Annales de Tacite |
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TACITE : C. Cornelius Tacitus, d'abord avocat, se mit, relativement tard, à écrire. Après Le Dialogue des orateurs, l'Agricola, Les Moeurs des Germains, TACITE écrivit l'histoire romaine, ab excessu divi Augusti, en deux ouvrages, les Histoires et les Annales, qui nous sont parvenus mutilés |
Pourtant,
nous ne savons pas précisément quels rapports existaient entre Othon et
la future impératrice avant que la belle ne glissât sa peau de satin,
quotidiennement ablutionnée de lait d'ânesse, entre les draps de soie de
la couche de Néron. Faut-il croire que l'empereur, follement épris d'une Poppée alors toute jeune veuve, confia la dame de ses pensées à son meilleur ami afin qu'il l'accueille dans sa maison, qu'il l'épouse, mais tout en ménageant ses charmes et sa vertu, et qu'il la lui rétrocède sans rouscailler quand lui-même se serait enfin débarrassé de sa mère Agrippine et de son épouse Octavie ? Serait-il vrai qu'Othon s'amouracha de Poppée à son tour ? qu'il se fit tirer l'oreille pour rendre à César ce qui lui était dû et qu'ayant enfin cédé sa belle épouse à Néron, Othon fut expédié comme un malpropre gouverner la lointaine Lusitanie (Portugal actuel), autant pour le punir de sa mauvaise volonté que pour préserver l'impérial front des fort jolies cornes qu'il aurait pu y planter ? Ou alors serait-ce un Othon tout fiérot d'avoir épousé une telle beauté qui aurait présenté Poppée à son bon copain Néron, et que, patatras ! celui-ci en serait tombé amoureux fou et aurait exigé la rupture du mariage afin de garder la belle pour lui ? Othon ne se serait-il exécuté qu'en regimbant, et Néron lui aurait-il gardé rancune de sa mauvaise volonté ? Ou enfin, Othon, entremetteur de la pire espèce ou proxénète doré sur tranche, aurait-il littéralement vendu sa douce moitié à Néron, et puis aurait-il été exilé au bout du monde, soit parce qu'il voulait tirer trop d'avantages de ceux de son ex-femme, soit parce qu'il prétendait encore être l'usufruitier des charmes qu'il avait vendus ? http://ibelgique.ifrance.com/emp00/emp08.htm |
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Gaio Vips[t]ano [C.] Fonteio
consulibus diu meditatum scelus non ultra Nero distulit, vetustate imperii
coalita audacia et flagrantior in dies amore Poppaeae, quae sibi
matrimonium et discidium Octaviae incolumi Agrippina haud sperans crebris
criminationibus, aliquando per facetias incusare principem et pupillum
vocare, qui iussis alienis obnoxius non modo imperii, sed libertatis etiam
indigeret. cur enim differri nuptias suas? formam scilicet displicere et
triumphales avos, an fecunditatem et verum animum? timeri ne uxor saltem
iniurias patrum, iram populi adversus superbiam avaritiamque matris
aperiat. quod si nurum Agrippina non nisi filio infestam ferre posset,
redde[re]tur ipsa Othonis coniugio: ituram quoque terrarum, ubi audiret
potius contumelias imperatoris quam viseret periculis eius immixta. haec
atque talia lacrimis et arte adulterae penetrantia nemo prohibebat,
cupientibus cunctis infringi potentiam matris et credente nullo usque ad
caedem eius duratura filii odia. |
I. Sous le consulat de C. Vipstanus et de Fontéius, Néron ne différa plus le crime qu'il méditait depuis longtemps. Une longue possession de l'empire avait affermi son audace, et sa passion pour Poppée devenait chaque jour plus ardente. Cette femme, qui voyait dans la vie d'Agrippine un obstacle à son mariage et au divorce d'Octavie, accusait le prince et le raillait tour à tour, l'appelant un pupille, un esclave des volontés d'autrui, qui se croyait empereur et n'était pas même libre. "Car pourquoi différer leur union ? Sa figure déplaît apparemment, ou les triomphes de ses aïeux, ou sa fécondité et son amour sincère ? Ah! l'on craint qu'une épouse, du moins, ne révèle les plaintes du sénat offensé et la colère du peuple, soulevée contre l'orgueil et l'avarice d'une mère. Si Agrippine ne peut souffrir pour bru qu'une ennemie de son fils, que l'on rende Poppée à celui dont elle est la femme : elle ira, s'il le faut, aux extrémités du monde ; et, si la renommée lui apprend qu'on outrage l'empereur, elle ne verra pas sa honte, elle ne sera pas mêlée à ses périls." Ces traits, que les pleurs et l'art d'une amante rendaient plus pénétrants, on n'y opposait rien : tous désiraient l'abaissement d'Agrippine, et personne ne croyait que la haine d'un fils dût aller jamais jusqu'à tuer sa mère.
