LES
INSTRUCTIONS
DE
COMMODIEN
INSTRUCTIONES Liber primus I PRAEFATIO
Praefatio nostra uiam erranti
demonstrat II INDIGNATIO DEI
In lege praecepit dominus caeli, terrae marisque III CVLTVRA DAEMONVM
Cum Deus omnipotens exornasset mundi naturam, IV SATVRNVS
Saturnusque senex si deus, deus quando senescil ? V IVPPITER
luppiter hic natus insula Creta Saturno VI DE FVLMINE IPSIVS IOVIS AVDITE
Dicitis o stutli : louis tonat, fulminat ipse. VII. DE SEPTIZONIO ET STELLIS
De circulo zonae fallit nos imperitia uestra, VIII DE SOLE ET LVNA
De sole et luna, licet sint praesentanea nobis, IX MERCVRIVS
Mercurius uester fiat cum sua abolla
depictus, X NEPTVNVS
Neptunus facitis deum ex Saturno pronatum, XI APOLLO SORTILEGVS FALSVS
Apollinem facilis citharoedum atque
diuinum. XII LIBER PATER BACCHVS
Liberum patrem certe bis genitum dicitis ipsi. XIII INVICTVS
Inuictus de petra natus si deus habetur, XIV SILVANVS
Siluanus unde deus iterum
apparuit esse ? XV HERCVLES
Hercules quod monstrum Auentini montis elisit, XVI DE DIIS DEABVSQVE
Dicitis esse deos, qui sunt manifeste cruenti, XVII DE SIMVLACRIS EORVM
Deludunt nos pauci scelerati uates inanes, XVIII DE AMMVDATE ET DEO MAGNO
Diximus iam multa de superstilione nefanda, XIX NEMESIACIS VANIS
Ni mi ignominium est uirum seduci prudentem XX TITANES
Titanas uobis tutanos dicitis esse; XXI
Monteses deos
dicetis, dominentur in auro, XXII HEBETYDO SAECVLI
Heu doleo, ciues, sic uos hebetari de mundo! XXIII DE VBIQVE PARATIS
Dura uentri seruis, innocentem esse te dicis. XXIV INTER VTRVMQVE VIVENTIBVS
— Inter utrumque putaui dubie uiuendo cauere. — XXV QVI TIMENT ET NON CREDENT
Quamdiu, stulte homo, Christum cognoscere non uis? XXVI REPVGNANTIBVS ADVERSVS LEGEM CHRISTI DEI VIVI
Respuis, infelix, bonum disciplinae caelestis XXVII STVLTE NON PERMORERIS DEO
Stulte non permoreris
nec mortuus effugis actus, XXVIII IVSTI RESVRGVNT
Iustitia et bonitas, pax et patientia uera A XXIX
DIVITI INCREDVLO MALO XXX DIVITES HVMILES ESTOTE
Disce, moriture, bonum ostendere cunctis. XXXI IVDICIBVS
Intuite dicta Salomonis, iudices omnes, XXXII
Si locus aut tempus fauet aut
persona prouenit, XXXIII GENTILIBVS
Gens sine pastore
ferox iam noli uagare. XXXIV ITEM GENTILIBVS IGNARIS
Indomita ceruix respuit iugum ferre labori, XXXV DE LIGNO VITAE ET MORTIS
Adam protoplastus
ut Dei praecepta uitaret, XXXVI
De duplici ligno dixi, mors unde processit, XXXVII QVI IVDACIDIANT FANATICI
Quid? medius ludeus, medius uis esse profanus? XXXVIII IVDAEIS
Improbi semper et dura
ceruice recalces, XXXIX ITEM IVDAEIS
Inspice Liam typum
Synagogae fuisse, XL ITERVM IPSIS
Incredulus populus non est nisi uester, iniqui, XLI DE ANTECHRISTI TEMPORE
Dixit Esaias : «
Hic homo, qui commouet orbem |
INSTRUCTIONSLivre premierIPRÉFACE
Notre préface montre le chemin à
l'errant,
|
LIVRE PREMIER I v. i. Demonstrat = monstrat. — Ce fréquent emploi du composé avec le sens du simple, est propre au latin populaire. v. 2. Respectumque bonum. — Respectus nous paraît avoir ici son sens classique de « recours, refuge ». Dombart explique par spes, expectatio (?). Ludwig, à tort, selon nous, donne respectus = respectio (ἐπισκοπή)« jugement ». v. 3. Aeternum fieri = « la vie éternelle ». - Infinitif pris substantivement, hellénisme assez fréquent en Afrique. (Cf. I, 28, 7, sq. et A, 34.) v. 3. Discredunt, = non credunt. — Sens populaire; plusieurs fois employé par Commodien. (Cf. I, 23, 10; 20, 17; 29, 15; II, 24, 3; A, 556.) v. 5. Parentibus insciis ipsis = « mes parents étant eux-mêmes des ignorants ».
M. Boissier (Fin du Paganisme, II, p. 29) a
compris : « à l'insu de mes parents », et, sur ce fâcheux contre-sens, il a bâti
toute une légende : apostasie de Commodien, retour à la vraie foi, etc. Seul, Mgr Freppel (Les Pères de l'Eglise des trois premiers siècles, p. :230) traduit, fort exactement : « mes parents m'avaient élevé dans une ignorance qui était la leur ». Le contexte nous paraît établir solidement ce second sens; l'adjectif inscius est, en effet, dans ce même acrostiche, trois fois employé dans la même acception (vers 3, 5, 8). v. 6. Abstulit me tandem inde = « Dieu m'a tiré de là ». — Le sens est clair et la leçon de tous les mss. nous paraît fort plausible. v. 7. Testifico = testificor, — Actif populaire signalé seulement dans notre auteur et sur quelques inscriptions. v. 7. Ciuica turba = gentilis turba. — Cf. Minucius Félix qui emploie ciuilis dans le même sens (Octau. 19) : « ... tota esset (oratio Platonis) caelestis nisi persuasionis ciuilis nonnunquam admistione sordesceret ». v. 8. Inscia quod. — Remarquer cet emploi verbal de l'adjectif inscius et rapprocher A, 209 : « Praescius hoc fuerat Dominus ». v. 9. Ignaros instruo uerum. — Instruere = docere; Commodien, par voie d'analogie populaire, a donné ici à instruere la construction de docere. II v. 2. Inquit. — Superfétation populaire ou peut-être influence biblique. Inquit après praecepit est inutile. Inquit vient naturellement à l'esprit de qui cite un texte sacré et ainsi s'explique que les pères africains l'emploient sans grand discernements. A l'Instr. II, 24, 4, inquit sous-entend Lex : « Dona iniquorum non probat Altissimus, inquit. » Arnobe use plus librement encore de ce mot puisqu'il l'emploie absolument pour introduire une objection, la réplique d'un contradicteur indéterminé. Inquit est, chez lui, l'équivalent de ut enim. (Cf. Arnobe, 1, 59; 2, 65 et passim.) v. 11. In ipsa = in illa. — Ipse semble avoir chez Commodien le sens du pronom personnel de la troisième personne. Rapprocher l'italien esso, essa = lui, elle. Commodien reproduit dans cet acrostiche la vieille théorie d'Evhémëre, à la mode chez les chrétiens des premiers siècles : les dieux païens sont des rois morts divinisés. Les acrostiches suivants développent cette conception historique. Commodien croit à l'existence des dieux païens, mais il les identifie avec les démons. (Voir notre ouvrage sur Commodien, p. 27 sq.)
