PROLOGUE. LE
POÈTE.
Si je place parfois dans mes écrits le nom d'Ésope, à qui du reste depuis
longtemps j'ai rendu tous les hommages que je lui dois, sachez bien que je le
fais pour donner plus de poids à cet ouvrage. Je ressemble à ces artistes de
notre siècle, qui, pour être mieux payés de leurs travaux, inscrivent au bas
d'une statue moderne le nom de Praxitèle, sur l'airain celui de Scopas, sur
l'argent celui de Myron, et signent leurs tableaux Xeuxis (01)
: tant il est vrai que l'envie à la dent déchirante épargne davantage des
productions même fausses de l'antiquité, que les meilleures de notre temps.
Ceci me porte à raconter une fable qui prouve ce que j'avance.
FABLE I. DEMETRIUS
ET MÉNANDRE
DEMETRIUS de Phalère (02) avait
usurpé dans Athènes le souverain pouvoir, et le peuple, comme il le fait
toujours, se précipitait à l'envi sur ses pas en applaudissant (03)
son nouveau tyran. Les premiers de la ville, tout en gémissant au fond de
leur coeur d'un si triste coup de la fortune, vinrent déposer un baiser
servile sur la main qui les opprimait. On vit même les Athéniens les
plus sages et les plus retirés, dans la crainte que leur absence ne pût
leur nuire un jour, se traîner en rampant aux pieds de Demetrius.
DE ce nombre fut Ménandre (04),
célèbre comique. Demetrius avait lu ses ouvrages, mais il ne connaissait
point l'auteur dont il admirait tant le génie. Parfumé d'essence et
laissant traîner sa tunique, notre poète s'avançait d'un pas lent et
rempli de mollesse. Dès que Demetrius l'aperçut à l'extrémité de la
foule : "Quel est cet efféminé, demanda-t-il , qui ose paraître
ainsi devant moi? - C'est le poète Ménandre, répondirent les personnes
qui l'entouraient." Changeant aussitôt .. .. . . . .
(Le reste manque.)
FABLE II. LES
VOYAGEURS ET LE VOLEUR .
......... ET son courage en eut bientôt fait justice (05).
Le Voleur tué, le timide compagnon accourt, tire son glaive, jette son manteau
(06) par terre, puis s'écrie : « Laisse-le
venir, il apprendra à qui il a affaire. » Celui qui s'était réellement battu
lui répondit : « J'aurais bien voulu entendre tout-à-l'heure ces belles
paroles ; elles m'auraient secondé et donné plus de force, car alors je
pouvais les croire sincères; mais maintenant, rengaine ton épée et ta langue
futile , tu pourras t'en servir pour en imposer à ceux qui ne te connaissent
pas. Quant à moi, j'ai vu avec quelle rapidité tu fuyais, et je sais à quoi
m'en tenir sir ton courage. »
CETTE fable s'adresse à celui qui fait le brave lorsqu'il n'y a rien à
craindre, et qui s'enfuit au premier péril.
FABLE III. LE
CHAUVE ET LA MOUCHE.
UNE Mouche piqua la tête d'un Homme chauve : celui-ci, en cherchant à
écraser l'insecte importun, se donna une forte tape. "Tu voulais, pour te
venger d'une légère piqûre, me donner la mort, lui dit la Mouche en se
moquant de lui; comment maintenant te puniras-tu du mal et de l'affront que tu
t'es fait?" L'homme répondit :
« Je ne serai pas longtemps à faire la paix avec moi-même, parce que je sais
que je n'avais pas l'intention de m'offenser. Mais quant à toi , vil et
méchant animal, qui ne te plais qu'à sucer le sang humain, je voudrais te
tuer, dussé-je me faire encore plus de mal. »
CET exemple nous apprend qu'il faut pardonner à celui qui commet une faute
involontaire : mais quant à celui qui cherche à nuire avec connaissance de
cause, je le juge digne de tout châtiment.
FABLE IV. L'HOMME
ET L'ANE.
