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table des matières dE MANILIUS

 

 

MANILIUS

 

ASTRONOMIQUES/ ASTRONOMICON

 

LIVRE III

 

Introduction

livre I - livre II

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

LIBER III.

LIVRE III.

In nova surgentem majoraque viribus ausum
Nec per inaccessos metuentem vadere saltus
Ducite, Pierides: vestros extendere fines
Conor et ignotos in carmina ducere census.
Non ego in excidium cæli nascentia bella,
Fulminis et flammis partus in matre sepultos;
Non conjuratos reges Trojaque cadente
Hectora venalem cineri, Priamumque ferentem;
Colchida nec referam vendentem regna parentis
10 Et lacerum fratrem stupro, segetesque virorum
Taurorumque truces flammas, vigilemque draconem,
Et reduces annos auroque incendia facta,
Et male conceptos partus, pejusque necatos;
Non annosa canam Messanæ bella nocentis;
Septenosve duces ereptaque fulmine flammis
Mœnia Thebarum, et victam, quia vicerat, urbem:
Germanosve patris referam, matrisque nepotes;
Natorumve epulas conversaque sidera retro
Ereptumque diem; nec Persica bella profundo
20 Indicta et magna pontum sub classe latentem;
Immissumque fretum terris, iter æquoris undis;
Non regis magni spatio maiore canenda,
Quam sunt acta loquar: Romanæ gentis origo,
Quotque duces urbis tot bella atque otia, et omnis
In populi unius leges ut cesserit orbis,
Differtur: facile est ventis dare vela secundis
Fecundumque solum varias agitare per artes;
Auroque atque ebori decus addere, cum rudis ipsa
Materies niteat: speciosis condere rebus
30 Carmina vulgatum est opus, et componere simplex.
At mihi per numeros ignotaque nomina rerum,
Temporaque et varios casus, momentaque mundi,
Signorumque vices partesque in partibus ipsis
Luctandum est. quæ nosse nimis, quid, dicere quantum est?
Carmine quid proprio? pedibus quid jungere certis?
Huc ades, o quicumque meis advertere cœptis
Aurem oculosque potes, veras et percipe voces.
Impendas animum; nec dulcia carmina quæras:
Ornari res ipsa negat contenta doceri.
40 Et, si qua externa referentur nomina lingua,
Hoc operis, non vatis erit: non omnia flecti
Possunt, et propria melius sub voce notantur.

Je prends un nouvel essor; j’ose au delà de mes forces; je ne crains pas de m’engager en des chemins où personne n’a marché avant moi. Muses, soyez mes guides; je travaille à reculer les bornes de votre empire; je veux puiser d’autres chants dans vos fontaines intarissables. Je ne prends pas pour sujet la guerre entreprise contre le ciel, les Titans frappés de la fondre et ensevelis dans le sein de leur mère; les rois conjurés contre Troie, la destruction de cette ville célèbre, Priam portant au bûcher son fils Hector, dont il a racheté les dépouilles sanglantes; l’impudique Médée vendant le trône de son père, et déchirant son frère en morceaux; une moisson de soldats engendrés de la terre, des taureaux vomissant des flammes, un dragon veillant sans cesse; la jeunesse rendue à un vieillard; un inconnue, fruit d’un présent perfide; la naissance criminelle des enfants de Médée, et leur mort plus criminelle encore. Je ne peindrai point le long siège de la coupable Messène; les sept chefs devant Thèbes, la foudre garantissant cette ville de l’incendie, et cette même ville vaincue et saccagée parce qu’elle avait été victorieuse. Je ne montrerai pas des enfants frères de leur père et petits-fils de leur mère; les membres du fils servis sur la table du père; les astres reculant d’horreur, le jour fuyant la terre; un Perse déclarant la guerre aux ondes, et les ondes disparaissant sous la multitude de ses vaisseaux; un nouveau bras de mer creusé entre les terres, une route solide établie sur.lcs flots. Je ne chanterai pas les conquêtes d’un grand roi,[1] faites en moins de temps qu’il en faudrait pour les célébrer dignement L’origine du peuple romain, ses généraux, ses guerres, ses loisirs, ses succès étonnants, qui ont rangé toute la terre sous les lois d’une seule ville, ont exercé plusieurs poètes. Il est facile de naviguer, lorsque le vent est favorable un sol fertile se prête du lui-même à toute espèce de culture; il est aisé d’ajouter un nouvel éclat à l’or et à l’ivoire, la matière brute en ayant déjà par elle-même : célébrer en vers des actions héroïques, rien de plus simple, et plusieurs l’ont tenté avec succès. Mais, dans le projet d’assujettir aux lois de la poésie des choses dont les noms mêmes ne sont pas déterminés, les temps, les différentes circonstances, les effets des mouvements de l’univers, les diverses fonctions des signes célestes, leurs divisions et celles de leurs parties; que d’obstacles n’ai-je pas à craindre? Concevoir tous ces objets, première difficulté; les exprimer, difficulté plus grande encore; le faire en des termes propres au sujet, et orner l’expression des grâces de la poésie, quel embarras extrême! O vous, qui que vous soyez, qui pouvez prêter à mon travail une attention suivie, écoutez-moi, c’est la vérité que je vous annoncerai; appliquez-vous à la comprendre. Mais ne cherchez pas ici les charmes d’une douce poésie; la matière que je traite n’est pas susceptible d’agréments, elle ne permet que l’instruction. Et si je suis quelquefois obligé d’emprunter les mots d’une langue étrangère, ce sera la faute du sujet, et non celle du poète : il est des choses qu’on ne peut mieux exprimer que par les termes qui leur ont été primitivement appliqués.

 

Nunc age subtili rem summam perspice cura,
Quæ tibi præcipuos usus monstrata ministret
Et certas det in arte vias ad fata videnda,
Si bene constiterit vigilanti condita sensu.
Principium rerum et custos natura latentum
Cum tantas strueret moles per mœnia mundi
Et circumfusis orbem concluderet astris
50 Undique pendentem in medium, diversaque membra
Ordinibus certis sociaret corpus in unum,
Æraque et terras flammamque undamque natantem
Mutua in alternum præbere alimenta juberet,
Ut tot pugnantis regeret concordia causas
Staretque alterno religatus fœdere mundus,
Exceptum a summa nequid ratione maneret
Et quod erat mundi mundo regeretur ab ipso;
Fata quoque et vitas hominum suspendit ab astris,
Quæ summas operum partes, quæ lucis honorem,
Quæ famam assererent, quæ numquam fessa volarent.
Quæ, quasi, per mediam, mundi præcordia, partem
Disposita, obtineant, Phœbum lunamque vagasque
Evincant stellas nec non vincantur et ipsa,
His regimen natura dedit, propriasque sacravit
Unicuique vices sanxitque per omnia summam,
Undique uti
fati ratio traheretur in unum.
Nam, quodcumque genus rerum, quodcumque labores
Quæque opera atque artes, quicumque per omnia casus
Humana in vita poterant contingere, sorte
70 Complexa est, tot et in partes, quot et astra locarat,
Disposuit; certasque vices, sua munera cuique
Attribuit, totumque hominis per sidera censum
Ordine sub certo duxit, pars semper ut eidem
Confinis parti vicinis staret in astris.
Horum operum sortes ad singula signa locavit,
Non ut in æterna cœli statione manerent
Et cunctos hominum pariter traherentur in ortus
Ex isdem repetita locis, sed tempore sedes
Nascentum acciperent proprias signisque migrarent
80 Atque alias alii sors quæque accederet astro,
Ut caperet genitura novam per sidera formam
Nec tamen incerto confunderet omnia motu.
Sed, cum pars operum quæ prima condita sorte est
Accepit propriam nascentis tempore sedem,
Cetera succedunt signisque sequentibus hærent.
Ordo ducem sequitur donec venit orbis in orbem.
Has autem facies rerum per signa locatas,
In quibus omnis erit fortunæ condita summa,
Ut cursu stellæ septem læduntve juvantve
90 Cardinibusve movet divina potentia mundum,
Sic felix aut triste uenit per singula fatum,
Talis et illius sors est speranda negoti.
Hæc mihi sollemni sunt ordine cuncta canenda
Et titulis signanda suis rerumque figuris,
Ut pateat positura operum nomenque, genusque.

Commencez donc par vous bien pénétrer d’une doctrine de la plus grande importance : vous en retirerez les plus précieux avantages; elle vous conduira, par une route sûre, à la connaissance des décrets du destin, si vous réussissez à la graver profondément dans votre esprit. Lorsque la nature, principe de tout, dépositaire de ce qu’il y a de plus caché, a formé des masses immenses[2] qui servissent d’enceinte à l’univers; qu’elle y a placé des astres innombrables qui environnent la terre, partout suspendue au milieu de ce vaste espace; qu’elle a composé un seul corps de ces membres divers, et qu’elle les a unis par les liens d’un ordre constant et immuable; qu’elle a ordonné à l’air, à la terre, au feu et à l’eau de se fournir des aliments réciproques, afin que la concorde régnât entre tant d’agents opposés, que le monde se maintint dans une parfaite harmonie, que tout sans exception fût soumis à l’empire de la raison souveraine, et que toutes les parties de l’univers fussent régies par l’univers même; elle a réglé que la vie et les destinées des hommes dépendraient des signes célestes, qui seraient les arbitres du succès de nos entreprises, de notre vie, de notre réputation; que, sans jamais se lasser, ils fourniraient une carrière éternelle; que, placés au milieu et comme au cœur du ciel, ils auraient un pouvoir souvent supérieur à celui du soleil, de la lune et des planètes, à l’action desquels ils seraient cependant obligés de céder à leur tour. La nature leur a confié la direction des choses humaines, elles attribué à chacun d’eux un domaine particulier; elle a voulu que la somme de nos destinées fût toujours dépendante d’un seul et même ordre de sorts. En effet, tout ce qu’on peut imaginer, tous les travaux, toutes les professions, tous les ails, tous les événements qui peuvent remplir la vie des hommes, la nature les a rassemblés et divisés en autant de classes qu’elle avait placé de signes au ciel : elle a attribué à chaque classe des propriétés et des fonctions particulières; elle a ainsi distribué autour du ciel toutes les circonstances de la vie de chaque homme dans un ordre tellement réglé, que chaque classe, toujours limitrophe des mêmes classes, ne pût jamais changer de voisinage. Ces douze sorts répondent aux douze signes, non qu’ils soient éternellement assujettis à la même partie du ciel, et que, pour connaître leur action à la naissance de chaque homme, il faille les chercher aux mêmes degrés des mêmes signes : mais, à l’instant de chaque naissance, ils occupent un lieu déterminé, ils passent d’un signe dans un autre, et chacun d’eux les parcourt ainsi successivement tous, de manière qu’aux divers instants de plusieurs naissances successives la forme du ciel se trouve changée, sans qu’il en résulte aucune irrégularité dans les mouvements célestes. Mais dès que la classe des sorts, qui doit occuper le premier rang, a été placée au lieu qui lui convient à l’instant d’une naissance, les autres se succèdent sans interruption, et sont attribués par ordre aux signes suivants. L’ordre dépend de la place du premier sort, les autres suivent jusqu’à ce que le cercle soit complet. Or, suivant que les sept astres errants concourront d’une manière avantageuse ou défavorable avec ces sorts, distribués dans toute l’étendue des signes et arbitres de tous les événements de notre vie, ou selon que la puissance divine combinera leur position avec celle des cercles cardinaux, notre destinée sera douce ou malheureuse, nos entreprises couronnées d’ut, bon ou d’un mauvais succès. Il est nécessaire que j’entre dans un détail raisonné sur ces sorts, que j’en développe la nature et l’objet, afin qu’on puisse en connaitre la position dans le ciel, les noms et les propriétés.

