Hippocrate

HIPPOCRATE

TOME IX

 

DE LA VISION - ΠΕΡΙ ΟΨΙΟΣ.

HIPPOCRATE

 

 

 

ΠΕΡΙ ΟΨΙΟΣ.

DE LA VISION.

PAR J. SICHEL, Docteur en médecine, chirurgie et philosophie, licencié ès lettres (1).

ARGUMENT.

I. Le livre d'Hippocrate qui porte le titre Περ ψιος, de la Vision, nous est parvenu dans un état de mutilation tel qu'il est impossible de reconstituer un texte irréprochable. Le petit nombre de pages dont il se compose aujourd'hui sont pleines de lacunes et de leçons évidemment corrompues, qui rendent souvent le sens obscur. Il en reste assez cependant pour permettre de conclure qu'il n'appartient pas à Hippocrate. Outre son style et son contenu qui le prouvent, il suffit de ne pas le voir compris, par Galien (2) et par Érotien (3), dans les catalogues qu'ils ont dressés des véritables œuvres hippocratiques, pour décider que le père de la médecine (4) n'en est pas l'auteur.

123 II. Mais cette raison suffit-elle pour l'effacer de la collection hippocratique, pour lui refuser toute attention et le regarder comme n'existant pas? Certainement non! Par les connaissances spéciales des maladies des yeux qu'il décèle chez son auteur, et par quelques parties de son contenu, il a, au contraire, un puissant intérêt pour l'histoire de l'ophthalmologie, et mérite la plus sérieuse considération de ceux qui s'occupent de cette branche de la science médicale. On y trouve, en effet (chap. 4 et 5), la première mention des granulations palpébrales, production pathologique regardée de nos jours comme nouvelle ; on y trouve encore le traitement de ces granulations par la scarification et la cautérisation, méthode fort efficace et généralement usitée aujourd'hui. Le chapitre 9 décrit très-bien l'ophtalmie épidémique annuelle dépendant d'influences atmosphériques. Le style et le dialecte font reconnaître, dans ces pages mutilées et défigurées, un auteur de la grande école des Asclépiades, et peut-être même (iv) un membre de leur famille.

Ces circonstances suffiraient à elles seules pour donner à ce petit traité, tout incomplet qu'il est, une haute importance. Ce sont elles aussi qui, avec l'intérêt tout spécial de l'opuscule, m'ont fait accepter avec empressement la proposition flatteuse de M. Littré, de traduire et de commenter ce fragment pour sa grande et belle édition d'Hippocrate. Depuis longtemps je m'occupais des travaux préparatoires nécessaires pour remplir convenablement cette tâche ; je crois avoir réuni tous les matériaux qui peuvent contribuer à rendre cet opuscule digne de figurer dans la collection hippocratique, malgré les nombreuses mutilations qu'il a subies.

III. Tous les éditeurs des ouvrages hippocratiques, tous ceux qui en ont parlé ailleurs, sont unanimes pour nier que ce petit traité soit d'Hippocrate. Passons leurs opinions en revue suivant l'ordre chronologique, et notons aussi que plusieurs éditeurs (voy. les éditions, VIII) l'ont publié ou supprimé, sans se prononcer autrement sur sa valeur et son origine.

124 MERCUBIALI (5) le rejette dans sa quatrième classe, celle des livres manifestement faux et indignes de toute attention. Spon (6) a déjà protesté en quelques mots contre ce jugement.

HALLER (7) fait dire à Spon (voy. IV, p. 126, note 1, pou l'opinion de ce dernier) que le livre de la Vision est le commencement de celui des Affections y tandis que Spon dit réellement que ce traité est le commencement du traité sur les maladies des yeux promis dans le livre des Affections. Dans la préface de sa réimpression de la traduction de l'opuscule Περ ψιος par Cornarius (8), Haller déclare qu'il n'est pas sans utilité; et de même dans sa Biblioth. chirurgica.

GRUNER (9) place le traité Περ ψιος parmi les livres hippocratiques manifestement faux, et le regarde comme sans valeur, en exceptant toutefois le passage célèbre sur la scarification des yeux (chap. 4). Il le croit l'œuvre de quelque oculiste alexandrin, opinion que rien ne justifie.

FABRICIUS (10) reproduit l'erreur de Haller, et ajoute que la 125 différence de style entre les deux livres (des Affections et de la Vision) prouve l'inadmissibilité de l'avis de Spon ; façon singulière de réfuter ceux qu'on ne s'est pas donné la peine de bien lire. Il nie également, mais sans donner aucune raison, que le traité de la Vision soit le livre spécial sur les maladies des yeux promis dans celui des Affections (voy. IV).

JUGLER. (1792) regarde le traité de la Vision comme un des faux livres d'Hippocrate (p. 47, a). Il répète l'erreur de Haller et de Fabricius (p. 49, en haut).

KÜHN (1825) le relègue parmi les faux livres hippocratiques (t. I, Historia litteraria, XXV, 17, p. CXXIX), et, pour toute preuve, il copie textuellement le passage cité de Fabricius (11), avec l'erreur de celui-ci et de Haller (p. CXXXI, en haut).

C'est ainsi que se propagent les citations inexactes, les accusations non justifiées et les erreurs matérielles.

Selon DEZEIMERIS (Dict. histor, de la médecine, etc., t. III, Iere partie, p. 190, 1836), le traité de la Vision « est probablement l'œuvre de quelque oculiste d'Alexandrie. » C'est évidemment une simple répétition de l'assertion de Gruner.

M. LITTRE (1839) range le traité de la Vision dans sa neuvième classe des écrits hippocratiques. « Je fais, » dit-il (t. I, p. 412), « une classe distincte de plusieurs petits traités ou fragments ou compilations que les anciens critiques n'ont pas mentionnés. »

P. 416. « De la Vue. Cet opuscule n'est cité ni par Galien, ni par Érotien ; tout témoignage ancien lui fait défaut. Ce paraît être un fragment d'un livre perdu; il y a peu d'ordre dans la rédaction ; et il faut le ranger parmi ces fragments dépareillés sur l'origine desquels toute notion manque. »

M. ANDREAE (12) (1843), qui traduit les mots Περὶ ὄψιος par ceux : De la faculté visuelle (über das Sehvermögen), dit de cet 126 opuscule : « Évidemment ce n'est qu'un fragment d'un ouvrage plus vaste que nous ne possédons pas ; il contient des remarques détachées, sans ordre, mutilées, à peine intelligibles et explicables à cause de leur rédaction vague, relatives à quelques maladies oculaires et à leur traitement; la description d'une opération oculaire particulière, l'ophthalmoxysis ; et, à la fin, des remarques importantes sur des ophtalmies épidémiques. » Il ne se prononce pas autrement sur son origine.

IV. Au milieu de cette incertitude générale, peut-être semblerait-il hasardé, téméraire même, d'émettre une opinion plus positive sur l'ouvrage et sur l'écrivain auquel ces fragments informes ont primitivement appartenu. Toutefois je ne crois pas être bien loin de la vérité en les attribuant à l'auteur du livre des Affections (Περ παθν), et en les regardant comme les seuls restes actuellement existants du traité spécial des maladies des yeux, promis dans ce livre. D'après une indication plus précise donnée dans le titre du manuscrit de Florence (voy. p. 130), ces fragments formeraient le livre XXV de ce traité.

Spon (13) déjà les regardait comme le commencement de ce traité spécial, mais ne formulait que très-sommairement cette idée que je crois juste.

En effet, dans le livre des Affections existe le passage suivant (14) : « Telles sont les maladies qui proviennent de la tête, excepté les maladies des yeux ; celles-là seront traitées à part. » Or, par la nature et le groupement de son contenu, le livre de la Vision ressemble parfaitement à un ouvrage ex professo sur les maladies, oculaires, tronqué et défiguré à la vérité, mais pourtant reconnaissable. Gomme dans les manuscrits les plus anciens il se trouve au milieu des autres écrits hippocratiques, 127 il peut être, avec vraisemblance, regardé comme le traité spécial promis dans le livre des Affections.

Fabricius (15), copié par Kuhn (16), prétend que le style des deux livres (des Affections et de la Vision) est trop différent pour qu'on puisse admettre que celui-ci ait fait partie du premier. Sans doute il n'est pas facile d'établir un parallèle entre deux écrits, l'un défiguré, réduit pour ainsi dire en lambeaux, l'autre arrivé à nous en entier; cependant, contrairement au sentiment de Fabricius, je crois reconnaître une certaine conformité de style entre ceux des chapitres des deux ouvrages qui donnent de simples descriptions de maladies, tels que de la Vision, chap. 6, 9, et des Affections, chap. 2, 4, p. 240 ; chap. 3, p. 214.

Il est plus difficile encore, peut-être même est-il impossible, de décider quel est l'auteur du livre des Affections, et, par conséquent, du traité de la Vision. D'après plusieurs passages de Galien, on pourrait soupçonner que c'est Polybe, si, selon une remarque manuscrite de M. Littré, « les attributions faites par Galien aux différents membres de la famille d'Hippocrate n'étaient pas trop peu justifiées pour qu'on s'y fie. » Je me bornerai donc à citer les passages dans lesquels il existe quelques indications sur cette question.

Dans son recensement des véritables œuvres hippocratiques, parmi lesquelles il ne nomme pas le livre des Affections, Galien s'exprime ainsi (17) : « .... Nous avons, dans ce livre, passé en revue à peu près toutes les œuvres vraies d'Hippocrate. Mais comme les écrits de Thessale, son fils, et de Polybe, son gendre, sont de l'école d'Hippocrate.... »

128 Dans un autre passage du même livre (lib. III, c. i, sub fin.), après avoir énuméré les principales œuvres véritables d'Hippocrate, sans mentionner le traité des Affections, Galien termine par ces mots : « Et les autres livres attribués en partie à Hippocrate lui-même, en partie à Euryphon, Thessale et Polybe » (σα τ' λλα τ μν εἰς ατν πποκράτην, τ δ εἰς Εύρυφντα κα Θεσσαλν καὶ Πόλυβον ναφέρουσιν).

Dans le livre des Humeurs (18), il répète à peu près la même chose : « Mais comme quelques-uns attribuent ce livre d'Hippocrate (des Humeurs) à Thessale, son fils, ou à Polybe, son gendre, dont les écrits appartiennent à l'école hippocratique.... » Un scoliaste va même plus loin : il déclare formellement, avec des expressions identiques dans deux manuscrits, que le livre des Affections, d'après Galien, est de Polybe (19).

V. Ces préliminaires fixés, je ferai connaître les manuscrits et les éditions dont je me suis servi pour reconstituer ou amender le texte.

