RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE

ALLER à LA TABLE DES MATIÈRES d'ausone

 

ŒUVRES D'AUSONE

 

texte numérisé et mis en page par François-Dominique FOURNIER

 

ÉPITAPHES DES HÉROS QUI ONT PRIS

PART A LA GUERRE DE TROIE.

 

ÉPITAPHES DE QUELQUES AUTRES

 

  souvenirs aux professeurs de Bordeaux      sur les douze Césars 

 


 

ŒUVRES D'AUSONE

ÉPITAPHES DES HÉROS QUI ONT PRIS PART A LA GUERRE DE TROIE.

AUSONE A SON LECTEUR, SALUT.

J'AI pensé qu'il ne serait pas hors de propos d'ajouter ici un opuscule, dépourvu d'intérêt, mais d'un sujet analogue ; et de rattacher à ce livre, consacré à la mémoire des étrangers qui ont enseigné à Burdigala, et des maîtres de Burdigala qui ont professé à l'étranger, les épitaphes, c'est-à-dire les inscriptions tumulaires des héros qui ont pris part à la guerre de Troie. J'ai trouvé ces vers antiques chez un philologue, et je les ai traduits en latin, non pour les enchaîner ici comme un complément nécessaire, mais pour les faire suivre par un rapprochement naturel, et ne point les perdre en les détachant.

I. Agamemnon.

ROI des rois, fils d'Atrée, j'ai vengé la femme de mou frère, et je meurs des mains de la mienne. Que m'a servi de punir dans ma douleur le ravisseur d'Hélène, si Clytemnestre tue le vengeur de l'adultère ?

II. Ménélas.

HEUREUX Ménélas, tu es digne de la demeure des dieux et de l'Élysée promis à ton ombre pieuse. Gendre bien-aimé de Tyndare, bien-aimé de Jupiter, tu venges l'hyménée, tu punis l'adultère ; doué d'une éternelle vie et d'une jeunesse éternelle, tu ne subis l'outrage ni de la mort ni de la vieillesse.

III. Ajax[i].

ON me plonge avec Ajax sous la pierre du sépulcre, moi la vertu guerrière, et je pleure au tombeau mes propres funérailles. J'arrache mes cheveux en désordre, parce que l'injuste Atride me força de céder aux complots de la ruse. Mais je ferai naître de cet illustre sang une fleur de pourpre, qui attestera par un cri de douleur l'iniquité de ce jugement[ii].

IV. Achille[iii].

UNE même terre ne possède pas toutes les dépouille : d'Éacide : le rivage de Sigée recouvre ses os, et Larisse a brûlé sa chevelure. Une partie de son tombeau    Mais dans tout l'univers.... Homère ....

V. Ulysse.

CE tombeau renferme Ulysse, fils de Laërte. Parcours l'Odyssée, si tu veux tout connaître.

VI. Diomède.

ICI repose Diomède, plus vaillant que son vaillant hère. Le crime de sa femme le chassa d'Argos, sa ville dotale. Fondateur d'Argyripa, et d'Arpos célèbre par ses grands hommes, sa ville nouvelle lui fit plus de gloire que son antique patrie.

VII. Antilochus.

BON au conseil et sous les armes, deux qualités qui vont rarement ensemble, je suis Antilochus, cher aux Atrides et cher aux Éacides. J'avais mérité du même coup le prix du courage et de la piété, je venais de sauver Nestor, mon père, quand je mourus. Ce n'était point dans l'ordre de la nature ; mais il était plus juste que celui-là survécût, sans qui la perfide Troie ne pouvait être prise.

VIII. Nestor.

RENFERMÉ dans ce tombeau, après avoir prodigué ma vie au quatrième âge de sa durée, je suis Nestor, célèbre par la sagesse et l'éloquence. Mon fils marcha, pour me sauver, au-devant de la mort qui le frappa lui-même, et le père vécut du trépas de l'enfant. Hélas ! pourquoi la destinée qui dispose de nos jours, prit-elle ainsi plaisir à faire la vie si longue pour moi, et si courte pour Antilochus ?

IX. Pyrrhus.

ENSEVELI au centre du monde[iv], je suis Pyrrhus, plus grand que mon valeureux père, parce qu'enfant encore, j'ai remporté les dépouilles d'un roi. L'impie Oreste m'égorgea par surprise au pied des autels. Pourquoi s'en étonner ? il avait tué sa mère, et sa furie l'égarait encore.

X. Euryalus.

LA Pleuronie[v] ne me croit pas non plus indigne d'un souvenir ; car Euryalus, Diomède et Sthenclus étaient de la même famille ; et je fus le troisième possesseur de ce royaume, où je me contente aujourd'hui d'un tombeau.

