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ORIENS (ORENS) (Orientius)
COMMONITORIUM
LIVRE I
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
ORIENS (Orientius)Traduction du Poème d’Orientius et de ses Prières.Extrait de la Thèse de Louis Bellanger: Étude sur le poème d’Orientius, 1902, pages 293-339.
Paucaque perstrinxit florente Orientius ore. (Fortunat, Vie de saint Martin, i, 17)
COMMONITORIUM. LIVRE PREMIER
Qui que tu sois, qui recherches avec empressement les récompenses de l’éternelle vie, qui préfères des biens durables à des avantages périssables, apprends quels moyens nous ouvrent les cieux, mettent la mort en fuite, nous permettent d’éviter[1] les difficultés et de suivre le chemin de traverse[2] qui mène au bonheur. Pour moi,[3] vaincu par les vices de la chair et par le temps, je[4] m’avance sur les sentiers de terre, c’est-à-dire sur les routes de la douleur. La seule joie éprouvée par nous aujourd’hui, joie mêlée de désirs, c’est de voir que ce que nous ne faisons pas nous-mêmes, d’autres du moins le font. Car cette vie qui s’enfuit si vite, nous la passons au milieu de charmes trompeurs qui nous captivent. Elle est frivole, misérable, perfide, éphémère, instable et vaine, et de la source impure de nos fautes procèdent, hélas! tous nos maux.[5] Toi, laissant de côté tout ce qui est destiné à disparaître bientôt, attache-toi avec une foi courageuse aux biens qui ne périront pas. Courage donc, prête-moi une oreille attentive et une intelligence libre de tout autre soin : c’est la vie que je veux t’enseigner, c’est la vie que tu dois apprendre. Mais, afin que les préceptes de ce livre soient plus salutaires et que mon poème suive un droit chemin, je tiens, ô Dieu tout-puissant, à vous invoquer et du cœur et des lèvres. Je ne veux pas, ô Christ, ouvrir même la bouche sans vous. C’est vous qui, chassant loin d’eux les ténèbres, redonnez la lumière aux aveugles; c’est vous qui rendez l’ouïe aux oreilles sourdes, qui faites disparaître les cruelles maladies du corps et de l’âme; c’est vous seul qui déliez la langue des muets. Votre puissance règle et mon cœur et ma bouche : faites-moi le don de la pensée et celui de la parole.[6] Qu’ainsi votre faveur anime ma langue et que, par vous, je puisse tenir sur vous un discours qui vous plaise. En effet, sur votre ordre, une ânesse, vainquant la nature, prit la voix humaine, et Balaam, qui de l’aiguillon pressait ses flancs, fut effrayé par le miraculeux langage de cet animal. Cédant aux prières vives et pressantes d’un roi apeuré, le prophète s’était préparé à lancer de terribles paroles contre le peuple saint[7] mais il fut par lui-même impuissant à soumettre à sa volonté les mouvements de sa langue : sa bouche disait une chose, alors que son cœur en voulait exprimer une autre. Préparé à maudire, il se mit à prodiguer les bénédictions, employant ses lèvres à prononcer des paroles contraires à son dessein. Si donc, ô Christ, nous ne recevons de vous le don de parler et celui de penser, si vous ne réglez les efforts de notre âme, la voix de tous les hommes restera muette, dépourvue de raison, et ce qu’ils peuvent même, ils ne le pourront pas.[8] D’abord, tu dois connaître les deux vies distinctes données à l’homme par la sagesse de Dieu : d’une part le corps, objet grossier, composé d’une masse de terre; de l’autre l’âme, vivifiée par le souffle divin.[9] L’âme a la faculté de se dépenser sans fin, mais notre corps fragile ne contient qu’une courte provision de vie. La naissance nous donne à tous l’une de ces deux vies. Quant à l’autre, l’homme la doit à ses soins et à ses propres mérites. Il n’est pas en notre pouvoir de naître ou de vivre longtemps, mais notre vie actuelle peut préparer notre vie à venir. Sans doute, la volonté du Seigneur nous fait entrer dans l’une et dans l’autre; ni l’une ni l’autre ne nous est départie sans l’ordre de Dieu. Mais la première est entrainée sur une pente rapide dans un mouvement précipité, l’autre nous est accordée pour une durée sûre.[10] C’est à notre insu et sans aucun mérite que nous entrons dans la première; la seconde est pour nous la récompense d’un grand labeur. Nous naissons pour penser au maître du ciel, de la terre et de la mer, pour le chercher[11] avec tout notre zèle et toute notre vigilance. Si nous le cherchons, c’est pour nous faire une idée de son être, de ses attributs, de sa grandeur, de son action. Nous devons tâcher de le connaître[12] pour l’honorer et lui adresser des louanges dignes de lui, et nous l’honorons pour qu’il nous donne la vie éternelle. Pour l’adorer, nous n’avons besoin ni d’offrir de l’encens, ni de répandre le sang des victimes, ni de nous plonger dans le vin, ni de nous charger de nourriture. Or, étoffes, parfums, bétail, libations, pierreries, tout ce que les hommes regardent comme des objets excellents[13] et de prix, tout cela, devant Dieu, est comme une vile masse de terre, comme la boue, comme les immondices, et gît de même sans honneur. Tout appartient à ce Dieu dont nous nous glorifions de dépendre. Nous ne possédons rien en propre : il a tout en son pouvoir et nous a tout donné. Le voici en effet qui s’écrie par la bouche sacrée du prophète : « Je ne veux pas de tes boucs, je ne veux pas de tes taureaux.[14] » Avec moi est la beauté des champs et la gloire des cieux.[15] Le monde est mon domaine et tout ce que renferme le monde m’appartient aussi. Qu’avec un cœur saint on m’adresse les prières qui me sont dues. Que les hommages qu’on me rend tiennent lieu de victimes,[16] et qu’une voix innocente me célèbre. Tu ne pourras donc, ô mon lecteur, prétexter qu’il y ait quelque difficulté à suivre ces enseignements. Il n’y a rien là qui soit hors de ta portée, rien qu’il faille aller chercher au loin; il n’est besoin ni de richesses, ni de dépenses, ni d’objets précieux. Il suffit que, songeant au Seigneur, maître du monde, père de tout ce qui existe, qui a la disposition des biens et des maux, tu croies en lui d’un cœur pieux et que, plein de foi, tu le pries. L’idée qu’on doit se faire de lui dépasse toute expression : Dieu un, incorporel, saint par tous les siècles, embrassant toutes choses, et en toutes choses toujours un. Mais pourquoi me servir seulement de paroles nues, comme si Dieu ne nous avait là-dessus rien révélé? Rappelle-toi d’abord ce qui a été prévu dans l’ancienne loi, celle qui fut autrefois écrite sur des blocs massifs,[17] ordre qu’a renouvelé de nos jours la grâce donnée par le Seigneur Christ, et que la voix vénérable de l’Evangile fait retentir aux oreilles de tous, afin que le commandement, jadis gravé sur la pierre, le soit maintenant dans nos cœurs et que la foi, deux fois affirmée, devienne plus féconde[18] : aime le Seigneur avec toute ton affection, avec toutes tes entrailles, aime ton Dieu de tout ton cœur.