Massoudi

MAÇOUDI.

 

LES PRAIRIES D'OR. (chapitres I à IV)

(chapitres V à X)

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 


MAÇOUDI.

LES PRAIRIES D'OR.

TEXTE ET TRADUCTION

PAR

C. BARBIER DE MEYNARD ET PAVET DE COURTEILLE.

 

 

TOME PREMIER.

 

AVANT-PROPOS DES ÉDITEURS.

En présentant au public le premier volume des Prairies d'or de Maçoudi, nous ne pouvons passer sous silence les circonstances qui en ont retardé la publication. Dans le courant de 1852, tandis que les éditeurs d'Ibn Batoutah inauguraient, avec un zèle si promptement couronné par le succès, l'importante collection d'auteurs orientaux dont l'initiative appartient à la Société asiatique de Paris, M. Derenbourg, chargé de l'édition des Prairies d'or, se mettait immédiatement à l'œuvre ; et, dès l'année suivante, un tiers du tome Ier était sous presse. M. Derenbourg, consacrant à ce travail tout le temps que lui laissait la rédaction du catalogue des manuscrits hébreux à la Bibliothèque impériale, avait déjà copié la moitié de l'ouvrage et relevé les variantes sur plusieurs manuscrits, lorsque des devoirs impérieux le mirent dans l'obligation de renoncer à une entreprise pour laquelle il était si bien préparé. En continuant la tâche de notre prédécesseur, nous sommes heureux de pouvoir le remercier ici des utiles matériaux qu'il nous a transmis, et du concours qu'il a bien voulu nous promettre pendant la durée de notre publication. Cependant les remaniements inévitables qu'entraîne un changement d'auteur ont ralenti notre marche pendant ces deux dernières années. Désireux de ne pas accroître les dépenses de la Société, nous avons dû placer une traduction nouvelle en regard de toute la partie du texte qui était déjà clichée, nous créant par là des entraves dont nous avons eu quelquefois beaucoup de peine à nous affranchir. Si plusieurs passages de notre traduction ont une allure contrainte, si l'expression arabe n'est pas rendue partout avec toute la fidélité ou la précision désirables, nous prions le lecteur de tenir compte de ces difficultés, contre lesquelles, heureusement, nous n'aurons plus à lutter.

Nous réservons pour le dernier volume, consacré à l'index développé de tout l'ouvrage, les détails qu'on s'attendrait à trouver ici sur la personne et les écrits de Maçoudi. Notre but, en dérogeant à un usage généralement adopté, n'est pas seulement d'éviter de nouveaux retards ; nous voulons surtout ne rien livrer au hasard dans l'examen d'un livre qui occupe une place si importante dans le domaine scientifique des Arabes. La vie nomade et studieuse de Maçoudi, son génie, ses défauts ou, pour parler avec plus d'équité, les préjugés et les superstitions de son siècle, tant de notions, souvent exactes, parfois aussi confuses ou absolument fausses, c'est dans l'œuvre même à laquelle il a attaché son nom qu'il faut les étudier ; et, pour se renseigner sur la foule de questions accessoires qu'entraîne un si vaste sujet, on interrogerait vainement les biographies arabes ou les écrivains qui ont suivi de loin les traces de leur illustre devancier. Mais si la variété de ses connaissances et les richesses inestimables qu’il dut à ses lectures ou à ses voyages donnent une haute valeur à son livre, l'examen critique des matériaux de toute sorte qu'il mit en œuvre nous entraînerait loin des bornes d'une préface. Nous ne saurions nous entourer de trop de secours dans l'étude d'une question si large et si compliquée ; et, en prenant, dès ce moment, l'engagement de soumettre au lecteur, sous forme de mémoire, le résultat de ces recherches consciencieuses, nous ne nous dissimulons pas combien est délicate la tâche dont nous assumons la responsabilité. Bornons-nous aujourd'hui à résumer en quelques lignes la vie de Maçoudi, le caractère général de son livre et les matériaux qui ont été mis à notre disposition.

Abou'l-Haçan Ali, fils d'el-Huçein, fils d'Ali, el-Maçoudi, appartenait à une famille originaire du Hedjaz, et il devait son surnom de Maçoudi à un de ses ancêtres, Maçoud, contemporain de Mahomet. Il vit le jour à Bagdad dans les dernières années du iiie siècle de l'hégire. A peine sorti de l'adolescence, il s'exila volontairement afin de satisfaire son goût pour les voyages. Dès l'an 300 (912), il visita le Moultan et la ville de Mansourah. Trois ans plus tard, après avoir parcouru le Fars et le Kerman, il pénétra dans l'Inde et habita successivement Gambaye, Saïmour (304, 916 de J. C.), et passa peut-être à la même époque par l'île de Ceylan ; puis il s'embarqua à Kanbalou, qui n'est autre que Madagascar, et fit voile vers le pays d'Oman. D'après un passage un peu vague des Prairies d'or, on peut conjecturer qu'il navigua dans les parages de la Malaisie et jusqu'au littoral de la Chine ; quant à la mer Caspienne et aux côtes orientales de la mer Rouge, il n'est pas douteux qu'il ne les connût parfaitement. Après avoir consacré ses plus belles années à ces lointaines explorations, il rentra sur le territoire musulman pour coordonner les matériaux qu'elles lui avaient procurés. Il nous apprend lui-même qu'il était à Tibériade (Palestine) l'an 314 (926), et qu'il séjourna successivement à Antioche, sur les frontières de la Syrie et à Bassorah, en 332 (943), date signalée par la publication des Prairies d'or. Des circonstances qui nous sont peu connues le forcèrent à quitter l'Irak, et il passa les dix dernières années de sa vie tantôt en Syrie, tantôt en Egypte. En 344 (955), il était à Fostat ou vieux Caire, et y rédigeait le dernier de ses ouvrages, celui qu'il a surnommé le Livre de l'Avertissement (Kitab et-tenbih). Ce fut dans cette même ville qu'il mourut l'année suivante à un âge peu avancé, s'il faut en croire Abou'l-Mehasin.[1] Maçoudi nous a laissé, dans la belle préface de ses Prairies d'or, la liste de ses principaux ouvrages. En rapprochant cette liste de certains passages du Livre de l'Avertissement, on retrouve les titres de vingt-trois compositions de tout genre, dont quelques-unes, comme les Annales historiques (Akhbar ez-zeman) et le Livre moyen (Kitab el-awsat), n'avaient pas moins de vingt à trente volumes. En présence de cette masse énorme de documents réunis pendant une existence si courte et dont les voyages absorbèrent la plus grande partie, on ne peut se défendre d'un sentiment d'incrédulité, et l'on serait porté à croire, avec S. de Sacy, que plusieurs de ces écrits étaient, non pas des traités spéciaux, mais différents chapitres d'un même ouvrage. Cependant, indépendamment de la distinction si nettement établie par l'auteur lui-même entre ses autres ouvrages et les Prairies d'or, il serait facile de retrouver, dans les beaux âges de la littérature arabe, des exemples d'une aussi étonnante fécondité, et de citer, à côté du nom de Maçoudi, ceux de Bokhari, d'Ibn el-Athir et de Mohammed el-Bosti. D'ailleurs, à en juger d'après les Prairies d'or et le Livre de l'Avertissement, les seuls de ses écrits qui existent en Europe[2] notre auteur écrivait avec une extrême précipitation ; son style heurté et quelquefois incorrect, ses redites, ses contradictions prouvent la rapidité et le laisser-aller de son travail. On voit que l'abondance de ses matériaux le gêne, et qu'il ne s'est pas donné le temps de faire un choix judicieux parmi tant de trésors. Sa vive imagination embrasse d'un coup d'œil mille objets divers : histoire, géographie, étude des races et des religions, sciences et arts, traditions et contes populaires ; il a tout appris, tout retenu, et il veut tout dire en même temps au lecteur. Malgré un certain ordre dans la classification des matières, il ne suit pas un plan méthodique, et l'art si délicat des transitions ne l'embarrasse guère ; c'est ainsi que dans le chapitre xvi du Moroudj, après avoir promené le lecteur dans toutes les mers du globe, lui avoir fait traverser les steppes du Thibet et du Khoraçan, il le ramène brusquement en Espagne, puis dans l'Inde, et clôt cette course vagabonde par une incroyable digression sur la médecine indienne, dont la naïveté met le traducteur au supplice et ne dispose pas le lecteur à l'indulgence.

Hâtons-nous de dire que, pour apprécier sainement la valeur des Prairies d'or, il faut tenir compte de la place que Maçoudi leur avait assignée dans la série de ses travaux. Rien n'est plus défavorable à la réputation d'un auteur qui a beaucoup produit que d'établir un jugement définitif sur l'examen partiel de son œuvre. Le Livre de l'Avertissement, que Quatremère nomme un peu trop poétiquement le chant du cygne, à le considérer isolément, n'est qu'un résumé froid et décharné, une fastidieuse nomenclature de noms et de dates dont la lecture offre aussi peu d'attraits que celle d'une table des matières. Mais, dès qu'on le rapproche des Prairies d'or, il acquiert soudain une valeur inespérée : les faits laissés dans l'ombre s'illuminent d'une vive clarté, l'esquisse incolore s'anime, et mille renseignements inattendus naissent de cette double étude. Sans nul doute, les Prairies d'or n'auraient pas moins gagné à un pareil examen, si le temps ne nous en avait pas ravi les éléments. On sait que les Annales historiques de Maçoudi, son œuvre capitale, et l'Histoire moyenne, qui en était le complément, offraient le répertoire complet de l'érudition musulmane au ive siècle de l'hégire. Mais l'étendue de ces deux ouvrages en rendit, du vivant même de l'auteur, la reproduction difficile et très coûteuse. Il comprit la nécessité de réunir tous ces matériaux dans un abrégé où les faits généraux seraient analysés avec assez de précision pour satisfaire la curiosité du public, sans dispenser les érudits de recourir, pour les développements, à ses précédents écrits. Telle fut la pensée qui lui inspira la composition des Prairies d'or ; il se mit à l'œuvre avec ardeur, en 332, et, ce qui serait à peine croyable s'il ne mettait une affectation très significative à répéter sans cesse cette date, une année lui suffit pour terminer la première rédaction de son livre, la seule qui nous soit parvenue. Cette nouvelle production fut accueillie avec faveur, et les copies se multiplièrent avec une rapidité qui dut nuire à leur bonne exécution ; car, peu d'années avant sa mort, nous voyons l'auteur en publier une seconde édition corrigée et augmentée de près du double. Mais la première, malgré ses imperfections, avait pris place dans toutes les bibliothèques, et le lecteur la jugeait moins sévèrement que l'auteur ; aussi continua-t-elle à circuler au détriment de la seconde, et c'est la seule que les écrivains postérieurs à Maçoudi paraissent avoir eue sous les yeux.

L'opinion du public savant sur le mérite réel de notre auteur est fixée depuis la fin du xviiie siècle, et il serait oiseux aujourd'hui de défendre Maçoudi contre les accusations gratuites dont il a été l'objet de la part de Reiske. Les observations de l'auteur des Prolégomènes sont, il est vrai, plus fondées ; mais elles ne portent que sur des erreurs de détail, et il est juste de reconnaître que si Ibn-Khaldoun est plus profond dans ses déductions historiques, c'est à Maçoudi, l'imam des écrivains, pour nous servir de ses propres expressions, qu'il emprunte ordinairement ses exemples et les éléments de ses discussions philosophiques.[3]

Un grand nombre d'extraits et de citations avaient déjà valu parmi nous une certaine popularité aux Prairies d'or, lorsqu'un savant orientaliste, le docteur Aloys Sprenger, entreprit de les traduire entièrement aux frais du Comité des traductions de Londres. Le premier volume, renfermant la traduction des dix-sept premiers chapitres, accompagnés de notes abondantes, parut en 1841. Dans une préface pleine de vues ingénieuses et empreinte de cette originalité qui s'allie quelquefois si bien aux conceptions les plus sérieuses, cet érudit s'efforce de démontrer l'absolue nécessité de demander à l'étude de l'Orient la connaissance des origines et des progrès de l'humanité. Se plaçant sous ce point de vue grandiose, le docteur Sprenger se proposait de grouper autour de sa traduction et dans une série de mémoires les renseignements les plus précieux, puisés dans nos collections de manuscrits orientaux. Il avait déjà réuni, à cet effet, plusieurs centaines d'extraits, lorsque son départ pour l'Inde vint interrompre un travail qui promettait une ample moisson à la science. L'exécution du programme tracé par le traducteur anglais absorberait les années d'une existence plus que moyenne, lors même qu'elle ne dépasserait pas le plan adopté par la Société asiatique.

Donner un texte aussi pur que possible, soigneusement revu sur plusieurs manuscrits, et accompagné d'une traduction aussi fidèle que le permet le génie de notre langue, telle est la tâche qui nous est imposée et à laquelle nous consacrerons tous nos efforts. Quoique peu d'auteurs exigent plus que le nôtre des éclaircissements de toute sorte, nous avons, suivant en cela l'exemple des traducteurs des Voyages d'Ibn-Batoutah, usé d'une grande sobriété dans la liste de nos variantes comme dans nos annotations.

A l'exception des leçons les plus importantes que nous ne pouvions nous dispenser de relever, ou de quelques erreurs graves qu'il était urgent de signaler, ordinairement une parenthèse ouverte dans la traduction indique, d'une manière suffisante, les rectifications dont les développements nous sont interdits. Si, dans un grand nombre de cas, notre traduction diffère de la version anglaise, nous ne nous sommes déterminés à trancher la difficulté à notre point de vue qu'à bon escient et d'après une étude plus attentive des manuscrits. La même observation s'applique aux passages de ce volume dont la traduction existait déjà, notamment au chapitre de l’Inde, publié en entier par M. Gildemeister,[4] et à divers fragments cités par M. Reinaud.[5] Nous avons consulté ces savantes publications avec toute l'attention dont elles sont dignes, et nous nous empressons de reconnaître les services qu'elles nous ont rendus.

Nous terminons ces courtes observations par la description des matériaux qui nous ont servi à établir notre texte.

Des trois manuscrits des Prairies d'or que possède la Bibliothèque impériale, un seul est complet et presque toujours correct, c'est le n° 714 du supplément arabe mis en ordre par M. Reinaud. Cette copie, que nous désignons par la lettre A, a été apportée de Constantinople, il y a trente ans environ, et se compose de deux volumes in-12. Le tome Ier a 473 feuillets, et le second 359 ; il est de deux mains différentes. Le tome Ier, à partir du feuillet 272, et le tome II en totalité, ont été copiés par un Africain, Mohammed, fils d'Ahmed el-Benderi, qui termina son travail en 1120 (1708). Ce manuscrit est, sans contredit, un des meilleurs et le plus complet de tous ceux que possèdent les bibliothèques de l'Europe ; il présente peu de lacunes, et l'orthographe des noms propres y est moins défigurée que partout ailleurs : nous n'avons donc pas hésité à le prendre comme base de notre travail.

La seconde copie, que nous désignons par l'initiale B, fait partie de l'ancien fonds arabe n° 598. C'est un infolio de 137 pages, écrit à Safed, l'an 974 (1566), par un certain Ibrahim, fils d'Abou'l-Yémen ; il est d'une bonne écriture, mais peu correct et incomplet : une partie de la préface est omise, et le volume finit au chapitre xxxv.

Le manuscrit 579 ancien fonds (lettre C dans nos variantes) se compose de trois volumes petit in-4°. Les erreurs grossières et les lacunes innombrables qui le déparent le rendent à peu près inutile.