 

Fortunæ sors prima data est. hoc illa per artem
Censetur titulo, quia proxima continet in se
Fundamenta domus domuique hærentia cuncta:
Qui modus in servis, qui sit concessus in arvis
100 Quaque datum magnas operum componere moles,
Ut vaga fulgentis concordant sidera cæli.
Posthinc militiæ locus est, qua quidquid in armis
Quodque peregrinas inter versantibus urbes
Accidere assuevit titulo comprenditur uno.
Tertia ad urbanos statio est numeranda labores
Hoc quoque militiæ genus est, civilibus actis
Compositum, fideique tenet parentia vincla;
Format amicitias et sæpe cadentia frustra
Officia, et cultus contingant præmia quanta
110 Edocet; appositis cum mundus consonat astris.
Judiciorum opus in quarto natura locavit
Fortunamque fori: fundentem verba patronum
Pendentemque reum lingua labrisque loquentis
Impositum, et populo nudantem condita jura
Atque expensa sua solventem jurgia fronte,
Cum judex veri nihil amplius advocat ipso.
Quidquid propositas inter facundia leges
Efficit, hoc totum partem concessit in unam
Atque, utcumque regunt dominantia sidera, paret.
120 Quintus coniugio gradus est per signa dicatus;
Et socios tenet, et committens hospita jura
Jungitur et similis conjungens fœdus amicos.
In sexta dives numeratur copia sede
Atque adjuncta salus rerum, quarum altera quanti
Contingant usus monet, altera quam diuturni,
Sidera ut inclinant vires et templa gubernant.
Septima censetur sæuis horrenda periclis,
Si male subscribunt stellæ per signa locatæ.
Nobilitas tenet octavam, qua constat honoris
130 Condicio et famæ modus et genus et specioso
Gratia prætexto. nonus locus occupat omnem
Natorum sortem dubiam patriosque timores
Omniaque infantum mixta nutricia turba.
Huic vicinus erit, vitæ qui continet actum,
In quo sortimur mores, et qualibus omnis
Formetur domus exemplis, quamque ordine certo
Ad sua compositi discedant munera servi.
Præcipua undecima pars est in sorte locata,
Quæ summam nostri semper viresque gubernat,
140 Quaque valetudo constat, nunc libera morbis,
Nunc oppressa, movent ut mundum sidera cumque.
Non alia est sedes, tempusve genusve medendi
Quæ sibi deposcat vel cujus tempore præstet
Auxilium et vitæ sucos miscere salubris.
Ultimus et totam concludens ordine summam
Rebus apiscendis labor est, qui continet omnis
Votorum effectus, et, quæ sibi quisque suisque
Proponit studia atque artes, hæc irrita ne sint.
Seu ferat officium nutus blanditus in omnis,
150 Aspera sive foro per litem jurgia temptet,
Fortunamve petat pelago ventisque sequatur,
Seu Cererem plena vincentem credita messe
Aut repetat Bacchum per pinguia musta fluentem,
Hac in parte dies atque hac momenta dabuntur,
Si bene convenient stellæ per signa sequentes;
Quarum ego posterius vires in utrumque valentis
Ordine sub serto reddam, cum pandere earum
Incipiam effectus. nunc, ne permixta legentem
Confundant, nudis satis est insistere membris.

 

Le premier sort a été attribué à la fortune ; les astronomes l’ont ainsi nommé, parce qu’il renferme tout ce qui peut contribuer à établir et a soutenir une maison, le nombre d’esclaves et les terres que l’on possédera à la campagne, les palais, les grands édifices que l’on fera construire, pourvu cependant que les étoiles errantes de la voûte céleste favorisent le pronostic. Le sort suivant est celui de la milice; dans cette seule classe ou comprend tout ce qui concerne l’art militaire, et tout ce qui doit arriver à ceux qui séjournent dans des villes étrangères. La troisième classe roule sur les occupations civiles; c’est une autre espèce de milice : tous les actes entre citoyens y ressortissent; elle renferme les liens dépendant de la bonne foi, elle forme les amitiés, elle engage à rendre des services trop souvent méconnus, elle fait envisager les précieux avantages d’un caractère doux et complaisant; mais il faut que le ciel en favorise l’activité par un concours heureux de planètes. La nature a placé au quatrième rang tout ce qui concerne les jugements et tout ce qui a rapport au barreau: l’avocat, qui fait valoir le talent de la parole; le plaideur, qui fonde ses espérances sur l’éloquence de son défenseur; le jurisconsulte, qui de la tribune développe au peuple les lois établies; qui, après avoir examiné les pièces d’un procès, en annonce l’issue d’un seul de ses regards; qui, dans ses décisions, ne se propose que le triomphe de la vérité. En un mot, tout don de la parole qui se rattache à l’exécution des lois doit être rapporté à cette seule classe, et en éprouvera les influences, mais suivant ce qu’en décideront les astres qui domineront alors. La cinquième classe, appropriée au mariage, comprend aussi ceux qui sont unis par les liens de la société et de l’hospitalité, ou par les nœuds d’une tendre amitié. De la sixième classe dépendent les richesses et leur conservation : nous y apprenons, d’un côté, quelle sera la quantité des biens dont nous jouirons ; de l’autre, combien de temps nous les posséderons; tout cela étant toujours subordonné à l’action des astres et à leur position dans les temples célestes. Le septième sort est effrayant par les périls extrêmes dont il nous menace, si les positions défavorables des planètes concourent à nous les faire essuyer. La huitième classe, celle de la noblesse, nous donne les dignités, les honneurs, la réputation, une haute naissance, et le magnifique éclat de la faveur. La neuvième place est assignée au sort incertain des enfants, aux inquiétudes paternelles, et généralement à tous les soins qu’on se donne pour les élever. La classe suivante comprend la conduite de la vie; nous y puisons nos mœurs, nous y apprenons quels exemples nous devons à notre famille, et dans quel ordre nos esclaves doivent s’acquitter auprès de nous des emplois qui leur sont confiés. Le onzième sort est le plus important de tous; c’est par lui que nous conservons notre vie et nos forces : il préside à la santé; les maladies nous épargnent et nous accablent, suivant l’impression que les astres communiquent au monde. C’est ce sort qu’il faut consulter sur le choix des remèdes et sur le temps d’en faire usage; c’est quand il est favorable que les sucs salutaires des plantes doivent le plus sûrement nous rappeler à la vie. La succession des sorts se termine enfin par celui qui nous fait obtenir l’objet de nos vœux il renferme tout ce qui peut contribuer au succès de nos résolutions, et des démarches que l’on fait tant pour soi que pour les siens, soit que, pour réussir, il faille employer les assiduités, recourir même à toute sorte de flatteries; soit qu’on doive tenter, devant les tribunaux, le hasard d’un procès épineux; soit que, porté sur l’aile des vents, on poursuive sur les flots la fortune; soit qu’on désire que la semence confiée à Cérès devienne une riche moisson, et que Bacchus fasse couler de nos cuves des ruisseaux abondants d’un vin délicieux: cette classe nous fera connaître les jours et les instants les plus favorables, à la condition, toujours nécessaire, d’une position heureuse des planètes dans les signes célestes. J’expliquerai plus tard, dans un ordre convenable, les influences bonnes et mauvaises de ces étoiles errantes, lorsque je traiterai de leur efficacité maintenant je considère les objets comme isolés : c’est, je pense, le seul moyen d’éviter la confusion

 

160 Et, quoniam certo digestos orbe Labores
Nominaque in numerum viresque exegimus omnis
(
Athla vocant Graii, quæ cuncta negotia rerum
In genera et partes bis sex divisa cœrcent),
Nunc, quibus accedant signis quandoque, canendum est.
Perpetuas neque enim sedes eademve per omnis
Sidera nascentis retinent, sed tempore mutant,
Nunc huc nunc illuc signorum mota per orbem,
Incolumis tamen ut maneat qui conditus ordo est.
Ergo age, ne falsa variet genitura figura,
170 Si sua quemque voles revocare ad signa laborem,
Fortunæ conquire locum per sidera cuncta :
Qui tibi cum fuerit certa ratione repertus,
Cetera prædicto subeuntibus ordine signis
Conjunges, teneant proprias ut singula sedes.
Et, ne forte vagus fortunæ quærere sedem
Incipias,
duplici certam ratione capesse.
Cum tibi, nascentis percepto tempore, forma
Constiterit cæli, stellis ad signa locatis,
Transverso Phœbus si cardine celsior ibit,
180 Qui tenet exortum vel qui demergit in undas,
Per tempus licet affirmes natum esse diei.
At, si subjectis senis fulgebit in astris
Inferior dextra lævaque tenentibus orbem
Cardinibus, noctis fuerit per tempora natus.
Hæc tibi cum fuerint certo discrimine nota,
Tunc, si forte dies nascentem exceperit alma,
A sole ad lunam numerabis in ordine partes
Signorum, ortivo totidem de cardine duces,
Quem bene partitis memorant horoscopon astris.
190 In quodcumque igitur numerus pervenerit astrum
Hoc da fortunæ: junges tum cetera signis
Athla suis, certo subeuntibus ordine cunctis.
At, cum obducta nigris nox orbem texerit alis,
Siquis erit qui tum materna excesserit alvo,
Verte vias, sicut naturæ vertitur ordo.
Consule tum Phœben imitantem lumina fratris
Semper et in proprio regnantem tempore noctis;
Quotque ab ea Phœbus partes et signa recedit
Tot numerare jubet fulgens horoscopos a se.
200 Hunc fortuna locum teneat subeuntibus athlis,
Ordine naturæ sicut sunt cuncta locata.

J’ai donc expliqué dans mes vers les noms et les vertus de tous ces sorts, rangés dans un ordre constant et immuable (les Grecs les nomment athla, parce qu’ils renferment tous les événements de la vie humaine, répartis en douze classes) : il me reste à déterminer comment et en quel temps ils se combinent avec les douze signes. En effet, ils n’ont point de place fixe dans le ciel; ils n’occupent pas les mémos lieux à la naissance de chaque enfant : chacun d’eux, sujet à des déplacements continuels, répond tantôt à un signe, tantôt à un autre, de manière cependant que l’ordre originairement établi entre eux demeure invariable. Si donc vous voulez ne vous pas tromper dans la figure d’une nativité, sur laquelle vous avez à placer chaque sort au signe qui lui convient, cherchez d’abord le lieu que la fortune doit occuper dans le ciel. Dès que ce sort sera convenablement placé, vous attribuerez par ordre les autres sorts aux signes suivants, et tous occuperont alors les lieux qui leur appartiennent. Mais, pour ne pas errer comme à l’aventure dans la détermination du lieu de la fortune, voici deux moyens certains de la distinguer. Connaissez bien l’instant de la naissance de l’enfant, et l’état du ciel à cet instant, et placez les planètes aux degrés des signes qu’elles occupaient. Si le soleil est plus élevé que le cercle cardinal de l’orient et que celui qui plonge les astres sous les eaux, prononcez infailliblement que l’enfant est né pendant le jour. Mais si le soleil, plus bas que les deux cercles qui soutiennent le ciel à droite et à gauche, est dans un des six signes abaissés sous l’horizon, la naissance aura eu lieu durant la nuit. Cette distinction faite avec toute la précision possible, si c’est le jour qui a reçu l’enfant au sortir du sein maternel, comptez combien il se trouve de degrés depuis le soleil jusqu’à la lune, en suivant l’ordre des signes; portez ces degrés dans le même ordre sur le cercle des signes, en partant du cercle de l’orient, que, dans l’exacte division du ciel, nous nommons horoscope : le point du cercle des signes où le nombre s’arrêtera sera le lieu de la fortune. Vous attribuerez consécutivement les autres sorts aux autres signes, en suivant toujours l’ordre de ceux-ci. Mais si la nuit couvrait la terre de ses sombres ailes au moment où l’enfant quitta le sein de sa mère, changez de marche, puisque la nature a changé de face. Consultez alors la lune; elle imite l’éclat de son frère, et la nuit est spécialement soumise à son empire: autant il y a de signes et de degrés entre elle et le soleil, autant il en faut compter en deçà du brillant horoscope, jusqu’au lieu que doit occuper la fortune : les autres sorts seront successivement placés dans l’ordre établi par la nature pour la suite des signes célestes.

