CHAPITRE
PREMIER. Entre le Cophès et l'Indus se présente la ville de Nysa, fondée,
dit-on, par Bacchus, vainqueur de l'Inde.
Quel est ce Bacchus, et quand a-t-il porté la guerre dans les Indes ? était-il
venu de Thèbes ou de Tmole (en Lydie) ? Obligé de traverser les nations les
plus belliqueuses alors inconnues aux Grecs, comment n'a-t-il soumis que les
Indiens ? Il ne faut point percer trop avant dans tout ce que la fable rapporte
des dieux. Les récits les plus incroyables cessent de l'être, lorsque les
faits appartiennent à quelque divinité.
Alexandre, arrivé devant cette ville, vit venir à sa rencontre une députation
de trente principaux citoyens, à la tête desquels était Acuphis, le premier
d'entre eux ; ils lui demandent de respecter, en l'honneur du Dieu, la liberté
de leur ville. Arrivés dans la lente d'Alexandre, ils le trouvent couvert de
ses armes et de poussière, le casque en tête et la lance à la main. À cet
aspect, ils se prosternent épouvantés, et gardent un long silence. Alexandre
les relève avec bienveillance, et les encourage. Alors Acuphis : « Au nom de
Dionysus, daignez, prince, laisser à la ville de Nysa sa liberté et ses lois.
Le grand Dionysus, prêt à retourner dans la Grèce, après la conquête de
l'Inde, fonda cette ville monument éternel de sa course triomphale. Il la
peupla des compagnons émérites de son expédition. Héros !, c'est ainsi que
vous avez fondé une Alexandrie sur le Caucase, une autre en Égypte ; c'est
ainsi que tant de villes portent ou porteront le nom d'un conquérant déjà
plus grand que Bacchus. Ce Dieu appela notre ville Nysa, en mémoire de sa
nourrice ; ce nom s'étend à toute la contrée : cette montagne, qui domine nos
murs, porte celui de Méros, et rappelle l'origine de notre fondateur. Depuis ce
temps les habitants de Nysa sont libres, et se gouvernent par leurs lois. Le
Dieu nous a laissé un témoignage de sa faveur : ce n'est que dans notre
contrée que croît le lierre, inconnu dans tout le reste de l'Inde. »
Le discours d'Acuphis fut agréable à Alexandre; il crut ou voulut faire croire
ce qu'on rapportait de Bacchus, fier l'avoir marché sur ses traces au-delà
desquelles il comptait. s'élancer, espérant aussi que, par une noble
émulation les travaux de Bacchus , les Macédoniens seraient prêts à tout
entreprendre. Il conserva aux habitants de Nysa leurs franchises.
Il s'informe ensuite de leur état politique ; il applaudit à leur constitution
; elle est aristocratique, et il exige qu'on lui livre comme otages trois cents
équestres et cent membres du conseil des trois cents. Acuphis était du nombre
de ces derniers; il le nomme hyparque. Lequel souriant : « Eh comment une cité
dépourvue de cent hommes de bien pourra-t-elle se gouverner ? Si son salut vous
est cher, prenez trois cents et plus de nos équestres ; et au lieu d'exiger
cent de nos meilleurs citoyens, demandez-en deux cents des plus mauvais, c'est
le seul moyen d'assurer à notre cité la conservation de son ancien éclat. »
La prudente énergie de ce conseil ne déplut point à Alexandre, qui se
contenta des trois cents équestres. Acuphis lui envoya son fils et son
petit-fils.
Alexandre, curieux de visiter les monuments en la gloire de Dionysus dont le
pays des Nyséens est peuplé, monte sur le Héros, suivi de la cavalerie des
Hétaires et de l'Agéma des phalanges : le lierre et le laurier y croissaient
en abondance : on y trouve des bois sombres et peuplés de fauves. Les
Macédoniens reconnurent avec transport le lierre qu'ils n'avaient pas vu depuis
longtemps. En effet, il n'en croît pas dans l'Inde, même aux lieux où l'on
trouve la vigne ; ils en forment des guirlandes et des couronnes, et entonnent
les hymnes de Bacchus, qu'ils appellent par tous ses noms. Alexandre y sacrifie,
et invite les Hétaires à un festin. On rapporte qu'alors les premiers des
Macédoniens couronnés de lierre dans cette orgie, et comme saisis des fureurs
dionysiaques, coururent en bacchants ivres et frénétiques.
Ce fait, je ne puis ni le certifier ni le rejeter. Je ne partage cependant point
l'opinion d'Érathostène, qui prétend que tous les honneurs rendus alors à la
Divinité n'étaient qu'un hommage détourné qui s'adressait à l'orgueil
d'Alexandre, auquel on applaudissait : il ajoute à l'appui mille fables des
Grecs. Un autre qu'ils trouvent chez les Parepamisades, est celui de Prométhée
; c'est-là que l'infortuné a été attaché , qu'un aigle déchirait ses
entrailles , et qu'Hercule vint rompre ses fers et immoler l'aigle. Ces vaches,
marquées d'une massue, annoncent le séjour d'Hercule dans les Indes. Ils
transportaient ainsi le Caucase du Nord à l'Orient, et donnèrent son nom à la
montagne de Paropamise, pour imprimer un nouveau lustre aux exploits
d'Alexandre. Eratosthène fait la même critique du voyage de Dionysus; je
laisse aux lecteurs à prononcer.
Alexandre, arrivé aux bord de l'Indus, trouve le pont dressé par Héphaestion,
plusieurs petits bâtiments et deux triacontères, des présents de Taxile; deux
cents talents d'argent, trois mille bœufs, dix mille moutons, trente
éléphants. Taxile y joint sept cents hommes de cavalerie indienne auxiliaire,
et lui fait remettre les clés de la capitale située entre l'Indus et
l'Hydaspe.
Alexandre sacrifie aux Dieux, fait célébrer des jeux gymniques et équestres :
les augures sont favorables.
CHAP.
2. L'Indus est le plus grand des fleuves de l'Europe et de l'Asie, à
l'exception du Gange; ses sources tombent de Paropamise qui termine la chaîne
du Caucase à l'Orient : il se décharge au midi dans l'Érythrée par deux
embouchures marécageuses, ainsi que celles de l'Ister, et qui présentent ,
comme le Nil, la forme d'un triangle que les Grecs appellent Delta, et les
Indiens Pattala. Voilà ce que j'ai pu recueillir de plus certain sur l'Indus.
On voit aux Indes d'autres fleuves, l'Hydaspe, l'Acésinès, l'Hydraote et
Myphase, qui, par leur étendue considérable, sont à tous les fleuves de
l'Asie, ce que l'Indus est à eux, ce que le Gange est à l'Indus. Ctésias, si
cet auteur a quelque poids, détermine la moindre largeur de l'Indus à quarante
stades, la plus grande à cent, et la moyenne à soixante-dix.
Alexandre passa le fleuve au point du jour avec toute son armée.