XI. Gunéus.

LA mer possède le corps de Gunéus, le tombeau n'a lue son nom : sa gloire vit parmi les hommes, son âme est retournée au. ciel. Tous les éléments forment un commun sépulcre à cet illustre chef. Quels éléments ? le ciel, la terre, la mer et la voix de l’homme.

XII. Protésilas.

PROTÉSILAS ! nom fatal qu'on m'avait donné là ! car je mourus le premier de tous les Grecs dans la guerre phrygienne. Je m'étais élancé avec audace sur le rivage de Sigée, me laissant prendre ainsi aux piéges trompeurs du fils de Laërte, qui, pour ne pas toucher du pied le sol du rivage troyen, descendit en sautant sur son bouclier. Pourquoi me plaindre ? la destinée m'avait prédit ce trépas, quand mon père m'imposa un pareil nom.

XIII. Déiphobus.

LIVRÉ au supplice par la criminelle trahison d'une Lacédémonienne, je suis Déiphobus. Mon cadavre mutilé n'eut d'autre tombeau que celui que le pieux Énée, que Virgile m'ont élevé[vi], en évoquant mes mânes.

XIV. Hector[vii].

C'EST ici le tombeau d'Hector : sa Troie est ensevelie avec lui. Ils reposent ensemble, puisque ensemble ils ont péri.

XV. Astyanax.

FLEUR de l'Asie, unique débris d'une grande faucille, bien jeune encore, mais déjà redoutable aux Argiens par son père, ici repose Astyanax, précipité du haut de la porte Scée. Ô douleur ! les murs Neptuniens d'Ilion ont vu quelque chose de plus cruel que le supplice d'Hector !

XVI. Sarpédon.

SARPÉDON le Lycien, fils de Jupiter, j'espérais, grâce à la divinité de mon père, aller au ciel ; mais je suis, enfermé dans ce tombeau, après avoir été pleuré avec des larmes de sang. Ô destins de fer ! Et celui-là souffre ma perte, qui pouvait l'empêcher !

XVII. Nastès et Amphimachus.

NASTÈS et Amphimachus nobles enfants de Nomion, nous commandions autrefois, et nous ne sommes plus qu'ombre et poussière.

XVIII. Troïlus.

APRÈS la chute d'Hector, malgré les dieux et mes forces inégales, j'osai combattre, moi Troïlus, le cruel Éacide. Traîné dans la poudre par deux coursiers, c'est un honneur que je partage avec mon frère, et son exemple allége mon supplice.

XIX. Polydorus.

ÉLOIGNE-TOI, étranger ; fuis ce myrte que tu ne connais pas : c'est une moisson de javelots qui a pris racine dans mon sang[viii]. Percé de traits, je restai enseveli sous mes propres débris, et ce tombeau est le second qui recouvre Polydorus. Le pieux Énée sait bien, et toi aussi, roi impie, que si le crime d'un Thrace écrase mon cadavre, le culte d'un Troyen lui donne un abri[ix].

XX. Euphemus.

EUPHEMUS, chef des Cicones, est enseveli dans les champs de Troie, près d'une statue de Mars armé de la haste. Et l'inscription gravée sur la pierre sépulcrale ne suffit pas : une énorme statue charge encore le front de sa tombe. Ils s'écroulent bien vite, ces monuments accumulés ; et plus le faste est grand, plus grande est la ruine.

XXI. Hippothous et Pyléus, enterrés dans un jardin.

HIPPOTHOUS et Pyléus sont renfermés dans le sein de cette terre ; le chou et la mauve verdoient à sa surface : et la culture du jardin ne trouble point le repos de leurs cendres ; car la main les épargne en cultivant ces plantes légères.

XXII. Ennomus et Chromius.

ICI reposent Ennomus et Chromius : la Mysie fut leur empire, Alcinus leur père, et l'Océan leur aïeul. A quoi bon cette haute noblesses ? Plus leur origine est illustre, plus les lois du trépas leur pèsent.

XXIII. Priam.

CE n'est point là le tombeau de Priam, ; je ne suis point enterré en ce lieu. Les Grecs ont arraché ma tête ; et moi, cadavre mutilé, sans funérailles et sans nom, je me suis réfugié près des cendres d'Hector, dont je suis le père. Là j'ai retrouvé aussi mes enfants, et Troie et l'Asie, ensevelis avec lui, et tous les débris de notre empire.