SOURCES : Bible Sapientia, 13 et 14. III Cultura = cultus. — Emploi africain signalé chez Tertullien, Lactance; passé plus tard dans la langue littéraire péninsulaire. v. 3. Legitima = lex ( τὰ νόμιμα). — Premier exemple des très nombreux emplois d'adjectifs pluriels neutres avec le sens du substantif; hellénisme africain. (Voir Commodien, p. 123 sq.) v. 5. Vt... non possunt. — Solécisme populaire. v. 7. Misit in illis. — Confusion complète du mouvement et du repos, v. 10. Tingere lanas. — Infinitif substantif. (Cf. supra, I, 1, 3.) Cette théorie démonologique est toute entière empruntée à Tertullien et à Cyprien. On la trouve d'ailleurs exposée tout au long chez Minucius Félix.
SOURCES : Sapientia, 13, 14. IV v. 6. Sic, hellénisme — οὕτως explétif : « comme cela ». v. 7. Venit = factus est. — Acception populaire. (Cf. le français : « il devint. » ) Ce sens, populaire ou poétique (?), paraît cependant déjà indiqué chez Virgile (Georg., i, 28) : « ... an deus immensi uenias maris. » v. 8. Modo = nunc. -— Sens non classique; assez fréquent dans la latinité africaine et décadente. Cf. Minucius Félix, 4: « ... modo in istis... petrarum obicibus residamus ut et requiescere de itinero possimus. » Cette légende de Saturne dévorant ses enfants a souvent été utilisée aux fins de polémique par l'évhémérisme chrétien. Le Carmen Antonii attribué à Paulin de Nole (quatrième siècle) (P. L., V.) la signale en des ternies qui imposenl le rapprochement:
Saturnum perhibent louis esse patrem huncque
uorasse V v. 8. Respice querellas! — Si la leçon est bonne (?), querella doit avoir le sens de « affaire litigieuse », élargissement du sens ordinaire « plainte en justice ». Commodien répète ici sans originalité les arguments habituels des pères des premiers siècles contre la divinité de Jupiter. Il suit quasi-littéralement Minucius Félix et Cyprien. Plus tard. Arnobe reprendra ces vieilles armes. (Cf. Arnobe,4, 25.)
SOURCES : Minucius Félix, 22 en entier. VI v. 4. Non capit. — Hellénisme = οὐκ ἐνδέχεται . Signalé passim dans la Vulgate. v. 8. Tonitruare. — Forme populaire vraisemblablement africaine; se trouve pour la première fois dans notre auteur. v. 10. Quis pluebat...? — Imparfait avec le sens du conditionnel. Nous y voyons une manifestation nouvelle de l'hellénisme africain. Comparer le conditionnel grec rendu par l'imparfait avec ἄν (Voir Commodien, page 124 sq.) v. 13. Pronasci = nasci. — Particulier à Commodien; peut-être pro a-t-il ici le sens de πόρρω temporel = « dans l'avenir ». VII Septizonium. — Je traduis les « sept cercles (du ciel) ». Les lexiques traduisent à tort par zodiaque : le septizonium désigne fort évidemment le ciel que les anciens imaginaient sous l'aspect de sept cercles concentriques. Commodien est le seul auteur latin connu qui ait employé septizonium dans cette acception: le mot désigne, dans Suétone, un édifice de Rome non identifié. (Voir Commodien, Lexique, à ce mot.) v. 2. Sens incertain: je ne me dissimule pas qu'il faut forcer le sens de experire pour lui faire exprimer l'idée de « croire ». v. 6. Auem mortalem amauit. — L'évhémérisme entraîne Commodien à se représenter Jupiter sous les traits d'un amateur d'oiseaux. De son vivant, pense notre poète, il apprivoisait des aigles; aussi les hommes ignorants ont-ils fait de cet oiseau le compagnon de sa divinité. V. 7. Cum ipsa. — Ipsa est sans doute Vénus. v. 9. Moechos. - C'est le grand reproche aux yeux des primitifs chrétiens; la moechia, fornication ou adultère, était jadis un cas d'excommunication. v. 18. Fuga uestra. - Votre folie (cf. « fougue ». Leçon ingénieuse de Dombart. v. 21. Modo. — Voir supra, 4, 8.
L'adultère des dieux païens est encore un cliché
de la polémique chrétienne des premiers siècles. L'aventure de Mars est
rapportée dans les mêmes termes du deuxième au quatrième Minucius Félix,, 22 : « Quid loquar Martis et Veneris adulteriurn deprehensum. » Firmicus Maternus, 13 : « Venus in adulterio deprehensa detegitur. » Cf. encore Axnobe (4, 35, et passim), Augustin (Confess., i, 16), etc. VII-VIII Dans ces deux acrostiches, Commodien combat la croyance aux influences stellaires : l'astrologie trouvait de nombreux fervents jusque dans les rangs chrétiens. Il est remarquable, en effet, que de grands docteurs, tels Arnobe et M. Victorinus Afer (ive siècle), croient que la vie humaine est liée aux mouvements des astres. Arnobe (i, 8) tire même argument de cette influence sidérale et M. Victorinus Afer (in Epistolam Pauli ad Galatas, Lib. II, P. L., VIII, col. 1175 sq.) nous apprend que seule la foi en Christ nous libère de la nécessité astrale : « Elementa vero mundi simul habent secum et motus suos, et quasi quasdam ex motibus necessitates; ut in sideribus, quorum conuersione hominum uita uel in necessitatem ducitur : el sic seruiunt elementis homines, ut astra iusserint, ut mundi cursus imperauerit : quibus omnibus soluitur, quisquis in Christum fidem habens dominum uitae suae a Christo spiritum acceperit, ut omnem mundi necessitatem, elementique uim fugiat et uitet, neque mundo seruiat, sed domino Christo seruiens, habent spiritu regente in suis iictibus libertatem. »
Ces textes chrétiens m'avaient donné quelque temps
la tentation de lire 7, 18, comme suit : Lex sine lege ( = lex
Christi) fugat astra.... et de rapporter à la Lex chrétienne les vers
