SÉRIE VI. LETTRES.
A RIPARIUS.
Jérôme parle des persécutions que lui suscitent les hérétiques. — Il abandonne momentanément sa retraite de Bethléem.
Ecrite en 400.
EPISTOLA CXXXVIII. AD RIPARIUM.
1. Christi te
adversum hostes Catholicae fidei bella bellare, et tuis litteris, et multorum
relatione cognovi, ventosque esse contrarios, et in perditionem mutuam fautores
esse perditionis, qui defensores saeculi esse deberent: tamen scias in hac
provincia nullis humanis auxiliis, sed proprie Christi sententia pulsum esse,
non solum de urbe, sed de Palestinae quoque finibus Catilinam: nosque dolere
plurimum, quod cum Lentulo multi conjurationis socii remanserunt, qui in Joppe
remorantur. Nobis autem melius visum est locum mutare, quam fidei veritatem;
aedificiorumque et mansionis amoenitatem amittere, quam eorum communione
maculari, quibus impraesentiarum, aut cedendum erat, aut certe quotidie non
lingua, sed gladiis dimicandum. Quanta autem passi simus, et quomodo excelsa
manus Christi pro nobis in hostem saevierit, puto te celebri nuntio omnium
cognovisse. Quaeso ergo te, ut arreptum opus impleas; nec patiaris, te praesente,
non habere Christi Ecclesiam defensorem. Certe scit unusquisque, quod vel tibi
sufficiat pro virili parte: quia non viribus corporis, sed caritate animi
dimicandum, quae superari nunquam potest. Sancti fratres, qui cum nostra sunt
parvitate, plurimum te salutant. Puto autem et sanctum fratrem Alentium Diaconum
tuae dignationi cuncta narrare fideliter. Incolumem te et memorem mei, Christus
dominus noster tueatur omnipotens, domine vere sancte et suscipiende frater.
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1 J'apprends par vos lettres, et par ce que m'ont dit plusieurs personnes, que vous combattez avec beaucoup de zèle pour les intérêts de Jésus-Christ contre les ennemis de la foi catholique; mais que les vents vous sont contraires, et que ceux qui devraient être les défenseurs de la vérité se sont malheureusement engagés dans le parti de l'erreur. Vous savez cependant que, par un secret jugement de Dieu, et sans que les hommes s'en soient mêlé en aucune manière (1), Catilina a été chassé non-seulement de la ville, mais encore de toute la Palestine. Il est vrai que nous avons le chagrin de voir que plusieurs des conspirateurs sont restés à Joppé avec Lentulus (2) ; pour nous, nous avons cru qu'il était plus à propos de changer de demeure, que de nous voir exposés à changer de foi ; et, quelque commode, quelque agréable que soit notre maison, nous avons mieux aimé l'abandonner que de nous souiller par la communion des hérétiques, auxquels il a fallu céder dans la conjoncture présente, ou nous voir réduits à nous battre, non pas à 574 coups de langue, mais à coups d'épée (3). Je crois que le bruit public vous a déjà appris tout ce que nous avons souffert, et la vengeance que le bras tout-puissant de Jésus-Christ a exercée sur nos ennemis. Je vous conjure donc de poursuivre l'ouvrage que vous avez entrepris, et de ne pas souffrir que, dans le lieu où vous êtes, l'Eglise de Jésus-Christ soit sans défenseur. Tout le monde sait que ce n'est point par les forces du corps qu'il faut combattre en cette occasion, mais par la seule charité qui est toujours invincible, et dont vous êtes rempli. Nos frères qui sont ici vous saluent de tout leur coeur. Je crois que notre frère, le saint diacre Alentius, vous aura fait un récit exact de tout ce qui s'est passé. Je vous supplie, mon très saint, très vénérable frère, de ne me point oublier, et je prie le Christ notre Seigneur de vous conserver en santé. (1) Guillaume Roussel pense qu'il est ici question de Rufin, auquel Jérôme donne souvent des noms empruntés ; dom Martiannay ne le croit pas. (2) Il fait allusion a ce que dit Salluste, que Catilina étant sorti de Rome durant la nuit, laissa Cethegus et Lentulus à Rome pour maintenir les conjurés dans ses intérêts. (3) Saint Jérôme parla de la sorte, parce que Rufin l'avait menacé de le tuer, comme il le dit lui-même dans son apologie. |