VI. MANUSCRITS GRECS. — Si leur qualité égalait leur nombre, le texte serait facile à rétablir. Malheureusement il n'en est pas ainsi. Les manuscrits, surtout ceux de la Bibliothèque impériale de Paris, présentent tous une grande ressemblance, et un air de famille tel que je dois les regarder comme dérivant sans exception d'un seul original primitif, d'une souche commune. En effet, on y trouve les mêmes erreurs, des lacunes absolument identiques quant à leur position et à leur étendue, les mêmes passages obscurs, et jusqu'aux mêmes fautes d'orthographe. Leur nombre n'apporte donc aucun remède à la corruption du texte.

Voici la liste des manuscrits de la Bibliothèque impériale, que j'ai soigneusement comparés les uns avec les autres et 129 avec les éditions imprimées. Je renvoie pour chacun d'eux à la description donnée par M. Littré, en ajoutant entre crochets mes notes à moi, relatives au livre de la Vision, quand elles diffèrent de ses remarques d'une manière digne d'être notée.

Ν° 2140, in-fol. (Littré, t.1, p. 521.) Cité par M. Littré et par moi sous la lettre I (20).

N° 2141, in-fol. ; folio 15, verso. (T. I, p. 517.) = G. [Du xvie siècle; manifestement la copie ou l'original du ms. 2142 = H ; car on trouve dans tous les deux les mêmes leçons, une lacune identique au même endroit, et les mêmes gloses écrites à l'encre rouge au-dessus des mots auxquels elles se rapportent. M. Littré, après communication de ma note qui précède, m'a répondu : « Le n° 2141 a sans doute des ressemblances avec le n* 2142 ; mais il en a infiniment plus avec le n° 2144, auquel il est même tout à fait conforme. » Ce jugement de M. Littré se rapporte à l'ensemble de ces manuscrits, tandis que ma note ci-dessus n'est relative qu'au traité de la Vision.]

N° 2142, in-4°; p. 272, verso. (T. I, p. 512.) = H. [Ce ms. contient, dans les interlignes et en marge, des mots de deux ou trois différentes mains.]

N° 2143, in-fol. (T. I, p. 522.) =r J. [Sur le titre il y a l'indication qu'il a appartenu à la reine de Servie, et que finalement l'éparque Antoine l'avait donné à François Ier: « Francisco κραταιῷ βασιλεῖ Κελτν, » Lefebvre de Villebrune, dans une note manuscrite, le croit bon ; M. Littré, dans un passage que je ne retrouve plus aujourd'hui, le regarde comme mauvais en général, avec des leçons parfois très-dignes de remarque.]

N° 2144, in-fol. ; folio 186, verso. (T. I, p. 515, où, par une faute typographique, il y a 2141 pour 2144.) = F.

N° 2145, in-fol. ; folio 251, verso. (T. I, p. 524.) = K.

N° 2448, in-fol. ; folio 49, verso. (T. I, p. 531.) = Z. [Haller 130 (Biblioth. chirurg., t. II, p. 594), par une de ses nombreuses erreurs, cite à tort le ms. n° 2146 (= C) comme contenant le traité de la Vision.]

N° 2255, in-4° min. ; p. 361, verso. (T. I, p. 518.) =E. [Plusieurs de ses variantes semblent n'être que des erreurs de copistes; il contient en effet plus de sigles que tous les autres manuscrits, Haller (Biblioth. médic, t. I, p. 74) commet encore une faute en citant, en place de ce ms., le n° 2254 (= D) comme contenant le livre de Visu.]

La grande conformité de ces huit manuscrits de la bibliothèque impériale, et le peu de profit qu'on peut en tirer pour la restitution du texte, dirigèrent de bonne heure mon attention sur un manuscrit de la bibliothèque Mediceo-Laurentiana de Florence, que Bandini (21) cite ainsi : Bibliotheca Laurentiana. Codex XXVII. πποκράτης. Pluteus LXXIV.

Το ατο περὶ ὄψιος, λόγος κε'.

Ejusdem de visu liber XXV. Incipit Αἱ ὄψιες et desinit ποιέεσθαι.

En février 1844, je réussis à m'en procurer une copie authentique, faite sous les yeux du professeur Francesco del Furia, bibliothécaire de cet établissement. Mais les espérances que j'avais fondées sur ce manuscrit ont été complètement déçues : il ne contient pat une leçon nouvelle, pas un mot de plus; obscur et offrant des lacunes dans les mêmes endroits que les manuscrits de la bibliothèque de Paris, il appartient évidemment à la même souche. Je le cite par les lettres Fl.

Trois autres manuscrits grecs du traité de la Vision, dont plus tard je me suis procuré les variantes, n'ont rien ajouté de profitable à la restitution du texte, et se sont trouvés parfaitement conformes à ceux de Paris et de Florence. Ce sont les manuscrits de Venise et de Copenhague.

M. Daremberg a eu la bonté de me communiquer, en décembre 1856, les variantes de deux manuscrits de la biblio- 131 thèque de Saint-Marc à Venise, l'un n° 269, que je cite par la lettre M ; l'autre n° XIV, class. V, que j'appelle V, et dont les variantes, presque toutes insignifiantes, ont rarement mérité d'être notées. Ce dernier manuscrit, incomplet, s'arrête au milieu du chapitre 3, aux mots σττόγγον λαιωμένον γχατακαίειν.

Grâce à l'obligeante entremise de M. le docteur Melchior, à Copenhague, j'ai obtenu de M. le professeur Werlauff, bibliothécaire de la bibliothèque royale de cette ville, une collation exacte de l'excellent manuscrit décrit par M Littré (t. I, p. 539, note 1), manuscrit qu'avec lui (t. VI, p. 30, Cod. Hafniensis ) je cite par la lettre γ. Il est encore de la même origine que les manuscrits de Paris, et surtout très-analogue an manuscrit H.

Au nombre des matériaux inédits dont j'ai fait usage, se trouvent encore les notes manuscrites de Janus Cornarius, ajoutées à son exemplaire de l'Hippocrate des Aldes, et déjà rapportées par Jugler, mais moins complètement que je l'ai fait ici. Cet exemplaire appartient actuellement à la bibliothèque de l'Université de Gœttingue, dont l'administration me l'a libéralement confié, en novembre 4844, grâce à l'intervention de mon regrettable ami C. - H. Fuchs, professeur de clinique interne à cette Université, récemment enlevé à la science par une mort subite et prématurée. Je cite ces notes : Corn, ms. Cornarius a collationné les manuscrits de la bibliothèque de Paris, notamment les manuscrits H (voy. nos notes 46, p. 452; 5, p. 454, etc.), I (note 26, p. 154), J (note 49, p. 456).

Les recherches que j'ai faites, tant dans les catalogues imprimés que par correspondance, pour découvrir dans d'autres bibliothèques de l'Europe, surtout dans celles de Gœttingue et de Vienne, des manuscrits grecs ou latins du traité de la Vision inconnus jusqu'ici, sont toutes restées sans résultat : il n'en existe certainement pas d'autres que ceux dont je viens de donner la liste. En trouverait-on, que probablement ils dériveraient encore de la même source, et n'apporteraient aux passages corrompus on obscurs aucune nouvelle lumière.

VIl. MANUSCRITS ARABES. — Convaincu désormais du peu de ressources qu'offrent les manuscrits grecs, je recommençai, avec une nouvelle ardeur, mes recherches sur les traductions arabes, à l'aide desquelles j'espérais pouvoir amender et restituer le texte primitif. Mais sur ce point m'attendait encore une nouvelle déception. Afin que personne ne perde plus un temps précieux à remuer pour le même sujet la poussière des bibliothèques, je vais exposer brièvement le résultat, entièrement négatif, de mes longues investigations.

Fabricius (22), Kühn (23), Jugler (24) ont cité, d'après Herbelot (25), un traité arabe sur les maladies des yeux (Ketab alaïn men albeden le Βοkrath) ; mais en le regardant comme une traduction du traité de la Vision ou d'un autre ouvrage original d'Hippocrate, ces auteurs se sont trompés. La version arabe dont ils parlent n'existe pas. Casiri, dans sa Bibliotheca philosophorum, ne cite point de traduction arabe du traité de la Vision, ni aucun ouvrage arabe d'Hippocrate sur les yeux. M. Wenrich (26) mentionne les deux manuscrits de la bibliothèque Bodléïenne dont il va être question tout à l'heure (p. 133); lui aussi les croit identiques avec l'ouvrage cité par. Herbelot, mais différents du traité de la Vision d'Hippocrate.

Dans le Catalogus librorum MSS. Angliae et Hiberniae, Oxoniae, 1697, in-fol., vol. II, pars ii, p. 55, on trouve la citation suivante :

Hippocratis de morbis et remediis oculi liber, ex libris Narcissi, archiepiscopi Dublinensis.

133 Il s'agissait, avant tout, de savoir si ce manuscrit se trouvait encore à Dublin dans la bibliothèque du collège de la Trinité (Trinity-College). Dans le cas où, comme une grande partie des manuscrits de l'archevêque Marsh, il aurait été transporté dans la bibliothèque Bodléienne, il fallait examiner s'il n'était pas identique avec l'un des deux manuscrits arabes, dont il sera traité ci-dessous avec plus de détails. Dès l'année 1843 je commençai des recherches sur ce sujet. Grâce aux bons offices d'abord de M. le docteur Oliffe, et plus tard de lord Cowley, ambassadeur de S. M. Britannique à Paris, je finis par apprendre que le manuscrit de Dublin se trouve actuellement à la bibliothèque Bodléienne. C'est, sans aucun doute, l'un des deux manuscrits suivants, qu'Uri décrit ainsi :

Uri, Bibhothecae Bodleianae Codicum MSorum orientalium Catalogus P. ι, p. 1, p. 147. DCXLI. Codex bombycinus, in fine mutilus, 74 folia implens. Exhibet librum HIPPOCRATIS medici, Curationes Hippocraticae dictum, in quo de oculo, ejus structura, partibus, utilitatibus, figura, morbis et remediis, per capita quinquaginta quatuor disseritur. Desinit in capite tricesimo primo. [Marsh. 690.] Titutus :

Ibid., p. 148, DCXLIV. Codex bombycinus, anno Hegirae 1040, Christi 1630 exaratus, folia 106 complens. Hic reperitur Operis, cui Curationes Hippocraticae titulus, liber quartus, agens per capita LIV de oculo, ejus partibus, utilitatibus, morbis, remediis, figura. [Marsh. 547.] Titulus :

D'après une remarque manuscrite de M. Coxe, bibliothécaire de la bibliothèque Bodléienne, le second manuscrit lui paraît 134 plus spécialement celui que mentionne le Catalogus librorum Angliae, etc. ; la conformité des titres me fait penser que c'est plutôt le premier. Selon M. Coxe « les deux mss. paraissent être en substance le même ; mais il existe quelques différences entre eux, de manière que l'on ne pourrait considérer l'un comme une copie de l'autre, ni tous les deux comme émanant d'une source commune. »

En 1853, sur la demande de M. le docteur Daremberg, M. Coxe voulut bien faire prendre pour moi une copie de l'introduction et de quelques chapitres des deux manuscrits. Ces fragments prouvent de la manière la plus certaine que ces manuscrits, différant l'un de l'autre par quelques variantes seulement, ne sont nullement un ouvrage d'Hippocrate, encore moins une version arabe du livre de la Vision, mais simplement un traité arabe des maladies des yeux, comme on en possède un assez grand nombre ; l'auteur inconnu a cru devoir attacher à ce traité le nom du médecin de Cos. Pour mettre le lecteur en mesure de porter un jugement sur ce point et lui faire partager notre conviction, il suffira, nous l'espérons, de donner ici une traduction des titres des douze premiers chapitres (bâb) du premier livre (maquâla) de ce traité. Nous publierons ailleurs une notice plus étendue sur ces deux manuscrits.