18 et 19. IX v. 1. Sua abolla — « son manteau ». — Conjecture désespérée; les mss. portent et les éditeurs conservent cum saraballo. Saraballum ne se trouve nulle part ailleurs que chez notre poète; Goelzer, dans son dictionnaire, traduit « mante, mantille, capuchon » : pure hypothèse. La forme sarabara ou sarabala se trouve dans la Vulgate où elle traduit un σαραβαρα des Septante (Daniel 3, 27); mais ce mot désigne le large pantalon oriental et si le saraballum de Commodien se référait à sarabara de la Vulgate, il ne se pourrait traduire que par « pantalon, culotte ». Or, nulle image de Mercure n'autorise cette version. Le petit manteau est, au contraire, une partie traditionnelle du sommaire vêtement du dieu. Sur abolla = manteau, voir Juvénal (3, 115). v . 9. Cum besteis. — La forme besteus = bestia est une corruption populaire. (Voir Commodien, Lexique, à ce mot.) X v. 3. Humeralem illi parate. — Humerale (neutre) désigne, dans la Vulgate, un vêtement pour couvrir les épaules (Levit., 8, 7); humeralis semble être un barbarisme de Commodien. v. 8. Fuit ... mortuus - mortuus est. — Les progrès de l'analytisme restituant, dans ce latin de décadence, sa vertu propre à chaque tenue, est tend à ne plus exprimer qu'un présent, d'où la substitution de fuil à est dans les temps du passé XI v. 1. Diuinus = « devin ». — Diuinus a pris ce sens dans la latinité post-classique; on le signale passim chez Arnobe et même chez Pétrone. (Voir supra, 4, 5.) v. 11. llla prior tuque debuerat deum amasse. — Nous ne nous dissimulons pas quelles difficultés soulève cette Leçon, mais lions avons, coûte que coûte, suivi les mss. Comprenez illa prior debuerat tuque prior debueras . . . etc. X-XI Les légendes d'Apollon et de Neptune fournissent une ample matière aux apologistes chrétiens. On les retrouve signalées chez Cyprien dont s'inspire manifestement notre poète; chez Arnobe, Minucius Félix et chez Firminicus Matemus (ive siècle). Cf. Arnobe, 3, 40 : « Nigidius Penates deos Neptunum esse atque Apollinem prodidit qui quondam muris urbem Ilium conditione adiuncta cinxerunt. » Cyprien (de idol. uanitate) : « Apollo Admeti pecus punit. » Minuc. Félix, 22 : « Apollo Admeto pecus pascit; Laomedonti uero muros Neptunus institua nec mercedem operis infelix structor aocipit. » Firmicus Matemus (de Errore prof. 13) : « Vna puella amatorem Deum et uitauit et uicit. Daphnem enim diuinans Deus, et futura praedicens nec inuenire potuit nec stuprare. » Ibidem : « Et mercedem fabricatorum murorum Neptunus a superbo rege non recepit? » Ces extraits confirment l'existence d'une longue tradition apologétique : les mêmes arguments sont reproduits dans les mêmes tenues, de l'époque de Tertullien et de Minucius Félix à l'époque de Lactance et au delà : Commodien est un chaînon de la longue chaîne. XII v. 12. Aut peticulones mineruionis quesutoris. — Nous reproduisons lu leçon de Dombart; nous avons renoncé à trouver un sens à ce vers déformé par les copistes : Peut-être peticulones cache-t-il quelque pediculares ou pediculosi avec le sens de « pouilleux » (?). Rigault propose : periculones Mimnermonisque sutores et aussi Mimnermomerique sutores. Ludwig lit : Aut heri calones mimi Eronisque tutores et Oehler : periculosae Mimallonesque sorores. Le champ est ouvert à toutes les conjectures. XIII v. 2. De istis... priorem. — A noter cet emploi de de comparatif. Comparer, en italien, un emploi analogue de la préposition dï. v. 5. Cum ... uiuebat. — Solécisme populaire. Le culte de Mithras Inuictus, très répandu au troisième siècle, faillit enlever au christianisme l'empire des âmes. Sur ce dieu, consulter Cumont : Les Religions orientales dans le paganisme romain, et Daremberg et Saglio au mot Mithra, 1953. Commodien soumet à la méthode evhémérienne, la légende mithriaste; mais, quelque fantaisiste que soit sa critique, notons la précision de certains détails; Commodien fait de l'Invictus un voleur de bétail sur la foi de l'épithèle ordinaire du dieu : Βουκόλος θεός. La formule propitiatoire du dieu, que Firmicus Maternus (de Errore prof., 21) nous a conservée, explique le de petra natus du v. i Χαῖρε νύμφιε χαῖρε νέον φῶς - θεὸς ἐκ πέτρας - ταῦρος δράκοντας καὶ δράκων ταύρου πατήρ. XIV v. 1. Iterum = à son tour. — Sens inconnu à la bonne langne; influence probable de l'hellénisme; αὖ a, en effet, en plus du sens du latin iterum « de nouveau » et, « d'autre part », le sens de « puis, à son tour ». (Voir Bailly, dictionnaire, à ce mot.) v. 1. Apparuit = uisus est. — Apparere avec le sens de uideri, probari est fréquent dans la latinité décadente. v. 2. Forte = fortasse; approximation populaire ou ignorance du poète. Noter que forte signifie peut-être ici ualde. v. 2 Eo quod — quia. — Progrès remarquable de l'analytisme; quia, de plus en plus réduit au rôle de simple conjonction de relation, laisse aux locutions analytiques le soin d'exprimer la causalité. La Vulgate (Isaïe, 3, 16) nous offre un pro eo quod = quia. (Cf. le français « par ce que ».) Hilaire de Poitiers (P. L., IX, col. 342) écrit : « Quia Deus ex eo quod Deus manebat ». v. 3. Le sens du vers est fort obscur. Noter nam = sed. — Très fréquent dans la basse latinité africaine, et dans Commodien. Consulter sur cet emploi : Sittl, op. cit., p. 138, 139. v. 8. Biothanati = « morts de mort violente ». — C'est le sens du mot en grec et chez Lampride. Certains semblent traduire (voir R. Piehon, Littérat, latine, Commodien) : « morts dans la vie » ou « plus morts que vifs » et supposent que ce mot désigne les gentils. Il nous paraît inutile de supposer un sens nouveau; les « biothanati » désignent probablement les démons. C'était, en effet, une croyance populaire que les âmes des personnes mortes de mort violente devenaient des démons. (Voir Commodien, p. 46.) Silvain, dont le poète raille la divinité, était très populaire en Afrique. La même allusion à la vénalité du dieu se retrouve dans le Carmen Antonii (P. L., V), attribué à Paulin de Nole : Hunc (deum) etiam uendit dominus, sibi comparat emtor. XV v. 8. Licet fuit. — Solécisme populaire. Nous renoncerons désormais à les signaler; la sagacité du lecteur y pourvoiera. Commodien s'est ici visiblement inspiré de la Sapientia, 14. A noter surtout au verset 16 : « Deinde interueniente tempore, conualescente iniqua consuetudine, hic error tanquam lex custoditus est et tyrannorum imperio colcbantur figmenta. » XVI v. 3. Ferantur. — L'idée d'obligation ou de commandement est exprimée par le subjonctif. La syntaxe de l'interrogation indirecte est lettre morte pour notre poète. Il faut donc traduire : « Dites, maintenant, à qui doivent être faits les sacrifices. » v. 4. Mors inmatura. — Cliché classique; c'est du Lucrèce (2, 763) que Commodien a dû entendre ressasser dans les écoles, à moins qu'il ne l'ait emprunté à quelque apologiste antérieur. Mors inmatura se trouve, en effet, dans le Carmen aduersus Marcionem (i, 3) d'auteur inconnu attribué à tort à Terlullien (P. L. II). v. 9. Furinam. — Déesse aux attributions inconnues, signalée chez Varron et Cicéron. v. 9. Caelestem. — La déesse Celestis, la Tanit Face-de-Baal, si populaire en Afrique.
v. 10. Virgines.