Je ne traiterai point ici de l'Inde, de ses lois, de ses productions, des
animaux extraordinaires qu'elle nourrit, des poissons monstrueux qu'on trouve
dans ses fleuves. Quant à ces fourmis qui font de l'or, à ces griffons qui le
gardent, ces contes appartiennent à la fable et non à l'histoire; et les
auteurs en sont d'autant plus prodigues, qu'il semble difficile de les
convaincre de fausseté. Alexandre et ceux qui l'ont suivi ont remarqué dans
leurs propres historiens une foule de mensonges. Ils se sont assurés, dans les
Indes dont ils ont parcouru la plus grande étendue, que ces peuples simples
n'avaient ni trésors ni luxe. Les Indiens ont le teint d'un brun foncé; ils
sont de haute taille, ils ont près de cinq coudées de haut, ce sont les hommes
les plus grands et les plus belliqueux de l'Asie. Je ne leur compare point les
Perses dont la valeur, guidée par Cyrus, enleva aux Mèdes l'empire de l'Asie,
et soumit plusieurs nations. Ces Perses étaient pauvres, habitaient un pays
sauvage, et vivaient sous des institutions assez semblables à celles de
Lycurgue et s'ils furent vaincus par les Scythes, je ne sais s'il faut
l'attribuer à leur infériorité plutôt qu'aux désavantages du poste, ou à
la faute de leur général.
Je me propose de rassembler dans un ouvrage spécial, sur les Indes, tous les
détails dignes de foi et d'attention d'après les récits qu'en ont laissés et
ceux qui accompagnèrent Alexandre, et Néarque qui parcourut la mer des Indes,
et Mégasthène et Eratosthène, auteurs croyables. C'est là que je décrirai
les mœurs, les lois, les productions extraordinaires de ces contrées et les
détails du voyage de Néarque; ici je dois me renfermer, dans l'histoire des
exploits d'Alexandre.
La chaîne du Taurus coupe l'Asie :commençant à Micale qui regarde Samos, et
suivant par la Pamphilie et la Cilicie, elle se prolonge dans l'Arménie, la
Médie au-delà du pays des Parthes, des Chorasmiens jusque dans la Bactriane,
où elle s'attache au Paropamise, que les Macédoniens, pour flatter l'orgueil
d'Alexandre, ont surnommé le Caucase, lequel pourrait se réunir à celui de la
Scythie, en s'étendant comme le Taurus. Je lui conserverai ce nom de Caucase
que j'ai déjà employé; il s'avance jusqu'à la mer Érythrée vers l'Orient.
Tous les fleuves célèbres de l'Asie descendent du Caucase et du Taurus; les
uns coulent vers le Nord et se jettent soit dans Ies Palus-Méotides soit dans
la mer Caspienne ; les autres coulent au Midi, tels l'Euphrate, le Tigre,
l'Indus, l'Hydaspe, l'Acésinès, l'Hydraote, l'Hyphase, et enfin tous ceux qui
arosent les régions de l'Inde jusqu'au Gange. Quelques-uns forment des Marais
et plongent sous la terre comme l'Euphate; une partie se décharge dans les
mers.
L'Asie est donc coupée dans sa longueur de l'Est à l'Ouest, par le Taurus et
le Caucase qui la partagent en méridionale et en septentrionale la première se
subdivise en quatre régions, dont l'Inde est la plus grande, au rapport
d'Ératosthène et de Mégasthène. (Ce dernier fixé chez Sibyrtius, satrape
des Arachotiens, fit, ainsi qu'il nous l'apprend, plusieurs voyages à la coin
de Sandracotte, roi des Indiens.) La moins étendue de ces régions est celle
enclavée entre l'Euphrate et la Méditerranée; les deux autres, situées entre
l'Euphrate et l'Indus, ne peuvent même réunies, se comparer à l'Inde.
Celle-ci est bornée à l'Orient et au Mid par l'Erythrée, au Nord par le
Caucase et le Taurus, et à l'Occident par l'Indus: dans toute l'étendue de son
cours.
l'Inde s'étend presque partout en plaines : on les croit formées par les
attérissements des fleuves débordés. C'est ainsi qu'aux bords de la mer
croissent ces plaines qui empruntent le nom des fleuves à qui elles doivent
leur origine ainsi l'Hermus qui tombe du mont de Cybèle en Asie, et se
décharge près de Smyrne en Éolie, a donné son nom ans champs d'Hermus; ainsi
le Lydius à la plaine du Cayster, le Caïcus à la Mysie , et le Méandre à la
Carie qui s'étend jusqu'à Milet. Ainsi l'Égypte est un présent du Nil, s'il
en faut croire Hérodote et l'historien Hécatée (supposé que l'ouvrage qui
porte son nom soit effectivement de lui.) Hérodote le prouve d'une manière
irrésistible; il paraît même que le fleuve a donné son nom cette à
contrée; il s'appelait l'Égyptus au rapport d'Homère, qui fait aborder la
flotte de Ménélas à l'embouchure de l'Égyptus.
Que si des fleuves peu considérables entraînent depuis leur source jusqu'à
leur embouchure assez de limon pour en former des plaines, comment ne pas
attribuer le même effet à ceux qui arrosent les champs de l'Inde. L'Hermus, et
le Caytser, et le Caïcus, et le Méandre, et les autres fleuves de l'Asie qui
se déchargent dans la Méditerranée, si leurs eaux étaient réunies, loin de
pouvoir être mis en parallèle avec le Gange, le plus grand des fleuves, qui
surpasse le Nil même et l'Ister, ne sauraient être comparés à l'Indus qui,
déjà considérable à sa source, se jette dans. les mers grossi dans sa course
des eaux de quinze grands fleuves.
C'en est assez sur l'Inde; je m'étendrai davantage dans l'histoire spéciale
que j'en écrirai.
Aristobule et Ptolémée, qui sont ici mes guides, ne m'instruisent point de la
manière dont fut formé le pont jeté sur l'Indus. Fut-il construit avec des
bateaux, comme ceux que Xerxès jeta sur l'Hellespont, et Darius sur le Bosphore
et l'Ister, ou était-ce un pont à demeure et continu ? J'incline pour le
premier parti; en effet, la profondeur du fleuve devait rendre l'opération d'y
bâtir un pont fort difficile, et le temps aurait manqué pour une si grande
entreprise. Ensuite ce pont de bateaux a-t-il été formé en les attachant les
uns aux autres, comme on fit, selon Hérodote, au passage de l'Hellespont, ou en
les joignant par des traverses de bois de la manière dont les Romains en
usèrent pour traverser l'Ister et le Rhin, et en usent encore toutes les fois
qu'il faut passer l'Euphrate et le Tigre.
Je vais décrire ce dernier procédé, parce qu'il est plus prompt, plus facile,
et qu'il est bon de le connaître.
À un signal convenu on abandonne un bâtiment au courant, non en droite ligne,
mais obliquement, comme s'il était retenu par la poupe; on rompt, à force de
rames, l'effort du courant qui l'entraîne. Parvenu au lieu désigné, on jette
de la proue de grands cônes d'osier remplis de pierres dont la pesanteur
l'arrête. On tourne en face, et on fixe de la même manière la proue d'un
autre bâtiment à la distance nécessaire; on jette de l'un à l'autre dans la
direction du passage, des pièces de bois que l'on assujettit par des traverses;
on procède ainsi d'un bâtiment à l'autre jusqu'à l'entière confection du
pont, aux extrémités duquel on place des pièces de descente en bois que l'on
fixe sur la rive, et qui servent à-la-fois et à faire passer commodément les
chevaux et le bagage, et à retenir la masse du pont. L'ouvrage s'exécute en
peu de temps, et en ordre au milieu du tumulte, sans que le bruit et le
mouvement des travailleurs puissent empêcher de recevoir et d'exécuter
promptement les ordres.