[19] Et ce commandement est raisonnable car, enchaîné par tant de bienfaits, quel plus juste tribut pourras-tu lui offrir? Lorsque tu gisais, simple limon, dans la fange de la terre, Dieu t’a empêché de demeurer boue éternelle. Si tu es un assemblage de membres, si l’intelligence te meut, si ta langue parle, si ta raison sait bien juger, si tes mains sont douées du toucher, si tes jambes[20] marchent, si ton œil voit, si ton oreille entend, si ton nez sent, si ta bouche peut goûter, c’est que Dieu prévenant tes mérites t’a, de sa propre bonté, départi ces faveurs : il est le père et le maître de ton corps et de ton âme. Et non content de t’avoir accordé ces biens, de t’avoir muni de membres et de t’avoir donné des sens, ce Dieu qui t’octroie la vie t’en procure encore tous les agréments. Aussi se présente-t-elle à toi avec toutes sortes de délices. Pour toi le ciel est suspendu en voûte, pour toi la terre s’étend au loin,[21] l’air se balance et les vagues de l’Océan flottent. Pour toi, à travers la succession des nuits et des jours, les mois passent, puis les années. Le soleil brille, les astres étincellent, la lune répand sa rougeâtre lumière. A peine le printemps a-t-il répandu les germes agréables des fleurs variées[22] que l’été, chargé de moissons, embrase les campagnes. L’automne est tout ruisselant de vin et tout luisant du jus de l’olive. Allumant des feux, l’hiver ignore le froid. Pour repousser la pluie, tu élèves des toits solides et tu déjoues le vent par l’orientation de l’édifice. Façonnant avec le peigne la toison de la brebis porte-laine, tu couvres de moelleux habits tes membres transis. Tu possèdes aussi des tissus lisses[23] fabriqués avec le lin éclatant de blancheur et des manteaux faits de la laine de l’Orient. L’une de ces étoffes t’est fournie par le sol fécond que tu ensemences, l’autre est recueillie par les Sères[24] sur leurs arbres élevés. Enfin, pendant la révolution entière de l’année, tout ce que tu désires,[25] la sollicitude de Dieu te le procure. Les blés verdissent les plaines, le pampre revêt la colline, et sur vingt arbres divers tu cueilles les fruits mûrs. Grâce aux soins prévoyants que tu lui donnes, ton fertile jardin produit au temps voulu les plantes potagères.[26] Pour ton éclairage ordinaire, tu enflammes le pin résineux, tandis que sur les tables riches brille le flambeau de cire. Et ce n’est pas seulement[27] par son sol que la terre, soumise à l’homme, est obligée de le servir dans ses divers besoins tout ce qui s’envole jusqu’auprès des nues, tout ce que roule dans ses profondeurs la haute mer, tout est poursuivi par toi, et tu te sers pour prendre ces animaux, soit d’un appât trompeur, soit du lin tressé en filet, soit de mille autres artifices. Tantôt c’est le poisson que tu tires du fond des abimes, tantôt ce sont les oiseaux que tu captures au haut des airs. Chasseur, tu abats les épaisses troupes des bêtes sauvages, et elles sont frappées par les traits que tu lances de loin, ou prises dans les mailles de tes rets. Blotties à terre,[28] tu les attaques avec le fer; fuyantes, tes chiens les arrêtent. Tu maîtrises à l’aide du mors la bouche du fier coursier. Tu contrains le bœuf à se placer sous le joug recourbé, tu forces la chèvre à remplir tes seilles. Le miel délicieux coule pour toi des rayons du gâteau frisé. Du roc tu extrais les pierreries, du sable les paillettes d’or, de la terre le minerai que tu assouplis par le feu. Tu sais reconnaître les herbes destinées à guérir les affreuses[29] maladies, et ton art ingénieux fait disparaître les mortelles atteintes du mal. Que dis-je? pour aller recueillir les produits des lointains rivages, pour livrer tes marchandises en échange de celles des autres, tu parcourras les fleuves avec la rame, les mers avec la voile et tu accompliras sans fatigue de longs voyages. Que si tu redoutes la mer, tu te feras porter sur un chariot, et la terre s’étendra devant toi pour être sillonnée par tes roues.[30] Puis, si ton corps ballotté cherche un doux repos, l’eau du bain recevra tes membres poudreux : dépouillé de tous tes vêtements, tu entreras au fond du bassin et, dans l’eau bien tempérée, tu ranimeras tes forces alanguies. En retour de tant de biens dus à la munificence du Seigneur, que lui offres-tu donc qui réponde à son amour pour toi[31] ? Quelles richesses, quelles larges[32] offrandes, quels actes d’extrême soumission pourront jamais servir à t’acquitter? Et cependant le Seigneur à qui tout appartient ne demande pas tant : à ce maître qui t’aime, il suffit que tu sois un serviteur aimant. Mais à ce précepte s’en ajoute un second[33] que le prochain soit pour toi ce que tu es pour toi-même.[34] Je reconnais cette loi salutaire dont l’obligation durera toujours, cette loi qui, en imposant un devoir unique, veille aux intérêts de tous. Car, si l’on me charge du soin d’autrui, il faut que pareillement on charge autrui de prendre soin de moi. Voyez la brebis conduire la brebis vers les gras pâturages, entendez la génisse qui pousse des beuglements de joie devant le reste du troupeau. Ses compagnes lui répondent par un murmure, lui parlant le langage dont elles disposent,[35] et réciproquement elles se lèchent d’une langue toujours prête. Les êtres que la mer cache sous ses flots ne manquent pas non plus d’affection réciproque. L’oiseau est cher à l’oiseau, et le fauve aime son semblable.[36] S’il arrive que, venant de quelque troupe de bêtes sauvages, un brigand se présente et, qu’abusant de sa force, il attaque les faibles avec sa griffe ou son bec,[37] qu’il s’agisse d’oiseaux ou de quadrupèdes, on se réunit de tous côtés pour tâcher de porter secours. En courant, en s’assemblant, en poussant des cris, en volant, les animaux cherchent, même si leurs efforts doivent être vains, à sauver leur compagnon captif. Si donc, par la seule inspiration de la nature, nous voyons se prêter assistance ces êtres qui n’ont l’appui ni de la sagesse, ni de la raison, quoi d’étonnant que la soumission due aux ordres sacrés du Seigneur astreigne les hommes à une sollicitude réciproque, et qu’instruit par l’expérience et par l’intelligence, par les faits et par la raison, votre frère veille à vos intérêts, qui sont les siens propres? De là vient cette maxime justement aimable qui forme entre les hommes des liens les engageant tous également : « Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas que l’on te fasse, et fais-leur ce que tu veux qu’il te soit fait.[38] » Où est la race, où est la catégorie d’hommes, le sexe, l’âge qui ne satisferait à une telle obligation[39] ». Qui en nierait la légitimité ou la facilité? Quel est le devoir auquel cet étroit commandement n’étende pas son ampleur.