PREMIER LIVRE. Chap. i. De la forme de l'œil, de ses membranes, de ses humeurs et du nombre de ses parties constituantes.

Chap. ii. Des maladies de la sclérotique.

Chap. iii. Des maladies de la choroïde.

Chap. iv. Des maladies de la rétine.

Chap. v. Des maladies de l'humeur vitrée.

Chap. vi. Des maladies de l'humeur cristalline.

Chap. vii. Des maladies de la membrane arachnoïde [c'est-à-dire de la capsule antérieure du cristallin].

Chap. viii. Des maladies de l'humeur aqueuse.

Chap. ix. Des maladies de la membrane uvée [c'est-à-dire de l'iris].

135,Chap. x. Des maladies de la cornée.

Chap. xi. Des maladies de la conjonctive.

Chap. xii. De l'ophtalmie et de ses espèces, surtout de l'ophtalmie externe, dont la conjonctive est le siège.

Cette courte citation ne démontre-t-elle pas catégoriquement, qu'il n'y a rien de commun entre cet ouvrage arabe et le traité hippocratique de la Vision?

VIII. ÉDITIONS ET TRADUCTIONS. — J'ai consulté les éditions et les traductions suivantes d'Hippocrate, qui contiennent le traité Περὶ ὄψιος :

ALD. = Ἅπαντα τὰ τοῦ Ἱπποκράτους. Venet. apud Aldum, 1526, in-fol. ; p. 224, recto. Texte grec, sans traduction. (Littré, 1.1, p. 543.)

BAS. = Ἱπποκράτους Κώου... βιβλία ἅπαντα. Hippocratis libri omnes.... Basil., apud Froben, 1538, in-fol., p. 521. Texte grec, sans traduction. Préface « Jani Cornarii, medici Nort-husiensium, Northusae 26 mardi 1536.» (Littré, t. I, p. 545.)

CORN. VERS. = Hippocratis opera..., Jano Cornario medico physico interprète. Lugduni, 1567, in-fol., p. 565. (Littré, t. I, p. 546.)

Cette version est la source de la plupart de celles des éditions postérieures. Tous les traducteurs l'ont suivie; elle a souvent été littéralement copiée par Mercuriali et van der Linden, quelquefois même par Jugler.

MERC. = Hippocratis opera, graece et latine..., a Hieronymo Mercuriali, Foroliviensi,... Venetiis, industria... Juntarum, 1588, in-fol. Quarta classe, fol. 56. (Littré, t.1, p. 547.)

FOES. 1. = Hippocrates, graece et latine, ed. Foesius, Francofurti, 1595, in-fol. Sectio v, p. 256. (Littré, t.1, p. 548.)

2. = Id. opus, Francofurti, 1624, in-fol. Sect. v, p. 688.

3. = Id. op., Genevae, 1657, in-fol. Sect. v, p. 688. (Littré, t. I, p. 549.)

Ces trois éditions sont parfaitement conformes entre elles 136 quant au texte, à la version et aux annotations; les deux dernières semblent même l'être quant à la pagination. La ponctuation du traité de la Vision est mauvaise ou négligemment faite dans l'édition de Genève, 1651.

L. = Hippocratis opera, ed. J.-A. van der Linden, Lugduni Batavorum, 1665, in-8°, t. II, p. 351. (Littré, t.1, p. 549.) La traduction du traité de la Vision est en général celle de Mercuriali ou plutôt celle de Cornarius; le texte est le plus
souvent celui de Mercuriali.

Hippocratis.... et Galeni.... opera, ed. R. Charterius. Lutetiae Parisiorum, 1679. XIII tomi in-fol.

Dans la table des matières du premier tome, Chartier indique le traité de la Vision comme placé dans le tome X, f. n. 42, avant Galenus de oculis; mais on le cherche en vain dans le texte à l'endroit désigné, ainsi que dans toute l'édition. Halleri artis medicae principes, Lausanne, 1770, in-8°, t. III, p. 447.

Son texte est une copie littérale de la version de Cornarius.

JU. = ΙΠΠΟΚΡΑΤΟΥΣ ΠΕΡΙ ΟΨΙΟΣ. Hippocratis de visu libellus.... Edidit Jo. Henr. Jugler. Helmstadii, 1792, in-8°.

Cette édition est encore aujourd'hui la meilleure et la plus complète. Elle contient le texte grec, imprimé sans accents et malheureusement déparé par d'assez nombreuses fautes typographiques; les leçons de la plupart des éditions; une traduction latine nouvelle, dans laquelle on a quelquefois suivi ou même littéralement copié celle de Cornarius; enfin des notes très-étendues, presque toujours bonnes, et utiles pour l'intelligence du texte.

Hippocratis opera, curavit J.-F. Pierer, t. Π, p. 493 ; Altenburgi, 1806, in-8°.

C'est la traduction latine de Foës.

KÜHN. = Magni Hippocratis opera omnia, ed. C.-H. Kühn. Lipsiae, 1827, t. III, p. 42. (Littré, t. I, p. 553.)

137 A l'exception de quelques changements dans la ponctuation, le texte et la traduction sont mot à mot ceux de Foës.

IX. DIVISION DE L'OPUSCULE EN CHAPITEES.— Cornarius, dans ses notes manuscrites en marge de l'édition des Aldes, a déjà, essayé de diviser le texte selon la nature des sujets, comme on peut le voir dans les variantes des chapitres 7-9.

Parmi les éditeurs, van der Linden a le premier tenté une division du traité de la Vision en chapitres. Celle de Jugler me paraissant meilleure et plus rationnelle, en ce qu'elle est plus conforme à la nature des sujets traités, j'ai dû la conserver. La suite des chapitres a été indiquée par des chiffres arabes.

X. EXPLICATION DES PASSAGES LES PLUS IMPORTANTS AU POINT DE VUE MEDICAL.

1. Le titre de ce petit traité est le même dans tous les manuscrits : Περὶ ὄψιος. Les manuscrits F et G seuls ajoutent, après la fin du texte : Τλος τῶν περὶ ὀψίων.

Le mot ψις, chez Hippocrate, désigne tantôt la vision, comme dans le titre du présent traité, tantôt l'œil, tantôt la prunelle ou cornée, tantôt enfin la pupille. Il a cette dernière signification dans les ch. 1, 2 et 8, ainsi que fréquemment dans d'autres livres hippocratiques. Les passages principaux sont Pror-rhet. I, 49, t. IX, p. 46, ὥστε ἔξω τὴν ὄψιν τῆς χώρης εἶναι, de manière que la pupille a changé de place; et, un peu plus loin : τὰ δὲ σμικρὰ μετακινήματα τῶν ὄψεων οἷά τε καθιδρύεται, les petits déplacements des pupilles peuvent être ramenés à l'état normal.

Ce premier chapitre, au milieu duquel il existe une lacune, est obscur et en grande partie inintelligible, comme plusieurs passages du traité de la Vision. J'ai essayé autrefois d'en expliquer le commencement (Mémoire sur le Glaucome, Bruxelles, 1842, in-8° p. 137, et Annales dOculistique, t. VI, 1842, p. 225). « Le mot κυανίτιδες, d'une teinte bleuâtre foncée, pourrait, à la rigueur, également désigner une teinte verdâtre foncée, puisque quelques anciens, Servius et Aulu-Gelle, définissent le bleu, caeruleus, comme un composé de vert et de 138 noir. La mention simultanée d'une teinte bleuâtre de la pupille, de l'invasion rapide ou subite de l'opacité de cette ouverture, et de l'incurabilité de la maladie, nous semble indiquer une première notion du vrai glaucome, mais sans l'emploi de ce mot. » Peut-être aussi ne s'agit-il que de l'opacité de la capsule antérieure du cristallin, consécutive à l'iritis postérieur (uvéite, ou cristalloïdite antérieure). «Les pupilles couleur d'eau de mer indiquent la cataracte. »

Le reste du passage est très-obscur et à peu près inintelligible.

Pour les médicaments qui purgent la tête, voy. des Lieux dans l'homme, 13, t. VI, p. 301 et 33, p. 325, et pour l'ustion des veines, ci-dessous, ch. 3.

Avec Jugler, je crois qu'après τεων πτά il existe une lacune.

L'ustion de la tête (ou ustion des veines de la tête, fin du chap. 3), fréquemment employée par les anciens et encore plus fréquemment par les Arabes, a été de nouveau préconisée de nos jours, pour les affections oculaires, sous le nom d'ustion sincipitale. De Haen (27) a déjà exposé les graves dangers de l'abus de ce moyen.

2. Ce chapitre encore est très-obscur. Il s'agit d'une amblyopie amaurotique survenant sur des individus jeunes, et à laquelle l'auteur applique la scarification et la cautérisation de la conjonctive palpébrale, absolument comme à l'ophtalmie granulaire (chap. 4).

C'est le seul passage des écrits hippocratiques où le mot μμα soit pris dans le sens de vision.

3. L'auteur donne ici les préceptes généraux sur le mode d'exécution de l'ustion des veines, c'est-à-dire de la cautérisa- 139 tion, en prenant pour exemple le cas spécial de la cautérisation de la région du dos, comme applicable à un plus grand nombre de maladies. Toutefois, dans les dernières lignes du chapitre, il ajoute expressément que l'ustion se pratique de la même manière aux autres parties du corps, telles que la tête et la poitrine, les paupières.

Le mot ἔπειτα, ainsi que l'ensemble du passage, prouve qu'au commencement du chapitre il existe évidemment une lacune; j'ai essayé de la combler, dans la traduction, par quelques mots placés entre des crochets, et qui, sans avoir la prétention de remplacer exactement les paroles de l'auteur, peuvent du moins rendre le texte plus intelligible.

Διασημνασθαι, marquer avec une substance colorante telle que de l'encre.