Alexandre, après avoir passé l'Indus, sacrifie selon le rite grec, et arrive
à Taxile, ville riche et populeuse, la plus grande de Celles situées entre
l'Indus et l'Hydaspe. Taxile , hyparque, et les Indiens reçurent, avec les plus
grands témoignages d'amitié, ce prince qui ajouta à leurs possessions celles
des contrées voisines qu'ils lui demandèrent.
Il reçoit des envoyés d'Abissare, roi des Indes vers les montagnes, qui lui
députe son frère à la tête des principaux du pays ; d'autres lui apportent
es présents de Doxaris.
Alexandre offre les sacrifices accoutumés; fait célébrer des jeux gymniques
et équestres ; établit Philippe satrape de la contrée; et jette en garnison
à Taxile les soldats que leurs blessures ont mis hors de combat.
CHAP.
3. On annonce que de l'autre côté de l'Hydaspe Porus attend Alexandre avec
toute son armée, pour lui barer le passage ou le combattre ensuite.
Alexandre renvoie alors Coenus vers l'Indus pour en retirer les bâtiments qui
lui avaient servi à le traverser, avec ordre d'en démonter les pièces et de
les conduire vers l'Hydaspe. Cet ordre est exécuté ; les plus petits sont
rompus en deux, les plus grands en trois; on les transporte sur des chars
jusqu'au fleuve, on les y rassemble, on les met à flots.
Alexandre, réunissant toutes les troupes qui l'avaient accompagné à Taxile,
et cinq mille Indiens sous la conduite de leur prince et des principaux du pays,
marche vers l'Hydaspe, et campe sur ses bords. Porus parut de l'autre côté
avec toute son armée et ses éléphants. Il défendait lui-même le passage du
fleuve en face d'Alexandre, après avoir envoyé des détachements sur les
autres points où l'on aurait pu tenter de le traverser.
À la vue de ces dispositions, Alexandre, pour tromper et inquiéter Porus sur
les siennes, divisa aussi son armée en plusieurs corps sous de nouveaux
commandants, qu'il jeta sur différents points, et qui devaient reconnaître les
gués et ravager le pays ennemi. Il affecta de rassembler, dans son camp, des
provisions immenses tirées des pays en-deçà de l'Hydaspe, pour laisser croire
à Porus qu'il attendrait l'hiver, où les eaux de ce fleuve sont plus basses,
En effet, elles étaient alors grossies par les pluies abondantes qui tombent
dans les Indes pendant le solstice d'été ; ajoutez que les chaleurs fondent
les neiges sur le Caucase où la plupart des fleuves de l'Inde prennent leur
source. Leur cours en est troublé et rendu plus rapide ; mais en hiver ils
rentrent dans leur lit, et, à l'exception du Gange, de l'Indus et de quelque
autre, on peut les traverser à pied, ainsi que l'Hydaspe.
Alexandre avait répandu le bruit qu'il attendrait ce moment. D'un autre côté,
les radeaux et les bâtissions conduits sur différents points du fleuve, toutes
les troupes qui couvrent son rivage, tenaient l'ennemi en haleine, et ne lui
permettaient pas de prendre un parti décisif.
Alexandre, du fond de son camp, observait tous les mouvements, et épiait
l'instant d'effectuer le passage à l'improviste et à l'insu de l'ennemi. Il
reconnaissait la difficulté de passer en face de Porus; le nombre des
éléphants, celui des Indiens tous bien armés, et disposés au combat, prêts
à tomber sur les Grecs au sortir du fleuve, l'inquiétaient d'autant plus,
qu'il prévoyait que l'aspect et les cris des éléphants mettraient sa
cavalerie en désordre, qu'on ne pourrait être maître des chevaux qui se
précipiteraient dans le fleuve ; il sentit qu'il fallait avoir recours à la
ruse voici celle qu'il employa.
La nuit, il fait courir sa cavalerie le long du rivage, pousser de grands cris
et sonner , les trompettes, comme si on eût effectué le passage pour lequel
tout était disposé. Àce bruit, Porus accourt aussitôt sur le rivage;
Alexandre de rester en bataille sur le bord. Cette feinte étant répétée, et
Porus, ayant reconnu que le mouvement se bornait à des cris, cesse de
s'ébranler alors qu'on les répète, et se contente d'envoyer des éclaireurs
sur les différents points du rivage.
Alexandre, voyant Porus tranquille, songe à exécuter son dessein. Àcent
cinquante. stades du camp, s'élevait un rocher que tourne l'Hydaspe : en face ,
et au milieu du fleuve, s'offre une île déserte; l'un et l'autre sont couverts
de bois ; Alexandre, après les avoir reconnus, les jugea très propres à
masquer le passage de ses troupes. Il avait établi le long du rivage des gardes
avancées assez rapprochées pour communiquer facilement. Pendant plusieurs
nuits, il fait pousser de grands cris, et allumer des feux sur différents
points. Le jour destiné au passage, il en fait les dispositions dans son camp,
à la vue de l'ennemi. Cratérus doit y rester avec son corps de cavalerie, les
Arachotiens et les Paropamisades, la phalange des Macédoniens, les bandes
d'Alcétas et de Polysperchon, les cinq mille Indiens auxiliaires et leurs
chefs. Il a l'ordre de ne passer le fleuve que lorsque Porus serait ébranlé et
vaincu. « Si Porus ne marche contre moi qu'avec une partie de son armée, sans
emmener les éléphants, ne bougez; dans le cas contraire, passez aussitôt : la
cavalerie ne peut être repoussée que par les éléphants ; le reste de
l'armée ne saurait vous arrêter. »
Entre l'île et le camp, Méléagre, Attalus et Gorgias, avec la cavalerie et
l'infanterie des stipendiaires, reçoivent l'ordre de passer le fleuve par
détachements, aussitôt que l'action sera engagée avec Porus.
Alexandre, à la tête de l'Agéma, des Hétaires, des, chevaux d'Ephestion, de
Perdiccas et de Démétrios, des Bactriens, des Sogdiens, de la cavalerie
scythe, des archers Dahes à cheval, des Hypaspistes de la phalange, des bandes
de Clitus et de Coenus, des archers et des Agriens, s'éloigne assez du rivage
pour dérober sa marche à l'ennemi, et se dirige vers le rocher. On dispose
pendant la nuit les radeaux. L'orage qui vint alors à éclater, le bruit du
tonnerre couvrant celui des apprêts et des armes, et la pluie, dérobèrent à
l'ennemi les préparatifs d'Alexandre. Protégé par la forêt, on ajuste les
bâtiments et les triacontères.
Au point du jour, et l'orage apaisé , Alexandre effectue le passage ; une bonne
partie de l'infanterie et de la cavalerie passe dans l'île, les uns sur des
bâtiments, les autres sur des radeaux. Les éclaireurs de Porus ne
s'aperçoivent du mouvement des Grecs qu'au moment où ceux-ci touchent presque
à la rive opposée.