[40] Que peut-on trouver de plus complet que ce court précepte? Car, si d’un côté je ne voudrais pas qu’on me fit du mal, de l’autre je désire qu’on me fasse du bien. Nous n’avons besoin ni de guide ni de maître[41] : en ce qui nous concerne,[42] nous savons ce qui est bien et ce qui est mal. Tu seras assurément heureux si, voyageant la nuit, tu rencontres un hôte qui te recueille aimablement dans la maison prochaine toi aussi, prends soin de recevoir, dans un abri préparé exprès,[43] celui qui se trouvera en route pendant la nuit. Nu, tu désires être vêtu; altéré, tu souhaites qu’on t’offre à boire; affamé, tu veux être rassasié : sois touché de même par les besoins qu’éprouvent tes frères[44] et partage avec les malheureux manteau,[45] boisson, nourriture. Tombé, tu réclames secours; affligé, consolation; alarmé, assistance; irrésolu, conseil prête ton aide à ceux qui sont tristes, incertains, alarmés, prés de tomber. Votre situation étant semblable, tâche, en chérissant les autres, d’être à ton tour chéri par eux. Sans doute, tu ne veux pas être victime d’une fausse accusation redoute d’accuser les autres faussement. Tu hais le voleur garde-toi de voler. Tu ne veux pas perdre ton bien par la violence: ne commets pas d’acte violent. Tu ne veux pas que les promesses qu’on te fait soient d’une teneur incertaine et chancelante[46] : que ton âme ait la fermeté de tenir ses engagements. Quand quelqu’un a dit du mal de toi, tu voudrais pouvoir lui couper la langue : veille à ne jamais flétrir personne par des paroles de malveillance. Lorsque tu demandes de l’argent à emprunter, tu veux le recevoir tout de suite: que ta main se hâte de venir en aide à celui qui sollicite un prêt. Tu condamnes ceux qui sont gonflés de fierté: dépose tout orgueil; que ton inférieur ne puisse trouver chez toi le défaut que tu blâmes chez les puissants. Si tu as une sœur, une mère, une épouse chérie, tu ne veux pas qu’une réputation fâcheuse vienne entacher leur existence; aussi tu prends sans cesse de leur honneur un soin pieux — que tu sois frère, fils ou époux — et quand un débauché essaye de s’attaquer à ces êtres[47] respectés, le fer, penses-tu, ne suffit pas à punir son crime : n’es-tu pas digne de châtiment, si tu t’en vas à la dérobée essayer de profaner une chaste couche? C’est pourquoi, dans l’ancienne loi, le Seigneur ordonna que les crimes fussent punis par des supplices équivalents : dommage pour dommage, blessure pour blessure; qu’une dent compense la perte d’une dent, un œil la perte d’un œil. Il était bon aussi que l’audacieux ayant cherché à ravir la vie d’autrui perdit la sienne sous la sentence du juge, sans que le coupable pût trouver l’arrêt injuste; de là le châtiment assigné même aux méfaits moindres.[48] Et quoique cette règle ait été heureusement modifiée par la grâce du Christ, qui enseigne la douceur plutôt que la violence, cependant il est conforme à la justice d’obéir soit à l’une soit à l’autre loi, de rendre aussitôt la pareille ou de souffrir en patience. Mieux vaut toutefois compter qu’on aura le Christ pour vengeur et réserver pour le Seigneur l’exercice du droit qu’il nous a conféré. Fais donc en sorte, par de pieuses prières et de saintes actions,[49] que ta conduite mérite d’être approuvée dans l’existence présente et dans la vie future, afin que, te recommandant par une vertu rapide et passagère, tu puisses être admis après ta mort à une gloire sans fin. Aie confiance dans notre doctrine, et souviens-toi qu’elles dureront toutes, ces choses que les insensés croient destinées à périr. Sois persuadé que nos membres mêmes revivront tels qu’ils sont et que nos âmes reprendront jusqu’à leur enveloppe corporelle. Traits, teint, sang, veines, peau, os, cheveux reviendront, tout comme maintenant nous les voyons disparaître. Elle ne sera pas seule à ressusciter, la chair que les pierres conservent dans des tombeaux scellés[50] ou celle que maintiennent la poussière et les parfums d’Arabie[51] mais, plus vite que la parole, nos membres reprendront leur forme, et les matériaux de nos corps sortiront, soit des tombeaux, soit des rivières. Ce que le souffle du vent a enlevé, ce que la morsure des bêtes a emporté, ce que la flamme a consumé, ce qu’un écroulement recouvre, tout reparaîtra. Tous les éléments se réuniront de divers côtés, qu’ils aient été la proie des oiseaux, des poissons ou des animaux sauvages. Et ce que maintenant la vieillesse a peu à peu dissous, la trompette du Seigneur le fera tout à coup renaître. Ainsi chacun sera traité suivant le mérite de ses actions; et, dans le même corps qui nous a servi à faire ou le bien ou le mal, la chair étant revenue subir l’impulsion de l’âme,[52] le coupable entrera dans le supplice et le juste dans la gloire. Et pourquoi douterais-tu de cette vérité, quand les phénomènes que nous pouvons voir, pendant que nous vivons, suffisent à éclairer cette foi en l’avenir? Regarde les forêts, dépouillées par le froid de l’hiver, se couvrir à nouveau d’un feuillage sur lequel on ne comptait plus. La vigne qui restait là lugubre, dégarnie de ses pousses, se revêt de feuilles, se couronne de fruits. La tige de blé[53] jaunit et se couvre d’épis gonflés, après n’avoir été qu’un grain amolli dans la terre. Et les champs qui, tout à l’heure, languissaient dans un engourdissement désolé, sourient maintenant, brillant d’une végétation nouvelle, et s’empourprent de fleurs. L’année même, enfermée dans l’alternance des mois, prend, en changeant de saison, l’apparence de la mort : le printemps cède la place à l’automne, et la chaleur fait disparaître le froid. Ainsi, à l’image de ce qui se passe chez les hommes, ceci vient et cela s’en va.[54] Cependant ces changements ont lieu à perpétuité[55] jusqu’au terme fixé par Dieu, et ainsi se déroule l’alternative des saisons. Et tandis que la mobile roue d’une longue année court après elle-même sans cesse, les phénomènes naissent et disparaissent, s’en vont et reviennent. Cependant[56] notre fin ne comporte pas de fin, et la mort qui nous fait une fois mourir meurt pour toujours.[57] Avec une éternelle vitalité, avec une conscience d’être qui demeurera toujours, chaque homme vivra perpétuellement. Oui, l’homme vivra, mais ici des sanglots se joignent à mes paroles. Combien c’eût été[58] un sort préférable pour l’homme de perdre à la fois et la conscience de son châtiment et celle de la vie et de devenir semblable à ce qui n’est jamais né,[59] plutôt que de voir le péché prendre le dessus pour l’éternité, de mourir à la vraie vie, et de vivre pour les supplices! En effet, ne crois pas, je te prie, que pour abréger leur terrible châtiment, la flamme vengeresse dévore aussitôt les coupables. Regarde les montagnes où bouillonnent des feux éternels; malgré leur incessant embrasement, jamais elles ne diminuent. Considère aussi les sources fraiches et les rivières azurées; leur eau coule sans cesse et pourtant ne s’épuise pas; ainsi ces malheureux seront continuellement tourmentés par un feu vengeur qui gardera toujours de quoi s’entretenir abondamment.[60] Si tu considères ces enseignements comme faux, tu éprouveras plus tard qu’ils sont vrais, et ce sera justice; mais tu échapperas à ces peines comme si elles étaient imaginaires, à la condition d’en avoir craint la réalité.[61] Si donc la mort est suivie d’une vie éternelle, joie des justes et tourment des pécheurs, applique tous tes efforts et tous tes désirs à marcher continuellement dans le droit chemin. Foule aux pieds le monde et le prince de la mort,[62] et évite de te livrer aux charmes de la volupté. Méprise surtout et toujours les visages renommés[63] par leur beauté, et enlève à tes yeux le pouvoir de les apprécier. Nul ne gardera ses vêtements intacts au milieu de l’éclat rouge des flammes; nul, au son du clairon, ne pourra fermer son oreille au bruit. Jamais homme au milieu des fleurs, entouré de leurs agréables parfums, ne s’abstiendra de cueillir la rose placée près de lui, pour la porter à ses narines.[64] Consumé par une longue soif et brûlé par un soleil ardent, nul ne se penchera sur des eaux fraiches sans en boire. Personne, en hiver, ne pourra marcher à pied sous la pluie sans être trempé par l’eau. Nul, même entouré de murailles, ne vit vraiment tranquille et en sûreté pendant la guerre.