Les cautères larges, parce qu'Us se chauffent lentement. Souvent les anciens cautérisaient avec des cautères en bois chauffés dans de l'huile bouillante (ch. 4); l'application d'une éponge trempée dans de l'huile bouillante continuait l'action de la première ustion.

Plusieurs passages sont obscurs et corrompus, et ne peuvent être rendus que par à peu près ; tels sont les mots ἢν δὲ προσδέχηται.... σπόγγιον (p. 154, notes 23, 24), pour lesquels j'ai suivi la leçon des manuscrits.

Σφύζει. Des maladies, livr. II, 8 (t. VII, p. 16) : αἱ φλέβες σφύζουσιν, les veines battent. De même dans un autre passage que nous rapporterons à la fin de ce chapitre.

πτηθεσαι, rôties, torréfiées, c'est-à-dire quand elles présentent une croûte plus brune et plus ferme.

À l'occasion de la dernière phrase (p. 156, note 13), Jugler dit : « ρυθρά legit Cornarius (in margine edit. Ald. cit.). Male. Nam referenda non est haec vox ad λκεαι (sic), sed ad ολαι. » A mon avis, ρυθραί ne se rapporte à aucun de ces deux mots, mais à et φλβες, mots oubliés ou sous-entendus après ναφυανται. La frappante analogie entre cette phrase et celle-ci : μοίως τέταται ἡ φλὲψ καὶ πεφύσηται καὶ πλήρης 140 φαίνεται (voy. p. 154, dernière ligne), me le fait croire, et j'ai traduit comme si le mot φλέβες se trouvait dans le texte.

Quant à l'ustion des veines, il importe de comparer les passages suivants : des Lieux dans l'homme, 13 (t. VI, p. 303, traduction de M. Littré) : Dans ce cas, il faut cautériser les veines qui pressent les yeux, ces veines battant toujours et situées entre l'oreille et la tempe ; les ayant ainsi obstruées (καὶ ἐπειδὰν ταύτας ἀποφράζῃς), appliquez aux yeux les remèdes, etc. ; ibid., tout le chapitre 40 (t. VI, p. 331).

4. Le chapitre 4 est d'un grand intérêt pour l'histoire de l'ophtalmologie. On y trouve formulé pour la première fois un traitement chirurgical rationnel des granulations palpébrales. Ce traitement, le seul efficace contre des trachomes anciens ou volumineux, n'a été remis en honneur que de nos jours, alors que l'ophtalmie granulaire fut bien étudiée et connue sous toutes ses faces. On comprend donc qu'en 1792 Jugler, dans son commentaire sur ce chapitre (p. 61), ait pu dire : « Nostris denique temporibus merito methodus ista crudelis et inepta plane obsoluit. » C'est aussi dans ce chapitre et dans le suivant qu'on trouve la première mention de ces granulations ou trachomes, ce qui en prouve la haute antiquité, bien que Sir William Adams dise les avoir observées le premier, et, pour cette prétendue découverte, ait reçu du parlement anglais une récompense nationale.

Il s'agit ici de la scarification et de l'ustion ou cautérisation des paupières affectées de granulations. Malgré l'obscurité et la corruption évidente du texte, les mots : στερον δὲ τ τς ξσιος κα τ τς καύσιος, κ. τ. λ., après la scarification et la cautérisation, lorsque les eschares se détachent, etc., ne permettent pas de douter qu'il ne soit question de l'emploi simultané ou successif de ces deux opérations, comme à la fin du chapitre 2 (en scarifiant les paupières et en les cautérisant). D'ailleurs, le même chapitre 4 l'indique positivement par une recommandation formelle : (μὴ διακαύος πρς τν χόνδρον, gardez-vous d atteindre le cartilage tarse par l'ustion. Cette recom- 141 mandation suffit à elle seule pour prouver la fausseté de l'explication donnée par Woolbouse (voy. p. 146). Aussi l'on de ses disciples, Platner, après avoir en vain torturé le sens du mot διακασς, a-t-il proposé de le changer en διαβσς : évitez d'atteindre le cartilage (voy. p. 146).

Les paupières trachomateuses seront d'abord scarifiées. Dans le texte, après l'infinitif ξύειν, il existe assurément une lacune comme il s'en trouve tant d'autres dans ce petit traité, lacune facile à combler par les mots εἶτα καίειν : scarifiez, puis cautérisez. En rétablissant ces mots, comme je l'ai fait dans ma version, il ne reste plus de difficulté. « Il faut d'abord scarifier les granulations, puis les cautériser. » C'est ce que nous faisons encore aujourd'hui. Voyez, sur la nature et le traitement des granulations, mon Iconographie ophtalmologique §§ 85-93, pages 34-40, et §§105-106, pages 46-50. Du reste, l'auteur n'entre dans aucun détail sur la scarification, procédé familier sans doute aux chirurgiens de son temps. (Voy. du Médecin, 6, t. IX, où la scarification, pratiquée à l'aide de scalpels, est assez longuement exposée.)

Quant à l'ustion, l'auteur insiste sur la nécessité de la modérer, comme il le fait dans le chapitre suivant, où il conseille l'ustion des paupières avec des cautères non chauffés à blanc (μ διαφανέσιν). (Comparez des Articulations, ii, t IV, p. 106, note 14.) Ici, en praticien expérimenté, il signale encore deux autres dangers de cette dernière opération, celui de léser la prunelle, στεφάνην, c'est-à-dire la cornée, et celui de détruire, par une cautérisation trop profonde, toute la conjonctive et une partie du cartilage tarse lui-même (μὴ διακαύσς πρς τν χόνδρον), danger qu'aujourd'hui nous connaissons suffisamment ; car on ne voit que trop souvent le symblépharon partiel, le recoquevillement du cartilage tarse et l'entropion succéder à l'application imprudente du crayon d'azotate d'argent sur la face postérieure des paupières. Par les mêmes motifs qui lui ont dicté ces précautions, l'auteur recommande le mode le plus inoffensif de l'ustion. Il proscrit le cautère métallique, même 142 modérément chauffé, et il a recours à un cautère en bois, comme on le faisait souvent, quand on craignait de brûler trop éner-giquement. Pour en avoir un très-mince, proportionné au peu d'épaisseur et à la texture délicate des paupières, il veut qu'on se serve d'un fuseau (τρακτος), ou plutôt d'un cautère fusiforme en bois, dont l'extrémité, par un surcroît de prudence et pour adoucir davantage l'action, soit entourée de laine moelleuse et de première qualité, afin que le contact possible de l'instrument avec le globe et surtout avec la cornée soit évité ou amorti.

Les cautères en bois, notamment en buis, trempés dans de l'huile bouillante, étaient très-usités chez les Grecs anciens, lorsqu'il s'agissait d'obtenir les avantages de la cautérisation sans une eschare trop épaisse. Laissant de côté les passages des auteurs postérieurs, nous trouvons chez Hippocrate lui-même (des Affections internes, t. VII, p. 243) le cautère fusiforme en buis, trempé dans de l'huile bouillante, pour brûler la région du foie dans l'hypertrophie de cet organe (κασαι χρ, ὁκόταν μέγιστον τ παρ γένηται κα ξεστήκῃ μάλιατα. κασαι δὲ ἐν πυξνοισιν τράκτοις, βάπτων ἐς λαιον ζον) : " on cautérisera à l'aide de fuseaux de buis trempés dans de l'huile bouillante. » Vers le milieu du chapitre 3 du présent traité nous trouvons, comme instrument de cautérisation, l'éponge imbibée d'huile bouillante (σπόγγον λαιωμένον γκατακαίειν). L'action de ces cautères est analogue à celle du marteau de Mayor, généralement connue aujourd'hui. D'après ces considérations, et surtout d'après la frappante et complète analogie du passage cité du livre des Affections internes, il est incroyable qu'une génération entière de praticiens habiles et érudits, tels que Mauchart et Platner, se soient laissé éblouir et égarer par le charlatanisme intéressé de Woolhouse, au point d'enlever au mot τρακτος son acception si solidement établie de fuseau ou cautère fusiforme, pour lui donner celui de chardon à foulon (τρακτυλς), signification qu'il n'a chez aucun auteur. (Voy. p. 446.)

Aux précautions indiquées, l'auteur en ajoute une autre, 143 dans le chapitre 5, où il traite encore de la cautérisation des paupières. En bon observateur, il avait reconnu que, pratiquée trop profondément et trop près du bord libre, cette opération, outre les dangers que nous avons déjà signalés, donne lieu à l'oblitération des conduits dans lesquels passent les cils et, conséquemment, au trichiasis. De là découle un nouveau précepte, celui de faire attention à ne pas trop étendre l'ustion vers la partie des paupières qui correspond à l'implantation des cils (φυλασσόμενος τν φύσιν τν τριχν).

Chez les médecins romains, les granulations portent les noms d'aspritudo ou aspritudines palpebrarum, scabrities, scabritiae, et chez Galien celui de trachômes (τραχώματα, τραχύτητες), nom qu'en Allemagne on commence généralement à substituer à celui de granulations. Chez Galien on trouve aussi les noms de xérophtalmie, sycosis et hypersarcosis, pour ces mêmes élévations de la conjonctive palpébrale. (Voy. Sichel, Cinq cachets inédits de médecins oculistes romains; Paris, 1845, in-8, p. 9.) Notre auteur ne leur donne aucun nom, mais il les désigne assez clairement ici et dans le chapitre 5, où il les mentionne comme un épaississement des paupières (τ βλέφαρα τ παχύτερα τς φύσιος). Cette dernière expression se rapporte surtout aux granulations très-volumineuses, fongiformes ou sarcomateuses (voy. mon Iconographie ophtalmologique, § 91, p. 38, et obs. 13, p. 49).

Il est d'autant plus étonnant de trouver, dans un document aussi ancien et aussi mutilé, des notions positives sur la scarification des paupières et sur la nécessité de la faire suivre par la cautérisation, que Galien lui-même ne cite la première qu'en passant, et qu'il ignore ou dédaigne la dernière. (Comp. med. sec. loc. t liv. IV, chap. n, ed. Kühn, t. XII, p. 709.)

Avant de nous occuper de l'historique du passage relatif à la scarification des paupières, il nous reste à expliquer quelques-uns des termes techniques employés dans ce chapitre.

νθος χαλκο, fleur de cuivre, " Grains de cuivre projetés 144 quand on asperge d'eau froide le métal chaud en pain. » (Littré, t. VI, p. 413.) Je crois qu'il ne s'agit pas de grains de cuivre métallique, mais de particules menues d'oxyde de cuivre ; car le cuivre métallique serait difficile à introduire dans des médicaments liquides (γρ φάρμακα), tandis que la fleur de cuivre de première qualité se laissait facilement triturer. (Voy. Sprengel ad Dioscorid. Mat. med.,ω, 88.) — L'écaille de cuivre (λεπς ou φολς χαλκο, chap. 6) était un autre oxyde de ce métal (Dioscorid., V, 89).