— Peut-être les Muses. Arnobe, 3, 37, signale les Virgines Musae et au 6,
24, il nous apprend que les Muses étaient honorées comme déesses : « Cum
tibiis et cum psalteriis v. 10. Delumbare. - Probablement neutre; n'esl signalé, avec ce sens nulle part ailleurs que chez Commodien. Au vers 12 : « Adhuc et in collo feruntur ». Commodien s'est peut-être rappelé Baruch, 6, 3 : « Nunc autem uidebitis in Babylonia deos aureos et argenteos et lapideos et ligneos in humeris portari, ostentantes metum gentibus. » XVII Simulacris. — Il nous paraît indispensable de donner à ce mot le sens de « simagrées » qu'il n'a pas ordinairement en latin. L'acrostiche tout entier est d'ailleurs fort obscur et nous traduisons sous les plus expresses réserves. v. 6. Duellonarios. — Les duellonarii étaient les prêtres de Mâ-Bellone. Ce culte phrygien, mystique et violent, avait été introduit à Rome à l'époque de Syïla. Les prètres de la déesse, dans leurs crises religieuses, se tailladaient à coups de hache. (Cf. au vers 8, parca bipenne.) v. 10. Respicite quoniam. — Nous signalons, pour n'y plus revenir, les constructions relatives par quia, quoniam, quod. v. 11. Integra mente. — Noter ici l'origine de nos adverbes en « ment ». v. 17. Maiestas... nulla locuta est. — Sur tous ces dieux muets et impuissants, voir Baruch, 6, dont Commodien s'est sans doute inspiré. XVIII v. 3. More = sottement. — Adverbe but rare, signalé seulement chez Plaute (Stich., 641). Peut-être faut-il lire : « suo cultores more colebant. » v. 5. Mittebant = ponebant (franc, mettre), sens fréquent dans la latinité populaire. (Voir Commodien, Lexique, à ce mot.) v. 10. Modo = nunc. — Voir 4, 8, note. v. 16. Fincta. — Participe archaïque et populaire signalé passim chez Térence. v, 16. Viniuoraces, mot forgé par Commodien Cet Ammudas dont le temple fut pillé par César (?) resta longtemps une énigme. Une inscription découverte en Pannonie et citée par H. Brewer, dans son ouvrage documenté Kommodian von Gaza, etc., permit enfin de l'identifier : DEO SOLI ALAGABALO AMMVDATI... Il s'agirait donc du dieu Alagabale, dieu syrien des montagnes (al gabal) et du soleil. En fait, on soupçonnait depuis longtemps celte identité. (Voir Ludwig, Cornmodiani Carmina praef., page xxxii.) Pour ce qui est du vol signalé par le poète, Arnobe nous apprend que ces vols étaient fréquents dans les temples (4, 24). Il ne faut pas confondre ce dieu syrien, cher à Aurélien et à Héliogabale, avec le Mithras élevé à la dignité de dieu protecteur de l'Empire par Dioclétien (307) cl à qui Commode s'était fait initier. (Voir Cumont, op. cit., p. 137 sq., 156, 177, 180 sq.) XIX v. 1. Ignominium = ignominia. — Signalé chez le seul Commodien v . 3. Vno = uni. — Déclinaison populaire. v. 5. Sibi uiscera = sua uiscera. — Ce datif possessif est fréquent dans la basse latinité. (Cf. dans le français méridional « le chapeau à un tel. » Noter l'expression consacrée tribunus plebi. v. 6. Incopriat. — Vocable grossier; signalé chez le seul Commodien et dans le Goss. d'Isidore. Hellénisme. v. 7. Collegium. - Ce nom était réservé aux associations, si fréquentes dans l'Empire romain, constituées dans un but religieux ou laïque. v. 11. A se[se]... ἀφ' ἑαυτοῦ de lui-même; explication ingénieuse de Dombart. Les Nemesiaci étaient les prêtres de Némésis, diseurs de bonne aventure; ils formaient des confréries (collegia) assez semblablés aux modernes confréries d'Aissaouas, dans le Nord-Africain. Némésis, identifié à la grande Mère Rhea-Cybèle, était servie par des prêtres châtrés. (Voir Arnobe, I, 43 et 5, 16 sq.) XX v. 1. Tutanos = tutélaires. — Commodien a sans doute employé au sens adjectif ce vocable fort rare que nous trouvons dans Varron (Sat. Men., 41, 1). Au propre, Tutanus désignait une divinité tutélaire. v. 2. Mutas, Tacitas. — Je suis la leçon de Dombart. Ovide (Fast., 2, 583) signale la déesse Muta mère des dieux Lares. v. 3. Tîtano. — Datif analogique et populaire. Noter dès cette époque les progrès de la deuxième déclinaison. v. 4. Malo leto defunctos. — Les Titans son! morts de mort violente et pour cela leurs âmes sont devenues des démons. (Cf. supra,14, 8, biothanati.) v. 5. Non ipsi loquuntur. — Le même argument s'est rencontré, supra, 17, 17. Commodien l'emprunte à l'Ecriture; la parole manifeste la vie; Dieu seul saurait donner la parole aux êtres inanimés ou sans voix. Cf. A. 624 sq. :
Et quidquid uoluerit faciet : ut muta
loquantur. Dans le même ordre d'idées, Dieu permettra, à la fin des temps, que l'Antéchrist Néron, pour mieux tromper les Juifs sur sa divinité, fasse parler les images. (Cf. infra, 41, 17 sq.) :
Praesertim ut credant illi, loquetur imago; (Cf. encore A, 832 sq.) v. 6. Eramine. — Eramen est inconnu dans la littérature latine avant Commodien. (Cf. un autre néologisme (?) de l'auteur excusamen, A, 779.) Le culte des dieux Titans était très répandu en Afrique. Arnobe, dans son énumération des dieux païens, signale Titanes et Bocchores Mauri (i, 36). — Tertullien (Apol. 24) nous dit que les Titans sont adorés en Afrique en même temps que d'anciens rois et qu'on adore aussi leur mère. — Firmicus Maternus enfin (de Errore prof, relig., 6) accorde à ces dieux une mention importante d'où il nous est permis de déduire que cette idolâtrie était encore vivait au quatrième siècle. XXI Montesianis. — Ce mot n'est signalé nulle part ailleurs. v. 1. Monteses. — Réduction populaire pour montenses, mot signalé chez le seul Commodien ou dans quelques inscriptions. v. 1. Dicetis dominentur = « Vous dites qu'ils dominent ». — Le subjonctif a ici toute sa valeur de mode indirect: il exprime la pensée d'autrui dont celui qui parle décline la responsabilité. (Voir Commodien, page 128 sq.) v. 2. Aliena mente, curieux exemple d'adverbe analytique en mente. v. 5. Excordaris. — Sur excors Commodien construit ce moyen avec le sens de « déraisonner ». v. 5. Putas ut isti le saluent. — Même observation qu'au vers 1. v. 9 et 10.Nam quicquid, etc... — Comparer Cyprien (laud. martyr., 10) : « Nec appetendum quomodo breui gaudeas tempore et perpetuo puniaris ardore. » Ces dei Monteses localisent fort précisément notre poète. Nous les trouvons guère en effet signalés que chez Lactance et chez Arnobe, deux africains. Lactance (mort, persec. 