 

Forsitan et quæras, agili rem corde notandam,
Qua ratione queas, natalis tempore, nati
Exprimere immerso surgentem horoscopon orbe.
Quod nisi subtili visum ratione tenetur,
Fundamenta ruunt artis nec consonat ordo;
Cardinibus quoniam falsis, qui cuncta gubernant,
Mentitur faciem mundus nec constat origo
Flexaque momento variantur sidera templi.
210 Sed, quanta effectu, res est tam plena laboris
Cursibus æternis mundum per signa volantem,
Ut totum lustret curuatis arcubus orbem,
Exprimere et vultus ejus componere certos
Ac tantæ molis minimum deprendere punctum:
Quæ pars exortum vel quæ fastigia mundi
Aut terat occasus aut imo sederit orbe.

Vous me ferez peut-être une question qui mérite une attention sérieuse. Comment, à l’instant d’une naissance, déterminera-t-on le point qui, se levant alors, doit être reconnu pour horoscope? Si ce point n’est pas donné avec la plus grande précision, les fondements de notre science s’écroulent, l’ordre établi dans le ciel devient inutile. Tout, en effet, dépend des cercles cardinaux: s’ils sont mal déterminés, vous donnez au ciel une disposition qu’il n’a pas; le point d’où il faut tout compter devient incertain, et ce déplacement en occasionne un dans tous les signes célestes. Mais l’opération nécessaire pour éviter 1’erreur est aussi difficile qu’elle est importante, puisqu’il s’agit de représenter le ciel sans cesse emporté par un mouvement circulaire, et parcourant sans interruption tous les signes; de s’assurer qu’on en a saisi la disposition actuelle, de déterminer dans cette vaste étendue la position d’un point indivisible, de reconnaître avec certitude les parties qui sont à l’orient, au sommet de la voûte céleste, à l’occident; celle enfin qui est descendue au plus bas du ciel.

 

Nec me vulgatæ rationis præterit ordo,
Quæ binas tribuit signis surgentibus horas
Et paribus spatiis æqualia digerit astra,
220 Ut parte ex illa, qua Phœbi cœperit orbis,
Discedat numerus summamque accommodet astris,
Donec perveniat nascentis tempus ad ipsum,
Atque, ubi substiterit,
signum dicatur oriri.
Sed jacet obliquo signorum circulus orbe,
Atque alia inflexis oriuntur sidera membris,
Ast illis magis est rectus surgentibus ordo,
Ut propius nodis aliquod vel longius astrum est.
Vix finit luces cancer, vix bruma reducit,
Quam brevis ille jacet, tam longus circulus hic est;
230 Libra ariesque parem reddunt noctemque diemque.
Sic media extremis pugnant extremaque summis.
Nec nocturna minus variant quam tempora lucis,
Sed tantum aduersis idem stat mensibus ordo.
In tam dissimili spatio variisque dierum
Umbrarumque modis quis credere possit in auras
Omnia signa pari mundi sub lege meare?
Adde quod incerta est horæ mensura neque ullam
Altera par sequitur, sed, sicut summa dierum
Vertitur, et partes surgunt rursusque recedunt;
240 Cum tamen, in quocumque dies deducitur astro,
Sex habeat supra terras, sex signa sub illis.
Quo fit ut in binas non possint omnia nasci,
Cum spatium non sit sibi par pugnantibus horis,
Si modo bis senæ servantur luce sub omni,
Quem numerum debet ratio sed non capit usus.

La méthode ordinaire ne m’est point inconnue: on compte deux heures pour la durée du lever de chaque signe; comme ils sont tous égaux, on suppose qu’ils emploient des temps égaux monter au-dessus de l’horizon. On compte donc les heures écoutées depuis le lever du soleil, et l’on distribue ces heures sur le cercle des sigues célestes, jusqu’ ce qu’on soit parvenu au moment de la naissance de l’enfant: le point où la somme sera épuisée sera celui qui se lève en ce même moment. Mais le cercle des signes est oblique relativement au mouvement du ciel; d’où il arrive que quelques signes se lèvent très obliquement, tandis que l’ascension des autres est beaucoup plus droite: cette différence dépend de ce que les uns sont plus voisins, les autres plus éloignés de nous. A peine l’écrevisse permet-elle que le jour finisse, à peine l’hiver souffre-t-il qu’il commence : ici le cercle diurne du soleil est aussi court qu’il est long en été : la balance et le bélier nous donnent des jours égaux aux nuits. On voit donc une opposition entre les signes extrêmes et ceux du milieu, entre les plus élevés et ceux qui le sont moins; et la durée de la nuit ne varie pas moins que celle du jour: on remarque seulement que la différence de l’un et de l’autre est la même dans les mois opposés. Pour peu qu’on réfléchisse sur ces variations, sur ces inégalités des jours et des nuits, est-il possible de se persuader que les signes célestes emploient tous le même temps à monter sur l’horizon? Ajoutez à cela que la durée des heures n’est pas la même; celle qui suit est plus ou moins longue que celle qui a précédé puisque les jours sont inégaux, leurs parties doivent être sujettes à la même inégalité, tantôt croître et tantôt décroître. Cependant, quelle que puisse être à chaque instant la disposition du ciel, six signes sont constamment au-dessus de l’horizon, six sont au-dessous. Cela ne peut se concilier avec l’attribution de deux heures au lever de chaque signe, ces heures étant dans leur durée si différentes les unes des autres, et douze d’entre elles formant constamment un jour. Cette correspondance des heures avec les signes parait d’abord raisonnable : veut-on en faire l’application, on en découvre l’insuffisance.

 

Nec tibi constabunt aliter vestigia veri,
Ni, lucem noctemque paris dimensus in horas,
In quantum vario pateant sub tempore noris,
Regulaque exacta primum formetur in hora
250 Quæ segnemque diem perpendat et umbras.
Hæc erit, in libra cum lucem vincere noctes
Incipiunt vel cum medio concedere vere.
Tunc etenim solum bis senas tempora in horas
Æqua patent, medio quod currit Phœbus Olympo.
Is cum per gelidas hiemes summotus in austros
Fulget in octava capricorni parte biformis,
Tunc angusta dies vernalis fertur in horas
Dimidiam atque novem, sed nox oblita diei
Bis septem apposita, numerus ne claudicet, hora
260 Dimidia. Sic in duodenas exit utrimque
Et redit in solidum natura condita summa.
Inde cadunt noctes surguntque in tempora luces,
Donec ad ardentis pugnarunt sidera cancri;
Atque ibi conversis vicibus mutantur in horas
Brumalis, noctemque dies lucemque tenebræ
Hibernam referunt, alternaque tempora vincunt.
Nunc huc nunc illuc gradibus per sidera certis
Impulsæ: quarum ratio manifesta per artem
Collecta est venietque suo per carmina textu.
270 Atque hæc est illas demum mensura per oras
Quas rigat æstivis gravidus torrentibus amnis
Nilus et erumpens imitatur sidera mundi
Per septem fauces atque ora fugantia pontum.

Vous ne parviendrez jamais à suivre les traces de la vérité, si, après avoir divisé le jour et le nuit en heures égales, vous ne déterminez la durée de ces heures dans les différentes saisons, et si, pour cet effet, vous ne choisissez des heures régulièrement égales, qui puissent servir comme de module pour mesurer et les plus longs jours et les plus courtes nuits. C’est ce qu’on trouve pour la balance, lorsque les nuits commencent à surpasser les jours, ou lorsqu’au cœur du printemps la durée du jour commence à dépasser celle de la nuit. C’est alors seulement que le jour et la nuit, égaux entre eux, contiennent chacun douze heures égales, le soleil parcourant le milieu du ciel. Lorsque cet astre, repoussé dans les signes méridionaux par les glaces de l’hiver, brille dans le huitième degré du capricorne à double forme, le jour, ayant alors la plus courte durée qu’il puisse avoir, ne contient que neuf heures équinoxiales et demie; et la nuit, qui semble oublier qu’elle nous redoit le jour, outre quatorze heures pareilles, contient encore une demi-heure, pour compléter le nombre de vingt-quatre. Ainsi les douze heures qu’on a coutume de compter se trouvent compensées de part et d’autre, et l’on retrouve au total la somme que la nature a prescrite pour la durée d’un jour entier. Les nuits diminuent ensuite et les jours croissent, jusqu’à ce qu’ils subissent une inégalité semblable au signe de la brûlante écrevisse : alors les heures sont les mêmes qu’en hiver, mais en sens contraire; celles du jour égalent en durée celles des nuits d’hiver, et les nuits ne sont pas plus longues que ne l’étaient alors les jours; et cette supériorité alternative dépend des divers lieux que le soleil occupe dans le cercle des signes. La science des astres nous fournit des preuves démonstratives de cette doctrine; je les exposerai dans la suite de cet ouvrage. Telle est donc la mesure des jours et des nuits dans les contrées que le Nil arrose, après avoir été grossi par les torrents dont il reçoit en été les eaux : ce fleuve imite les astres du ciel, en se dégorgeant par sept embouchures dans la mer, dont il fait refluer les flots.

 

Nunc age, quot stadiis et quanto tempore surgant
Sidera, quotque cadant, animo cognosce sagaci,
Ne magna in brevibus lateant compendia dictis.
Nobile lanigeri sidus, quod cuncta sequuntur,
Dena quater stadia exoriens duplicataque ducit
Cum cadit, atque horam surgens ejusque trientem
280 Occupat, occiduus geminat. Tum cetera signa
Octonis crescunt stadiis orientia in orbem
Et totidem amittunt gelidas vergentia in umbras.
Hora novo crescit per singula signa quadrante
Tertiaque e quinta pars parte inducitur ejus.
Hæc sunt
ad libræ sidus surgentibus astris
Incrementa: pari momento damna trahuntur
Cum subeunt orbem. rursusque a sidere libræ
Ordine mutato paribus per tempora uersa
Momentis redeunt. nam, per quot creuerat astrum
290 Lanigeri stadia aut horas, tot libra recedit;
Occiduusque aries spatium tempusque cadendi
Quod tenet, in tantum chelæ consurgere perstant.
Excipiunt vicibus se signa sequentia versis.
Hæc ubi constiterint vigilanti condita mente
Jam facile est tibi, quod quandoque horoscopet astrum,
Noscere, cum liceat certis surgentia signa
Ducere temporibus propriasque ascribere in horas,
Partibus ut ratio signo ducatur ab illo,
In quo Phœbus erit, quarum mihi reddita summa est.

Je vais maintenant expliquer combien chaque signe a de stades,[3] et combien il emploie du temps à se lever ou à se coucher. Le sujet est intéressant, et je serai, concis; prêtez-moi une sérieuse attention, si vous ne voulez pas que la vérité vous échappe. Le noble signe du bélier, qui précède tous les antres, s’approprie quarante stades à son lever, le double de ce nombre à son coucher son lever dure une heure et un tiers; la durée de son coucher est une fois plus longue. Chacun des signes suivants a pour son lever huit stades de plus que celui qui le précède; il en perd huit, lorsqu’il descend sous les ombres glacées de la nuit. Le temps du lever doit être, à chaque signe, augmenté d’un quart d’heure, et de la quinzième partie de ce quart d’heure. Tels sont les accroissements qui ont lieu pour le lever des signes jusqu’à celui de la balance les diminutions sur la durée des couchers suivent la même progression. Quant aux signes qui suivent la balance, il faut renverser l’ordre : les variations sont les mêmes, mais suivant une marche opposée. Autant nous avons compté d’heures et de stades pour que le bélier montât sur l’horizon, autant la balance en emploiera pour descendre au-dessous; et l’espace ou le temps que le bélier met à se coucher est précisément celui qu’il faut attribuer au lever de la balance. Les cinq signes suivants se règlent sur la même marche. Lorsque vous vous serez bien pénétré de ces principes, il vous sera facile de déterminer à chaque instant le point de l’horoscope, puisqu’alors vous connaîtrez le temps qu’il faut attribuer à la durée du lever de chaque signe, et la quantité de signes et de parties de signes qui répond à l’heure proposée, en commençant à compter depuis le degré du signe où est alors le soleil, ainsi que je l’ai expliqué plus haut.

