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L'univers de l'épopée englobe les dieux et les hommes, les premiers ne cessant d'intervenir dans les affaires des seconds.

Il est fatal que dans un système polythéiste, l'action des dieux présente des variables:

1. Leurs compétences s'exercent dans des domaines différents.

2. Leurs pouvoirs sont inégaux; par ailleurs, ils s'intègrent dans une hiérarchie : les dieux ont un roi (ni absolu, ni omniscient) et le monde des dieux comprend des subalternes (nymphes, Furies, ...).

3. Leurs choix sont divers : pour des motifs personnels, ils soutiennent ou combattent tel ou tel héros, tel ou tel camp; par ailleurs, ces choix peuvent ne pas être définitifs (1).

Il s'ensuit que :

1. Les dieux peuvent être sollicités, soit par les hommes (ce qui n'a rien de surprenant), soit par d'autres dieux, au gré des circonstances : quand elle a besoin d'aide contre les manigances de Junon, Vénus a recours à Jupiter parce qu'il est le maître ou s'adresse à Vulcain pour obtenir des armes, parce ce que cela relève de ses compétences.

2. Les dieux peuvent être manipulés par d'autres dieux qui disposent sur eux de pouvoirs supérieurs ou qui, à pouvoir égal, usent de manoeuvres pour les attirer de leur côté.

On aboutit ainsi à une situation paradoxale : Enée, le héros humain, n'a guère de choix dans ses actes; il fait ce que le destin a fixé et il obéit aux injonctions divines, sans grand débat intérieur (2); par contre, les dieux, dont les choix sont plus libres, sans l'être tout à fait, agissent poussés par leurs passions ou leurs intérêts et rusent avec leurs semblables. Bref, les dieux ont un comportement humain,parfois à la limite de la trivialité : Junon achète Eole avec de jolies filles, Vénus fait des mamours à Vulcain pour arriver à ses fins, Jupiter fait la paix dans son ménage ou remet de l'ordre chez les dieux indisciplinés.

Les extraits ci-après illustrent cet aspect de l'Enéide (3).