11) : « Erat eius mater deorum montium cultrix, mulier admodum superstitiosa. » Arnobe (4, 9) : « Quis Montinum (deum esse credat)? » Ce culte, d'origine vraisemblablement syrienne, se confondait peut-être avec celui d'Alagabale Ammudas, XXII v. 1. Ciues gentiles (?). — Cf. supra, i, 7, note. v. 3. Belantum = ouium. — Si la leçon de Dombart, que nous suivons, est exacte, cette forme propre à Commodien participe à la fois de balantes = oues (Lucrèce, Virgile) et de bela (même sens). v. 4. Consulti sunt. — Moyen; propre à Commodien. Il n'est peut-être pas sans intérêt de noter que Tertullien (adu. Hermog., 17) nous offre un moyen consultari = consultare. v. 15. In duas intrastis uias. — Idée familière à la primitive Eglise. Elle est, pour la première fois, indiquée dans la Didachè ou Doctrine des douze apôtres, oeuvre du premier siècle, sorte de catéchisme à l'usage des fidèles, qui débute ainsi : « Il existe deux voies, l'une de la vie, l'autre de la mort; mais il y a une grande différence entre les deux. » (Voir à ce sujet Tixeront, Hist. des dogmes, I, Paris, 1906, page 149 sq.) XXIII De ubique — locution analytique « de partout ». Comparer « ab inde » A, 330. v. 2. Communis. — Du Cange donne « accessu et affatu facilis qui cum omnibus communiter uersatur » et cite in Theodosio : « clemens animus, misericors, communis... » et Térence Heauton...) : « animum communem et latent ducit... » v. 5. Figis asciam in crure de uerbo. — Proverbe signalé par Pétrone (74) et par Apulée {Met., 3, 22) : « Sibi asciam in crus impingere. » v. 8. Exiguus avec le sens de « pauvre » est populaire. Cf. Vulgate, Sap., 6, 7 : « Exiguo autem conceditur misericordia : patentes autem patenter tormenta patiuntur. » — Le de Pascha computus (P. L. IV, col. 1026) nous donne : « Si exigui erunt in domo ut non sint sufficientes ad ouem... » là où la Vulgate écrit (Exode, 12, 4) : « Sin autem minor est numerus ut sufficere possit ad uescendum agnum. » v. 10. Discredis. — Voir supra,ii, 3. La fin est obscure; nous traduisons sous les plus expresses réserves. XXIV v. 5. Stulte... uideris. — « Tu n'étais pas mort et voici, tu l'es maintenant. » — Videris = « on te voit (mort) ». Ce présent biblique et prophétique évoque de façon saisissante l'avenir... si notre traduction est exacte! v. 11. Bifarius = « être double ». — Les adjectifs numéraux; en farius sont d'origine africaine et ne remontent pas au delà du deuxième siècle (Tertullien et Apulée). Voir sur ces formes Goelzer. (Latinité de Saint-Jérôme, p. 156 sq.) v. 19. Mox moreris. — Mox = simul ac. Cet emploi appartient à la basse latinité. (.Voir Revue philologique, juillet 1907, 6, 28.) v. 20. In faciem tortoris = « en face du Tourmenteur ». — Locution analytique fréquente en Afrique; hellénisme probable. (Cf. εἰς πρόσωπον τινος.) XXV Credent. — Forme irrégulière attestée par la seule lettre initiale du vers 19. Comme par ailleurs certains, dont Ludwig, lisent à ce vers Ventura au lieu de Euentura, on conclura qu'il ne faut pas trop fonder sur ce credent. v. 3. Manere. — (Cf. infra, 33, 6.) v. 10. Lex prima = « la loi première », la loi de Moyse que la lex postera ou secunda,, la loi du Christ, a remplacée. v. 17. Discredit. — Voir supra, 23, 10. XXIII-XXIV-XXV Ces trois acrostiches sont vraisemblablement adressés aux païens judaïsants, les mêmes que Commodien sermonne plus bas à l'acrostiche 37 : « Qui iudaeidicant fanatici, » A la vérité, le doute est permis pour l'acrostiche 23 : « De ubique paratis », qui peut fort bien ne viser que les parasites; mais l'attribution des acrostiches 24 et 25 nous paraît certaine. Le nombre était considérable de ces demi-convertis que le prosélytisme juif amenait à la synagogue : « La plupart des païens se contentaient d'accepter le principe du monothéisme, les règles morales du mosaïsme, l'observance du sabbat, au besoin quelques prescriptions sur la nourriture, par exemple l'abstention de viande de porc; ils assistaient au culte et à l'instruction dans la synagogue, devant la porte réservée aux vrais fidèles : aussi les appelait-on prosélytes de la porte ou de la justice; plus communément on les désignait par le nom de craignants Dieu ( φοβούμενοι τὸν θεόν). » (Guignebert, Manuel d'Histoire ancienne du christianisme, Paris, 1907, p. 110.) Le φοβούμενοι τὸν θεόν expliquerait : « qui timent et non credent.» Le monothéisme des demi-convertis répugnait à l'idée d'un Rédempteur intermédiaire entre la divinité et l'homme. Noter que Commodien ménage ces judaïsants qu'il juge sans doute à demi-conquis. (Voir infra, acr. 37.) XXVI v. 6. Le sens est deviné et déduit plus qu'il ne se tire du texte sans doute altéré. v. 8. Nescius. — Cf. supra, 1, 5 et 8, inscius. v. 10. Damna diurnum = « les dommages (pécuniaires) toujours ». — Damna a aussi chez Commodien le sens de « dépenses, frais ». (Voir A, 596.) Cette acception inconnue à la bonne langue est signalée chez du Gange qui donne « Sumtus, impensae» et cite : « ... prandiumque ingens ex damno nostro exspectaret. » Quant à diurnum = cottidie, il se trouve trois fois dans notre poète (A, 599, 609) et nulle part ailleurs dans la latinité. Il faut voir dans cet accusatif adverbial une influence de l'hellénisme. Les lexiques signalent seulement avec le même sens un diurne chez Dracontius. Notez surtout la substitution du sens de dies au sens de diu. v. 15. Dignitates — dignitosi (II, 39, 12). — Ces abstraits en tas au pluriel, employés au sens concret, sont une des caractéristiques de la latinité de décadence. v. 18. Tempus inruitum. — J'ai conservé ce barbarisme attesté par les mss.; le sens est fort acceptable. v. 19. Sine dolo = sine dolore. — Barbarisme populaire attesté par saint Augustin (Tract. 7, 18, in Evang. Job.) : « Multi fratres imperitiores latinitatis loquuntur sic ut dicant : Dolus illum torquet pro eo quod est dolor. » (Voir Brewer, op. cit., p. 336.) v. 22. Lautitias... perfrui. — Simplification syntactique; perfrui (ibidem, 9; A, 760), et uti, abuti, sont fréquemment construits avec l'accusatif. v. 22. Gens = gentilis. — Ce sens paraît particulier à Commodien. La latinité chrétienne ne connaît à gens que le sens d'un collectif « les gentils ». A noter que chez notre poète gens a quelquefois le sens fort large de homo. (Cf. le français « les gens. » ) Voir supra, 2, 5 : « gens ante Moysen rudis.:. » Peruersa mente. — Adverbe analytique. (Cf. supra, 21, 2.) v. 26. Adesse = esse. Adesse fut de bonne heure réduit à l'état de simple synonyme de esse. Très nombreux exemples dans notre auteur. Noter que la Vulgate, quand elle vent exprimer nettement l'idée de présence impliquée dans adesse, a soin de faire suivre ce verbe du mot praesens, preuve que la vertu du mot s'est usée. (2 Rois 20, 4 : « et tu adesto praesens. ») v. 27. Animum periisse defunctum. — Proposition infinitive substantivée, attribut de mortem. (Cf. supra, 1, 3.) v. 29. sq. — Cf. Genèse, 4, 9, 10. v. 34. Delicias fruitur. — Cf. supra, ibidem, V, 22. v. 36. Nam = sed. — Ce nam adversatif est, selon Sittl (op. cit.., p. 138 sq), une caractéristique de la basse latinité africaine. I1 en donne de nombreux exemples. v. 37. Fecit = « qui a fait vivre les morts ». — Entendons sans doute que puisque Dieu par Jésus a ressuscité des morts, il pourra ressusciter au jour dernier tous les morts. XXVII
v. 1. Permoreris.