Nous indiquons par D une copie appartenant à la Société asiatique de Paris. C'est un exemplaire complet, de 312 feuillets in-folio, terminé, au mois de redjeb 591 (1194), par Hibet Allah, fils de Mohammed, fils d'Ali, fils d'Haçan, le koreïchite. L'exécution de cette copie ne justifie pas la confiance que son ancienneté pourrait inspirer. De nombreuses transpositions qui détruisent le sens, une grande négligence dans la ponctuation des noms propres, et souvent l'omission des points diacritiques, en rendent la lecture difficile. Nous ne l'avons donc consultée qu'avec réserve, et principalement pour ce qui concerne le Khoraçan et l'Inde. Dans ces passages, une main persane a tracé en marge des corrections dont nous avons fait notre profit. Cet ancien manuscrit a été acheté, il y a quelques années, à Bénarès, par M. Lees, qui se proposait de le faire imprimer en entier. Nous ne saurions assez reconnaître la libéralité avec laquelle ce savant, non content de renoncer à son entreprise en faveur de la nôtre, s'est empressé aussi de nous céder la copie qu'il possédait.

M. Derenbourg a dû à la bienveillance de MM. les administrateurs de la bibliothèque de Leyde la communication des deux manuscrits portant dans le catalogue de M. Dozy les numéros 537 et 282, et les a collationnés soigneusement avec les copies de la Bibliothèque impériale. Le docteur Sprenger, qui a fait principalement usage, pour sa traduction, de la copie n° 537, la considère comme la meilleure de toutes celles qu'il a consultées ; malheureusement elle ne va pas au-delà du chapitre xxxiii. La comparaison de cette copie avec le manuscrit A nous a presque toujours fourni les leçons les plus satisfaisantes. Le n° 282, d'une exécution moins irréprochable, nous a pourtant été d’un grand secours dans plusieurs passages douteux. Le manuscrit 537 est désigné dans nos variantes par L, et le manuscrit 282 par L2.

Citons enfin, et seulement pour mémoire, des extraits d'une copie africaine exécutés par un taleb pour M. Cherbonneau, professeur d'arabe à Constantine, et que M. Defrémery a bien voulu nous confier. Ce cahier, d'une centaine de feuillets in-4°, commence par le chapitre de l'Inde, et s'arrête au début de la description de l'Egypte. L'écriture en est soignée, mais il est à regretter que chacun de ces chapitres n'y soit reproduit que par extraits plus ou moins étendus ; car l'original sur lequel cette copie a été faite paraît ancien et d'une bonne exécution.

Si l'on songe à la diversité des sujets traités par l'auteur et à l'imperfection des textes sur lesquels nous avons travaillé, on jugera peut-être avec moins de sévérité les erreurs inséparables d'une publication aussi étendue. Nous accueillerons avec une vive reconnaissance toutes les observations qui tendraient à rendre notre ouvrage plus digne des suffrages du monde savant et du but que la Société asiatique s'est proposé en nous confiant cette tâche honorable.[6]

 


 

LIVRE DES PRAIRIES D'OR

ET DES MINES DE PIERRES PRÉCIEUSES.

 

AU NOM DU DIEU CLÉMENT, MISÉRICORDIEUX ET SECOURABLE.

Louanges à Dieu, qui est digne d'être loué, et qu'on doit célébrer et glorifier ! Que Dieu accorde sa bénédiction et sa paix à Mohammed, le sceau des prophètes, et à sa sainte postérité !

CHAPITRE PREMIER.

LE BUT DE CE LIVRE.

L'auteur dit : Dans l'introduction de notre ouvrage intitulé « Annales historiques » (Akhbar ez-zeman), nous avons décrit la forme de la terre, ses villes et ses merveilles ; les mers, les vallées, les montagnes et les fleuves qu'elle renferme ; le produit des mines, les différents cours d'eau, les marais, les îles situées dans les mers ou les lacs ; les grands monuments et les édifices vénérés. Nous y avons exposé l'origine des êtres et le principe des générations, la différence des pays entre eux ; nous avons dit que tel fleuve était devenu mer, telle mer continent ; que tel continent s'était changé en mer dans le cours des âges et la succession des siècles, par suite d'influences astronomiques ou physiques. Nous avons expliqué la division de la terre en climats, l'influence des astres, la direction des chaînes de montagnes et l’étendue relative des contrées. En citant les opinions diverses émises par les Indiens et d'autres peuples païens sur les temps primitifs, sur l'origine et les commencements de l'histoire, nous avons enregistré aussi les théories des légistes, fournies par les livres saints et soutenues par les différentes religions.

A cette introduction succèdent l'histoire des anciens rois, des peuples tombés dans l'oubli, des nations et des tribus qui ont disparu de la scène du monde ; les variétés de races et d'espèces, les différences de culte qui les distinguaient ; leurs sages maximes, les opinions de leurs philosophes, l'histoire de leurs rois et de leurs empereurs, telles que le temps nous les a transmises.

Nous avons ajouté à ces faits généraux la biographie des prophètes, des apôtres et des saints jusqu'au moment où Dieu a élevé par sa grâce et illustré du don de la prophétie Mohammed, son envoyé (qu'il soit béni et sanctifié !) ; nous avons raconté la naissance du Prophète, sa jeunesse, sa mission, sa fuite ; les expéditions militaires commandées par lui-même ou par ses lieutenants, jusqu'à l'époque de sa mort ; enfin l'histoire du khalifat et de l'empire musulman à chaque période, ainsi que les guerres suscitées par les Thalébites ou descendants d'Ali, jusqu'au moment où nous avons entrepris la rédaction de ce livre, c'est-à-dire sous le règne d'el-Mottaki lillah, prince des croyants, l'an 332 de l'hégire (943 de J. C).

A la suite de ce premier ouvrage, nous avons écrit notre Histoire moyenne (Kitab el-awsat), où sont racontés, en suivant l'ordre chronologique, les événements du passé, depuis la création du monde jusqu'à l'époque où se terminent notre grand ouvrage et cette Histoire moyenne, qui en est le complément.

Nous croyons utile aujourd'hui de donner le résumé et l'abrégé de ces développements dans un livre moins considérable, qui ne renfermera que l'esquisse des matières contenues dans les deux compositions précédentes, mais où nous ajouterons un certain nombre de faits scientifiques ou de renseignements relatifs à l'histoire omis dans ces deux ouvrages.

Nous réclamons l'indulgence du lecteur en faveur des erreurs ou des négligences qui peuvent se présenter dans ce livre ; car notre mémoire s'est affaiblie et nos forces se sont épuisées par suite des fatigues résultant de longs et pénibles voyages à travers les mers et le continent. Avide de connaître par nous-même ce qu'il y a de remarquable chez tous les peuples, et d'étudier de nos propres yeux les particularités de chaque pays, nous avons visité dans ce but le Sind, le Zanguebar, le Sinf (sud de la Cochinchine), la Chine et le Zabedj (Java) ; passant de l'Orient à l’Occident, nous avons couru des dernières limites du Khoraçan au centre de l'Arménie, de l'Aderbaïdjan, de l'Erran, de Beïlakan, et exploré tour à tour l'Irak et la Syrie. Nous pouvons comparer cette course à travers le monde à la marche que le soleil décrit dans les cieux, et nous appliquer ces vers du poète :

Nous parcourons le monde en tous sens ; aujourd'hui nous sommes dans l'extrême Orient et demain dans l'Occident

Tel le soleil, dans sa marche infatigable, s'avance vers des contrées où jamais caravane n'osa pénétrer.

L'auteur ajoute : Dans ces voyages nous avons fréquenté plusieurs rois, aussi différents par leurs mœurs et leurs opinions que par la situation géographique de leur pays, et progressivement nous avons trouvé chez eux le même accord à reconnaître que les vestiges de la science ont disparu et que sa splendeur est éteinte ; l'étude, en se généralisant, a perdu de sa profondeur ; on ne voit plus que des gens pleins de vanité et d'ignorance, savants imparfaits, qui se contentent d'idées superficielles et méconnaissent la vérité.

Aussi une pareille étude et une érudition de ce genre nous parurent si peu dignes de nos efforts, que nous préférâmes composer nos ouvrages sur les doctrines et les croyances différentes ; tels sont : le Livre de l'exposition des principes de la religion, le Discours sur les bases des croyances, le Livre du secret de la vie et l'Arrangement des preuves touchant les principes religieux. Ce dernier renferme les principes et les règles à suivre dans les arrêts et jugements ; la certitude que fournissent le recueil des lois apostoliques et la jurisprudence des moudjtehid (interprètes sacrés) ; les règles pour apprécier et décider ce qui est préférable ; la connaissance des versets du Koran qui sont abrogés et de ceux qui leur sont substitués ; ce qu'il faut entendre par l'unanimité (idjma), et ce qui la constitue ; le moyen de discerner le particulier du général, les ordres des interdictions, les choses permises de celles qui sont défendues ; les traditions générales et celles qui ont été transmises par une seule autorité ; les actes du Prophète et les conséquences qui en dérivent pour la juridiction ; on y trouve enfin l'exposé des doctrines de nos adversaires, autant quand ils nous combattent que lorsqu'ils sont d'accord avec nous.

Nous écrivîmes ensuite le Livre des réflexions sur la qualité d'imam ou examen des doctrines professées par ceux qui restent attachés à la lettre du texte religieux et ceux qui admettent la libre interprétation (au sujet de l'hérédité de l'imam), les arguments de chaque parti, etc. et enfin le Livre de la sincérité, qui traite également de l'imamat. Nous mentionnerons encore nos autres traités sur les différentes sciences extérieures et intimes, visibles et occultes, passées et existantes. Nous y avons éveillé l'attention du lecteur sur les conjectures de ceux qui remontent le cours des âges pour étudier le passé, et sur les prévisions de ceux qui interrogent l'avenir ; nous avons reproduit leurs opinions à l'égard d'une lumière qui brillerait sur la terre et se répandrait pendant les époques de stérilité et d'abondance, enfin sur les suites des prédictions historiques dont l'origine est manifeste et dont les commencements ne sont un mystère pour personne.

Citons aussi nos écrits politiques, études sur le gouvernement de l'État et de ses parties, sur son organisation naturelle et ses subdivisions ; enfin nos recherches sur l'origine et la composition de l'univers et des corps célestes, sur les matières épaisses ou subtiles qui tombent ou ne tombent pas sous le sens, et les théories philosophiques relatives à ce sujet.

En composant ces ouvrages sur l'histoire universelle, en recueillant les faits que le temps nous a transmis sur les prophètes, les rois et leur règne, les nations et leur place sur le globe, nous avons été désireux de suivre la voie tracée par les savants et les sages, et de laisser après nous un souvenir glorieux, un monument solide et construit avec art. Les auteurs qui nous ont précédé nous paraissent pécher ou par une trop grande abondance de détails, ou, au contraire, par une concision exagérée. Bien que les matériaux aient augmenté avec le temps et en raison des événements qui les ont fait naître, les esprits les plus judicieux en ont souvent négligé des parties importantes ; chacun d'eux a consacré ses soins à un objet spécial et s'est borné à étudier les particularités que lui offrait son pays natal. Or celui qui n'a pas quitté ses foyers, limitant ses recherches au champ borné que lui présentait l'histoire de sa patrie, ne peut être comparé au voyageur courageux qui a consumé sa vie dans les explorations lointaines et affronté chaque jour un danger pour fouiller avec persévérance les mines (de la science) et arracher de l'oubli les restes précieux du passé.

Le nombre des ouvrages qui traitent de l'histoire est considérable ; parmi les différents auteurs qui ont écrit les annales des temps anciens ou qui ont raconté les événements des âges modernes, les uns ont réussi, les autres, au contraire, sont restés inférieurs à leur tâche ; mais on est obligé de reconnaître que tous ces écrivains s'y sont appliqués dans la mesure de leurs forces, et ont déployé toutes les ressources de leur talent

Tels sont :

Wahb, fils de Monabbih ; Abou Mikhnaf Lout, fils de Yahia el-Amiri ; Mohammed, fils d'Ishak el-Wakidi ; Ibn el-Kelbi ; Abou Obeïdah Mamer, fils d'el-Motanni ; Ibn Aïach ; el-Haïtem, fils d'Adi et Tayi ; Charki, fils d'el-Kitami ; Hammad « le conteur »; el-Asmayi ; Sehl, fils d'Haroun ; Abd Allah, fils d'el-Mokaffa ; el-Yezidi ; Otbi el-Omawi ; Abou Zeïd Saïd, fils d'Aws l'Ansarien ; Nadhar, fils de Chomeïl ; Abd Allah, fils d'Aiechah ; Abou Obeid el-Kaçem, fils de Sellam ; Ali, fils de Mohammed de Médaïn ; Dammad, (fils de) Rafi, fils de Selmah ; Mohammed, fils de Sellam el-Djomhi ; Abon Otman Amr, fils de Bahr el-Djahiz ; Abou Zeid Omar, fils de Chebbah en-Nomaïri ; Zoraki l'Ansarien ; Abou-Saib el-Makhzoumi ; Ali, fils de Mohammed, fils de Soleiman en-Nawfeli ; Zobeir, fils de Bekkar ; el-Indjili ; er-Riachi ; Ibn Abid Ommarah, fils de Watimah l'Egyptien ; Iça, fils de Loheïah l'Égyptien ; Abd er-Rahman, fils d'Abd Allah, fils d'Abd el-Hukm l'Égyptien ; Abou Haçan ez-Ziadi ; Mohammed, fils de Mouça le Kharezmien ; Abou Djafar Mohammed, fils d'Abou’s Seri ; Mohammed, fils d'el-Heitem, fils de Chebabah le Khoraçanien, auteur du Livre de la Dynastie ; Ishak, fils d'Ibrahim de Moçoul, auteur du Livre des chansons, etc. Khalil, fils d'el-Heitem el-Hartémi, auteur des Ruses et stratagèmes de guerre et d'autres ouvrages ; Mohammed fils de Yezid el-Mouberred el-Azdi ; Mohammed, fils de Suleïman el-Minkari el-Djewheri ; Mohammed, fils de Zakaria ei-Gallabi l'Égyptien, auteur du Livre des hommes généreux (Kitab el-adjwad), etc. Ibn Abi'd-douniah, précepteur du khalife el-Moktafi-billah ; Ahmed, fils de Mohammed el-Khozayi, surnommé el-Kkakani, originaire d'Antioche ; Abd Allah, fils de Mohammed, fils de Mahfouz el-Belawi l'Ansarien, ami d'Abou Yezid Ommarah, fils de Zeïd el-Medini ; Ahmed, fils de Mohammed, fils de Khaled el-Barki l'Ecrivain, auteur du Livre de la Démonstration (Kitab et-Tibian) ; Ahmed, fils d'Abou Taher, auteur d'une chronique de la ville de Bagdad, etc. Ibn el-Wecha ; Ali, fils de Modjahid, auteur de l'Histoire des Omeyades, etc. Mohammed, fils de Saleh, fils de Nitab, auteur de l'Histoire des Abbassides, etc. Yousef, fils d'Ibrahim, auteur de l'Histoire d'Ibrahim, fils d'el-Mehdi, etc. Mohammed, fils d'el-Haret le Taglébite, auteur du livre intitulé « Mœurs royales » (Kitab akhlak el-molouk), qu'il a composé pour el-Fath, fils de Khakan, etc. Abou Saïd es-Soukkari, auteur des Poésies des Arabes ; Obeïd Allah, fils d'Abd Allah, fils de Khordadbeh. Ce dernier est un écrivain distingué et remarquable par la beauté de son style, aussi a-t-il eu un grand nombre d'imitateurs qui lui ont fait des emprunts et suivi fidèlement la voie qu'il avait tracée. On peut s'en convaincre en examinant son grand ouvrage historique. Ce livre se distingue entre tous par le soin et l’ordre de sa méthode, l'abondance de ses renseignements sur l'histoire des peuples, et la biographie des rois de la Perse ou d'autre race. Un autre ouvrage non moins précieux du même auteur, c'est son traité Des Routes et des royaumes, etc., mine inépuisable de faits que l’on explore toujours avec fruit. Nous devons mentionner également l'Histoire du Prophète, depuis sa naissance jusqu'à sa mort, des khalifes et des rois ses successeurs, jusqu'au règne d'el-Motadhed-billah, avec le détail des événements qui ont signalé ces époques, par Mohammed, fils d'Ali, el-Hoçeini, l’Alide, originaire de Dinawer. La Chronique d'Ahmed ben Yahia el-Beladori, ainsi que son livre intitulé Des Pays et de leur soumission par les armes ou par capitulation depuis l'hégire, avec le récit des conquêtes du Prophète et de ses successeurs, les circonstances qui les ont accompagnées, la description des contrées de l'Orient et de l'Occident, du Nord et du Sud. Nous ne connaissons pas un meilleur travail sur l'histoire de la conquête musulmane. La Grande Chronique des Perses et autres nations, par Dawoud, fils d'el-Djerrah, grand-père du vizir Ali ben Iça ben Dawoud ben el-Djerrah. Le Recueil comprenant l'historique de tous les événements survenus pendant les siècles qui ont précédé ou suivi l'islam, par Abou Abd Allah Mohammed, fils d'el-Hoçein, fils de Sewar, surnommé le neveu d'Iça ben Ferhanchah, travail qui va jusqu'à l'an 320. L'Histoire d'Abou Iça, fils de l'Astrologue, d'après les révélations du Pentateuque, avec la chronologie des prophètes et des rois. L'Histoire des Omeyades, leurs vertus, leurs talents, les exemples qu’ils ont suivis et leurs innovations, par Abou Abd er-Rahman Khaled, fils d'Hicham, l'Omeyade. L'Histoire d'Abou Bechred-Dawlabi. Le Livre illustre (Kitab ech-cherif) sur l’histoire et d'autres sujets, par Abou Bekr Mohammed ben Khaled ben Wakia le Juge. Le Livre de biographie et d'histoire (Kitab es-sier we akhbar), par Mohammed, fils de Khaled le Hachémite. Un ouvrage qui porte le même nom, par Abou Ishak, fils de Soleiman le Hachémite. La Biographie des khalifes (Kitab sier el-khoulafa), par Abou Bekr Mohammed, fils de Zakaria er-Razi, auteur du livre intitulé Kitab el-Mansouri et d'autres livres de médecine. Les œuvres d'Abd Allah, fils de Moslem, fils de Kotaïbah de Dinawer, qui se distinguent par leur étendue et leur nombre, comme son Traité des connaissances (Kitab el-mearif) et d'autres écrits.