XXIV. Même sujet.

AVANT de chercher le tombeau de Priam, qu'on lise l'inscription de celui d'Hector. Ma tombe est celle que j'avais donnée d'abord à mon fils. Hector et son père ont une commune sépulture, parce qu'ils ont eu l'un et l'autre une ruine commune.

XXV. Hécube[x].

MOI qui fus reine, moi la fille de l'illustre Dymas, moi l'épouse de Priam, moi la mère d'Hector, Hécube, je suis morte ici écrasée sous des monceaux de pierres. Mais ma langue avait auparavant servi ma rage, et ma vengeance. Ne vous fiez point à la royauté, au nombre de vos enfants, à la noblesse de votre origine, vous qui lisez notre épitaphe au Tombeau de la Chienne[xi].

XXVI. Polyxène[xii].

POLYXÈNE et Troyenne, on m'enferme au tombeau d'Achille : j'aurais mieux aimé que la terre ne couvrit jamais mon cadavre. Vous faites mal, Achéens, de réunir ainsi deux tombes ennemies : c'est un outrage plutôt qu'une sépulture. 

ÉPITAPHES DE QUELQUES AUTRES

XXVII. Niobé, enterrée sur le mont Sipyle, près d'une fontaine.

JE fus reine de Thèbes, moi qui ne suis aujourd'hui qu'un rocher du Sipyle. J'ai outragé la divinité des Latoïdes. Mère de quatorze enfants, ma joie et mon orgueil, l'ai mené le deuil de chacun de ceux, due j'avais engendrés. Et ce n'était point assez pour les dieux : enveloppée de la dure écorce du marbre, j'ai perdu la forme d'un corps humain. Mais si ma vie est étouffée, la douleur me reste, et m'arrache éternellement de pieux ruisseaux de larmes. Ô forfait ! les dieux ont-ils dans l'âme tant de haines ? La douleur de la mère dure encore, quand la forme a péri.

XXVIII. Même sujet.

JE vivais, je suis devenue pierre[xiii] : façonnée des mains de Praxitèle[xiv], je revis, je suis encore Niobé. La main de l'artiste m'a tout rendu, hors l'intelligence. Je n'en avais point quand j'offensai les dieux.

XXIX. Même sujet.

CE sépulcre n'a point au dedans de cadavre, et le cadavre n'a point de sépulcre au dehors. Sépulcre et cadavre, ici, ne font qu'un.

XXX. Didon[xv].

PAUVRE Didon, nul époux ne t'a donné le bonheur. Celui-ci meurt, tu fuis ; celui-là fuit, tu meurs.

XXXI. Diogène le Cynique[xvi], sur le tombeau duquel le nom est remplacé par une statue de chien.

DIS, chien, à qui ce tombeau ? — Au chien. — Mais quel chien ? — Diogène. — La vie l'a donc quitté ? — Non, mais il a quitté la vie[xvii]. — Quoi ! Diogène, qui avait toute sa pitance dans une besace, et son gîte dans un tonneau, s'en est allé chez les Mânes ? — Non, Cerbère lui défend d'entrer. — Où donc est-il ? — Où brille du Lion l'étoile étincelante : le chien s'est placé près de la juste Érigone.

XXXII. Au tombeau d'une mère de famille, morte à seize ans.

TOUS les biens qu'on peut désirer dans le cours d'une longue vie, Anicia les avait épuisés avant d'avoir accompli son quatrième lustre. Enfant, elle fut nourrie de lait ; puis elle grandit vierge et pubère ; elle se maria, conçut, enfanta, devint mère et mourut. Comment accuser la mort ? comment aussi ne pas l'accuser ? Elle avait tous les dons de l'âge mûr, elle avait l'âge d'une jeune fille encore.

XXXIII. Glaucias, mort avant l'âge.

TA puberté fleurie, après deux fois huit consuls, jeune Glaucias, entourait déjà de son duvet tes tendres joues ; sur tes traits déjà on commençait à distinguer l'homme de la jeune fille, quand le trépas devançant l'heure, t'enleva tous ces dons. Mais tu ne seras point confondu dans la compagnie des morts vulgaires, et ton ombre plaintive n'a point à redouter les marais du Styx. Tu seras ou le fils de Cinyre, l'Adonis de Proserpine, ou le Ganymède du Jupiter de l'Élysée.

XXXIV. Callicratea.

CALLICRATEA, mère de vingt-neuf enfants[xviii], je n'en ai pas vu mourir un seul de l'un ou de l'autre sexe. Mais j'ai compté cent cinq moissons dans le cours complet de ma vie, sans qu'un bâton ait jamais soutenu ma main tremblante.