[65] La rencontre provoque les regards; aussitôt les yeux conçoivent la flamme, et d’eux la faute va naître. Comme le poisson est victime de l’hameçon lancé par l’artifice du pécheur, ainsi l’âme d’abord se laisse prendre, puis elle meurt. O femme, tu es la première cause du mal sur la terre c’est toi que la ruse du serpent éloigna d’abord au Seigneur; et par toi l’homme subit le même sort! Tu nous as fait perdre notre bonheur; tu es la porte du trépas, ô femme, prompte à être trompée et à tromper à ton tour[66]! Toi donc qui ne veux avoir l’âme souillée d’aucune tache, toi qui désires rester pur avec un cœur pur, évite, aussi soigneusement que tu éviterais le lacet fatal, le feu, le fer et les violents poisons, évite de regarder un beau visage. Je ne redirai pas ici les nombreux peuples qui, pendant les siècles passés, ont dû leur perte à la beauté féminine. Je ne parlerai pas ici des perfidies de la femme de Sparte,[67] ni de la guerre de Troie et de ce rapt qui fut presque ta ruine,[68] à Rome, en ce temps où les hommes n’étaient soumis à aucune loi venant du Seigneur, ni dirigés vers la vraie vie par les enseignements d’aucun saint, quand, poussés par la folie, ils suivaient le chemin trompeur de la volupté, et considéraient comme bon à faire tout ce qui était propre à plaire.[69] Les livres sacrés, oui, les livres sacrés, t’apprendront combien d’hommes furent déshonorés par un honteux amour. La beauté de Dina[70] t’affolant sous l’impulsion d’un amour insensé a causé ta perte, ô Sichem, avec celle de ton père et de ta patrie! car, après qu’elle a été odieusement outragée, ses frères, dans leur zèle affectueux, promettent de la donner en mariage, puis la vengent le glaive à la main. Et David, à qui ses psaumes ont mérité tant de gloire, une beauté séduisante le fit descendre du haut du trône lorsque, ayant reconnu sa faute,[71] il voulut que son corps scandaleusement voluptueux fût couvert d’un sac et souillé de cendres.[72] La beauté de Thamar poussa dans le même temps deux frères[73] à perpétrer deux crimes, l’inceste et le meurtre.[74] L’un commit le viol, l’autre le punit, vengeance juste[75] mais inhumaine.[76] Salomon lui-même, dont la sagesse fut célèbre dans les temps anciens et renommée par tout l’univers, se voit entraîné au crime, enlacé qu’il est par un amour coupable, et il courbe honteusement le cou sous le joug de la femme.[77] Il oublie le Seigneur et, châtiment mérité, la gloire qui avait orné ses jeunes ans abandonne sa vieillesse. Une beauté chère à ton roi causa ta mort, ô Aman[78] une beauté te trancha la tête, ô Holopherne, chef d’armée.[79] Ce Samson si fameux par sa force merveilleuse fut livré, par une femme dont il admirait les traits, à la cruauté des Philistins.[80] Ce soldat, naguère pieux et vainqueur dans tant de combats, le voilà, hélas! artificieusement soumis par des danses de femmes, dans l’espoir qu’ainsi déshonoré, — car la faute est toujours grosse du châtiment, — il donnera des baisers aux filles et tournera le dos aux glaives ennemis.[81] Toi aussi, épouse chérie du Lévite,[82] toi qui la nuit eus à subir les caprices[83] de jeunes gens insensés, tu as mis en guerre les tribus tout entières qui, désireuses de vengeance, voulaient ou perdre l’ennemi, ou périr elles-mêmes, de sorte qu’à les membres déchirés et dispersés, Gabaat incendié servit de bûcher. Quand bien même j’aurais cent bouches et cent voix, je ne saurais exprimer combien est funeste une beauté qui captive.[84] Entendez ce que le saint Apôtre, imposant des lois sévères même aux unions légitimes,[85] crie au monde dominé par l’amour du plaisir : « Celui qui est soumis à une épouse et celui qui reste libre, parce qu’il n’a pas voulu prendre femme, ne se trouvent pas dans les mêmes conditions religieuses : l’homme marié est retenu dans les liens par la sollicitude qu’il doit à son épouse,[86] tandis que le célibataire ne cherche à gagner que Dieu. »[87] Mais il peut arriver que tes yeux succombent, car dans un sentier douteux ce qui se tient droit peut glisser et choir. Si donc l’ennemi impie cherche à souiller ton âme pure, s’il met sans cesse son orgueil à troubler ta vertu, apprends par quelles armes tu pourras défendre la pieuse enceinte de ton cœur: que la croix soit ton glaive, que la croix soit ton bouclier.[88] En versant des larmes suppliantes, en gémissant, en priant, en te frappant la poitrine, cherche,[89] et la nuit et le jour, le Dieu qui doit te sauver. Et de crainte que l’espérance ne puisse par degrés en venir à caresser un facile amour,[90] hâte-toi de retirer ton pied du précipice, s’il lui est arrivé d’y glisser.[91] C’est sans ignorer moi-même l’épreuve que j’entreprends de secourir les malheureux,[92] car j’ai passé par tous les dangers que je conseille aux autres de fuir.[93] Tu es attentif à la beauté, mais sois attentif plutôt à la sévérité des châtiments; considère ce que tu loues et examine aussi ce que tu dois craindre. Avec les yeux intérieurs, avec la véritable lumière, étends tes regards de la terre au ciel et élève-toi de l’homme jusqu’au Seigneur.[94] Ici une volupté courte, qui restera enfermée dans d’étroites limites; là, l’éternel soufre d’une flamme dévorante. Ecoute le prophète qui, soit dans la loi ancienne,[95] soit dans la loi nouvelle, s’écrie avec une voix puissante : « Quelle gloire est-ce que celle de la beauté du visage? » Croyez que toute chair est de l’herbe, car l’éclat de la chair passera comme l’herbe fleurie. De même que les fleurs sont ou abattues par un coup de faux, ou flétries par la chaleur, ou déformées par la pluie, ou emportées par la violence du vent, ainsi un visage qui plaît est destiné à être gâté par le temps et défiguré par le gonflement des chairs ou par une teinte livide. Et pour ne pas parler de la mort qui écrase tout, quelle puissance n’ont pas les maladies, les fièvres, les plaies? Ceux dont la tête est si blanche qu’en comparaison la craie paraît sale avaient autrefois une chevelure qui pouvait rivaliser avec la poix. Ces visages aux chairs pendantes, attristés[96] par la laideur des rides, jadis étalaient orgueilleusement leur vain éclat. Le pied tremblant qui trébuche aujourd’hui dans une chaussure trop large[97] laissait derrière lui, sous sa sandale[98] fine, des traces à peine visibles. Cette nuque, cette gorge, ces mains, cette bouche,[99] objets maintenant si repoussants pour tous, furent autrefois, hélas? pour des malheureux une cause de folie. Ces yeux disgracieux, que baignent les humeurs, brillèrent jadis comme les feux étincelants des étoiles. Songe combien peu d’années la beauté garde son éclat,[100] songe qu’elle ne demeure pas, tandis que la faute l’este, causant d’éternelles larmes. Quand donc tu apercevras une jeune fille au beau visage et à l’allure agréable, ou détourne ou abaisse la tête.