LIVRE XXV,
TRAITANT DE LA NATURE DES HERBES QUI CROISSENT SPONTANEMENT , ET DE L'IMPORTANCE QU'ELLES ONT.
I. Origine de l'usage qu'on en a fait. - II. Quels auteurs ont écrit en latin sur leur emploi. - III. Quand ces connaissances se sont introduites chez les Romains. - IV. Auteurs grecs qui ont donné des figures des plantes. - V. Quels sont, parmi les Grecs, ceux qui ont écrit les premiers sur ce sujet. - VI. Herbes merveilleusement découvertes. Pourquoi use-t-on moins des remèdes que les plantes fournissent. Exemples pris du cynorrhodon; remèdes, II. De la tige du dracunculus, I; de l'herbe britannique, V. - VII. Noms de ceux qui ont découvert des plantes célèbres. - VIII. Du moly, III. - IX. Du dodécatbéon, I. - X. De la pivoine ou pentorobus ou glycysides, I. - XI. Du penax ou asclépion, II. - XII. Du panax héraclion, III. - XIII. Du panax chironlon, IV. - XIV. Du panax centauréon ou pharnacéon, III. - XV. De l'héraclèon ou sidérlon, IV. - XVI. De la vigne de Chiron, I. - XVII. De deux genres de jusquiame ou apollinaire ou altercum; remèdes, III. - XVIII. Des deux espèces de mercuriale ou linozostis ou parthénion ou hermupoa; remèdes, XXII. - XIX. De l'achillés sidéritis ou mille-feuille, ou panax héracleon, ou scopa regia, VI. - XX. Du teucrion ou hémionion ou splénion, II. - XXI. Du mélampodium, ellébore ou vératre, III espèces; comment on Ie recueille, comment on l'éprouve. - XXII. De l'ellébore noir; remèdes, XXIV. comment on le prend. - XXIII. De l'ellébore blanc; remèdes, XXIII. - XXIV. Quatre-vingt-huit observations sur les deux ellébores. - XXV. Quels sont ceux à qui il ne faut pas l'administrer. - XXVI. Mithradatia, II. - XXVII. Stordotis ou scordion, IV. - XXVIII. Polémonia ou phitétaeria ou chiliodynama, VI. - XXIX. Eupatoire, I. - XXX. Grande centaurée ou chironion, XX. - XXXI. Centaurion lepton ou libadion ou fiel de terre, XXII. - XXXII. Centaurée triorchis , II. - XXXIII. Cymenus, II. - XXXIV. Gentiane, XIII. - XXXV. Lysimachie, VIII. - XXXVI. Armoise ou parthénis ou botrys ou ambrosia, V. - XXXVII. Nymphaea ou héraclion ou rhopalon ou madon; espèces, II; remèdes, XIV. - XXXVIII. Euphorbe; espèces, II; remèdes, IV. - XXXIX. Plantain ; espèces, II; remèdes, XXVI. - XL. Boglosse, III. - XLI. Cynoglosse, III. - XLII. Buphtalmnos ou cachia. - XLIII. Herbes trouvées par certaines nations : scythice, III. - XLIV. Hippace, III. - XLV. Ischaemone, II. - XLVI. Bétoine, XLVIII. - XLVII. Cantabrica, II. - XLVIII. Consiglio, I. - XLIX. Ibléris, VII - L. Herbes découvertes par des animaux : chélidoine, VI. - LI. Canaria, I. - LII. Élaphoboscos; seseli. - LIII. Dictame, VIII. Faux dictame. En quels lieux se trouvent les herbes les plus efficaces. Qu'en Arcadie on boit du lait à cause des herbes dont la vache s'est nourrie. - LIV. Aristoloche ou clematitis ou cretica ou plistolochia ou lochia polyrrhizos ou pomme de la terre, XXII. - LV. Emploi des plantes contre les morsures de serpent. - LVI. Argémone, IV. - LVII. Agaric, XXXIII. - LVIII. Deux espèces d'échios. - LIX. Verveine ou hiérabotané ou péristeréon; espèces, II; remèdes, X. - LX. Blattaria , I. - LXI. Lemonium, I. - LXII. Quintefeuille ou pentapetes ou pentaphyllon ou chaemaezélon, remèdes, XXXIII. - LXIII. Sparganium, I. - LXIV. Daucus; espèecs, IV; remèdes, XVIII. - LXV. Therionarca, II. - LXVI. Persolata ou arcion, VIII. - LXVII. Cyclame ou truffe de terre, XII. - LXVIII. Cyclaminos cissanthemos, IV. - LXIX. Cyclaminos chamaecissos, III. - LXX. Peucedanum, XXVIII. - LXXI. Hièble, VI. - LXXII. Polemonia, I. - LXXIII. Verbascum, XV. - LXXIV. Phlomis, I. - LXXV. Thelyphonon, I. - LXXVI. Phrynion ou nevras ou potérion, I. - LXXVII. Alisma ou damasonium ou lyron, XVII. - LXXVIII. Pertstereos, VI. - LXXIXI. Remèdes contre les poisons. - LXXX. Antirrhinum ou anarrhinum ou lychnis sauvage, III. - LXXXI. Euplea, I. - LXXXII. Pericarpum; espèces, II; remèdes, II. - LXXXIII. Remèdes pour les infirmités de la tête, I Nymphaea heraclia, II. - LXXXIV. Lingulaca, I. - LXXXV. Cacalia ou léontice, III. - LXXXVI. Callitthrix, XX. - LXXXVII. Hyssope, X. - LXXXVIII. Lonchitis, IV. - LXXXIX. Xiphion ou phasganion, IV. - XC. Psyllion ou cynoïdes ou chrysallion ou sicelleon ou cynomyla, I. - XCI. Remèdes pour les yeux. - XCII. Anagalis ou corchoron ou ferusoculus ; espèces, II; remèdes, III. - XCIII. Aegilops, II. - XCIV. Mandragore ou circaeon ou morion ou hippophlomon; espèces, II; remèdes, XXIV. - XCV. Ciguë, XIII. - XCVI. Crethmos sauvage, I. - XCVII. Molybdène, I. - XCVIII. Première capnos ou pieds de poule, I. XCIX. Capnos touffue, III. - C. Acoron ou agrion, XIV. - CI. Cotylédon; espèces, II; remèdes, LXI. - CII. Joubarbe des toits ou buphthalmon ou zoophthalmon ou stergethron ou amérimnon ou grand sédum ou oculus ou digitellus; remèdes, XXXI; petit sedum, XXXII. - CIII. Andrachle sauvage ou illecebra, XXXII. - CIV. Remèdes pour les incommodités des narines. - CV. Remèdes pour les douleurs des dents. - CVI. Séneçon ou érigdron ou pappos ou acanthis, VIII. - CVII. Éphéméron, II. - CVIII. Bassin de Vénus, I. - CIX. Renoncule ou batrachion ou strumos; espèces, IV; remèdes, XIV. - CX. Stomatice, composition contre la mauvaise haleine.
Résumé : Remèdes, histoires et observations, 1292.
Auteurs :
Les mêmes que plus haut, et en outre Xanthus.
I. (I.) [1] Les herbes célèbres dont nous allons parler, et que la terre ne produit que pour des usages médicinaux, m'inspirent de l'admiration pour les soins diligents de l'antiquité. Il n'est pas que les anciens n'aient éprouvé et essayé, rien ensuite qu'ils aient caché et dont ils aient voulu dérober l'utilité à la postérité. Nous, au contraire, nous cherchons à celer et à supprimer leurs travaux, et nous privons les hommes de biens qui même ne soit pas nôtres. Oui, certes, aujourd'hui ceux qui ont quelques connaissances les cachent et les envient aux autres; et et n'instruire personne c'est donner une plus haute idée de son savoir Lons que les moeurs actuelles vous portent à imaginer rien de nouveau et a améliorer la condition humaine, le plus grand effort d'esprit est depuis longtemps de garder pour sol et d'anéantir pour les autres les expériences qui ont réussi aux anciens.
[2] Cependant la découverte d'une plante a donné à certains hommes l'apothéose, aux autres la célébrité; car la reconnaissance s'est complu à imposer aux végétaux le nom de nu ceux qui les avaient trouvés. Il ne faut pas tant admirer les anciens pour s'être occupés des végétaux cultivés par agrément ou pour le besoin de la nourriture, que pour avoir gravi les sommets inaccessibles des montagnes, pénétré au fond des déserts, scruté toutes les veines de la terre, afin de découvrir les vertus de chaque racine, les usages des feuilles, convertissant en instruments de santé des plantes même auxquelles les quadrupèdes ne touchaient pas.
II. (II.) [1] Cette étude n'a pas été poursuivie autant qu'elle le méritait par nos Latins, ardents à s'emparer de tout ce qui était utile et bon. M. Caton, maître dans toutes les connaissances usuelles, a été le premier et longtemps le seul qui ait touché cette matière, sommairement toutefois, mais ne négligeant pas la médecine des boeufs. Après lui, un autre personnage illustre, C. Valgius, distingué par son érudition, a abordé ce même sujet dans un livre inachevé, dédié au dieu Auguste. Dans un pieux préambule, il exprima le voeu que la majesté de ce prince soit toujours, et avant tout autre, le remède des maux de l'humanité.
III. [1] Le seul historien des plantes qu'avant ce dernier je trouve parmi vous est Pompeius Lenaeus, affranchi du grand Pompée; et c'est aussi le temps où je vois que cette science a commencé d'être cultivée par les Latins. Mithridate, le plus puissent des rois de son époque, et dont Pompée acheva la défaite, fut, plus qu'aucun des hommes qui l'avaient précédé, curieux des faits de médecine; nous en avons des preuves certaines, indépendamment de la réputation qu'il s'est faite: lui seul s'est avisé d'avaler, après seoir pris des préservatifs, chaque jour du poison, afin d'en neutraliser par l'habitude les effets malfaisants. Il est l'inventeur d'antidotes, dont l'un conserve encore son nom. On croit qu'il imagina le premier de mêler aux antidotes le sang des canards du Pont, parce qu'ils vivent d'animaux venimeux.
[2] Nous avons des ouvrages d'Asclépiade, fameux médecin, adressés à ce prince, et que lui envoya l'auteur, sollicité de quitter Rome pour sa cour. Il est le seul homme, cela est certain, qui ait parlé vingt-deux langues (VII, 21); et pendant les cinquante-six ans qu'il régna il ne se servit jamais d'interprète avec les peuples qui lui étaient soumis. Ce prince, parmi les éminentes qualités de son esprit, avait un goût vif pour la médecine ; et, recherchant des renseignements auprès de tous ses sujets, qui occupaient une partie considérable de la terre, il laissa dam ses archives secrètes une cassette remplie de mémoires sur cette matière, avec les originaux des recettes et les effets qu'elles avaient produits Or, Pompée, s'étant emparé du trésor royal chargea le grammairien Lenaeus, son affranchi de traduire ce recueil en notre langue; et ainsi par cette victoire, il servit également la république et le genre humain.
IV. [1] Outre ces auteurs, des médecins grecs, qui nous avons cités en leur lieu, se sont occupés di l'histoire des plantes. Parmi eux, Cratevas, Denys et Métrodore ont employé une méthode très attrayante, mais qui ne fait guère que prouve la difficulté de la chose: en effet, ils ont figuré les plantes, puis, au-dessous, ils en ont décrit le effets. Mais la peinture est trompeuse, et, dans cette multitude de couleurs qu'exige l'imitation de la nature, la diversité de mains compromet beaucoup l'exactitude de la ressemblance. C'est peu d'ailleurs de représenter chacune de ces plantes considérées dans un seul âge, puisqu'elles changent d'aspect dans les quatre saisons de l'année.
V. [1] Aussi les autres médecins se sont bornés à une description verbale; quelques-uns même n'ont pas donné cette description, et se sont contentés généralement de noter les noms, croyant faire assez d'indiquer les propriétés et les vertus à ceux qui s'occupent de la recherche des plantes. Et cette connaissance n'est pas difficile à acquérir. Nous du moins, à l'exception d'un très petit nombre, nous avons eu l'avantage de les examiner toutes, aidé des lumières d'Antonins Castor, qui, de notre temps, avait le plus de réputation dans cette partie. Nous avons visité son petit jardin, où les cultivait en grand nombre ce vieillard plus que centenaire, sans avoir jamais eu de maladie, et sans que l'âge eût même altéré sa mémoire et sa vigueur. La connaissance des plantes est ce que l'antiquité parait avoir le plus admiré. Il y a longtemps qu'on a trouvé le moyen de calculer à l'avance non seulement la nuit ou le jour, mais encore l'heure des éclipses du soleil et de la lune;
[2] et pourtant une grande partie du vulgaire reste persuadé que ces éclipses sont produites par des enchantements et des herbes, et que cette science est le partage des femmes. Et, de fait, quelle contrée n'est pas remplie des fables touchant la Médée de Colchos, d'autres magiciennes, et surtout la Circé italienne, qui a même été mise au rang des dieux? C'est à cause d'elle, je pense, qu'Eschyle, un des poètes les plus anciens, a écrit que l'Italie était couverte d'herbes très puissantes, et que beaucoup en ont dit autant de Circéi, où elle habitait; et une grande preuve s'en voit encore chez les Marres (VII, 2, 7), nation descendue de son fils, et que l'on sait être en possession de soumettre les serpents.
[3] Homère, le père de la doctrine et des traditions de l'antiquité, tout en célébrant Circé, attribue à l'Égypte la gloire d'avoir connu les herbes, et cela dans un temps où n'existait pas encore la portion de ce pays arrosée maintenant par Ie Nil, et créée subséquemment par les alluvions de ce fleuve (II, 87 ). Il raconte, en effet (Od., IV, 228), que des herbes égyptiennes furent remises à son Hélène par la femme du roi de ce pays, ainsi que ce célèbre népenthès (XXI, 91) qui procurait l'oubli des chagrins et de leur cause, et qu'en conséquence Hélène aurait dû faire boire à tous les mortels. Le premier dont le souvenir se soit conservé, et qui ait écrit avec quelque soin sur les herbes, est Orphée. Après lui viennent Musée et Hésiode; nous avons dit combien ils ont admiré le polion (XXI, 21 et 84). Orphée et Hésiode ont recommandé les fumigations.