La Chronique d'Abou Djafar Mohammed, fils de Djerir et-Tabari. Ce livre brille entre tous les autres et leur est bien supérieur ; la variété des renseignements, des traditions, des documents scientifiques qu'il renferme le rendent aussi utile qu'instructif. Comment pourrait-il en être autrement, puisque l'auteur était le premier jurisconsulte et le plus saint personnage de son siècle, et qu'il réunissait à la connaissance de toutes les écoles de jurisprudence celle de tous les historiens et traditionnistes.

Telle est aussi l'Histoire d'Abou Abd Allah Ibrahim, fils de Mohammed, fils d'Arafat, le grammairien de Waçit, connu sous le nom de Naftaweïh. Ce livre, plein de beautés de premier ordre et rempli des meilleurs passages et des plus utiles renseignements fournis par les bons écrivains, prouve que son auteur surpassait ses contemporains par son savoir et son style.

Mohammed, fils de Yahia es-Souli, a suivi la même voie dans ses Feuillets sur l'histoire des khalifes abbassides, leurs vizirs et leurs poètes ; il raconte plusieurs particularités qu'on chercherait vainement ailleurs, et que lui seul pouvait connaître, parce qu'il en a été le témoin oculaire. C'était d'ailleurs un homme instruit, d'une érudition variée et un habile écrivain.

L'Histoire des vizirs (Kitab akhbar el-wazera), par Abou'l-Haçan Ali, fils d'el-Haçan, plus connu sous le nom d’Ibn el-Machitah, offre les mêmes qualités ; il va jusqu'à la fin du règne de Radi-billah. On reconnaît le même mérite dans Abou'l-Faradj Kodamah, fils de Djafar el-Katib, écrivain élégant et original, dont le style, quoique concis, est toujours clair. On en trouve la preuve dans son histoire intitulée « Les Fleurs du printemps » (Kitab zahr er-rebi), ainsi que dans son Traité du Kharadj ; on verra dans ces deux écrits la vérité de ce que nous avançons et la justesse de notre appréciation.

Abou'l-Kaçem Djafar, fils de Mohammed, fils d'Hamdan de Moçoul le Jurisconsulte, a composé son recueil historique qu'il intitula « L'Admirable » (Kitab el-bahir), pour réfuter le Livre du jardin (Kitab er-rouda), par el-Mobarred. On doit aussi à Ibrahim, fils de Mahaweïh le Persan, une réfutation du Kamil, d'el-Mobarred. Ibrahim, fils de Mouça, el-Waçiti el-Katib, a donné une histoire des vizirs, où il attaque l'ouvrage de Mohammed, fils de Dawoud, fils d'el-Djerrah, sur le même sujet. Ali, fils d'el-Fath l’Ecrivain, surnommé el-Moutawak, a raconté l'histoire de quelques-uns des vizirs de Moktadir.

Citons encore le livre nommé « La Fleur des yeux et l'épanouissement des cœurs » (Zekret el-ouïoun wè djela el-Kouloub), par el-Misri. Une chronique, par Abd er-Rahman, fils d'Abd er-Rezzak, surnommé el-Djordjani, es-Saadi. L'Histoire des Abbassides, etc. par Ahmed, fils de Yakoub l'Égyptien. Une Histoire des Abbassides et autres princes, par Abd Allah, fils d'el-Hoçeïn, fils de Saad l'Écrivain. L'Histoire de Moçoul et d'autres villes, par Abou Zokrah (?), de Moçoal. Un recueil d'histoire, etc. par Mohammed, fils d'Abou'l-Azhar, et son livre intitulé « Révoltes et séditions ». (Kitab el-heradj wel ahdath).

Je considère Senan, fils de Tabit, fils de Korrah el-Harrani, comme ayant entrepris une œuvre hors de sa compétence et suivi une voie qui n'était pas la sienne, quand il a composé ce livre, qu'il adresse sous forme d'épître à un de ses amis, secrétaire du Divan. Il débute par des généralités sur la nature des âmes, leur division en âme raisonnable, irascible et concupiscente ; il donne une esquisse du gouvernement, d'après les théories que Platon a émises dans sa République en dix séances ; il énumère rapidement les devoirs des rois et des ministres, et passe au récit d'événements qu'il ne révoque pas en doute, bien qu'il n'en ait pas été le témoin. Il arrive ainsi à l'histoire de Motadhed-billah, nous parle de la faveur dont il jouissait et des années qu'il a passées à sa cour, puis il remonte d'un khalife à l'autre, et, par cette marche rétrograde, il s'écarte de la vraie méthode historique. Quel que soit donc le mérite de l'exécution et la véracité de l'auteur, on ne peut que le blâmer d'être sorti de sa sphère et de s'être chargé d'un travail pour lequel il n'était pas fait. Que n'est-il resté dans le domaine scientifique, où il n'avait pas de rivaux, la connaissance d'Euclide, des sections de l'Almageste (astronomie) ou des cercles ! Que n'a-t-il développé les vues de Socrate, de Platon et d'Aristote sur le système des sphères, des phénomènes météorologiques, des tempéraments, des relations et des compositions, des conclusions, des prémisses et des syllogismes, la différence entre le monde physique et surnaturel, la matière, les propriétés et la mesure des figures, ou quelque autre problème philosophique ! Il se serait acquitté avec honneur de cette tâche, et son œuvre aurait répondu à son talent. Mais où est l'homme qui connaît la limite de ses forces et les bornes de son aptitude ? Abd Allah, fils d'el-Mokaffa, a dit avec raison : « Tout auteur poursuit un but ; en l'atteignant, il s'illustre ; s'il le manque, il se déshonore. »

Abou'l-Haçan el-Maçoudi ajoute : Les chroniques, les annales, les recueils de biographies et de traditions mentionnés ici appartiennent à des auteurs célèbres, ou du moins connus ; nous avons passé sous silence les livres des écoles traditionnaires relatifs aux noms, à l'époque et à la classification des principaux personnages de l'islamisme, parce que ces développements excéderaient les limites de cet ouvrage. D'ailleurs, ce qui concerne le nom des docteurs qui, à diverses époques, ont transmis les traditions, recueilli les faits biographiques et historiques ; les catégories de savants de chaque siècle, depuis les compagnons du Prophète et leurs successeurs (tabis), les subdivisions d'école, les divergences d'opinion qui ont surgi entre les jurisconsultes des grandes villes, les philosophes, les sectaires et les controversistes, tous ces faits en un mot, jusqu'à la date de l’année 332 (de l'hégire), sont consignés dans nos Annales historiques (Akhbar ez-zeman) et notre Histoire moyenne (Kitab el-awsat).

J'ai donné à ce livre le titre de Prairies d'or et de mines de pierres précieuses, à cause de la haute valeur et de l'importance des matières qu'il renferme, puisque, pour le sens et le contexte, il reproduit les parties saillantes et les passages principaux de nos œuvres précédentes.

J'en fais hommage aux rois illustres et aux savants, persuadé que je n'y ai rien omis de ce qu'il est utile de connaître et de ce qui peut satisfaire un esprit curieux d'étudier le passé.

Ce livre est, en quelque sorte, le mémento de mes premiers écrits, le résumé des connaissances que doit posséder un homme instruit, et qu'il serait inexcusable d'ignorer ; il n'y a pas, en effet, une seule branche de la science, un renseignement quelconque, une source de traditions qui n'y soient contenus en détail ou en abrégé, ou tout au moins indiqués par de rapides allusions et par quelques observations sommaires.

Quant à celui qui oserait dénaturer le sens de ce livre, renverser une des bases sur lesquelles il repose, obscurcir la clarté du texte ou jeter du doute sur un passage, par suite d'altérations ou de changements, par des extraits ou des résumés ; celui enfin qui se permettrait de l'attribuer à un autre auteur, qu'il soit l'objet de la colère divine et d'un prompt châtiment !

Puisse-t-il être accablé de calamités qui épuiseront sa patience et dont la pensée seule frappera son esprit de terreur ! Qu'il devienne un exemple pour ceux qui savent, une leçon pour les intelligents, un signe pour ceux qui réfléchissent ! Que Dieu lui retire tous les bienfaits dont il l'avait comblé ! Que le créateur du ciel et de la terre lui enlève les facultés et les dons qu'il lui avait accordés, à quelque secte et à quelque opinion qu'il appartienne ! Dieu est tout-puissant ! Nous avons placé cette menace au début de ce livre, et nous l'avons répétée à la fin (voy. chap. dernier), pour qu'elle retienne celui qui pourrait céder à une pensée coupable ou qui succomberait à un désir criminel.

Qu'il redoute Dieu, son Seigneur, qui le voit ! qu'il tremble devant l'avenir qui l'attend ! car le temps est restreint, la distance est courte, et c'est vers Dieu qu'il faut retourner.

Il est temps de donner la liste des chapitres dont se compose cet ouvrage et d'indiquer le contenu de chacun de ces chapitres.

CHAPITRE II.

TABLE DES CHAPITRES QUE RENFERME CET OUVRAGE.

Dans ce qui précède nous avons fait connaître le but de ce livre ; nous allons maintenant donner une table du nombre de ses chapitres, suivant l’ordre méthodique que nous avons adopté dans notre récit afin de faciliter les recherches.

Ch. iii. Du commencement des choses, de la création et de la génération de tous les êtres, depuis Adam jusqu'à Abraham.

Ch. iv. Histoire d'Abraham, des prophètes et des rois d'Israël qui ont vécu après lui.

Ch. v. Règne d'Arkhoboam, fils de Salomon, fils de David ; des rois d'Israël ses successeurs ; aperçu de l'histoire des prophètes.

Ch. vi. Des hommes qui ont vécu dans l’intervalle (fitreh), c'est-à-dire entre le Messie et Mohammed.

Ch. vii. Généralités sur l'histoire de l'Inde, ses doctrines, l'origine de ses royaumes, les mœurs et les pratiques religieuses de ce pays.

Ch. viii. Description du continent et des mers ; sources des fleuves ; les montagnes, les sept climats, astres qui exercent sur eux leur influence, etc.

Ch. ix. Renseignements généraux sur les migrations des mers et sur les principaux fleuves.

Ch. x. Renseignements sur la mer d'Abyssinie, son étendue, ses golfes et ses détroits.

Ch. xi. Opinions diverses sur le flux et le reflux ; résumé des systèmes proposés.

Ch. xii. La mer de Roum (Méditerranée) ; opinions diverses sur sa longueur, sa largeur, les lieux où elle commence et où elle finit.

Ch. xiii. La mer Nitas (Pontus), la mer Mayotis et le détroit de Constantinople.

Ch. xiv. Mer de Bab el-Abwab, de Khazar et de Djordjan (mer Caspienne) ; de la place que les mers occupent sur le globe.

Ch. xv. Rois de la Chine et des Turcs ; dispersion des descendants d'Amour ; histoire résumée de la Chine ; ses rois ; généralités sur leur vie, leur système politique, et autres renseignements analogues.

Ch. xvi. Rapide exposé des mers ; leurs particularités ; les peuples qui habitent les îles et le littoral ; classification des États riverains.

Ch. xvii. Le mont Caucase (el-Kabkh) ; renseignements sur les peuplades nommées Allan (Alains) ; les habitants d'es-Serir, les Khazars ; les tribus turques et bulgares (Borghoz) ; description de Bab el-Abwab (Derbend) ; les rois et les peuples du voisinage.

Ch. xviii. Rois syriens.

Ch. xix. Rois de Moçoul et de Ninive, nommés aussi rois assyriens.

Ch. xx. Rois de Babel, nabatéens on d'autre origine, nommés aussi chaldéens.

Ch. xxi. Rois perses de la première époque ; résumé de leur règne et de leur histoire.

Ch. xxii. Rois des Satrapies et Achgans qui ont vécu entre la première-et la seconde époque.

Ch. xxiii. Généalogie des Perses ; opinions différentes des historiens à cet égard.

Ch. xxiv. Rois sassanides ou de la seconde époque ; leur règne et leur histoire.

Ch. xxt. Histoire des rois grecs ; opinions diverses sur leur généalogie.

Ch. xxvi. Histoire abrégée de l'expédition d'Alexandre dans l’Inde.

Ch. xxvii. Rois grecs qui ont régné après Alexandre.

Ch. xxviii. Peuples de Roum ; opinions historiques sur leur généalogie ; le nombre de leurs rois, leur chronologie et leur règne.

Ch. xxix. Rois chrétiens de Roum, c'est-à-dire rois de Constantinople ; résumé des principaux événements de leur temps.

Ch. xxx. Rois de Roum (Byzantins) depuis l'apparition de l'islamisme jusqu'à Romanus, qui règne aujourd'hui (332 de l'hégire).

Ch. xxxi. Renseignements sur l'Egypte, le Nil, les curiosités et les rois de ce pays.

Ch. xxxii. Histoire d'Alexandrie, sa fondation, ses rois, ses curiosités et autres détails analogues.

Ch. xxxiii. Les nègres, leur origine, leur variété de races et d'espèces ; la position respective de leurs contrées ; histoire de leurs rois.

Ch. xxxiv. Les Slaves, leurs établissements, leurs rois, leurs migrations.

Ch. xxxv. Les Francs et les Galiciens ; leurs rois ; résumé de leur histoire et de leurs guerres avec les habitants de l'Espagne (Mores).