[101] Et afin que tu puisses rester entièrement pur et d’âme[102] et de corps, afin que personne ne devienne coupable en te soupçonnant d’aimer,[103] mets tout ton zèle, tous tes soins, toute ta prévoyance à faire en sorte qu’aucune femme ne soit liée trop étroitement avec toi. Le vent perdra sa force s’il ne rencontre rien devant lui, et le feu s’éteindra s’il manque d’aliments. Qu’on ne croie pas que ces préceptes, destinés à nous faire prendre la droite route, s’adressent à une seule portion de l’humanité : il faut que la femme prenne pour elle tout ce que nous enseignons aux hommes, car son sexe peut aussi mériter une récompense et encourir des châtiments. Qu’elle n’ait point la hardiesse d’observer avec attention des visages étrangers et qu’elle ne cherche pas à donner un sens au mouvement de ses yeux;[104] car souvent des yeux où se jouent des regards coupables se parlent un doux langage, alors même que la bouche est silencieuse.[105] Et, semblable aux larmes qu’un outrage fait verser, l’amour naît des yeux et gagne le fond du cœur. Ainsi, en vertu de ces mêmes préceptes que nous adressons aux jeunes gens, la femme chaste devra toujours éviter de se trouver avec des hommes. Que si, avec un cœur chaste,[106] tu as foulé aux pieds les plaisirs sensuels, rejette maintenant le reste du fardeau qui pèse sur ton cœur. Car en nous se glisse facilement, ayant pour origine le fiel d’un noir venin, la mère de tant de crimes, l’envie. C’est la funeste envie qui, destinée à mourir elle-même, a produit la mort. Par elle l’ange est tombé du haut des cieux : en voulant chasser l’homme du royaume céleste,[107] il a mérité d’être précipité le premier dans les ténèbres. C’est elle qui attira sur tous la sentence vengeresse du Seigneur. Elle est la cause de toutes les autres morts. D’elle proviennent les fureurs de la guerre et la discorde en temps de paix; sa cruauté est plus funeste à elle-même qu’à ceux qu’elle veut perdre. Poussant les frères de Joseph à concevoir une trop profonde rancune,[108] l’envie amena d’abord son esclavage et bientôt après sa souveraine puissance. Elle souilla Caïn du sang de son frère innocent. Ne fut-elle pas aussi sur le point de faire périr David? La guerre allait être terminée grâce à son courage à lui seul, muais son beau-père[109] ne voulut pas voir son gendre comblé de gloire. Par la puissance de l’envie, le plaintif ouvrier de la première heure cherche à s’élever au-dessus de celui de la onzième.[110] L’envie livra le Christ crucifié aux derniers outrages, quand la malignité de ses ennemis compléta ce qu’avait commencé leur crédulité,[111] quand le peuple inconsidéré voyait de ses yeux prodiges et miracles, sans y donner créance dans son cœur. Ainsi, excités par les fureurs d’une jalousie perverse,[112] les hommes en étaient venus à fuir la vérité pour se jeter dans le crime : ils n’ignoraient pas, mais ne voulaient pas admettre, que, dans le Seigneur, l’homme dut être glorifié. Ne mets pas moins de soin ensuite à éviter les innombrables fautes dont la seule cupidité est l’occasion. Sur toutes les terres que le soleil voit, que les mers entourent, que le jour visite, qu’enveloppe la nuit, dans toutes les régions inconnues de nous, dans tous les royaumes, chez tous les peuples, partout enfin, si quelque mal infecte tant d’esprits, la cupidité en est la racine, la cause, la tête, la source, le principe. Tout ce que le Seigneur avait créé pour d’innocents usages, elle l’a corrompu et changé en mal. Pourquoi te plaindre du danger des flots,[113] de la fureur des vents et des eaux attristées par des naufrages qui les rendent célèbres? Si le vieux chêne coupé dans les forêts ne peut servir au charpentier,[114] jette-le dans ton foyer. Contente-toi de ce que tu as et, quant aux productions des terres éloignées, résigne-toi à penser qu’elles ne sont pas faites pour toi; alors, en sécurité, tu assisteras du haut du rivage aux agitations de la mer et au déchaînement de la tempête.[115] Des biens de la nature vous avez fait un abus coupable, ô hommes avides, et ce qui de soi-même était bon, vous l’avez converti le mal. Ce fer de la terre pour le service de la terre, fait pour se courber en faucilles pour se raidir en socs de charrue, nous le destinons au carnage, aux cruelles moissons[116] qu’on reproche à la guerre, et nous en formons des épieux, des javelots, des glaires. Le feu impétueux nous a été donné pour repousser le froid, pour dissiper les ténèbres, pour cuire les aliments, et voilà que dans notre folie nous nous en servons pour incendier les maisons et pour brûler les corps humains.[117] Comme si le pillage était une faute trop légère, les dépouilles rapportées par le ravisseur n’étant pas maculées de sang, il faut que les malheureux soient forcés, par l’extrême violence des supplices, à dire, en perdant leurs biens, s’ils ont encore quelque objet caché.[118] Les frères ont été excités contre leurs frères et l’existence des pères a été rendue odieuse à leurs enfants par le désir de posséder. C’est cette cupidité cruelle qui, par mille artifices, enseigne le secret de faire du faux le vrai et du vrai le faux. Elle inspirait Ananias, quand, coupable d’avoir soustrait une partie de son or, il perdit entièrement la vie;[119] et il ne fut pas seul car, complice de ce honteux mensonge, sa femme partagea le châtiment de son misérable époux.[120] Ce même vice a fait que bien des hommes, à l’heure de la mort, ont eu le malheur de ne pouvoir compter surement[121] sur l’accomplissement de leurs dernières volontés. On fabrique des actes supposés, on cherche de toutes parts des témoins dont la bouche profère le mensonge et qui compriment la vérité dans leur cœur. On contrefait les cachets, et une main malhonnête apprend, hélas! à reproduire, par un criminel mensonge; l’écriture d’une autre main, afin qu’un homme puisse passer pour le père de celui qui n’est pas son fils et qu’un fils ne puisse être l’héritier de son propre père. Grâce au désir du gain, l’adultère ne court aucun risque au milieu même des gardes et peut, au moyen des présents qu’il donne, parvenir jusqu’à une chaste couche. Les mains et le cœur sont prêts à se jeter dans tous les forfaits, quand l’or est proposé comme prix du crime. Dis-moi, quelle fureur de posséder te tourmente et te rend misérable[122] ? Pourquoi n’es-tu pas content[123] de ce qui est suffisant pour toi? Tu t’empresses de joindre sans mesure les terres aux terres, toi qui dois être renfermé dans le marbre d’un étroit tombeau[124] ? Tu veux t’enrichir aux dépens d’autrui, mais ce que tu enlèves aux autres passera bientôt à autrui, et tu te lamenteras plus tard sur la disparition rapide de ces biens, comme ont pleuré ceux, qui les possédèrent avant toi. Tu construis satis cesse des palais destinés, crois-tu, à ne jamais tomber, toi qui pourtant dois si tôt mourir. Pour dormir, tu prépares une chambre éclairée par des verres amincis et resplendissante de marbres de différentes couleurs, comme si, sous un toit de solives qui se joignent, le paisible repos ne venait pas visiter les consciences tranquilles. Est-ce que, pour rafraîchir une bouche altérée, l’eau prise dans le creux de la main ne vaut pas autant que dans une pierre précieuse taillée en forme de coupe[125] ? L’estomac affamé recevra aussi bien les mets d’une écuelle que ceux d’un plat de cristal. Pour te garantir du froid glacial de l’hiver, tu as la toison velue de la brebis; et ne te fournit-elle pas un manteau préférable à l’habit qu’on a tissé avec un métal étiré en fils brillants,[126] et dont la lourdeur ralentit chacun de tes pas? Pourquoi ce vêtement diaphane, arrangé de façon à laisser voir à travers son tissu peu serré des formes qu’il faudrait cacher à des yeux étrangers? Monceaux d’or et d’argent, éclat des pierres précieuses, tout cela est du monde et lui appartient, tout cela en vient et y reste. Nu tu es venu sur la terre, nu tu la quitteras; tu n’avais rien apporté et tu n’emporteras rien.