 

300 Sed neque per terras omnis mensura dierum
Umbrarumque eadem est, simili nec tempora summa
Mutantur: modus est varius ratione sub una.
Nam, qua Phrixæi ducuntur vellera signi
Chelarumque fides justæque examina libræ,
Omnia consurgunt
binas ibi signa per horas,
Quod medius recto præciditur ordine mundus
Æqualisque super transversum vertitur axem.
Illic perpetua junguntur pace diebus
Obscuræ noctes; æquo stat fœdere tempus;
310 Omnibus autumnus signis, ver omnibus unum,
Una quod æquali lustratur linea Phœbo.
Nec refert illic quo sol decurrat in astro,
Litoreumne coquat cancrum contrane feratur,
Quod, quamquam per tris signorum circulus arcus
Obliquus jaceat, recto tamen ordine zonæ
Consurgunt supra caput in terrasque feruntur
Et paribus spatiis per singula lustra resurgunt,
Ac bene diviso mundus latet orbe patetque.
At, simul ex illa terrarum parte recedas,
320 Quidquid ad extremos temet provexerit axes
Per convexa gradus gressum fastigia terræ,
Quam tereti natura solo decircinat orbem
In tumidum et mediam mundo suspendit ab omni:
Ergo ubi conscendes orbem scandensque rotundum
Degrediere simul, fugiet pars altera terræ,
Altera reddetur. sed, quantum inflexeris orbem,
Tantum inclinabit cæli positura uolantis,
Et modo quæ fuerant surgentia limite recto
Sidera curuato ducentur in æthera tractu,
330 Atque erit obliquo signorum balteus orbe
Qui transversus erat, statio quando illius una est,
Nostræ mutantur sedes. Ergo ipsa moueri
Tempora jam ratio cogit variosque referre
Sub tali regione dies, cum sidera flexo
Ordine conficiant cursus obliqua malignos,
Longius atque aliis aliud propiusve recumbat.
Pro spatio mora magna datur: quæ proxima nobis
Consurgunt, longos cæli visuntur in orbes;
Ultima quæ fulgent, celeris merguntur in umbras.
340 Et, quanto ad gelidas propius quis venerit Arctos,
Tam magis effugiunt oculos brumalia signa,
Vixque ortis occasus erit. Si longius inde
Procedat, totis condentur singula membris
Tricenasque trahent conexo tempore noctes
Et totidem luces adiment. Sic parva diei
Efficitur mora et attritis consumitur horis
Paulatimque perit, spatio fugientibus astris.
Pluraque, per partes surrepto tempore, signa
Quærentur medio terræ celata tumore
350 Abducentque simul Phœbum texentque tenebras,
Mensibus ereptis donec sit debilis annus.
Si vero natura sinat sub vertice cæli,
Quem gelidus rigidis fulcit compagibus axis,
Æternas super ire nives orbemque rigentem
Prona Lycaoniæ spectantem membra puellæ,
Stantis erit cæli species, laterumque meatu
Turbinis in morem recta vertigine curret.
Inde tibi obliquo sex tantum signa patebunt
Circuitu, nullos umquam fugientia visus
360 Sed teretem acclini mundum comitantia spira.
Hic erit una dies per senos undique menses
Dimidiumque trahens contextis lucibus annum,
Numquam erit occiduus quod tanto tempore Phœbus,
Dum bis terna suis perlustrat cursibus astra,
Sed circum volitans recto versabitur orbe.
At, simul e medio præceps descenderit orbe
Inferiora petens dejecto sidera curru
Et dabit in pronum laxas effusus habenas,
Per totidem menses iunget nox una tenebras
370 Vertice sub cæli. Nam quisquis spectat ab axe,
Dimidium e toto mundi videt orbe rotundi,
Pars latet inferior;
neque enim circumvenit illum
Recta acies, mediaque tenus distenditur alvo.
Effugit ergo oculos summo spectantis ab orbe
Dum sex summersis vectatur Phœbus in astris,
Abducitque simul luces tenebrasque relinquit
Sideribus, donec totidem, quot mensibus actis
Cesserat, inde redit geminasque ascendit ad arctos;
Hic locus in binas annum noctesque diesque
380 Per duo partitæ dirimit divortia terræ.

Mais de plus la longueur des jours et des nuits n’est point partout la même; la variation des temps est sujette à différentes lois; l’état du ciel est le même, et la durée des jours est fort inégale. Dans les contrées situées sous la toison du bélier de Phryxus, ou sous les serres du scorpion et les bassins uniformes de la balance, chaque signe emploie constamment deux heures à se lever, parce que toutes les parties du cercle des signes se meuvent dans une direction perpendiculaire à l’horizon, et qu’elles roulent uniformément sur l’axe du monde. Là les jours et les sombres nuits sont toujours dans un parfait accord; l’égalité des temps n’est jamais troublée. Sous tous les signes on a l’automne, sous tous les signes on jouit du printemps, parce que Phébus y parcourt d’un pas égal une même carrière. Dans quelque signe qu’il se trouve, qu’il brûle l’écrevisse de ses feux, ou qu’il soit dans le signe opposé, il n’en résulte aucune variation. Le cercle des signes s’étend obliquement, si est vrai, sur les trois cercles du milieu du ciel,[4] mais toutes ses parties s’élèvent dans des directions uniformes et parallèles, et conservent ces directions tant au-dessus qu’au-dessous de l’horizon; les intervalles de temps entre leurs levers respectifs sont proportionnels à leurs distances réciproques ; et le ciel, exactement divisé, montre et cache uniformément toutes les parties qui le composent. Mais écartez-vous de cette partie de la terre, et, portant vos pas vers l’un des pôles, avancez sur la convexité de notre globe, auquel la nature a donné dans tous les sens une figure sphérique, et qu’elle a suspendu au centre du monde: à chaque pas que vous ferez en gravissant cette circonférence, montant toujours et descendant en même temps, une partie de la terre se dérobera, une autre s’offrira à votre vue : or cette inclinaison, cette pente de notre globe influera sur la position du ciel, qui s’inclinera pareillement ; les signes qui montaient directement sur l’horizon s’y élèveront obliquement : cc cercle qui les porte, et qui, semblable à un baudrier, entourait également le ciel des deux côtés, prendra une forme moins régulière en apparence. La position en est cependant toujours la même; c’est nous qui avons changé de place. Il doit résulter de là une variation sensible dans les temps, et l’égalité des jours ne peut plus subsister, puisque les signes plus ou moins inclinés suivent maintenant des routes obliques à l’horizon, puisque ces routes sont les unes plus voisines, les autres plus éloignées de nous. La durée de la présence des signes sur l’horizon est proportionnée à leur distance : les plus voisins de nous décrivent de plus grands arcs visibles; les plus éloignés sont plus tôt plongés dans les ombres de la nuit. Plus on approchera des ourses glacées, plus les signes d’hiver se déroberont à la vue, levés à peine, ils descendront déjà sous l’horizon. Si l’on avance plus loin, des signes entiers disparaîtront; et chacun amènera trente nuits consécutives, qui ne seront interrompues par aucun jour. Ainsi la durée des jours décroit peu à peu; ils sont enfin anéantis par la destruction des heures qui les composaient. Les signes lumineux disparaissent par degrés; le temps pendant lequel ils étaient visibles se dérobant par parties, ils descendent successivement sous la convexité de la terre; on les chercherait en vain sur l’horizon. Phébus disparait avec eux, les ténèbres prennent plus de consistance, jusqu’à ce moment où l’année devient défectueuse par la suppression de plusieurs mois. Si la nature permet à l’homme d’habiter sous le pôle, sous ce sommet du monde, que l’axe glacé soutient et unit par des liens inflexibles, au milieu de neiges éternelles, dans ce climat rigoureux, voisin de la fille de Lycaon, changée en ourse, le ciel lui paraîtra se tenir debout; sa circonférence sera emportée, comme celle de la toupie, par un tournoiement continuel: six signes formant un demi-cercle obliquement placé seront perpétuellement sur l’horizon, sous pouvoir jamais cesser d’être visibles; tous leurs points traceront dans le ciel des cercles parallèles à l’horizon. Un seul jour, égal en durée à six mois, répandra pendant la moitié de l’année une lumière non interrompue, parce que le soleil ne se couchera pas tant que son char parcourra les six signes élevés: il paraîtra comme voltiger sans cesse autour de l’axe du monde. Mais dès qu’il commencera à descendre de l’équateur vers les six signes abaissés sous l’horizon, et qu’il promènera ses coursiers dans la partie la moins élevée du cercle des signes, une seule nuit prolongera les ténèbres de ceux qui habitent sous le pôle durant un égal nombre de mois. Car quiconque est placé dans l’axe d’une sphère ne peut jamais voir que la moitié de cette sphère; la partie inférieure lui est nécessairement cachée, parce que ses rayons visuels ne peuvent comprendre toute la sphère, divisée par son renflement même en deux hémisphères. De même, lorsque le soleil se promène dans les six signes inférieurs, il n’est pas possible de le voir si l’un est sous le pôle, jusqu’à ce qu’ayant parcouru ces six signes pendant autant de mois, il revienne au point d’où il était parti, remonte vers les ourses, ramène la lumière, et chasse devant lui les ténèbres. Un seul jour, une seule nuit, séparés par la distinction des deux hémisphères, forment en ce lieu la division de toute l’année.

 

Et, quoniam quanto varientur tempora motu
Et quibus e causis dictum est, nunc accipe, signa
Quot surgant in quoque loco cedantque per horas,
Partibus ut prendi possint orientia certis,
Ne falsus dubia ratione horoscopos erret.
Atque hoc in totum certa sub lege sequendum est,
Singula quod nequeunt, per tot distantia motus,
Temporibus numerisque suis exacta referri.
A me sumat iter positum, sibi quisque sequatur
390 Perque suos tendat gressus; mihi debeat artem.
Quacumque hoc parti terrarum quisque requiret,
Deducat proprias noctemque diemque per horas
Maxima sub cancro minimis quæ cingitur umbris;
Et sextam summæ, fuerit quæ forte, diurnæ
Vicino tribuat post cancri templa leoni;
At quæ nocturnis fuerit mensura tenebris
In totidem partes simili ratione secanda est,
Ut, quantum una ferat, tantum tribuatur ad ortus
Temporis averso nascenti sidere tauro.
400 Has inter quasque accipiet Nemeæus in ortus,
Quod discrimen erit, per tris id divide partes,
Tertia ut accedat geminis, qua tempora tauro
Vinciat, atque eadem cancro similisque leoni.
Sic erit ad summam ratio perducta priorem
Quam modo divisis Nemeæus duxerit horis.
Inde pari virgo procedat temporis auctu:
Sed certa sub lege, prioris semper ut astri
Incolumem servent summam crescantque novando.
Hic
usque ad chelas horarum partibus aucta
410 Per totidem e libra decrescent sidera partes.
Et, quantis in utrumque moris tollentur ad ortus,
Diversam in sortem tantis mergentur ad umbras.
Hæc erit horarum ratio ducenda per orbem ;
Sidera ut in stadiis oriantur quæque, cadantque.
Quæ septingenta in numeris vicenaque cum sint;
Detrahitur summæ tota pars, quotam ademit utrimque
Omnibus ex horis æstivæ nomine noctis,
Solstitium summo peragit cum Phœbus Olympo.
Quodque his exsuperat demptis id didito in æquas
420 Sex partes, sextamque ardenti trade leoni.
Rursus qui steterit numerus sub nomine noctis
Eius erit signo tauri pars illa dicanda.
Quodque, hæc, exsuperat, pars cum superatur ab illa,
Distinguitque duas medio discrimine summas,
Tertia pars ejus, numero super addita tauri,
Traditur et geminis. simili tum cetera lucro
Procedunt numeros semper tutata priores
Augebuntque novo vicinas munere summas,
Donec perveniant ad justæ sidera libræ:
430 Ex illa totidem per partes sic breviantur
Lanigeri ad fines; conversaque omnia lege
Accipiunt perduntque paris cedentia sortes.
Hæc via monstrabit stadiorum ponere summas
Et numerare suos ortus per sidera cuncta.
Quod bene cum propriis simul acceptaveris horis,
In nulla fallet regione horoscopos umquam,
Cum poterunt certis numerari singula signa
Temporibus parte ex illa quam Phœbus habebit.

