que l’on appelle autrement Liculmen se fait en cette manière. On met dans un vaisseau les tripes et ventre des poissons, lesquels on sale bien. Pareillement on y sale petits poissons & principalement de ceux qu’on appelle Amerine, ou petits mulets ou menulae ou Lycostomi[3] & finalement tout autre petit poisson et les fait on sécher au soleil & tourner souvent. Et après qu’ils sont endurcis & secs par la chaleur, on en prend le garum de cette manière. On met un panier long dans le vaisseau qui est plein des dits poissons & le garum entré et coulé par le panier, qui autrement est appelé liculman & la grosse matière qui demeure se convertit en saumure à tout sa boue. En outre ceux de Bithynie le préparent ainsi. Vous prenez des poissons appelés maenae, lesquels sont les meilleurs si vous en pouvez avoir, soit petits ou grands & si l’on ne peut recouvrer, prenez lycostomi ou lacerti[4] ou maquereaux ou harengs & de la mesure de tous, vous les mettez dans une mect où l’on fait le pain & à un muid de poisson, ajouterez deux septiers de sel & mettrez bien tout afin que le sel les attempère & ainsi les laissez une nuit & de là les remuez en un vaisseau de terre, lequel tout découvert mettrez au soleil l’espace de deux mois ou trois, & par intervalles les remuerez avec des verges. Cela fait, vous l’ôtez de là & le serrez en quelque lieu. Aucuns y ajoutent du vin vieux, à un muid de poissons, deux septiers de vin. Et après si vous voulez user incontinent de votre sauce, c’est-à-dire sans la mettre au soleil, mais la faire cuire, vous le ferez ainsi. Vous prenez de la saumure distillée & coulée & faut qu’elle soit bonne, tellement que si l’on met un œuf dedans, il faut qu’il nage par-dessus ; car s’il descend en bas, la saumure n’a pas encore assez de sel. Après vous mettez du poisson et la saumure dans des pots neufs & y ajoutez de l’origan, vous les mettez sur le feu, jusqu’à ce qu’il soit cuit & c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il commence un peu à diminuer. Aucuns aussi y ajoutent du vin cuit. Après qu’il est refroidi, on le passe deux ou trois fois par le couloir, jusqu’à ce qu’il soit clair & net & le mettez en un vaisseau couvert. Davantage, le meilleur Garum que l’on appelle Haemation,[5] se fait ainsi. On prend les tripes et oreilles de thon avec le sang & on met du sel par-dessus tant qu’il y an a assez & demeurent dans un vaisseau. Et deux mois après, percez le vaisseau non pas du tout & le Garum dégoutera, qui est appelé Haemation.


 

[1] Le mormyrus est un genre de poisson de la famille des Mormyridés. Les Mormyridés (Mormyridae) forment une famille de poissons d'eau très douce d'Afrique tropicale et du bassin du Nil. Leur représentant le plus connu est le poisson-éléphant, Gnathonemus petersii, ainsi nommé à cause de son barbillon en forme de trompe. Il en existe 203 espèces réparties en 18 genres. Ils peuvent mesurer jusqu'à 1,5 m de long, mais la majorité ont une taille comprise entre 9 et 50 cm. Ils sont remarquables par la taille de leur cervelet (le plus gros connus chez les poissons osseux, mais aussi par la présence à la base de la queue d'un organe électrique qu'ils utilisent pour percevoir leur environnement un envoyant de légères décharges électriques (entre 5 et 20 V). Les impulsions générées par leur organe électrique sont extrêmement brèves, moins d'une milliseconde, plus court qu'un potentiel d'action, et sont répétées à un rythme variable sans interruption de plus d'une seconde. Chaque poisson génère un patron de décharge typique de son espèce, de son âge ou de son sexe, et ce de manière constante sur une journée ou une année.

Il existe deux groupes de genre de Mormorydae, très différents selon leur morphologie:

·                     les "poissons-éléphants", (Campylomormyrus, Gnathonemus, Mormyrus) qui possèdent un barbillon en forme de trompe. Ils mesurent entre 10 et 65 cm.

·                     les "brochets du Nil", (Brienomyrus, Hippopotamyrus, Marcusenius, Petrocephalus, Pollimyrus), qui ont des barbillons de plus petite taille. Ils mesurent entre 6 et 150 cm.

[2] Le garum, ou liquamen (qui veut dire « jus » ou « sauce » en latin) était une sauce, le principal condiment utilisé à Rome dès la période étrusque et en Grèce antique. Il s'agissait de poisson ayant fermenté longtemps dans une forte quantité de sel, afin d'éviter tout pourrissement. Il entrait dans la composition de nombreux plats, notamment à cause de son fort goût salé. Un mélange de garum avec de l'huile ou du vin, nommé œnogaros, intervenait dans la confection du boudin. Le garum le plus réputé, dit garum des alliés (garum sociorum), était fabriqué en Bétique (notamment à Baelo Claudia), sud de l'Espagne actuelle donc en Andalousie, à partir du thon rouge qui migre de l'Atlantique à la Méditerranée. Il s'en faisait une grande pêche, dont le produit était commercialisé salé. Le garum lui, était élaboré avec le sang, les œufs et le système digestif des poissons, mélangés à une grande quantité de sel (au moins 50 % du volume total). La présence de sel inhibant la décomposition naturelle, la macération se produisait probablement sous l'action des sucs digestifs du thon. Il ne s'agit donc pas d'une putréfaction. Des garums de moindre qualité, préparés directement à partir de la chair du thon, ou d'un autre poisson (comme le maquereau), étaient fabriqués dans tout le bassin méditerranéen. Tous ces garums étaient commercialisés dans des amphores qui étaient de petites amphores, vu le prix du contenu. On commercialisait également de l'allec, moins cher, qui était ce qui restait quand le dessus liquide avait été enlevé.

[3] Sans doute les anchois.

[4] Un poisson appelé lézard, mais lequel ?

[5] Epithète pour Garum.