[4] Homère cite nominativement d'autres plantes, dont nous parlerons en leur lieu. Après lui Pythagore, philosophe renommé, a le premier composé un livre sur les effets des plantes, dont il attribue l'origine ou la découverte à Apollon, à Esculape, et en général aux dieux immortels. Démocrite en a composé un aussi. Ces deux philosophes avaient visité les mages de la Perse, de l'Arabie, de l'Éthiopie et de l'Égypte; et l'antiquité s'émerveilla tellement de leurs récits, qu'elle affirma même des choses incroyables. Xanthus, dont on a des histoires, rapporte, dans la première, que le petit d'un dragon, ayant été tué, fut rappelé à la vie par son père, à l'aide d'une herbe nommée balis; et qu'un certain Thylon, ayant été tué par un dragon, fut ressuscité par le même moyen.
[5] Juba aussi assure qu'en Arabie une certaine herbe rappela un homme à la vie. Démocrite a dit, Théophraste a cru qu'il y avait une plante qui, apportée par l'oiseau que nous avons nommé (X, 20), faisait sortir, par le seul contact, le coin enfoncé par des bergers dans un arbre. Ces merveilles, tout incroyables qu'elles sont, excitent néanmoins l'admiration, et nous forcent d'avouer que, même en en rabattant, Il y reste beaucoup de vrai. Aussi je vois la plupart des hommes dans l'opinion qu'il n'est rien qui ne puisse se faire par la vertu des plantes, mais que les propriétés du plus grand nombre nous sont inconnues. C'était le sentiment d'Hérophile, médecin célèbre, dont on rapporte ce mot : que certaines herbes étant foulées aux pieds, même par hasard, étaient utiles. On a du moins observé que les plaies et les maladies s'enflammaient quand il survenait des gens qui avaient fait route à pied.
VI. [1] Voilà toute l'ancienne médecine, telle qu'elle était renfermée dans la littérature grecque. Mais si l'on ne connaît pas un plus grand nombre de plantes, c'est qu'elles ne sont guère éprouvées que par des gens rustiques et illettrés, les seuls qui vivent parmi les herbes ; en outre, on se dispense d'en chercher, comptant sur la multitude des médecins. Beaucoup de plantes, même découvertes, n'ont pas de nom; telle est celle dont nous avons parlé à propos de la culture des céréales (XVIII, 45, 3), et que nous savons écarter les oiseaux d'un champ de blé, lorsqu'on a la précaution d'en enterrer à chaque coin. La cause la plus honteuse de la lenteur de nos progrès, c'est que même ceux qui savent ne veulent pas enseigner, comme s'ils devaient perdre ce qu'ils auraient transmis aux autres. Ajoutez qu'on n'a point de procédé sûr pour reconnaître les plantes; car de celles qui sont connues, les unes sont dues au hasard, les autres, à vrai dire, à un dieu.
[2] Jusqu'à nos jours, la morsure du chien enragé, qui cause la crainte de l'eau et l'aversion pour toute boisson, était incurable; récemment, la mère d'un garde prétorien reçut en songe l'avis d'envoyer à son fils la racine du rosier sauvage nommé cynorrhodon, dont la vue l'avait frappée agréablement la veille dans un taillis, et de lui en faire boire le sue. Ceci se passait dans la Lacétanie, partie de l'Espagne la plus proche de nous. Le hasard fit que le soldat mordu par un chien reçut la lettre où sa mère le priait de suivre cet avis divin, alors qu'il commençait à éprouver de l'horreur pour l'eau : il obéit, et fut sauvé contre toute espérance, ainsi que l'ont été depuis tous ceux qui ont essayé du même remède. Auparavant les auteurs n'indiquaient qu'un seul usage médical du cynorrhodon : la cendre du fruit qui croît au milieu de ses épines, mêlée avec du miel, était donnée pour guérir l'alopécie.
[3] Dans la même province et dans le champ d'une personne chez qui je logeais, j'ai vu une plante nommée dracunculus (arum serpentaria, L.), qu'on y avait nouvellement découverte. Elle était de la grosseur du pouce, marquée des mêmes couleurs que les vipères; et l'on prétendait que c'était un spécifique contre la morsure de tous les serpents. Elle est différente du dracunculus dont nous avons parlé dans le livre précédent (XXIV, 93). Elle est d'une autre figure, et elle offre une propriété merveilleuse: au printemps, lors de la première mue des serpents, elle s'élève de terre à la hauteur de deux pieds, puis elle se renfonce dans le sol avec eux; et, dès qu'elle est complètement cachée, aucun serpent ne paraît. Quand même cette plante ne ferait que nous avertir du danger, et nous en signaler le temps, cela seul serait une propriété naturelle assez précieuse. (III.)
[4] Ce ne sont pas seulement les animaux dont l'action est malfaisante, ce sont aussi parfois les eaux et les lieux. En Germanie, Germanicus César avait porté son camp au delà du Rhin ; et là, dans la partie maritime, il ne se trouvait qu'une seule source d'eau douce. En deux ans l'usage de cette eau fit tomber les dents et causa un relâchement de l'articulation du genou. Les médecins donnaient à ces affections les noms de stomacace (mal de bouche) et de sceletyrbe (mal de jambe). On en trouva le remède dans la plante appelée britannica (rumex aquaticus, L.), qui est bonne non seulement pour les maladies des nerfs et de la bouche, mais aussi pour les angines et les morsures des serpents.
[5] Elle a les feuilles oblongues et noires, la racine noire. On exprime le suc et de la tige et de la racine. La fleur se nomme vibones; cueillie et mangée avant que le tonnerre se soit fait entendre, elle donne toute sécurité contre ce météore. Les Frisons, chez qui était placé le camp, indiquèrent cette plante à nos soldats; aussi m'étonné-je qu'on l'ait nommée britannica, à moins que ce n'ait été à cause du voisinage de la Bretagne, qui est baignée de ce côté par l'océan Germanique. En tout cas, ce n'est pas en raison de son abondance dans cette fie qu'elle a été ainsi appelée, car alors la Bretagne était indépendante.
VII. [1] On avait autrefois l'ambition d'adopter pour ainsi dire les plantes, en leur donnant son nom; des rois même ont agi ainsi, comme nous le montrerons (XXV, 33 et suiv.), tant on estimait glorieux de découvrir une herbe, et de contribuer à l'avantage du genre humain! Aujourd'hui les soins que nous prenons paraîtront peut-être frivoles à quelques uns, parce qu'une vie voluptueuse dégoûte même de ce qui intéresse la santé. Il convient de faire d'abord mention des plantes dont on connaît les auteurs, en ayant soin d'en classer les effets suivant les espèces des maladies;
[2] et, dans cette revue, ou ne peut s'empêcher de plaindre le malheureux sort de l'homme, sujet, outre les accidents fortuits et ces nouvelles affections pour lesquelles on invente des noms à toute heure, sujet, dis-je, à des milliers d'affections qui menacent chaque mortel. II y aurait une sorte de folie à vouloir distinguer quelles sont les maladies les plus insupportables, chaque malade trouvant la sienne, celle du moment, la plus cruelle de toutes. L'expérience a cependant fait dire que ce qui cause les plus affreux tourments, c'est d'abord la strangurie, effet d'une affection calculeuse; en second lieu, les maux d'estomac; en troisième lieu, les maux de tète: ce n'est guère que pour ces affections qu'on se donne la mort.
[3] Je m'étonne que les Grecs aient fait connaître jusqu'aux plantes malfaisantes; passe encore pour les poisons, puisque telle est la condition humaine, que la mort est souvent le meilleur des asiles: et d'ailleurs M. Varron rapporte que Servius Clodius, chevalier romain, vaincu par la violence des douleurs de la goutte, se frotta les jambes avec des sucs vénéneux, et que depuis lors ces parties restèrent sans aucun sentiment comme sans douleur. Mais pourquoi donner la connaissance des herbes avec lesquelles on peut troubler l'esprit, produire l'avortement, ou causer beaucoup d'autres effets non moins pernicieux? Pour moi, je ne parlerai pas des médicaments abortifs et pas même des philtres, me souvenant que Lucullus, très célèbre capitaine, est mort par l'effet d'un philtre. Je rejette également les maléfices de la magie, si ce n'est pour mettre en défense ou en défiance contre eux; et surtout je condamne la créance qu'on y donne. J'ai cru avoir assez fait pour le bien des hommes en indiquant les plantes salutaires que la suite des temps a fait découvrir.
VIII. (IV.) [1] La plante la plus célèbre est, d'après Homère, celle qu'il croit être appelée moly (allium magicum, L.) par les dieux : ce poète en attribue la découverte à Mercure, et il en signale l'efficacité contre les plus puissants maléfices (Od. X, 302). Aujourd'hui, dit-on, elle croît aux environs du lac Phénée, et dans la contrée de Cyllène en Arcadie. Elle est semblable à la description d'Homère; elle a la racine ronde et noire, la grosseur d'un oignon et la feuille de la scille; on a de la peine à l'arracher. Les auteurs grecs nous en peignent la fleur tirant sur le jaune, tandis qu'Homère a dit qu'elle était blanche. J'ai rencontré un médecin habile dans la connaissance des herbes, qui m'a assuré que cette plante croissait en Italie, et qui m'en a fait apporter quelques jours après de la Campanie un échantillon qu'on avait tiré à grande peine des difficultés d'un terrain pierreux. La racine avait trente pieds de long, et encore elle n'était pas entière; elle s'était cassée.
IX. [1] La plante la plus estimée après le moly est celle qu'on nomme dodécathéon (douze-dieux) (primula officinalis, L.), la plaçant ainsi sous l'invocation de tous les dieux réunis. Prise dans de l'eau, elle guérit, dit-on, toutes les maladies. Les feuilles, au nombre de sept, très semblables à celles de la laitue, sortent d'une racine jaune.
X. [1] L'herbe nommée paeonia est celle dont la découverte est la plus ancienne. Elle garde le nom de celui qui l'a trouvée: quelques-uns l'appellent pentorobon; d'autres, glycyside (pivoine officinale, poeonia officinalis, L.). C'est encore une des difficultés que les mêmes plantes aient différents noms dans les différents pays. Celle-ci croît sur les montagnes couvertes de bois; la tige a quatre doigts d'intervalle d'un noeud à un autre; elle porte à son sommet quatre ou cinq fruits ressemblant aux noix grecques (amandes) ; ces fruits renferment beaucoup de graines rouges et noires. Cette plante est un préservatif contre les illusions nocturnes causées par les faunes (cauchemar). On recommande de l'arracher pendant la nuit, parce que si l'on est aperçu par le pivert, il attaque aux yeux, pour la défendre, celui qui la cueille.
XI. [1] Le panacès, par son nom même, promet des remèdes à tous les maux (πᾶν, tout, ἄκος, remède); on en attribue la découverte aux dieux, et il offre plusieurs espèces : l'une est appelée asclépion (echinophora tenuifolia, L.), parce que Esculape donna le nom de Panacée à sa fille. Le suc, ainsi que nous l'avons fait remarquer (XII, 57), se coagule comme celui de la férule. La racine est couverte d'une écorce épaisse et un peu amère. Après qu'elle a été arrachée de terre, on se fait un point de religion de remplir le trou de toutes sortes de graines, sorte d'expiation due à la terre. En parlant des productions exotiques, nous avons enseigné (XII, 57) où et de quelle façon se préparait ce sur, et quel était celui qu'on estimait le plus. Le suc qu'on apporte de Macédoine se nomme bucolicon, parce que les bouviers le recueillent au moment où il s'écoule spontanément; il s'évapore très rapidement. Quant aux autres espèces de suc, on rejette surtout celui qui est noir et mou : c'est en effet une marque qu'il a été sophistiqué avec de la cire.
XII. [1] La seconde espèce de panacès (laserpitium chironium, L.) se nomme héracléon; on en attribue la découverte à Hercule. D'autres le nomment origan sauvage d'Hercule, parce qu'il ressemble à l'origan dont nous avons parlé (XX, 62) ; la racine n'en sert à rien.
XIII. [1] Le troisième panacès est surnommé chironion (hypericum olympicum, L.), du nom de celui qui l'a trouvé. La feuille ressemble à celle du lapathum (rumex patientia, L.), mais plus large et plus velue; la fleur est couleur d'or; la racine est petite. Il croît dans les terrains gras. La fleur a le plus de vertu; aussi est-elle plus employée que celle des espèces précédentes.
XIV. [1] Le quatrième panacès, découvert par le même Chiron (VIII, 57, 5), est appelé centaurion (la grande centaurée, centaurea centaurium, L. ) ; on le nomme aussi pharnacéon, du nom du, roi Pharnace (XXXIII, 54), parce que l'on dispute sur sa découverte par le centaure ou par le prince. On le sème; il a les feuilles plus longues que les autres, et dentelées. La racine, odorante, se sèche à l'ombre, et elle donne du bouquet au vin. On en a distingué deux variétés : l'une à feuille lisse, l'autre à feuille plus menue.
XV. [1] L'héraclion sidérion (scrophularia chrysanthemifolia, L.) est encore une découverte d'Hercule. La tige est menue, haute de quatre doigts; la fleur rouge, et la feuille semblable a celle de la coriandre. On le trouve près des lacs et des rivières; il guérit très sûrement toutes tes blessures faites par le fer.
XVI. [1] L'ampelos chironia est due à Chiron; nous en avons parlé à propos des vignes (XXIII, 17); nous avons aussi parlé de l'herbe (XXII, 20) dont la découverte est attribuée à Minerve.
XVII. [1] On rapporte encore à Hercule la plante appelée apollinaire, chez
les Arabes altercum ou altercangenon, chez les Grecs hyoscyamos (jusquiame).
Il y en an plusieurs espèces : l'une (hyoscyarnus reticulatus, L.) a la
graine noire, la fleur presque pourpre, et est épineuse; celle-ci croît dans
la Galatie. L'espèce vulgaire (jusquiame noire, hyoscyarnus niger, L.) est
plus blanche, plus garnie de branches et plus haute
que le pavot.
[2] La graine de la troisième espèce (hyosciamus aureus, L.) est semblable à celle de l'Irion (XVIII, 22). Toutes causent la folie et des vertiges. La quatrième espèce (hyosciamus albus, L.) est molle, lanugineuse, plus grasse que les autres, à graine blanche, et croit dans les lieux maritimes. C'est d'elle que les médecins font usage, ainsi que d'une autre à graine roussâtre. Mais quelquefois la graine blanche devient rousse si elle n'a pas mûri parfaitement, et alors on la rejette. Au reste, on n'en cueille d'aucune espèce qui ne soit tout à fait sèche. Cette plante a, comme le vin, la propriété de porter à la tête et de troubler l'esprit. On se sert de la graine en nature, ou l'on en extrait le suc; on exprime séparément aussi le suc de la tige et des feuilles. On emploie même la racine.
