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PLUTARQUE

 

OEUVRES MORALES

COMMENT ON PEUT SE LOUER SOI-MÊME SANS S'EXPOSER A L'ENVIE.

 

 

texte grec

581

COMMENT ON PEUT SE LOUER SOI-MÊME SANS S'EXPOSER A L'ENVIE.

[739a] Il n'est personne qui ne convienne, mon cher Herculanus, que rien n'est plus insupportable et plus odieux que de parler avantageusement de soi-même et de vanter ses [739b] qualités et ses talents ; mais il en est peu qui ne tombent dans ce défaut, et même parmi ceux qui le blâment. Quand Euripide dit :

Si le droit de parler était le prix de l'or,
Qui voudrait l'acheter pour se louer lui-même?
Mais les mots dans les airs prennent tous leur essor;
Chacun prend ce qu'il veut, et suivant ce qu'il aime,
lI peut s'approprier avec impunité
Le mensonge odieux comme la vérité,

il montre la vanité la plus insupportable en parlant de lui-même, sans aucun rapport à son sujet, et dans le récit des événements les plus tragiques. Pindare, [739c] qui dit quelque part,

Que se louer mal à propos
Ne convient jamais qu'à des sots,

ne cesse de vanter son talent. Il méritait sans doute les plus grandes louanges, et tout le monde en convient ; mais ceux qui remportent le prix dans les jeux sont proclamés par la voix d'autrui, afin d'éviter ce qu'il y aurait d'odieux à proclamer soi-même sa victoire. Aussi blâme-t-on avec raison la sotte et ridicule vanité de Timothée lorsqu'il annonce avec emphase son triomphe sur Phrynis :

« Que tu fus heureux, Timothée, quand le héraut proclama à haute voix : Timothée de Milet a vaincu le fils de Carbon, dont les accents avaient tant de pouvoir ! »

Rien, dit Xénophon, n'est plus agréable que de s'entendre louer par les autres ; [739d] mais rien aussi n'est plus dé- 582 plaisant que d'entendre quelqu'un se louer lui-même. Premièrement, nous regardons comme des impudents ceux qui le font, attendu qu'ils devraient rougir si d'autres les louaient en leur présence. En second lieu, nous les trouvons injustes en ce qu'ils se donnent à eux-mêmes ce qu'ils devraient recevoir d'autrui. Enfin, lorsqu'ils se louent, si nous gardons le silence, nous avons l'air du chagrin et de l'envie ; ou, pour éviter ce reproche, nous sommes obligés de confirmer des éloges que notre cœur désavoue, et de les louer en face ; démarche qui tient d'une basse flatterie, plutôt que d'une véritable estime.

[739e] Il faut avouer cependant qu'il est des occasions où un homme en place peut risquer de parler avantageusement de lui-même, non par un motif d'ambition ou de vanité, mais parce que les circonstances exigent qu'il parle de lui avec vérité comme il aurait fait de tout autre ; et c'est surtout quand sa conduite actuelle est honnête qu'il ne doit pas craindre de dire qu'il s'est comporté de même autrefois. Un pareil témoignage ne peut que produire de bons fruits ; et il en naît, comme d'une semence féconde, bien d'autres louanges plus honorables encore. L'homme d'État ne recherche pas la gloire comme un salaire ou comme un dédommagement de sa vertu, [739f] mais comme un moyen que sa réputation de probité lui donne de faire de plus belles actions. Il a la facilité et l'agrément de rendre service à ses amis et à tous ceux qui ont confiance en lui ; mais il voit sa vertu enchaînée et ses bienfaits inutiles pour ceux qui suspectent sa probité et qui le calomnient.

Si un homme en place croit avoir d'autres raisons de se rendre témoignage à lui-même, [740a] il doit les peser avec soin, afin de s'épargner la honte d'une vanité odieuse, et ne pas manquer d'un objet utile.

Rien n'est plus frivole et plus vain que de se louer soi-même afin de l'être par les autres. C'est l'effet d'une ambition démesurée et d'un sot amour de gloire, qui ne 583 peuvent attirer que le plus grand mépris. On a vu des hommes qui, pressés par la faim , et ne trouvant aucune autre nourriture, ont été forcés de se nourrir de leur propre chair, et c'est le dernier excès où la famine ait pu les porter. [740b] De même ceux qui sont affamés de louanges, s'ils ne trouvent personne qui assouvisse leur désir, se louent eux-mêmes ouvertement, et par un amour honteux de la gloire, ils nourrissent leur vanité de leur propre substance ; mais lorsqu'il ne leur suffit pas de se louer simplement eux-mêmes, et que, jaloux des louanges qu'on donne aux autres, ils y opposent, pour en obscurcir l'éclat, le récit de leurs propres actions, alors à la vanité ils ajoutent la malice et l'envie. Mettre le pied dans la danse d'autrui, c'est, dit le proverbe, une curiosité ridicule ; mais de se jeter pour ainsi dire à travers les louanges des autres pour y placer notre propre éloge, c'est une vanité dont il faut se défendre avec soin. Ne souffrons pas même dans ces occasions que d'autres nous louent, et laissons cet honneur à ceux qui le méritent. Si les personnes qu'on loue en sont indignes, n'allons pas nous substituer à leur place, [740c] mais prouvons hautement, et par des raisons sans réplique, qu'ils ne méritent pas les louanges qu'on leur donne. C'est un point sur lequel il ne peut y avoir de doute.