Alexandre monte lui-même un triacontère, et aborde avec Ptolémée, Perdiccas
et Lysimaque, ses gardes, Seleucus, un des Hétaires qui fut depuis son
successeur, et la moitié des Hypaspistes ; l'autre moitié passe séparément.
Les éclaireurs courent à toutes brides en donner avis à Porus.
Alexandre touche à terre le premier, range avec ses généraux la cavalerie en
bataille à mesure qu'elle arrive. ( Elle avait reçu l'ordre de passer la
première.) Le prince marchait à la tête contre l'ennemi, quand il reconnut
qu'il était dans une autre île fort grande (ce qui avait causé son erreur) et
qui n'était séparée de terre que par un canal assez étroit mais la pluie
tombée pendant la nuit l'avait grossi au point que la cavalerie, ayant peine à
trouver un gué, crut que ce bras du fleuve serait aussi difficile à passer que
les deux autres. On le traversa cependant malgré la hauteur des eaux, les
chevaux en eurent jusqu'au poitrail, et l'infanterie jusque sous les bras.
Le fleuve passé, Alexandre place à l’aile droite l'agéma de sa cavalerie
avec élite des Hipparques ; il jette en avant ses archers à cheval, les fait
suivre par l’infanterie des Hypaspistes royaux, sous les ordres de Séleucus ;
vient ensuite l'agéma royal et le reste des Hypaspistes, chacun dans le rang
que ce jour lui avait assigné ; les côtés de la phalange sont flanqués
d'archers, d'Agriens et le frondeurs.
L'ordre de bataille ainsi disposé, il laisse derrière lui six mille hommes
d'infanterie qui doivent le suivre au pas. Il court à la tête de cinq mille
chevaux contre l'ennemi , auquel il croit sa cavalerie supérieure. Tauron,
Toxarque, le soutiendra de suite avec ses archers. Si Porus venait à sa
rencontre avec toute son armée, il espérait la mettre en déroute du premier
choc de la cavalerie, ou du moins soutenir le combat jusqu'à l'arrivée de
l'infanterie. Si les Indiens, épouvantés de son audace, se débandaient, il
les poursuivait, en faisait une boucherie, et détruisait d'autant la masse de
leurs forces pour un autre combat.
Aristobule raconte que le fils du monarque indien parut avec soixante chars sur
le rivage, avant qu'on eût franchi la seconde île; qu'il aurait pu alors
s'opposer au passage des Grecs qui s'était même effectué difficilement, alors
qu'ils n'avaient point été repoussés; qu'il aurait pu tomber encore sur eux
au moment où ils abordèrent, mais qu'il s'éloigna sans tenter aucune
résistance ; qu'Alexandre détacha à sa poursuite les archers à cheval qui
tuèrent à l'ennemi beaucoup de monde dans sa fuite.
Selon d'autres historiens, le fils de Porus, à la tête d'un nombre
considérable d'indiens, attaqua la cavalerie d'Alexandre au sortir du fleuve,
blessa ce prince, et tua même son cheval Bucéphale qu'il chérissait beaucoup.
Mais Ptolémée le rapporte autrement, et je partage son opinion. Porus détacha
effectivement son fils contre l'ennemi, mais non avec soixante chars, ce qui
n'est pas vraisemblable. En effet, comment, instruit de la marche d'Alexandre,
Porus aurait-il exposé son fils avec des forces trop embarrassantes, s'il ne
s'agissait que d'une reconnaissance, et trop faibles pour arrêter les Grecs ou
les combattre ? il vint avec deux mille chevaux, et cent vingt chars, mais il
n'arriva que lorsque Alexandre avait franchi la seconde île.
Alexandre détacha aussitôt Contre lui ses archers à cheval, et marcha à la
tête de sa cavalerie. Il croyait avoir à combattre Porus avec toutes ses
forces, prenant ce corps de cavalerie pour l'avant-garde. Mais bientôt instruit
par ses éclaireurs du nombre des Indiens, il pousse sur eux avec toute sa
cavalerie; l'ennemi qu'il vient choquer, non en ordre de bataille, mais en
masse, se débande; quatre cents hommes de la cavalerie indienne et le fils de
Porus sont tués; on s'empare des chevaux et de tous les chars qui n'avaient pu
être employés, ni dans le combat sur un terrain que la pluie avait rendu
impraticable, ni dans la fuite, à cause de leur pesanteur.
CHAP.
4. Porus, à la nouvelle de la mort de son fils et de la marche des
principales forces d'Alexandre hésita d'abord s'il irait à sa rencontre, en
voyant le mouvement de Cratérus qui s'ébranlait pour passer : il prend
cependant le parti de se porter sur le point où se trouve le roi lui-même avec
l'élite de son armée; mais il laisse en partant un détachement et quelques
éléphants sur la rive pour tenir Cratérus en respect. Il marche donc contre
Alexandre à la tête de trente mille hommes d'infanterie, et de toute sa
cavalerie. composée de quatre mille chevaux, de trois cents chars, et de deux
cents éléphants. Arrivé dans une plaine ferme et propre au développement de
sa cavalerie, il range ainsi son armée. En avant les éléphants à cent pieds
de distance l'un de l'autre, doivent épouvanter la cavalerie d'Alexandre ; ils
couvrent l'infanterie indienne rangée sur une seconde ligne, dont quelques
points s'avancent dans les vides de la ligne des éléphants. Porus avait pensé
que jamais la cavalerie de l'ennemi n'oserait s'engager dans les ouvertures du
premier rang, où les éléphants devaient effrayer leurs chevaux ; l'infanterie
l'oserait encore moins, menacée à la fois par ces animaux terribles, et les
par soldats de la seconde ligne. Cette dernière s'étendait jusqu'aux ailes,
formées de la cavalerie appuyée sur l'infanterie ; au devant étaient les
chars.
Alexandre, arrivé en présence, fait halte pour donner à la phalange des
Macédoniens qui arrive à grands pas, le temps de le rejoindre. Et pour ne
point les mener essoufflés au combat, il fait caracoler sa cavalerie en face de
l'ennemi. Après en avoir reconnu les dispositions, et pénétrant l'intention
de Porus, il se décide a l'attaquer, non point par le centre défendu ainsi que
nous venons de le voir, mais en flanc. Supérieur en cavalerie, il en prend avec
lui les plus forts détachements, et pousse à l'aile gauche de Porus. Coenus,
à la tête de son corps et de celui de Démétrios, doit tourner l'aile droite,
et saisir le moment où Alexandre, de son côté, serait aux prises avec la
cavalerie des Barbares, pour les investir par derrière. Seleucus, Antigène et
Tauron, commandent la phalange; elle ne doit s'ébranler que lorsque la
cavalerie aura déjà porté le désordre dans les troupes de l'ennemi.
Arrivé à la portée du trait, Alexandre fait avancer sur l'aile gauche des
Indiens, mille archers à cheval dont les escarmouches et les traits doivent
commencer à la rompre. Lui-même, à la tète des Hétaires, court la prendre
en flanc pour l'empêcher de se rétablir, et de se porter sur la phalange.