[3] En général, l'emploi de cette plante est, selon moi, très hasardeux. En effet, il est certain que les feuilles même dérangent l'esprit, si on en prend plus de quatre. Les anciens pensaient que les feuilles, dans du vin, chassaient la fièvre. On fait aussi avec la graine, comme nous l'avons dit (XV, 7, 5; XXIII, 49), une huile qui, instillée dans l'oreille, dérange l'intelligence. Chose singulière, on a indiqué des remèdes pour ceux qui avaient bu de ce suc comme étant un poison, et on a indiqué ce suc même parmi les remèdes: c'est ainsi qu'on multiplie sans fin les expériences, et qu'on force les poisons nième a devenir utiles.
XVIII. (V.) [1] Le linozostis ou parthénion (mercuriale, mercurialis annua, L.) est une découverte attribuée à Mercure; aussi, chez les Grecs, beaucoup le nomment hermupoa (herbe d'Hermès), et chez nous tout le monde l'appelle mercuriale. Il y en a deux espèces : la mercuriale mâle et la mercuriale femelle; celle-ci, plus efficace, a la tige haute d'une coudée, quelquefois ramifiée au sommet, les feuilles plus étroites que le basilic, les articulations serrées, des aisselles nombreuses ; la graine pend aux articulations. Dans la mercuriale femelle la graine est abondante; dans la mercuriale mâle elle est placée près des articulations, moins abondante, courte et contournée. Dans la mercuriale femelle la graine est libre et blanche.
[2] Les feuilles sont dans la mercuriale mâle plus foncées, dans la mercuriale femelle plus blanches. La racine, qui ne sert à rien, est très grêle. Elles croissent toutes deux dans les campagnes cultivées. On rapporte de l'une et de l'autre une particularité singulière : la mercuriale mâle fait engendrer des garçons, la mercuriale femelle des filles, résultat qu'on obtient si, aussitôt après la conception, on fait boire le suc dans du vin cuit, ou manger les feuilles soit bouillies avec de l'huile et du sel, soit crues, dans du vinaigre. Quelques-uns la font bouillir dans un vase de terre neuf, avec de l'héliotrope et deux ou trois épis, jusqu'à ce qu'elle soit bien cuite ; ils recommandent de prendre cette décoction en boisson, et la plante même en aliment, pendant trois jours à partir du lendemain des règles ; et ils veulent que le quatrième jour, après le bain, la femme s'approche de son mari. Hippocrate (De morb. mul, I, t. 63, t. 74, t. 82, t. 85; De nat. mul., t. 8, t. 11, t. 18 ; De morb., II, t. t 2) a singulièrement vanté les deux mercuriales pour les maladies des femmes; aujourd'hui aucun médecin ne les emploie pour cet usage.
[3] Quant à lui, il les employait pour l'a matrice, en pessaire avec le miel, ou l'huile rosat, ou l'huile d'iris, ou l'huile de lis. Il s'en servait aussi pour provoquer les règles et la sortie de l'arrière-faix. Suivant lui, elles produisent les mêmes effets (De nat. mul., t. 29) en boisson ou en fomentation.Il en instillait le suc pour la mauvaise odeur des oreilles (De int. affect., t. 34), qu'il bassinait ensuite avec du vin vieux. Il se servait des feuilles en cataplasme, pour les maux de ventre, pour les épiphora, la strangurie et les affections de vessie; il en donnait la décoction avec la myrrhe et l'encens. Pour relâcher le ventre, ou dans les cas de fièvre, on en fait bouillir une poignée dans deux setiers d'eau jusqu'à réduction de moitié, et on boit cette décoction avec du sel et du miel. Cette décoction, avec un pied de cochon ou une volaille, est encore plus salutaire. Quelques-uns ont pensé que pour purger il fallait donner les deux mercuriales en même temps, ou en faire une décoction avec la mauve. Elles purgent la poitrine, évacuent la bile, mais font du mal à l'estomac. Nous en exposerons tes autres usages en lieu et place.
XIX. [1] Achille, élève de Chiron, a aussi découvert une plante qui guérit les blessures., appelée pour cela achilléos (achillea. tomentosa; achillea millefolium; achillea magna). C'est avec cette plante qu'il guérit, dit-on, Télèphe. D'autres prétendent qu'il trouva le premier dans la rouille (XXXIV, 45) un ingrédient très utile dans les emplâtres ; aussi le représente-t-on faisant tomber avec son épée la rouille d'une lance dans la plaie de Téléphe. D'autres veulent qu'il ait employé à la fois les deux remèdes. Quelques-uns nomment cette plante panacée héracléon, d'autres sidéritis, et ils en font chez nous la mille-feuille (XXIV, 95) : ils disent qu'elle a une tige d'une coudée, et est rameuse, et couverte dès le bas de feuilles plus petites que celles du fenouil. D'autres, tout en convenant que cette dernière plante est bonne pour les plaies, affirment que la vraie achilléos a une tige bleuâtre, haute d'un pied, sans branches, et garnie élégamment de tous côtés de feuilles rondes isolées.
[2] D'autres lui attribuent une tige carrée, les sommités du marrube, et la feuille du chêne; ils prétendent aussi que cette plante cicatrise les nerfs coupés. D'autres disent que la sidéritis (XXV, 15) croît dans les décombres,.et exhale quand on la broie une odeur fétide; et qu'il y en a encore une autre semblable à cette dernière, mais à feuilles plus blanches et plus grasses, à tiges plus menues, et croissant dans. les vignobles; qu'enfin une troisième espèce est haute de deux coudées, a, des rameaux grêles, triangulaires, la feuille de la fougère, avec un long pétiole et la graine de la bette, et que toutes sont excellentes pour les plaies. Les Latins nomment scopa regia (XXI 15) celle qui a la feuille la plus large (chenopodium scoparia, L.); elle guérit l'angine des pourceaux.
XX. [1] A la même époque Teucer a trouvé le teucrion, nommé par quelques-uns hémionion (asplenium ceterach, L. ). Cette plante jette des scions déliés et de petites feuilles, croît dans les lieux incultes, a un goût astringent, et ne fleurit jamais; elle ne produit pas non plus de graine. C''est un remède pour les affections de la rate. Le fait est qu'elle fut reconnue de la manière suivante : Des entrailles de victimes furent jetées dessus; elle s'attacha à la rate et la consuma : aussi est-elle nommée par quelques-uns splénion. On dit qu'on trouve sans rate les pourceaux qui ont mangé de sa racine. Quelques auteurs donnent ce nom à une plante rameuse (la germandrée à feuilles luisantes, teucrium lucidum, L.), ayant les branches de l'hysope et la feuille de la fève, et ils prescrivent de la récolter pendant qu'elle est encore en fleur; ainsi ils ne doutent pas qu'elle ne fleurisse; ils vantent surtout celle qui croît dans les montagnes de la Cilicie et de la Pisidie.
XXI. [1] On connaît lu réputation de Mélampus (VII, 33) dans les arts de la divination; il a donné son nom à une espèce d'ellébore, le mélampodion. Quelques-uns attribuent la découverte de cette plante à un berger de ce nom, qui remarqua que les chèvres étaient purgées quand elles en avaient mangé, et qui guérit la folie des filles de Proetus en leur donnant le lait de ces chèvres. Il convient donc de parler en même temps de toutes les espèces d'ellébore. Il y en a deux principales, la blanche (veratrum album et nigrurn, L.), et la noire (helleborus orientalis, L.); d'après la plupart des auteurs, cette différence ne porte que sur la racine. D'autres assurent que l'ellébore noir a les feuilles semblables à celle du platane, mais plus petites, plus noires et plus découpées, et que l'ellébore blanc a les feuilles de la bette naissante, mais plus noires aussi, et rougeâtres dans le dessous, le long des nervures.
[2] Tous deux ont la tige férulacée, haute d'un palme et enveloppée de tuniques comme les bulbes, et la racine frangée comme celle de l'oignon. Le noir tue les chevaux, les boeufs, les pourceaux ; aussi ces animaux n'y touchent pas, tandis qu'ils mangent le blanc. On dit que celui-ci est bon à cueillir au temps des moissons. Il croit en grande quantité sur le mont OEta, et le meilleur se trouve en un point de cette montagne, autour de Pyra. Le noir vient partout, mais il est meilleur sur l'Hélicon, montagne renommée encore pour d'autres plantes. L'ellébore blanc du mont OEta a le premier rang; au second est celui du Pont; au troisième, celui d'Élée, qui croit, dit-on, dans les vignobles; au quatrième, celui du Parnasse, que la commodité du voisinage fait sophistiquer avec celui d'Étolie.
[3] De ces espèces, le noir seul est appelé mélampodion. On s'en sert pour parfumer et purifier les maisons, et aussi pour asperger le bétail, en y joignant une formule de prière. On le cueille aussi avec plus de cérémonies : En effet, on trace d'abord autour de la plante un cercle avec une épée; ensuite celui qui doit la couper se tourne vers l'Orient, et il demande aux dieux de lui permettre de faire cette opération. Il observe s'il ne vole point d'aigle; il en paraît presque toujours lorsqu'on récolte cette plante; et si l'aigle vole près de celui qui la récolte, c'est un présage que celui-ci mourra dans l'année. On ne recueille pas non plus facilement l'ellébore blanc; il porte à la tête, surtout si l'on n'a pas la précaution de manger auparavant de l'ail, de boire de temps en temps du vin, et de fouiller promptement la terre.
[4] L'ellébore noir est appelé par quelques-uns ectomon, par d'autres polyrrhizon; il purge par le bas ; le blanc purge par le haut, et emporte par cette voie la cause des maladies. Ce remède, si redoutable autrefois, est devenu si familier, que beaucoup d'hommes studieux en ont fait un fréquent usage pour se donner plus de sagacité dans leurs travaux littéraires. Carnéade en prit pour répondre aux écrits de Zénon; et chez nous, Drusus, le plus célèbre des tribuns du peuple, le même qui reçut avant tous les autres les applaudissements des plébéiens debout, et à qui les patriciens imputèrent la guerre des Muses, fut guéri de l'épilepsie parce remède, dans file d'Anticyre.
[5] Là, en effet, on en use avec plus de sûreté qu'ailleurs, parce qu'on y mêle le sésamoïde, comme nous avons dit (XXII, 64 ). En Italie on le nomme vératrum. La poudre des ellébores, seule ou mêlée avec la radicule (saponaire), qui, avons-nous dit (XIX, 18), est employée au lavage des laines, est un sternutatoire. Les deux ellébores sont narcotiques. On en choisit les racines les plus déliées, les plus courtes, et encore faut-il qu'elles soient comme tronquées; car le haut de la racine, qui en est le gros et qui ressemble aux oignons, ne sert qu'à purger les chiens. Les anciens choisissaient la racine dont l'écorce était la plus charnue, afin d'en tirer une substance plus délicate. Ils la couvraient d'éponges humides; puis, gonflée, ils l'effilaient à l'aide d'une aiguille; enfin ils faisaient sécher à l'ombre ces filaments, pour s'en servir au besoin. Aujourd'hui on donne immédiatement le chevelu de la racine dont l'écorce est la plus épaisse. Le meilleur ellébore est celui qui, âcre et brûlant au goût, répand une sorte de poussière quand on le rompt. La force s'en conserve, dit-on, pendant trente ans.
XXII. [1] L'ellébore noir s'administre pour la paralysie, la folie, l'hydropisie, pourvu qu'il n'y ait point de fièvre, pour la goutte invétérée et les maladies articulaires. II évacue par le bas la bile et la pituite. On en donne dans l'eau, pour relâcher doucement le ventre, une drachme au plus, et, pour dose moyenne, quatre oboles (3 gramm.). Quelques-uns y ont adjoint la scammonée ; le plus sûr adjuvant est le sel. Dans un véhicule doux, pour peu qu'on passe la dose, il est dangereux. En fomentation, il dissipe les taies des yeux; aussi quelques-uns l'ont pilé, et en ont fait un collyre. Il mûrit et déterge les scrofules, les suppurations, les duretés, ainsi que les fistules où on l'introduit, mais il faut le retirer le troisième jour. Avec les raclures de cuivre et la sandaraque, il enlève les verrues. Avec la farine d'orge et le vin, on l'emploie en topique sur le ventre des hydropiques. On s'en sert pour guérir les catarrhes du bétail et des bêtes de somme, en passant à travers l'oreille de l'animal une tige d'ellébore, que l'on retire le lendemain à la même heure. Avec l'encens ou la cire et la poix, ou avec l'huile de poix (XXIV, 11), il guérit la gale des quadrupèdes.
XXIII. [1] Le meilleur ellébore blanc est celui qui fait le plus promptement éternuer; mais il paraît bien plus formidable que le noir, surtout quand on lit dans les anciens auteurs les précautions par lesquelles on cherchait à défendre ceux qui l'avaient pris coutre les frissons, les suffocations, les assoupissements inopportuns, les hoquets ou les éternuements éternels, les troubles de l'estomac, les vomissements trop tardifs ou trop prolongés, trop peu abondants ou excessifs. En effet, on était dans l'usage d'administrer d'autres substances qui excitaient le vomissement, et de faire sortir l'ellébore soit par des évacuants, soit par des clystères ; souvent même on pratiquait la saignée. De plus, quelque heureux effet qu'il produise, il est toujours effrayant, à cause des diverses couleurs des matières vomies ; et, après le vomissement, à cause de l'attention du médecin à observer le bas-ventre, à cause de l'administration des bains, à cause du soin donné au corps entier; et tout cela précédé par les terreurs qu'inspire la réputation de ce remède, car on dit que cuit avec de la chair il la consume.
[2] L'erreur des anciens était de le donner, à cause de ces craintes, avec trop de parcimonie; en effet, plus on le prend à haute dose, plus il fait promptement éruption. Thémison n'en donnait pas plus de deux drachmes; plus tard, on en a donné jusqu'à quatre, sur l'autorité d'Hérophile, qui comparait l'ellébore à un vaillant capitaine, disant qu'après avoir tout mis en mouvement, il sortait le premier. On a fait de plus une découverte singulière : ce qui, comme nous l'avons dit (XXV, 21), a été coupé avec de petits ciseaux, on le passe par le crible; l'écorce reste, la moelle tombe; l'écorce est l'évacuant, tandis que la moelle, donnée quand l'évacuation est excessive, arrête les vomissements.