On peut donc se louer soi-même, sans encourir de blâme, lorsqu'il s'agit de repousser la calomnie ou de se défendre d'une accusation, comme fît Périclès.

« Vous vous irritez, dit-il aux Athéniens, contre moi, qui ne le cède à personne, ni par mon attention à prévoir ce qui vous est utile, ni par mon adresse à vous le proposer, ni par mon amour pour la patrie, ni enfin par mon désintéressement. »

 Non seulement il évita, en parlant de lui-même en termes si magnifiques, le reproche de vanité, d'ambition et d'arrogance, mais encore il fit éclater la grandeur de sa vertu, et montra comment elle rabaisse et  584 dompte l'envie, par cela seul qu'elle ne se rabaisse pas elle-même. [740d] C'est alors que ceux qui entendent ces discours généreux ne songent plus à les examiner, à les juger, et qu'emportés par une sorte d'enthousiasme, ils applaudissent avec transport à des éloges vrais et justifiés par la conduite de celui qui se les donne.

Les généraux des Thébains furent accusés devant le peuple, parce qu'au lieu de retourner en Béotie, après que le temps de leur commandement fut expiré, ils avaient fait une irruption dans la Laconie, et rétabli la ville de Messène. Pélopidas, que la crainte fit recourir à des prières, eut bien de la peine à être absous ; mais Épaminondas, après avoir raconté dans les termes les plus magnifiques les belles actions qu'il avait faites, finit par dire aux Thébains qu'il consentait à mourir, pourvu qu'ils reconnussent [740e] que c'était malgré eux qu'il avait ravagé la Laconie, rétabli Messène et réuni en confédération les villes d'Acadie. Le peuple, plein d'admiration pour sa grandeur d'âme, ne voulut pas seulement aller aux voix; il témoigna sa satisfaction par des cris de joie, et rompit l'assemblée.

Ainsi, dans Homère, nous ne blâmerons pas Sthénélus d'avoir dit à Agamemnon :

Oui, nous croyons valoir beaucoup plus que nos pères,

lorsque nous nous rappellerons ce que le chef de l'armée avait dit à Diomède :

Lâche fils d'un héros, tu crains donc le trépas?
Tu pâlis de frayeur à l'aspect des soldats?

Ce n'était pas à Sthénélus que ce reproche s'adressait ; mais il défendait son ami vivement offensé, [740f] et ce motif honnête l'autorisait à parler avantageusement de lui-même.

Les Romains trouvèrent mauvais que Cicéron leur rap- 585 pelât si souvent ce qu'il avait fait dans la conjuration de Catilina. Mais lorsque Scipion leur dit qu'il ne leur convenait pas de vouloir juger un citoyen à qui ils devaient le pouvoir de juger tous les hommes, ils mirent sur leurs têtes des couronnes de fleurs, et montèrent avec lui au Capitole, [741a] pour y offrir à Jupiter un sacrifice d'actions de grâces. C'est que Cicéron se louait sans nécessité et par le seul motif d'une vaine gloire ; mais Scipion se trouvait en danger, et cette circonstance ôtait à ses louanges ce que sans cela elles auraient eu d'odieux.

Il est permis à des accusés, et à ceux que l'adversité accable, de se louer eux-mêmes. Les gens heureux n'ont pas ce droit. Ceux-ci ne le font que pour satisfaire leur ambition et leur vaine gloire ; les autres, dans leur état, sont à l'abri de ce soupçon ; ils ne font que se roidir contrôla fortune, et conserver un courage qu'il serait honteux de perdre en s'abaissant pour exciter la compassion. Un homme qui se dresse en marchant, et qui porte la tête haute, [741b] passe pour vain et léger. Les athlètes qui, dans les combats, se dressent sur eux-mêmes et se relèvent le plus qu'ils peuvent, obtiennent nos suffrages ; de même un homme qui, renversé par la fortune, se relève plein de confiance et se présente avec fermeté pour lutter contre elle ; qui, au lieu de chercher à exciter la pitié, montre dans ses discours et dans sa conduite de la grandeur d'âme et du courage, passe, non pour un homme fier et présomptueux, mais pour une âme ferme qui sait maîtriser la fortune. Homère nous peint Patrocle doux et modeste dans les succès ; mais quand il est sur le point de mourir, il le fait parler de lui-même avec une noble confiance :

J'aurais osé braver vingt guerriers comme toi.