Cependant la cavalerie des Indiens rassemblait et pressait tous ses rangs pour
soutenir le choc d'Alexandre, lorsque Coenus parait tout-à-coup sur leurs
derrières. L'ennemi, de ce côté, fut alors obligé de partager sa cavalerie
en deux corps, dont l'un composé des escadrons les plus braves et les plus
nombreux devait faire face à Alexandre, et l'autre se retourner contre Coenus.
Alexandre, profitant du désordre inséparable de ce mouvement, les charge
rapidement; ils se rompent et vont se rallier sous les éléphants comme
derrière un rempart. Leurs conducteurs les poussent contre Alexandre; alors la
phalange macédonienne s'avance et fait pleuvoir sur les uns et les autres une
grêle de traits. La mêlée ne ressemble alors à aucune de celles où les
Grecs s'étaient trouvés.
En effet, les éléphants lancés dans les rangs rompaient de tous côtés les
plus épais de la phalange macédonienne. À cet aspect la cavalerie indienne
tombe de nouveau sur celle d'Alexandre qui, plus forte et par le nombre et la
tactique; la repousse encore jusqu'aux éléphants. Toute la cavalerie des Grecs
se trouve alors, non par suite des ordres du général, mais par celle du combat
ne plus former qu'un seul corps qui de quelque côté qu'il se meuve, porte le
carnage dans tous les rangs des Indiens.
Les éléphants resserrés de toute parts, ne sont pas moins terribles aux leurs
qu'à l'ennemi; ils écrasent ton autour d'eux : on fait un massacre horrible de
la cavalerie acculée dans ce endroit; les conducteurs des éléphants sont
percés de traits; ces animaux harassés, couverts de blessures et sans guides,
ne gardent plus aucun ordre ; exaspérés sous les coups, la douleur les rend
furieux, ils s'emportent et foulent aux pieds tout ce qu'ils rencontrent. Les
malheureux Indiens ne pouvaient échapper à leur furie. Les Macédoniens, ayant
un plus grand espace pour se développer, ouvraient leurs rangs à l'approche
des éléphants qu'ils perçaient ensuite de traits : on voyait alors ces
animaux, énormes se traîner languissamment comme une galère fracassée; ils
poussaient de longs gémissements.
Les chevaux d'Alexandre ayant enveloppé l'ennemi, il fait donner la phalange;
toute la cavalerie indienne est massacrée sur le champ de bataille la plus
grande partie de l'infanterie y demeure, l'autre s'enfuit par un vide que laisse
la cavalerie d'Alexandre.
Cratérus et les autres généraux, sur la rive de l'Hydaspe, voyant le succès
d'Alexandre, passent le fleuve et achèvent le massacre des Indiens, qu'ils
poursuivent avec des troupes fraîches.
On perdit du côté des Indiens près de vingt mille hommes de pied, trois mille
chevaux, deux fils de Porus, Spithacès, gouverneur du pays, tous les chefs de
l'armée, tous les conducteurs des chars et des éléphants, et même tous les
chars : on prit les éléphants qui échappèrent au carnage.
Du côté d'Alexandre il périt en tout trois cent dix hommes, dont quatre-vingt
sur les six mille hommes d'infanterie, dix des archers à cheval qui
commencèrent l'action, vingt Hétaires, et deux cents du reste de la cavalerie.
Porus se distingua par ses exploits, et fit dans cette bataille non seulement
office de capitaine, mais encore de soldat. Lorsqu'il vit le carnage de sa
cavalerie, la mort ou le désordre de ses éléphants et la perte presque totale
de son infanterie, il n'imita point la lâcheté du grand roi qui prit le
premier la fuite aux journées d'Issus et d'Arbelles, il combattit tant qu'il
vit donner quelques-uns des siens. L'excellence et la force de sa cuirasse
avaient constamment résisté aux coups, mais enfin blessé d'un trait à
l'épaule droite qu'il avait nue, il se retirait sur son éléphant.
Alexandre désirant sauver ce héros, lui députe l'Indien Taxile. Celui-ci
ayant poussé son cheval sans trop s'approcher de l'éléphant de Porus, lui
crie d'arrêter et d'accueillir l'offre d'Alexandre, auquel il ne peut plus
échapper. Mais Porus à la vue de Taxile, son ancien ennemi, saisissant un
trait, allait le percer, si celui-ci ne l'eût évité par la vitesse de sa
fuite.
Alexandre, loin d'en être plus irrité contre Porus, lui détache de nouveaux
envoyés, parmi lesquels se trouvait l'Indien Méroé, ancien ami de Porus. Ce
dernier l'écoute; pressé par une soif ardente, il descend de son éléphant,
et après s'être rafraîchi, consent à se rendre près d'Alexandre.
Ce prince à son approche sort des rangs, et vient à sa rencontre accompagné
de quelques Hétaires. Il s'arrête, il contemple la noblesse de ses traits, la
hauteur de sa taille qui s'élevait à plus de cinq coudées. Porus s'approche
avec une contenance assurée; sa physionomie n'est point abattue par sa
disgrâce; héros, il vient trouver un héros; prince, il a défendu contre un
autre ses États. Alors Alexandre : « Comment prétendez-vous que je vous
traite ? - En roi. - Je le ferai pour moi-même ; à présent que puis-je faire
pour vous? parlez. - J'ai tout dit ? - Je vous rends le pouvoir et votre royaume
, et j'y ajouterai encore. »
C'est ainsi qu'il traita en roi un prince généreux qui fut dans la suite son
ami; le plus fidèle.
Ces événements eurent lieu au mois de munichion, Hégémon étant Archonte à
Athènes.
CHAP.
5. Alexandre bâtit deux villes, l'une à l'endroit où il avait passé le
fleuve, et l'autre sur le champ de bataille. Il donna à la dernière le nom de
Nicée, et celui de Bucéphalie à la première, en mémoire du coursier qu'il
montait.
Bucéphale y mourut moins de ses blessures que de fatigue et de vieillesse. En
effet, il avait alors trente ans ; il avait partagé les travaux, les périls
d'Alexandre, et l'avait sauvé de plusieurs; il ne se laissait monter que par
lui, il était plein de feu, haut de taille, poil noir; remarquable selon les
uns par une tête où il y avait quelque chose de celle du boeuf, ou plutôt,
selon les autres, par une tache blanche au front, soit naturelle, soit
artificielle, et qui affectait cette forme : de là lui vient son nom.
Alexandre, l'ayant un jour perdu chez les Uxiens, fit publier qu'il les
taillerait tous en pièces s'ils ne lui ramenaient son cheval. Tel était
l'excès et de la passion du conquérant pour cet animal, et de la crainte que
le premier inspirait, qu'on lui obéit aussitôt. Je ne suis descendu à ces
détails, que parce qu'ils sont liés à l'histoire d'Alexandre.
Il fait rendre les derniers honneurs aux guerriers morts, offre aux Dieux des
sacrifices en actions de grâces; ordonne des jeux gymniques et équestres sur
les bords de l'Hydaspe. Il y laisse Cratérus avec une partie des troupes pour
élever les villes dont il venait d'arrêter le plan, et marche contre les
Indiens qui bordent les frontières du royaume de Porus, et nommés les Glauses
ou les Glaucaniques, peu importe.
