Saint Jérôme

SAINT JERÔME

 

LETTRES

 

A LA VIERGE EUSTOCHIA.

COMMENTARIUM IN ISAIAM PROPHETAM LIBRI DUODEVIGINTI. Prologus liber XII.

à la vierge Eustochia       à la vierge Eustochia

 

 

 

 

SÉRIE VI. LETTRES.

A LA VIERGE EUSTOCHIA.

Que les lecteurs frivoles sont en majorité et les lecteurs sérieux en minorité. — Que Platon est difficile à comprendre. — Que le mérite seul prévaut devant le Christ.

Lettre écrite en 412.

COMMENTARIUM IN ISAIAM PROPHETAM LIBRI DUODEVIGINTI. Prologus liber XII.

 

LIBER DUODECIMUS

Nullus tam imperitus scriptor est, qui lectorem non inveniat similem sui; multoque pars maior est Milesias fabellas revolventium, quam platonis libros. In altero enim ludus et oblectatio est, in altero difficultas et sudori mixtus labor. Denique Timaeum de mundi harmonia, astrorum cursu et numeris disputantem, ipse qui interpretatus est Tullius, se non intellegere confitetur. Testamentum autem Grunnii Corocottae Porcelli decantant in scholis puerorum agmina cachinnantium. Igitur et noster Luscius Lanuinus fruatur testibus, immo fautoribus suis; vincatque multitudine, quia forsitan vincit ingenio. Mihi sufficit paucorum testimonium, et amicorum laude contentus sum, qui in expetendis opusculis meis, amore nostri labuntur, et studio scripturarum; ac nonnulls fore arbitror qui hoc ipsum quod ad te, Eustochium, sermonem facio, obtrectationi patere contendant, non considerantes, Holdam et Annam ac Debboram, viris tacentibus, prophetasse. Et in servitute Christi nequaquam differentiam sexuum valere, sed mentium. Duodecimus ergo in Esaiam explanationum liber hoc habebit

 

Il n'y a point d'écrivain si sot qui ne trouve un sot lecteur, et le nombre de ceux qui parcourent les contes frivoles est beaucoup plus considérable que le nombre de ceux qui lisent les livres de Platon ; car, dans l'un, il y a distraction et amusement, dans l'autre, difficulté et travail. Enfin , celui qui a interprété Tullius avance ne pas comprendre Timée, discutant sur l'harmonie du monde, le cours et le nombre des astres. Mais des troupes d'enfants chantent en riant dans les écoles le Testament de Grunhius Corocotta Sorcillus. Que Lucius Lavinius se réjouisse de ses témoins , ou plutôt de ses partisans, et qu'il l'emporte par le nombre, parce que peut-être il a vaincu par l’esprit. Pour moi le témoignage d'un petit nombre me suffit, et je me contente des éloges de quelques amis qui, en parcourant mes ouvrages, sont conduits par l'amitié et le zèle de l'Écriture. Je crois qu d yen a quelques-uns qui s'efforcent de dénaturer ces paroles que je vous adresse, ô Eustochia, ne faisant pas attention que Holda, Anne, Debbora, ont prophétisé, au milieu du silence des hommes ; et que, dans la servitude du Christ, ce n'est pas la différence des sexes, mais le mérite qui prévaut.