Nous avons démontré que les jours et les nuits ne sont point égaux partout; nous avons exposé les degrés et les causes de ces inégalités : il nous reste à exposer les moyens de déterminer, pour quelque contrée que ce soit, le nombre d’heures que chaque signe emploie à se lever ou à se coucher, afin qu’on connaisse l’heure précise à laquelle chaque degré de ces signes est au point de l’orient, et que le doute ne nous conduise point à déterminer faussement l’horoscope. Voici une loi générale à laquelle on peut s’arrêter: car d’assigner des nombres exacts, des temps précis pour chaque lieu, c’est ce que la trop grande différence d’obliquité des mouvements célestes ne peut permettre. Je propose la loi; chacun suivra la route que je vais tracer, fera lui-même l’application, mais me sera redevable de la méthode. En quelque lieu de la terre qu’on se propose de résoudre ce problème, il faut d’abord déterminer le nombre d’heures égales comprises dans la durée du plus long jour et de la plus courte nuit de l’été. La sixième partie du nombre d’heures que contient le plus long jour doit être attribuée au lion, qui se présente au sortir du temple de l’écrevisse. Partagez de même en six la durée de la plus courte nuit, et assignez une de ces parties au temps que le taureau emploie à s’élever à reculons au-dessus de l’horizon. Prenez ensuite la différence entre la durée du lever du taureau, et celle qui aura été assignée au lever du lion de Némée, et partagez-la en trois. A la première de ces deux durées ajoutez successivement un tiers de la différence, et vous aurez d’abord la durée du lever des gémeaux, puis celle de l’écrevisse, enfin celle du lion, qui se trouvera la même que celle qu’on avait obtenue d’abord, en prenant la sixième partie du plus long jour. L’addition consécutive du même tiers donnera la durée du lever de la vierge: Mais il faut remarquer que cette addition doit toujours être faite à la durée entière du lever du signe qui précède immédiatement, de manière que les durées aillent toujours en croissant. Cet accroissement ayant eu lieu jusqu’à la balance, les durées décroîtront ensuite dans la même proportion. Or, autant chaque signe met de temps à monter au-dessus de l’horizon, autant le signe qui loi est diamétralement opposé en doit employer pour se plonger entièrement dans l’ombre. Cette méthode générale du calcul des heures doit aussi s’appliquer à celui des stades que chaque signe parcourt en se levant et en se couchant. Les stades sont au nombre de sept cent vingt. Otez de cette somme une partie proportionnelle à celle que le soleil a réservée sur vingt-quatre heures, pour en former la nuit d’été, lorsqu’an plus haut du ciel il détermine le solstice. Ce qui reste après la soustraction étant divisé en six parties égales, attribuez une de ces parties au signe brûlant du lion ; la sixième partie de ce qui a été retranché, comme répondant à la plus courte nuit, sera donnée au taureau. Le nombre de stades dont le lever du lion surpasse celui du taureau, ou la différence du nombre des stades attribués à ces deux signes, doit être partagée en trois tiers, dont un sers ajouté au nombre du taureau, pour avoir celui des gémeaux. Une pareille augmentation, toujours faite au nombre complet des stades d’un signe, donnera les stades des signes immédiatement suivants, jusqu’à ce qu’on soit parvenu au point équinoxial de la balance. Il faut alors diminuer dans la même proportion le nombre des stades, jusqu’à ce qu’on ait atteint le bélier. Les accroissements et les diminutions de la durée du coucher de tous les signes sont les mêmes, mais dans un ordre inverse du précédent. Par cette méthode on connaîtra le nombre des stades de chaque signe, et le temps que chacun emploie à se lever. Combinant tout cela avec l’heure courante, on n’aura aucune erreur à craindre dans la détermination du point de l’horoscope, puisqu’on pourra attribuer à chaque signe le temps qui lui convient, en commençant à compter du lieu que le soleil occupe.

 

Nunc, quibus hiberni momentis surgere menses
440 Incipiant (neque enim paribus per sidera cuncta
Procedunt gradibus, nivei dum vellera signi
Contingant æquum luces cogentia et umbras
Ferre jugum), magna est ratio breviterque docenda.
Principio capienda tibi est mensura diei
Quam minimam capricornus agit, noctisque per horas
Quam summam; quodque a justo superaverit umbris,
Et trepident luces, ejus pars tertia signo
Tradenda est medio semper, qua sorte retenta
Dimidio vincat primum,
vincatur et ipsum
450 Extremo: totum in partes ita digere tempus.
[His opibus tria signa valent; sed summa prioris
Ac medii numeri coniuncta sequentibus astris].
Sic erit, ut ternis fuerit si longior horis
Brumali nox forte die, capricornus in horam
Dimidia attollat luces, et aquarius horæ
Ipse suam proprie ducat summæque priori
Adjungat, pisces tantum sibi temporis ipsi
Constituant, quantum accipiant de sorte prioris,
Et tribus expletis horis noctemque diemque
460 Lanigero tradant æquandam tempore veris.
Incipit a sexta tempus procedere parte
Dividuum; triplicant vires hærentia signa
Ultimaque acceptas duplicant. ita summa diebus
Redditur, æquatæ soluuntur fænore noctes
Rursus et incipiunt propria de sorte diebus
Cedere diversa labentia tempora lege.
Namque aries totidem deducit noctibus horas
Quot prius abstulerant proprio sub nomine pisces,
Hora datur tauro, cumuletque ut damna priora
470 Dimidiam adjungunt gemini. Sic ultima primis
Respondent, pariterque, illis quæ proxima fulgent,
Et media æquatis censentur viribus astra.
Præcipuosque gerunt varianda ad tempora motus.
Hac vice descendunt noctes a sidere brumæ
Tollunturque dies, annique invertitur orbis,
Solstitium tardi dum fit sub sidere cancri;
Tumque diem brumæ nox æquat, tempora noctis
Longa dies, similique redit, quo creverat, actu.

Je vais maintenant expliquer d’une manière claire et concise un objet fort important, le progrès de l’accroissement des jours pendant les mois de l’hiver. Cet accroissement, en effet, n’est pas le même sous chacun des trois signes que le soleil parcourt, jusqu’à ce qu’ayant atteint la brillante toison du bélier, il réduise le jour et la nuit sous le joug de la plus parfaite égalité. Il faut d’abord déterminer la durée du jour le plus court et celle de la nuit la plus longue, telles qu’elles nous sont données par le signe du capricorne. La quantité dont la plus longue nuit excédera la nuit moyenne, ou celle dont le jour moyeu surpassera le plus court, doit être divisée en trois, et le tiers de l’excès sera attribué au second signe d’hiver, qui, s’étant approprié cet accroissement, doit excéder d’un demi-tiers le premier signe, et être surpassé lui-même d’une pareille quantité par le troisième. C’est ainsi qu’il faut distribuer l’accroissement des jours [sur les trois signes d’hiver, de manière que l’application de chaque excès à un signe suivant soit toujours faite au nombre entier du signe précédent.] Par exemple, qu’au solstice d’hiver la nuit soit trop longue de trois heures, le capricorne diminuera cet excès d’une demi-heure; le verseau, pour sa part, en retranchera une heure, outre la diminution déjà faite sous le signe précédent enfin les poissons opéreront une réduction nouvelle, égale à la somme des diminutions faites par les deux autres signes; et après, avoir anéanti l’excès des trois heures, ils remettront au bélier le soin d’ouvrir le printemps par l’égalité du jour et de la nuit. La trop longue durée de la nuit diminue donc d’abord d’une sixième partie; la diminution est double sous le second signe, triple sous le dernier. Ainsi les jours recouvrent ce qui leur manquait; les nuits leur ont restitué les heures qu’elles avaient empiétées sur eux. Après l’équinoxe, elles continuent de céder aux jours une partie de leur durée, mais en suivant une marche inverse. Le bélier diminue la durée de la nuit autant qu’elle avait été déjà diminuée par les poissons; le taureau lui enlève encore une heure, et, pour mettre le comble à tous ces échecs, les gémeaux y ajoutent encore une demi-heure. Ainsi donc entre ces six signes[5] l’action du premier est égale à celle du dernier : il faut en dire autant des deux signes qui les touchent immédiatement: enfin cette égalité d’action a pareillement lieu entre les signes du milieu, et ceux-ci contribuent plus que tous les autres à faire varier l’inégalité du jour et de la nuit. Tel est l’ordre suivant lequel les nuits décroissent et les jours augmentent après le solstice d’hiver. Mais quand le soleil atteint le signe de la lente écrevisse, tout change de face; la nuit d’été n’est pas plus longue que le jour d’hiver, et la longue durée du jour égale celle de la nuit de l’autre saison : le jour diminue ensuite, par la même loi qu’il a suivie en augmentant.

 

Illa etiam poterit nascens via ducere ad astrum
480 Quod quandoque vadis emissum
redditur orbi.
Nam quota sit lucis, si luce requiritur, hora
Aspicies, atque hunc numerum revocabis in ipsum
Multiplicans decies, adjectis insuper eidem
Quinque tamen summis, quia qualicumque sub hora
Ter quinas mundi se tollunt sidera partes.
Hic ubi constiterit numerus, conjungere et illas,
Quæ superent Phœbo partes per signa, memento.
Ex hac tricenas summa per sidera partes
Distribues, primamque vicem, quo Phœbus in astro
490 Fulserit, inde aliis, solem quæcumque sequentur.
Tum quo subsistet numerus consumptus in astro
Quave in parte suam summam nomenque relinquet
Hæc erit exoriens et pars et forma per ignes.
Continua partes. ubi summam feceris unam,
Tricenas dabis ex illa per singula signa,
Donec deficiat numerus; quaque ille sub astri
Parte cadet, credas illam cum corpore natam
Esse hominis pariterque orbem vidisse per umbras.
Sic erit ipse tibi rapidis quærendus in astris
500 Natalis mundi certoque horoscopos ortu,
Ut, cum exacta fides steterit sub cardine primo,
Fallere non possint summi fastigia cæli,
Non æri te obitus, stent fundamenta sub imo,
Omniaque in proprias vires sortesque recedant.

