Saadi

SAADI (Muslih-ud-Din Mushrif ibn Abdullah)

سعدی

 

PEND-NAMEH OU LIVRE DES CONSEILS.

 

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

 

 

PEND-NAMEH

OU

LIVRE DES CONSEILS.

DE

SAADI

Traduit par M. GARCIN DE TASSY.

 

 

 

PRÉFACE DE SAADI.

Dieu généreux, captifs dans les liens de nos désirs, nous te prions d'avoir pitié de notre état. Nous n'élevons nos soupirs que vers toi qui seul remets aux pécheurs leurs fautes. Éloigne-nous du chemin de l'iniquité, oublie nos égarements et montre-nous la voie droite.

Tant que la langue occupera une place dans le palais, le cœur goûtera la louange de Mahomet, de cet ami de Dieu, le plus illustre des prophètes, de ce législateur qui siège auprès du trône glorieux de l'Éternel, de ce héros conquérant du monde qui, monté sur le Borac[1] au poil bai, passa au delà du palais au portique azuré.

 

 

CHAPITRE PREMIER.

ENTRETIEN AVEC L'ÂME.

Quarante ans de ta vie précieuse se sont écoulés, et ton naturel est encore celui que tu avais dans l'enfance. Tu n'as rien fait que la vanité ou la passion ne t'y ait porté. Tu n'as pas embelli un seul de tes instants par des occupations sérieuses. Mon âme, ne place point ta confiance en cette vie qui passe, et ne te crois pas à l'abri des jeux de la fortune.

CHAPITRE II.

DE LA GÉNÉROSITÉ.

Celui qui dressera la table de la générosité, deviendra célèbre dans le monde bienfaisant. La générosité te fera connaître à l'univers, et te procurera une sécurité parfaite. Rien au monde ne peut être comparé à cette belle vertu. Il n'y a pas de bazar plus fréquenté que le sien.[2] Elle est le capital de la joie et la récolte de la vie. Rafraîchis par elle le cœur de l'homme. Remplis le globe de la renommée de tes dons. A chaque instant de ta vie exerce la générosité, puisque celui qui donna l'être à ton âme possède cet attribut par excellence.

CHAPITRE III.

DE LA LIBÉRALITÉ.

Quiconque est bien inspiré ne peut manquer de prendre pour sa vertu favorite la libéralité ; c'est elle qui rend l'homme heureux. Par ta douceur et ta munificence, sois le vainqueur du monde. Sois prince dans la région de l'affabilité et de la largesse. La libéralité est l'occupation des sages et la profession des élus. Ne néglige point de pratiquer cette vertu, et tu remporteras alors la boule[3] de la bonté. La libéralité est la poudre de projection qui change en or le cuivre du vice ; elle est le remède à tous les maux.

CHAPITRE IV.

CENSURE DE L'AVARE.

Le globe du monde tournerait au gré de l'avare, il tiendrait à la chaîne le bonheur, les trésors de Caroun[4] seraient dans ses mains, le quart habité de l'univers[5] lui obéirait.... qu'il ne mériterait pas que son nom fut cité. Quand même la fortune serait son esclave, ne fais pas la moindre attention à ce qu'il possède ; ne parle pas, de ses richesses, ne prononce pas le nom de ses possessions. Quoique, sur terre et sur mer, l'avare éprouve des privations continuelles, il n'y aura pas, d'après la tradition, de paradis pour lui. L'avare, quelque riche qu'il soit en possessions, est en proie à la même peine que celui dont la bourse ne renferme que des oboles. Les hommes généreux éprouvent des douceurs en employant le revenu de leurs richesses, tandis que les avares n'éprouvent que du chagrin de leur or et de leur argent.

CHAPITRE V.

DE L'HUMILITÉ.