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Gaio Vips[t]ano [C.] Fonteio consulibus diu meditatum scelus non ultra Nero distulit, vetustate imperii coalita audacia et flagrantior in dies amore Poppaeae, quae sibi matrimonium et discidium Octaviae incolumi Agrippina haud sperans crebris criminationibus, aliquando per facetias incusare principem et pupillum vocare, qui iussis alienis obnoxius non modo imperii, sed libertatis etiam indigeret. cur enim differri nuptias suas? formam scilicet displicere et triumphales avos, an fecunditatem et verum animum? timeri ne uxor saltem iniurias patrum, iram populi adversus superbiam avaritiamque matris aperiat. quod si nurum Agrippina non nisi filio infestam ferre posset, redde[re]tur ipsa Othonis coniugio: ituram quoque terrarum, ubi audiret potius contumelias imperatoris quam viseret periculis eius immixta. haec atque talia lacrimis et arte adulterae penetrantia nemo prohibebat, cupientibus cunctis infringi potentiam matris et credente nullo usque ad caedem eius duratura filii odia.
Néron est amoureux (Flagrantior).
Poppée va en profiter : elle a deux obstacles : Octavie et Agrippine.
Elle joue sur 2 domaines : les reproches (criminationibus) et l'ironie (per
facetias), jusqu'à la moquerie (pupillum).
Elle est la maîtresse : elle a des atouts : la beauté (formam).
Elle fera une bonne épouse : elle a des ancêtres (avos), elle lui donnera des
enfants (fecunditatem).
Elle le séparera d'Agrippine.
Elle passe aux menaces : elle retournera chez son mari Othon au Portugal (quoquo
terrarum) .
Elle lui fait peur : elle entendra du bout de la terre tout ce qui lui arrivera
(audiret).
Et pour terminer : tout le monde est d'accord avec elle.
C. ... consulibus
: ablatif absolus : en 59 distulit : de differre vetustate : abaltif de cause coalita : de coalesco incolumi Agrippina : ablatif absolus incusare : infinitif historique iussis alienis : obnoxius veut le datif indigeret : subjonctif dans une relative ne ... aperiat : construction des verbes de crainte posset : style indirect redderetur : : style indirect ituram (esse) : style indirect immixta : (Poppée) lacrimis : ablatif de moyen haec : cd de prohibebat infringi : infinitif présent passif credente nullo : ablatif absolu duratura : de duro : se durcir, durer, subsister, être cruel (durare in suorum necem = porter la cruauté jusqu’à faire périr les siens) GAIO VIPSTANO GAIO FONTEIO CONSULIBUS,
ablatifs absolus |
ad,
inv. : vers, à, près de
aduersus, a, um : contraire
adultera, ae, f. : l'adultère, la maîtresse
Agrippina, ae, f. : Agrippine
alienus, a, um : d'autrui
aliquando, inv. : quelquefois
amor, oris, m. : l'amour
an, inv. : est-ce que, ou est-ce que ; an... an..., si... ou si
animus, i, m. : le coeur, la sympathie, le courage
aperio, is, ire, ui, apertum : ouvrir
ars, artis, f. : l'art
atque, inv. : et, et aussi (= ac)
auaritia, ae, f. : la cupidité, l'avarice
audacia, ae, f. : l'audace
audax, acis : audacieux
audio, is, ire, iui, itum : entendre, apprendre ; bene, male : avoir bonne,
mauvaise réputation
auus, i, m. : l'ancêtre, l'aïeul;, le grand-père
C, = Caius, ii, m. : abréviation.
caedes, is, f. : le meurtre, le massacre
Caius, i, m. : Caius
coalesco, is, ere, coalui, coalitum : s'unir, se lier, se développer
coniugium, i, n. : l'union, le couple, l'époux ou l'épouse
consul, is, m. : le consul
contumelia, ae, f. : l'outrage, l'affront
creber, bra, brum : fréquent. pl. nombreux
credo, is, ere, didi, ditum : croire, prêter
criminatio, ionis, f. : l'accusation (calomnieuse)
cuncti, ae, a : tous ensemble
cupio, is, ere, ii ou iui, itum : désirer
cur, inv. : pourquoi ?