Voici une autre méthode pour déterminer le point du cercle des signes qui, s’élevant du sein de l’Océan, commence à reparaître sur l’horizon. Il faut d’abord déterminer l’heure du jour,[6] si la nativité est diurne, et multiplier cette heure par quinze, vu qu’à chaque heure il s’élève au-dessus de l’horizon quinze degrés du cercle des signes. Ajoutez au produit le nombre des degrés que le soleil a parcourus dans le signe où il se trouve. De la somme qui en résultera vous attribuerez trente degrés à chaque signe, en commençant par celui où est alors le soleil, et en suivant d’ailleurs l’ordre même des signes où la somme se trouvera épuisée; le degré au delà duquel il ne restera rien à compter sera le signe et le degré qui se lève actuellement. Il faut suivre le même procédé ou travers des feux de la nuit. Lorsque vous aurez déterminé comme auparavant la somme convenable, vous en distribuerez les degrés, trente par trente, sur chaque signe, jusqu’à ce qu’elle soit épuisée: le degré où la distribution finira sera celui qui vient de naître sur l’horizon avec le corps de l’enfant: l’un et l’autre ont commencé à paraître au même instant de la nuit. C’est par ces méthodes que vous pouvez déterminer entre les signes célestes la partie qui naît à tout instant donné, ou le point ascendant de l’horoscope. Connaissant ainsi avec certitude ce premier point cardinal, vous ne pourrez vous tromper ni sur celui qui occupe le faîte de la voûte céleste, ni sur celui de l’occident; et le bas du ciel, qui en est comme le fondement, sera pareillement déterminé. Vous assignerez à chaque partie les propriétés et la classe de sorts qui lui conviennent.

 

Nunc sua reddentur generatim tempora signis,
Quæ divisa etiam proprios ducuntur in annos
Et menses lucesque suas horasque dierum,
Per quæ præcipuas ostendunt singula uires.
Primus erit signi, quo sol effulserit, annus,
510 Annua quod lustrans consumit tempora mundum;
Proximus atque alii subeuntia signa sequuntur.
Luna dabit menses, peragit quod menstrua cursum.
Tutelæque suæ primas horoscopos horas
Asserit atque dies, traditque sequentibus astris.
Sic annum mensesque suos natura diesque
Atque ipsas voluit numerari signa per horas,
Omnia ut omne foret divisum tempus in astra
Perque alterna suos variaret sidera motus,
Ut cujusque vices ageret redeuntis in orbem.
520 Idcirco tanta est rerum discordia in ævo
Et subtexta malis bona sunt lacrimæque sequuntur
Vota nec inconstans servat fortuna tenorem;
Usque adeo permixta fluit nec permanet usquam,
Amisitque fidem variando cuncta per omnis.
Non annis anni nec menses mensibus usquam
Conveniunt, seque ipsa dies, aliumque requirit,
Horaque non ulli similis producitur horæ,
Tempora quod distant, propriis parentia signis,
Per numeros omnis ævi divisa volantis,
530 Talisque efficiunt vitas casusque animantum,
Qualia sunt, quorum vicibus tum vertimur, astra.

Je vais maintenant donner une idée générale du rapport qui existe entre le temps et les signes célestes. Chaque signe s’approprie des années, des mois, des jours, des heures; et c’est sur ces parties du temps qu’il exerce principalement son énergie. Le soleil, parcourant le cercle des signes, détermine l’année; donc la première année de la vie appartient au signe où est le soleil à l’instant de la naissance, la seconde année au signe suivant, et ainsi de suite, selon l’ordre naturel des signes. La lune, fournissant sa carrière en un mois, règle de même la présidence des mois. Le signe où est l’horoscope prend sous sa protection le premier jour et la première heure; il abandonne les jours et les heures suivantes aux signes qui lui succèdent. C’est la nature qui a voulu que les années, les mois, les jours, les heures même fussent ainsi distribués entre les signes, afin que tous les instants de notre vie fessent dépendants des astres, que la succession des parties de ce temps fût relative à celle des étoiles, et que ces parties acquissent par cette combinaison l’énergie de tous les signes successifs. De cet ordre naît la vicissitude étonnante des choses de ce monde, cet enchaînement de biens et de maux, cette alternative de larmes et de plaisir, cette inconstance de la fortune, qui semble ne tenir à rien, tant elle est sujette à varier, qui enfin ne se fixe nulle part les révolutions continuelles : que ses caprices nous font essuyer lui ont fait, avec raison, perdre tout crédit. Une année ne ressemble point à une année, un mois diffère d’un autre mois, le jour succède au jour et n’est jamais le même, une heure enfin n’est pas semblable à l’heure qui l’a précédée. C’est que les parties du temps qui composent la durée de cette courte vie s’approprient différents signes, aux impulsions desquels elles sont obligées d’obéir en conséquence elles nous communiquent des forces, et nous menacent d’accidents analogues aux propriétés des astres qui nous dominent successivement.

 

Sunt quibus et cæli placeat nascentis ab ortu,
Parte quod ex illa describitur hora diebus,
Omne genus rationis agi per tempora et astra
Et capite ex uno menses annosque diesque
Incipere atque horas tradique sequentibus astris;
Et, quamquam socia nascantur origine cuncta,
Diversas tamen esse vices, quod tardius illa,
Hæc citius peragant orbem. Semel omnia ad astra
540 Hora die, bis mense dies venit, unus in anno
Mensis et exactis bis sex jam solibus annus.
Difficile est in idem tempus concurrere cuncta,
Unius ut signi pariter sit mensis et annus.
[Sic erit, ut mitis qui signi duxerit annum]
Asperioris agant mensem; si mensis in astrum
Lætius inciderit, signum sit triste diei;
Si fortuna diem foveat, sit durior hora.
Idcirco nihil in totum sibi credere fas est,
Non annos signis, menses vertentibus annis,
550 Mensibus aut luces, aut omnis lucibus horas,
Quod nunc illa nimis properant, nunc illa morantur,
Et modo dest aliis, modo adest, vicibusque recedit
Aut redit atque alio mutatur tempore tempus
Interpellatum variata sorte dierum.

Comme on commence à compter les heures du jour lorsque le soleil est au cercle de l’orient, quelques astronomes ont pensé que ces supputations de temps correspondants aux signes devaient pareillement commencer par ce même cercle; que de ce seul et unique point devait partir la distribution des années, des mois, des jours et des heures, entre le signe ascendant et ceux qui le suivent. En effet, disent-ils, quoique toutes ces périodes aient une même origine, elles ne marcheront pas toujours de front; les unes s’achèvent plus promptement, les autres ont une plus longue durée un signe est rencontré deux fois en un jour par la même heure, et une fois en un mois par le même jour; un seul mois peut lui correspondre dans le cours d’une année; enfin la période des années n’est complète qu’après douze révolutions du soleil. Il est difficile que tout cela se combine de manière que l’année et le mois appartiennent au même signe. [Il arrivera de là que, l’année appartenant à un signe heureux,] le mois sera dominé par un signe fâcheux : si le mois est gouverné par un signe favorable, le jour sera présidé par un signe pernicieux; le jour ne promet que du bonheur, mais il contiendra des heures funestes. C’est ainsi qu’on ne peut trouver un rapport constant entre les signes et les années, les années et les mois, les mois et les jours, les jours et toutes les heures qui les composent. De ces parties du temps, les unes s’écoulent plus vite, les autres plus lentement. Le temps que l’on désire manque à ceux-ci, se présente à ceux-là; il arrive, il disparaît alternativement; il fait place à un autre temps Il est soumis à des variations journalières et perpétuelles.

 

Et, quoniam docui, per singula tempora, vitæ
Quod quandoque genus veniat, cujusque sit astri
Quisque annus, cujus mensis, simul hora diesque,
Altera nunc ratio, quæ summam continet ævi,
Reddenda est, quot quæque annos dare signa ferantur.
560 Quæ tibi, cum finem vitæ per sidera quæris,
Respicienda manet ratio numerisque notanda.
Bis quinos annos aries unumque triente
Fraudatum dabit. appositis tu, taure, duobus
Vincis, sed totidem geminorum uinceris astro,
Tuque bis octonos, cancer, binosque trientes,
Bisque novem, Nemeæe, dabis bessemque sub illis.
Erigone geminatque decem geminatque trientem,
Nec plures fuerint libræ quam virginis anni.
Scorpios æquabit tribuentem dona leonem.
570 Centauri fuerint eadem quæ munera cancri.
Ter quinos, capricorne, dares, si quattuor essent
Appositi menses. triplicabit aquarius annos
Quattuor et menses vitam producet in octo.
Pisces atque aries et sorte et finibus hærens:
Lustra duo tribuent solis cum mensibus octo.

Nous avons traité des différents rapports qu’on pouvait observer entre les parties du temps et les divers événements de la vie; j’ai montré à quel signe il fallait rapporter les années, les mois, les jours et les heures. L’objet qui doit maintenant nous occuper roulera sur la durée totale de la vie, et sur le nombre d’années que promet chaque signe. Faites attention à cette doctrine, et tenez un compte exact du nombre d’années attribué à chaque signe, si vous voulez déterminer par les astres quel sera le ternie de la vie. Le bélier donne dix ans, et une onzième année diminuée d’un tiers. A cette durée, taureau céleste, vous ajoutez deux ans: mais autant vous l’emportez sur le bélier, autant les gémeaux l’emportent sur vous. Quant à vous, écrevisse du ciel, vous prolongez la vie jusqu’à deux fois huit ans et deux tiers. Mais vous, lion de Némée, vous doublez le nombre neuf et vous lui ajoutez huit mois. Erigone à deux fois dix ans joint deux tiers d’année. La balance accorde à la durée de la vie autant d’années que la vierge. La libéralité du scorpion est la même que celle du lion. Le sagittaire règle la sienne sur celle de l’écrevisse. Pour vous, ô capricorne, vous donneriez trois fois cinq ans de vie, si l’on ajoutait quatre mois à ce que vous promettez. Le verseau, après avoir triplé quatre ans, ajoutera encore huit mois. Les poissons et le bélier sont voisins, leurs forces sont égales; ils procureront deux lustres et huit mois entiers de vie.

 

Nec satis est annos signorum noscere certos,
Ne lateat ratio finem quærentibus ævi:
Templa quoque et partes cæli sua munera norunt
Et proprias tribuunt certo discrimine summas,
580 Cum bene constiterit stellarum conditus ordo.
Sed mihi templorum tantum nunc iura canentur;
Mox veniet mixtura suis cum viribus omnis,
Cum bene materies steterit percognita rerum
Non interpositis turbatarum undique membris.
Si bene constiterit primo sub cardine luna,
Qua redit in terras mundus, nascensque tenebit
Exortum, octo tenor decies ducetur in annos
Si duo decedant. at, cum sub culmine summo
Consistet, tribus hic numerus fraudabitur annis.
590 Bis quadragenos occasus dives in actus
Solus erat, numero nisi desset olympias una.
Imaque tricenos bis fundamenta per annos
Censentur bis sex adjectis messibus ævo.
Quodque prius natum fuerit dextrumque trigonum
Hoc sexagenos tribuit duplicatque quaternos.
Quod fuerit lævum prælataque signa sequetur
Tricenos annos duplicat, tris insuper addit.
Quæque super signum nascens a cardine primum
Tertia sors manet et summo jam proxima cælo
600 Hæc ter vicenos geminat, tres abstrahit annos.
Quæque infra veniet spatio divisa sub æquo
Per quinquagenas complet sua munera brumas.
Quemque locum superat nascens horoscopos, ille
Dena quater revocat uertentis tempora solis
Accumulatque duos cursus juvenemque relinquit.
At qui præcedit surgentis cardinis oram
Vicenos ternosque dabit nascentibus annos
Vix degustatam rapiens sub flore iuuentam.
Quod super occasus templum est ter dena remittit
610 Annorum spatia et decimam tribus applicat auctis.
Inferius puerum interimet, bis sexque peracti
Immatura trahent natales corpora morti.