Δι το βρέγματος. Dans la fluxion sur les yeux, lorsque ces organes se phlegmasient et se gonflent, si le mal résiste aux moyens ordinaires, Hippocrate conseille des incisions profondes de la tête. (Des lieux dans l'homme, 13, t. VI, au bas de la page 301.)

ναίμ φαρμάκ. M. Littré (des Plaies, 14, t. VI, p. 417, et 1, p. 402, note 4) traduit ces mots par médicament enhème, et ajoute dans cette note : « On appelait enhème (de ἐν, dans, et αμα, sang) des médicaments dont on se servait pour les plaies récentes, etc. »

L'importance de ce chapitre, et le grand nombre d'opuscules auxquels il a donné naissance, mériteraient, pour la partie historique, des détails plus étendus ; mais le peu d'espace qui m'est accordé me force de la réduire à un résumé très-succinct.

La scarification des paupières, renouvelée d'Hippocrate, eut un grand retentissement au commencement du siècle précédent ; mais bientôt elle retomba dans l'oubli le plus complet.

Le premier auteur moderne qui ait dirigé l'attention du public médical sur le passage hippocratique relatif à cette opération, est Jean-Thomas Woolhouse, oculiste de Jacques ii d'Angleterre, et établi à Paris au commencement du xviiie siècle. Gradué, régent du collège Sainte-Marie-Madeleine d'Oxford, habile et très-érudit, Woolhouse, devant le sévère examen de l'histoire, doit néanmoins descendre dans les rangs de ceux 145 pour qui la science n'est qu'un moyen d'arriver promptement à la fortune. Ici nous n'avons à examiner son charlatanisme que par rapport à la manière dont il exploitait son explication de notre passage du traité de la Vision. Dans ce passage, disait-il (28), qui avant lui n'avait jamais été compris de personne, il s'agit de la scarification des paupières, moyen souverain contre un grand nombre de maladies oculaires, et dont on n'avait pas connu jusqu'à lui le mode d'exécution. Quant à ce mode, il en fit un secret; dans ses ouvrages on trouve seulement l'indication de l'opération (29) et de l'instrument (30) avec lequel il la pratiquait, mais sans aucune description. Il entoura cette opération d'un profond mystère (31), n'admit comme témoins, 146 lorsqu'il l'exécutait, que ses disciples les plus intimes et les plus anciens, et ne les initia à cette pratique que contre une rémunération très-élevée, et après leur avoir fait prêter serment de garder le secret le plus inviolable. Son explication du passage était la suivante (32) : « τρακτος ne signifie pas un fuseau, mais est employé ici pour τρακτυλίς, chardon à foulon, dont la tête, avec ses longues pointes, doit servir de scarificateur, et être enveloppée de laine, afin que ces pointes ne pénètrent pas trop profondément dans l'œil, ni ne blessent les doigts du chirurgien. » Or nous avons vu (p. 142) qu'aucun auteur ancien n'a employé le mot τρακτος dans le sens d'ἀτρακτυλὶς, et qu'il signifie chez Hippocrate un cautère fusiforme en bois.

J.-Henr. Hampe, Diss. de scarificatione oculari Hippocratica, Duisburgi ad Rhenum, 1721.

Je ne connais cette thèse que par des citations, surtout par celles de Triller, qui la loue beaucoup. Elle n'existe dans aucune des bibliothèques publiques de Paris, ni dans celles de Dresde, Gœttingue, Milan, etc., où je l'ai en vain fait chercher. L'auteur semble être élève de Woolhouse et avoir embrassé son explication.

Bure. Dav. Mauchart, et respondente Joh. G. Gmelin, ophthalmoxysis ηοv-antiqua s. Woolhousiano-Hippocratica, etc. Tubingae, 1726. (Reçus, in C. F. Reussii Dissert, medic., Tubing., 1733, t.1, p. 1.)

Il adopte l'interprétation de Woolhouse, et pense que les mots μὴ διακαύσῃς πρς τν χονδρον doivent être pris dans une acception métaphorique : « afin de ne pas scarifier trop profondément et de ne pas déchirer les tissus. »

Joh. Zacch. Platneri opuscula, t. I, Lipsiae, 1749, in-4°, p. 39. De scarificatione oculorum, Lipsiae, 1728, respondente F. C. Praetorio.

Lui aussi, il adopte l'explication de Woolhouse, et regarde 147 les mots μὴ διακαύσῃς comme une mention, faite en passant, de la cautérisation, ou même comme une leçon vicieuse, à laquelle il propose (p. 60) de substituer μ διαβσς. Le mot διακασς, pourtant, qu'on a déjà lu ch. 3, p. 134, avant-dernière ligne du texte, et p. 156, lignes 1,2, 3, a été plusieurs fois employé dans la même acception par Hippocrate (κως μ πέρην διακαύσῃς, des Affections internes, 25, t. VII, p. 230, avant la note 13 ; ταν δ διακαύσς ἐς τ περην, des Articulations, 11, t. IV, p. 106, après la note 15; διακασαι χρις ν..., ib. p. 108, après la note 3).

Dan. Wilh, Triller, Opuscula medica ac medico-philologica ; Francofurti et Lipsiae, 1776, in-4, t. I, p. 463. De scarificatione et ustione oculorum ab Hippocrate descripta.

Dans cette excellente dissertation, Triller, le premier, a parfaitement bien saisi le sens du passage hippocratique. Il a prouvé que l'auteur parle de l'emploi simultané de la scarification et de la cautérisation, et que le mot άτρακτος signifie un cautère en bois. Il n'a presque rien laissé à faire aux interprètes futurs ; aussi Jugler a-t-il en tout point suivi l'interprétation de Triller, et ne m'est-il resté que peu de chose à y ajouter. En place des mots ετα καίειν, que j'ai mis dans le texte entre crochets, il supplée πικαίων, puisé dans la fin du chap. 2.

De nos jours, on a de nouveau tenté de mettre en vogue et d'appliquer pratiquement la méthode hippocratique de la scarification oculaire, telle que l'interprétait Woolhouse et que l'avaient perfectionnée des médecins du siècle précédent. A la tête de chardon à foulon, ces derniers (33) avaient substitué une râpe (radula) métallique, et ils appelaient cette opération brosser l'œil (ces deux mots sont en français dans la thèse latine). M. J. B. Borelli, à Turin, chirurgien et ophtalmologiste distingué, a essayé de remettre en honneur cette râpe, qu'il a 148 transformée en une brosse à longues dents pointues, semblable à la carde (scardasso) qui sert à carder la laine (34). Cet instrument n'est aucunement nécessaire; il suffit, après avoir excisé les granulations les plus volumineuses, de se servir du scarificateur de Himly (35). L'emploi de la brosse métallique doit être beaucoup plus douloureux que celui de ce dernier, et les déchirures qu'elle produit pourront amener des cicatrices vicieuses. Cette méthode a été appelée par son auteur le cordage (scardassamento) des paupières.

Une curieuse remarque de mon savant ami et ancien disciple , le Dr A. Anagnostaki, professeur d'ophtalmologie à la faculté de médecine d'Athènes, nous apprend (36) que le procédé hippocratique, légèrement modifié, est encore aujourd'hui en vigueur dans la médecine populaire traditionnelle des Grecs. Après avoir frotté, pour ainsi dire râpé, la conjonctive palpébrale granulée, à l'aide d'un corps rude, comme par exemple avec un morceau de sucre, on cautérise la plaie avec de la fleur de cuivre ; c'est précisément le même topique que nous avons vu conseiller dans le chap, 4, après l'emploi de la scarification et de la cautérisation.

6. L'affection décrite dans ce chapitre, bien qu'on en ait plus tard fait la psorophthalmie, n'est que cette conjonctivite si fréquente, due aux vicissitudes de la température atmosphérique, qu'on appelle ophtalmie catarrhale, et qui est accompagnée de démangeaisons, d'érosion des angles, etc.; symptômes que les légers astringents font promptement diminuer. Le nombre des topiques préconisés contre cette affection par les anciens auteurs, est extrêmement grand.

Une formule d'une préparation très-semblable de verjus et d'oxyde de cuivre est donnée, Des Maladies des Femmes, 1, 104, t. VIII, p. 226.

149 Μυττώτος, espèce de bouillie dans laquelle entrait de l'ail, mentionnée aussi Épid. II, sect YI, 28, t. V, p. 139.

7. Il existe chez les anciens auteurs une confusion entre les mots νυκτάλωπες, νυκταλωπία et ἡμεράλωπες, ἡμεραλωπία. Hippocrate (Prorrhétique, liv. II, 3), t. IX, p. 64) appelle nyctalopes ceux qui sont affectés de photophobie, avec impossibilité de voir au grand jour et avec larmoiement. « Οἱ δὲ τῆς νυκτὸς ὁρῶντες, οὓς δὴ νυκτάλωπας καλέομεν, οὗτοι ἁλίσκονται ὑπὸ τοῦ νοσήματος νέοι ἢ παῖδες ἢ νεανίσκοι... Οἷσι δὲ ῥεύματα δακρύων πολυχρονία ᾖ, νυκτάλωπες γίνονται.... Ceux qui voient clair la nuit et que nous appelons nyctalopes, sont atteints de la maladie en bas âge, ou enfants, ou pendant l'adolescence.... Ceux qui ont pendant longtemps un larmoiement, deviennent nyctalopes. » La description donnée par Hippocrate s'applique parfaitement à l'ophtalmie scrofuleuse et aux ophtalmies épidémiques des enfants, surtout des enfants lymphatiques, épidémies que, de nos jours encore, on observe tous les ans pendant les changements subits de la température atmosphérique et aux transitions d'une saison à une autre, particulièrement à la fin de l'automne (voy. ch. 9). Ailleurs Hippocrate se sert des mots νυκτάλωπες (Épidém., IV, 52, t. V, p. 192; VI, sect. vii, 1, p. 332) et νυκταλωπικὰ, τ νυκταλωπικὰ (ibid. p. 334), au milieu de circonstances qui indiquent absolument la même ophtalmie épidémique des enfants.