XXIV. [1] Au reste, pour obtenir de bons effets, il faut prendre garde de l'administrer par un temps couvert, car alors il cause des tourments insupportables; et il n'est pas douteux qu'il faut le donner plutôt dans l'été que dans l'hiver. Le corps doit être préparé sept jours à l'avance par des aliments âcres, par l'abstinence du vin; le quatrième jour et l'avant-veille, par des vomissements; la veille, par l'omission du repas du soir. L'ellébore blanc se donne aussi dans un véhicule doux, mais il se prend le mieux dans une purée de lentilles ou dans de la bouillie. On a tout nouvellement imaginé de fendre des raiforts, d'y insérer de l'ellébore, puis de comprimer le tout ensemble, afin que la force du remède se partage ; et on le donne ainsi adouci.
[2] Environ quatre heures après on commence à le rendre, et l'opération en est complète au bout de sept heures. Administré de la manière indiquée, il est bon pour l'épilepsie, comme nous l'avons dit (XXV, 21); pour les vertiges, la mélancolie, la folie, le délire, l'éléphantiasis blanc, la lèpre, le tétanos, le tremblement, la podagre, l'hydropisie, la tympanite commençante, les affections de l'estomac, le spasme cynique (tic douloureux ), la coxalgie, les fièvres quartes qui ne se termineraient pas autrement, les vieilles toux, les gonflements, et les tranchées qui reviennent.
XXV. [1] On défend de le donner aux vieillards et aux enfants, aux personnes d'un corps ou d'un esprit mou et efféminé, aux gens grêles ou délicats; on le donne moins aux femmes qu'aux hommes; on le défend encore aux individus ti¬mides, et dans les cas où les viscères sont ulcérés ou tuméfiés; on le défend surtout aux hémoptoïques et à ceux qui se plaignent de la poitrine ou de la gorge. A l'extérieur, l'ellébore appliqué avec de l'axonge salée est bon pour les éruptions pituiteuses ainsi que pour les vieilles suppurations. Mêlé avec de la farine, il tue les rats. Les chasseurs gaulois empoisonnent leurs flèches avec l'ellébore, coupent autour de la blessure la chair des animaux qu'ils tuent, et assurent que le reste est plus tendre. L'ellébore blanc broyé et humecté de lait fait mourir les mouches; il guérit le phthiriasis.
XXVI. (VI.) [1] Cratevas a attribué à Mithridate lui-même une plante appelée mithridatla (erythronium dens canis, L.) ; elle a à la racine deux feuilles qui ressemblent à celle de l'acanthe; la tige s'élève entre ces deux feuilles, et porte une fleur couleur de rose.
XXVII. [1] Lenaeus attribue à Mithridate la découverte d'une seconde plante, le scordotis ou scordion (nepeta scordotis, L.), qui a été décrit de la main même de ce prince : cette plante est haute d'une coudée, à tige quadrangulaire, rameuse, semblable au chêne, et portant des feuilles lanugineuses; elle se trouve au royaume de Pont, dans les campagnes grasses et humides; la saveur en est amère. Il en existe aussi une autre espèce (teucrium scorodonia, L.),à feuilles plus larges, ressemblant à la menthe sauvage. Toutes deux ont isolément de nombreux usages, ou avec d'autres ingrédients elles entrent dans les antidotes.
XXVIII. [1] La polémonia ou philetaeria (hypericum olympicum, L.) doit ce double nom à la contestation des rois qui s'en sont disputé la découverte. Les Cappadociens la nomment chiliodynama (mille vertus). Elle a une racine grosse, des branches menues, à l'extrémité desquelles pend une sorte de grappe, une graine noire; du reste, elle ressemble à la rue. Elle croît dans les terrains montueux.
XXIX. [1] L'eupatoire (agrimonia eupatorium, L.) a aussi un patronage royal (Mithridate Eupator). La tige en est ligneuse, noirâtre, velue, haute d'une coudée, et quelquefois plus. Les feuilles, disposées d'intervalle en intervalle, ressemblent à celles de la quintefeuille ou du chanvre; elles sont découpées en cinq parties, et elles sont noires aussi et velues. La racine ne sert à rien. La graine, prise dans du vin, est un remède souverain pour la dysenterie.
XXX. [1] La centaurée (centaurea centaurium, L.) a, dit-on, guéri Chiron : le centaure maniait les armes d'Hercule, qu'il avait reçu chez lui, et il s'était blessé en laissant tomber une flèche sur son pied; aussi quelques-uns appellent-ils la centaurée chironion. Les feuilles sont larges et oblongues, dentelées tout autour, et touffues dès la racine. Les tiges, hautes de trois coudées et garnies de noeuds, portent des têtes semblables à celles du pavot. Ln racine est volumineuse, rougeâtre, tendre, cassante, longue de deux coudées, pleine de suc, et d'une amertume mélangée d'une certaine douceur. La centaurée croît sur les collines, dans un terrain gras. La plus estimée est celle de l'Arcadie, de l'Élide, de la Messénie, du mont Pholoé et de la Lycie; elle est très bonne aussi sur les Alpes et dans d'autres lieux. Dans la Lycie on en fait le lycium. Elle a tant de vertu pour réunir les plaies, qu'elle fait, dit-on, adhérer entre elles les viandes avec lesquelles on la met cuire. On n'emploie que la racine, qu'on fait prendre à la dose de deux drachmes pour les cas dont nous parlerons, pilée dans de l'eau s'il y a fièvre, sinon dans du vin. La décoction de cette racine guérit les mêmes maladies.
XXXI. [1] Il est une autre centaurée, surnommée lepton (erythræa centaurium, Pers.), à feuilles menues, appelée par quelques-uns libadion, parce qu'elle croît sur le bord des fontaines. Elle ressemble à l'origan, si ce n'est qu'elle a les feuilles plus étroites et plus longues. La tige est anguleuse, peu élevée, garnie de rejets; la fleur est celle du lychnis (agrostemna coronaria, L.) ; la racine est menue, et sans usage. C'est par son suc que cette plante est efficace. Elle se récolte en automne; ou extrait le suc des feuilles. Quelques-uns hachent les tiges, et les font macérer dans l'eau pendant dix-huit jours avant de les exprimer. En Italie on nomme cette centaurée le fiel de la terre, à cause de son extrême amertume. Les Gaulois la nomment exacon, parce que, prise en breuvage, elle fait évacuer par le bas toutes les substances vénéneuses.
XXXII. [1] Il est une troisième centaurée surnommée triorchis : il est rare qu'on la coupe sans se blesser; le suc en est couleur de sang. Théophraste (Hist., IX, 9) rapporte qu'elle est défendue par le triorchis, espèce d'épervier qui attaque ceux qui la cueillent, et qui lui a donné son nom. Les gens ignorants confondent tout cela, et font tout rentrer dans la première espèce.
XXXIII. (VII.) [1] Le clymenus (chèvrefeuille I des bois, lonicera periclymenum, L.) porte le nom d'un roi. Il a les feuilles du lierre, beaucoup de branches, la tige creuse et garnie de noeuds, l'odeur forte, la graine du lierre ; il croît dans les lieux boisés et montueux. Nous indiquerons quelles maladies il guérit, pris en boisson ; mais il faut dire ici qu'en opérant la guérison il rend inhabiles à la génération les hommes qui en prennent. Celui des Grecs (calendula arvensis), semblable au plantain, a la tige carrée et des follicules pleins de graine, entrelacés entre eux comme les bras des poulpes. Le suc en est employé, et possède à un haut degré la vertu réfrigérante.
XXXIV. [1] Gentius, roi des Illyriens, a découvert la gentiane; elle croît partout, mais la plus estimée est celle de l'Illyrie. Elle a la feuille du frêne, mais de la grandeur de celle de la laitue; la tige tendre, grosse comme le pouce, creuse et vide, garnie de feuilles par intervalles, atteignant parfois la hauteur de trois coudées, la racine flexible, noirâtre, et sans odeur. Elle abonde au pied des Alpes, dans les endroits humides. On emploie le suc et la racine. La racine a des propriétés échauffantes; il ne faut pas la faire prendre aux femmes enceintes.
XXXV. [1] Le roi Lysimaque a trouvé la plante appelée d'après lui lysimachia (lysimachia atropurpurea, L.), et qu'Erasistrate a vantée; elle a les feuilles vertes du saule, la fleur pourpre, le port d'un arbrisseau, les branches dressées, l'odeur âcre; elle vient dans les lieux humides. La force en est si grande, que mise sur le joug de bêtes de somme rétives elle fait cesser leur mutinerie.
XXXVI. [1] Des femmes même ont ambitionné de donner leur nom à des plantes: ainsi Artémise, femme de Mausole, adopta la plante appelée auparavant parthenis. D'autres prétendent que cette plante a été ainsi nommée de la déesse Artémis Ilithye, attendu qu'elle est employée particulièrement pour les maladies des femmes. Elle jette beaucoup de rejetons, comme l'absinthe, mais elle a les feuilles plus grandes et grasses. On en distingue deux espèces : l'une à feuilles plus larges (artemisia arborescens), l'autre plus délicate, à feuilles plus menues (armoise des champs, artemisia campestris, L. ), et ne croissant que dans les parages maritimes. Quant à la plante ( artemisia camphorata, L.) à laquelle quelques-uns donnent le même nom, et qui vient au milieu des terres, elle a une tige simple, des feuilles très petites, beaucoup de fleurs qui éclosent lors de la maturité du raisin, et une odeur qui n'est pas désagréable. On l'appelle encore botrys et ambrosia; elle croît dans la Cappadoce.
XXXVII. [1] La plante nommée nymphrea (nymphrea alba, L.) provient, dit-on, d'une nymphe morte de jalousie pour Hercule. Pour cela quelques-uns la nomment héracléon, et d'autres rhopalon, à cause de sa racine semblable à une massue; et on ajoute que ceux qui en prennent pendant douze jours perdent la faculté du coït. La plus estimée est celle d'Orchomène et de Marathon. Les Béotiens, qui en mangent la graine, la nomment madon. Elle vient dans l'eau ; de larges feuilles flottent à la surface, et d'autres partent de la racine; la fleur ressemble au lis, et, quand elle est passée, laisse une tête semblable à celle du pavot. La tige est grêle. On la récolte en automne. La racine, noire, se sèche au soleil : c'est un remède pour le cours du ventre. Il y a encore une autre nymphaea (nymphaea lutea, L.) qui croît en Thessalie, dans le fleuve Pénée. La racine est blanche, la tête jaune, de la grandeur d'une rose.
XXXVIII. [1] Du temps de nos pères, le roi Juba a découvert (V, 1, 16) la plante qu'il a nommée euphorbe (euphorbia officinarum, L.), du nom de son médecin. Euphorbe fut le frère de Musa (XIX, 38, 4), qui, comme nous l'avons dit (XIX, 38), sauva la vie au dieu Auguste. Ces deux frères ont introduit l'usage de se faire arroser après le bain chaud avec beaucoup d'eau froide, pour resserrer le corps. Autrefois on ne se baignait qu'à l'eau chaude, comme nous le voyons dans Homère même (Il., XII, 444 ). Il existe sur l'euphorbe un traité de Juba, où il vante beaucoup cette plante. Il la trouva sur le mont Atlas; elle est droite comme un thyrse, et a les feuilles de l'acanthe. Elle a une telle force, qu'on en recueille le suc à distance. On l'incise avec une perche armée d'un fer, et on met dessous un récipient fait en peau de chèvre. Le liquide qui s'écoule a l'apparence du lait, et, quand il est séché, celle de l'encens.
[2] Ceux qui le recueillent ont la vue plus claire. C'est un remède contre le venin des serpents : en quelque endroit que soit la morsure, on fait une incision à la tête, et on y introduit le suc. Les Gétules qui le recueillent le falsifient avec le lait de chèvre, mais on reconnaît cette falsification à l'aide du feu : celui qui n'est pas pur répand une odeur dégoûtante. On met beaucoup au-dessous de ce suc celui qu'on tire dans la Gaule (Cisalpine) du chamelaea (XIII, 35), plante qui porte le grain de coccus. Le suc de l'euphorbe a la cassure semblable à celle de l'ammoniaque. Pour peu qu'on en goûte, il laisse dans la bouche une chaleur qui dure longtemps et qui s'augmente peu à peu, jusqu'à dessécher la gorge.
XXXIX. (VIII.) [1] Le médecin Thémison a vanté une herbe commune, le plantain, dont il parle dans un traité spécial, comme s'il l'avait découverte. Il y en a deux espèces : l'une plus petite, à feuilles plus étroites et plus noires (plantago lagopus, L.), qui ressemblent beaucoup à la langue des moutons, à tige angulaire et penchée vers la terre; elle croît dans les prés. L'autre, plus grande (plantago altissima, L.), a les feuilles garnies de côtes; ces côtes sont au nombre de sept: aussi quelques-uns l'ont-ils nommée heptapleuron. La tige est haute d'une coudée, et semblable à celle du navet. Le plantain des terrains humides a le plus de vertu. Il a une force merveilleuse pour dessécher et resserrer. Il produit l'effet d'un cautère. Rien n'arrête aussi bien les fluxions que les Grecs nomment rhumatismes.
XL. [1] Nous y adjoindrons la buglose (anchusa italica, Retz.), dont la feuille ressemble à la langue du boeuf. Infusée dans du vin, elle procure, et c'en est la propriété principale, l'hilarité. On l'appelle aussi euphrosyne (réjouissante).
XLI. [1] On y adjoint encore la cynoglosse (cynoglossum pictum, Ait.), dont la feuille ressemble à la langue du chien, et qui produit un très bon effet dans la topiaire. On dit que la racine de celle qui a trois rejetons portant graine, bue dans de l'eau, guérit la fièvre tierce; et que la racine de celle qui en a quatre guérit la fièvre quarte. II est une autre plante (myosotis lappula) qui lui ressemble, et qui porte des fruits comme ceux de la lappa (XXI, 64 ), mais plus petits. La racine prise dans de l'eau est un remède contra les grenouilles et les serpents.
XLII. [1] Le buphthalmos (chrysanthemum enoronarium, L.), semblable à l'oeil du boeuf, a les feuilles du fenouil ; il croit autour des villes; il a beaucoup de tiges; on les fait cuire et on les mange ; quelques-uns le nomment cachia. Incorporé avec de la cire, il résout les squirres.