Ch. xxxvi. Les Longobards (Noukobard), leurs rois, le pays qu'ils habitent.

Ch. xxxvii. Les Adites et leurs rois ; abrégé de leur histoire ; opinions sur la durée de leur existence.

Ch. xxxViii. Les Thamoudites et leurs rois ; leur prophète Salih ; résumé de leur histoire.

Ch. xxxix. La Mecque et son histoire ; fondation de la Maison sainte (Kaaba) ; domination successive des Djorhomites et autres tribus, avec plusieurs faits qui se rapportent à ce chapitre.

Ch. xl. Renseignements généraux sur la description de la terre et des différentes contrées ; de l'amour de l'homme pour son pays natal.

Ch. xli. Opinions diverses sur le motif pour lequel le Yémen, l'Irak, la Syrie (Cham) et le Hedjaz ont été ainsi nommés.

Ch. xlii. Le Yémen ; généalogie de ses habitants ; opinions diverses sur ce sujet.

Ch. xliii. Rois du Yémen, nommés Tobba, et autres rois de ce pays ; leur vie et la durée de leur règne.

Ch. xliv. Rois de Hirah, d'origine yéménite ou autre ; histoire de ce pays.

Ch. xlv. Renseignements historiques sur les rois de Syrie d'origine yéménite, les Gassanides, etc.

Ch. xlvi. Tribus nomades chez les Arabes et autres peuples ; pourquoi elles vivent de préférence dans le désert, comme les Kurdes dans les montagnes ; origine de ces derniers, résumé de leur histoire et autres renseignements analogues.

Ch. xlvii. Croyances et opinions des Arabes dans les âges d'ignorance (Djahelieh) ; leurs migrations ; histoire des compagnons de l'Éléphant ; invasion des Abyssins et d'autres peuples ; Abd el-Mottaleb, et autres renseignements analogues.

Ch. xlviii. Opinion des Arabes sur l'âme, qu'ils croyaient ressembler au hibou et au chat-huant, avec quelques renseignements sur le même sujet

Ch. xlix. Récits des Arabes sur les ghouls (ogres) et leur transformation, comparés aux récits analogues d'autres peuples, ainsi que divers détails qui se rapportent au même sujet.

Ch. l. Récits que font les Arabes et d'autres peuples sur les oracles et les génies, soit pour en affirmer l'existence, soit pour la nier.

Ch. li. Opinions des Arabes sur la science de la physionomie, les augures, les pronostics fondés sur le vol des oiseaux de droite à gauche et de gauche à droite, etc.

Ch. lii. L'art divinatoire ; en quoi il consiste ; opinions émises à cet égard ; distinction entre l'âme raisonnable et les autres âmes ; détails relatifs aux songes et à d'autres sujets analogues.

Ch. liii. Renseignements généraux sur les devins et sur la rupture de la digue d'Aram dans le pays de Saba et de Mareb. Dispersion des Azdites et leur établissement dans diverses contrées.

Ch. liv. Les années et les mois chez les Arabes et les peuples étrangers ; analogies et différences qu'on y remarque.

Ch. lv. Mois des Coptes et des Syriens ; différences de leurs dénominations ; résumé de leur chronologie et autres renseignements analogues.

Ch. lvi. Mois des Syriens ; leur concordance avec les mois grecs ; nombre des jours de l’année ; définition des Anwa.

Ch. lvii. Mois des Persans, et autres détails sur ce sujet.

Ch. lviii. Jours des Persans, et autres détails sur ce sujet

Ch. lix. Années et mois des Arabes ; noms qu'ils donnent aux jours et aux nuits.

Ch. lx. Traditions des Arabes sur les nuits des mois lunaires, et autres renseignements qui se rattachent au même sujet.

Ch. lxi. Influence du soleil et de la lune sur ce monde ; résumé des opinions émises à cet égard, et autres détails analogues.

Ch. lxii. Des quarts du monde, des éléments et des vents ; connaissance des propriétés de chaque partie du monde, l’est, l'ouest, le sud et le nord, par suite de l'influence des astres.

Ch. lxiii. Édifices consacrés, monuments religieux, temples voués au culte du soleil, de la lune et des idoles ; religion particulière des Indiens ; les astres et autre merveilles du monde.

Ch. lxiv. Édifices consacrés chez les Grecs, et leur description.

Ch. lv. Édifices consacrés chez les anciens Romains, et leur description.

Ch. lxvi. Édifices consacrés chez les Slaves, et leur description.

Ch. lxvii. Édifices consacrés, monuments religieux chez les Sabéens de Harran et d'autres villes ; curiosités qu'ils renferment ; renseignements à cet égard.

Ch. lxviii. Renseignements sur les temples du feu ; leur description ; tradition des Mages à cet égard, et autres détails de même nature.

Ch. lxix. Résumé de chronologie universelle, depuis le commencement du monde jusqu'à la naissance de notre prophète Mohammed, et autres détails analogues.

Ch. lxx. Naissance du Prophète ; sa généalogie, et tout ce qui se rapporte à ce chapitre.

Ch. lxxi. Mission du Prophète ; son histoire jusqu'à sa fuite (hégire).

Ch. lxxii. Fuite du Prophète, résumé des principaux faits historiques jusqu'à sa mort.

Ch. lxxiii. Récit abrégé de tous les événements et faits historiques survenus entre la naissance et la mort de notre saint Prophète.

Ch. lxxiv. Des locutions nouvelles introduites par le Prophète, et inconnues avant cette époque.

Ch. lxxv. Khalifat d'Abou Bekr, le véridique (es-siddik) ; sa généalogie ; abrégé de sa vie et de son histoire.

Ch.lxxvi. Khalifat d'Omar, fils de Khattab ; sa généalogie ; abrégé de sa vie et de son histoire.

Ch. lxxvii. Khalifat d’Otman, fils d'Affan ; sa généalogie ; abrégé de sa vie et de son histoire.

Ch. lxxviii. Khalifat d'Ali, fils d'Abou Taleb ; sa généalogie ; abrégé de sa vie et de son histoire ; généalogie de ses frères et sœurs.

Cb. lxxix. Récit de la journée du Chameau ; ses causes ; combats livrés pendant cette journée, et autres détails analogues.

Ca. lxxx. Résumé de ce qui s'est passé à Siffla entre les habitants de l'Irak et de la Syrie.

Ch. lxxxi. Les deux arbitres ; causes qui ont amené l'arbitrage.

Ch. lxxxii. Guerre d'Ali avec les habitants de Nehrewan, surnommés Chorat (hérétiques), et autres faits qui s'y rapportent.

Ch. lxxxiii. Meurtre d'Ali, fils d'Abou Taleb.

Ch. lxxxiv. Paroles mémorables d'Ali ; sa piété, et autres anecdotes sur le même sujet.

Ch. lxxxv. Khalifat d'el-Haçan, fils d'Ali ; résumé de son histoire et de sa vie.

Ch. lxxxvi. Portrait de Moawiah ; sa politique ; particularités intéressantes tirées de son histoire.

Ch. lzxxvii. Règne de Moawiah, fils d'Abou Sofian ; histoire abrégée de ce prince.

Ch. lxxxviii. Les compagnons du Prophète et leur panégyrique ; Ali, fils d'Abou Taleb el-Abbas ; leurs vertus, etc.

Ch. lxxxix. Règne de Yezid, fils de Moawiah, fils d'Abou Sofian (que Dieu le maudisse !).

Ch. xc. Meurtre d'el-Hoçeïn, fils d'Ali, fils d'Abou Taleb, avec plusieurs de ses parents et de ses partisans.

Ch. xci. Nomenclature des enfants d'Ali, fils d'Abou Taleb.

Ch. xcii. Résonné de l'histoire et de la vie de Yezid ; quelques-unes de ses actions remarquables, sa conduite à Horrah, etc.

Ch. xciii. Règne de Moawiah, fils de Yezid ; Merwan, fils d'el-Hakm ; Mokhtar, fils d'Abou Obeïd ; Abd Allah, fils de Zobeir ; quelques détails sur leur histoire et leur vie ; principaux événements de cette époque.

Ch. xciv. Règne d'Abd el-Melik, fils de Merwan ; récit abrégé de son histoire et de sa vie ; el-Hadjadj, fils de Yousouf ; particularités curieuses ayant trait à sa vie et à son histoire.

Ch. xcv. Résumé historique de la vie d'el-Hadjadj ; ses discours, ses actions remarquables.

Ch. xcvi. Règne d'el-Welid, fils d'Abd el-Melik ; résumé de son histoire et de sa vie.

Ch. xcvii. Règne de Soleiman, fils d'Abd el-Melik ; résumé de son histoire et de sa vie.

Ch. xcviii. Khalifat d'Omar, fils d'Abd el-Aziz, fils de Merwan, fils d'el-Hukm ; détails sur son histoire, sa vie et sa piété.

Ch. xcix. Règne de Yezid, fils d'Abd el-Melik ; résumé de son histoire et de sa vie.

Ch. c. Règne de Hicham, fils d'Abd el-Melik, résumé de son histoire et de sa vie.

Ch. ci. Règne de Welid, fils de Yezid, fils d'Abd el-Melik, résumé de son histoire et de sa vie.

Ch. cii. Règne de Yezid, fils d'el-Welid, fils d'Abd el-Melik, et de son frère Ibrahim ; principaux événements de leurs règnes.

Ch. ciii. Esprit de parti qui se déclare parmi les tribus du Yémen et de Nizar ; révolte contre les Omeyades qui en est le résultat.

Ch. civ. Règne de Merwan, fils de Mohammed, fils de Merwan, fils d'el-Hukm.

Ch. cv. Du nombre d'années pendant lesquelles régnèrent les Omeyades.

Ch. cvi. De la noble dynastie des Abbassides ; quelques détails sur Merwan ; sa mort violente ; résumé.de son histoire et de son règne.

Ch. cvii. Khalifat d'es-Saffah ; résumé de son histoire, de sa vie et des événements de cette époque.-

Ch. cviii. Khalifat d'Abou Djafar el-Mansour ; résumé de son histoire, de sa vie et des événements de cette époque.

Ch. cix. Khalifat d'el-Mehdi ; résumé de son histoire, de sa vie et des événements de cette époque.

Ch. cx. Khalifat d'el-Hadi ; résumé de son histoire, de sa vie et des événements de cette époque.

Ch. cxi. Khalifat d'er-Rechid ; résumé de son histoire, de sa vie et des événements de cette époque.

Ch. cxii. Histoire des Barmékides ; rôle qu'ils ont joué à cette époque.

Ch. cxiii. Khalifat d'el-Amin ; résumé de son histoire, de sa vie ; abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxiv. Khalifat d'el-Mamoun ; résumé de son histoire, de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxv. Khalifat d'el-Motaçem ; résumé de son histoire, de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxvi. Khalifat d'el-Watiq ; résumé de son histoire, de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxvii. Khalifat d'el-Motewakkil ; résumé de son histoire, de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxviii. Khalifat d'el-Mountasir, résumé de son histoire, de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxix. Khalifat d'el-Mostaïn ; résumé de son histoire, de sa vie ; abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxx. Khalifat d'el-Motazz ; résumé de son histoire, de sa vie ; abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxxi. Khalifat d'el-Mohtadi, résumé de son histoire, de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxxii. Khalifat d’el-Motamid, résumé de son histoire, de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxxiii. Khalifat d'el-Motaded ; résumé de son histoire, de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxxiv. Khalifat d'el-Moktafi ; résumé de son histoire, de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxxv. Khalifat d'el-Moktadir ; résumé de son histoire, de sa vie et des principaux événements de cette époque.

Ch. cxxvi. Khalifat d'el-Kaher ; résumé de son histoire» de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxxvii. Khalifat d'er-Radi ; résumé de son histoire, de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxxviii. Khalifat d'el-Mottaki ; résumé de son histoire, de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxxix. Khalifat d'el-Mostakfi ; résumé de son histoire de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxxx. Khalifat d'el-Mouti ; résumé de son histoire, de sa vie, et récit abrégé des principaux événements de cette époque.

Ch. cxxxi. Second résumé chronologique depuis l'hégire jusqu'à la présente époque, c'est-à-dire le mois de djoumada premier, l’an trois cent trente-six. C'est à cette date que nous avons terminé ce livre.

Ch. cxxxii. Nomenclature des chefs du Pèlerinage, depuis l'origine de l'islamisme jusqu'à l'année trois cent trente-cinq.

L'auteur ajoute : Tel est le sommaire des chapitres contenus dans ce livre ; mais on trouvera, en outre, dans chacun de ces chapitres, différents faits relatifs aux sciences, à la tradition et à l'histoire, qui ne sont pas énoncés dans le titre. Fidèle à la classification qui précède, nous consacrons à la chronique des khalifes et à la durée de leur vie un paragraphe distinct de leur biographie et de leur histoire. Nous passons ensuite en revue les faits principaux de leur règne, les traits remarquables de leur vie ; nous résumons enfin les événements importants de l'époque, l'histoire de leurs vizirs, et les sciences qui étaient l'objet de leurs réunions académiques. Nous faisons aussi de fréquentes allusions aux sujets analogues que nous avons développés dans ceux de nos ouvrages précédents qui se rapportent aux mêmes matières.

Le nombre total des chapitres que renferme ce livre est de cent trente-deux. Le premier a pour titre : « Généralités sur le but de ce livre ; » le second est intitulé, « Table des chapitres que renferme cet ouvrage, » et le dernier : « Nomenclature des chefs qui ont conduit les pèlerins à la Mecque, depuis l'origine de l'islamisme jusqu'à l'année trois cent trente-cinq. »

CHAPITRE III.

DU COMMENCEMENT DES CHOSES ; DE LA CREATION ET DE LA GÉNÉRATION DES ÊTRES.

Toutes les sectes musulmanes s'accordent à dire que Dieu, le tout-puissant, créa l'univers sans modèle et le tira du néant. D'après une tradition qui remonte à Ibn Abbas et à d'autres docteurs, la première chose créée par Dieu fut l'eau, et le trône divin était porté par cet élément. Lorsque Dieu voulut entreprendre l'œuvre de la création, il fit sortir de l’eau une vapeur qui s'éleva au-dessus d'elle et forma le ciel ; pois il dessécha la masse liquide et la transforma en une terre qu'il partagea ensuite en sept. Cette œuvre fut terminée en deux jours, le dimanche et le lundi. Dieu, en créant la terre, la plaça sur un poisson, ainsi qu'il le dit dans son Koran (lxviii, 1) : « Par la plume et ce qu'ils écrivent, par le poisson, etc. » Il mit le poisson et l’eau sur des blocs de pierre, ces blocs sur le dos d'un ange, l'ange sur un rocher, et le rocher sur le vent. Il est fait mention de ce rocher dans le Koran, lorsque Lokman dit à son fils : « O mon enfant, le moindre grain de sénevé, fut-il sur le rocher, au ciel ou dans la terre, sera produit au grand jour par Dieu, car Dieu pénètre et sait toutes choses. » (xxi, 15.) Les mouvements du poisson donnant à la terre de. violentes secousses ; Dieu y fixa les montagnes et elle devint stable, ainsi qu'il est dit dans le Koran (xvi, 15) : « Il a jeté de solides montagnes sur la terre, pour qu'elle ne vous entraine pas dans ses secousses. » Les montagnes, la nourriture des habitants de la terre, les arbres et tout ce qui était nécessaire, furent créés en deux jours, le mardi et le mercredi ; aussi on lit dans le Koran (xli, 8-10) : « Dis-leur : Pourriez-vous méconnaître celui qui a créé la terre en deux jours, et oseriez-vous lui donner des égaux, à lui, le maître de l'univers ? Il a placé de solides montagnes sur la terre, il l’a bénie, et il a pourvu à la subsistance de ceux qui l'implorent, et cet ouvrage a été terminé en quatre jours. » Puis Dieu remonta vers le ciel, qui n'était qu'une vapeur, et il lui dit ainsi qu'à la terre : « Venez de gré ou de force. » Tous deux répondirent : « Nous venons avec obéissance. » De cette vapeur provenant des exhalaisons de l'eau. Dieu fit un seul ciel, qu'il divisa en sept autres deux, en l'espace de deux jours, le jeudi et le vendredi. Ce dernier n'a été nommé Djouma, ou réunion, que parce que la création des deux fut réunie à celle de la terre pendant ce jour. Dieu dit ensuite (Koran, xli, 11), « Et il révéla à chaque ciel ce qui le concernait ; » ce qui signifie qu'il créa dans chaque ciel les anges, les mers et les montagnes de glace qu'il renferme.