Si tu es humble, les hommes t'aimeront. L'humilité élève celui qui la pratique, comme le soleil éclaire de ses rayons la lune argentée. Ils pratiqueront cette vertu, ceux qui sont dignes du nom d'homme. L'humilité augmentera le respect que l'on te porte, elle préparera ta place dans le paradis élevé. C'est elle qui doit être le fonds capital de l'amitié qui en recevra un caractère sublime. L'humilité est la clef de la porte du séjour bienheureux ; elle est l'ornement de l'élévation et du bonheur. Celui qui a l'heureuse habitude d'être humble, retirera un vrai profit de son rang et de sa puissance. L'humilité ennoblit l'homme: dans les grands, elle est semblable à la broderie qui décore leurs habits. Il n'y a rien de plus beau que de trouver l'humilité chez une personne qui est à la tête du commandement. Le vrai sage exercera l'humilité : c'est par elle que le rameau chargé de fruits vient poser sa tête sur la terre. Sois toujours humble envers tes semblables, alors tu pourras, un jour, lever la tête comme l'épée. Chez les grands l'humilité est la vertu la plus recommandable ; mais si le mendiant est humble, c'est dans l'ordre.[6]

CHAPITRE VI.

CENSURE DE L'ORGUEIL.

Mon enfant, évite soigneusement l'orgueil, de crainte que tu ne tombes un jour frappé de sa main. Dans un savant, rien ne déplaît comme ce défaut. Quant au sage, il est étonnant qu'il puisse s'y laisser entraîner. Ce vice est le propre des ignorants, jamais de l'homme éclairé. C'est l'orgueil qui jadis avilit Azazil[7] et qui le précipita dans la prison de la malédiction. L'orgueilleux a la tête remplie des prestiges de son imagination.

Puisque tu connais les inconvénients de l'orgueil, pourquoi t'y livrerais-tu ? si jamais tu es orgueilleux, tu seras inexcusable. L'orgueil est le capital du malheur; il est la source d'un mauvais caractère.

CHAPITRE VII.

DE L'EXCELLENCE DE LA SCIENCE.

C'est la science qui augmente le mérite de l'homme, et non le faste, les honneurs, les biens, les richesses. Il faut se consumer à sa poursuite comme la bougie, car sans la science on ne peut connaître Dieu. S'appliquer à acquérir de l'instruction, c'est être prédestiné au bonheur. Le sage ambitionne la science dont le bazar est toujours fréquenté. Le devoir de t'instruire est pour toi un précepte obligatoire que Dieu t'a imposé, quand même, pour l'exécuter, il faudrait parcourir le monde. La science t'est nécessaire, tant pour le spirituel, que pour le temporel. Par elle, tout ce qui te concerne sera dans le plus heureux arrangement. Si tu te laisses diriger par l'intelligence, ne t'appliques qu'à étudier. C'est une négligence impardonnable que de ne rien savoir. Va, et tiens-toi fortement attaché au pan du manteau de la science ; tu seras conduit au palais de la stabilité.

CHAPITRE VIII.

QU'IL FAUT S'ABSTENIR DE FRÉQUENTER LES IGNORANTS.

Si tu es prudent et sage, ne fréquente pas l'ignorant ; fuis loin de lui comme la flèche. Ne te mêle pas avec lui comme le lait et le sucre. Il vaudrait mieux qu'un dragon fût ton compagnon dans une caverne (comme autrefois Abou-Bekr fut celui de Mahomet), que si l'ignorant était ton intime ami. Si ton ennemi mortel est sensé, il est préférable à un ignorant ami.[8] Personne au monde n'est plus vil que l'ignorant, et rien n'est plus méprisable que l'ignorance. Laisse donc l'ignorant, voilà ce que tu as de mieux à faire. Sa société te ferait rougir dans ce monde, et te couvrirait d'une éternelle confusion dans l'autre. Des actions inconvenantes, voilà les œuvres de l'ignorant. Tu n'entendras jamais de lui que des paroles déplacées. L'enfer lui est réservé, car il est difficile que sa vie ait une bonne fin. Nous devons nous attendre à voir sa tête au sommet de la potence, puisqu'il est naturel qu'il porte la peine de son avilissement.

CHAPITRE IX.

DE LA JUSTICE.