XLIII. [1] Il y a même des plantes qui ont été découvertes par des nations entières. Les Scythes ont découvert la plante appelée scythice (réglisse), qui croit autour des Palus-Méotides (XXVIII, 1). Elle est, entre autres qualités, très douce, et très utile pour les affections appelées ruptures. Elle est aussi en grande recommandation, parce que, tenue dans la bouche, elle empêche de sentir la faim et la soif.
XLIV. [1] Chez les Scythes encore une propriété semblable appartient à une plante qu'on appelle hippace, parce qu'elle produit le même effet sur les chevaux. Avec ces deux herbes les Scythes endurent, dit-on, la faim et la soif pendant douze jours.
XLV. [1] Les Thraces ont découvert l'ischmmon (andropogon ischœmum, L.), qui, dit-on, arrête le sang non seulement d'un vaisseau ouvert, mais même d'un vaisseau coupé. Cette plante rampe à sa sortie de terre; elle est semblable au millet; elle a les feuilles âpres et lanugineuses. On en tamponne les narines, en cas d'hémorragie. L'ischaemon qui croît en Italie, attaché auprès de la partie qui donne du sang, arrête aussi l'écoulement de ce liquide.
XLVI. [1] Les Vestons, peuple d'Espagne, ont trouvé la plante appelée vettonica (bétoine, queue de renard, betonica alopecurus, L.) en Gaule, serratula en Italie, cestros ou psychotrophon en Grèce. Cette plante, la plus estimée de toutes, produit une tige anguleuse haute de deux coudées; et dès la racine elle jette des feuilles dentelées, et assez semblables à celles du lapathum (patience). La graine est pourpre. On sèche et on pulvérise les feuilles; on s'en sert en beaucoup de cas. Avec cette plante on fait un vin et un vinaigre qu'on emploie pour fortifier l'estomac et éclaircir les yeux. Cette plante a d'ailleurs tant de renom, que l'on regarde comme en sûreté contre tous les maléfices une maison dans laquelle elle a été semée.
XLVIII. [1] Dans l'Espagne encore a été trouvée la cantabrique (convolvulus cantabrica, L.), que les Cantabres ont découverte du temps du dieu Auguste. Elle croît partout, sur une tige droite comme un jonc, haute d'un pied, et chargée de petites fleurs oblongues, en forme de corbeilles. La graine est extrêmement petite. Au reste, en Espagne, les recherches des simples n'ont jamais fait défaut : aujourd'hui encore, en ce pays, dans les repas nombreux et gais, on sert la boisson aux cent herbes, où entre le vin miellé ; on la regarde comme très salubre et très agréable : maintenant on ne sait plus ni quelles espèces y entraient, ni à quelles doses; le nom seul témoigne du nombre d'ingrédients.
XLVIIII. [1] Notre âge conserve la mémoire de la découverte d'une plante par les Marses. Elle croît dans la contrée des Equicoles, aux environs du bourg de Nervesia ; on la nomme consiligo (pulmonaria officinalis, L. ). Elle est bonne, comme nous le dirons dans son lieu (XXVI, 21), aux phtisiques désespérés.
XLIX. [1] Tout récemment Servilius Damocrates, un de nos premiers médecins, a appelé ibéris (iberis amara, L.) une plante qu'il a découverte lui-même, quoiqu'il lui ait donné un nom de fantaisie; et il a consacré un poème à cette découverte. Cette plante croit pour l'ordinaire autour des vieux monuments et des masures, et sur les bords incultes des chemins. Elle est toujours verdoyante, à feuille de cresson, à tige haute d'une coudée, à graine si petite qu'on peut à peine la distinguer. La racine a l'odeur du cresson. Cette plante a plus de vertu en été; on ne l'emploie que fraîche; elle se pile difficilement.
[2] Avec un peu d'axonge, elle est très bonne pour les affections de la hanche et de toutes les articulations; on l'applique chez les hommes, ordinairement pendant quatre heures; chez les femmes, pendant moitié moins de temps; puis le malade prend un bain chaud, à la suite de quoi il se fait frotter le corps avec de l'huile et du vin : après un intervalle de vingt jours on recommence, s'il reste encore quelque ressentiment du mal. De cette façon l'ibéris guérit tous les rhumatismes cachés; on l'applique, non dans le fort, mais au déclin de l'inflammation.
L. [1] Des animaux aussi ont découvert des plantes, et entre autres la chélidoine. C'est avec cette plante que les hirondelles rétablissent la vue de leurs petits dans le nid, même, assurent quelques-uns, quand ils ont les yeux crevés. Il y en a deux espèces : la plus grande (chelidonium majus, L.) a la tige garnie de branches, la feuille du pastinaca sauvage (XXV, 64), mais plus large, et deux coudées de haut. La couleur de la plante est blanchâtre, celle de la fleur est jaune. La plus petite espèce (ranunculus ficaria, L.) a la feuille du lierre, mais plus ronde et moins blanche. Le suc, qui a la couleur du safran, est âcre; la graine ressemble à celle du pavot. Les chélidoines fleurissent à l'arrivée des hirondelles, et se fanent à leur départ. On exprime le suc quand elles sont en fleur, et on le fait cuire doucement dans un vase de cuivre, avec du miel attique, sur de la cendre chaude. C'est un remède souverain pour les taies des yeux. On emploie aussi ce suc tout pur dans les collyres appelés, du nom de la plante, chélidoniens.
LI. [1] Les chiens ont trouvé aussi la canaria (une graminée), avec laquelle ils se guérissent du défaut d'appétit. Ils mangent cette plante en notre présence, mais de manière qu'on ne distingue jamais ce que c'est, parce qu'on ne la voit que bien mâchée. On a encore noté une méchanceté plus grande de cet animal au sujet d'une autre plante : on dit que mordu par un serpent il se guérit avec une certaine herbe, mais qu'il ne la cueille pas quand un homme le regarde.
LII. [1] Les biches, moins envieuses, nous ont enseigné l'élaphoboscos (pastinaca saliva, L.), dont nous avons parlé (XXII, 37), ainsi que le séséli (XX, 18 ), dont elles usent après avoir mis bas.
LIII. [1] Ce sont aussi les biches, comme nous l'avons indiqué (VIII, 41), qui ont fait connaître le dictame (origanum dictamnus, L.) : blessées, elles mangent de cette plante, et les flèches se détachent aussitôt de leur corps. Le dictame ne se trouve pas ailleurs qu'en Crète. Il a les branches très menues, ressemble au pouliot, et est chaud et âcre au goût. On n'emploie que les feuilles; il ne porte ni fleurs, ni graine, ni tige ; la racine est menue et sans usage. Dans la Crète même, il ne croît que dans un canton peu étendu. Les chèvres le recherchent singulièrement. On le remplace par le pseudodictame (marrubium pseudo-dictamus, L.), qui croît dans beaucoup de contrées, dont la feuille est semblable, dont les branches sont plus petites, et qui est nommé par quelques-uns chondris.
[2] On reconnaît tout d'abord qu'il a moins de vertu ; car il ne faut que la moindre partie du vrai dictame pour enflammer la bouche. Ceux qui le cueillent le serrent dans des férules ou des roseaux, et le lient, de peur qu'il ne s'évente. Certains disent que les deux dictames sont une seule et même plante, mais que le moins bon vient dans les terrains gras, tandis que le vrai dictame ne vient que dans les terrains âpres. Il est encore une troisième espèce de dictame (origanum creticum, L.) qui n'en a que le nom, sans en avoir l'apparence et la vertu ; la feuille est celle du sisymbrium (XX, 91 ), les branches sont plus grandes. Pour toutes les plantes qui viennent en Crète, on est persuadé qu'elles l'emportent infiniment sur les mêmes espèces nées dans un autre pays; on met au second rang les productions du Parnasse.
[3] Au reste, on dit que les simples abondent et sur le mont Pélion en Thessalie, et sur le mont Téléthrius en Eubée, et dans l'Arcadie et la Laconie entières. On assure que les Arcadiens emploient, non pas les simples eux-mêmes, mais du lait vers le printemps, époque à laquelle les herbes sont le plus gonflées de sucs, et rendent le lait médicinal ; c'est le lait de vache qu'ils boivent, parce que les vaches mangent à peu près toutes sortes d'herbes. La puissance des simples se manifeste encore par les quadrupèdes dans deux exemples remarquables : les chevaux aux environs d'Abdère et de l'endroit appelé Limite de Diomède, les ânes dans la contrée de Potnia, deviennent enragés après la pâture.
LIV. [1] Au nombre des plantes les plus célèbres est l'aristoloche, à laquelle les femmes enceintes paraissent avoir donné le nom, attendu qu'elle est ἀρίστη λεχούσαις ( très bonne pour les femmes en couches). Les Latins la nomment pomme de la terre (XXVI, 56), et ils en distinguent quatre espèces. L'une (aristolochia pallida, W.) a la racine garnie de tubercules arrondis, les feuilles intermédiaires entre celles de la mauve et du lierre, mais plus noires et plus molles. La seconde espèce (aristolochia parvifolia, Sibth. ) est l'aristoloche mâle à racine allongée, longue de quatre doigts, et de la grosseur d'un bâton. La troisième (aristolochia boetica, L.) est très mince et très longue, comme une jeune vigne ; c'est la plus efficace : on la nomme clématitis, et, selon d'autres, crétoise. Toutes ces espèces ont la couleur du buis, de petites tiges, une fleur pourpre, et portent de petites baies comme le câprier; la racine seule a de la vertu.
[2] Enfin la quatrième espèce, qui se nomme plistolochia (aristolochia plistolochia, L.), est plus mince que la précédente, a beaucoup de chevelu à la racine, et est de la grosseur d'un jonc bien venu ; quelques-uns l'appellent polyrrhizos. Ces quatre espèces ont une odeur parfumée, mais qui est plus agréable dans l'espèce à racine oblongue, et plus mince; cette dernière, en effet, qui a l'écorce charnue, entre dans la composition des parfums de nard. Elles viennent dans les terrains gras et de plaine; le temps de les arracher est celui de la moisson ; on en fait tomber la terre, et on les garde.
[3] L'aristoloche la plus estimée est celle du Pont; au reste, dans chacune des quatre espèces, la plus lourde est celle qui convient le mieux à la médecine. L'aristoloche à racine ronde est recommandée contre le venin des serpents; mais l'aristoloche à racine oblongue a le plus de renom, puisque, assure-t-on, employée avec de la chair de boeuf, en pessaire, aussitôt après la conception, elle procure un enfant mâle (XXVI, 91). Les pêcheurs de la Campanie appellent la racine ronde poison de la terre; nous les avons vus concasser cette racine, y mêler de la chaux, et la jeter dans la mer. Les poissons accouraient avec une avidité surprenante, mouraient à l'instant, et flottaient sur l'eau. Celle qui est surnommée polyrrhizos (à racines nombreuses) est, dit-on, très bonne pour les convulsions les contusions, les chutes de haut, cas dans lesquels on donne la racine avec de l'eau; pour la pleurésie et les affections des nerfs, cas dans lesquels on donne la graine. Elle passe pour affermir et échauffer, et on dit qu'elle a les mêmes vertus que le satyrion.
LV. [1] Maintenant exposons les usages et les effets de ces plantes, et commençons par le mal le plus dangereux de tous, c'est-à-dire par la morsure des serpents. On y remédie donc avec l'herbe britannica; avec la racine, prise dans du vin, de toutes les espèces de panacès ; avec la fleur et la graine du panacès chironion, prise en boisson ou appliquée en topique dans du vin et de l'huile; particulièrement avec la cunila bubula (XX, 61) (labiée indéterminée) ; avec la racine de la polemonia ou philetaeria, à la dose de quatre drachmes, dans du vin pur; avec la teucria (XXIV, 80), la sidéritis (XXV, 15), la scordotis (XXV, 27), dans du vin, plantes surtout bonnes contre les couleuvres, et dont on emploie ou le suc, ou la feuille, ou la décoction, en boisson ou en topique; avec la racine de la grande centaurée, à la dose d'une drachme, dans trois cyathes de vin blanc; avec la gentiane, particulièrement contre les couleuvres, à la dose de deux drachmes, soit verte, soit sèche, et unie au poivre et à la rue, clans six cyathes de vin. Les serpents fuient l'odeur de la lysimachia.
[2] On fait prendre la chélidoine dans du vin à ceux qui out été blessés par ces reptiles. On applique sur ces plaies la bétoine principalement, dont la vertu, dit-on, est si grande, que des serpents renfermés dans un cercle formé avec cette plante se flagellent de leur queue au point d'en mourir (XVI, 24). On en donne dans le même cas la graine, au poids d'un denier, dans trois cyathes (0 lit., 135) de vin, ou bien on fait un topique avec la poudre a la dose de trois drachmes dans un setier d'eau. La cantabrica, le dictame, l'aristoloche, ont même usage : il faut prendre à diverses reprises la racine de cette dernière plante, à la dose d'une drachme dans une hémine (0 lit., 27 ) de vin. On en fuit aussi un topique avec le vinaigre ; de même pour la plistolochia (XXV, 51). Au reste, il suffit de suspendre celle-ci au-dessus du foyer pour chasser des maisons les serpents.
LVI. (IX.) [1] L'argémone (papaver argemone, L.) est aussi un remède pour ces cas. On en prend la racine à la dose d'un denier dans trois cyathes de vin. Il convient de donner plus de détails sur cette plante et sur celles qui vont venir immédiatement après, et de citer d'abord dans chaque genre de traitement celles qui ont le plus d'efficacité. L'argémone a les feuilles semblables à celles de l'anémone, mais découpées comme celles de l'ache; la tête portée sur une petite tige, comme celle du pavot sauvage, dont elle a aussi la racine; le suc, safrané, est âcre et piquant. Cette plante croit chez nous dans les champs. Les Latins en distinguent trois espèces, et ils n'estiment que celle dont la racine a l'odeur d'encens (XXI,,94, 2; XXIV, I 16; XXVI, 59).
LVII. [1] L'agaric, semblable à un champignon, croît sur les arbres. On le trouve aux environs du Bosphore; il est de couleur blanche. On le donne à la dose de quatre oboles (3 gr.), pilé dans deux cyathes (0 lit., 09 ) de vinaigre miellé. Celui qui vient dans la Gaule (XVI, 13) passe pour plus faible. L'agaric mâle est plus dense et plus amer. Il cause de la céphalalgie. L'agaric femelle est plus lâche; il a une saveur qui, douce d'abord, passe bientôt à l'amertume.