XXXV. Pour un cheval admirable, par ordre d'Auguste.

PHOSPHORUS, tu parcourais toujours vainqueur, aux acclamations du Cirque[xix], les sept tours de sa vaste carrière ; tu modérais ton premier élan en sortant de la barrière, pour dépasser ensuite avec plus de vigueur les coursiers qui t'avaient précédé. Tu devançais sans peine les rapides quadriges, et tu mettais de préférence ta gloire à vaincre les vainqueurs eux-mêmes. Reçois ces vers pour te consoler de la vanité du sépulcre, et vole avec vitesse vers les coursiers ailés de l'Élysée. Là, que Pégase coure à ta droite ; à la volée, Arion à gauche : le quatrième, que Castor te le donne[xx].

XXXVI. Pour le tombeau d'un homme heureux.

ARROSE mes cendres de vin, et de l'huile parfumée du nard, passant ; mêle aussi le baume à la rose de pourpre. Les larmes ne doivent point mouiller cette urne qui me donne un printemps éternel. Je n'ai fait que changer de vie ; je ne suis point mort. Aucune des joies de mes anciens jours n'a péri pour moi, soit que tu penses que je me rappelle tout ou rien.

XXXVII. Le sépulcre vide de Carus.

CARUS m'a construit pour lui, pour sa femme et pour ses enfants ; je suis le monument destiné plus tard à leur commune sépulture. Depuis longtemps déjà mon enceinte reste vide : puissé-je m'en plaindre longtemps encore ! Que chacun d'eux ne vienne qu'à son tour, et selon les lois de leur âge ; et qu'au sein du repos éternel celui-là descende le premier qui le premier reçut le jour.

XXXVIII. Un tombeau de la voie Latine.

JE ne dis point mon nom, mon père, mon pays, mes actions. Je suis muet pour l'éternité, cendre, ossements, rien. Je ne suis pas, je n'ai pas été, et pourtant je fus engendré du néant. Passe, et ne me fais pas de reproches

tu seras comme moi.

  souvenirs aux professeurs de Bordeaux      sur les douze Césars 



[i] Cette épitaphe est imitée d'une épigramme grecque du liv. III de l'Anthologie, traduite ainsi par Ronsard :

Quelle est ceste déesse en larmoyant couchée
Sur le tombeau d'Ajax ? c'est la pauvre Vertu.
Quelle main si hardie a sa tresse arrachée ,
Et de grands coups de poing son estomac bain ?
Soy-mesme se l'est fait de son ongle pointu,
Despite contre Ulysse, après que laschement
(L'ost des Grecs estant juge) un tort bien débatu
Veinquit la vérité par un faux jugement.

[ii] Voir OVIDE, Métamorphoses, liv. XIII, v. 395.

[iii] Burmann, dans son Anthologie latine, liv. I, rapporte plusieurs autres épitaphes d'Achille, qui pourront consoler des lacunes de celle-ci.

[iv] A Delphes.

[v] Strabon (liv. X) appelle ainsi la partie de l'Étolie où était située la ville de Pleuron. Ce mot désigne ici la partie de la Grèce qui formait le royaume de Diomède, de Sthénélus et d'Euryalus, c'est-à-dire le royaume d'Argos.

[vi] VIRGILE, Énéide, liv. VI, v. 494 et 505.

[vii] Voir, dans Burmann (Anthol. lat., liv. I), une autre épitaphe d'Hector par Pentadius.

[viii] VIRGILE, Énéide, liv. III, v. 22 et suiv.

[ix] Allusion aux deux espèces de tombeaux dont il vient de parler.

[x] On trouve, dans l'Anthologie latine de Burmann, liv. I, n, 161, une épitaphe d'Hécube assez semblable à celle-ci.

[xi] On raconte de différentes manières la mort d'Hécube. Lapidée ou jetée à la mer, selon les uns ; elle fut, selon d'autres, métamorphosée en chienne. De là le nom de cynos-sema, ou tombeau de la chienne, donné à son tombeau. — Voir STRABON, Géogr., liv. XIII, et POMPONIUS MELA, liv. II, ch. 2, § 90.

[xii] On peut comparer avec cette épitaphe une pièce sur le même sujet, publiée par Burtnann, Anthol. lat., liv. I, n° 101.

[xiii] Ronsard a ainsi traduit cette épitaphe, qui est, comme la précédente et la suivante, tirée de l'Anthologie :

NIOBÉ ET LE PASSANT.

NIOBÉ.
Je vivois, un rocher Praxitèle m'a faite.

LE PASSANT.