UN Homme immola un verrat au divin Hercule c'était un voeu qu'il avait fait
pour le recouvrement de sa santé : il fit donner à son Ane le reste de l'orge
du porc. Mais l'Ane ne voulut pas y toucher, et dit : « J'accepterais
volontiers cette orge, si l'on n'avait pas égorgé celui qui d'abord en a été
nourri. »
EFFRAYÉ par les réflexions que fait naître cette fable, j'ai toujours évité
la possession d'un bien qui aurait pu cacher quelque péril. Mais le lecteur me
dira : Ceux qui ont pris des richesses les possèdent. - Comptons un peu le
nombre des voleurs arrêtés et condamnés à mort, nous en trouverons un bien
plus grand nombre que d'impunis.
LA témérité réussit à peu de monde; elle est funeste à bien des gens.
FABLE V. LE
BOUFFON ET LE PAYSAN.
LES hommes ordinairement se laissent entraîner par d'injustes préventions;
et tandis qu'ils sont tout pleins de leurs faux jugements, l'évidence les force
au repentir.
UN citoyen riche et distingué par sa naissance, voulant célébrer des jeux,
proposa une récompense à quiconque présenterait un spectacle nouveau. Il
invita tout le monde à concourir. Les comédiens ambulants accoururent pour se
disputer la victoire. L'un d'eux, un Bouffon , connu par ses saillies
spirituelles, se vanta de donner une scène d'un certain genre qui n'avait
encore paru sur aucun théâtre. Cette nouvelle se répand aussitôt, et voilà
toute la ville en mouvement. Les places, auparavant inoccupées, manquent
maintenant à la foule. Notre acteur paraît sur la scène, seul, sans aucun
appareil , sans personne pour l'aider dans son rôle. L'attente avait commandé
le silence. Il baisse tout à coup la tête, la cache sous son manteau, et se
met à si bien imiter, avec sa voix le cri du cochon de lait, que tout le inonde
croyait qu'il en avait un sous sa robe. On lui ordonne de la secouer, il le
fait, et on ne trouve rien. On l'accabla d'éloges, et ou le poursuivit
d'applaudissements. Un Paysan qui était présent s'écria : « De par Hercule!
il ne l'emportera pas sur moi. » Aussitôt il promit que le lendemain il
reviendrait et ferait mieux. La foule fut encore plus considérable, les esprits
étaient prévenus, et l'on vint plutôt pour se moquer que pour juger. Ils
s'avancent tous deux sur le théâtre : le Bouffon commence à grogner le
premier, et, de suite, partent de la salle des applaudissements et des cris : le
Paysan feint de cacher un cochon de lait sous ses habits, ce qu'il faisait
réellement (mais, comme on n'avait rien trouvé sur le Bouffon, on était sans
défiance), et se met à pincer l'oreille du pauvre animal, auquel la douleur
arrache des cris bien naturels. Les spectateurs soutinrent que le Bouffon avait
bien mieux imité, et voulurent faire chasser le Paysan. Mais celui-ci, tirant
de dessous sa robe le cochon de lait, leur prouva d'une manière irrécusable
combien ils s'étaient sottement trompés : "Celui-ci, leur dit-il, vous
apprendra quels juges vous êtes!"
FABLE VI. LES
DEUX CHAUVES.
UN Homme chauve, en passant dans un carrefour, trouva par hasard un peigne.
Survint un autre homme dont la tête était de même dépourvue de cheveux. «
Ah ça, dit-il, part à nous deux, n'importe (07).
» L'autre lui montra sa trouvaille, et lui dit : "Les dieux voulaient nous
favoriser; mais le destin envieux nous a fait, comme on dit, trouver un charbon
(08) au lieu d'un trésor."
L'HOMME trompé dans son espérance a le droit de se plaindre.
FABLE VII. LEPRINCE,
JOUEUR DE FLUTE.
LORSQU'UN esprit plein de vanité, ébloui d'une faveur passagère, se laisse
aller à sa folle présomption, son sot orgueil le rend le jouet de tout le
monde.
LEPRINCE, joueur de flûte (09) de quelque
renommée, accompagnait Bathylle (10) dans
ses pantomimes. Un jour qu'on célébrait des jeux, je ne me rappelle pas bien
l'époque, il fit, par inattention, dans un changement de décors, une chute
grave, et se cassa le tibia gauche. Il aurait mieux aimé avoir cassé ses deux
flûtes droites (11). On l'enleva, et on
l'emporta chez lui, poussant de grands gémissements. Plusieurs mois se
passèrent avant qu'il fût entièrement rétabli. Les spectateurs, comme il
arrive toujours, commencèrent à regretter leur bon musicien, qui, par les sons
de sa flûte, animait les danses du souple Bathylle.