LVIII. [1] L'échios est de deux espèces. L'une (silene gallica, L.) ressemble au pouliot; les feuilles forment une couronne. On donne cette plante à la dose de deux drachmes dans quatre cyathes de vin. La seconde espèce (echium rubrum, L.), distinguée par des poils épineux, a le fruit semblable à une petite tête de vipère. On donne cette plante dans du vin et du vinaigre. Quelques-uns appellent échios personata (la grande bardane, arctium lappa, L) celui dont la feuille est la plus large, et qui porte de grands fruits, semblables à ceux de la lappa (galium aparine). On en donne en boisson dans du vinaigre la racine bouillie. La jusquiame pilée avec les feuilles s'administre dans du vin contre les aspics en particulier.
LIX. [1] Mais aucune plante n'a parmi les Romains plus de renom que l'hiérabotane (herbe sainte). Quelques-uns la nomment péristéréos (herbe à pigeon); les Latins, verveine. C'est l'herbe, comme nous l'avons dit (XXII, 3, 3 ), que portaient dans leurs mains les ambassadeurs envoyés à l'ennemi. C'est avec elle qu'on balaye la table de Jupiter, qu'on fait les purifications et expiations pour les maisons. Il y en a deux espèces : l'une très feuillée, que l'on croit être la femelle (verbena supina); l'autre, la verveine mille (v. officinalis), à feuilles plus clairsemées. Toutes deux ont des branches nombreuses, menues, longues d'une coudée et anguleuses. Les feuilles sont plus petites que celles du chêne, plus étroites, et plus profondément divisées. La fleur est glauque, la racine longue et menue. Cette plante croit partout, dans les plaines humides. Quelques-uns n'ad¬mettent aucune distinction, et des deux ne font qu'une espèce, vu que les effets sont les mêmes.
[2] Les Gaulois emploient l'une et l'autre pour tirer les sorts et prédire l'avenir. Mais les mages surtout débitent des folies sur cette plante : ils disent que si on s'en frotte on obtient ce qu'on veut, on chasse les fièvres, on se concilie les amitiés, on guérit toute maladie; qu'il faut la cueillir vers le lever du Chien, de manière à n'être vu ni de la lune ni du soleil, et après avoir donné en expiation à la terre des rayons et du miel; qu'il faut la circonscrire avec le fer, l'arracher de la main gauche et l'élever en l'air, puis faire sécher à hombre, séparément, les feuilles, la tige et la racine. Ils ajoutent que si on asperge une salle à manger avec l'eau où elle n trempé, les repas deviennent plus gais. On la pile dans du vin, contre les morsures des serpents.
LX. [1] Il est une herbe (phlomis fruticosa, L.) assez semblable au verbascum ; elle trompe souvent au point d'être confondue avec elle. Elle a les feuilles moins blanches, les jets plus nombreux et la fleur jaune. Jetée à terre, cette plante attire les blattes; aussi l'appelle-t-on à Rome blattaria.
LXI. [1] Le lemonium (XXII, 43) (scolymus maculatus, L.) fournit un suc laiteux, qui se prend comme la gomme; il vient dans les lieux humides; on le donne, à la dose d'un denier, dans du vin.
LXII. [1] Le quinquefolium n'est inconnu de personne, étant même recommandé par l'espèce de fraise qu'il produit (quintefeuille, potentilla reptans, L.). Les Grecs le nomment pentapetes ou pentaphyllon. La racine, quand elle vient d'être arrachée, est rouge; mais, en séchant, elle noircit et devient anguleuse. Le nom qu'il a lui vient du nombre de ses feuilles. Cette plante commence et passe avec la vigne. On l'emploie aussi pour purifier les maisons.
LXIII. [1] On prend encore en boisson, dans du vin blanc, contre la morsure des serpents, la racine de la plante appelée sparganion (butorus umbellatus, L. ).
LXIV. [1] Petronius Diodotus a distingué quatre espèces de daucus qu'il est inutile de détailler, attendu qu'il n'y en a réellement que deux. Le daucus le plus estimé est celui de la Crète (athamanta cretensis, L.), puis celui de l'Achaïe et de tous les lieux secs. Il ressemble au fenouil; mais les feuilles sont plus blanches, plus petites, et velues. La tige est haute d'un pied, dressée. La racine a une odeur et une saveur très agréables. Il croît dans les terrains pierreux exposés au midi. Les autres espèces viennent partout sur les coteaux, sur la lisière des champs, mais toujours dans une terre grasse. Elles ont les feuilles de la coriandre, la tige haute d'une coudée, des têtes rondes, souvent au nombre de plus de trois, la racine ligneuse, et qui n'est bonne à rien quand elle est sèche (ammi majus, L.).
[2] La graine de ces dernières espèces [ou plutôt de cette dernière espèce] ressemble à celle du cumin; la graine de la première espèce, au millet. Dans toutes elle est blanche, âcre, odorante et chaude. La graine de la seconde espèce est plus active que celle de la première; aussi doit-on la donner avec réserve. Si l'on veut absolument faire une troisième espèce (XIX, 27), il y a une plante semblable au staphylinos (daucus carotta, Sibth.), appelée pastinaca sauvage, à graine oblongue, à racine douce. Les quadrupèdes ne touchent à aucune de ces plantes, ni en hiver ni en été, si ce n'est après avoir avorté. On se sert de la graine du daucus, sauf du daucus de Crète, dont on emploie la racine. Les mages la font prendre dans du vin, à la dose d'une drachme, contre la morsure des serpents. On la donne aussi aux quadrupèdes blessés par ces reptiles.
LXV. [1] La thérionarca, qui est différente de la thérionarca des mages (XXIV, 102 ) et qui croît dans nos climats, pousse beaucoup de branches, et a les feuilles verdâtres et la fleur rose. Elle tue les serpents, et par son seul contact engourdit toute hèle sauvage (plante inconnue).
LXVI. [1] La persolata ( bardane, arctium lappa, L.), que tout le monde connaît et que les Grecs nomment arcion, a les feuilles encore plus larges, plus velues, plus noires et plus épaisses que celles de la courge, avec une racine blanche et longue. On prend cette racine dans du vin, à la dose de deux deniers (7 gr., 7).
LXVII. [1] La racine du cyclaminos (cyclamen graecum, Lamark ), est bonne aussi contre tous les serpents. Il a les feuilles plus petites que le lierre, plus noires, plus minces, dépourvues d'angles et marquées de taches blanchâtres. La tige est menue et creuse; les fleurs sont pourpres; la racine est large, à peau noire, et telle qu'on pourrait la prendre pour un raifort. Cette plante croit dans les lieux ombragés. En latin on l'appelle tubérosité de terre. On doit en semer dans toutes les maisons, s'il est vrai que partout où elle croit les maléfices ne peuvent nuire. C'est ce qu'on appelle un amulette.
[2] On dit que mise dans du vin elle produit les effets de l'ivresse. On garde la racine séchée et coupée par morceaux comme la scille; on en fait une décoction, qu'on laisse épaissir jusqu'à consistance de miel. Cette plante n'est cependant pas sans propriétés malfaisantes; et l'on dit qu'une femme grosse avorte si elle passe par-dessus cette racine.
LXVIII. [1] Il est une autre espèce de cyclaminos (lonicera periclymenum, L. ), appelée cissanthemos; la tige, garnie de noeuds, ne sert à rien. Cette plante est très différente de la précédente; elle s'entortille autour des arbres. Elle porte des baies comme le lierre, mais molles. La fleur est blanche et a de l'éclat. La racine n'est d'aucun usage. On ne se sert que des baies, qui ont une saveur âcre, mais qui sont visqueuses. On les sèche à l'ombre, puis on les pile, et on en fait des pastilles.
LXIX. [1] On m'a encore montré un troisième cyclaminos (antirrhinum asarina, L. ), appelé chamaecissos (XXVI, 34, 3 ). Il n'a qu'une seule feuille; la racine est rameuse; il fait mourir les poissons.
LXX. [1] Mais au premier rang des simples on vante le peucedanum (peucedanum officinale, L.), dont le plus estimé est celui d'Arcadie, puis celui de Samothrace. La tige est menue, longue, semblable au fenouil, garnie de feuilles près de terre; la racine, noire, épaisse, d'une odeur forte, juteuse. Il croît sur les montagnes couvertes de bois. On le tire de terre à la fin de l'automne. On recherche les racines les plus tendres et les plus longues. On les coupe de quatre doigts en quatre doigts avec de petits couteaux d'os, et on les laisse rendre leur suc à l'ombre. Avant cette opération on a eu soin de se frotter la tête et les narines avec de l'huile rosat, pour se préserver des étourdissements.
[2] On emploie encore un autre suc qui provient des tiges, et qu'on obtient à l'aide d'incisions. Il est bon quand il a la consistance du miel, une couleur rousse, une odeur forte mais agréable, une saveur chaude. Ce suc, ainsi que la racine et sa décoction, entre dans beaucoup de compositions médicamenteuses; toutefois c'est le suc qui a le plus de vertu : on le délaye avec des amandes amères ou de la rue, et on le prend en boisson contre le venin des serpents. Il garantit aussi ceux qui s'en frottent avec de l'huile.
LXXI. (X.) [1] La fumée de l'hièble (XXVI, 49), que tout le monde connaît, met en fuite les serpents.
LXXII. [1] La racine de la polemonia, même portée simplement en amulette,
est l'antidote particulier des scorpions, ainsi que de l'araignée phalange
et des autres petits animaux venimeux. Aux scorpions on oppose
l'aristoloche; l'agaric, à la dose de quatre oboles, dans quatre cyathes de
vin coupé; à l'araignée phalange, la verveine avec du vin ou de l'oxycrat,
ainsi que la quinte-feuille et le daucus.
LXXIII. [1] Le verbascum est appelé phlomos par les Grecs ; il y en a deux
espèces principales: le blanc (bouillon blanc, (verbascum thapsus, L.), que
l'on reconnaît pour le mâle, et le noir (verbascum sinuatum, L.), qui est le
verbascum femelle. Une troisième espèce (phlomis fructicosa, L.) ne se
trouve que dans les bois. Les feuilles sont plus larges que celles du chou,
velues; la tige est dressée, et de plus d'une coudée; la graine, noire, sans
usage ; la racine simple, de la grosseur du doigt. Les deux verbascum
croissent dans les campagnes. Dans le verbascum sauvage les feuilles sont
celles de la sauge et hautes, les branches sont ligneuses.
LXXIV. [1] Il y a aussi deux phlomis; ils sont velus (sideritis romana et sideritis elegans, L.), à feuille ronde, et peu élevés de terre. Une troisième espèce (phlomis lychnitis, L.) s'appelle lychnitis ou thryallis; elle a trois feuilles, ou quatre au plus, qui sont épaisses, onctueuses, et propres à faire des mèches de lampe. On prétend que les figues enveloppées dans les feuilles du phlomos que nous avons appelé femelle sont absolument préservées de la pourriture. Il est presque inutile de distinguer ces trois espèces, les effets en étant les mêmes. Contre les scorpions on prend dans de l'eau, avec de la rue, la racine, aussi efficace qu'elle est amère.
LXXV. [1] Le thélyphonon (un aconit) (XXVII, 2) est appelé par quelques-uns scorpion, à cause de la forme de sa racine, dont le contact fait mourir les scorpions; aussi la prend-on en boisson contre la piqûre de ces insectes. Un scorpion mort, frotté avec de l'ellébore blanc, revient, dit-on, a la vie. Le thélyphonon tue tous les quadrupèdes; il suffit d'appliquer la racine sur leurs parties génitales. La feuille, qui ressemble à celle du cyclaminos, produit cet effet dans le jour même. Cette plante est garnie de noeuds, et croît dans les lieux ombragés. Le suc de la bétoine et celui du plantain sont aussi des antidotes contre les scorpions.
LXXVI. [1] Les grenouilles, et surtout les rubètes, ont aussi leur venin : nous avons vu les Psylles, dans leurs exhibitions, se faire mordre par ces animaux, qu'on irritait en les chauffant sur des plats, et qui donnent la mort plus promptement même que les aspics. Le remède à leur venin est le phrynion (XXVII, 97), pris dans du vin nommé par quelques-uns nevras; par d'autres, potérion (astragalus creticus, L.) : il a de petites fleurs, des racines nerveuses, nombreuses, et de bonne odeur.
LXXVII. [1] Même propriété dans l'alisma (plantain aquatique, alisma plantago, L.), nommé par quelques-uns damasonion, par d'autres lyron. Il aurait les feuilles du plantain si elles n'étaient pas plus étroites, plus découpées, et penchées vers le sol. Du reste, elles sont veinées de même. La tige est simple, menue, haute d'une coudée, et terminée par une tête en bouquet. Les racines sont nombreuses, menues comme celles de l'ellébore noir, âcres, odorantes, grasses. Cette plante croît dans l'eau. Il y en a une autre espèce qui vient dans les forêts, qui est plus noire et a feuilles plus grandes. La racine de l'une et l'autre espèce s'emploie contre les grenouilles et les lièvres marins, à la dose d'une drachme dans du vin. Le cyclaminos est aussi un antidote contre Ie lièvre marin. La morsure du chien enragé a des propriétés venimeuses, contre lesquelles on a le cynorrhodon, dont nous avons parlé (XXV, 6). Le plantain est bon contre les morsures de tous les animaux, en boisson ou en topique. La bétoine se prend dans du vin pur, vieux.
LXXVIII. [1] On donne le nom de péristéréos (verveine) (XXV, 59) à une plante dont la tige est haute, garnie de feuilles, et qui pousse d'autres tiges de sa tête. Cette plante est très reeherchée des pigeons, d'où lui vient le nom qu'elle porte. Les chiens n'aboient pas, dit-on, après ceux qui en ont sur eux.
LXXIX. [1] Rien n'approche plus de ces venins que les poisons inventés par les hommes pour eux-mêmes : contre tous ces poisons et contre les maléfices magiques on a d'abord le moly d'Homère (XXV, 8), puis le mithridation (XXV, 26), la scordotis et la centaurée. La graine de la bétoine fait évacuer par le bas toutes les substances nuisibles; ou la prend dans du vin miellé ou du vin cuit, ou, pulvérisée, à la dose d'une drachme dans quatre cyathes de vin vieux; il faut faire vomir, puis administrer de nouveau la potion. Ceux qui prennent chaque jour de cette plante n'éprouveront, dit-on, aucun mal des substances nuisibles. Quand du poison a été pris on a pour remède l'aristoloche à la dose indiquée contre la morsure des serpents (XXV, 59), le suc de la quintefeuille, l'agaric, que l'on donne, après avoir fait vomir, a la dose d'un denier dans trois cyathes d'eau miellée.