[741c] Phocion. qui d'ailleurs était d'un caractère si doux, donna, après sa condamnation, plusieurs preuves de sa 586 grandeur d'âme. Entre autres, comme il vit un de ceux qu'on menait avec lui au supplice qui pleurait et se lamentait,

« Eh quoi! lui dit-il, ne dois-tu pas t'estimer heureux de mourir avec Phocion? »

Tant il est vrai qu'un homme d'État injustement condamné a plus de droit que personne de parler de lui-même avec avantage devant ceux qui paient ses services par l'ingratitude! Achille rapporte toujours aux dieux la gloire de ses succès, et dit
avec modestie :

Si le maître du ciel, favorable à nos vœux,
Fait tomber sous nos coups le Troyen orgueilleux.

Mais lorsqu'il se voit indignement traité, dans sa colère [741d] il rappelle avec confiance ses exploits :

Avec mes seuls vaisseaux j'ai soumis douze villes.

Et ailleurs :

Ils seront effrayés de l'éclat de mes armes.

Quand les éloges qu'un homme se donne font partie de sa justification, ils sont raisonnables et bien placés. Tant que Thémistocle rendit à sa patrie les plus grands services, il ne s'en vanta jamais. Lorsqu'il vit les Athéniens, rassasiés, pour ainsi dire, de ses belles actions, le traiter avec indifférence, il ne craignit point de leur tenir ce langage plein de fermeté:

« Ô hommes inconsidérés, leur dit-il, vous vous lassez donc de recevoir souvent des bienfaits des mêmes personnes? Dans les temps d'orage, vous avez recours à moi, [741e] et je suis l'arbre qui vous sert d'abri ; mais quand le calme est revenu, vous en arrachez les branches. »

Ces grands hommes, pour repousser l'injustice d'un peuple ingrat, lui rappelaient leurs services. Mais celui qui se voit blâmé même des belles actions qu'il a faites, est bien excusable d'en luire l'éloge devant ses accusa- 587 teurs: il a moins l'air de leur reprocher leur ingratitude que de faire son apologie. C'est ce qui autorise Démosthène à parler de lui-même avec une honnête liberté, et qui empêche qu'on ne trouve fastidieuses les louanges qu'il se donne à tout moment dans sa harangue sur la couronne, où il se glorifie des choses même dont on lui faisait un crime, de ses ambassades et de ses décrets pour la guerre.

Il n'est pas moins honnête de retourner contre un adversaire l'objection qu'il nous fait, [741f] et de montrer que c'est le contraire de ce qu'il nous impute qui serait vicieux et blâmable. Ainsi Lycurgue l'Athénien (01), accusé d'avoir donné de l'argent à un calomniateur, afin de l'engager à se taire, dit pour sa défense :

« Que penserez-vous d'un citoyen qui, après avoir administré si longtemps les affaires publiques, est convaincu d'avoir plutôt donné que pris de l'argent injustement? »

Métellus reprochait à Cicéron [742a] d'avoir fait périr plus de citoyens par les témoignages qu'il portait contre eux, qu'il n'en avait sauvé par ses plaidoyers.

« C'est, lui répondit Cicéron, que j'ai encore plus de probité que d'éloquence. »

Tels sont encore ces passages de Démosthène :

« Quel est, dit-il, le citoyen qui ne m'eût justement condamné à mourir, si j'eusse terni seulement par mes paroles l'éclat de vos belles actions? »

Et ailleurs :

« Que pensez-vous qu'eussent dit ces hommes corrompus si, pour soutenir nos droits avec trop de rigueur, j'eusse éloigné nos villes alliées? »

En général, dans tout ce discours, en répondant aux accusations de son adversaire, il fait son éloge avec beaucoup d'adresse.

588 Un autre artifice à remarquer dans ce discours, [742b] c'est qu'en mêlant à ses propres louanges celles de ses auditeurs, il prévient l'envie et l'inculpation d'amour-propre. Ainsi, quand il rapporte la manière dont les Athéniens s'étaient conduits à l'égard des Eubéens et des Thébains, les services qu'ils avaient rendus aux habitants de Byzance et de la Chersonèse, il dit que, dans toutes ces occasions, il avait été le ministre de leurs volontés. L'auditeur, secrètement gagné par le bien qu'on dit de lui, écoute avec plaisir l'orateur. Il applaudit au récit qu'il entend faire de ses succès ; et, par une suite nécessaire, il admire et chérit celui à qui il en est redevable. Ménéclide raillait Épaminondas de ce qu'il pensait plus avantageusement de lui-même que n'avait fait [742c] Agamemnon :