Le ciel placé au-dessus de la terre est en émeraude verte ; le second ciel est en argent ; le troisième en rubis rouge ; le quatrième en perle ; le cinquième en or pur ; le sixième en topaze ; le septième est une masse de feu et est couvert d'anges qui, debout sur un seul pied, chantent les louanges de Dieu parce qu'ils sont près de lui. Leurs jambes traversent la septième terre, et la plante de leur pied repose au-dessous de cette terre, à une profondeur qu'il faudrait cinq cents ans pour atteindre, tandis que leurs têtes se trouvent sous le trône, sans pourtant le toucher. Ils disent : « Il n'y a de dieu que Dieu, le maître du trône glorieux ! » (Koran, lxxxv, 15.) Placés là depuis leur création, ils y resteront jusqu'à l'heure du jugement. Sous le trône est une mer, d'où descend la subsistance de tous les êtres vivants. Obéissant à la volonté divine, elle transmet d'un ciel à l'autre la quantité de pluie fixée par Dieu, jusqu'à l'endroit nommé el-Abram. Dieu commande ensuite au vent, et il porte l’eau aux nuages, qui la tamisent comme un crible. Sous le ciel qui recouvre la terre est une mer toute remplie d'animaux qui ressemblent à ceux qui vivent dans les mers de notre globe, et ils y sont retenus par la puissance divine.

Après avoir terminé la création de la terre, Dieu la peupla de génies (Djinns) avant d'y placer Adam ; « il les créa du feu le plus pur (Koran, lv, i4), et parmi eux se trouvait Iblis (le diable). Dieu leur défendit de verser le sang des animaux et de se révolter les uns contre les autres ; mais ils répandirent le sang et se combattirent mutuellement. Lorsqu'Iblis vit que les génies ne s'abstenaient d'aucune mauvaise action, il pria Dieu de l'élever au ciel, où il unit ses ferventes adorations à celles des anges. Dieu envoya contre les génies, qui sont de la race d’Iblis, une troupe d'anges qui les repoussèrent jusque dans les iles des différentes mers, après avoir exterminé ceux dont Dieu ordonna la mort. Iblis, qui avait été institué par Dieu comme gardien du ciel voisin de la terre, laissa envahir son cœur par l'orgueil. Lorsque Dieu voulut créer Adam, il dit aux anges : « Je vais établir mon vicaire sur la terre. » Les anges répondirent : « Seigneur, qui sera ce vicaire ? » Dieu dit alors : « Il aura des descendants qui feront le mal ; ils se haïront et s'extermineront les uns les autres. « Les anges reprirent : « Seigneur, veux-tu donc placer sur la terre une créature qui la couvrira de désordres et de sang, tandis que nous célébrons tes louanges et que nous te bénissons ? « Dieu répondit : « Je sais ce que vous ignorez. » (Koran, ii, 28.) Puis il envoya Gabriel sur la terre pour qu'il lui en rapportât de l'argile ; mais la terre dit à l'ange : « J'invoque Dieu contre toi si tu as l'intention de me nuire. »

Gabriel s'éloigna donc sans remplir sa mission. Dieu envoya Michel, auquel la terre adressa les mêmes paroles, et qui partit aussi sans prendre d'argile. Dieu envoya en fin l'ange de la mort, contre lequel la terre invoqua encore l'appui divin ; mais l'ange lui dit, « Que Dieu me préserve de m'en retourner sans avoir exécuté son ordre ! » puis il prit de la terre noire, rouge et blanche, et c'est pour cette raison que les hommes différent de couleur. Le premier homme fut nommé Adam, parce qu'il a été tiré de la surface (adim) de la terre ; mais on donne aussi d'autres explications à ce nom. Dieu confia la mort à l'ange de la mort. Puis il pétrit cette argile et la laissa pendant quarante ans, pour qu'elle formât une masse unie et compacte ; il la laissa encore pendant le même espace de temps, jusqu'à ce qu'elle devînt fétide et se corrompît. Ainsi il est dit dans le Koran (xv, 26) : « Formé d'une argile masnoun, » c'est-à-dire fétide. Dieu donna à ce limon ta forme humaine, mais le laissa sans âme comme un vase de terre, pendant cent vingt ans, ou, selon d'autres, pendant quarante ans. Voilà pourquoi il est dit dans le Koran (lxxxvi, 1) : « L'homme n'est-il pas demeuré longtemps sans qu'il fût digne d'avoir un nom ? » Les anges, en passant devant ce corps, furent saisis de frayeur. Iblis, plus effrayé encore, le heurta du pied en passant près de lui, ce qui produisit un son semblable à celui d'un vase de terre ; c'est ainsi qu'il faut entendre le mot salsal, dans ce passage du Koran (lv, 13) « d'un bruit analogue à celui d'un vase d'argile ; » on explique aussi ce terme d'une manière différente de la nôtre. Iblis pénétra dans la bouche et ressortit du côté opposé, en disant : « Dans quel but as-tu été créé ? » Lorsque Dieu voulut animer ce corps du souffle de la vie, il ordonna aux anges de se prosterner devant Adam ; tous obéirent à l'exception d'Iblis, qui, dans l'excès de son orgueil, s'écria : «Seigneur, je suis meilleur que lui, car tu m'as créé de feu, tandis que tu l'as formé d'argile. » (Koran» xxxviii, 77.) Or le feu est plus noble que l'argile ; c'est moi que tu avais établi comme ton vicaire sur la terre ; j'ai des ailes, une auréole de lumière, et ma tête est couronnée de noblesse ; c'est moi qui t'ai adoré au ciel et sur la terre. » Dieu lui répondit : «Sors d'ici, car tu es lapidé ; que ma malédiction pèse sur toi jusqu'au jour du jugement ! » (Ibid. xxxviii, 78 et seq.) Iblis demanda un répit jusqu'au jour de la résurrection, et Dieu le lui accorda «jusqu'au terme fixé. » (Ibid. 82.) Ce fut ainsi que le nom d'Iblis reçut le sens qu'on lui attribue (diabolus), et à cause de lui fut donné l’ordre de se prosterner devant Adam. Quelques personnes pensent qu'Adam n'était que le mihrab ou la direction vers laquelle devaient se tourner les anges qui avaient reçu cet ordre, mais que le véritable objet de l'adoration était le Créateur, et que c'est ainsi que les serviteurs de Dieu doivent se soumettre et obéir à sa volonté dans l'examen et les épreuves qu'il leur impose. Il y a encore d'autres opinions à cet égard. Dieu fit pénétrer son souffle dans l'homme, et à mesure qu'une partie de corps était animée par ce souffle, elle tendait à s'asseoir ; Dieu dit alors : « L'homme est créé trop prompt.» (Koran, xiii, 12.) Lorsque le souffle divin l'eut rempli entièrement, l'homme éternua, et Dieu lui dit : « Prononce les mots : Louanges à Dieu, pour que ton Seigneur te fasse miséricorde, ô Adam ! »

Le récit qu'on vient de lire sur l'origine de la création nous est donné par la révélation ; il a été transmis oralement de génération en génération, et l'antiquité l’a légué aux âges modernes. Nous le rapportons tel que nous l'avons recueilli de la bouche des anciens, tel que nous l'avons trouvé dans leurs livres ; il est accompagné des arguments qui prouvent d'une manière évidente que le monde est créé et tiré du néant. Mais nous ne voulons mentionner ici ni l'opinion des sectes religieuses qui acceptent et soutiennent le système de la création, ni les arguments qu'elles opposent aux sectes dissidentes qui affirment l'éternité du monde ; nous avons traité ces matières dans nos écrits précédents. On trouvera d'ailleurs dans plusieurs passages de ce livre un résumé des sciences spéculatives, des arguments et des discussions relatives à un grand nombre d'opinions philosophiques ; mais ces renseignements suivront toujours la marche des faits historiques.

Une tradition qui remonte au prince des croyants, Ali, fils d'Abou Taleb, dit que lorsque Dieu voulut établir les lois de l'univers, jeter les germes des êtres et produire la création, il donna à ces germes la forme d'atomes, avant d'étendre la terre et d'élever les cieux. Au sein de sa royauté sans partage et de sa glorieuse unité, il prit un rayon de sa lumière, une étincelle de son foyer de splendeur. Cette lumière, en se répandant, se concentra au milieu de ces atomes invisibles et s'unit à la forme de notre saint prophète Mohammed.

Dieu prononça alors ces augustes paroles : « Tu es l'élu et le choisi ; je dépose en toi ma lumière et les trésors de ma grâce ; pour toi j'étendrai le lit des vallées, je donnerai un libre cours à l'eau, j'élèverai le ciel, et je distribuerai les récompenses et les châtiments, le Paradis et l'Enfer. En ta faveur, je ferai des membres de ta famille les guides du salut, je leur révélerai les secrets de ma science, afin qu'il n'y ait plus pour eux de subtilités ou de mystères ; ils seront la preuve de ma création, les apôtres de ma toute-puissance et de mon unité. » Dieu prit ensuite le témoignage de sa toute-puissance et la croyance pure en son unité, et à ces deux dogmes, qu'il disposa selon sa sagesse, il ajouta, dans l’intelligence des créatures, la notion de l'élection de Mohammed et de sa famille ; il montra à la création que la direction dans le salut et la lumière de la foi appartenaient à Mohammed, comme la suprématie religieuse (imameh) à sa famille, en devançant ainsi la loi de la justice (le Koran) et en prévenant toute excuse. Puis Dieu ensevelit la créature dans le monde invisible et la cacha dans les mystères de sa science. Il posa les mondes, déroula le temps, souleva les flots et fit surnager l'écume et monter la vapeur. Le trône divin flottait encore sur l'eau ; Dieu étendit la terre sur cette surface liquide, et tira de l'eau une vapeur dont il forma le ciel. Il somma le ciel et la terre de lui obéir, et ils reconnurent sa puissance. Dieu créa ensuite les anges, qu'il forma des lumières et des esprits tirés par lui du néant, et il unit au dogme de son unité celui de la mission prophétique de Mohammed. Cette croyance fut ainsi répandue dans le ciel avant que le Prophète accomplit sa mission sur la terre.

Après avoir créé Adam, Dieu fit connaître aux anges la haute dignité de l'homme et la supériorité de science qu'il lui avait accordée sur eux ; pour le prouver, il lui fit nommer tous les objets de la création. Adam fut donc désigné par Dieu comme un mihrâb, une kaabah, une porte sainte ou une kiblah vers laquelle les purs esprits et les anges de lumière devaient se tourner pour prier.

Dieu avertit le premier homme du dépôt qui lui était confié et lui révéla le précieux trésor qu'il avait confié à sa garde, après l'avoir désigné comme imam en présence des anges. Adam eut ainsi le glorieux privilège d'être honoré comme le gardien de la lumière divine ; mais Dieu continua à cacher cette lumière sous le voile du temps, jusqu'à ce qu'il daignât tirer Mohammed du canal de la grâce (voy. ci-après). Celui-ci appela les hommes (à la foi) en public ou en particulier, il prêcha en secret et ouvertement ; il ne cessa de rappeler aux hommes l'époque antérieure à sa venue, mais où il existait déjà comme un germe céleste. Ceux à qui s'était communiquée une étincelle du flambeau de la lumière primitive pénétrèrent dans ce secret et le comprirent clairement ; ceux qui conservèrent le bandeau de l'ignorance furent l'objet de sa colère. Après Mohammed, la lumière a été transmise aux plus nobles d'entre nous (les Alides), et elle a brillé dans nos imams. Nous sommes donc les lumières du ciel et celles de la terre ; en nous est le salut, de nous sort le secret de la science, et c'est vers nous que tout doit aboutir, un guide, pris parmi nous, fournira les preuves décisives ; il sera le sceau des imams, le sauveur de la nation, le foyer de la lumière et la source de toutes choses. Noos sommes les plus nobles des créatures, l'élite des êtres et la preuve vivante du maître des mondes. Heureux donc celui qui s'attache à notre suprématie et qui se laisse guider par nous !

Telle est la tradition enseignée par Abou Abd Allah Djafar ben Mohammed, d'après son père Mohammed ben Ali, d'après son père Ali ben el-Hoçein, d'après son père el-Hoçein, d'après son père l'émir des croyants, Ali, fils d'Abou Taleb.

Nous ne chercherons pas à citer toutes les autorités qui appuient cette tradition, ni ses variantes ; nous l'avons déjà développée dans nos ouvrages précédents, «o la rattachant historiquement à toutes les sources auxquelles nous l'avons puisée. Mais dans ce livre nous craindrions les répétitions et les longueurs.

Voici ce qu'on lit dans le Pentateuque (Tourah), « Dieu commença la création le lundi, et la termina le jour du sabbat ; » voilà pourquoi les Juifs ont fait du sabbat un jour consacré. Les sectateurs de l'Évangile, croyant que le Messie est sorti de son tombeau le dimanche, ont adopté ce jour comme jour de fête. Mais la plupart des jurisconsultes et des traditionnistes pensent que la création commença le dimanche et finit le vendredi. Ce jour-là, c'est-à-dire le 6 du mois d'avril, le souffle de la vie anima le premier homme. Eve (Hawa) fut ensuite créée d'Adam. Ils furent placés dans le Paradis terrestre à la troisième heure de ce jour, et ils y séjournèrent trois heures, ou un quart de jour, ce qui égalait deux cent cinquante années terrestres. Après sa chute, Adam fut relégué par Dieu à Serendib (Ceylan), Eve à Djeddah, Iblis à Beiçan et le serpent à Ispahan. Adam fut précipité dans l'Inde, sur le mont Rahoun, situé dans l’île de Ceylan. Quelques feuilles (du Paradis), cousues ensemble, couvraient son corps ; quand elles furent desséchées, le vent les dispersa dans l’Inde. On prétend (Dieu sait, mieux la vérité) que ces feuilles ont donné naissance aux parfums qui naissent dans ce pays ; mais d'autres donnent une raison différente. Telle serait donc l'origine de diverses productions propres à l'Inde : l'aloès, le giroflier, les aromates, le musc et tous les parfums. Sur cette même montagne brillent les rubis et les diamants ; les îles de l'Inde produisent l'émeri, et la mer qui l'entoure recèle les perles dans son sein. Adam, chassé de son premier séjour, emporta une provision de froment et trente rameaux détachés des arbres fruitiers du Paradis. Dix de ces fruits ont une écorce : la noix, l'amande, l'aveline ou noisette, la pistache, le pavot, la châtaigne, la grenade, la noix dinde, la banane et la noix de galle ; dix autres sont des fruits à noyaux, savoir : la pêche, l'abricot, la prune, la datte, la sorbe, le fruit du lotus (voy. Forskal, Flor. Egypt. p. lxiii), la nèfle, le jujube, le fruit du doum (palmier éventail du Saïd) et du cerisier ; dix autres enfin, dont la pulpe n'est recouverte ni d'une écorce, ni d'une pelure, et qui n'ont pas de noyaux ; ce sont : la pomme, le coing, le raisin, la poire, la figue, la mûre, l'orange, le concombre, la courge et le melon.