[127] Ou plutôt tu emporteras d’avoir méprisé ici-bas les biens du monde envoie devant toi ces richesses, tu les retrouveras plus tard doublement accrues. Car, combien peu de temps[128] il faudra pour que les biens que tu conserves avec tant de soin ne soient plus à toi! Mais si tu ne les gardes pas pour toi-même, tu en seras le vrai possesseur. Les dons faits par un mourant ne sont pas des dons, car il donne ce qui déjà ne lui appartient plus.[129] Celui qui, en pleine santé, l’âme tranquille et sans rien craindre, s’ôte à lui-même, de son vivant, ce qu’il donne aux autres, celui-là donne véritablement; ce dont il s’est privé ainsi lui sera restitué avec avantage ce sont des biens incorruptibles[130] qu’il recevra en échange de biens périssables. En effet, les richesses mises en réserve aux cieux ne seront la proie ni des voleurs, ni de l’ennemi; elles seront à l’abri de la teigne, de la pluie et de la flamme dévorante.[131] Or, c’est au ciel que tu placeras tout ce que tu donneras aux pauvres au nom du Christ et ayant en vue le Christ. Il a dit après le mystère de son incarnation:[132] « C’est moi que l’on revêt en revêtant ceux qui sont nus, c’est moi qu’on soulage en soulageant les malheureux, c’est moi qu’on visite en visitant les prisonniers. On me soigne et on me guérit dans la personne des malades,[133] on m’aide dans celle des petits, on me protège dans celle des veuves.[134] Tout ce que vous faites ou négligez de faire aux malheureux, c’est à moi, soyez-en sûr, que vous le faites ou que vous négligez de le faire. » Et pour que, pauvre, tu ne puisses pas alléguer ta pauvreté afin de colorer ta coupable avarice, écoute : si tu n’as pas de quoi répondre aux besoins de l’indigent, si tu n’as ni pain pour le nourrir, ni eau bouillante pour le réchauffer, lorsque altéré il vient te demander à boire,[135] l’offre d’une coupe d’eau froide, faite au nom de Christ, te vaudra une récompense. Que chacun soulage ainsi, selon son pouvoir, l’infortuné qui l’implore; à défaut de dons, offrez-lui vos vœux. Car, devant Dieu, même l’intention généreuse ne sera pas perdue, si on ne peut bien faire, quand on en a le désir.[136] Voilà pourquoi le Seigneur, par de bienfaisants préceptes, a voulu que l’amour de la paix unit tous les hommes; ces préceptes déjà recommandés par les saints prophètes, il les enseignait de sa propre bouche à ses disciples, déclarant que l’injustice, la dureté, la violence, l’irréflexion, l’avidité, la cruauté, l’inconstance seraient bannies de nos actes et de nos paroles, si l’amour de la paix régnait dans nos cœurs purs.[137] L’univers est donc maintenu par le goût de la concorde qui a été donné dans une certaine mesure[138] même aux animaux privés de raison. Alors que le froid est en désaccord avec le chaud[139] et ce qui est dur avec ce qui est mou, alors que la sécheresse lutte contre l’humidité et ce qui est lent contre ce qui est rapide, l’œuvre de la paix, grâce au gouvernement d’un empire mystérieux, retient tous les êtres par un même lien. Ainsi, pour comparer les grandes choses avec les petites,[140] l’amour de la paix resserre aujourd’hui l’union toute temporelle de nos corps,[141] de telle sorte qu’associés sous un prince terrestre, tous apprennent à offrir ensemble leurs vœux au roi du ciel.[142] Donc, ô pécheur semblable à moi, ou plutôt toi qui vaux beaucoup mieux que moi, car mes pêchés dépassent ceux de tous les autres, aime la paix si on te respecte, aime-la encore si on t’offense; que la paix soit dans ton cœur, qu’elle soit aussi sur tes lèvres. Repousse la haine, méprise les menaces, bannis l’orgueil,[143] qu’en aucun temps ton âme ne garde le ressentiment d’un outrage, que le soleil te quitte et te retrouve fidèle aux liens de l’aimable paix, à son déclin et à son retour. [1] Je lis vitet (ms. de Tours) et non vincat (ms. d’Anchin). [2] Ce mot tramite justifie la leçon aspera vitet du ms. de Tours. [3] Nam signifie « quant à » comme plus bas, I, 295. [4] Ici le nos du texte latin équivaut sans doute à un je. [5] Passage irrémédiablement corrompu. Je traduis, d’après la conjecture telle quelle de Schurzfleisch « Heu ! mala noxarum turpis origo parit. » [6] Sentire et loqui, opposition familière au poète. Cf. plus bas sensus et verba (I, 85). [7] Le poète ne reproduit pas exactement le récit biblique, car Balaam ne voulait faire et dire que ce que Dieu lui inspirerait. (Livre des Nombres, xxii, 13, 20, 30; xxiii, 11, 26; xxiv, 1, 40.) [8] Delrio rapproche de ceci la phrase suivante de saint Jérôme « Vouloir et courir sont en mon pouvoir, mais ce pouvoir même ne n’appartiendra plus si le secours de Dieu me fait défaut. « Velle et currere meum est, sed ipsum meum sine Dei semper auxilio non erit meum. » (Saint Jérôme, Ep. 132, ad Ctesiphontem, adversus Pelagium. Dans Migne, t. XXII. p. 1154, n° 60.) [9] Cf. Lactance, Divin. Instit., VII, 4, 11. [10] Tutis temporibus, d’après la leçon des deux manuscrits. [11] Orientius emploie plusieurs fois cette expression biblique. [12] Noscimus est un présent d’effort, et déjà aussi noscere dans la phrase précédente. [13] C’est un des sens du mot rarus, comme quand Horace dit du paon (Sat. II, 2, 26) rara avis, oiseau magnifique. [14] Reproduction d’un passage d’Isaïe (i, 11) « Quo mihi multitudinem victimarum vestrarum, dicit Dominus? plenus sum; holocausta arietum et adipem pinguium et sanguinem vitulorum et agnorum et hircorum nolui. » [15] C’est un verset des Psaumes: « Cognovi omnia volatilia caeli, et pulchritudo agri mecum est. » (Ps. xlix, 12.) [16] Idée empruntée aux Psaumes : « Tibi sacrificabo hostiam laudis et nomen Doinini invocabo. » (Ps. cxv, 8.) [17] Le poète songe sans doute à ce mot de saint Paul : « Non in tabulis lapideis sed in tabulis cordis carnalibus.» (II, Corinth., iii, 3.) [18] Les six vers de la phrase latine forment une période un peu embarrassée; j’ai tâché de lui laisser son allure. [19] Deutéronome, v. 5 : « Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo et ex tota anima tua et ex tota fortitudine tua. » Texte semblable dans l’évangile de saint Matthieu (xxii, 37). [20] Les mots pes et manus veulent souvent dire « jambe » et « bras ». [21] Je maintiens recedit contre le residit de Delrio. [22] Je lis : « Ut tudit blando varios ver germine flores. » [23] Levia, lisses, répond à hirta, touffus, du vers 123. [24] Ce sont les peuples de l’Asie orientale. Orientius veut parler de la soie, à laquelle ces peuples ont donné leur nom. [25] Il faut, avec Baehrens, lire haves. [26] Hotus désigne surtout des herbes : chicorée, laitue, bette, chou. Il y a ici un rapport remarquable d’expression avec un passage de Sédulius, Carmen Paschale, I, 15. [27] Orientius fait ici une transition qui ressemble trop à la précédente (I, 109) : « Et non content de t’avoir accordé ces biens », etc. [28] D’après M. Ellis, prona veut dire « rapides ». Mais pronus signifie aussi « penché, incliné ». Je crois que ce mot fait antithèse avec fugientia. — Delrio, p. 35 de l’édition princeps, explique prona par incauta et pascentia. [29] Ou « funestes », sens primitif de tristis. (Voir Dict. étymol. de Bréal et Bailly, p. 404.) [30] D’après la leçon de Commire : seque tuis sternet. [31] Amore pio se rapporte sans doute à dignum. Dignum amore pio = dignum pietate Dei erga te. Pius a la même valeur que pietas du vers I, 107, pietus signifiant « amour, affection, tendresse ». [32] Je lis : quantis persolvere donis. [33] Le mot quoque corrige et complète le mot sufficit. [34] Orientius reproduit un verset de l’Evangile de saint Matthieu (xxii, 39) « Diliges proximum tuum sicut teipsum. » [35] Souvenir probable de Lucrèce, v. 1057-1064. [36] Allusion à quelque conte sur les dauphins, à quelque anecdote comme celle du dauphin d’Hippone que Pline le Jeune rapporte dans une de ses lettres (IX, 33). [37] Je traduis ore par « bec », ungue correspondant à « quadrupèdes » et ore à « oiseaux ». [38] Maxime évangélique qui est déjà dans l’Ancien Testament « Quod ab alio oderis fieri tibi, vide ne tu aliquando alteri facias. » (Tobie, XIV, 16.) [39] Par ce membre de phrase, je comble tant bien que mal la lacune qui doit se trouver entre les vers 199 et 200. [40] « Quia tota legis adimpletio hoc uno comprehensa praecepto. » (Note de Delrio.) [41] Imitation d’un vers de Martial. [42] Le sens de l’expression de nobis n’est pas très net. [43] Je donne ce sens à provisis. Ce mot pourrait signifier aussi « préparé » simplement. [44] Je lis fratrum, au lieu de proprii. [45] Il n’y a nulle invraisemblance à croire qu’Orientius a songé ici à saint Martin, coupant son manteau en deux pour en donner la moitié à un pauvre. [46] Je lis, avec M. Ellis : « Pacta tibi dubio non vis nutare paratu ». [47] Je crois que nomina a plutôt le sens de « personnes » que celui de « titres ». Il m’a semblé surprendre ici une réminiscence d’Ovide, Métam., VIII, 468 « In diversa trahunt unum duo nomina pectus ». (Chez l’auteur des Métamorphoses il s’agit d’une mère et d’une sœur.) [48] Le législateur voulait en quelque sorte acclimater les esprits à l’idée de la peine de mort en cas de meurtre. [49] Les mots piis votis, « de pieuses prières », résument les vers 91-170. Il s’agit dans ces quatre-vingts vers des bienfaits de Dieu et du devoir qui nous oblige à l’aimer et à l’adorer. L’expression sanctis rebus, « de saintes actions », résume les vers 171-252, morceau qui renferme nos devoirs envers le prochain. On voit que la composition est régulière. [50] Je lis credita. [51] Arabum, écrit Aravum, indique sans doute l’embaumement. [52] Delrio (p. 87 de l’édition princeps) explique ainsi ad motus animarum : « ad informationem et motum vitalem actas sui. » [53] Lire triticeus (Havet). [54] Cf. saint Augustin, sermon 361, De Resurrectione mortuorum. (Patrol. lat. de Migne, t. XXXIX, p. 1604.) [55] Je garde aeterno. [56] Nam a ici le sens de « quant à » comme au v. I, 5 : « Nam nos et carnis vitiis et tempore victi. » [57] Il reprend le mot du prophète Osée (XIII, 4): « Ero mors tua, o mors. » [58] Lire: « Quam, pute, sors hominis sic melior tuerat ! » [59] Orientius donne une portée générale à ce qui est dit dans l’évangile de saint Matthieu au sujet de Judas, xxvi, 24 : « Bonum erat ei, si non natus fuisset homo ille. » [60] Lactance dit la même chose, Divin. Instit., VII, 2. Cf. d’Aubigné, Tragiques, édit. nouv., Paris, 1896, t. II, p. 197, v. 997 sq. Mais le feu ensoufré, si grand, si violent, Ne détruira-t-il pas les corps en les brûlant? Non, Dieu les gardera entiers à la vengeance, Conservant à cela et l’étoffe et l’essence. Et le feu, qui sera si puissant d’opérer, N’aura pouvoir d’éteindre, ains de faire durer, Et servira par là l’éternelle peine. [61] C’est le sens de Delrio. Agrippa d’Aubigné dit de même dans les Tragiques, p 196, vv. 983 et 984 Vos esprits trouveront, en la fosse profonde, Vrai ce qu’ils ont pensé une table en ce monde. [62] Le manuscrit d’Anchin dit « le prince du monde », mundi cum principe, mais c’est un texte qui ne mérite guère confiance. [63] Je lis famosos (ms.). [64] D’après la leçon de Baehrens : « Nasibus attiguam non metet ungue rosam », attiguam au lieu de assiduam. [65] Cette série d’images, destinées à montrer ce qu’il y a d’inévitable dans la nature, pourrait être prolongée indéfiniment. Elle fait songer à un procédé cher à Victor Hugo : Il faut que l’eau s’épuise à courir les vallées; Il faut que l’éclair brille, et brille peu d’instants. (Voir Faguet, Études sur le XIXe siècle, p. 212.) [66] Delrio (p. 39 de l’édition princeps) remarque que le verbe decipere n’a pas la même valeur pour Eve que pour le serpent. Celui-ci la trompe volontairement, tandis que c’est involontairement qu’elle induit Adam en erreur : « Aliter decepta, quia vere credidit serpenti decipere volenti, aliter decipiens, quia decipere maritum non volebat. » [67] Leçon de M. Havet : « fraudes Spartanae »; il s’agit d’Hélène, épouse de Ménélas, roi de Sparte. [68] D’après la leçon de Schenkl: « Et raptum, excidium quam prope, Roma, tuum! » [69] Il est bien difficile de rendre le jeu produit par le rapprochement des mots libitum et licitum. Ebert (Hist. gén. de la litt. du moyen âge en Occident, trad. par Aymeric et Condamin, p. 431) croit qu’Orientius « fait ici allusion à Sémiramis d’une manière qui rappelle Dante. » Mais Paul Orose avait déjà rapproché les deux mots (Hist., I, 4): « quod cuique libitum esset, licitum fieret, » et Dante lui-même avait traduit le passage d’Orose dans son De Monarchia. [70] Cette histoire est racontée dans le chapitre xxxiv de la Genèse. [71] IIe livre des Rois, ch. xi. [72] Encore un effet intraduisible : le contact de deux mots à consonance semblable, contegeret et contereret. [73] Amnon et Absalon, Livre des Rois, ii, 13. [74] Après l’inceste commis par Amnon, Absalon le fit tuer dans un festin. [75] « Quia sororis oppressor morte dignus. » (Note de Delrio.) [76] « Quia parricidio et fraude vitiata, ideo impia altio. » (Note de Delrio.) [77] IIIe livre des Rois, xi, 1 : « Rex autem Salomon adamavit mulieres alienigenas multas. » (Voir aussi l’Ecclésiastique, xlvii, 21 et 22.) [78] Livre d’Esther, vii, 8 et 11. Assuérus croyait qu’Aman avait voulu séduire Esther. Ce n’est donc pas l’amour qui perdit Aman, mais la jalousie non justifiée d’Assuérus. Delrio écrit à ce propos : Fateor longe quaesitum. [79] Judith, x, 17 et xii, 15, 16 : « Cumque intrasset ante faciem ejus, statim captus est in suis oculis Holophernes. » [80] Livre des Juges, ch. xvi, 12. [81] Delrio et Ellis croient avec raison qu’Orientius veut parler des soldats de l’armée d’Israël provoqués par les femmes moabites et madianites, histoire racontée dans le Livre des Nombres, xxvi et xxxi. Voici ce qu’en dit Delrio (p. 41 de l’édition princeps): « Puto loqui de fraude Moabitidarum et Madianitidarum quae, juxta consilium Balaam, se in via comptas et ornatas Israelitis transeuntibus exhibuerunt, eosque ad lasciviam provocatos ad idololatriam perduxere, et sic hostibus terga dedere Israelitae, donec Levitae expiavere scelus multorum caede. » [82] Je lis : « Tu quoque Levitae tantum dilecta