« Oui, Thébains, répondit-il, je l'avoue ; mais c'est à vous que je le dois, à vous avec qui seuls j'ai détruit en un jour toute la puissance des Spartiates. »

On est révolté contre ceux qui se louent eux-mêmes, mais on les écoute avec plaisir quand ils louent les autres, et on confirme le témoignage qu'ils leur rendent. Un homme adroit sait donc louer à propos ceux qui ont les mêmes goûts, les mêmes habitudes, les mêmes inclinations que lui, et par là il s'insinue dans la bienveillance des auditeurs, qui, reconnaissant en lui les vertus qu'il loue dans les autres, le jugent digne de partager les louanges qu'il leur donne. [742d] Reprocher à un autre les fautes dont on est soi-même coupable, c'est se faire plus de tort qu'à lui. Par une raison contraire, les gens de bien qui louent les personnes qui leur ressemblent rappellent à ceux dont ils sont connus le souvenir de leurs vertus, et les font s'écrier aussitôt :

« C'est votre portrait que vous faites. »

C'est ainsi qu'Alexandre, en rendant hommage à Hercule, et Androcoptus à Alexandre, méritèrent d'être eux-mêmes honorés par leurs égaux. Denys, au contraire, qui se moquait de Gélon, et qui disait de lui qu'il avait  589 été la risée de la Sicile, ne s'apercevait pas qu'en excitant l'envie contre lui-même, il sapait les fondements de sa puissance et de son autorité.

Voilà des exemples qu'un homme en place doit toujours avoir présents à l'esprit, pour en faire son profit dans l'occasion. Quand les circonstances exigeront [742e] qu'on se loue soi-même, afin de rendre les louanges plus supportables et de diminuer ce qu'elles ont d'odieux, il convient d'attribuer la plus grande partie de ses succès à Dieu et à la fortune. C'est pour cela qu'Homère fait sagement dire à Achille :

Puisque les dieux sur lui m'ont donné la victoire.

Ce fut avec la même sagesse que Timoléon, après ses grands exploits, fit dresser à Syracuse un autel à la déesse des heureux événements, et qu'il consacra sa maison au génie favorable. Pithon l'Enéen étant venu à Athènes, après la mort du roi Cotys, et voyant que les éloges que les orateurs lui prodiguaient devant le peuple excitaient l'envie de quelques citoyens, il dit en pleine assemblée :

« Athéniens, [742f] c'est un dieu qui l'a vaincu ; je n'ai fait que lui prêter ma main. »

Sylla prévint l'envie en attribuant tous ses succès à la fortune, et en se faisant appeler le favori de Vénus. Les hommes aiment mieux qu'on les surpasse en fortune qu'en vertu, parce que l'une est un avantage étranger à l'homme, et l'autre un mérite propre et personnel. [743a] Aussi dit-on que les lois de Zaleucus plurent infiniment aux Locriens, parce qu'il leur fit entendre que Minerve lui avait apparu pour les lui dicter elle-même, et qu'il n'y en avait pas une seule qui fût de lui.

Il est indispensable d'user de ces ménagements, et, pour ainsi dire, de ces remèdes, avec les personnes d'un naturel diffîcile et jaloux ; même à l'égard de ceux qui sont doux et modestes, il ne sera pas inutile d'employer dans les louanges des corrections adroites. Par exemple, 590 si quelqu'un loue nos talents, notre puissance et nos richesses, prions-le de ne point parler de ces avantages, mais de nous louer plutôt si nous sommes bons, humains et obligeants. [743b] Ce n'est point accumuler louange sur louange, mais faire changer d'objet à l'éloge qu'on fait de nous. Par là on n'a point l'air d'aimer à s'entendre louer, mais de voir avec peine qu'on loue en nous ce qui le mérite le moins, de vouloir que les meilleures qualités soient préférées aux moins bonnes, et de ne pas tant chercher à être loué soi-même, qu'à montrer comment il faut louer les autres.

C'est ainsi que Démosthène disait de lui-même :

« Ce n'est pas avec des pierres ou des briques que j'ai fortifié la ville. Si vous voulez examiner le genre de défense que je lui a procuré, vous verrez que je l'ai munie d'armes, de chevaux et d'alliés. »

Le mot de Périclès est encore plus grand. Il était sur le point de mourir ; ses proches et ses amis, assemblés auteur de son lit et plongés dans la tristesse , lui rappelaient [743c] les charges dont il avait été revêtu , la puissance qu'il avait exercée, ses victoires, ses trophées et le grand nombre de villes dont les Athéniens lui devaient la conquête. Alors se soulevant un peu, il les reprit de ce qu'ils ne faisaient entrer dans son éloge que des avantages qui lui étaient communs avec bien d'autres, et dont quelques uns même étaient plutôt l'ouvrage de la fortune que celui de la vertu, tandis qu'ils oubliaient ce qu'il y avait de plus grand et de plus beau dans son administration, et ce qu'il ne partageait avec personne: c'était de n'avoir jamais fait prendre le deuil à aucun citoyen.