Puisque Dieu a comblé tous les désirs que tu as formés, pourquoi ton unique but n'est-il pas de rendre la justice ? Elle est l'ornement de la royauté ; pourquoi par elle ne pas fixer les incertitudes de ton cœur ? Ah ! si elle s'unit à toi pour gouverner ton empire, elle donnera à ton trône une stabilité que les efforts réunis de tes ennemis ne pourront détruire. Nouchirvan[9] exerça la justice ; aujourd'hui encore les peuples répètent son nom avec enthousiasme. Rends le monde heureux par les bienfaits de l'équité ; répands toutes tes faveurs sur les gens qui pratiquent cette vertu. La tranquillité d'un royaume est le résultat de la justice; c'est elle qui comble les vœux des sujets. Il n'y a pas de meilleur architecte au monde que la justice, car rien n'est au-dessus d'elle. Que peut-il t'arriver de plus heureux que d'avoir le nom de roi juste? Si tu veux la décoration du bonheur, ferme la porte de la tyrannie sur les habitants du monde. Ne refuse point tes bonnes grâces à tes sujets ; remplis les vœux de ceux qui veulent la justice.

CHAPITRE X.

CENSURE DE LA TYRANNIE.

La tyrannie dévaste le monde, comme le vent destructeur de l'automne ravage un jardin délicieux. N'opprime jamais tes sujets, si tu veux que le soleil de ton empire ne décline point. Celui qui allume dans le monde le feu de l'oppression, arrachera aux hommes des plaintes et des gémissements. Ne tyrannise point le pauvre, car l'enfer sera, sans doute, la demeure des tyrans.

Si l'opprimé élève un soupir de son cœur, l'ardeur de ce soupir brûlant enflammera l'eau et la terre. Ne fais point d'injustice à l'infortuné privé de toute ressource, et pense enfin au réduit étroit du sépulcre. N'outrage point l'opprimé et ne méprise pas la vapeur des soupirs qui s'élèvent vers le ciel. Ne sois ni méchant ni sévère, de peur que la punition de Dieu ne vienne fondre sur toi à l'improviste.

CHAPITRE XI.

ÊTRE CONTENT DE SON SORT. DESCRIPTION DE CETTE VERTU.

Si tu as le bonheur de savoir te contenter de ton sort, tu régneras dans le pars, de la douce tranquillité. Es-tu dans la détresse, ne murmure point de ton malheur. Aux veux du philosophe, les richesses ne sont rien. Le sage ne saurait rougir de la pauvreté, puisque le prophète Mahomet[10] en a fait sa gloire. Si tu n'es pas riche, ne t'inquiète pas : Le sultan n'exigera pas des ruines, un tribut. L'or et l'argent sont l'ornement du riche, le calme et la paix le partage de la pauvreté. Dans quelque situation que l’on soit, rien, n’est plus convenable que de mettre des bornes au vaste champ des désirs. Celui qui naquit sous une bonne constellation saura se contenter de son sort ; imite-le : La satisfaction, comme le soleil qui répand sa clarté dans le monde, éclairera de sa Lumière les ténèbres de ton cœur.

CHAPITRE XII.

DE LA CUPIDITÉ.

O toi que l'avidité a privé de la raison, et qui, enivré de sa coupe fatale, es tombé dans les lacs de la cupidité, ne perds point ta vie à acquérir de l'argent. Les pierres précieuses ont une tout autre valeur que la brique. Celui qui est retenu dans les entraves de la cupidité livre au vent la moisson de la vie. Supposons que tu acquisses les possessions de Caroun et toutes les richesses du quart habité de l'univers... Eh ! pourquoi te tourmenter pour des biens qui un jour périront tout à coup? pourquoi te laisser consumer par la passion insatiable de l'or? pourquoi à sa poursuite traîner comme l'âne, le fardeau de la peine ? Tu es pour la fortune comme le loup pour sa proie, et tu ne penses pas au jour où il te faudra rendre compte. Tu es tellement épris de l'or, qu'agité de son amour, tu erres çà et là comme si tu avais perdu la raison. Qu'il ne jouisse jamais du contentement, le cœur de l'homme méprisable qui laisse, pour ce monde présent, la vie à venir que promet la religion !

CHAPITRE XIII.

DES BONNES OEUVRES.

Le cœur de celui dont le bonheur est l'esclave est constamment incliné vers les bonnes œuvres. N'abandonne jamais le sentier du service de Dieu ; la félicité même de cette vie en dépend. La lumière des bonnes œuvres éclairera les sinuosités de ton cœur. Si tu te ceins les reins pour exercer ces devoirs, la porte du bonheur éternel s'ouvrira pour toi. Le sage ne détourne jamais la tête des bonnes œuvres : rien n'est préférable à cette heureuse occupation. Assis sous le portique de leur palais, adore le créateur. Du sein de la tempérance lève la tête ; le paradis est la demeure des abstinents.