— Présent à sens futur: permori nous paraît signifier « mourir entièrement »; ce
mot ne se trouve nulle part ailleurs dans la latinité; le préfixe per
nous paraît correspondre Actus = ludicium. — Terme technique passé dans la langue courante; actus pluriel signifie exactement « affaires judiciaires ». v. 4. Legitima = lex. (Cf. supra, 3, 3.) v. 6. Futile = stulte. — Futile est un vieux mot signalé chez Ennius. v. 8. Obliuitos esse... de. — Le m. à m. est « que les morts oubliassent leur vie passée ». Noter ce curieux progrès de l'analytisme et cet emploi de la préposition de, emploi d'ailleurs logique. (Voir notre Commodien, page 133 sq.) v. 10. Per = post. — Dombart lit post. La leçon est douteuse. v. 11. Erue te. — Cf. infra, 33, 6. v. 11 Qui putas... non sis. — Emploi fort logique du subjonctif indirect. (Voir supra, 21, 1.) v. 18 sq. Aequari... de. — De comparatif. Il serait superflu de noter chez Commodien tous les emplois non classiques de cette préposition. Notons une fois pour toutes que du sens primitif de de « éloignement, point de départ », le peuple a tiré les sens secondaires de « origine, cause, instrument, privation, oubli, comparaison ou préférence ». Et ainsi, dans la langue analytique de la décadence, de remplace l'ablatif instrumental, l'ablatif de cause, l'ablatif de privation, l'ablatif de comparaison, le génitif d'oubli et le génitif déterminatif. (Voir notre Commodien, page 133 sq.) v. 19. Sic habet — οὕτως ἔχει,.. — Hellénisme. Habere = se habere est d'ailleurs un usage populaire dont on retrouve la trace jusque dans Cicéron : « Tullia nostra recte ualet, Terentia minus belle habuit. » (Famil., 9, 91.) Noter aussi chez Horace (Sat. 1, 9. 53) : « atqui sic habet ». v. 21 . Crede quod... reddit. Commodien exprimant sa pensée, non celle d'autrui, emploie logiquement l'indicatif. XXVIII v. 1. Per = post. — (Cf. supra, 27, 10). v. 4. Parte. — Pars traduit le grec αἵερσις. Pars dans la langue chrétienne exprime souvent, au singulier, l'idée de « parti » que le latin classique rendait par partes. (Cf. infra 2, ii, 2, alius in parte secedit.) Cyprien (Ad Cornelium papam Epist. XII, P. L., III, cod. 834) : « Nam et pars Nouatiani Maximum presbyterum... nunc istic sibi fecisse pseudo episcopum dicitur. » (Cf. Vulgate, Sapientia, 2, 25.) v. 4. Fera mente. — Cf. supra, 26, 22. v. 8. Longo carcere flere. — Cf. supra, 26, 27. v. 12. Per. — Cf. ibidem, v. 1. XXIX v. 3. Viuere... non spero defunctus. -— Construction régulière en grec, vicieuse en latin; hellénisme africain. v. 5. Nescientem. — Cf. supra nescius, inscius (26, 8). v.13. Adesse = esse. — Cf. supra, 26, 26. v. 14. Agon. — Le combat que le chrétien mène chaque jour contre le démon. (Cf. infra, 2, 22, Bellum cottidianum.) Hellénisme fréquent dans lé latinité chrétienne d'Afrique. — Cf. Cyprien : Ad Antonianum, P. L., III, col. 790 : « Acies adhuc geritur et agon quotidie celebratur. » v. 16. Discredis. — Cf. supra, :25, 17. v. 17. Mox = simul ac. — Cf. supra, 24, 19. v. 19. Permoreris. — Cf. supra, 27, 19. Les acrostiches 26, 27 et 29 développent lu nécessité de la suivie et de la résurrection. Dieu veut la vie, non la mort. Comrnodien s'adresse aux épicuriens sceptiques, à ceux pour qui la vie est douce et qui en veulent jouir, certains du néant qui les attend après la mort. Toute son argumentation est très sensiblement inspirée du livre de la Sagesse (1, 2, 3 sq). XXX v. 3. lnscius. — Cf. supra, 29, 5. v. 12. Nam. — Cf. supra, 26, 36. v. 10. Communes. — Cf. supra, 23, 2. XXXI v. 3. Dona quam... etc. — Commodien cite ici l'Ecclésiastique 20, 31) : « Xenia et dona excaecunt oculos iudicum; et quasi mutus, in ore auetiit correptiones eorum. » Noter, comme le remarque Dombart (Commodiani carmina, p. 41, in notis), que Commodien, suivant en cela Cyprien, attribue l'Ecclésiastique à Salomon. v. 5. Prouerb. (19, 6; 22, 9). v 6. Cum quaerit (index) — « lorsque le juge enquête. — Dombart propse, peut-être avec raison, quaerit(ur). v. 8. Vobis autem... etc. — Cf. Philipp. 3, 19 : « Quorum finis interitus : quorum Deus uenter est... » v. 8. Pulex = proprement « un puceron ». XXXII Sibi placentibus. — Sibi placere a fort précisément le sens de « s'enorgueillir ». C'est le sens qui ressort de ces lignes de Cyprien (Epist. 57, 4) : « Exscerabiles et detestabiles dicii esse qui sibi placeant, qui tumidi et inftali aliquid sibi arroganter assumant. » Du même ad Cornelium (P. L., III, col. 829) : « Nemo sibi placens ac tumens seorsum foris haeresim nouam conderet nisi... ». v. 1. Persona. — Du sens de « rôle sur la scène », le latin passa vite au sens de rôle dans la vie. Forçant ici l'ordinaire acception du mot, Commodien lui fait exprimer l'idée de « haute magistrature, honneurs publics ». v. 5. Praesumis. — Praesumere absol. = s'enorgueillir. La latinité chrétienne donne couramment à ce mot le sens péjoratif de « oser audacieusemenl quelque chose ». v. 8. Cruciarium Dominum = « le Seigneur crucifié ». — Cruciarius appartient à la langue populaire avec, semble-t-il, l'acception péjorative que nous attachons au mot « pendard ». Ce mot est signalé chez Pétrone; nous le retrouvons chez Hilaire de Poitiers. (Tractat, in Psalm. 121, 8). Isidore (Orig., 10, 4.9) explique : « Cruciarius eo quod sit cruce dignus. » Rigault corrige Cruciarium Domini = « la crucifixion du Seigneur ». v. 9. Donatur. — Donare avec le sens de condonare., « pardonner », est assez fréquent dans la latinité africaine. — Cf. Terlullien, pudic. 6, 10 : « lam et incesta donabis propter Loth. » — Ibid. 10, 3 : « Si cui autem donaueritis et ego. Nam et ego si quid donaui, donaui in Christo... » Commodien s'adresse aux puissants du jour, aux maîtres de l'heure enivrés de leurs honneurs et qui ont à se faire pardonner leur éphémère prospérité (v. 9 sq.). Le iudex esto nouus (v. 2) nous paraît signifier : « sois un magistrat d'un nouveau genre. » La portée générale de cet acrostiche est évidente; pourtant M. H Brewer tente fort ingénieusement d'établir que Commodien l'ait ici allusion à un préfet du prétoire des Gaules, Arvandus (462 à 467). (V. Brew., op. cit., p. 105 sq,.). XXXIII v. i. Gens. — Cf. supra, 26, 24. v. 2. Nescius. — Cf. supra inscius, 30, 3. v. 2. Fui... errans = erraui. — Locution analytique. (Voir notre Commodien, page 126 sq.) v. .3. Domini figurant... etc. — Cf. Roman., 13, 14 : « Sed induimini Dominum lesum Christum... » v. 5. Intrate stabulis siluestris. — Rigault s'appuie sur ce vers pour faire de Commodien un contemporain du pape Silvestre; voici le titre de l'édition princeps (1649) : « Commodiani Instructiones... Tempore Siluestri P. R.. sub Constantino Caes. compositae... » v. 6. Manentes. — Manere, dans le sens de « habiter » (μένω), appartient à la latinité de basse époque. On le trouve passim chez Cyprien et Augustin, et il abonde dans le latin médiéval. Noter que la Vulgate (Johann., 1, 38) écril : « Rabbi... ubi habitas? » là où le Codex Vercellensis donne «Rabbi... ubi manes? » (Cf. supra, 25, 3.) v. 9. Vno = uni. — Analogisme et simplification populaire. (Voir notre Commodien, p. 119 sq.) v. 9. Vbi = in quo — Je n'ai pas trouvé ailleurs que chez Commodien d'autre exemple de eet ubi se rapportant à une personne.