Prenant avec lui la moitié des Hétaires qui lui restait, l'élite de chaque
corps d'infanterie, tous les Archers à cheval, les Agriens et les hommes de
trait, Alexandre pénètre dans leur pays; tous les habitants se rendent. Il est
maître de trente-sept villes, dont les moindre sont peuplées de cinq mille
habitants, et dont la plupart en comptent plus de dix mille, sans parler d'une
multitude de bourgs dont la population ne le cédait point à celle des villes :
il les ajouta au domaine de Porus, avec lequel il réconcilie Taxile. Ce dernier
retourne dans ses états.
Alexandre reçoit des députés d'Abyssare, qui lui soumet sa personne et son
royaume. Avant la défaite de Porus, Abyssare avait projeté de se réunir au
prince Indien ; il offrait alors à Alexandre des trésors, et quarante
éléphants qu'amenaient son frère et les premiers de sa cour. Mais Alexandre :
« Qu'Abyssare vienne se rendre lui-même, ou j'irai, à son grand repentir, le
trouver à la tête de mon armée. »
Il vint une députation des Indiens indépendants, et d'un autre Porus, hyparque
de l'Inde. On vit arriver aussi Phratapherne à la tête des Thraces que lui
avait laissés Alexandre, et des envoyés de Sisique, satrape des Assacéniens,
qui annonçait leur défection après le massacre de leur hyparque.
Alexandre envoie contre eux Philippe et Thyriaspe avec une armée pour les
réduire et les contenir.
Il s'avance vers l'Acésinès, le seul de tous les fleuves de l'Inde que
Ptolémée ait décrit. Selon cet historien, l'Acésinés, à l'endroit où
l'armée d'Alexandre le passa sur des radeaux et des bâtiments, est
extrêmement rapide, large de quinze stades, et semé d'écueils et le rochers
contre lesquels ses flots s'élèvent, se brisent avec fracas, et ouvrent des
gouffres écumants. Il ajoute que les radeaux abordèrent facilement, mais que
les bâtiments se brisèrent presque tous contre les écueils, et qu'il y périt
beaucoup de monde.
Ce passage confirme l'assertion des historiens, sur l'Indus, auquel ils donnent
quarante stades dans sa plus grande largeur, quinze au plus étroit et au plus
profond de son cours. Telle est sa largeur la plus ordinaire.
J'incline à croire qu'Alexandre passa l'Acésinès dans sa plus grande largeur,
où il devait être moins rapide. Il laissa Coenus sur le rivage avec son
détachement, pour favoriser le passage du reste des troupes qui avaient été
s'approvisionner dans les contrées soumises. Il renvoie Porus, et le charge de
lui amener l'élite des Indiens les plus belliqueux, avec les éléphants qu'il
pourrait rassembler.
Il se met aussitôt à la poursuite de l'autre Porus, homme pervers qui venait
de s'enfuir du gouvernement dont il était investi. Alors que le prince qui
portait le même nom que lui faisait la guerre à Alexandre, le traître
députait vers le conquérant, promettait de lui remettre ses États, moins par
amour pour lui que par haine contre Porus. Mais lorsque le vainqueur eut rendu
à son rival ses États, en y ajoutant de nouvelles provinces, le barbare
épouvanté abandonna brusquement les siens avec tous ceux qu'il put entraîner
dans sa défection.
Alexandre marche sur ses traces, arrive à l'Hydraotès, fleuve de l'Inde aussi
large que l'Acésinès, mais beaucoup moins rapide.
Alexandre jette des garnisons dans tous les lieux importants, pour protéger
Coenus et Cratérus qui doivent parcourir et piller tout le pays.
Il détache Hephaestion avec une partie de l'armée, composée de deux phalanges
de l'infanterie, de la moitié des Archers, et du corps à cheval de
Démétrios, joint à celui qu'il commande, avec ordre de pénétrer dans les
États du Porus fugitif, de subjuguer, en passant, tous les peuples
indépendants qui habitent les bords de l'Hydraotès, et de les ajouter aux
Etats du fidèle Porus.
Alexandre passe ensuite l'Hydraotès avec plus de facilité que l'Acésinès,
soumet une partie des habitants de ses bords, soit par composition, soit par la
force des armes.
On lui annonce qu'un grand nombre de peuples indépendants, et, entre autres,
les plus belliqueux et les plus exercés aux travaux de la guerre, les Cathéens
réunis aux Oxydraques et aux Malliens, contre lesquels naguère Porus et
Abyssare combinant toutes leurs forces avaient tenté un effort aussi vaste
qu'inutile, conjurent pour la liberté commune, et prêts à lui livrer
bataille, l'attendent sous les murs fortifiés de Sangala. Alexandre se dirige
aussitôt de ce côté, et arrive le second jour de marche à Pimprama, occupé
par les Adraïstes qui lui rendent la place. Il y fait reposer son armée
pendant un jour, arrive le lendemain à la hauteur de Sangala, et aperçoit les
ennemis campés près de la ville, sur une éminence fortifiée par trois rangs
de chariots disposés à l'entour.
Alexandre, après avoir reconnu le nombre de l'ennemi et les positions, prend la
plus favorable; il détache les Archers à cheval pour inquiéter et effrayer
les Indiens jusqu'à ce qu'il ait rangé son armée en bataille. Il forma son
aile droite de l'Agéma de la cavalerie et de celle commandée par Clitus; près
d'eux les Hypaspistes et les Agriens. Perdiccas commande la gauche, composée de
son corps de cavalerie, et des Hétaires à pied ; les Archers sont paratagés
entre deux ailes.
Tandis qu'il fait ces dispositions, arrive l'arrière-garde; il en jette la
cavalerie sur les ailes ; l'infanterie renforce le centre. Il prend avec lui la
cavalerie de l'aile droite , et pousse à la gauche des Indiens qu'il croyait
facilement enfoncer, parce que de ce côté les chariots qui les protégeaient
étaient moins serrés. Voyant que les Indiens ne venaient point au-devant de la
cavalerie, mais que, renfermés dans l'enceinte, et montés sur leurs chars, ils
se contentaient de lancer des traits; il met pied à terre, et fait avancer la
phalange.
On repoussa facilement les Indiens de la première enceinte des chariots. La
résistance fut plus vive dans le second retranchement où les ennemis,
rassemblés derrière les chars, étaient plus pressés, et où les Macédoniens
avaient moins d'espace pour se développer. Cependant on parvient à écarter
quelques chariots ; on se précipite en désordre par ces ouvertures; la
phalange chassé du retranchement les Indiens qui, ne se croyant plus en
sûreté dans le troisième, se débandent et fuient à grands pas dans la
ville.
Alexandre la fait aussitôt investir, et vu l'étendue des murs, la cavalerie
cerne les endroits que l'infanterie, en trop petit nombre, ne peut garder,
principalement sous les remparts, aux bords d'un étang peu profond. Alexandre
conjecturait que les Indiens épouvantés de leur défaite, abandonneraient la
ville pendant la nuit. Il ne s'était point trompé. Vers la seconde veille
quelques-uns étant sortis de la ville, tombèrent dans les postes avancés de
la cavalerie où ils furent tués. Les autres, parvenus jusqu'à l'étang, et le
trouvant également investi par la cavalerie, retournent sur leurs pas.