CHAPITRE XIV.

DU CULTE.

Vivifie tes ablutions[11] par l'eau de la piété, pour te délivrer demain[12] du feu de l'enfer. Remplis dans la sincérité de ton cœur le devoir de la prière, et tu obtiendras un bonheur permanent. Allume, par la dévotion, la lampe de ta vie, afin que, comme ceux dont le bonheur dirige les pas, tu coules des jours heureux.

CHAPITRE XV.

DE L'ACTION DE GRACES ENVERS DIEU.

Rends grâces à Dieu ; il augmentera ton rang, ta puissance, ta fortune, tes possessions. Quand même tu exercerais les devoirs de la reconnaissance envers Dieu jusqu'au jour du compte,[13] ce ne serait pas la millième partie de ce que tu devrais faire. Suis donc mes leçons, mon ami; la reconnaissance est l'ornement de l'islamisme. N'oublie jamais ce que tu dois au créateur du monde. L'action de grâces à Dieu est l'eau du jardin de la religion.

CHAPITRE XVI.

EXCELLENCE DE LA PATIENCE.

Si la patience te prête son secours, tu acquerras une félicité inaltérable. La patience est la vertu des sages et l'occupation de ceux que le bonheur a favorisés. Dans quelque situation que l’on se trouve, la patience est nécessaire ; car dans mille occasions on a lieu de l'exercer. La patience est la clef de la porte du désir, et la souveraine de l'empire: des souhaits.

CHAPITRE XVII.

DE LA DROITURE.

Si tu te diriges d'après la droiture, les hommes seront tes amis. Le sage ne détourne point la tête de la pratique de cette vertu qui donne à la réputation je ne sais quoi de sublime. Si ton naturel est la droiture, puissent mille éloges être consacrés à ton heureux penchant ! Si tu aides la barque de ton esprit du souffle de la droiture, semblable au zéphyr du matin, tu atteindras le rivage loin des ténèbres de l'ignorance. Garde-toi de ne rien faire que selon la droiture ; car la main droite a la prééminence sur la gauche. Rien au monde n'est meilleur que la droiture ; il n'y a pas d'épines à son rosier. Comment celui qui n'agit pas conformément aux règles qu'elle prescrit sera-t-il acquitté au jour du jugement? Rien de plus préjudiciable que de manquer de droiture; c'est par-là que la réputation la mieux établie perd tout son prix.

CHAPITRE XVIII.

CENSURE DU MENSONGE.

La lampe du cœur de celui qui mentira ne jettera plus de clarté. Le mensonge avilit l'homme et le couvre de confusion. O mon frère, ne mens jamais, prends-y bien garde. Le menteur est méprisable et ne mérite pas la moindre considération; le sage rougit de sa société et personne ne fait cas de lui.

CHAPITRE XIX.

QU'IL EST NÉCESSAIRE DE RÉFLÉCHIR SUR LA PRÉDESTINATION ET LA PRÉMONITION.

Vois cette voûte solide et sans appui que dorent les rayons du soleil; vois la tente de la sphère céleste qui roule sur nos têtes ; vois ces flambeaux éclatants qui y sont suspendus. Là, l'un est sentinelle et l'autre roi; l'un implore la justice, l'autre ambitionne la couronne ; l'un a tout ce qu'il désire, et l'autre ne vit que de privations; celui-ci est content, celui-là soupire ; celui-ci est monarque, celui-là percepteur;[14] l'un est illustre, l'autre vil; celui-ci est frustré de son désir, celui-là obtient tout ce qu'il veut ; celui-ci est privé de toutes les douceurs de la vie, celui-là jouit de toutes les faveurs de la fortune ; l'un a la peine en partage, l'autre la richesse; l'un prolonge son existence, tandis que l'autre expire à ses côtés; l'un est robuste, l'autre est faible; l'un a mangé le fruit de la vie, l'autre est dans la fleur de l'adolescence; l'un est dans la voie droite, l'autre dans le péché; l'un est en prière, tandis que l'autre est sur le champ de bataille ; celui-ci a le plus heureux caractère, celui-là un naturel chagrin ; celui-ci est doux, celui-là querelleur ; celui-ci est dans la jouissance, celui-là dans le tourment ; l'un est dans l'affliction, l'autre dans le bonheur; l'un est prince dans le monde de la grandeur, l'autre captif dans le filet des coups de la fortune ; l'un demeure dans le jardin du repos, l'autre est le compagnon de l'ennui, de la douleur et de la misère; celui-ci a des monceaux d'or, celui-là ne sait où trouver du pain, ni de quoi suffire aux dépenses nécessaires pour sa famille ; l'un a nuit et jour le Coran dans la main ; l'autre, ivre, est endormi dans le coin d'un cabaret ; l'un se conduit bien et pense d'une manière orthodoxe, l'autre est submergé dans la mer de la prévarication et du crime; l'un est guerrier, adroit et vigoureux ; l'autre est faible, languissant, et a l'âme pusillanime. Ne te confie donc point à la fortune, puisque la mort viendra tout d'un coup t'arracher à la vie.