Cet acrostiche développe l'image chrétienne de la
stabula. Les chrétiens des premiers siècles pensèrent leur foi sous deux
images : l'Eglise fut pour eux : 1° tantôt la stabula, étable ou bercail XXXIV v. 4. Minuitur. Ce minui, passif ou moyen, au sens de desinere, semble particulier à Commodien. v. 5. Gens = gentilis. — Cf. supra 33, i. v. 6. Erue te. — Eruere, synonyme africain de liberare. — Cf. Matth., 6, 13 apud Tertullianum : de fuga 2 : « sed erue nos a malo », tandis que la Vulgate ibidem donne « libera nos ». — Cf. encore Carmen de iudicio Domini V. I,. Il, col. 1 152 : Eruit innocuos, subuenit crimine pressis. (Cf. supra, 27, 11 .) v. 7. Besteus. — Cf. supra, 9, 9. v. 18. Aurea... ueniet... saecla. — Si la leçon esl bonne, voyons ici un gréeisme; le sujel pluriel neutre esl accompagné d'un verbe au singulier. v. 19. Inmortale. — Adverbe neutre. XXXV v. 1 et 2. Protoplastus, plasma. - Héllénismes africains, le premier couramment employé par Tertullien, le second signalé chez Cyprien. Noter cependanl la forme hétéroclite plasma, ac propre à noite auteur et que nous retrouvons à A, 310. Curieux exemple de morphologie populaire simplificatrice, dans le même esprit, Commodien écrit : lampada, ae. (Cf. A, 12.) v. 2. Seruator fuit. — Ce serualor, dans le sens de traître, espion, est particulier à notre poète. Il esl assez logiquement tiré du sens de seruare - « épier, surveiller ». Dombart renvoie à Tertullien paenit. 7 : « Itaque (diabolus) obseruat oppugnat obsidet. » Cf. encore dans Freund les nombreuses références de Plaute et de Térence attestant le sens de « épier, faire le guet », donné à seruare. L'emploi des substantifs en tor dans la latinité de décadence et plus spécialement en Afrique esl très fréquent.Cf. Tertullien, paenit. 2, 8 : « Quorum cum actor et defensor est necesse est proinde et acceptator; si acceplator etiam remunerator, » v. 5. Ex diuino. — Diuinum = uita diuina. Emploi grec de l'adjectif neutre. v. 14. Sequens = secunda. -- Emploi vulgaire attesté par la Vulgate (4 Esdras, passim). v. 15. Gustat... licet. — Cf. supra, 15, 8 et passim. v. 20. Deo sodales. — Probablement datif possessif déjà signalé par ailleurs. (Cf. supra, 19, 5.) XXXVI Crucistultitia. — Cette forme se tire de l'acrostiche; elle n'est pas signalée ailleurs. v. 3. Stultitiam facit est la lecture de Ludwig adoptée par Dombart. Oehler lit facta est. Le doute est de rigueur; mais le sens général est clair. v. 6. Repertus, non pas au sens courant de « jugé, estimé », mais à celui de « prouvé », probatus. — Cf. Carm, adu, Marcionem, 3, 2 : « Noe... sine culpa repertus. » — Cf. encore en français classique « trouver » : « Et Dieu trouve fidèle en toutes ses menaces. » (Athalie, I, 1.) v. 7. Chananaei. — Il nous paraît inutile d'insister sur cette fantaisiste étymologie; il faut porter au compte de l'ignorance du poète cette affirmation. XXXV-XXXVI M. Monceaux, dans le chapitre qu'il consacre à Commodien (Histoire littéraire de l'Afrique chrétienne, III, p. 484), écrit : « Beaucoup d'obscurités et du mauvais goût comme dans un parallèle bizarre entre le bois du pommier d'Adam et le bois de la croix. » Erreur; Commodien n'a pas innové; les acrostiches 35 et 36 développent l'interprétation allégorique de l'Arbre de vie et de mort, à la mode aux troisième et quatrième siècles. Ce passage fort obscur de la Genèse, exerça de bonne heure l'ingéniosité des apologistes. Le troisième siècle l'interprète couramment dans le sens allégorique. Dr la loi première, loi de répression, est sortie la loi seconde, loi de vie. — Cf. Firmic. Maternus (de Errore prof, relig., 26) : « Arbor ligni pestiferum deceptis pabulurm praebuit : lignum crucis uitam inmortale compage restituit. » Novatianus (de Trinitate, I, col. 915, P. L., III) est plus subtil encore : « Et quod ne de ligno arboris uitae contingat arcetur et quod non de inuidiae maligno liuore descendit sed ne uiuens in aeternum, nisi peccata Christus ante donasset, circumferret secum in paenam sui semper inmortale delictum. » Notez combien s'accentue ici l'opposition entre la lex prima chère aux Juifs et la lex secunda, espoir des chrétiens. Le divorce est définitif entre la synagogue et l'Eglise. XXXVII ludacidiant. — La forme iudaeidiare se trouve chez le seul Commodien; elle atteste fort probablement une prononciation africaine du z; noter d'ailleurs que chez le même poète les formes di et z sont fort souvent employées l'une pour l'autre. (Cf. Zabulus, 2, 16, 7 et, passim, Zabolicus, 35, 23; Zacones, 2, 27, 1.) Fanatici = fanorum cultores. — Ce sens, inconnu à la bonne langue, est populaire; plus tard, la langue littéraire l'emploiera fort couramment. Du Cange à ce mot donne gentiles et cite Fredegarius in Hist. Epitome, 65 : « Quod ab his gentibus fertur eorum deum fuisse locutum quem fanatici nominant Wadanum. » — Gesta Régum Francorum, c. 10 : « Eratque ipse tunc fanaticus et paganus. » Dans la bonne langue, fanatici désignait les prêtres de Bellone. (Cf. Arnobe, i, 24.) v. 3-4.. Ipse caecus... — Cf. Matth., 15, 4 : « Caecus si caecum ducat ambo in foueam cadunt. » Cette citation revient assez souvent dans le compte rendu des conciles de Carthage tenus sous Cyprien. (P. L., III), el les évêques en font volontiers l'application aux hérétiques qui ne peuvent valablement baptiser. v. 5. Inscius. — Cf. supra, 33, 2. v. 6. Discentes = discipuli. — Hellénisme probable déjà familier à la langue littéraire. Voir Commodien, Lexique, à et mot.) v. 10. Dicant... si. — Ce si interrogatif indirect est d'emploi courant dans la latinité populaire et dans la basse latinité. Il n'est pas sans exemple chez les comiques el chez quelques rares classiques. Cf. Testimonia (Cyprien), a, 14 : « Videamus ergo si sermones illius ueri sunt. » (Sap., 2, 12, 17.) Hilarius, P. L., X, col. 1024, quero si. Argumentum libri ad Senatorem (pseudo Tertull.),P. L., II. col. 1 1 64 : « Dic mihi si ualeas, cum... » Noter cependant que, dans la plupart des cas. si est construit avec le subjonctif; Commodien, incorrect avec sérénité, emploie l'indicatif. v. 11. Ignorantur enim... = m. à m. : « ils sont ignorés : à cause de cela, ils peuvent beaucoup. » C'est du moins ce que, en désespoir de cause, nous proposons. v. 15. Deferre — referre, narrare. — Ignorance probable du poète. v. 16. Congustus. — Forme contracte = coangustus. Ce mot de basse latinité signalé chez Cassiodore (in ps., 118,. 