On raconte qu'Adam et Eve furent séparés après avoir été chassés du Paradis, et qu'ils se retrouvèrent au lieu nommé Arafat (reconnaissance) : c'est ainsi du moins qu'on explique le nom de cette montagne (à vingt-quatre kilomètres de la Mecque) ; mais il y a d'autres opinions à cet égard. Eve, rendue à l'amour d'Adam, lui donna un enfant mâle et une fille ; le premier fut nommé Caïn, et la fille Loubeda. Devenue mère pour la seconde fois, Eve mit encore au monde un fils et une fille ; l'un fut nommé Abel, et l'autre Iklimia. On n'est pas d'accord sur le nom du fils aîné d'Adam, mais l'opinion générale parmi ceux qui suivent l'autorité de l'Écriture, et d'autres encore le nomment Caïn, comme nous l'avons dit ; quelques-uns ont adopté le nom d'Abel, mais cette version est peu répandue, tandis que la première a pour elle la majorité. C'est ce que confirme le passage suivant d'une poésie sur l'origine du monde, par Ali, fils d'el-Djohm :

Ils obtinrent un fils nommé Caïn, qui grandit sous leurs yeux.

Abel parvint à l'adolescence à côté de Caïn, et rien ne séparait les deux frères.

Ceux qui admettent l'Écriture sainte disent qu'Adam, afin d'éviter le mariage entre les enfants issus de la même grossesse, unit Gain à la sœur (jumelle) d'Abel, et celui-ci à la sœur (jumelle) de Caïn. Le but d'Adam, dans cette double union, était d'établir une séparation dans les liens du sang, autant du moins que cela était possible en l'absence de race éloignée ou étrangère. Les Mages prétendent cependant qu'Adam n'a pas interdit le mariage entre enfants issus de la même grossesse, et que cette défense eût été blâmable, Ils ont, à cet égard, certain dogme mystérieux d'après lequel ils soutiennent qu'il est préférable qu'un frère épouse sa sœur, ou une mère son propre fils. Nous en avons parlé dans le quatorzième chapitre de notre ouvrage intitulé : « Annales historiques relatives aux peuples de l'antiquité, aux races éteintes et aux rois qui ont disparu de la scène du monde. »

Abel et Caïn offrirent chacun un sacrifice ; Abel fit choix, pour ce sacrifice, de ses plus belles brebis et de ses aliments les plus délicats ; Caïn offrit, au contraire, la part la plus mauvaise de son bien. Ce qui arriva alors, c'est-à-dire le meurtre d'Abel par Caïn, est raconté dans le Koran (sur. xxx, v. 33). On dit que Gain surprit son frère dans une plaine déserte, située sur le territoire de Damas, en Syrie, et qu'il le tua en lui frappant la tête avec une pierre. On ajoute que les bêtes sauvages ont appris ainsi de l'homme à être cruelles, puisqu'il leur donna le premier exemple du crime et du meurtre. Après avoir tué son frère, Caïn, embarrassé de cacher le corps, le chargea sur ses épaules et parcourut la terre. Dieu lança alors deux corbeaux, dont l'un tua et enterra le second. A cette vue, Caïn, au désespoir, prononça ces paroles rapportées dans le Koran (ibid. v. 34) : « Malheureux que je suis ! Ne pouvais-je pas même imiter ce corbeau, et cacher mon crime contre mon frère ? » Puis il l'ensevelit. Quand Adam fut instruit de ce meurtre, il fut en proie à une sombre tristesse et tomba dans un profond désespoir.

Il existe une poésie fort populaire, que l’on dit avoir été composée par Adam, sous l'impression de la douleur et du deuil que lui causait la perte de son fils. Voici cette lamentation poétique :

Quel changement dans ce pays et dans ceux qui l'habitent ! Une sombre poussière ternit la face de la terre.

Tout a perdu sa saveur et son éclat ; le deuil a succédé au sourire et à ta joie.

Les hommes ont substitué le tamaris et d'autres plantes vénéneuses à la riche végétation qui couvrait les jardins célestes.

Près de nous veille un ennemi implacable, un être maudit, dont la mort seule nous laisserait respirer.

Caïn a tué Abel injustement ; ô regrets ! Où est ce gracieux visage ?

Pourrais-je ne pas répandre des torrents de larmes, quand le tombeau renferme Abel ?

La vie n'est plus pour moi qu'une longue suite de maux, et cette vie est un fardeau dont je ne puis me délivrer !

J’ai lu dans plusieurs recueils d'histoire, de biographie et de généalogie, que lorsqu’Adam eut prononcé ces paroles, Iblis, caché de façon que sa voix fût entendue sans qu'on pût voir son corps, lui répondit par les vers suivants :

Fuis ce pays et ceux qui l'habitent ; la terre maintenant est trop étroite pour toi.

A côté d'Eve, ton épouse, tu t'y croyais, ô Adam ! à l'abri des maux de la vie.

Mais mes ruses et mes artifices n'ont pas eu de trêve que ces biens précieux ne te fussent ravis.

Si la pitié du Tout-Puissant ne te protégeait, un souffle aurait suffi pour t'arracher aux jardins de l'éternité.

Enfin, dans un manuscrit différent, j'ai trouvé, au lieu des vers qui précèdent, ce vers isolé que, la voix d'un être caché de façon à n'être pas aperçu aurait adressé à Adam :

Père d'Abel, tes deux fils ont péri ensemble : le survivant tombe sacrifié à celui qui est mort

A ces mots, la douleur et le chagrin d'Adam redoublèrent, autant pour le fils qui n'était plus que pour celui qui lui restait ; car il comprit que tout meurtrier doit périr. Dieu lui révéla alors ces paroles : « Je ferai sortir de toi ma lumière, qui traversera les canaux purs et les races illustres ; son éclat ternira toute autre clarté, et j'en ferai le sceau du Prophète. Ce prophète (Mahomet) aura pour successeurs les plus illustres imams, qui se transmettront cet héritage jusqu'à la fin des temps. La terre tressaillira à leur appel, et leurs sectateurs resplendiront de lumière. Aussi prépare-toi, par des purifications et des prières, célèbre les louanges de Dieu et approche ensuite de ta femme, quand elle sera dans un état de pureté (légale) ; car de vous deux mon dépôt passera à l'enfant qui naîtra de votre union. Adam fit ce qui lui était ordonné, et Eve devint mère aussitôt son front resplendit, des rayons de lumière illuminèrent ses traits et sortirent de l'orbite de ses yeux. Arrivée au terme de sa grossesse, elle mit au monde Cheit (Seth), l'enfant le plus noble, le plus majestueux, le plus beau, le plus parfait et le mieux proportionné qu'on eût jamais vu ; une auréole lumineuse le couronnait, la majesté et la grandeur étaient empreintes sur son visage. La lumière divine, passant d'Eve en cet enfant, scintillait autour de son front et rehaussait l'éclat de sa beauté. Adam le nomma Cheit ou « Dieu donné » (hibet Allah).

Lorsque l'âge, en développant sa taille, eut mûri son intelligence et sa raison, il fut instruit par Adam de la mission et du précieux dépôt dont il allait être chargé ; il apprit qu'il serait la preuve de Dieu et son représentant sur la terre, qu'il transmettrait la vérité divine à ses successeurs, et qu'il serait le second dépositaire « de la semence pure et du rameau toujours vert. » Cheit, après avoir recueilli les dernières volontés d'Adam, les mit de côté et ne les divulgua point avant l'heure où son père fut près de quitter ce monde. Adam mourut le vendredi 6 avril, à l'heure même à laquelle il avait été créé ; il avait alors neuf cent trente ans. Cheit, son héritier, devint ensuite le chef de sa postérité, qu'on dit avoir été de quarante mille enfants et petits-enfants. On n'est pas d'accord sur l'emplacement du tombeau d'Adam. Les uns croient qu'il est situé à Mina, dans la mosquée d'el-Khaïf ; les autres le placent dans une caverne du mont Abou Kobaïs, et il existe encore d'autres versions (Dieu sait mieux la vérité).

Cheit rendit la justice parmi les hommes ; il établit comme lois les feuilles qui avaient été transmises du ciel à Adam, ainsi que les livres et les prescriptions que Dieu lui révéla à lui-même. La femme de Cheit devint mère d'Enos (Anouch), et la lumière qui brillait en elle pendant sa grossesse passa dans cet enfant au moment de sa naissance. Quand Enos eut atteint l'âge de raison, son père lui révéla le précieux dépôt qui était la gloire de la famille ; il lui recommanda d'enseigner un jour à son fils la vérité et l'importance de leur noblesse, afin que cette tradition, transmise par ce dernier à ses enfants, passât de père en fils, tant que vivrait leur race. C'est ainsi, en effet, que cet ordre se perpétua d'une génération à l'autre, jusqu'à ce que la lumière divine parvînt à Abd el-Mottaleb et à son fils Abd Allah, père de notre saint Prophète.

Mais ce qui précède est un objet de discussion entre les sectes religieuses qui s'en tiennent à la désignation textuelle, et celles qui sont pour l'élection. Les premières, c'est-à-dire les imamites ou sectateurs (chiites) d'Ali, fils d'Abou Taieb, et de sa sainte postérité, prétendent qu'à aucune époque Dieu n'a privé le genre humain on d'un prophète, ou d'un légataire (imam) expressément et nominativement désigné par Dieu et son Prophète, et chargé de la garde de la vraie religion. Au contraire, les partisans de l'élection qui se recrutent parmi les jurisconsultes des capitales, les Motazélites, quelques fractions des Kharédjites ou hétérodoxes, les Mourdjites (qui proclament la foi sans les œuvres), plusieurs traditionnistes, le peuple en général, et une partie des Zeïdites (disciples de Zeïd, quatrième imam) soutiennent que Dieu et son Prophète ont prescrit à la nation le devoir d'élire dans son sein un homme qui aura qualité d'imam ; mais ils ajoutent que certaines époques peuvent être privées de « la preuve de Dieu, » c'est-à-dire d'un imam exempt de toute tache, comme disent les chiites. On trouvera plus loin quelques éclaircissements sur les doctrines de ces écoles et les différences qui les séparent.

Enos se consacra à la culture de la terre. Quelques personnes considèrent Cheit comme le père du genre humain, à l'exclusion des autres enfants d'Adam ; mais il y a encore d'autres opinions à cet égard. Dieu sait la vérité. Cheit mourut à l'âge de neuf cent douze ans ; ce fut de son temps que fut tué Caïn, fils d'Adam et meurtrier de son frère Abel ; la mort de Caïn fut accompagnée de circonstances curieuses que nous avons racontées dans nos Annales historiques et dans l'Histoire moyenne. Enos mourut le 3 octobre, à l'âge de neuf cent soixante ans, après avoir engendré Kaïnan. Celui-ci reçut, avec la lumière prophétique, le pacte fait avec sa famille, et cultiva la terre jusqu'à ce qu'il mourût, âgé de neuf cent vingt ans. On croit que ce fût au mois de juillet, après avoir donné le jour à Mahalaïl. Ce dernier vécut huit cents ans et fut père de Loud (Yared ?). La lumière prophétique, le pacte religieux et la vérité continuaient à se transmettre ainsi sans interruption. On prétend que plusieurs instruments de musique furent inventés vers cette époque par un fils de Caïn. On peut voir, dans nos Annales historiques, le récit des guerres et des événements survenus entre la postérité de Caïn et Loud, ainsi que la lutte des fils de Cheit avec une branche de la famille de Caïn, de laquelle une race d'Indiens, qui reconnaît Adam (voy. chap. vii), tire son origine. Elle occupe dans l'Inde le pays de Komar (aujourd'hui Assam), qui a donné son nom à l'aloès Komari. Loud vécut neuf cent soixante-deux ans et mourut dans le mois de mars. Il eut pour successeur son fils Enoch (Akhnoukh), qui n'est autre qu'Edris, le prophète. Les Sabéens le confondent avec Hermès, et ce dernier nom signifie Mercure (Outarid). C'est d'Enoch que Dieu a dit dans son livre (Koran, xix, 58) qu'il l'a élevé « à une place éminente. » Il vécut en ce monde trois cents ans, et on dit même un plus grand nombre d'années : on lui attribue l'art de coudre et l'usage de l'aiguille. Il reçut du ciel trente feuillets, comme Adam en avait reçu trente et un, et Cheit vingt-neuf ; ils contenaient les louanges de Dieu et des prières. Son fils Mathusalem (Matouchalekh) continua après lui à cultiver la terre, et reçut la lumière prophétique sur son front. Il eut, dit-on, un très grand nombre d'enfants, parmi lesquels on range les Bulgares, les Russes et les Slaves. Il mourut au mois de septembre, après avoir vécu neuf cent soixante ans. Ce fut du vivant de son fils Lamek que survinrent les événements qui amenèrent la confusion des races ; Lamek mourut âgé de neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ans.

Son fils Noé (Nouh) lui succéda, et de son temps la corruption et l'injustice la plus effrénée régnèrent parmi les hommes. En vain Noé chercha à les ramener vers Dieu ; ils persévérèrent dans leur révolte et leur infidélité. Dieu les maudit et ordonna à Noé de se construire un vaisseau, et, quand il fut terminé, Gabriel lui apporta le cercueil qui renfermait les ossements d'Adam. Noé et ses compagnons entrèrent le vendredi 19 du mois de mars, dans ce vaisseau, qui flotta sur la surface des eaux, tandis que la terre fut submergée pendant cinq mois. Dieu ordonna enfin à la terre d'absorber l'eau, il ferma les cataractes du ciel (sur. xi, vers. 46), et l'arche se reposa sur le mont Djoudi, situé dans le pays de Baçoura (Baçourin) et Djezireh ibn Omar, dans la province de Moçoul, à huit parasanges du Tigre. On montre encore aujourd'hui, sur le sommet de cette montagne, l'endroit où l'arche s'arrêta ; s'il faut en croire une autre version, certaines portions de la terre tardèrent à absorber l'eau du déluge, et les autres l'absorbèrent dès qu'elles en reçurent l'ordre. Les premières donnent de l'eau douce quand on les creuse ; mais les terres rebelles reçurent comme châtiment l'eau salée ; elles devinrent arides et furent envahies par le sel et par les sables. L'eau qui ne fut pas absorbée pénétra dans les bas-fonds de la terre et forma les mers, qui ne sont donc que le reste des eaux dans lesquelles Dieu fit périr les nations. Nous aurons occasion ci-après de parler des mers et de les décrire. (Voy. chap. viii.)

Noé sortit de l'arche avec ses trois fils, Sem, Cham (Ham) et Jafet, ses trois brus, quarante hommes et un même nombre de femmes. Ils s'arrêtèrent sur un plateau de la montagne de Djoudi et y bâtirent une ville, qu'ils nommèrent Temanin (quatre-vingts), nom qu'elle a conservé jusqu'à ce jour (332 de l'hég.). La postérité de ces quatre-vingts personnes s'éteignit, et Dieu repeupla la terre avec les trois fils de Noé, c'est ainsi qu'il le dit lui-même dans le Koran (xxxvii, 75) : « Nous avons établi sa race et nous avons assuré sa durée. » Dieu sait mieux le vrai sens de ce passage. Le nom du fils de Noé qui refusa l'offre de son père, quand il lui dit, « O mon fils, embarque-toi avec nous » (ibid. xi, 44), est Yam. Noé partagea la terre entre ses fils, et assigna à chacun sa propriété. Il maudit Cham à cause de l'injure qu'il recul de ce fils, ainsi qu'on le sait, et s'écria : « Maudit soit Cham ! puisse-t-il être l'esclave de ses frères ! » et il ajouta : « Je bénis Sem ; que Dieu augmente (la famille de) Jafet, et qu'il habite dans le pays de Sem ! » (Gen. ix, 25-27.) J'ai lu dans la Bible que Noé vécut encore trois cent cinquante ans après le déluge, ce qui fait pour sa vie entière neuf cent cinquante ans ; mais on n'est pas d'accord sur ce point. Cham s'éloigna, suivi de ses enfants, et ils se fixèrent dans différentes portions de la terre ou dans des îles, ainsi que nous le dirons plus loin (voy. chap. xlvii).