UN Romain d'une naissance distinguée allait donner des jeux, et Leprince
commençait alors à marcher. Il obtint à force de prières et d'argent que le
musicien se montrât seulement le jour même du spectacle. Le moment venu, on ne
parla dans le théâtre que du joueur de flûte: les uns soutenaient qu'il
était mort ; d'autres, qu'il allait paraître tout-à-l'heure. On tire la
toile, le tonnerre gronde, et les dieux parlent selon leur coutume (12).
Le choeur alors se finit à chanter un hymne inconnu au joueur de flûte, et
dont le sens était : «Rome, réjouis-toi, le prince est sauvé! (13)
» On se leva pour applaudir. Leprince aussitôt d'envoyer des baisers, croyant
que ses amis et ses admirateurs le félicitaient. Les chevaliers voient sa sotte
erreur, et ils demandent en riant de répéter l'hymne. Le choeur recommence;
notre homme de se prosterner jusqu'à terre, et les chevaliers d'applaudir
encore pour se moquer de lui. Le peuple pensait qu'il voulait une couronne. Mais
dès que son histoire fut connue sur tous les gradins du théâtre, Leprince,
qui s'enorgueillissait des honneurs rendus au divin Auguste, fit, malgré sa
robe blanche, ses souliers blancs, et la bandelette blanche qui lui enveloppait
la jambe, jeté à la porte par tous les spectateurs.
FABLE VIII. LE TEMPS.
CE vieillard que vous voyez, le corps nu , la tête chauve par derrière, le
front garni de cheveux; et qui passe, comme suspendu dans les airs, d'un vol
léger sur le tranchant d'un rasoir, celui que, lorsqu'on le tient, il faut bien
tenir; car, s'il échappe, Jupiter lui-même: ne pourrait le ressaisir : c'est
l'emblème du Temps fugitif.
LES anciens nous ont ainsi représenté le Temps, pour qu'une lenteur funeste ne
vienne pas entraver nos projets.
FABLE IX. LE TAUREAU ET LE
VEAU.
UN Taureau, gêné par ses cornes, se débattait à la porte étroite d'une
étable où il ne pouvait entrer qu'avec peine. Un Veau voulut lui montrer
comment on devait s'y prendre. « Tais-toi, lui dit le Taureau, je savais cela
avant que tu fusses né. »
CELUI qui veut eu remontrer à son maître peut prendre pour lui ce que je viens
de dire.
FABLE X.
LE CHASSEUR ET LE CHIEN.
UN Chien, qui avait été plein de vigueur, et dont son maître avait
toujours été très content à la chasse contre les bêtes fauves,
commençait à s'affaiblir sous le poids des années. Un jour, en faisant
tête à un sanglier furieux, il lui sauta à l'oreille ; mais, avec ses
dents gâtées par l'âge, il ne put retenir l'animal. Le Chasseur
mécontent gronda son chien. Son vieux serviteur lui répondit : « Ce
n'est point pion courage , mais ce sont mes forces qui ne peuvent plus
vous servir. Vous vantiez autrefois ma vigueur, et vous me reprochez
déjà ma faiblesse. »
Tu vois bien, Philetus, pourquoi j'ai écrit cette fable.
(01)
Si marmori adscripserunt Praxitelen, Scopam aeri, Myronem argento, tabulae
Zeuxidem, etc. C'est la leçon de Bentley, que tous les traducteurs ont
adoptée. Ces vers étaient très altérés dans le manuscrit Pithou ; nous
allons les rapporter ici :
Si marmori adscripserunt Praxitelen suo,
Detrita Myronem argento. Fabalae exaudiant
Adeo fugatae. Plus vetustis favet ...
Voici la leçon de Schwabe :
Si marmori adscripserunt Praxitelen suo
Trito Myronem argento : fabula exaudiant
Adeo fugatae. Plus vetustis nam favet ...
(02)
FABLE 1. -
DEMETRIUS ET MÉNANDRE.
Demetrius, qui dictus est Phalereus.
Demetrius de Phalère fut ainsi nommé, parce qu'il était né à Phalère, port
de l'Attique, aujourd'hui Tripyrghi, les Trois-Tours. Par son éloquence et ses
vertus, il acquit tant de pouvoir sur les Athéniens, qu'ils le nommèrent
archonte (309 av. J.-C.)