Alexandre fait tirer autour de la ville une double circonvallation qui n'est
interrompue que par le marais, autour duquel il redouble les postes. On avance
les machines pour battre la ville. Des transfuges viennent lui annoncer que les
assiégés ont formé le projet de se retirer en faisant une sortie par le
marais. Alexandre y place aussitôt Ptolémée avec trois mille Hypaspistes,
tous les Agriens et un corps d'Archers; il lui désigne le point par lequel il
présume que les Barbares déboucheront ; Ptolémée au moment même les
arrêtera dans leur sortie, et fera sonner les trompettes : à ce signal, tous
les chefs doivent accourir et secourir Ptolémée ; Alexandre n'y sera pas le
dernier.
Ptolémée met en avant, pour embarrasser le chemin, les chariots que les
Indiens avaient abandonnés. Il se fortifie du reste des palissades qui
n'avaient point été employées. Ce travail est achevé dans la nuit.
Vers la quatrième veille, les barbares sortent en foule par les portes qui
regardent l'étang. Ptolémée averti surprend leurs mouvements; fait sonner les
trompettes et marche sur eux en ordre de bataille. Les Barbares sont
embarrassés entre les chars et les palissades. Épouvantés des sons de la
trompette, pressés de tous côtés par les Grecs, ceux qui s'avancent sont
taillés en pièces, cinq cents périssent ; le reste rentre dans la ville.
Porus était arrivé et amenait cinq mille Indiens avec le reste des
éléphants. Les machines étaient approchées des remparts ; mais avant
qu'elles eussent joué, les Macédoniens, ayant sapé le mur et approché de
tous côtés les échelles, emportent la ville, d'assaut. Dans le sac de cette
ville périrent dix-sept mille Indiens, soixante-dix mille tombèrent au pouvoir
de l'ennemi, ainsi que trois cents chars et cinq cents hommes de cavalerie.
De son côté Alexandre perdit environ cent hommes dans tout le siège, sans
parler des blessés en plus grand nombre : on en comptait environ douze cents
parmi lesquels plusieurs chefs et entre autres Lysimaque Somatophylax.
Alexandre, après avoir rendu les derniers devoirs aux guerriers morts, envoya
son secrétaire Eumènes, avec trois cents chevaux, vers les habitants de deux
villes qui avaient pris parti avec ceux de Sangala. Eumènes devait leur
annoncer le sort de cette cité, les engager à se rendre, à leur promettre, de
la part d'Alexandre, les mêmes sûretés qu'avaient trouvées ceux des Barbares
qui s'étaient soumis. Déjà instruits et épouvantés de ce désastre, ils
avaient abandonné leurs villes. Alexandre se met à leur poursuite; mais s'y
étant pris trop tard, le plus grand nombre échappa ; on ne trouva que cinq
cents malades laissés en arrière. Alexandre les fait massacrer.
Il retourne à Sangala, fait raser la ville. Il abandonne ensuite le pays aux
tribus indépendantes qui s'étaient rendues à lui volontairement : Porus fut
envoyé avec ses troupes pour s'assurer de leurs places et y mettre des
garnisons.
CHAP.
VI. Il s'avance alors vers l'Hyphase pour soumettre les Indiens au-delà du
fleuve, ne voulant mettre fin à la guerre qu'alors qu'il ne trouverait plus de
résistance. Les peuples qui habitent au-delà de l'Hyphase se livrent avec
succès à l'agriculture et aux armes : leur police est douce ; ils vivent en
république aristocratique bien administrée. Les éléphants qu'on trouve dans
ce pays y sont plus forts et en plus grand nombre que partout ailleurs.
Ces récits enflammaient l'ambition d'Alexandre. Mais les Macédoniens
commençaient à perdre courage, en voyant leur prince entasser travaux sur
travaux, dangers sur dangers; des groupes se formaient dans le camp ; les plus
retenus déploraient leur condition, les autres menaçaient de ne pas marcher.
Instruit de ce commencement de trouble et de découragement, Alexandre, pour
l'arrêter à sa naissance, rassemble les chefs , et alors : « Macédoniens
compagnons de mes travaux, puisque vous ne les partagez plus avec la même
ardeur, je vous ai convoqués pour vous amener à mon avis ou me ranger au
vôtre, pour avancer ou retourner ensemble ; que si vos exploits, si votre
général vous pèsent, il n'a plus rien à vous dire. Mais s'ils vous ont
acquis l'Ionie, l'Hellespont, les deux Phrygies , la Cappadoce, la Paphlagonie,
la Lydie, la Carie, la Lycie, la Pamphilie, la Phénicie et l'Égypte, tout ce
que les Grecs occupent de la Libye, une part de l'Arabie, la Coelo-Syrie avec la
Mésopotamie, Babylone et le pays des Susiens ; si vous avez subjugué les
Perses, les Mèdes et les peuples acquis ou soustraits à leur domination. Si
vous avez porté vos trophées au-delà des Pyles caspiennes, du Caucase et du
Tanais ; soumis la Bactriane, l'Hyrcanie, la mer Caspienne, et repoussé les
Scythes dans leurs déserts; Si l'Indus, l'Hydaspe, l'Acésinès et l'Hydraotès
coulent aujourd'hui sous nos lois, qu'attendez-vous pour ajouter à notre empire
l'Hyphasis et les nations au-delà de ses bords ? Craindriez-vous aujourd'hui
des Barbares, vous qui les avez vu fuir devant vous, abandonner leur pays et
leurs villes, ou les remettre à votre courage et marcher ensuite sous vos
étendards ? Il n'est sans doute pour des coeurs généreux de fin aux travaux
que dans les travaux mêmes qui les immortalisent. Si quelqu'un d'entre vous en
demandait le terme, qu'il sache que nous n'avons pas loin d'ici au Gange et à
la mer orientale, qui se réunit à celle des Indes, au golfe Persique et
embrasse le monde ; du golfe Persique nous remontons jusqu'aux colonnes
d'Hercule, et soumettant l'Afrique comme l'Asie, nous prendrons les bornes du
monde pour celles de notre empire. Que si nous rebroussions chemin, voyez que
nous laissons derrière nous un grand nombre de peuples belliqueux; au-delà de
l'Hyphase, tous ceux qui s'étendent vers la mer orientale ; au nord, tous ceux
qui habitent les bords de la mer d'Hyrcanie et les Scythes. À peine aurons-nous
commencé notre retraite, qu'un soulèvement général renversera nos conquêtes
encore mal affermies. Ceux que nous n'avons point subjugués entraîneront les
autres. Il faut donc perdre tout le fruit de nos travaux, ou les continuer.
Courage, compagnons ; affermissez-vous dans la carrière des braves : elle est
pénible, mais honorable ! Cette vie du courage a ses charmes; la mort même
n'en est point exempte, quand elle consacre le guerrier à l'immortalité. Notre
père et notre guide, Hercule, serait-il monté au faîte de la gloire, au rang
des Dieux s'il s'était lâchement renfermé dans les murs de Corinthe, d'Argos
et de Thèbes, ou dans les bornes du Péloponnèse ? Dionysus, plus célèbre
encore, n'a-t-il tenté que des entreprises ordinaires ? Et nous, qui avons
passé Nysa, bâtie par Dionysus, nous, maîtres d'Aorne, qui brava les efforts
d'Hercule, nous hésiterions à faire un pas de plus ! Aurions-nous laissé ces
grands monuments de nos travaux en nous vouant à l'obscurité et au repos dans
la Macédoine, on si nos efforts s'étaient bornés à triompher des Thraces,
des Illyriens, des Triballiens et de quelques-uns de nos ennemis dans la Grèce.