Parions maintenant de la dispersion des races ainsi que du partage de la terre entre les enfants de Jafet, Sem et Cham.

Sem s'établit au centre de la terre, depuis le territoire sacré (La Mecque et Médine) jusqu'à l’Hadramout, l'Oman et Alidj. Parmi ses descendants on cite Aram et Arfakhchad, tous deux fils de Sem ; parmi ceux d'Aram, Ad, fils d'Aws, fils d'Aram. Les Adites occupèrent les déserts d'el-Ahkaf, où le prophète Houd leur fut envoyé. Témoud, fils d'Abir, fils d'Aram, s'établit dans le Hidjr (Arabie Pétrée), entre la Syrie et le Hedjaz ; Dieu envoya aux Témoudites leur frère Salih. Les faits relatifs à la vie et à l'histoire de ce prophète sont connus de tout le monde. Nous reviendrons d'ailleurs, dans le courant de notre récit (chap. xxxviii), sur les principaux traits de sa biographie, et nous raconterons l'histoire d'autres prophètes.

Tasm et Djadis, fils de Loud, fils d'Aram se fixèrent dans le Yemamah et le Bahreïn, et les descendants de leur frère Amalik, fils de Loud, fils d'Aram, vinrent habiter, soit le territoire sacré, soit la Syrie. Il est le père des Amalécites, qui se répandirent dans différents pays. Un autre frère, Omaim, fils de Loud, fils d'Aram occupa la Perse.

Dans le chapitre (xxiii) intitulé « Généalogie des Perses, opinions différentes des historiens à cet égard, » nous discuterons l'opinion qui identifie Keioumert avec Omaim, fils de Loud ; d'autres auteurs pensent qu'Omaim se fixa dans le Wabar, pays qui, s'il faut en croire les conteurs arabes, fut soumis par les Djinns (Génies). La postérité d'Abil, fils d'Aws, frère d'Ad, fils d'Aws, habita la ville du Prophète (Médine). Mach, fils d'Aram, fils de Sera, s'empara du pays de Babel, sur les bords de l'Euphrate ; son fils Nemrod construisit la tour de Babel et un pont sur le fleuve ; il régna cinq cents ans et fut roi des Nabatéens.

De son temps, Dieu divisa les langues ; les descendants de Sem en eurent dix-neuf, ceux de Cham dix-sept, et ceux de Jafet trente-six. Par la suite les langues se subdivisèrent en un grand nombre d'autres dialectes, comme nous le dirons ci-après en parlant de la dispersion des hommes, et des poèmes qui furent composés lorsqu'ils quittèrent le pays de Babel. Mais quelques-uns croient que ce fut Faleg qui partagea la terre entre les peuples, et que c'est à cette circonstance même qu'il doit son nom de Faleg, ou plutôt Faledj, c'est-à-dire répartiteur.

Arfakhchad, fils de Sem, fils de Noé, engendra Chalih, qui fut le père du même Faleg, le répartiteur, et l'aïeul d'Abraham. Abir, autre fils de Chalih, eut pour fils Kahtan, qui engendra Yarob. Celui-ci fut le premier que ses enfants saluèrent de la félicitation royale conçue en ces termes : « Que ta matinée soit heureuse ! Que les malédictions s'écartent de ta personne ! »

Mais, selon d'autres, ce fut un roi de Hirah qui fut le premier salué de la sorte. Kahtan est le père de tous les Yéménites, comme nous le prouverons plus loin en parlant des discussions relatives aux origines du Yemen (ch. xlii). Il fut aussi le premier qui parla arabe, c'est-à-dire qui désigna les choses d'une manière claire (araba) et distincte. Yaktan, fils d'Abir, fils de Chalih, fut le père des Djorhomites, qui étaient, par conséquent, cousins de Yarob. Cette tribu, qui habitait d'abord le Yémen et parlait l'arabe, émigra plus tard à la Mecque et s'y fixa, comme nous le raconterons lorsque nous aurons occasion de parler de son histoire (chap. xxxix). Les fils de Katoura sont aussi leurs cousins. Lorsque, par la suite, Ismaïl vint, d'après l'ordre de Dieu, habiter la Mecque, il se choisit une femme dans la tribu des Djorhomites, qui devinrent ainsi les oncles maternels des enfants d'Ismaïl.

Ceux qui admettent les Écritures disent que Lamek, petit-fils de Noé, est encore vivant, parce que Dieu aurait révélé à Sem les paroles suivantes : « Celui à qui je confierai la garde du corps d'Adam vivra jusqu'à la fin des siècles. » Or Sem, après avoir déposé le cercueil d'Adam au centre de la terre, en avait laissé la garde à Lamek. Sem mourut un vendredi, dans le mois de septembre, à l'âge de six cents ans. Il fut remplacé par son fils Arfakhchad, qui mourut âgé de quatre cent soixante-cinq ans, au mois d'avril. Son fils Châlit, qui lui succéda, atteignit l'âge de quatre cent trente ans, et laissa en mourant un fils nommé Abir, qui cultiva la terre.

Cette époque fut signalée par de graves événements et des discordes dans différentes contrées. Abir laissa en mourant, à l'âge de trois cent quarante ans, son fils Faleg, qui suivit la voie tracée par ses ancêtres, et vécut deux cent trente-neuf ans. Nous avons déjà parlé de ce dernier, et de la confusion des langues dont Babel fut alors le théâtre.

Son successeur fut son fils Argou (Reou), et c'est à cette époque que l’on place la naissance de Nemrod, le tyran. Argou mourut à l'âge de deux cents ans, dans le mois d'avril, et laissa après lui son fils Saroug (ou Charoukh). On présume que c'est du vivant de celui-ci que le culte des idoles et des images, dû à différentes causes, fut introduit sur la terre. Saroug, après avoir vécu deux cent trente ans, fut remplacé par son fils Nathour, qui suivit l'exemple de ses pères. Cette époque fut signalée par des commotions physiques et des tremblements de terre, phénomènes inconnus jusqu'alors ; on inventa aussi plusieurs machines et instruments. On place, dans cette même période, de grandes guerres et la formation de plusieurs nations chez les Indiens et d'autres peuples. Lorsque Nathour mourut, âgé de cent quarante-six ans, son fils Tarikh (Terah), qui n'est autre qu'Azer, père d'Abraham, lui succéda. Ce fut sous le règne de Nemrod ben Kanan, contemporain de Tarikh, que parurent sur la terre le cul te du feu et des astres, et les différentes catégories introduites dans ce culte. Des guerres terribles ravagèrent le monde, de nouveaux empires et de nouvelles provinces furent fondés en Orient et en Occident, etc. Les étoiles et leur influence sur la destinée devinrent alors un objet d'étude ; on traça des sphères, et l’on inventa des instruments pour faciliter ces travaux et les rendre accessibles à l'intelligence. Les astrologues observèrent l'horoscope de l'année dans laquelle Abraham vint au monde, et ils avertirent Nemrod qu'un enfant allait naître qui traiterait leurs rêveries religieuses de folie et renverserait leur culte. Nemrod ordonna de tuer tous les enfants, mais Abraham fut caché dans une caverne. Son père Azer ou Tarikh mourut à l'âge de deux cent soixante ans.

CHAPITRE IV.

HISTOIRE D'ABRAHAM, L'AMI DE DIEU, DES PROPHÈTES ET DES ROIS D'ISRAËL QUI ONT VECU APRES LUI.

Lorsqu’Abraham eut grandi, et qu'il fut sorti de la caverne où il s'était caché, il jeta ses regards sur le monde et il y reconnut les preuves de la création et d'une influence supérieure. Observant d'abord la planète Vénus, qui se levait à l'horizon, il dit : «Voici mon Seigneur. » Il vit ensuite la lune, qui jetait plus d'éclat, et dit : « Voici mon Seigneur. » Enfin, ébloui par les rayons du soleil, il s'écria encore : « Voici mon Seigneur. » Ces paroles d'Abraham sont diversement commentées ; les uns pensent qu'il ne faut les considérer que comme une sorte d'induction ayant un sens interrogatif ; d'autres croient que, lorsque Abraham les prononça, il n'avait pas encore l'âge de raison, et par conséquent la responsabilité de ses actes ; il y a encore d'autres explications à cet égard. Puis Gabriel vint lui enseigner la vraie religion, et Dieu le choisit pour son prophète et son ami (khalil). (Je dois pourtant faire remarquer que) Abraham avait déjà reçu de Dieu « la direction spirituelle. » (Koran, xxi, 52.) Or celui qui a obtenu ce secours est à l'abri de tout péché et de toute chute, et ne peut altérer le culte dû au Dieu unique et éternel. Abraham s'éleva contre l'idolâtrie de son peuple et lui reprocha d'ériger en divinités des figures sculptées. Ces reproches devenant plus vifs chaque jour, et faisant impression sur le peuple, Nemrod fit jeter Abraham dans un brasier ardent ; mais Dieu lui donna au milieu des flammes la fraîcheur et le bien-être (Koran, v, 20), et le même jour le feu s'éteignit sur toutes les parties de la terre.

Abraham était âgé de quatre-vingt-six ans, ou, selon d'autres, de quatre-vingt-dix ans, lorsqu'il eut Ismaïl de Agar (Hadjar), esclave de Sarah. Sarah, qui adopta la première la croyance de son mari, était fille de Betouël, fils de Nakhour, et cousine d'Abraham ; mais ce point est controversé, comme nous te montrerons plus loin. Lot, fils de Haran, fils de Tarikh, fils de Nakhour, et par conséquent neveu d'Abraham, crut aussi en sa mission et fut envoyé par Dieu dans les cinq villes (Pentapole), c'est-à-dire Sodoum, Amoura (Gomorrhe), Admouta (Admah), Saoura (Ségor) et Saboura (Seboïm). Le peuple de Lot était « les hommes de la Moutafikeh » (Koran, liiii, 54), mot qui dérive de ifk, mensonge, d'après les partisans de l'étymologie. Il en est fait mention dans ce passage du Koran (ibid.) : « La Moutafikeh a été renversée. » Ces cinq villes sont situées entre la Syrie et le Hedjaz, du côté du Jourdain et de la Palestine, mais elles dépendent de la Syrie. On en voit encore (332 de l'hég.) remplacement dans un aride désert, où le voyageur remarque des pierres marquées d'empreintes » (Koran, xi, 84) et d'un noir brillant. Lot vécut parmi ces peuples pendant plus de vingt ans, et leur prêcha la vraie religion ; mais ils restèrent incrédules et furent punis comme Dieu nous l'apprend dans son saint Livre.

Lorsqu’Agar eut donné le jour à Ismail, Sarah en conçut de la jalousie, Abraham conduisit donc Ismaïl et Agar à la Mecque, et les y établit. C'est ce que dit le Koran, qui met les paroles suivantes dans la bouche d'Abraham : « J'ai donné pour demeure à une partie de ma famille une vallée sans culture, près de ta maison sainte, etc. » (xii, 40.) Dieu, exauçant leurs prières, peupla leur solitude en y amenant les Djorhomites et les Amalécites, « dont il leur concilia les cœurs. » (Ibid.) Le peuple de Lot fut détruit du temps d'Abraham à cause de sa corruption, ainsi qu'on le sait, Dieu ordonna ensuite à Abraham d'immoler son fils ; Abraham s'empressa d'obéir « et il coucha son fils le front contre terre » (xxxvii, 103) ; mais Dieu le racheta « par un sacrifice précieux » (ibid. 107), et Abraham éleva, « de concert avec Ismaïl, les fondements du temple. » (ii, 121.) Abraham avait atteint l'âge de cent vingt ans lorsque Sarah, sa femme, lui donna son fils Isaac (Ishak). Le sacrifice d'Abraham a donné lieu à diverses opinions : les uns disent que la victime avait dû être Isaac, les autres nomment Ismaïl. Si l'ordre d'accomplir le sacrifice fut donné à Mina, ce fut Ismaïl, puisque Isaac n'est jamais entré dans le Hedjaz ; si, au contraire, cet ordre a été donné en Syrie, il faut croire que ce fut Isaac, puisque Ismaïl ne retourna jamais en Syrie après en avoir été expulsé. Après la mort de Sarah, Abraham épousa Keitoura, qui lui donna six fils : Maran (Zimran), Yakach (Yakchan), Madan, Midian, Sanan (Sabbaq-Ychbak) et Souh (Souah). Abraham mourut en Syrie. Lorsque Dieu l'appela à lui, il avait cent soixante et quinze ans, et il avait reçu du ciel dix feuillets.

Après la mort de son père, Isaac épousa Rafaka (Rébecca), fille de Betouël ; elle donna le jour en même temps à Esaü (Elis) et à Jacob (Yakoub) ; mais Esaü vint au monde avant son frère. Isaac avait alors soixante ans, et sa vue s'était affaiblie ; il élut Jacob chef de ses frères et son successeur dans sa mission prophétique ; à Esaü il donna la royauté sur ses enfants. Isaac fut rappelé par Dieu à l'âge de cent quatre-vingt cinq ans, et on l'enterra avec son père « l'ami de Dieu. » Leur tombeau, situé dans un lieu bien connu, est à dix-huit milles de Jérusalem, dans une mosquée qui est surnommée Mosquée d'Abraham et pâturages d'Abraham (Hébron).

Isaac avait ordonné à son fils Jacob de se rendre en Syrie, en lui annonçant qu'il serait prophète et qu'il transmettrait cette dignité à ses douze fils Ruben (Roubil), Siméon (Chamoun), Lévi, Juda (Yahouda), Issachar (Yechsahar), Zabulon, Joseph, Benjamin, Dan, Neftali, Gad et Acher (Achrouma). Tel est le nom des douze tribus, dont quatre ont conservé le don de prophétie et la royauté : ce sont celles de Lévi, Juda, Joseph et Benjamin. Jacob redoutait beaucoup son frère Esaü ; mais Dieu lui promit sa protection. Cependant Jacob, qui possédait cinq mille cinq cent brebis, en donna la dixième partie à son frère, en cédant à la peur que lui inspiraient sa méchanceté et sa violence, et oubliant que la protection divine le mettait à l'abri des agressions d'Esaü. Aussi Dieu le châtia dans ses enfants pour avoir contrevenu à la promesse divine, et il lui révéla ces paroles : « Tu ne t'es pas reposé sur ma promesse, aussi les fils d'Esaü régneront sur les tiens pendant cinq cent cinquante ans. Telle a été, en effet, la durée de la période comprise entre la destruction du temple de Jérusalem par les Romains et la captivité des Israélites, jusqu'à la prise de Jérusalem par Omar, fils d'el-Khattab. Joseph était le fils préféré de Jacob, aussi ses frères en devinrent jaloux, et leur haine suscita entre eux et Joseph les événements que Dieu a racontés dans son Livre (sur. xii) par l'intermédiaire de son Prophète, et qui ont une grande notoriété chez ce peuple. Jacob mourut en Egypte, à l'âge de cent quarante ans. Joseph fit transporter et ensevelir son corps en Palestine, près des tombeaux d'Abraham et d'Isaac. Il fut lui-même rappelé par Dieu en Egypte, à l'âge de cent dix ans, et déposé dans un cercueil de marbre, soudé de plomb et enduit d'un vernis qui en interceptait le passage à l'eau et à l'air ; puis ce cercueil fut jeté dans le Nil, près de Memphis (Menf), à l'endroit où s'élève la mosquée qui porte son nom. D'autres croient que Joseph ordonna que son corps fût transporté et enterré près de son père Jacob, dans la mosquée d'Abraham. A la même époque vivait Job (Eyoub), dont la généalogie est : Job, fils d'Amous, fils de Zarih (Zerah), fils de Rawil, fils d'Esaü, fils d'Isaac, fils d'Abraham. Il habitait en Syrie le territoire du Hauran et de Bataniah, dans le district du Jourdain, entre Damas et el-Djabiah. Il était riche et possédait un grand nombre d'enfants ; Dieu l'éprouva dans sa personne, sa fortune et ses enfants ; mais, touché de sa patience, il lui rendit tout, et mit fin à ses maux. Cette histoire est racontée dans le Koran (sur. xxi, 83, et xxviii, 40). La mosquée de Job et la source où il se lavait sont encore connues aujourd'hui (332) dans le pays de Nawa et de Djawlan, situé dans le district du Jourdain, entre Damas et Tibériade ; elles sont à trois milles environ de la ville de Nawa. La pierre sur laquelle il se reposait pendant son malheur, auprès de sa femme Rohma, est encore conservée dans cette mosquée.