(03)
Féliciter ! succlamant.
C'était l'acclamation d'usage chez les Romains. (SUÉT., Claud, VII;
Domit.XIII, et FLORUS, liv. III, c. 3.)
(04)
In queis Menander, nobilis comoediis. Ménandre, né à Athènes, l'an
342 av. J.-C. Ce comique, honoré parmi les Grecs du titre de prince de la
nouvelle comédie, est préféré à Aristophane. On ne trouve pas en lui, comme
dans ce dernier, un genre de satire dure et grossière, qui déchire sans
ménagement la réputation des honnêtes gens; mais il assaisonnait ses
comédies de plaisanterie douce, fine et délicate, sans s'écarter jamais des
lois de la plus austère bienséance. De cent huit comédies que ce poète avait
composées, et qu'on dit avoir été toutes traduites par Térence, il ne nous
reste que très peu de fragmens. (Dict. historique.)
Hic est Menander scriptor rappelle ce vers de Martial :
Sed toto legor orbe frequens, et dicitur, Hic est..
(Lib. V, Epig. 13.)
FABLE II. - LES VOYAGEURS ET LE VOLEUR.
(05)
Et vindicavit sese forti dextra.
Il y a encore ici une lacune dans le manuscrit. Schwabe, d'après Perotti, a
proposé ces deux vers pour le commencement de cette fable :
Duo quum incidissent in latronem milites,
Unus profugit, alter autem restitit.
(06)
...Dein, rejecta paenula.
Paenula était une espèce de manteau ou de surtout assez semblable au manteau
appelé lacerna, mais très-court et très-étroit ; il se mettait
ordinairement sur la tunique avec un capuchon : on s'en servait dans les voyages
et à l'armée. (ADAM.)
FABLE III. - LE CHAUVE ET LA MOUCHE.
ROMULUS, liv. II, fab. 13.
FABLE IV. - L'HOMME ET L'ANE.
Dans le fond des idées on pourrait trouver quelque analogie avec la fable de La
Fontaine (liv. VIII, fable 12 ).
FABLE V. - LE BOUFFON ET LE PAYSAN.
PLUTARQUE, Symposiac., V. I, p.674.
(07)
FABLE VI. - LES DEUX CHAUVES.
Eia, inquit, in commune, quodcunque est
lucri. Cette expression est restée dans la langue des collèges. Si un
écolier trouve quelque objet, il s'écrie aussitôt : Part à moi seul,
et la propriété lui est alors acquise sans contestation, à moins qu'un de ses
camarades, plus vif que lui, n'ait dit, au moment où il se baissait, Part à
nous deux.
Il faut donc se souvenir du précepte de Sénèque :
Quoties aliquid inveni, non exspecto, donec dicat : In commune: ipse mihi.
(Epist. CXX. )
(08) Carbonem,
ut aiunt, pro thesauro invenimus. C'était, dit Scheffer, un proverbe né
d'une opinion superstitieuse du peuple, qui croyait que, pour déterrer un
trésor, il fallait observer certaines cérémonies, et que si l'on manquait à
quelqu'une, les charbons remplaçaient l'argent. (BEUZELIN.)
(09) FABLE VII. -
LEPRINCE , JOUEUR DE FLUTE.
Princeps
tibicen notior paullo fuit... Toute cette fable roule sur un jeu de mots,
sur ce qu'on appelle un calembours : heureusement il était très facile de le
rendre en français, sans quoi tout ce récit eût été presque
incompréhensible.
Blanchini pense que ce joueur de flûte était de la maison d'Auguste.
(10) Operam
Bathyllo ..... Bathylle, fameux pantomime, natif d'Alexandrie, vint à Rome,
pendant le règne d'Auguste, et fut affranchi de Mécènes (Athen., liv. I).
Pylade et lui créèrent un nouveau genre de danse, qu'ils portèrent au plus
haut degré de perfection : il n'était question que des spectacles de Pylade et
Bathylle. On appelait pantomime, chez les Romains, les acteurs qui, par des
mouvements, des signes , des gestes, et sans s'aider de discours, exprimaient
des passions, des caractères et des événements.