Ce doit être une leçon pour un orateur vertueux qu'on loue sur son talent, de transporter cet éloge à ses mœurs et à sa conduite ; pour un général d'armée dont on vante l'expérience [743d] et les succès, de parler de sa douceur et de sa justice. Si quelquefois on nous donne des louanges ou- 591 trées et propres à exciter l'envie, comme il n'est que trop ordinaire aux flatteurs, il faut répondre :

Je ne suis pas un dieu, pour m'en donner le nom.

Si vous me connaissez tel que je suis, devons-nous dire, louez mon désintéressement, ma tempérance, mon humanité, mon caractère doux et facile. L'envie accorde sans peine les moindres qualités à celui qui refuse les plus grandes, et elle laisse jouir d'une louange véritable l'homme modeste qui ne veut pas en recevoir une fausse.

Aussi les peuples honoraient-ils volontiers les rois qui prenaient, non les surnoms de dieux ou d'enfants des dieux, [743e] mais ceux de Philadelphe, de Philométor, d'Evergète, de Théophile (02), titres modestes et qui ne sont point au-dessus de l'humanité. On supporte impatiemment ceux qui dans leurs discours ou dans leurs écrits se donnent le nom de sages, et l'on écoute avec plaisir ceux qui se contentent de dire qu'ils aiment la sagesse, qu'ils désirent de faire des progrès dans la vertu, et de s'attribuer d'autres qualités de cette nature qui sont modestes et qui ne peuvent exciter l'envie. Mais ces sophistes ambitieux qui souffrent qu'on traite leurs discours de magnifiques, de célestes, de divins, se voient même refuser des louanges modérées.

Quand on craint d'offenser une vue délicate, on adoucit par le mélange [743f] des ombres les couleurs qui donneraient une lumière trop vive. De même ceux qui, pour tempérer l'éclat trop brillant de la louange, y entremêlent l'aveu de quelques fautes ou de quelques imperfections, préviennent l'envie qu'ils exciteraient sans cela. Epéus, par exemple, après avoir vanté sa force dans les combats d'escrime, et dit avec fierté :

Oui, je l'écraserai sans craindre son courage, 592 ajoute ensuite :

Dans les autres combats, il aura l'avantage.

[744a] Il était peut-être ridicule qu'il excusât son arrogance d'athlète par l'aveu de sa lâcheté. Mais il est d'un homme adroit et sensé d'alléguer contre soi-même quelque oubli, quelque ignorance, ou un désir trop vif de voir et d'entendre, comme le fait Ulysse :

Flatté du doux plaisir d'entendre les sirènes,
Je voulais écouter leurs chants harmonieux;
Pour qu'on me déliât, je fis signe des yeux.

Et ailleurs :

Mais je leur résistai quand j'aurais dû les croire.
[744b] Je désirais de voir cet énorme géant,
Et recevoir de lui quelque riche présent.

En général, c'est un moyen de prévenir l'envie que de mêler aux louanges qu'on se donne l'aveu de quelques fautes qui ne soient pas déshonorantes.

Il en est qui, pour rendre ces louanges moins odieuses, les tempèrent par l'aveu de leur pauvreté, de leur inexpérience, ou même de la bassesse de leur origine. Agathocle fît servir de la vaisselle de terre parmi les vases d'or dont sa table était couverte, et il dit à ses convives :

« Voyez ce que peuvent faire la patience, l'amour du travail et le courage! Je faisais autrefois des vases de terre, et aujourd'hui j'en fais faire d'or. »

C'est qu'Agathocle, né dans l'obscurité [744c] et dans la misère, avait été élevé chez un potier de terre, et qu'ensuite il était devenu roi de presque toute la Sicile. Voilà des moyens étrangers qu'on peut employer quand on veut se louer soi-même. Il en est d'autres qui sont personnels à ceux qui se louent. Ainsi Caton disait qu'on lui portait envie de ce que négligeant ses propres affai- 593 res, il veillait toutes les nuits pour le salut de sa patrie. Tel est encore le trait suivant :

Je ne me flatte pas ; confondu dans la foule,
Je pouvais du repos savourer les douceurs,
De la fortune en sage employer les faveurs.

Et celui-ci :

Je crains d'avoir perdu le fruit de mes travaux,
Et je ne craindrai pas d'en faire de nouveaux.

[744d] On porte communément envie à ceux qui obtiennent la gloire et la vertu sans qu'il leur en coûte presque rien et, pour ainsi dire, à titre d'héritage, comme on acquiert une maison ou un fonds de terre ; mais on n'est pas jaloux de ceux qui l'achètent par beaucoup de travaux et de dangers.