Mais, pour connaître la durée de la vie des hommes, il ne suffit pas de savoir combien d’années sont promises par chaque signe céleste : les maisons, les parties du ciel ont aussi leurs fonctions dans ce pronostic; elles ajoutent des années à la vie, avec des restrictions cependant, relatives aux lieux qu’occupent alors les étoiles errantes. Mais pour le moment je ne parlerai que de l’énergie des temples célestes; je traiterai ailleurs en détail des autres circonstances, et des effets que leurs combinaisons produisent. Lorsque l’on aura commencé par bien établir les fondements de ces opérations, l’on n’aura plus à craindre le désordre que pourrait occasionner le mélange des différentes parties qui viendraient cc croiser. Si la lune est favorablement placée dans la première maison,[7] dans cette maison cardinale qui rend le ciel à la terre, et qu’à l’heure de la naissance de l’enfant elle renaisse elle-même à l’orient, huit fois dix années, moins deux ans, constitueront la durée de la vie. Il faut retrancher trois ans de cette durée, si la lune est au haut du ciel.[8] La seule maison occidentale[9] donnerait libéralement à l’enfant nouveau-né quatre-vingts ans de vie, s’il ne manquait une olympiade[10] à ce nombre. Le bas du ciel, maison fondamentale[11] de l’univers, s’approprie deux fois trente ans, avec un surcroît de deux fois six mois. La maison qui forme l’angle le plus à droite du premier trigone[12] accorde soixante ans, augmentés de deux fois quatre; et celle qui occupe la gauche de ce même trigone,[13] et qui suit les trois temples dont il se compose, ajoute trois ans au double de trente. La maison qui se trouve à la troisième place au-dessus du cercle de l’orient,[14] et qui est contiguë au haut du ciel, retranche trois de trois fois vingt ans. Celle qui est abaissée d’autant au-dessous du même cercle[15] borne sa bienfaisance à cinquante hivers. La maison immédiatement placée sous l’horoscope[16] détermine pour la durée de la vie quatre fois dix révolutions du soleil, y ajoute deux autres révolutions, et ne permet pas d’aller au delà. Mais celle qui précède la maison cardinale de l’orient[17] accordera seulement vingt-trois ans de vie à l’enfant; il sera enlevé dans la fleur de la jeunesse, ayant à peine commencé à en goûter les douceurs. Le temple qui est au-dessus de l’occident[18] bornera la vie à dix ans, augmentés de trois années; celui qui est au dessous[19] sera funeste à l’enfant; une mort prématurée terminera ses jours après douze années de vie.

 

Sed tamen in primis memori sunt mente notanda
Partibus adversis quæ surgunt condita signa
Divisumque tenent æquo discrimine cælum;
Quæ tropica appellant, quod in illis quattuor anni
Tempora vertuntur signis nodosque resolvunt
Totumque emutant converso cardine mundum
Inducuntque novas operum rerumque figuras.

Il faut surtout graver profondément dans sa mémoire quelle est l’activité de ces signes qui, opposés les uns aux autres, divisent le ciel en quatre parties égales. On les appelle tropiques, parce que c’est sur eux que roulent les quatre saisons de l’année; ils en désunissent les nœuds, ils font prendre au ciel une disposition nouvelle, en faisant varier les parties fondamentales qui le soutiennent; ils amènent avec eux un nouvel ordre de travaux; la nature change de face.

 

620 Cancer ad æstivæ fulget fastigia zonæ
Extenditque diem summum parvoque recessu
Destruit; et quanto fraudavit tempore luces,
In tantum noctes auget: stat summa per omnis.
Tum Cererem fragili properant destringere culmo,
Messor et in varias destringit membra palæstras,
Et tepidas pelagus jactatum languet in undas.
Tunc et bella fero tractantur Marte cruenta
Nec Scythiam defendit hiems; Germania sicca
Iam tellure fugit; Nilusque tumescit in arva.
630 Hic rerum status est, Cancri cum sidere Phœbus
Solstitium facit et summo versatur Olympo.

L’écrevisse lance ses feux du sommet de la zone brûlante de l’été; elle nous procure les plus longs jours; ils décroissent, mais très peu, et ce qui est retranché de la durée du jour est ajouté à celle de la nuit; la somme de l’un et de l’autre reste constamment la même. Alors le moissonneur s’empresse de séparer le grain de la tige fragile qui le soutenait ; on se livre à différents exercices du corps, à toute espèce de jeux gymniques : la mer attiédie entretient ses eaux dans un calme favorable. D’un autre côté, Mars déploie l’étendard sanglant de la guerre; les glaces ne servent plus de rempart à la Scythie; la Germanie, n’étant plus défendue par ses marais desséchés, cherche des contrées où elle ne puisse être attaquée; le Nil enflé inonde les plaines. Tel est l’état de la nature, lorsque Phébus ayant atteint l’écrevisse, y forme le solstice, et roule dans la partie la plus élevée de l’Olympe.

 

Parte ex adversa brumam capricornus inertem
Per minimas cogit luces et maxima noctis
Tempora, producitque diem tenebrasque resolvit,
Inque vicem nunc damna regit, nunc tempora supplet.
Tunc riget omnis ager, clausum mare, condita castra,
Nec tolerant medias hiemes sudantia saxa,
Statque uno natura loco paulumque quiescit.

Le capricorne, dans la partie opposée, préside à l’hiver engourdi : sous lui, les jours sont les plus courts et les nuits les plus longues de l’année; le jour croit cependant, et la longueur de la nuit diminue; il compense sur la durée de l’an ce qu’il retranche sur la durée de l’autre. Dans cette saison, le froid durcit nos campagnes, la mer est interdite, les camps sont silencieux; les rochers, couverts de frimas, ne peuvent supporter la rigueur de l’hiver; et la nature, sans action, languit dans l’inertie.

 

Proxima in effectum et similis referentia motus
640 Esse ferunt luces æquantia signa tenebris.
Namque aries Phœbum repetentem sidera cancri
Inter principium reditus finemque cœrcet
Tempora diviso iungens concordia mundo,
Convertitque uices victumque a sidere libræ
Exsuperare diem jubet et succumbere noctes,
Æstivi donec ueniant ad sidera cancri.
Tum primum miti pelagus consternitur unda
Et varios audet flores emittere tellus;
Tum pecudum volucrumque genus per pabula læta
650 In venerem partumque ruit, totumque canora
Voce nemus loquitur frondemque virescit in omnem.
Viribus in tantum signi natura mouetur.

Les deux signes qui égalent le jour à la nuit produisent des effets assez analogues entre eux, et se ressemblent par leur efficacité. Le bélier arrête le soleil au milieu de la carrière que cet astre parcourt pour regagner l’écrevisse : il divise le ciel de manière à ce qu’une parfaite harmonie règne entre le temps de la lumière et celui des ténèbres. Il change la face de la nature: comme, durant l’hiver, le jour a toujours été moindre que la nuit, il lui ordonne de prendre le dessus, et à la nuit de plier sous le jour, jusqu’à ce que l’un et l’autre aient atteint le signe de l’ardente écrevisse. Alors la mer commence à calmer ses flots soulevés; la terre, ouvrant son sein, ose produire toutes sortes de fleurs; les troupeaux, les oiseaux de toute espèce, épars dans les riches campagnes, y goûtent les plaisirs de l’amour, et se hâtent de se reproduire; la forêt retentit d’harmonieux concerts, et les feuilles verdoyantes renaissent de toutes parts : tant la nature a retrouvé de forces, au sortir de sots engourdissement !

 

Huic ex adverso simili cum sorte refulget
Libra diem noctemque pari cum fœdere ducens,
Tantum quod victas usque ad se vincere noctes
Ex ipsa jubet, ad brumæ dum tempora surgant.
Tum liber gravida descendit plenus ab ulmo
Pinguiaque impressis despumant musta racemis;
Mandant et sulcis Cererem, dum terra tepore
660 Autumni resoluta patet, dum semina ducit.

A l’opposite du bélier brille la balance, qui a des propriétés semblables, et réunit la nuit et le jour par les liens de l’égalité. Mais à ce changement de saison, c’est la nuit qui, précédemment plus courte que le jour, commence à prendre le dessus; et elle le conserve jusqu’au commencement de l’hiver. Dans cette saison, Bacchus se détache de l’ormeau fatigué; nos cuves voient écumer la liqueur précieuse exprimée du raisin; on confie les dons de Cérès aux sillons; le sein de la terre, ouvert par la douce température de l’automne, est disposé à les recevoir.

 

Quattuor hæc et in arte valent, ut tempora vertunt
Sic hos aut illos rerum flectentia casus
Nec quicquam in prima patientia sede manere.
Sed non per totas æqua est versura figuras,
Omnia nec plenis flectuntur tempora signis.
Una dies sub utroque æquat sibi tempore noctem,
Dum libra atque aries autumnum verque figurant;
Una dies toto cancri longissima signo,
Cui nox æqualis capricorni sidere fertur:
670 Cetera nunc urgent vicibus, nunc tempora cedunt.
Una ergo in tropicis pars est cernenda figuris,
Quæ moveat mundum, quæ rerum tempora mutet,
Facta novet, consulta alios declinet in usus,
Omnia in adversum flectat contraque revoluat.
Has quidam vires octava in parte reponunt;
Sunt quibus esse placet decimæ; nec defuit auctor
Qui primæ momenta daret frænosque dierum.

Ces quatre signes sont de la plus grande importance en astronomie; comme ils changent les saisons, ils déterminent aussi des vicissitudes surprenantes dans le cours des choses humaines rien ne peut alors demeurer dans l’état antérieur. Mais ces révolutions et ces changements de saisons n’appartiennent pas à la totalité de ces signes, à toutes les parties qui les composent. Lorsque le bélier et la balance nous ramènent le printemps et l’automne, il n’y n, sous chacun de ces signes, qu’un seul jour égal à une seule nuit. De même il n’y a qu’un seul plus long jour sous le signe de l’écrevisse, et sous celui du capricorne une seule nuit égale à ce plus long jour. Les jours et les nuits qui suivent ont déjà reçu quelque accroissement ou subi quelque diminution. Il n’y a donc, dans les signes tropiques, qu’un seul degré à considérer, degré capable de changer la face de la nature, d’opérer la succession des saisons, de rendre nos démarches inutiles, de faire échouer nos projets, de faire attitre des circonstances tantôt contraires, tantôt favorables à nos desseins. Cette énergie est attribuée par quelques astronomes[20] au huitième, par d’autres[21] au dixième degré des signes. Il en est même[22] qui pensent que le premier degré est le véritable siège du changement des saisons, et de toutes les vicissitudes qui en sont lu suite.

 


 

[1] Alexandre le Grand.

[2] Les signes et les constellations célestes.

[3] Le stade, dans la doctrine de Manilius, est un are de l’écliptique, qui emploie deux minutes de temps à monter au-dessus de l’horizon ou à descendre au-dessous.

[4] L’équateur et les deux tropiques.

[5] Les six signes depuis le capricorne jusqu’aux gémeaux.

[6] C’est-à-dire, le nombre d’heures écoulées depuis le lever précédent du soleil.

[7] C’est-à-dire, si son influence n’est pas contrariée par un aspect malin de quelque autre planète, ou par une position défavorable du sort de la fortune, ou de quelque autre sort.

[8] Dans la dixième maison.

[9] La septième maison.

[10] Quatre ans.

[11] La quatrième maison.

[12] C’est celle qui précède le haut du ciel, ou la neuvième.

[13] La cinquième maison.

[14] La onzième.

[15] La troisième.

[16] La seconde.

[17] La douzième.

[18] La huitième.

[19] La sixième.

[20] C’était le sentiment des Chaldéens.

[21] On ne connaît plus personne qui ait été de cet avis.

[22] Les Egyptiens, Hipparque, Ptolémée, et généralement tous ceux qui sont venus depuis.


 

 

NOTES DU LIVRE III.