marito. » Ce récit se trouve au Livre des Juges, xix, 20 sq. [83] Je lis toro, avec Baehrens et Manitius. [84] Encore un jeu d’expression dans les mots placens et noceat placés à la fin du vers. [85] Ce trait prouve qu’Orientius ne condamne pas le mariage, comme l’a prétendu Haverfield. (Classical Review, t. II, p. 263.) [86] « Qui cum uxore est, sollicitus est quae sunt mundi, quomodo placeat uxori, et divisus est. » (Saint Paul, I, Corinth., vii, 33.) [87] « Qui sine tuxore est, sollicitus est quae Domini sunt, quomodo placent Deo. » (Ibid., 32.) [88] Préférer la leçon du manuscrit de Tours, gladius avant clipeus. [89] Chercher Dieu, locution très fréquente dans la Bible: Deutéron., iv, 29: « Cumque quaesieris ibi Dominum Deum tuum, invenies eum. » Psaume xxiii, 6 : « Haec est generatio quaerentium eum, quaerentium faciem Dei Jacob. » Même expression, Psaumes xxxix, 17; lxviii, 33; civ, 3. [90] Le texte reste incertain ici. [91] Cf. Lactance, Divin. Instit., l. V, ch. xxiv. [92] Imitation non douteuse d’un vers de Virgile (Énéide, 1, 630) « Non ignara mali miseris succurrere disco. » [93] Aveu qui n’est pas sans importance pour la biographie de l’auteur. [94] Il y a là un jeu résultant de syllabes semblables rapprochées: Deque homine ad Dominum; cet effet n’est pas traduisible. [95] Cette idée et cette image — l’éclat de la chair est périssable comme celui de l’herbe — se trouvent plusieurs fois dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament : « Vox dicentis Clama. Et dixi Quid clamabo? omnis caro faenum et omnis gloria ejus quasi flos agri. » Isaïe, xl, 6, 7 it ibid., xiv, 18; Psaumes xxxvi, 2; ci, 5, 12; cxxviii, 6; IV Reg., xix, 20; saint Jacques, Ep. I, 10 et 11, enfin saint Pierre, I, Ep., t, 24 : « Quia omnis caro ut faenum et omnis gloria ejus tanquam flos faeni; exaruit faenum et flos ejus decidit. » [96] Je garde le maerent des deux manuscrits. [97] Ici pellis veut dire « sandale » ou « pantoufle », et non « peau ». Même sens dans ce vers d’Ovide, dont sans doute Orientius s’est souvenu : « Nec vagus in laxa pes tibi pelle natet. » (Tristes, III, 10, 19.) [98] Solum signifie ici « semelle ». [99] Lire os au lieu de et. [100] Lire: Quam paucis flos fit, etc. [101] Impossible de rendre en français l’effet produit par les mots verso et merso. [102] Cf. Lactance. Divin. Instit., VI, 23. [103] Sens douteux, car le vers est bien peu naturel. [104] Le texte est altéré dans les deux manuscrits. Je traduis d’après la conjecture de M. L. Havet « Signa etiam motis addere luminibus. » [105] Cf. saint Jérôme. Epître à Agéruchie: « Ne oculorum nutibus et hilaritate vultus juvenum post se greges trahat; ne aliud verbo, aliud habita polliceatur, et conveniat ei versiculus ille vulgatus: Risit et arguto quiddam promisit ocello. (Ovid., III; Am., II, 63.) [106] Corpore ne peut être gardé avec corporeas. Il faut pectore, pour amener cordis onus. [107] Le poète a en vue l’union hypostatique, c’est-à-dire l’union de la nature divine et de la nature humaine dans la personne du Verbe. Ce fut la cause de la jalousie de Lucifer, les anges étant devenus inférieurs à l’homme à qui Jésus-Christ, en s’incarnant, a donné la première place. [108] La Genèse dit que les frères de Joseph étaient jaloux de lui : « Invidebant ei igitur fratres sui. » (Genèse, xxxvii, 11.) [109] David avait épousé Michol, la seconde fille de Saül. [110] C’est la parabole des ouvriers à la vigne dans l’évangile de saint Matthieu, xx, 1-16. [111] Je lis credulitas, mais non avec le même sens que Delrio; celui-ci croit que la malignité des ennemis du Christ exécuta l’œuvre de notre foi, credulitatis. [112] « Sciebat enim (Pilatus) quod per invidiam tradidissent eum. » (Matth., xxxvii, 18.) [113] Fluctus est préférable à portus que donnent les manuscrits. [114] Si tignis, au lieu de sit ignis (ms. de Tours). [115] Souvenir du Suare mari magno de Lucrèce. [116] Ni mentes (ms. de Tours), ni mortes (ms. d’Anchin) ne peuvent convenir. Je lis messes, avec M. Havet. [117] On peut se demander si Orientius veut parler de la crémation des cadavres ou des supplices infligés aux martyrs. Cf. d’Aubigné, Les Tragiques, t. II, p. 189, vers 770 sq. Pourquoi, dira le Feu, avez-vous de mes feux, Qui n’étaient ordonnés qu’à l’usage de vie, Fait des bourreaux valets de votre tyrannie? [118] Peut-être y a-t-il ici une allusion aux procédés employés par les Barbares pour extorquer les biens des vaincus. [119] « Il perdit à la fois son âme et son corps. » (Note de Delrio.) Passage imité par Milon de Saint-Amand dans son poème sur La Sobriété, I, 817. [120] La mort d’Ananie et de Saphire est racontée dans les Actes des Apôtres, v. 5 et 10. [121] « Non tute ac secure. » (Note de Delrio.) [122] D’après la correction de Rivinus: « Dic, rogo, quia miserum tantus furor urget habendi. » [123] « Ut te non satiet. » (L. Havet.) [124] Même mouvement que dans Horace: Nec quidquam tibi prodest Aerias tentasso domos animoque rotundum Percurrisse polum morituro. (Odes, I, xxviii, 4-6.) [125] L’auteur veut parler des coupes creusées dans une seule pierre précieuse. On sait que les riches Gallo-Romains aimaient à s’en servir dans les festins. [126] Peut-être s’agit-il de fils d’or tissés. [127] Saint Paul, I, Timoth., VI, 7: « Nihil enim intulimus in hunc mundum: haud dubium quod nec auferre quid possumus. » [128] Je lis quam mox, avec Baehrens. [129] C’est le distique fameux cité par Paul Diacre. [130] Integra est opposé à peritura, et prend par suite une nuance qu’il n’a pas d’ordinaire : il ne signifie pas inattaqué, mais inattaquable. [131] Evang. de saint Matthieu, VI, 20 « Thesaurizate vobis thesauros in caelo ubi neque aerugo, neque tinea demolitur, et ubi fures non effodiunt nec furantur. » [132] Parce qu’il a pris la forme humaine et les sentiments humains, le Christ peut dire : « On me revêt en revêtant ceux qui sont nus », etc. Post a un sens logique autant que chronologique. En s’incarnant, Dieu est devenu un des nôtres et nous a montré quelle estime nous devions faire de l’homme. [133] Matth., xxv, 3, 36. [134] Le dernier trait : « on me protège dans la personne des veuves » manque dans saint Matthieu. Saint Jacques I, Ep., i, 27, dit bien « Religio munda et immaculata apud Deum et Patrem haec est visitare pupillos et viduas in tribulatione eorum et immaculatum se custodire ab hoc saeculo », mais l’idée n’est pas tout à fait la même. C’est sans doute pour Orientius une simple paraphrase, un développement oratoire. » [135] Marc, i, 40. [136] Je lis: si bene non poterit quae bene velle cupit. [137] La période latine est assez pénible; j’ai tenu à en garder le mouvement. [138] Je donne ce sens à l’expression embarrassante cum ratione. [139] Souvenir d’Ovide, vers du début des Métamorphoses. [140] L’expression est empruntée à Virgile, Bucol., i, 23. Par grandes choses, magna, Orientius entend, je crois, les lois générales de la création; par petites, parva, il veut parler des lois particulières de tel royaume ou de tel empire. [141] J’entends ainsi l’expression singulière corporeum populum. [142] Il m’a semblé voir là un éloge de l’un des premiers successeurs de Théodose. [143] Je lis tumorem, avec M. Ellis.
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