LXXX. [1] On donne le nom d'antirrhinon (antirrhinon majus, L.), ou d'anarrhinon, ou de lychnis sauvage, à une plante qui ressemble au lin, sans racine, à fleur d'hyacinthe, et dont la graine a la forme d'un mufle de veau. Au dire des mages, ceux qui en sont frottés embellissent, et ceux qui en portent dans un bracelet ne peuvent recevoir aucun mal des substances nuisibles ou des poisons.
LXXXI. [1] Il en est de même de celle qu'on nomme euplée; et l'on dit que si l'on s'en frotte on gagne en considération. On assure encore que ceux qui portent sur eux de l'armoise n'ont rien a craindre ni des substances nuisibles, ni d'aucune bête, ni même du soleil. On la prend aussi dans du vin contre l'empoisonnement par l'opium. En amulette ou en boisson, elle est, dit-on, particulièrement efficace contre les grenouilles.
LXXXII. [1] Le péricarpum est un genre de bulbe. Il y en a deux espèces : l'une (ornithogalum nutans) a l'écorce rouge, l'autre (muscari comosum) ressemble au pavot noir, et a plus d'efficacité que la précédente. Toutes deux sont échauffantes ; aussi les prescrit-on contre la cigué, à laquelle on oppose aussi l'encens, le panacès, et surtout le panacès chironium. Celui-ci se donne en outre contre les champignons.
LXXXIII. (XI.) [1] Nous allons maintenant indiquer, suivant l'ordre des
parties du corps et suivant les maladies, les remèdes pour chaque affection
: nous commençons par la tête.
L'alopécie se guérit avec la racine du nymyhaea (XXVI, 28) et celle de la
ciguë, pilées ensemble et appliquées. Le polythrix (XXII, 30) diffère du
callithrix en ce qu'il a des scions blancs et des feuilles plus nombreuses
et plus grandes; la tige aussi est plus haute. II prévient la chute des
cheveux, et les fait épaissir.
LXXXIV. [1] Il en est de même de la lingulaca (scolopendre), qui croît autour des fontaines (XXIV, 108 ). La racine avec le reste de la plante se brûle, et puis se pile avec la graisse d'une truie noire; il faut aussi que cet animal n'ait point porté; et lorsqu'on s'en frotte, l'onction a plus d'efficacité si elle se fait aux rayons du soleil. On emploie de la même façon la racine du cyclaminos. Le porrigo est guéri par la racine de l'ellébore bouillie dans l'huile ou dans l'eau; la céphalalgie, par la racine de toutes les espèces de panacès broyée dans de l'huile, par l'aristoloche, et par l'ibéris appliquée pendant une heure, et plus si on peut la supporter; on y joint l'usage du bain. Le daucus guérit aussi la céphalalgie. Le cyclaminos, introduit dans les narines avec du miel, purge la tête, et en topique il guérit les ulcères de cette partie. Le péristéréos (verveine) est bon aussi pour la céphalalgie.
LXXXV. [1] On donne le nom de cacalia (cacalia verbascifolia, Sibth. ) ou léontice à une plante dont la graine, semblable à de petites perles, est pendante entre de grandes feuilles. Elle ne cro$it guère que dans les montagnes. On en fait macérer quinze graines dans de l'huile, et on s'en frotte la tête à contre-poil.
LXXXVI. [1] On fait avec le callithrix (XXII, 30; XXV, 83; XXVII, 111) un sternutatoire. Les feuilles sont celles de la lentille ; les tiges ressemblent à un jonc délié; la racine est très petite. Il croît dans les lieux ombragés et humides; il a une saveur brûlante (adiantum trichomanes).
LXXXVII. [1] L'hysope broyé dans de l'huile guérit le phtiriasis et les démangeaisons de la tête. Le meilleur est celui du mont Taurus dans la Cilicie, puis celui de Pamphylie et celui de Smyrne. Il ne vaut rien pour l'estomac. Il évacue par le bas, pris avec des figues; par le haut, pris avec du miel. On pense que pilé avec du miel, du sel et du cumin, c'est aussi un antidote contre le venin des serpents (origanum smyraceum, L.).
LXXXVIII. [1] Le lonchitis (serapias lingua, L.) n'est pas, ce que plupart ont pensé, la même plante que le xiphion ou phasganion (gladiolus communis, L.), quoique la graine en soit en fer de lance : en effet, le lonchitis a les feuilles du poireau, rougeâtres vers la racine, et là plus nombreuses qu'à la tige. Il porte des capitules qui sont semblables aux masques de comédie, d'où sort une petite langue. Les racines de cette plante sont très longues. Elle croît dans les lieux arides.
LXXXIX. [1] Au contraire, le xiphion ou phasganion (gladiolus communis, L.) croît dans les lieux humides. En sortant du sol il a la forme d'une épée, la tige haute de deux coudées, la racine frangée, et semblable à une aveline. Il faut arracher cette racine avant le temps de la moisson, et la faire sécher à l'ombre. Le haut de la racine pilé avec de l'encens, et mêlé à un poids égal de vin, fait sortir les esquilles des os du crâne, le pus en quelque point qu'il se forme, et les os de serpent si on a marché dessus; il est efficace aussi contre les venins.
[2] Pour la céphalalgie il faut se frotter la tête avec l'ellébore bouilli et pilé, soit dans de l'huile, soit dans de l'huile rosat, ou avec le peucedanum préparé, soit à l'huile, soit à l'huile rosat, soit au vinaigre. Cette dernière plante, employée tiède, est bonne aussi pour la migraine et le vertige; on se frotte encore avec sa racine pour se faire suer, car elle est échauffante.
XC. [1] Le psyllion (plantago psyllium, L.), ou cynoïdes, ou crystallion, ou sicelicon, ou cynomyia (mouche de chien), a une racine menue, qui n'est pas employée; il est sarmenteux, a le haut des tiges en forme de fève; les feuilles ont une sorte de ressemblance avec une tête de chien, et la graine, qui est dans des baies, avec la puce : c'est de là que vient le nom de psyllion. Cette plante croit dans les vignes; elle est très rafraîchissante et très résolutive ; c'est la graine qu'on emploie. Dans la céphalalgie on l'applique sur le front et sur les tempes avec du vinaigre et de l'huile rosat ou de l'oxycrat ;
[2] pour les autres cas on l'emploie en liniment, à la dose d'un acétabule (0 lit., 068) dans un setier d'eau; elle se condense et se resserre ; alors on la broie : il en résulte une solution épaisse, dont on se sert en liniment pour toute douleur, toute tumeur, toute inflammation. L'aristoloche est un remède pour les plaies de tête. Elle fait sortir les esquilles osseuses de toutes les parties du corps, et surtout de la tête. Il en est de même de la plistolochia. Le thysselium n'est pas différent de l'ache; la racine, mâchée, purge les pituites de la tête.
XCI (XII.) [1] On prétend que la grande centaurée fortifie la vue si on s'en bassine les yeux avec de l'eau; que le suc de la petite centaurée avec du miel dissipe les mouches volantes de la vue, les nuages et l'obscurcissement, et fait disparaître les cicatrices; et que la sidéritis enlève les taies des bêtes de somme. La chélidoine est un remède merveilleux pour toutes ces affections. Pour les fluxions des yeux on fait un cataplasme avec la racine de panacès et la polenta; pour les arrêter on fait boire la graine de jusquiame à la dose d'une obole (0 gr., 75 ), avec autant de suc de pavot et du vin.
[2] On y met aussi du suc de gentiane, qu'on fait entrer dans les collyres actifs au lieu de suc de pavot. L'euphorbe en frictions éclaircit la vue. Pour l'ophtalmie on instille le suc de plantain. L'aristoloche dissipe les nuages de la vue. L'ibéris attachée à la tête avec la quintefeuille guérit les fluxions des yeux et les autres affections de ces organes. Le verbascum s'emploie en cataplasmes pour les fluxions des yeux, ainsi que la verveine avec de l'huile rosat ou du vinaigre. Pour la cataracte et les nuages des yeux on réduit en trochisques le cyclaminos. Le suc du peucedanum, comme nous l'avons dit (XXV, 70), est bon avec le suc du pavot et l'huile rosat pour éclaircir la vue et dissiper les nuages. Le psyllion appliqué au front arrête les fluxions des yeux.
XCII. (XIII.) [1] L'anagallis est appelé par quelques-uns corchoron ; il y en a deux espèces : l'anagallis mâle, à fleurs rouges (mouron rouge, anagallis arvensis, L.), et l'anagallis femelle (mouron bleu), à fleurs bleues. Ces deux anagallis n'ont pas plus d'un palme de haut. Ils ont une tige tendre, de très petites feuilles rondes et gisant à terre; ils croissent dans les jardins et dans les lieux humides. L'anagallis bleu fleurit le premier. Le suc de l'un et de l'autre, mêlé avec du miel et surtout avec du miel attique, et employé en onction, dissipe les brouillards de la vue, les ecchymoses des yeux à la suite d'un coup, et les taches rouges du blanc des yeux; il dilate la pupille : aussi l'emploie-t-on en onction préalablement à l'opération de la cataracte. Ces plantes sont aussi un remède pour les maladies des yeux des bêtes de somme.
[2] Le suc injecté dans les narines, qu'on lave ensuite avec du vin, purge la tête. On le prend aussi, à la dose d'une drachme, dans du vin, contre le venin des serpents. Chose singulière, les bestiaux ne touchent pas à l'anagallis femelle : si, trompés par la ressemblance (les deux espèces ne différent que par la fleur), ils en ont goûté par hasard, aussitôt ils cherchent un remède dans la plante appelée asyla ; en latin nous la nommons ferus oculus (oeil sauvage). Quelques-uns prescrivent à ceux qui récoltent cette plante, de la saluer trois fois avant le lever du soleil et avant d'avoir prononcé aucune parole, puis de l'enlever de terre et d'en exprimer le suc, prétendant que ces précautions lui donnent plus de force. Nous avons suffisamment parlé du suc de l'euphorbe (XXV, 38). Dans l'ophtalmie, s'il y a gonflement, on emploiera avec avantage l'absinthe broyée avec du miel, ainsi que la bétoine en poudre.
XCIII. [1] L'aegilops se guérit avec la plante (ægilops ovala, L.) de même nom (XVIII, 44, 5), qui croît parmi l'orge, et qui a la feuille du froment; on applique ou la graine pilée avec de la farine, ou le suc. Ce suc s'exprime de la tige et des feuilles turgescentes, après qu'on a ôté l'épi ; on l'incorpore dans de la farine de blé de trois mois, et on en fait des trochisques.
XCIV. [1] Quelques-uns employaient jadis la mandragore; puis on y a renoncé pour le traitement de l'ægilops. Ce qui est certain, c'est que la racine pilée avec de l'huile rosat et du vin guérit les fluxions et les maux des yeux. Quant au suc, on l'incorpore à maintes compositions ophtalmiques. La mandragore est encore appelée circaeum. Il y en a deux espèces (atropa mandragora vernalis et autumnalis) : la mandragore mâle, qui est blanche; la mandragore femelle, qui est noire, à feuilles plus étroites que celles de la laitue, à tige velue, à racine double ou triple, roussâtre, blanche intérieurement, charnue et molle, longue de près d'une coudée.
[2] Les deux portent un fruit de la grosseur d'une aveline, renfermant une graine semblable aux pépins de la poire. On donne à la blanche les noms d'arsen, de morion, d'hippophlomos; les feuilles en sont blanches, plus larges que celles de l'autre, et semblables à celles du lapathum cultivé (patience). Ceux qui la cueillent se gardent d'avoir le vent en face, et, préliminairement, ils décrivent autour de la plante, avec une épée, trois cercles; puis ils l'arrachent en se tournant vers le couchant. On tire le suc et du fruit, et de la tige après l'avoir étêtée, et de la racine, qu'on pique ou qu'on fait bouillir.
[3] La racine s'emploie même en brin; d'autres fois on la coupe en rondelles, et on la conserve dans du vin. La mandragore ne donne pas partout du suc, et là où elle en donne c'est vers l'époque de la vendange qu'il faut le recueillir. Il a une odeur forte, mais celle de la racine et du fruit l'est encore davantage. Les fruits de la mandragore blanche étant mûrs se sèchent à l'ombre. On fait épaissir au soleil le suc qu'on en tire; de même pour celui de la racine: on la pile, ou bien on la fait bouillir dans du vin noir jusqu'à réduction au tiers. Les feuilles valent mieux conservées dans la saumure. Le suc qu'elles rendent fraîches est un véritable poison; et encore la saumure n'en ôte pas empiétement les propriétés malfaisantes.
[4] L'odeur seule en porte à la tête. En quelques contrées on en mange les fruits: cependant la violence de cette odeur étourdit ceux qui n'y sont pas habitués; et une dose trop forte du sue donne la mort. A une dose variable suivant les forces du sujet il est soporifique; la dose moyenne est d'un cystite (0 lit., 045). On l'administre et contre les serpents, et avant les incisions, et les ponctions pour engourdir la sensibilité. ll suffit pour cet effet a quelques personnes de s'être procuré le sommeil par l'odeur qu'il exhale. On boit encore de ce suc, en place d'ellébore, à la dose de deux oboles, dans du vin miellé; mais l'ellébore est plus efficace pour faire vomir et pour évacuer la bile noire.
XCV. [1] La ciguë aussi est un poison, odieuse par l'usage qu'on en faisait à Athènes pour le supplice des condamnés, mais ayant cependant divers emplois qu'il ne faut pas omettre. La graine est malfaisante, mais la tige se mange très fréquemment crue et cuite : elle est lisse, articulée comme les roseaux, noirâtre, haute souvent de deux coudées, et rameuse au sommet. Les feuilles sont celles de la coriandre, mais plus molles et d'une odeur plus forte. La graine est plus grosse que l'anis; la racine, creuse, n'est d'aucun usage. La graine et les feuilles ont des propriétés réfrigérantes. Ceux que la ciguë fait mourir commencent à se glacer par les extrémités du corps.