Ce n'est pas assez que les louanges qu'on se donne n'excitent pas l'envie : on doit encore se proposer de les rendre utiles aux autres, en paraissant avoir tout autre objet que celui de se louer. Quand quelqu'un parle avantageusement de lui-même, il faut d'abord considérer si son but n'est pas d'animer ceux qui l'écoutent, et de les enflammer d'une noble émulation , comme Nestor, en racontant ses exploits, excita Patrocle et neuf autres guerriers à combattre seul à seul contre Hector. Une exhortation vive [744e] soutenue par des faits, et qui joint l'exemple au conseil, est plus efficace et agit sur l'âme bien plus puissamment. Elle enflamme le courage, et avec le désir de faire le bien qu'on propose, elle donne l'espérance du succès, dont elle fait voir la possibilité. L'usage établi dans les chœurs de musique à Lacédémone, était que celui des vieillards commençât ainsi :

Nous avons eu tous en partage,
Dans la jeunesse, le courage.

594 Celui des jeunes gens disait ensuite :

Nous sommes tous dignes de vous;
N'en doutez pas, regardez-nous.

Celui des enfants finissait :

Nous aurons, vous pouvez le croire,
Plus de courage et plus de gloire.

C'était, de la part du législateur, un grand trait de sagesse, d'avoir fait proposer aux jeunes gens des exemples domestiques de courage, et par ceux mêmes qui les avaient donnés.

On peut aussi, pour réprimer la fierté [744f] d'un homme présomptueux, parler avantageusement de soi, comme Nestor l'a fait plus d'une fois :

J'ai connu des guerriers bien plus braves que vous;
Je vivais avec eux, et j'obtins leur estime.

[745a] Ainsi, Aristote écrivait à Alexandre que les maîtres d'un vaste empire n'avaient pas seuls le droit de se croire grands ; que tout homme qui avait des idées pures sur la divinité le pouvait à aussi juste titre. Cette manière de parler convient surtout vis-à-vis des ennemis et des gens malintentionnés.

Ceux qui, dans les combats, s'offrent à ma valeur,
Coûtent, par leur trépas, des larmes à leurs proches.

On appelait devant Agésilas le roi de Perse le grand roi :

« En quoi, dit-il, serait-il plus grand que moi, s'il n'est pas plus juste? »

Épaminondas dit un jour aux Spartiates, qui faisaient beaucoup de reproches aux Thébains :

« Nous vous avons au moins fait perdre votre laconisme. »

C'est surtout à des ennemis, je le répète, qu'on doit parler ainsi.

Quelquefois aussi [745b] on peut prendre un ton de confiance 595 à l'égard de ses amis ou de ses concitoyens, soit pour les rabaisser lorsqu'ils affectent des manières hautaines, soit pour les encourager et les animer quand ils s'abandonnent à une crainte pusillanime. Cyrus, partout ailleurs si modeste, parlait avec beaucoup de fierté au milieu des armées et des périls de la guerre. Antigonus, second du nom, était naturellement doux et modéré. Mais, dans le combat naval qu'il livra auprès de l'île de Cos, un de ses officiers lui ayant fait observer combien le nombre des vaisseaux ennemis était supérieur à celui des siens, « Eh! pour combien de vaisseaux me comptez-vous? » lui dit-il (03). C'est ce qu'Homère entendait parfaitement. Lorsque Ulysse voit ses compagnons [745c] effrayés du bruit et de l'agitation des vagues, auprès du gouffre de Charybde, il leur rappelle son industrie et son courage :

Vous n'êtes pas réduits à ce péril extrème
Dont menaçait vos jours le géant Polypbème.
Mon courage et ma ruse ont su vous en tirer.

Ces louanges ne sont pas celles d'un flatteur, d'un sophiste qui mendie des applaudissements, mais d'un homme qui, par là, donne à ses amis un gage de la confiance que sa vertu et sa capacité doivent leur inspirer. Rien ne contribue davantage au salut [745d] des troupes dans des occasions périlleuses, que l'opinion qu'elles ont de l'expérience et de la valeur de leur général.

Nous avons déja dit qu'il n'était pas convenable à un homme en place de contredire les louanges qu'il entend donner à d'autres. Cependant, lorsqu'elles sont capables de nuire et d'inspirer une funeste émulation de mal faire dans des choses importantes, il est à propos de les réfuter, ou plutôt de porter l'attention des auditeurs sur de meilleurs objets, et de leur en faire sentir la différence. Ce qu'on peut, ce me semble, desirer de mieux, c'est que 596 les hommes s'abstiennent du vice quand ils le voient blâmer. Mais s'il est loué hautement, [745e] si, outre le plaisir et les avantages qu'il procure, il obtient encore la gloire et l'estime, il n'est pas de naturel si heureux et si ferme dans le bien qui puisse lui résister. C'est donc moins aux louanges qu'on donne aux personnes, qu'un homme d'État doitfaire la guerre, qu'à celles qu'on donne aux choses lorsqu'elles portent sur des objets dangereux. Les louanges perverses corrompent les mœurs, et, en faisant passer pour bonnes des actions mauvaises, elles portent à les imiter. On les fait reconnaître pour ce qu'elles sont en opposant à l'éloge qui vient d'en être fait des louanges bien fondées.