Observons cependant qu'avant ces deux pantomimes il en existait d'autres, dès
le temps de la république; mais alors on ne les employait que dans les pièces
de théâtre, soit tragiques, soit comiques ou satiriques, Un acteur dansait ou
déclamait, et un autre gesticulait. Ce furent Pylade et Bathylle qui
introduisirent la danse des pantomimes, qui n'avait jamais paru seule. Voilà
seulement ce qu'a voulu dire Zosime, liv. I, p. 7, édit. de 1612. (DUSSAULX,
traduction de Juvénal.) - Voyez JUVÉNAL, Sat. I , v. 63 , et PERSE, Sat.
V, v. 123.
(11)
Et sinistram fregit tibiam, Duas
quum dextras maluisset perdere. Il y a encore ici un jeu de mots qu'il
n'était guère possible de rendre en français; à moins de se servir d'une
expression trop familière, c'est-à-dire d'employer le mot flûte pour
désigner la jambe.
Dans les comédies romaines, les joueurs de flûte se servaient toujours de deux
flûtes à la fois. La flûte droite n'avait que peu de trous et rendait un son
grave; la flûte gauche en avait davantage et rendait des sons clairs et aigus :
quelquefois, on jouait avec deux flûtes à son égal. Dans la scène tragique,
on se servait ordinairement de deux flûtes droites, c'est-à-dire deux flûtes
à sons graves, et, dans la scène comique, de deux flûtes gauches, tibiis
paribus sinistris, que l'on appelait tyriennes ou sarranes.
(12)
Aulao misso, devolutis tonitrubus,
Di sunt locuti more translatitio.
Nous pensons qu'il serait à propos de donner ici quelques notions sur le
théâtre des Romains.
Les premiers théâtres étaient construits en bois et se démontaient aussitôt
que les jeux étaient finis. Mais le luxe et le goût des spectacles croissant
de plus en plus, on en bâtit en pierres et on les enrichit de statues et des
marbres les plus précieux. Pompée fut le premier à en élever un de cette
sorte; il imita celui de Mitylène, mais il le fit plus grand et capable de
contenir quarante mille spectateurs : il n'en reste que de faibles vestiges.
Le plan de ces salles de spectacle était circulaire : d'un côté et carré de
l'autre, de sorte que d'une part c'étaient deux demi-cercles de différents
diamètres, décrits d'un même centre, entre lesquels étaient les spectateurs,
et de l'autre était un carré long, de toute l'étendue des demi-cercles, et
moins large de moitié : c'était la scène, le lieu où jouaient les acteurs,
et dans l'intervalle était l'orchestre.
L'enceinte des théâtres était composée de deux ou trois rangs de portiques,
élevés les uns sur les antres. On montait aux différents étages par des
escaliers appelés vomitoria. Les théâtres n'étaient couverts que sur
la scène. Quelquefois, on étendait au dessus des gradins des toiles pour
garantir les spectateurs de la pluie ou de l'ardeur des rayons du soleil.
Ce que nous appelons maintenant la scène était divisé en cinq parties : scena,
proscenium, postscenium, pulpitum et orchestra.
Scena. C'était la partie d'où
les acteurs sortaient : elle s'étendait d'un bout du théâtre à l'autre;
c'était ce que nous appelons les décorations. Il y avait trois sortes de
scènes ou de décorations.
La première, la scène tragique, magnifiquement ornée de statues et de
colonnes.
La deuxième, la scène comique, représentant des maisons de particuliers.
La troisième, la scène satirique, où l'on découvrait des forêts, des
campagnes : ces décorations étaient faites avec des tapisseries. Vitruve nous
apprend que ces décorations changeaient à l'aide de machines, de planches et
de tapisseries que l'on retirait. De là vient que dans les auteurs ces sortes
de spectacles sont quelquefois appelées aulae.
Proscenium. On appelait ainsi le
lieu élevé sur lequel jouaient les acteurs.
Postscenium.
C'était le fond du théâtre, derrière les décorations : les acteurs se
retiraient là pour s'habiller.
Pulpitum. Il paraîtrait bien, et
surtout d'après le vers de Phèdre,
...... .... Homo meus se in pulpito
Totum prosternit .. . .... ... .... ..
qu'il s'agit ici d'une espèce d'élévation ou d'estrade pratiquée sur le
théâtre, et sur laquelle se plaçaient les musiciens qui, comme Leprince,
accompagnaient de leurs instruments les pantomimes.