Parmi les autres médecins grecs, les uns ont conservé au mot νυκταλωπία, nyctalopie, la signification qu'Hippocrate lui attribue, et qu'il a encore aujourd'hui en ophtalmologie (cécité de jour, vision de nuit); les autres l'ont pris dans le sens de notre héméralopie (cécité de nuit ou vision de jour). Quoi qu'il en soit de cette confusion entre les deux mots, confusion qui s'est continuée jusque dans le siècle dernier, le remède dont il est pour la première fois fait mention dans ce passage, a été plus tard employé en fumigation contre l'héméralopie. Sous cette forme, pendant tout le moyen Age et jusqu'au dix-huitième siècle, il a conservé une vogue qui non-seulement s'est étendue 150 jusqu'en Chine (37), mais qui encore ne s'est pas tout à fait éteinte chez nous, puisque, même de nos jours, des médecins très-recommandâmes déclarent s'en être bien trouvés. Il semble être efficace uniquement contre les héméralopies peu opiniâtres, et qui souvent cèdent, spontanément au bout d'un certain temps.

Le mot κατάξας est obscur et probablement corrompu. Je l'ai traduit dans le sens de l'application de ventouses scarifiées.

8. Jamais traitement chirurgical plus hardi ne fut dirigé contre une amaurose, supposée symptomatique d'un épanchement séreux dans le cerveau. Le meilleur commentaire de ce chapitre se trouve dans le livre des Maladies (II, 15, t. VII, p. 27, traduction de M. Littré) : « Quand de l'eau se forme dans l'encéphale, une douleur aiguë se fait sentir au bregma et aux tempes;... la région des yeux est douloureuse; le patient a de l'amblyopie.... En cet état, on purgera la tête.... Cela fait, incisez la tête au bregma, perforez jusqu'au cerveau, et traitez comme une trépanation par la scie. » Bien que le bregma d'Hippocrate corresponde au milieu du dessus de la tête, j'ai cru pouvoir rendre ce mot par région pariétale, l'os bregmatis de la terminologie anatomique latine se traduisant par pariétal.

9. Il s'agit ici des ophtalmies épidémiques, déterminées par les variations brusques de la température atmosphérique, épidémies encore si fréquentes de nos jours. Elles s'observent surtout lors des changements des saisons. (Voyez ce que j'ai dit à propos du chap. 7, p. 149.) Pour la fluxion sur les yeux, voyez des Lieux dans l'homme, 13, t. VI, p. 298, où les médicaments humides et secs sont conseillés.

Humecter la tête, cataplasmes; voy. des Plaies, 1, t. VI, p. 401 ; des Plaies de la tête, 13, t. III, p. 230; des Articulations, 40, t. IV, p. 172. Ici, comme ailleurs, les applications 151 humides ou liquides, les cataplasmes et les médicaments secs, sont mis en opposition. Les moyens des deux premières catégories sont déclarés inopportuns dans les fluxions, c'est-à-dire dans les affections catarrhales et rhumatismales des yeux, affections où l'expérience journalière les prouve en effet nuisibles.

Il ne faut pas non plus tenir les yeux longtemps fermés. Ce conseil encore dénote un praticien expérimenté. On voit souvent des ophtalmies s'aggraver et devenir opiniâtres, lorsque les malades n'essayent pas d'ouvrir les yeux de temps à autre.

Dans le chap. 3, note 22, l'éponge n'est pas, comme j'ai dit par inadvertance (p. 139 et 142), un instrument de cautérisation, mais, bien au contraire, un moyen de protection.

(1)  M. le docteur Sichel a bien voulu, dans mon édition d'Hippocrate, se charger du livre Περ ψιος, revisant le texte, le traduisant et le commentant. Je le remercie d'associer ainsi son travail au mien. Le lecteur, qui n'y perdra rien pour la connaissance du grec, y gagnera, en histoire et en doctrine, tout ce qu'un maître dans l'ophtalmologie peut donner. E. LITTRE.

(2) De Dyspnaea, lib. III, sub fin. (cd. Kühn, t. VII, p. 958).

(3) Glossar., ed. Franzius, p. 22, 23.

(4)  M. Littré (t. III, p. 177) blâme l'expression consacrée par l'usage, père de la médecine; mais les médecins qui vécurent avant Hippocrate n'ont rien fait pour vulgariser leur art; leurs préceptes ne sont pas venus jusqu'à nous, ou du moins n'y sont venus qu'indirectement. Hippocrate, le premier, a répandu, et rendu accessibles à tous, ses connaissances médicales. C'est a ce titre qu'il me semble mériter le nom de père de la médecine.

(5) Hippocratis opp., Venet., 1588, in-fol. — Censura de Hippocratis operibus, Basil., 1584, in-12, p. 20.

(6) Jac. Sponii aphorismi novi.... ex Hippocratis operibus... collecti. Lugduni, 1688, in-8, praefat, p. 11.

(7Biblioth. medico-practica, t. I, p. 73,17. Lib. Περ ψιος videtur esse libri Περ παθν initium.

(8) Artis medicœ principes, t. III, p. 447; Lausanae, 1770, ln-8. «Totum repudiat Mercurialis, et ad quartam classem rejicit. Neque tamen malus libellus est, quo acrla ad oculorum morbos medicamenta et crudeles administrationes imperantur. Et radere palpebras ante nuperos jubet, et urere, tum et venas caplds varias. » — Biblioth. chirurg., 1, p. 12. « Ab H. Mercuriall rejectus est hic liber, minime tamen inutilis. »

(9) Chr. Godofr. Gruner, Censura librorum hippocraticorum, etc. Vratlslavias, 1772, in-8, p. 167, § 47.

(10) « Fabricii Biblioth. grœc, ed. Harles, vol. II, 1791, p. 506 — 611, XXV. Libri spurii. — P. 575, XVII, Περ ψιος. — « Sponio (in praef. ad Aphor. nov.) atque Hallero (Biblioth. med. pract., t. l, p. 73) prlncipium libri Περ παθν esse videtur, sed dlcendi genus in utroque hoc libro non convenit. Liber hinc de oculorum affectionibus, quem auctor libri Περ παθν se scripturum promiserat, hic de visu liber non est, quem quoque Galenus non novit, neque Erotianus. Fragmentum alius libri esse videtur, et absque plurimo ordine scriptum. »

(11) Voy. la note précédente.

(12) Aug. Andréa, die Augenheilkunde, etc. (la médecine oculaire d'Hippocrate, en allemand). Programme. Magdebourg, 1843. in-8; p. 51, § 13.

(13Jac. Sponii Aphorismi novi.... ex Hippocratis operibus.... collecti Lugduni, 1688, in-8; praefat., p. 11. «Nec minorem fidem merentur, siquidem in contrarium fere nil adducitur [a Mercuriali], liber De visu, qui videtur initium esse illius quem libro de aflectionibus pollicetur, etc. »

(14Des Affections, 5, U VI, p. 214. Τατα μν σα άπ τς κεφαλς φύεται νουσματα, πλν φθαλμν· τατα δ δίως γεγράψεται.

(15) Voy. p. 124, note 6.

(16) Voy. p. 125.

(17) Galen., de Dyspnaea, lib. III, sub fin. (ed. Kühn, L VII, p. 959) : .... σχεδὸν μες πάντα διήλθομεν ν τδε τ λόγ τ γνήσια. λλ' πε κα τ Θεσσαλο, τοῦ θἱέος ατο, κα τ Πολύβου, τν γαμβρο, τς πποκράτους έστ τέχνη..... Kûhn traduit τέχνης par artis; je crois qu'ici il exprime plutôt l'idée de scholae.

(18) Galen., de Humorib., init. (ed. Kühn, t. XVI, p. 3) : λλ' ἐπεί τινες λέγουσι τουτ τ σύγγραμμα εναι Θεσσαλο το υέος το πποκράτους το Πολύβου το γαμβρο, ν α γραφα τς πποκράτους τέχνης εσ....

(19) Περ παθν, t. VI, ρ. 208, note 1. Τοτο δὲ Γαληνς το Πολύβου λέγει εναι, Codd. mss. F et G.

(20) Ces lettres ne sa tarent pas dans les premiers volumes.

(21 Bibliothecae Laurentianae Catalogus, t III columna 44.

(22) Bibliotheca grœca, l.1, lib. ii, c. 24, ed. 1, p. 841.

(23)  Hippocratis opp., 1.1, p. CXXX.

(24) Hippocratis de Visu libellus, p. 48.

(25)  Bibliothèque orientale, 1697, in-fol., p. 974, b, 3. Cet ouvrage arabe est probablement l'un des deux manuscrits de la bibliothèque Bodléïenne cités p. 133, mais on ne peut trancher plus positivement cette question , le passage de la Bibliothèque orientale ne contenant que les mots que je rapporte, sans indication de l'établissement qui possède ce manuscrits.

(26) J. G. Wenrich, de Auctorum graecorum versionibus et commentants syriacis, arabicis, etc., commentatio. Lipsiae, 1842, ln-8, pages 102, 104.

(27)Ratio medendi, pars vi, ed. II. Viennae, 1763, cap. vi, pages 239 à 287. De Cranii ustione in pertinacioribus vitiis Capitis. Dans deux cas terminés par la mort, le cautère avait été appliqué sur les os du crâne dénudés. J'ai observé moi-même plusieurs fois des congestions cérébrales excessivement intenses et presque mortelles, provoquées par l'ustion sincipitale des téguments.

(28) Woolhousii Dissertt. et cataracta et glaucomate; Francofurti ad Mœnum, 1719, in-8, p. 335.

(29)  Woolhouse, Expériences de différentes opérations, etc. Paris, 1711, in-8, p. 17, n°22. f (Cette croix. de même que l'astérisque dans les dissertotiones de cataracta, etc. Indique « des opérations qui sont de la pratique particulière ou de l'invention du sieur DE WOOLHOUSE. ». « La Blepharoxysie ou friction, dérasion et détersion palpébrale avec dépuration des glandules lacrymales, etc. » — Spécification de quarante opérations que le sieur WOOLHOLSE enseigne, etc. (Dans Dissertationes sçavantes sur la cataracte, etc., Offenbach, s. a., mais probablement 1718, in-8, après la page 365. Notez que la pagination des diverses éditions de cet opuscule, toutes publiées sans date, ne se correspond pas.) XXIV. La blepharoxysis ou suffrication, de chiqueture (sic) et dégagement palpébrale (sic), etc.— Woolhousii Dissertationes de cataracta, etc., p. 333 seq. « ln panno..  Medicus noster Ocularius venas et arterias.... plane dissecat, etc. — Ibid., p. 347, cap. 17. * Blepharoxysis, sive suffricatio, interpunctio et depuratio palpebralis, etc.

(30) Woolhouse, Catalogue d'instruments pour les opérations manuelles qu'il pratique aux yeux. Pans, chez Houry, 1696, in-8. Je n'ai pu me procurer cette brochure. Voici comment le passage en question est cité dans les Dissertt. sçavantes, etc., p. 349 et suivante : « Dans cette Brochure M. de Woolhouse annonce sa découverte de la scarification ou phlebotomie de l'œil tant vantée par Bippocrate dans son petit Essay de Visu, dont ny le Grec, ny la traduction Latine n'a jamais encore été bien entendu d'aucuns Interprètes ny Commentateurs, et dont M..de Woolhouse a réservé l'explication pour la publier en temps et lieu. »

(31) Platneri opuscula, t.1, p. 41. « Norunt vero omnes, qui Woolbouslum frequentarant, quanto olim studio et instrumentum et ipsam enchiresin celaverit » Maucharl et Trilller donnent des détails semblables.