Théodore, l'auteur tragique (04) disait un jour à un auteur comique nommé Satyre qu'il y avait bien plus de mérite à faire pleurer les spectateurs qu'à les faire rire. [745f] Mais un philosophe aurait pu dire à Théodore : Mon ami, ce n'est pas une grande merveille que de faire pleurer les spectateurs; ce qui vaut mieux, c'est de les délivrer de la tristesse et du chagrin qu'ils ont. Un homme qui se louerait lui-même de cette manière rendrait service à ses auditeurs, en redressant leur jugement. Ainsi Zénon disait du grand nombre de disciples qu'avait Théophrate : « Son auditoire est plus nombreux, et le mien est plus d'accord. »

[746a] Pendant que Léosthène avait encore des succès heureux, des orateurs demandèrent un jour à Phocion : « Quel bien avez-vous fait à la république? — Aucun, répondit-il; seulement tant que j'ai été en charge, vous n'avez prononcé aucune oraison funèbre ; et tous les citoyens qui sont morts ont été ensevelis dans les tombeaux de leurs pères (05). » A ces vers de Sardanapale :

La table, les plaisirs, les jeux et les amours,
Tour à tour de ma vie ont partagé le cours,

597 Cratès opposa ceux-ci :

 L'étude, le travail, l'amour des doctes sœurs,
Tour à tour sur ma vie ont versé leurs douceurs.

[746b] Cette manière de se louer nous apprend à estimer les choses utiles et à les préférer à ce qui est frivole et superflu. Voilà donc un nouveau précepte qu'il faut joindre à ceux que j'ai déjà donnés sur cette matière.

Il nous, reste à expliquer, et c'est une suite naturelle de ce que nous avons dit jusqu'à présent, comment on peut éviter de se louer mal à propos. Le désir de parler de soi, qui prend sa source dans l'amour-propre, gagne souvent les hommes les plus modestes et les plus éloignés d'un vain amour de gloire. Un des préceptes qu'on donne pour la santé est de fuir les lieux malsains, ou, si l'on ne peut les éviter, de n'y aller qu'avec les plus grandes précautions. [746c] Il est des situations critiques où, sur le moindre prétexte, on se laisse facilement aller à parler de soi. Qu'un ambitieux, par exemple, entende louer quelqu'un, l'envie de parler de lui-même s'allume aussitôt en lui. Son âme, chatouillée par ces louanges, éprouve un sentiment si vif de plaisir, qu'elle ne peut le contenir, lors même qu'on ne loue qu'un mérite égal ou inférieur au sien. Rien n'irrite autant la faim que de voir manger. De même la louange d'autrui aigrit et enflamme la jalousie de ceux qui sont possédés d'un désir immodéré [746d] de gloire.

En second lieu, le récit des succès qu'on a eus, et la joie qu'on a de le faire, entraînent la plupart des hommes dans des discours trop avantageux. S'ils viennent à parler de leurs victoires, des affaires politiques qu'ils ont sagement conduites, et généralement de ce qu'ils ont fait ou dit avec l'approbation publique, ils ne peuvent se contenir 598 ni se modérer. C'est un défaut auquel sont plus sujets que d'autres les marins, les gens de guerre et ceux qui reviennent de la cour ou de quelque expédition importante. En parlant des princes et des grands hommes qu'ils ont vus, [746e] ils insèrent dans leurs récits ce que ces personnes ont dit à leur avantage. En cela, ils ne croient pas se louer eux-mêmes, mais seulement rapporter les louanges que d'autres leur ont données. Quelques uns même se persuadent qu'en racontant l'accueil favorable et les témoignages d'estime qu'ils ont reçus des grands, on ne croira pas qu'ils aient intention de se louer, mais de faire connaître la douceur et la bonté des autres. Il faut donc avoir soin que les louanges qu'on donne à autrui soient à l'abri de tout soupçon d'amour-propre et de retour sur soi-même , et que, sous prétexte de louer Patrocle, on ne fasse réellement son propre éloge.

Les réprimandes et les reproches qu'on fait aux autres sont encore un pas dangereux pour l' amour-propre. C'est surtout le faible des vieillards, quand ils blâment quelqu'un sur sa conduite, de se vanter d'avoir fait, dans le même genre, des choses admirables. [746f] Pour eux, on peut le leur pardonner, lorsqu'à leur grand âge ils joignent du mérite et de la réputation. Ceux qu'ils reprennent en conçoivent une vive émulation et se portent à les imiter. Tous les autres doivent éviter avec soin ce défaut. Comme rien n'est plus odieux et ne demande plus de ménagement que le blâme, c'est se rendre insupportable que de mêler ses propres louanges aux reproches qu'on fait aux autres, et de chercher à établir sa réputation sur les débris de la leur.