CHAPITRE XX.

QU'IL NE FAUT AVOIR DE CONFIANCE QU'EN DIEU SEUL.

N'arrête point tes vœux sur l'empire, la pompe et la cour de la souveraineté. Ces choses existaient avant toi, elles resteront après toi. Ne place point ta confiance sur le trône du commandement ; car aussitôt que le Très-Haut l'ordonnera, tu seras forcé de rendre ton âme. Ne te réjouis pas de posséder des trésors, d'être l'objet des adulations de nombreux courtisans ; lorsque tu t'y attendras le moins, tout cela tombera dans le néant.

CHAPITRE XXI.

QU'IL FAUT ÉVITER LE MAL ET LES MAUVAISES ACTIONS.

Mon bon ami, ne fais point de mal si tu ne veux éprouver du mal. Un bon fruit n'est pas le produit d'une mauvaise semence. Ne mets pas ta satisfaction dans les dignités et dans la gloire, puisque rien n'est à l'abri de la décadence.

CHAPITRE XXII.

DE L'INSTABILITÉ DES CHOSES DE CE MONDE.

Que de rois puissants, que de héros qui ont conquis des provinces, que de guerriers intrépides qui ont vaincu des armées, que de braves courageux comme des lions, que de figures semblables à la pleine lune qui se lève, que d'objets à la taille de buis, que de voluptueuses beautés dont les joues ont eu l'éclat du soleil, que de gens célèbres et heureux, que de statures de cyprès et de coloris de rose ont déchiré le vêtement de la vie et ont enfoncé la tête dans le collet de la terre ! La moisson de leurs noms a été livrée au vent qui n'en a laissé échapper aucune trace. Ne fixe donc point ton cœur sur cette habitation où l'on respire un air agréable, mais dont l'atmosphère verse la pluie du malheur. Mon enfant, le monde n'a point de stabilité; ah ! ne passe point cette vie sans songer à la vie future.

 

 


 

[1] Nom de l'animal qui porta Mahomet au ciel, dans la nuit du mérag (ascension)

[2] Il y a dans le texte plus chaud; en effet lorsqu'une grande quantité de personnes sont rassemblées quelque part, il y fait chaud.

[3] Allusion au jeu de mail.

[4] Les musulmans nomment ainsi Coré. Selon eux il avait acquis par le moyen de la chimie de si grands trésors, qu'il fallait quarante chameaux pour les porter.

[5] Les Orientaux se servent de cette expression pour exprimer les parties habitées du monde.

[6] Ce vers se lit aussi dans le poème du même auteur, intitulé Bostan, c'est-à-dire, jardin, dans le chapitre des louanges d'Atabek Abou-Bekr ben-Saad.

[7] Azazil on Eblis est le prince ou le chef des anges prévaricateurs.

[8] Rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami;

Mieux vaudrait un sage ennemi.

La Fontaine, VIII, 10.

[9] C'est le surnom de Khosrow iv (Chosroès-le-Grand), vingt-deuxième roi de la dynastie des Sassanides.

[10] « La pauvreté, a-t-il dit, fait ma gloire. »

[11] C'est-à-dire les purifications prescrites par la loi musulmane.

[12] Pour comprendre cette expression, il faut savoir que les Orientaux comparent souvent la vie à un jour.

[13] Le jour du jugement.

[14] Il y a dans la traduction anglaise paying tribute. Le parallélisme y est mieux; mais cela n'est point dans le persan.