(32De cataracta, etc., p. 336. Voy. aussi les opuscules de Platner, Mauchart et Triller, cités ci-dessous.

(33)  De Villiers, praes. Pourfour Du-Petit, An senescensibus oculi inflamnationibus conjunctivae scorifitatio ? Paris, 1182, p. 6.

(34) Giornale d'oftalmologia italiano; Torino, vol. II, 1859, p. 59 et suivante», surtout p. 15.

(35) Siebel, Iconographie ophtalmologique,  § 90, p. 37, et pl. LX1X, fig. 11.

(36) Giorn. d'oftalmol. italiano, vol. Il, 1859, p. 145.

(37) Lettres édifiantes et curieuses, écrites des Missions étrangères, t. XXII, p. 193; Lettre du P. d'Εntrecolles, datée de Péking, 1736.

 

ΠΕΡΙ ΟΨΙΟΣ.

1. Αἱ ὄψιες αἱ διεφθαρμέναι, αὐτόματοι μὲν κυανίτιδες γιγνόμεναι, ἐξαπίνης γίνονται, καὶ ἐπειδὰν γένωνται, οὐκ ἔστιν ἴησιςτοιαύτη. Αἱ δὲ θαλασσοειδέες γιγνόμεναι, κατὰ μικρὸν ἐν πολλῷχρόνῳ διαφθείρονται, καὶ πολλάκις ὁ ἕτερος ὀφθαλμὸς ἐν πολλῷχρόνῳ ὕστερον διεφθάρη. Τουτέου δὲ χρὴ καθαίρειν τὴν κεφαλὴνκαὶ καίειν τὰς φλέβας· κἢν ἀρχόμενος θεραπευθῇ ταῦτα, ἵσταταιτὸ κακὸν καὶ οὐ χωρέει ἐπὶ τὸ φαυλότερον. Αἱ δὲ μεταξὺ τῆς τεκυανίτιδος καὶ τῆς θαλασσοειδοῦς, ἢν μὲν νέῳ ἐόντι γένωνται,πρεσβυτέρῳ γενομένῳ καθίστανται· ἢν δὲ πρεσβυτέρῳ ἐόντι γίγνωνται ἐτέων ἑπτὰ, .... βέλτιον ὁρῇ· τὰ μεγάλα δὲ πάνυ καὶλαμπρὰ, καὶ ἀπὸ πρόσθεν, ὁρῇ μὲν, σαφῶς δὲ οὐ, καὶ ὅτι ἂνπάνυ πρὸς ἑωυτὸν τὸν ὀφθαλμὸν προσθῇ, καὶ τοῦτο, ἄλλο δὲοὐδέν. Ξυμφέρει δὲ τουτέῳ κάθαρσίς τε καὶ καῦσις τῆς κεφαλῆς·αἷμα δὲ τουτέοισιν οὐ ξυμφέρει ἀφιέναι, οὔτε τῇ κυανίτιδι, οὔτε τῇθαλασσοειδεῖ.

2. Καὶ τὸ ὄμμα ἐν τοῖσιν ὀφθαλμοῖσι, τῆς ὄψιος ὑγιέος οὔσηςτῶν νεωτέρων ἀνθρώπων, ἤν τε θήλεια ᾖ ἤν τ´ ἄρσην, οὐκ ἂν ὠφελείης ποιέων οὐθὲν, ἕως ἂν αὔξηται τὸ σῶμα ἔτι. Ὅταν δὲμηκέτι αὐξάνηται, αὐτέῳ τῷ ὀφθαλμῷ σκεψάμενος τὰ βλέφαρα λεπτύνειν, ξύων, ἢν δοκέῃ προσδέεσθαι, καὶ ἐπικαίων ἔνδοθεν μὴδιαφανέσιν.

3. .... Ἔπειτα ἀναδήσας, τὰ σκέλεα ἐκτείνας, δίφρον ὑποθεὶςἀφ´ οὗ στηρίζηται τῇσι χερσί· μέσον δέ τις ἐχέτω. Ἔπειταδιασημήνασθαι τὰς νωτιαίας φλέβας, σκοπεῖν δὲ ὄπισθεν. Ἔπειτακαίειν παχέσι σιδηρίοισι καὶ ἡσυχίῃ διαθερμαίνειν, ὅκως ἂν μὴῥαγῇ αἷμα καίοντι· προαφιέναι δὲ τοῦ αἵματος, ἢν δοκέῃ καιρὸςεἶναι. Καίειν δὲ πρὸς τὸ ὀστέον ὄπισθεν. Ἔπειτα ἐνθεὶς σπόγγονἠλαιωμένον ἐγκατακαίειν, πλὴν τοῦ πάνυ πρὸς αὐτῷ τῷ ὀστέῳ· ἢνδὲ προσδέχηται τῷ καυστηρίῳ τὸ σπόγγιον, ἕτερον λιπαρώτερονἐνθεὶς ἐγκατακαίειν. Ἔπειτα τοῦ ἄρου ἐν μέλιτι δεύων, ἐντιθέναι τῇσιν ἐσχάρῃσιν. Ὅταν δὲ φλέβα παρακαύσῃς ἢ διακαύσῃς,ἐπειδὰν ἐκπέσῃ ἐσχάρη, ὁμοίως τέταται ἡ φλὲψ καὶ πεφύσηται καὶ πλήρης φαίνεται, καὶ σφύζει ὅτε κάτωθεν τὸ ἐπιῤῥέον· ἢν δὲ διακεκαυμένος ᾖ ὁ κάτωθεν, ταῦτα πάντα ἧσσον πάσχει. Διακαίειν δὲχρὴ αὖθις, ἢν μὴ τὸ πρῶτον διακαύσῃς· τά τε σπόγγια χρὴἰσχυρῶς ἐγκατακαίειν, πρὸς τῆς ῥεούσης φλεβὸς μᾶλλον. Αἱ ἐσχάραι αἱ μᾶλλον ὀπτηθεῖσαι τάχει ἐκπίπτουσιν. Αἱ καιόμεναιοὖλαι πρὸς τὸ ὀστέον καλλίονες γίνονται. Ἐπειδὰν δὲ τὰ ἕλκεαὑγιέα γίνονται, αὖθις ἀναφυσῶνται καὶ ἐπαίρονται, καὶ ἐρυθραίεἰσι παρὰ τὸ ἄλλο, καὶ ὥσπερ ἀναιρησόμεναι φαίνονται, ἕως ἂνχρόνος ἐπιγένηται· καὶ κεφαλῆς καυθείσης καὶ στήθεος, ὁμοίως δὲκαὶ παντὶ τῷ σώματι ὅκου ἂν καυθῇ.

4. Ὅταν δὲ ξύῃς βλέφαρα ὀφθαλμοῦ, ξύειν [εἶτα καίειν] εἰρίῳΜιλησίῳ, οὔλῳ, καθαρῷ, περὶ ἄτρακτον περιειλῶν, αὐτὴν τὴνστεφάνην τοῦ ὀφθαλμοῦ φυλασσόμενος, μὴ διακαύσῃς πρὸς τὸνχόνδρον. Σημεῖον δὲ ὅταν ἀπόχρῃ τῆς ξύσιος, οὐκ ἔτι λαμπρὸναἷμα ἐξέρχεται, ἀλλὰ ἰχὼρ αἱματώδης ἢ ὑδατώδης. Τότε δὲ χρήτινι τῶν ὑγρῶν φαρμάκων, ὅκου ἄνθος ἐστὶ χαλκοῦ, τουτέῳ ἀνατρῖψαι. Ὕστερον δὲ τὸ τῆς ξύσιος καὶ τὸ τῆς καύσιος, ὅταν αἱἐσχάραι ἐκπέσωσι καὶ κεκαθαρμένα ᾖ τὰ ἕλκεα καὶ βλαστάνῃ, τάμνειν τομὴν διὰ τοῦ βρέγματος. Ὅταν δὲ τὸ αἷμα ἀποῤῥυῇ, χρὴδιαχρίειν τῳ ἐναίμῳ φαρμάκῳ. Ὕστερον δὲ τουτέου ἔργον καὶπάντων τὴν κεφαλὴν καθῆραι.

5. Τὰ βλέφαρα τὰ παχύτερα τῆς φύσιος, τὸ κάτω ἀποταμὼν τὴν σάρκα ὁκόσην εὐμαρέστατα δύνῃ, ὕστερον δὲ τὸ βλέφαρονἐπικαῦσαι μὴ διαφανέσι, φυλασσόμενος τὴν φύσιν τῶν τριχῶν, ἢτῷ ἄνθει ὀπτῷ λεπτῷ προστεῖλαι. Ὅταν δὲ ἀποπέσῃ ἡ ἐσχάρα,ἰητρεύειν τὰ λοιπά.

6. Ὁκόταν δὲ βλέφαρα ψωριᾷ καὶ κνησμὸς ἔχῃ, ἄνθος χαλκοῦβώλιον πρὸς ἀκόνην τρίψας, ἔπειτα τὸ βλέφαρον ἀποτρίψας αὐτέου,καὶ τότε τὴν φολίδα τοῦ χαλκοῦ τρίβειν ὡς λεπτοτάτην· ἔπειταχυλὸν ὄμφακος διηθημένον παραχέας καὶ τρίψας λεῖον, τὸ δὲ λοιπὸνἐν χαλκῷ ἐρυθρῷ παραχέων, κατ´ ὀλίγον ἀνατρίβειν, ἕως ἂνπάχος γένηται ὡς μυττωτός· ἔπειτα, ἐπειδὰν ξηρανθῇ, τρίψαςλεῖον χρῆσθαι.

7. Νυκτάλωπος φάρμακον· πινέτω ἐλατήριον, καὶ τὴν κεφαλὴν καθαιρέσθω, καὶ κατάξας τὸν αὐχένα ὡς μάλιστα, πιέσαςπλεῖστον χρόνον. Ἐπανιεὶς δὲ διδόναι ἐν μέλιτι βάπτων ἧπαρ βοὸςὠμὸν καταπιεῖν μέγιστον ὡς ἂν δύνηται, ἓν ἢ δύο.

8. Ἤν τινι οἱ ὀφθαλμοὶ ὑγιέες ἐόντες διαφθείροιεν τὴν ὄψιν,τουτέῳ χρὴ ταμόντα κατὰ τὸ βρέγμα, ἐπαναδείραντα, ἐκπρίσαντα τὸὀστέον, ἀφελόντα τὸν ὕδρωπα, ἰῆσθαι· καὶ οὕτως ὑγιέες γίνονται.