dies, ei, m. et f. : le jour
differo, fers, ferre, distuli, dilatum : différer
discidium, i, n. : le déchirement, la division, la séparation
displiceo, es, ere, cui, citum : déplaire
diu, adv. : longtemps
duro, as, are : durcir, endurcir, rendre dur
enim, inv. : car, en effet
eo, is, ire, iui, itum : aller
et, conj. : et, aussi
etiam, inv. : même
facetia, ae, f. : (surtout au pl.) le trait d'esprit, le bon mot, la
plaisanterie
fecunditas, atis, f. : la fécondité
fero, fers, ferre, tuli, latum : porter, supporter, rapporter
filius, ii, m. : le fils
flagrantior, ioris : comparatif de flagrans, antis : brûlant, enflammé
Fonteius, i, m. : Fonteius
forma, ae, f. : la forme, la beauté, le plan
haud, inv. : vraiment pas, pas du tout
hic, haec, hoc : ce, cette, celui-ci, celle-ci
immisceo, es, ere, miscui, mixtum : mêler
imperator, oris, m. : le général, l'empereur
imperium, ii, n. : le pouvoir (absolu)
in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
incolumis, e : sain et sauf
incuso, as, are : accuser, reprocher
indigeo, es, ere, ui, - : manquer de, faire défaut
infestus, a, um : ennemi, hostile (+dat.)
infringo, is, ere, fregi, fractum : abattre, briser, choquer
iniuria, ae, f. : l'injustice, la violation du droit
ipse, ipsa, ipsum : même (moi-même, toi-même, etc.)
ira, ae, f. : la colère
is, ea, id : ce, cette
iubeo, es, ere, iussi, iussum : ordonner
iussum, i, n. : l'ordre
lacrima, ae, f. : la larme
libertas, atis, f. : la liberté
mater, tris, f. : la mère
matrimonium, ii, n. : le mariage ; in - conlocare : marier
meditor, aris, ari : méditer, penser à, réfléchir à
modo, inv. : seulement ; naguère, il y a peu
modus, i, m. : la mesure, la limite, la manière
ne, inv. : pour que... ne... pas, de peur que, que
nemo, neminis : personne, nul... ne, personne
Nero, onis, m. : Néron
nisi, inv. : si... ne... pas ; excepté
non, neg. : ne...pas
nullus, a, um : aucun
nuptia, ae, f. (tjrs au pluriel) nuptiae, arum : les noces, le mariage
nurus, us, f. : la belle-fille, la bru
obnoxius, a, um : soumis, dépendant, exposé à, sujet à
Octauia, ae, f. : Octavie (soeur d'Auguste)
odium, i, n. : la haine
Otho, onis, m. : Othon
pater, tris, m. : le père, le magistrat
penetro, as, are : faire entrer, pénétrer
per, prép. : (acc) à travers, par
periculum, i, n. : le danger
Poppaea, ae, f. : Poppée
populus, i, m. : le peuple
possum, potes, posse, potui : pouvoir
potentia, ae, f. : la puissance
potius, inv. : plutôt
princeps, ipis, n. m. et adj. : le premier, le chef, l' empereur
prohibeo, es, ere, bui, bitum : interdire
pupillus, i, m. : le pupille, le mineur
quam, inv. : que, combien
qui, quae, quod : qui ; interr. quel ? lequel ?
qui, quae, quod, pr. rel : qui, que, quoi, dont, lequel..., après si, nisi, ne,
num = aliqui
quod, conj. : parce que
quoquo, inv. : abl.masculin et neutre sing. de quisquis : n'importe quel
reddo, is, ere, ddidi, dditum : rendre, rapporter
saltem, inv. : au moins, du moins
scelus, eris, n. : le crime
scilicet, adv. : il va de soi, bien entendu
se, pron. réfl. : se, soi
sed, conj. : mais
si, conj. : si
spero, as, are : espérer
superbia, ae, f. : l'orgueil, la fierté
suus, a, um : son
talis, e : tel ; ... qualis : tel.. que
terra, ae, f. : la terre
timeo, es, ere, timui : craindre
tiumphalis, e : qui a reçu le triomphe
ubi, inv. : où, quand
uerum, conj. : vraiment, en vérité, mais
uerus, a, um : vrai
uetustas, atis, f. : la vieillesse, la vétusté
uiso, is, ere, uisi, uisum : voir, visiter
ultra, ,adv. : au dela, plus loin ; prép. + acc. : plus loin que, plus que
uoco, as, are : appeler
usque, prép. : usque ad, jusqu'à
uxor, oris, f. : l'épouse, la femme
Vipstanus, i, m. : Vipstanus