 

v. 66. Fati ratio... Les sorts sont au nombre de douze, ainsi que les maisons célestes. D’ailleurs les astrologues mettent une grande différence entre l’énergie des uns et des autres. Celle des maisons s’étend principalement sur tout ce qui est intérieur en quelque sorte à l’homme, sur sa naissance, le cours de sa vie, les bonnes ou les mauvaises qualités de son âme, sa santé, ses maladies, sa mort, etc. Les sorts, au contraire, exercent leur action sur ce qui nous est extérieur, sur les richesses, sur les voyages, sur les amis, sur les esclaves, sur les enfants, sur les périls, etc. De plus, les maisons ont toujours une place fixe : l’horoscope, qui est la première, ne quitte pas l’orient: la fortune, premier sort, se trouve indifféremment à l’orient, à l’occident, au plus haut, au plus bas du ciel, comme on le verra par la suite. Au reste, les douze signes du zodiaque, les douze maisons célestes dont il a été parlé vers la fin du livre précédent, et les douze sorts dont il s’agit maintenant, ont chacun leur influence propre et déterminée quant à son objet mais, suivant la doctrine des astrologues, l’application bonne ou mauvaise de ces influences dépend de la position favorable on défavorable des planètes dans les signes, dans les maisons, dans les sorts. Cette énergie même des planètes est diversifiée en mille manières par leurs aspects réciproques, trine, quadrat, sextil, d’opposition, de conjonction. Manilius promet souvent de traiter de ces objets : il ne l’a pas fait, ou ce qu’il en a dit est perdu. Le mal n’est pas grand, quant au fond de la doctrine : mais cette doctrine aurait été entrecoupée de descriptions et d’épisodes, que nous ne pouvons trop regretter.

v. 102. Athla vocant Graii. Athla signifie travaux, combats, prix des travaux, lice, etc. Manilius est le seuil d’entre les Latins qui se soit servi de ce terme : il en a donné lui-même, vers 67, 68, 69, la définition la plus claire qu’on puisse désirer. On croit communément que par ce terme Manilius a voulu faire allusion aux douze travaux d’Hercule. Nous avons donné à ces athla le nom de sorts; on aurait pu les désigner aussi par ceux de lois, chances, etc.

v. 170. Duplici... ratione. Ces deux moyens, dans le fond, reviennent au même. Soit le soleil en 11 degrés 49 minutes du taureau, la lune en 26 degrés 31 minutes de la vierge, et que l’horoscope, on le point de l’écliptique qui se lève, soit le 21e degré des gémeaux. De 11 degrés 49 minutes du taureau, lieu du soleil, jusqu’à 26 degrés 31 minutes de la vierge, lieu de la lune, il y a 134 degrés 42 minutes. Comptez 134 degrés 42 minutes sur l’écliptique, en partant du 21e degré des gémeaux, lieu de l’horoscope, la distribution se terminera sur 5 degrés 42 minutes du scorpion; c’est le lieu de la fortune; les 30 degrés suivants constitueront le premier sort. Cette nativité est diurne ; supposons la nocturne. Du lieu de la lune à celui de soleil il y a 225 degrés 18 minutes. Portez ces 225 degrés 18 minutes sur l’écliptique, contre l’ordre des signes, en commençant la distribution au 21e degré des gémeaux, lieu de l’horoscope : elle donnera comme auparavant le lieu de la fortune en 5 degrés 42 minutes du scorpion.

v. 223 .Signum dicatur oriri. On pourrait traduire moins littéralement, mais plus clairement : Comptes les heures écoulées depuis le lever du soleil jusqu’au moment de la naissance de l’enfant, et réduisez-les en degrés, à raison de quinze degrés par heure, Distribuez ces degrés sur le cercle des signes, en commençant au point où est alors le soleil, et en suivant l’ordre des signes; le point où finira la distribution sera celui de l’horoscope.

v. 337. Adde quod. Les anciens divisaient constamment le jour en douze heures, et la nuit pareillement en douze heures ; donc leurs heures ne pouvaient être égales que sous l’équateur.

v. 243. Cum spatium non sit. Si le jour et la nuit, pris ici pour le temps que le soleil est au-dessus ou au-dessous de l’horizon, sont dans toutes les saisons de l’année divisés l’un et l’autre en douze heures, il est manifeste que les heures du jour seront beaucoup plus longues en été qu’en hiver : ce sera le contraire pour les heures de la nuit. Cette inégalité est d’autant plus sensible, qu’on s’écarte plus de la ligne équinoxiale, sous laquelle les jours et les nuits ont une égalité constante, comme Manilius le remarquera dans la suite. Au temps des équinoxes, les jours sont partout égaux aux nuits. Plus on s’écarte des équinoxes, plus les heures du jour et de la nuit deviennent inégales. Or des heures inégales ne peuvent être une mesure constante et non équivoque de quelque durée que ce puisse être.

v. 273. Per septem fauces... L’exemple rapporté par Manilius convient à Cnide, patrie d’Eudoxe, et non aux bouches du Nil. Le plus long jour à Alexandrie n’est que de quatorze heures, abstraction faite de la réfraction, que les anciens ne connaissaient pas; et la plus courte nuit est de dix heures. Mais il ne faut pas exiger d’un poète une si grande précision. Manilius, d’une part, copiait Eudoxe; de l’autre, il ne voulait pas laisser échapper l’occasion de comparer les sept bouches du Nil aux sept planètes.

V. 285. Ad librœ sidus. Ceci doit s’entendre jusqu’à la balance exclusivement; car la durée du lever et du coucher de la balance est bien précisément la même que celle du lever et du coucher de la vierge. Il en est de même du bélier à l’égard des poissons. Au reste, tous ces préceptes de Manilius sont simples, mais ils ne donnent que des à peu prés.

v. 304. Chelarumque fides. Le scorpion avait primitivement soixante degrés d’étendue et composait deux signes, dont le premier était nommé chelæ, ou les serres: on lui a depuis substitué la balance; mais on a continué de le désigner souvent par l’ancien terme, chelæ. Ainsi les serres du scorpion et la balance ne sont qu’un même signe.

v. 305. Binas per horas. Cela n’est pas de la plus grande précision. Même sous la ligne, les signes voisins des points équinoxiaux mettent moins de deux heures à se lever; au contraire, ceux qui sont dans le voisinage des points solsticiaux en mettent davantage. Mais la différence n’est pas si sensible que sous les hautes latitudes.

V. 318. Ac bene diviso mundus. Les astronomes distinguent trois sortes de sphères, ou plutôt trois différentes positions de la sphère: la droite, l’oblique et la parallèle. Ces dénominations sont relatives à la différente position respective de l’horizon et de l’équateur. Sous la ligne équinoxiale, l’équateur et tous les cercles qui lui sont parallèles s’élèvent et s’abaissent perpendiculairement, ou à angles droits, au-dessus et au-dessous du plan de l’horizon, qui les coupe tous en deux parties égales. Ceux qui habitent sous cette ligne sont dits avoir la sphère droite: c’est cette position dais sphère que Manilius décrit depuis le v. 303 jusqu’au v. 318. Le v. 319 et les suivants, jusqu’au v. 351, contiennent la description de la sphère oblique; c’est celle sous laquelle le plan de l’horizon coupe obliquement les cercles parallèles à l’équateur, et les divise en deux parties inégales. Cette inégalité est d’autant plus grande, qu’on s’éloigne plus de l’équateur. Quelques-uns de ces cercles même n’atteignent pas l’horizon, et restent perpétuellement au-dessus ou au-dessous du plan de ce cercle. Enfin, sous les pôles mêmes on aurait la sphère parallèle, c’est-à-dire que l’équateur étant confondu avec l’horizon, tous les cercles parallèles à l’équateur seraient aussi parallèles à l’horizon : tous leurs points resteraient perpétuellement ou au-dessus ou au-dessous du plan de ce cercle. Manilius décrit les propriétés de la sphère parallèle depuis le v. 352 jusqu’au v. 380.

v. 372. Neque enim circumvenit illum. Manilius suppose un axe; donc il suppose la sphère roulant sur cet axe. L’œil étant dans l’axe ne peut jamais voir que le même hémisphère. Si l’œil était hors de l’axe l’hémisphère visible varierait; l’œil verrait, successivement, plus de la moitié de la sphère : il la verrait même toute entière, s’il était placé dans le plan de l’équateur de cette sphère.

v. 409. Usque ad chelas. Jusqu’à la balance exclusivement. La durée du lever de la balance est égale à celle du lever de la vierge, comme celle du bélier est égale à celle des poissons, ainsi que nous l’avons dit plus haut. Pour éclaircir tout ceci par un exemple, voyons combien le lever et le coucher des signes doit durer à Paris, suivant la doctrine de Manilius. Le plus long jour d’été est de 16 heures, et la plus courte nuit de 8. La sixième partie de 12 heures est 2 heures 40 minutes, et la sixième partie de 8 heures est une heure 20 minutes : donc la durée du lever du lion est de 2 heures 45 minutes, et celle du lever de du taureau de 1 heure 20 minutes. La différence entre ces deux durées est de 1 heure 20 minutes, dont le tiers est 26 minutes 2/3 : donc la durée du lever des gémeaux excédera celle du taureau de 20 minutes 2/3. Un excès semblable donnera la durée du lever de l’écrevisse, du lion et de la vierge, si on l’ajoute successivement à la durés du signe immédiatement précédent ; et par une marche semblable on aura l’excès de la durée du lever du taureau sur celle du bélier. Cette durée sera donc de 52 minutes 2/3 pour le bélier, de 1 heure 20 minutes pour le taureau, de & heure 46 minutes 2/3 pour les gémeaux, de 2 heures 13 minutes 1/3 pour l’écrevisse, de 2 heures 40 minutes pour le lion, de 3 heures 6 minutes 2/3 pour la vierge et pour la balance. Après la balance, on suit la même marche, mais en rétrogradant; c’est-à-dire que la durée des levers diminue, de la balance aux poissons, dans la même proportion qu’elle avait augmenté du bélier à la vierge: le lever du scorpion dure autant que celui du lion, celui du sagittaire autant que celui de l’écrevisse, et ainsi des autres. La durée du coucher est égale à la durée du lever de chaque signe diamétralement opposé. Le bélier met autant de temps à se coucher que la balance à se lever: le coucher du taureau dure autant que le lever du scorpion, etc. Telle est la doctrine de Manilius : on conçoit qu’une telle méthode, quelque ingénieuse qu’elle puisse paraître, ne peut donner que des approximations plus ou moins grossières. Dans la réalité, le lever du bélier dure à Paris 58 minutes; celui du taureau, 1 heure 14 minutes; celui des gémeaux, 1 heure 49 minutes; celui de l’écrevisse, 2 heures 28 minutes; celui du lion, 2 heures 45 minutes; et celui de la vierge, 2 heures 45 mn.

v. 449. Vincatur et ipsum Extremo. Ainsi à Paris l’excès de la plus longue nuit sur la nuit moyenne est de 4 heures, dont le tiers est une heure vingt minutes : la durée de la nuit sera diminuée d’une heure vingt minutes par le verseau, second signe d’hiver; de quarante minutes par le capricorne, premier signe; et de deux heures pour les poissons, troisième signe de la même saison. Ce n’est encore ici qu’une approximation.

v. 480. Redditur orbi. La méthode que propose ici Manilius est bien précisément la même que celle qu’il a proposée ci-dessus, v. 217 et suiv., et qu’il a ensuite victorieusement réfutée. Scaliger a fait cette remarque avant nous.

v. 547. Si fortuna... Tout ceci met les astrologues fort au large; ils auront prédit à quelqu’un une année fort heureuse, et cependant elle sera traversée par un événement des plus funestes : c’est que l’activité favorable de l’année aura été anéantie par l’influence pernicieuse du mois, du jour ou de l’heure; ou c’est qu’au lieu de commencer les supputations par l’horoscope, on les aura fait partir du soleil ou de la lune, etc.