Que si je ne partageais pas le premier vos fatigues et vos dangers, votre
découragement aurait un motif. Vous pourriez vous plaindre d'un partage
inégal, qui placerait d'un côté les peines et de l'autre les avantages. Mais,
périls et travaux, tout est commun entre nous, et le prix est au bout de la
carrière. Ce pays ? il est à vous; ces trésors ? ils sont à vous. L'Asie
soumise, je saurai remplir vos espérances, ou plutôt les surpasser. Alors, je
congédierai, je reconduirai moi-même ceux qui voudraient revoir leurs foyers ;
alors, je comblerai ceux qui resteront, de présents auxquels les autres
porteront envie. »
Ce discours est suivi d'un profond silence, l'assemblée n'osant combattre, et
ne voulant point accueillir l'avis d'Alexandre. Et lui : « Qu'il parle, celui
qui n'approuve point ce dessein. » Nouveau silence.
Enfin Coenus : « Ô prince ! vous l'avez déclaré, vous ne contraindrez point
des Macédoniens. Vous voulez les amener à votre avis ou vous ranger au leur ;
daignez m'entendre, non pas au nom de vos chefs, qui , comblés par vous
d'honneurs et de bienfaits, doivent être soumis à tous vos ordres, mais au nom
de l'armée entière. N'attendez pas de moi que j'en flatte les passions, je ne
vous parlerai que de votre intérêt présent et à venir. Vous dire ici la
vérité est un privilège que je tiens de mon âge, du rang même que votre
générosité m'a donné, et du courage que j'ai montré en combattant près de
vous. Ces conquêtes et d'Alexandre et des Grecs qui ont tout abandonné pour le
suivre, plus elles sont éclatantes, et plus la prudence conseille d'y mettre un
terme. Quelle foule de Grecs et de Macédoniens marchaient sous vos drapeaux !
Vous voyez aujourd'hui leur petit nombre. Dès votre entrée dans la Bactriane,
vous avez congédié, et avec raison, les Thessaliens dont l'ardeur se
ralentissait. Une partie des Grecs est reléguée ou plutôt prisonnière dans
les villes que vous avez fondées. L'autre partie attachée avec les
Macédoniens à tous vos périls, est tombée dans les combats, ou moissonnée
par les maladies ; quelques-uns couverts de blessures sont épars dans l'Asie ;
le peu qui reste voit s'éteindre ses forces et son courage. Ils sentent au fond
de leurs coeurs se réveiller ce sentiment de la nature, le désir de revoir
leurs femmes, leurs pères et leurs enfants, la mère-patrie, la terre natale.
Ils le désirent d'autant plus, que vous les avez comblés de richesses. Qui
pourrait les blâmer ? Ne les entraînez point malgré eux dans une carrière
où languirait leur courage, puisqu'il ne serait plus volontaire. Ah ! plutôt
revenez embrasser votre mère, rétablir l'ordre dans la Grèce, et suspendre
aux foyers domestiques de si illustres trophées ! Alors qui vous empêchera de
combiner une nouvelle expédition, en Asie, en Europe ou en Afrique. Alors vous
remplirez vos desseins ; vous verrez voler sur vos pas l'élite des
Macédoniens; vous remplacerez des bandes harassées par des troupes fraîches,
et des soldats que l'âge a mis hors de combat, par une jeunesse d'autant plus
ardente, qu'elle aura moins d'expérience des dangers, et qu'enivrée des plus
hautes espérances, elle ne songera qu'aux récompenses, à la vue des richesses
et des lauriers que vos vieux compagnons rapporteront dans leurs foyers. Prince,
il est beau de garder de la modération au comble de la prospérité. Un aussi
grand Capitaine qu'Alexandre, et à la tête d'une pareille armée, n'a sans
doute rien à craindre de ses ennemis. Mais les coups du sort sont inopinés, et
les destins inévitables. »
L'assemblée reçut par des applaudissements universels le discours de Coenus,
et témoigna par des larmes combien, éloignée du dessein d'Alexandre, elle
soupirait après le retour dans la patrie. Alexandre, offensé de la liberté de
Coenus et du silence des autres chefs, rompit l'assemblée.
L'ayant réunie le lendemain, furieux : « Je ne contrains personne à me
suivre; votre roi marchera en avant; il trouvera des soldats fidèles. Que ceux
qui l'ont désiré se retirent, ils le peuvent : allez annoncer aux Grecs que
vous avez abandonné votre prince. »
Il se renferma alors dans sa tente ; il y resta pendant trois jours sans parler
à aucun de ses Hétaires; il attend qu'une de ces révolutions qui ne sont pas
rares dans l'esprit des soldats, en change les dispositions.
Mais l'armée affligée, sans être ébranlée, continue de garder le silence.
Ptolémée rapporte que néanmoins il fit les sacrifices accoutumés pour
obtenir un passage favorable. Les auspices sont contraires. Alors, rassemblant
les plus âgés et les plus intimes des Hétaires :« Puisque tout me rappelle,
allez annnoncer à l'armée le départ. »
À cette nouvelle, la multitude pousse des cris, expression de sa joie ; les uns
fondent en larmes, les autres accourent jusqu'à la tente d'Alexandre, et le le
bénissent d'être assez généreux pour ne céder qu'à l'amour de ses soldats.
Ayant divisé alors son armée en douze corps, il fait élever à chacun d'eux
un autel immense, aussi élevé et plus étendu que les plus grandes tours, en
témoignage de sa reconnaissance envers les Dieux, et en monument de ses
victoires.
Ce travail achevé, il ordonne des sacrifices selon le rite grec, des jeux
gymniques et équestres, et range tout le pays, jusqu'à l'Hyphase sous la
domination de Porus. Il retourne, traverse de nouveau l'Hydraotès, et
l'Acésinès. C'est sur les bords de ce fleuve qu'Héphaestion vient d'achever,
d'après ses ordres, la ville qu'il devait élever. Alexandre peuple cette
nouvelle cité des Barbares finitimes auxquels il ouvre un asile, et des
stipendiaires invalides. Il fait ensuite les préparatifs nécessaires pour
descendre dans la grande mer.
Sur ces entrefaites, Arsace, satrape des états voisins d'Abyssare, accompagné
du frère de ce prince et de ses principaux officiers, lui apportent, en son
nom, les plus rares présents, amènent trente éléphants, excusent Abyssare,
retenu par une maladie, de n'être pas venu se jeter lui-même aux pieds du
conquérant ; ce qui était confirmé par les envoyés d'Alexandre, alors de
retour.
Alexandre satisfait confirme le pouvoir d'Abyssare, joint Arsace à son empire,
ordonne des tributs, sacrifie de nouveau sur les bords de l'Acésinès, le
passe, arrive aux bords de l'Hydaspe, fait relever par ses soldats les ouvrages
que les mauvais temps avaient détruits dans Nicée et dans Bucéphalie, et
règle l'administration de la contrée.