Pourquoy la main, qui fut d'animer si parfaite,
Ne t'a lame et l'esprit en ce rocher laissé ?

NIOBÉ.

Je les perdy tous deux quand les dieux j'offensai.

[xiv] On a retrouvé plusieurs groupes antiques de Niobé, parmi lesquels il en est un qu'on croit pouvoir attribuer à Praxitèle. — Voir la Biographie universelle de Michaud, partie mythologique, art. Niobé.

[xv] Cette épitaphe a été bien des fois traduite en vers français, d'abord par P. Corneille, et de deux manières :

Misérable Didon, pauvre amante séduite,
Dedans tes deux maris je plains ton mauvais sort,
Puisque la mort de l'un est cause de ta fuite,
Et la fuite de l'autre est cause de ta mort.
Quel malheur en maris, pauvre Didon, te suit
Tu l'enfuis quand l'un meurt, tu meurs quand l'autre fuit.

Puis par Leibnitz :

Quel mari qu'ait Didon, son malheur la poursuit :
Elle fuit quand ]'un meurt, et meurt quand l'autre fuit.

Le Père Bouhours, dans sa Manière de bien penser (cité par Rollin, Traité des Études, liv. IV, ch. 3), rapporte avec éloges cette autre traduction dont il ne nomme pas l'auteur :

Pauvre Didon, où t'a réduite
De tes maris le triste sort !
L'un en mourant cause ta fuite,
L'autre en fuyant cause ta mort.

L'abbé, Desfontaines la blâme, au contraire (Disc. sur la traduction des poètes, en tête de sa trad. de Virgile), et il traduit ainsi à sa manière :

Hélas ! que tes époux te causent de malheurs,
Didon ! L'un meurt, tu fuis ; l'autre fuit, et tu meurs.

Enfin, Souchay cite une sixième traduction qui se rapproche beaucoup de celle de l'abbé :

Didon, tes deux maris te comblent de douleurs :
Le premier meurt, tu fuis ; le second fuit, tu meurs.

[xvi] Cette épitaphe est tirée de l'Anthologie, liv. III. M. Cousin (Ouvrages inéd. d'Abélard, Appendice, p. 621) en cite une traduction latine qu'il a retrouvée dans un manuscrit de la Bibliothèque Royale, parmi des traités de philosophie. Les quatre premiers vers sont, à quelques variantes près, les mêmes que ceux d'Ausone. Voici les deux derniers :

Parva polenta, tripos, baculus, scyphus, arta supellex
Ista fuit cynico ; deputat hoc nimium.

[xvii] La même idée se retrouve dans une élégie de Brebœuf, intitulée le Songe homicide :

Ouy, j'ay cru que Philis avoit perdu la vie....
Ou plustost que la vie avoit perdu Philis.

[xviii] Imité du grec de l'Anthologie, liv. III : EÝxosi Kallixr‹teia.

[xix] Spatiosa per œquora Circi (v. 1). Au lieu de spatiosa, le manuscrit de Vinet portait pauosa, et au-dessus, d'une autre main, panosa, pour pannosa, que Vinet est bien tenté d'adopter, et qu'il entend des étoffes de diverses couleurs qui distinguaient les factions du Cirque.

[xx] Ces coursiers célèbres se trouveraient ainsi attelés, d'après Gronovius : au timon, Phosphorus à gauche, c'est la place d'honneur, et Pégase à droite; et comme chevaux de trait ou de volée, Arion (HOMÈRE, Iliade, liv. XXIII, v. 347) à droite, et Cyllarus, le cheval de Castor, à gauche.

On peut comparer cette épitaphe avec celle de Borysthène, le cheval de l'empereur Adrien, rapportée par Burmann, Anthol. lat., liv. IV, n° 399 :

« Borysthènes, Alain, coursier de César, aimait à voler, par les eaux, les marais et les collines étrusques, après les sangliers de Pannonie ; jamais sanglier poursuivi n'osa le blesser de sa dent blanche, ou l'approcher assez pour lui mouiller le bout de la queue de l'écume de sa bouche, comme souvent il arrive. Il avait encore toute sa jeunesse et toute la vigueur de ses membres, quand son jour arriva. Il est mort, et repose en ce champ. »

Burmann rapporte encore le fragment suivant de l'épitaphe d'un cheval du Cirque :

« Jamais coursier meilleur ne sortit des forêts de la Toscane ou des pâturages de la Sicile. Tu devançais le vol de l'oiseau , tu dépassais le souffle du Carus, et te voilà à l'écurie dans ce tombeau ! »

  souvenirs aux professeurs de Bordeaux      sur les douze Césars