Les personnes qui ont trop de pente à rire doivent [747a] éviter toute espèce de chatouillement dans ces parties du corps où la peau, plus douce et plus susceptible d'impressions vives, excite facilement le rire. On peut aussi donner pour conseil à ceux qui se laissent aisément em- 599 porter à l'amour de la gloire, de ne jamais faire leur éloge quand d'autres les louent. Il faut rougir des louanges qu'on nous donne et non les écouter avec impudence. Il convient même d'arrêter ceux qui parlent de nous trop avantageusement, loin d'avoir l'air de nous plaindre qu'ils n'en disent pas assez. C'est pourtant ce qu'on voit faire à bien des gens qui, [747c] dans ces occasions, rappellent d'autres belles actions qu'ils ont faites, et par là ôtent tout le prix aux louanges qu'ils se donnent, et même à celles qu'ils reçoivent des autres. Il en est qui, par un amour-propre ridicule, se chatouillent eux-mêmes, et se remplissent de vent. Les auditeurs, par une louange malignement donnée comme par un appât qui les amorce, les attirent à parler d'eux-mêmes, ou, par des questions insidieuses, ils les font tomber dans le piége pour avoir de quoi rire à leurs dépens.

On en voit un exemple dans le soldat glorieux de Ménandre.

UN PERSONNAGE.

Seigneur, apprenez-nous d'où vient cette blessure.

LE SOLDAT.

Je, fus frappé d'un trait,

LE PERSONNAGE.

Dieux! par quelle aventure?

LE SOLDAT.

En montant à l'assaut. J'étais de bonne foi;
Je leur montre ma plaie, ils se moquent de moi.

Dans toutes ces occasions il faut bien prendre garde de ne pas nous laisser emporter par l'amour des louanges, ou amorcer par [747b] les questions qu'on nous fait. Le meilleur moyen de s'en garantir est d'observer ceux qui se louent eux-mêmes, et de considérer combien ils déplaisent et se rendent odieux à tout le monde. Car, sans pouvoir leur reprocher aucun autre tort, par cela seul qu'ils se vantent, nous les fuyons, nous cherchons à nous en délivrer comme d'un fardeau insupportable. Les flatteurs eux-mêmes, les parasites, les gens qui sont dans le besoin, souffrent impa- 600 tiemment d'entendre un homme riche, un grand seigneur ou un roi se louer eux-mêmes. Ils se plaignent qu'ils leur font par là payer chèrement leur écot, [747e] comme un bouffon le dit dans Ménandre :

En vérité cet homme est bien insupportable.
Je meurs auprès de lui, je maigris à sa table,
Quand j'entends les propos de sage et de guerrier.
Tant l'amour-propre est sot! tant son orgueil est fier !
Il a du scélérat l'audace et l'infamie.

Ce reproche ne s'adresse pas seulement aux militaires, aux nouveaux parvenus qui nous ennuient sans cesse de leurs beaux contes, mais encore aux sophistes, aux philosophes, aux magistrats qui, naturellement enflés de leur mérite, parlent d'eux-mêmes avec présomption. Souvenons-nous donc que les louanges qu'on se donne à soi-même attirent ordinairement la censure des autres ; que cette vaine gloire mène presque toujours à la honte, au mépris, et, comme le dit [747f] Démosthène, à l'indignation de ceux qui nous entendent, et qui, d'ailleurs, ne nous en croient pas sur notre parole. Par là nous éviterons de parler de nous-mêmes avantageusement, à moins qu'il n'en doive résulter un grand avantage pour nous ou pour ceux qui nous écoutent.

FIN DU SECOND VOLUME.


(01) Lycurgue, orateur athénien, d'abord disciple de Platon, et ensuite de l'orateur Isocrate, eut avec Démosthène une grande part aux affaires publiques. Après sa mort, ses enfouis furent injustement accusés; et Démosthène, qui était alors en exil, ayant écrit en leur faveur, ils furent absous.

(02) Le premier de ces surnoms signifie qui aime son frère; le second, qui aime sa mère ; le troisième, bienfaisant ; et le dernier, ami de Dieu.

(03) Antigonus allait combattre contre les généraux de Ptolémée.

(04) Théodore était en même temps poète et acteur. En celte dernière qualité, il passait pour un des plus habiles de son temps.

(05) Léosthène, général athénien plus présomptueux qu'habile, avait engagé les Athéniens dans des entreprises mal concertées et qui leur devinrent funestes. Ainsi la réponse de Phocion est en même temps son apologie et la censure indirecte de Léosthène.