Orchestra. L'orchestre parmi nous
ne ressemble en rien à celui des anciens. Chez les Romains, c'était la place
des sénateurs et des vestales. Le proscenium était élevé d'environ cinq
pieds ; il y avait quelque intervalle entre l'orchestre et le proscenium, et un
petit mur, haut d'un pied et demi, les séparait. Ce mur était orné de petites
colonnes de marbre, de trois pieds; c'est ce que les Latins appelaient podium.
L'empereur mit ensuite son trône dans le podium. Les vestales, les tribuns et
l'édile, qui faisaient les frais du spectacle, furent aussi placés dans
l'orchestre; c'est ce qui a fait dire à Juvénal : orchestram et populum,
pour distinguer les patriciens d'avec la populace.
Aulaeo misso. La toile était une
espèce de tapisserie attachée par le bas. Chez les Romains, lorsque les
pièces commençaient, on la baissait, c'est-à-dire on laissait tomber la toile
sous le théâtre, et lorsque la pièce était finie, on la relevait de bas en
haut, tollebatur.
Devolutis tonitrubus. On appelait
les tonnerres artificiels claudia tonitrua, parce que Claudius Pulcher
imagina de faire rouler des pierres arrondies sur un plancher en talus, pour
imiter le fracas du tonnerre.
(13) Laetare, incolumis Roma, salve
principe. Cet hymne avait sans doute été composé pour Auguste, à son
retour d'Espagne : il était tombé dangereusement malade à l'époque de son
expédition contre les Cantabres. (HORACE, liv. III, Od. XIV.)
Suétone (Caligula, ch. VI), en parlant de l'effet que produisit à Rome la mort
de Germanicus, dit :
Romae quidem, quum ad primam famam valetudinis attonita et maesta civitas
sequentes nuncios opperiretur, et repente jam vesperi incertis auctoribus
convaluisse tandem percrebruisset , passim cum luminibus et victimis in
Capitolium concursum est, ac paene revulsae templi fores, ne quid gestientes
vota reddere morarentur. Expergefactus e somno Tiberius est gratulantium
vocibus, atque undique concinentium, SALVA ROMA, SALVA PATRIA, SALVUS EST
GERMANICUS! Sed ut demum, fato functum, palam factum est, non solatiis ullis,
non edictis inhiberi luctus publicus potuit, duravitque etiam per festos
decembris mensis dies.
"A Rome, la population toute entière, frappée de stupeur et de
consternation par la première nouvelle de sa maladie, attendait avec anxiété
de nouveaux messages. Tout à coup, vers le soir, le bruit se répandit, on ne
sait comment, que Germanicus était rétabli. On accourut au Capitole avec des
flambeaux allumés, et des victimes : les portes du temple furent presque
renversées daas l'impatience où l'on était d'offrir des actions de grâces.
Tibère fut réveillé par les cris de ceux qui se félicitaient, et de tous
côtés l'on chantait : ROME EST SAUVÉE ! LA PATRIE EST SAUVÉE, GERMANICUS EST
SAUVÉ !!! Mais lorsqu'on sut enfin qu'il avait cessé d'exister, le deuil
public ne put être contenu par aucune consolation, par aucun édit; il dura
même à travers les fêtes de décembre." (Traduction de M. DE GOLBERY.
FABLE VIII. - LE TEMPS.
Voyez AUSONE, Epigr. XII, in Simulacrum Occasionis et Poenitentiae.
FABLE IX. - LE TAUREAU ET LE VEAU.
Cette fable rappelle ce mot d’Apulée : Odi pueros praecoci
sapientia.
FABLE X. - LE CHASSEUR ET LE CHIEN.
On ne peut ici se méprendre sur l'intention du poète ; et lorsqu'on nous
dit que l'on a retrouvé la suite de l'ouvrage de notre fabuliste, c'est ne
point comprendre ce que Phèdre dit à son ami Philetus. Il était dans un âge
avancé, lorsqu'il écrivit ce dernier livre: toutes les fables qu'il renferme
sont de lui, de son invention, et quelque ami se sera peut-être expliqué avec
trop de franchise sur cette dernière production; car il est impossible
d'appeler des fables les deux narrations qui y figurent, et quant au reste, les
sujets sont loin de ressembler à ceux qu'il prenait dans Ésope.
FIN.
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