45) correspond au classique coangustatus. v. 18. A scelere tanto... — Nous renonçons à construire le m. à m. de ce vers dont le sens est, semble-t-il, clair. Ces païens judaïsants sont les mêmes à qui le poète consacre les acrostiches 23, 24, 25. (Cf. supra.) XXXVIII v. 1. Dura ceruice. — Cf. Vulgate, Exode, 32, q. : « Cerno quod populus iste durae ceruicis sit » et passim. Recalces. — Néologisme expressif, peut-être forgé par notre poète. v. 3. Incrassato corde. — Cf. Esaïe, 6, 10 : « Excaeca cor populi huius et aures eius aggraua et oculos eius claude : ne forte uideat oculis suis... ». — Matth., 13, 15. « Incrassatum est enim cor populi huius et auribus grauiter audierunt et oculos suos clauserunt : ne quando uideant oculi. » — Actes, 28, 27 : « Incrassatum est enim cor populi huius et auribus grauiter audierunt et oculos suos compresserunt ne forte uideant oculi... » Ces citations de la Vulgate précisent le sens de incrassare. II est remarquable que la Vulgate emploie ce mot au sens propre de « engraisser » dans l'Ancien Testament. (Cf. Deut., 32 15, Jérémie, 5, 28 et passim) et au sens figuré de « alourdir l'esprit » dans le Nouveau. Dans Esaïe : « incrassare » est pris au sens propre (3/|, 6). « Engraisser le coeur » ne peut signifier autre chose que « alourdir, obscurcir l'esprit ». Cor, si souvent employé par Commodien, exprime dans la langue chrétienne le siège du sentiment et des hautes pensées; c'est le coeur qui connaît Dieu. Cor traduit le καρδία des Septante et ce mot se retrouve 159 fois dans le Nouveau Testament. Le Deutéronome formule en ces termes la loi de l'amour divin : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout Ion coeur, et de toute ton âme, et de toute ta force », le premier terme exprimant l'intelligence, le second la vie, le troisième la volonté. Marc. 12, 30 et Luc, 10, 27, reproduisent ces trois termes (καρδία, ψυχή, ἱσχύς), et ajoutent, il esl vrai, la pensée (ἡ ἀνοία) : Matth. remplace la force par la pensée. Cor est donc l'intelligence chrétienne qu'alimente entre toutes choses l'amour de Dieu. (Sur celle question, voir André Arnal : « La personne humaine dans les Evangiles. » Paris, Fischbacher, 1911.) v. 4. Aspicis legem. La bonne langue ne connaît au verbe aspicere que le sens physique de regarder avec les yeux. Il prend quelquefois dans la latinité post-classique le sens de respicere. v. 5. Subsannatis. — Verbe africain, passim chez Tertullien. v.7. Digni... regno. — Noter que parfois Commodien construit cet adjectif avec un génitif. (Cf. infra, A, 671.) XXXIX v. 1 à 5. — Commodien imite ici Cyprien jusqu'à la littéralité. Cf. Testimonia, I, 20 : « Sic et Iacob accepit uxores duas, maiorem Liam oculis infirmioribus typum synagogae, minorem speciosam Rachel, typum ecclesiae. » — Ibid., 1, 19 : « Et dixit Dominas Rebeccae : Duae gentes... » v. 1. Typum. — Le typus est l'image allégorique; l'ancienne Loi annonçant allégoriquement la nouvelle. Christ est venu réaliser les images ou typi de la loi de Moyse. (Voir notre Commodien, page 81 sq.) v. 2. Signo. — Signum est ici synonyme de typus. Nous retrouvons le même mot avec la même acception dans le Carmen adu. Marcionem d'auteur inconnu (P. L., II, col. 1123).
Serpentis spolium, deuicto principe mundi, v. 10. — Fuit... mactatus — mactatus est. (Cf. supra, 10, 8.) XL v. 2. Clamantum. — Clamantes, pour désigner les prophètes, est particulier à Commodien; mais ce verbe clamare revient souvent dans la latinité chrétienne d'Afrique, appliqué à la Loi de Dieu. Cf. Cyprien ad Cornel pap., P. L. III. col. 830 : « Et per Esaiam quoque Spiritus Sanctus clamat et dicit : Vae uobis... » — Ibid., col. 851 : « Clamans et identidem dicens quod nos quoque contra haereticos clamarnus et dicimus : Haec dicet... » Philastrius de Haeresibus, 82 : « ... ignorantes quod per prophetam clamat : uiuo ego... » v. 3. sq. Et sabbata uestra spernit et tricensimas... — Cf. Esaïe, I, 13 : « Ne offeratis ultra sacrificium frustra : incensum abominatio est mihi. Neomeniam et sabbatum et festiuitates alias non feram, iniqui sunt coetus uestri. » — Tricensimae (dies), désigne donc les néoménies ou fêtes de la nouvelle lune, fort en honneur chez les Juifs ou peut-être encore les « Tricesima sabbata » dont parle Horace. (Sat. 1, 9, 69.) Pour la forme tricensimae, elle est attestée par quelques inscriptions. v. 6. Mittere qui dixit lapidem in scandalo = « Il a dit qu'il mettait la pierre d'achoppement dans votre scandale. » Cf. Rom., 9, 33 : » Sicut scriptum est : « Ecce pono in Sion lapidem offensionis et petram scandali et munis qui credit in eum, non confundetur. » Paul, ici, se réfère à Esaïe, 8, 14. Mittere = ponere (franc. « mettre ») est très fréquent dans la latinité de basse époque. Il est déjà signalé dans Tertullien (pud., 14, 26); on le trouve chez le puriste Laclance (mort. persec, 1, 2 : « Ecclesiae fundamenta miserunt »), chez Lampride (Sept. Sévère, 12 : « ... murum aut uallum mittere » ) et il ahonde au moyen âge. v. 8. sq. Pars alia legis clamat : Videbitis... — Cf. Deuteron., 28, 66 : « Et erit uita tua quasi pendens ante te. Timebis nocte et die et non credes uitae tuae. » Ces paroles du Dèutéronome s'adressent aux transgresseurs de la Loi que Moyse menace du perpétuel remords : elles sont fort claires pour qui ne veut, de parti pris, rien compliquer. Les chrétiens du troisième siècle, que possédait la folie de l'allégorisme, ont voulu voir dans ce texte l'annonce de la croix, la préfiguration de la Passion. Noter avec quelle tranquille audace ils ont ajouté au texte le in ligno décisif. (Voir notre Commodien, page 81 sq.) v. 10. Ipse Deus uita est, pependit ipse pro nobis. — Commodien par ce vers s'affirme patripassien. Le Père a soufferl dans le Fils crucifié; ou, plus exactement, Dieu lui-même a été crucifié, c'est l'hérésie monarchienne que professe notre poète. (Voir notre Commodien , p. 78 sq.) v. 11. Subsannatis. Voir supra, 38, 6. XLI v. i sq. Dixit Esaias : Hic homo... — Cf. Esaïe, 14, 16 sq : « Qui te uiderint, ad te inclinabuntur, teque prospicient. Numquid iste est uir qui conturbauit terram qui concussit regna. — Qui posuit orbem desertum et urbes eius destruxit...? » v. 5. Finitur. — Finire, dans le sens de « détruire, exterminer », appartient à la latinité de basse époque. (Voir notre Commodien, Lexique, à ce mot.) v. 6. Tres imperantes. — Sans doute « trois rois ». La pensée est ici fort obscure; mais l'origine de l'inspiration n'est pas douteuse. Commodien reproduit, sans se soucier de l'éclaircir, l'affirmation du Livre de Daniel,, 7, 23 sq. Cet acrostiche, assez malencontreusement placé par les éditeurs dans le livre I, trouverait avec plus de raison sa place à la tète du livre II; les quatre premiers acrostiches du livre II, en effet, développent (ou résument) la pensée eschatologique du poète. Le lecteur trouvera toute explication nécessaire sur cet acrostiche 41 el sur les acrostiches 1, 2, 3, 4 du livre II, à l'appendice que nous consacrons à la fin de cet ouvrage, à l'eschatologie des Instructions. |