[2] Le remède, avant que le poison ne soit parvenu aux parties vitales, est le vin, qui de sa nature est échauffant. Mais la ciguë, avalée dans le vin même, est regardée comme absolument sans remède. Le suc s'exprime des feuilles et des fleurs; c'est en effet lors de la floraison qu'il est dans toute sa force. Le suc qu'on tire de la graine en la pilant, et qui, épaissi au soleil, est divisé en trochisques, donne la mort en coagulant le sang (seconde propriété de la ciguë); aussi ceux qu'il tue ont-ils le corps parsemé de taches. On s'en sert au lieu d'eau pour délayer certains médicaments. On en prépare un emplâtre pour rafraîchir l'estomac. Il est spécialement bon en topique pour arrêter les fluxions des yeux qui surviennent pendant l'été, et pour calmer la douleur de ces organes. Il entre dans les collyres, et il arrête toutes les autres fluxions.
[3] Les feuilles aussi calment toute tuméfaction, toute douleur, toute fluxion des yeux. Anaxilaüs prétend que les mamelles frottées de ciguë avant la puberté demeurent stationnaires : ce qui est certain, c'est qu'en topique sur les mamelles cette substance tarit le lait des nouvelles accouchées, et qu'appliquée vers l'époque de la puberté sur les testicules elle éteint tout désir vénérien. Nous nous garderons bien d'enseigner les recettes abortives dans lesquelles on la fait entrer. La plus active ciguë est celle qui croit à Suse, chez les Parthes, puis celle de la Laconie, de la Crète et de la province d'Asie. En Grèce, au premier rang est celle de Mégare, au second celle de l'Attique (conium rnaculatum, L.).
XCVI. [1] Le crethmos sauvage (crithmum maritimum, L.), appliqué sur les yeux, enlève la chassie, et, avec addition de polenta, en fait disparaître la tuméfaction.
XCVII. [1] La molybdaena (plumbago europea, L.), en latin plumbago, croît même en plein champ ; elle a les feuilles du lapathum (patience), la racine grosse et chevelue. Si on la mâche et qu'on s'en frotte de temps en temps les yeux, on guérit le plomb, sorte de maladie qui affecte ces organes.
XCVIII. [1] La première espèce de capnos (corydalis digitata, Pers.), qu'on appelle pied de poule, croît dans les masures et les haies : elle a les branches très ténues et écartées, et la fleur rouge. On l'emploie verte, et le suc dissipe les taies; aussi la fait-on entrer dans les compositions ophtalmiques.
XCIX. [1] Il y a une autre espèce de capnos (fumaria officinalis, L.) semblable de nom et d'effet, mais de figure différente. Elle est touffue et fort tendre ; elle a les feuilles de la coriandre, la couleur cendrée, et la fleur pourpre; elle croît dans les jardins et les champs d'orge. Employée en onctions, elle éclaircit la vue et provoque le larmoiement comme la fumée, d'où le nom qu'elle porte. Elle empêche aussi les cils une fois arrachés de repousser.
C. [1] L'acoron (acorus calamus) a les feuilles de l'iris, seulement plus étroites et portées sur un long pétiole; les racines noires et moins veinées, du reste, semblables aussi à celles de l'iris, d'on goût âcre, d'une odeur non désagréable, et provoquant des éructations. Les meilleures racines viennent du Pont, puis de la Galatie, en troisième lieu de la Crète; mais elles abondent dans la Colchide, auprès du Phase, et dans tous les lieux humides. Fraîches, elles ont une odeur plus forte que vieilles. Celles de la Crète sont plus blanches que celles du Pont. On les coupe en rouelles de l'épaisseur du doigt, et on les fait sécher à l'ombre, dans des outres. Il est des auteurs qui donnent le nom d'acoron à la racine d'oxymyrsine ( XV, 7, 3) ; aussi quelques-uns préfèrent-ils appeler cette dernière plante acoron sauvage. L'acoron a une grande force pour échauffer et atténuer; on en fait boire le suc pour la cataracte, les brouillards de la vue et le venin des serpents.
CI. [1] Le cotylédon (cotyledon umbilicus, L.) est une petite herbe dont la tige est basse et faible, la feuille grasse et concave comme la cavité cotyloïde. Il croit dans les lieux maritimes et pierreux; il est vert, et a la racine ovale comme une olive. Le suc est un remède pour les yeux. II en est une autre espèce (saxifraga media, Gouan), dont les feuilles sont d'un vert sale, plus larges et plus touffues autour de la racine, qui en est entourée comme l'oeil l'est de l'orbite, d'un goût très âpre, et portées sur une tige très longue, mais très déliée. On l'emploie aux mêmes usages que l'iris.
CII. [1] Il y a deux espèces d'aizoon. Le plus grand (joubarbe des toits), qui se sème dans des vases de terre, est appelé par quelques-uns buphthalmos, par d'autres zoophthalmos, par d'autres stergethron, parce qu'il entre dans les philtres; par d'autres hypogéson, parce qu'il croît sur la partie la plus avancée des toits. Il y en a qui lui donnent plus volontiers le nom d'ambroisie ou celui d'amérimnos (sans-souci). Les Italiens le nomment le grand sedum ou l'oeil, ou le digitellus. L'autre aizoon (sedum amplexicaule, DC.), qui est très petit, est appelé par les uns erithales, par les autres trithales, parce qu'il fleurit trois fois; par d'autres, chrysothales; par quelques-uns, isoètes; mais tous deux portent le nom d'aizoon, parce qu'ils sont toujours verts; d'où quelques-uns les ont nommés sempervivum.
[2] Le plus grand dépasse une coudée en hauteur, et est plus gros que le pouce. Les feuilles ont à leur extrémité la forme d'une langue; elles sont charnues, grasses, pleines de suc, de la largeur du pouce; les unes sont courbées vers la terre, les autres dressées, de manière à représenter le tour d'un oeil. Le petit aizoon croît dans les murailles, dans les masures et sur les toits. Touffu dès la racine, il est garni de feuilles jusqu'au sommet; ces feuilles sont étroites, pointues, juteuses; la tige est haute d'un palme, la racine ne sert à rien.
CIII. [1] A cette plante ressemble celle que les Grecs nomment andrachne sauvage (sedum slelllatum, L.), et les Italiens illecebra. Celle-ci a les feuilles petites, mais plus larges, et la tige plus courte. Elle croît dans les terrains pierreux, et on la cueille pour la manger. Toutes ces plantes ont la même propriété : elles sont rafraîchissantes et astringentes. Les feuilles en topique, ou le suc en onction, guérissent les fluxions oculaires. Ce sue déterge les ulcères des yeux, les remplit et les cicatrise; il décolle les paupières. En topique sur les tempes, le suc ou les feuilles guérissent la céphalalgie. Ces plantes combattent le venin des araignées phalanges. Le grand aizoon est en particulier l'antidote de l'aconit. On assure encore que celui qui porte de l'alzoon sur lui n'est pas piqué par Ies scorpions.
[2] Ces plantes guérissent la douleur d'oreilles, comme aussi le suc de la jusquiame, dont on fait une onction légère; le suc de l'achillea; celui de la petite centaurée; celui du plantain; celui du peucedanum, avec l'huile rosat et le suc de pavot; et celui de l'acoron, avec la rose. Tous ces sucs doivent être instillés chauds dans l'oreille, à l'aide du strigilis (seringue à oreille). Le cotylédon est bon même pour la suppuration des oreilles, avec la moelle de cerf chaude. Le sue de la racine d'hièble pilée, d'abord passé par un linge, puis épaissi au soleil, enfin, quand on s'en sert, délayé avec l'huile rosat et chauffé, guérit les parotides; ainsi fait la verveine, ainsi le plantain, ainsi la sidéritis avec du vieux oing.
CIV. [1] L'aristoloche avec le cyperus (souchet) corrige l'ozène.
CV. [1] Les remèdes pour les dents sont : la racine du panacès mâchée, et surtout du panacès chironien, le suc en collutoire; la racine de jusquiame mangée avec du vinaigre, la racine de polemonia. On mâche encore la racine de plantain, ou on se lave la bouche avec la décoction de cette racine dans du vinaigre. Les feuilles aussi sont bonnes pour les gencives, même quand le sang de ces parties est corrompu. La graine du plantain guérit les abcès et les fluxions des gencives. L'aristoloche raffermit les gencives et les dents. La verveine, mâchée avec la racine, ou bouillie avec du vin ou du vinaigre, qu'on emploie en collutoire, produit le même effet.
[2] Il en est de même de la racine de la quintefeuille (XXV, 62) bouillie dans du vin ou du vinaigre, jusqu'à réduction au tiers; avant de la faire bouillir il faut la laver avec de l'eau de mer ou de l'eau salée : on garde cette décoction longtemps dans la bouche. D'autres aiment mieux se frotter les dents avec la cendre de la quintefeuille. On fait encore bouillir la racine du verbascum dans du vin, pour, avec la décoction, se laver les dents. On se les lave aussi avec l'hysope, avec le suc de peucedanum mêlé au suc de pavot; le suc des racines de l'anagallis, et préférablement de l'anagallis femelle, s'injecte, pour le même effet, dans la narine opposée au côté des dents où l'on sent du mal.
CVI. [1] L'érigéron est appelé en latin senecio (séneçon) (senecio vulgaris, L.). On dit que si, après avoir circonscrit cette plante avec un instrument de fer, et l'avoir arrachée, on en touche trois fois la dent malade en crachant à chaque fois, et qu'ensuite on remette la plante dans le trou, de manière qu'elle reprenne, on n'aura jamais mal à cette dent. Cette plante a l'apparence et la mollesse du trixago (XXIV, 80), avec de petites tiges rougeâtres. Elle croît sur les toits et dans les murs. Les Grecs l'ont nommée érigéron (vieillard du printemps), parce qu'elle blanchit au printemps. La tête se divise en de nombreux filaments cotonneux qui ressemblent à ceux de l'épine, et qui s'échappent entre les divisions; c'est pour cela que Callimaque l'a appelée acanthis (épineuse), et d'autres, pappus (aigrette). Au reste, les Grecs ne sont pas d'accord sur cette plante : les uns ont dit qu'elle a les feuilles de la roquette; les autres, celles du chêne, mais beaucoup plus peti ¬tes. Les uns prétendent que la racine est inutile; les autres, qu'elle est bonne pour les nerfs ; d'autres, que prise en boisson elle suffoque.
[2] D'autre part, quelques-uns l'ont donnée avec du vin pour la jaunisse et pour toutes les maladies de la vessie, ainsi que pour celles du coeur et du foie. Ils ont dit qu'elle faisait sortir le sable des reins. Ils l'ont administrée dans les douleurs coxalgiques, à la dose d'une drachme avec de l'oxymel, après la promenade; ils l'ont vantée, dans du vin cuit, contre les coliques; ils ont assuré qu'avec du vinaigre c'était un aliment avantageux aux viscères, et ils l'ont fait semer dans les jardins pour ces différents usages. Ce n'est pas tout : quelques uns en ont admis une seconde espèce, mais sans en indiquer les caractères, la donnant à prendre dans de l'eau contre le venin des serpents, à manger, contre l'épilepsie : pour nous, nous en parlerons d'après des usages établis par l'expérience des Romains. Le duvet de cette plante, pilé avec du safran et un peu d'eau froide, s'emploie en topique dans les fluxions des yeux; grillé avec du sel, dans les scrofules.
CVII. [1] L'éphéméron (convallaria multiflora, L.) a les feuilles du lis, mais plus petites, une tige de même hauteur, la fleur bleue; la graine ne sert à rien. La racine, unique, de la grosseur du doigt, est excellente pour les dents : on la coupe par morceaux, on la fait bouillir dans du vinaigre, et on se lave la bouche avec cette décoction tiède. La racine, employée seule, raffermit les dents ébranlées; on l'applique sur celles qui sont creuses et rongées par la carie. La racine de la chélidoine, broyée dans du vinaigre, se garde dans la bouche. L'ellébore noir s'applique sur les dents cariées: l'une et l'autre plante, bouillie dans du vinaigre, raffermit les dents ébranlées.
CVIII. [1] On donne le nom de Iabrum venereum (bassin de Vénus, dipsacus silvestris, L.) à une plante qui croit dans les eaux courantes. Elle porte un petit ver (XXVII, 62; XXX, 8 ), que l'on écrase contre les dents, ou que l'on renferme avec de la cire dans les dents creuses. Il faut prendre garde que la plante arrachés ne touche la terre.
CIX. [1] Nous appelons renoncule la plante que les Grecs appellent batrachion; il y en a quatre espèces : l'une (ranunculus asiaticus, L.) a les feuilles plus grasses que celles de la coriandre, presque aussi larges que celles de la mauve, d'une couleur terne, la tige blanche et grêle, la racine blanche. Elle croît dans les sentiers humides et ombragés. La seconde (ranunculus lanuginosus, L.) est plus touffue; les feuilles sont plus découpées; les tiges sont hautes. La troisième (ranunculus muricatus, L.) est très petite, a une odeur forte, et la fleur d'un jaune d'or. La quatrième (ranunculus aquatilis, L.) ressemble à cette dernière, mais elle a la fleur couleur de lait. Toutes agissent comme caustiques, si on en applique les feuilles crues, et elles font lever des ampoules comme le feu; aussi s'en sert-on pour la lèpre, la psore, et pour effacer toutes les marques sur la peau ; elles entrent dans tous les caustiques.
[2] On s'en sert en topique dans l'alopécie, mais on les ôte promptement. La racine, mâchée trop longtemps quand on a mal aux dents, les fait casser. Sèche et pulvérisée, elle constitue un sternutatoire. Nos herboristes nomment cette plante strumes, parce qu'elle guérit les strumes et les tumeurs, employée en fumigation sur la partie malade; ils croient que si on la replante les maux qu'elle a guéris renaissent; usage criminel qu'ils font aussi du plantain. Le suc du plantain guérit les ulcérations de la bouche. Il en est de même des feuilles et racines mâchées, la bouche fût-elle affectée de fluxion. La quintefeuille détruit les ulcères et la mauvaise odeur de la bouche. Le psyllium guérit les ulcères.
CX. [1] Donnons aussi les compositions pour la guérison de cette mauvaise odeur de la bouche, incommodité très honteuse. On prend un poids égal de feuilles de myrte et de lentisque, la moitié moins de galle de Syrie ; on broie ces substances ensemble, et on les arrose de vin vieux. On mange le matin de cette composition, qui est très usitée. On se sert encore des baies du lierre avec la casia (XII, 43) et la myrrhe à poids égal, dans du vin. Pour la mauvaise odeur des narines, même quand il y aurait des chancres dans cette partie, on recommande la graine de la serpentaire, pilée dans du miel. L'hysope fait disparaître les meurtrissures. On efface les marques du visage en se frottant avec la mandragore.