9. Ὀφθαλμίης τῆς ἐπετείου καὶ ἐπιδημίου ξυμφέρει κάθαρσις κεφαλῆς καὶ τῆς κάτω κοιλίης· καὶ εἰ ἔχοι τὸ σῶμα, αἵματοςἀφαίρεσις ξυμφέρει πρὸς ἔνια τῶν τοιούτων ἀλγημάτων, καὶ σικύαι κατὰ τὰς φλέβας. Σῖτος ὀλίγος ἄρτος, καὶ ὕδατος πόσις. Κατακεῖσθαι δὲ ἐν σκότῳ, ἀπό τε καπνοῦ καὶ πυρὸς καὶ τῶν ἄλλωνλαμπρῶν, πλαγίων, ἄλλοτε ἐπὶ τὰ δεξιὰ, ἄλλοτε ἐπ´ ἀριστερά.Μὴ τέγγειν τὴν κεφαλὴν, ἐπειδὰν οὐ ξυμφέρει. Κατάπλασμαὀδύνης μὴ ἐνεούσης, ἀλλ´ ὡς ῥεύματος ἐπέχοντος, οὐ συμφέρει.Οἰδημάτων ἀνωδύνων καὶ μετὰ τὰ δριμέα φάρμακα τῆς ὀδύνηςἐπαλειφόμενα, ἐπειδὰν ἥ τε ὀδύνη παύσηται καὶ διαχωρισθῇμετὰ τὴν ἐσάλειψιν τοῦ φαρμάκου, τότε συμφέρει καταπλάσσειντῶν καταπλασμάτων ὅ τι ἄν σοι δοκέῃ ξυμφέρειν. Οὐδὲ διαβλέπειν ξυμφέρει πουλὺν χρόνον, δάκρυον γὰρ προκαλέεται, οὐ δυνάμενος ὁ ὀφθαλμὸς πονέειν πρὸς τὰ λαμπρά· ἀλλ´ οὐδὲ ξυμμύεινπουλὺν χρόνον, ἢν ἔχῃ ῥεῦμα θερμὸν μάλιστα· θερμαίνει γὰρ τὸδάκρυον ἰσχόμενον. Ῥεύματος δὲ μὴ ἔχοντος, μετά γέ του ξηροῦτὴν ὑπάλειψιν ξυμφέρει ποιέεσθαι.
 

DE LA VISION.

1. (Changements dans la couleur des pupilles et maladies qui y correspondent.) Les pupilles qui, en perdant leur aspect normal, deviennent spontanément bleuâtres, le deviennent rapidement, et, lorsqu'elles le sont devenues, il n'y a pas de guérison. Celles, au contraire, qui deviennent couleur d'eau de mer, mettent beaucoup de temps à perdre peu à peu leur aspect normal, et souvent l'autre œil ne le perd que beaucoup plus tard. A ces malades il faut purger la tête et brûler les veines ; et, s'ils sont traités dès le début pour ces affections, le mal s'arrête et ne fait plus de progrès. Les changements dans la couleur de la pupille qui tiennent le milieu entre le bleuâtre et la teinte d'eau de mer, s'ils surviennent pendant l'enfance, s'arrêtent avec le progrès de l'âge ; s'ils surviennent chez un individu âgé de plus de sept ans,.... sa vision s'améliore. Il voit [alors] les objets très-volumineux et brillants, même de loin, mais sans les distinguer nettement, et les objets qu'il approche beaucoup de l'œil ; mais ceux-là seuls et rien de plus. A ces malades il est utile de purger la tête et de la cautériser ; mais il n'est pas utile de leur tirer du sang, ni quand la pupille est bleuâtre, ni quand elle est couleur d'eau de mer.

2. (Altérations de la vue sans changements dans la couleur des pupilles). Quant à la vision des yeux, la pupille ayant con- 155 serve son état normal, chez les individus jeunes, qu'ils soient do sexe féminin ou masculin, vous ne l'améliorerez par aucun moyen, tant que le corps n'a pas acquis tout son développement. Lorsqu'il ne grandit plus, il faut, en dirigeant toute votre attention sur le globe oculaire, diminuer l'épaisseur des paupières, en les scarifiant si vous le croyez nécessaire, et en les cautérisant en dedans avec des cautères non chauffés à blanc.

3. (Préceptes sur l'ustion des veines ou cautérisation en général.) [La partie du corps qu'on choisit le plus souvent pour l'ustion est celle du dos. Pour la pratiquer on place convenablement le malade.] Puis, lui faisant allonger les cuisses, on l'attache par des liens, et on lui fait prendre avec les mains un point d'appui sur le siège où il est assis ; un aide le tiendra par le milieu du corps. On marque alors les veines du dos, en choisissant de préférence celles qui sont situées le plus en arrière. Ensuite on pratique l'ustion avec des cautères larges et lentement, afin que pendant la cautérisation il ne survienne pas d'hémorragie ; si une émission sanguine paraît opportune, un la fera plutôt avant l'ustion. La cautérisation doit être faite jusqu'auprès de l'os, en arrière. Ensuite, plaçant sur le point cautérisé une éponge trempée dans de l'huile, on brûle plus profondément, en évitant cependant de pénétrer trop près de l'os ; si l'éponge adhère au cautère, il faut répéter l'ustion avec une autre éponge mieux huilée. Après quoi on recouvre les eschares de gouet (arum maculatum, L.) trempé dans du miel. Si une veine est atteinte ou traversée par l'ustion, après la chute de l'eschare la veine est tendue comme auparavant, et se gonfle et semble pleine, et bat lorsque le sang afflue de bas en haut ; si l'ustion, bien que profonde, a été pratiquée à une partie inférieure du dos, tout cela a lieu à un moindre degré. Si la première ustion n'a pas été suffisamment profonde, il faut la réitérer avec plus 157 de force; il faut aussi brûler énergiquement les éponges, particulièrement près de la veine qui charrie du sang. Plus les eschares sont torréfiées, plus tôt elles se détachent. Les cicatrices des brûlures faites près de l'os deviennent plus belles. Lorsque les plaies sont guéries, [les veines] se distendent de nouveau, s'élèvent, deviennent plus rouges que les parties voisines, et apparaissent comme si elles devaient se soulever, jusqu'à ce que du temps se soit écoulé. Il en est de même, quand on a cautérisé la tête ou la poitrine, ou toute autre partie du corps.

4. (Scarification et cautérisation des granulations palpébrales et leur traitement en général.) Lorsque vous aurez à scarifier les paupières de l'œil, faites-le d'abord, [puis cautérisez] avec un cautère fusiforme en bois, autour duquel vous aurez roulé de la laine de Milet crépue, pure, et faites bien attention à ne pas toucher la prunelle de l'œil, et à ne pas brûler jusqu'au cartilage. Le signe qu'il ne faut pas pousser plus loin la scarification, c'est qu'il ne s'écoule plus du sang rutilant, mais un liquide ténu, sanguinolent ou aqueux. Alors il faut faire une onction avec l'un des médicaments liquides contenant de la fleur de cuivre. Enfin, après la scarification et la cautérisation, lorsque les eschares sont tombées, que les plaies se sont détergées et poussent des bourgeons charnus, il faut faire une incision à la région pariétale. Quand l'écoulement du sang a cessé, il faut pratiquer une onction avec l'un des médicaments qu'on met sur les plaies récentes. Après cela il convient dans tous les cas de purger la tête.

5. (Granulations sarcomateuses.) Quand les paupières ont 159 une épaisseur anormale, réséquez de votre mieux la chair de leur partie inférieure, puis cautérisez la paupière avec des cautères non chauffés à blanc, en évitant l'implantation des cils; ou réprimez l'épaississement avec la fleur de cuivre brûlée et finement pulvérisée. Après la chute de l'eschare, donnez les soins médicaux nécessaires au reste.

6. (Ophtalmie catarrhale avec érosion.) Lorsque les paupières sont affectées d'érosion et de démangeaison, broyez sur une pierre à repasser un petit fragment de fleur de cuivre, puis frictionnez-en la paupière ; alors triturez de l'écaillé de cuivre aussi finement que possible, puis versez-y du verjus passé à travers un linge, en broyant soigneusement; ce qui reste de verjus, versez-le dans un vase de cuivre rouge sur le mélange, et triturez peu à peu, jusqu'à ce qu'il prenne l'épaisseur d'une bouillie ; puis laissez sécher, broyez finement et employez.

7. (Traitement de la nyctalopie.) Remède contre la nyctalopie. Le malade prendra de l'élatérion (suc du momordica elaterium, L.), et se purgera la tête ; on lui appliquera sur le cou autant de ventouses qu'on pourra, en entretenant l'écoulement du sang le plus longtemps possible par la pression. Après quelque temps il faut faire manger, une ou deux fois, un foie de bœuf cru aussi gros que possible, trempé dans du miel.

8. (Amaurose traitée par la trépanation.) Lorsque la vue se perd sans maladie apparente des yeux, il faut pratiquer une incision à la région pariétale, disséquer les parties molles, trépaner l'os, et évacuer le liquide épanché ; c'est là le traitement, et c'est ainsi que ces malades guérissent.

9. (Ophtalmie épidémique.) Dans l'ophtalmie annuelle et épidémique, la purgation de la tête et du bas-ventre est utile ; 161 et si la constitution du malade le permet, la saignée est utile dans certains cas de ces affections, ainsi que l'application de ventouses sur les veines. Pour aliment, du pain en petite quantité; pour boisson, de l'eau. Le malade gardera le lit dans l'obscurité, loin de la fumée du feu et de tout ce qui est brillant, en se couchant sur le côté, tantôt sur le droit, tantôt sur le gauche. On n'humectera pas la tête, car c'est nuisible. Des cataplasmes sont inopportuns, quand ces affections ne sont pas accompagnées de douleur et ont la nature d'une fluxion. Pendant les gonflements indolents et après les médicaments astringents, employés en onction contre la douleur, quand celle-ci a cessé et s'est dissipée après fonction avec le médicament, c'est là le moment convenable pour appliquer le cataplasme médicamenteux que vous jugerez le plus approprié. Il ne faut pas que le malade regarde fixement et longtemps, car cela provoque les larmes, l'œil ne pouvant supporter l'action de rien de ce qui brille ; mais il ne faut pas non plus tenir les yeux longtemps fermés, surtout quand il existe une fluxion chaude, car les larmes retenues échauffent [et irritent] l'œil. Lorsqu'il n'existe pas de fluxion, il y a utilité à faire des onctions avec l'un des médicaments secs.

FIN DU TRAITE DE LA VISION.

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