Ceux qui acceptent l'autorité du Pentateuque et des livres anciens disent qu'un prophète du nom de Mouça (Makhir ?), fils de Micha (Manassé), fils de Joseph, fils de Jacob, précéda Moïse (Mouça), fils d'Amran, et que c'est ce Mouça qui se mit à la recherche de Khidr, fils de Malkan, fils de Faleg, fils d'Abir, fils de Chalih, fils d'Arfakchad, fils de Sem, fils de Noé, D'autres, parmi eux, identifient Khidr avec Khidroun, fils d'Amaïl, fils d'Alnifar (Alifaz), fils d'Esaü, fils d’Isaac, fils d'Abraham ; ils ajoutent qu'il fut envoyé par Dieu à son peuple et le convertit. Moïse, fils d'Amran, fils de Kahet, fils de Lévi, fils de Jacob, vivait en Egypte du temps de Pharaon le tyran. Celui-ci, le quatrième des Pharaons d'Egypte, était alors très âgé et d'une haute stature ; il s'appelait el-Walid, fils de Moçab, fils de Moawiah, fils d'Abou Nomaïr, fils d'Abou'l-Hilwas, fils de Leit, fils de Haran, fils d'Amr, fils d’Amlak.

A la mort de Joseph, les Israélites tombèrent dans l'esclavage et souffrirent de grands maux. Les devins, les astrologues et les magiciens annoncèrent à Pharaon qu'un enfant allait naître qui le précipiterait de son trône, et susciterait de graves événements en Egypte. Pharaon, effrayé de cette prédiction, fit périr tous les enfants ; mais Dieu ordonna à la mère de Moïse d'exposer son fils sur l'eau, ainsi qu'il nous l'apprend par la bouche de Mohammed, son prophète (sur. ix, 39).

A cette époque vécut le prophète Choaïb, fils de Nawil, fils de Rawaïl, fils de Mour, fils d'Anka, fils de Madian, fils d'Ibrahim ; ce prophète, qui parlait arabe, fut envoyé vers les Madianites. Moïse, fuyant la colère de Pharaon, se rendit auprès de Choaïb, dont il épousa la fille, comme il est dit dans le Koran (vii, 83).

Puis Dieu parla directement à Moïse (iv, 162), lui donna l'assistance de son frère Aaron (Haroun), et les envoya tous deux auprès de Pharaon, qui leur résista et périt dans les flots. Dieu ordonna alors à Moïse de conduire au désert (et-tih) les fils d'Israël, dont le nombre s'élevait à six cent mille adultes, sans compter les enfants. Les tables que Dieu donna à son prophète Moïse, sur le mont Sinaï (tour Sina) étaient d'émeraude, et les caractères y étaient gravés en or. En descendant de la montagne, Moïse vit les Israélites prosternés devant un veau qu'ils adoraient ; il fut saisi d'effroi, et les tables s'échappèrent de sa main et se brisèrent. Il en réunit les fragments et les déposa avec d'autres objets dans l'arche « de la majesté divine » (ii, 249), qu'il plaça dans le tabernacle. Il en confia la garde à Aaron, qu'il institua son successeur ; puis Dieu acheva de révéler le Pentateuque à Moïse pendant qu'il était dans le désert. Aaron mourut et fut enterré dans la montagne de Moab, près de la chaîne de Cherat, non loin du Sinaï. On montre son tombeau dans une antique caverne, d'où l’on entend souvent, pendant la nuit, sortir un grand bruit qui épouvante tous les êtres vivants. On dit encore qu'Aaron n'a pas été enterré, mais seulement déposé dans cette caverne. Les particularités étranges qui se rapportent à ce lieu sont bien connues de tous ceux qui l'ont visité.

Aaron mourut sept mois avant Moïse, et âgé selon les uns de cent vingt-trois ans, ou de cent vingt ans selon les autres. D'autres croient que Moïse ne mourut que trois ans après son frère, qu'il pénétra en Syrie, et envoya de l'intérieur du pays des expéditions contre les Amalécites, les Korbanites, les Madianites, et d'autres peuples dont il est fait mention dans le Pentateuque. Dieu donna à Moïse dix feuillets, qui complétèrent le nombre de cent feuillets. Puis il lui révéla en hébreu le Pentateuque (Tourah), avec les commandements et les défenses, les permissions et les interdictions, les décrets et les décisions que renferment ses cinq sefer (), c'est-à-dire cinq livres.

L'arche où reposait la majesté divine et que construisit Moïse était en or, du poids de six cent mille sept cent cinquante miskal, et, après Aaron, la garde en fut confiée à Josué (Youcha), fils de Noun, de la tribu de Joseph. Moïse mourut à l'âge de cent vingt ans ; mais ni lui, ni Aaron n'éprouvèrent les infirmités de la vieillesse, et ils jouirent d'une jeunesse continuelle.

Après la mort de Moïse, Josué, fils de Noun, conduisit les Israélites en Syrie, où régnaient alors les géants, race de rois amalécites, ainsi que d'autres princes. Il envoya contre eux quelques expéditions et eut avec eux plusieurs engagements ; il conquit tout le territoire dépendant de Jéricho et de Zogar, dans le Gour, ou contrée basse du lac Fétide (mer Morte).

Ce lac repousse ce qu'on y jette, et ne renferme ni poissons, ni aucun être vivant, comme l'ont remarqué l'auteur de la Logique (Météorol. II, cap. iii) et d'autres philosophes qui ont vécu avant ou après Aristote. Le Jourdain verse dans ce lac les eaux du lac de Tibériade ; ce dernier sort du lac Keferla et el-Karoun (?), aux environs de Damas. Arrivé au lac Fétide, le Jourdain le traverse jusqu'à la moitié, sans mélanger ses eaux avec celles du lac, dans le centre duquel il s'engouffre. On ne s'explique pas comment un fleuve aussi considérable que le Jourdain n'influe pas sur la crue on la diminution des eaux du lac. D'ailleurs, on a fait relativement au lac Fétide de longs récits que nous avons reproduits dans nos Annales historiques et dans l'Histoire moyenne. Nous y avons parlé aussi des pierres qu'on retire de ce lac, et qui ont deux formes analogues à celle du melon. Ces pierres, connues sous le nom de pierres de Judée, ont été décrites par les philosophes, et sont employées en médecine contre les calculs urinaires. On les divise en deux espèces : les mâles et les femelles ; les premières sont employées pour le traitement des hommes et les autres pour celui des femmes. On extrait également de ce lac le bitume nommé elkomar (). Il n'y a pas, dit-on, dans le monde d'autre lac qui ne renferme ni poissons, ni, en général, aucun être vivant, excepté celui dont nous parlons, et un autre lac sur lequel j'ai navigué dans l'Azerbaïdjan : il est situé entre les villes d'Ourmiah et de Méragah, et reçoit dans le pays le nom de Keboudan. Plusieurs auteurs anciens ont expliqué les causes de cette absence complète d'êtres animés dans le lac Fétide ; mais, bien qu'ils n'aient fait aucune mention de celui de Keboudan, il est permis de conclure, par analogie, que ce phénomène est déterminé par les mêmes causes dans les deux lacs.

Le roi de Syrie es-Someida, fils de Houbar, fils de Malek, marcha contre Josué, fils de Noun, et, après plusieurs combats, fut tué par ce dernier, qui s'empara de son royaume ; mais bientôt plusieurs autres géants alliés aux Amalécites l'attaquèrent, et la Syrie devint le théâtre d'une longue guerre. Josué gouverna les Israélites, après la mort de Moïse, pendant vingt-neuf ans. Sa généalogie était Josué, fils de Noun, fils d'Éphraïm, fils de Joseph, fils de Jacob, fils d'Isaac, fils d'Abraham. On croit que le premier combat que Josué livra à es-Someida, roi des Amalécites, eut lieu dans le pays d'Eïlah, près de Madian. Cette circonstance est mentionnée dans les vers suivants de Awf, fils de Saad, le Djerhomite :

N'as-tu pu vu à Eïlah la chair de l’Amalécite (Someida), fils de Hou-bar, mise en lambeaux,

Lorsqu'il fut attaqué par une armée de quatre-vingt mille Juifs, protégés ou non par des boucliers)

Ces cohortes d'Amalécites, qui se traînaient péniblement et grimpaient sur ses traces,

On ne les a plus rencontrées entre les montagnes de la Mecque, et personne depuis lors n'a revu es-Someida.

Dans une bourgade du district de Balka, en Syrie, vivait un homme nommé Balam, fils de Baour, fils de Samoun, fils de Ferestam, fils de Mab, fils de Lout, fils de Haran, et dont les prières étaient exaucées par Dieu. Sou peuple le poussa à appeler les malédictions du ciel sur Josué, fils de Noun ; mais, ses imprécations étant restées stériles, il engagea un des rois amalécites à envoyer les plus belles de ses femmes dans le camp de Josué. L'armée des Israélites se précipita, en effet, sur ces femmes ; mais la peste se déclara parmi eux et enleva quatre-vingt-dix mille hommes, et même un plus grand nombre, d'après le dire de quelques auteurs. C’est de ce Balam que Dieu a dit dans le Koran « qu'il reçut les signes (de la grâce divine), mais qu'il devint apostat. » (vii, 174.) Josué, fils de Noun, mourut, dit-on, à l'âge de cent dix ans. Après lui les enfants d'Israël furent gouvernés par Kaleb, fils de Youfanna, fils de Bared (Pères), fils de Juda. Josué et Kaleb sont les deux hommes « auxquels Dieu a accordé ses bienfaits. » (Kor. v, 26.)

J'ai trouvé dans un autre texte qu'après la mort de Josué Kouchan el-Koufri (Couchan Richataïn ?) fut le chef des enfants d'Israël pendant huit ans, et à sa mort il eut pour successeur Amyaïl, fils de Kabil (Athaniel, fils de Kenaz ?), de la tribu de Juda, lequel régna quarante ans et tua Kouch, le géant, qui résidait à Mab (Debbah), dans le pays de Balka. Après lui les Israélites tombèrent dans l'infidélité, et Dieu les assujettit à Kanaan pendant vingt ans. Quand ce roi mourut, Amlal el-Ahbari (Eli, le grand prêtre ?) les gouverna durant quarante ans. Samuel (Chamwil) lui succéda jusqu'à l'avènement de Saül (Talout), sous le règne duquel eut lieu l'invasion de Goliath (Djalout), le géant, roi des Berbers de Palestine.

D'après la première tradition que nous avons déjà citée, le chef des Israélites, après Josué, fut Kaleb, fils de Youfanna ; puis ils furent gouvernés par Fenhas, fils d'Eléazar, fils d'Aaron, fils d'Amran, pendant trente ans. Fenhas, pour préserver les livres de Moïse, les déposa dans un coffre de cuivre dont il souda l'orifice avec du plomb, et qu'il porta sur le rocher où le temple devait être élevé plus tard. Ce rocher se fendit et laissa voir une caverne renfermant un second rocher, sur lequel le coffre fut déposé : puis le rocher se referma et reprit sa forme première. A la mort de Fenhas, fils d'Éléazar, les Israélites furent soumis par Kouchan el-Atim (Richataïm), roi de la Mésopotamie, qui les asservit et les persécuta pendant huit ans. Anyaïl (Atinel), fils de Youfanna, frère de Kaleb, de la tribu de Juda, fut leur chef durant quarante ans. Ils passèrent ensuite sous le joug oppressif d'Aloun (Eglon), roi de Moab, qui régna dix-huit ans. Après lui Ehoud, de la tribu d'Ephraïm, fut leur juge pendant cinquante-cinq ans. La trente-cinquième année de son règne coïncide avec la quatre millième du monde ; mais ceci est matière à controverse parmi les chronologistes. Chaan (Chamgar), fils d'Éfaoud, gouverna durant vingt-cinq ans. Failach (Yabin), le Cananéen, roi de Syrie, assujettit les Israélites pendant vingt ans. Il eut pour successeur une femme du nom de Débora, que l'on considère comme sa fille ; celle-ci régna pendant quarante ans, et associa à son pouvoir un homme de la tribu de Neftali, qui se nommait Barak. Après elle les Israélites obéirent à des chefs madianites, tels que Ourib, Zawib, Banioura, Dara et Salta, pendant une période de sept ans et trois mois. Gédéon (Djidaoun), de la tribu de Manassé, qui extermina ces chefs madianites, régna quarante ans. Le règne de son fils Abimélech (Abou-Malikh) fut de trois ans et trois mois. Ses successeurs furent Toula, de la tribu d'Éphraïm, qui régna vingt-trois ans ; Yamin (Yaïr), de la tribu de Manassé, vingt-deux ans ; les rois d'Ammon, dix-huit ans ; Nahchoun (Absan), de Bethlehem, sept ans ; Chinchoun (Samson), vingt ans ; Amlah, dix ans, et Adjran huit ans. Les rois des Philistins les tinrent ensuite sous leur joug pendant quarante ans, et après eux Ailan (Élie), le grand prêtre, les gouverna pendant quarante ans.

De son temps, les Babyloniens vainquirent les Israélites, leur enlevèrent l'arche, qui avait été l'instrument de leurs victoires, et la transportèrent à Babel ; ils arrachèrent les Israélites à leurs foyers et à leurs familles. A la même époque arriva ce qui est raconté de peuple d'Ézéchiel (Hizkiel) « qui, au nombre de plusieurs milliers d'hommes, quittèrent leur pays de peur de mourir, et que Dieu, après leur avoir dit, Mourez, rappela à la vie. » (Koran, ii, 244.) La peste les décima, et il ne resta que trois tribus, dont l’une se réfugia au milieu des sables, l'autre dans une ile, et la troisième sur le sommet des montagnes. Après de longues épreuves, ils revinrent dans leurs demeures, et dirent à Ezéchiel : « As-tu jamais vu un peuple souffrir ce que nous avons souffert ? » « Non, répondit-il, je n'ai jamais entendu parler d'un peuple qui ait fui devant Dieu comme vous l'avez fait. » Sept jours après, Dieu leur envoya la peste, et ils moururent tous jusqu'au dernier d'entre eux.

Après Ailan le grand prêtre, régna Samuel (Ichmawil) fils de Barouhan (Yerouham), fils de Nafaour. Ce prophète séjourna vingt ans parmi les Israélites ; Dieu éloigna d'eux la guerre et rétablit leur fortune. Mais ils retombèrent dans de nouveaux troubles et ils dirent à Samuel : « Donne-nous un roi, afin que nous combattions dans la voie de Dieu. » (Koran, ii, 247.) Dieu lui ordonna de conférer la royauté à Talout, qui est le même que Saül (Chaoul), fils de Kich, fils d'Atial (Abïel), fils de Saroun (Seror), fils de Nahourab (Bakhorad), fils d'Afiah, fils de Benjamin, fils de Jacob, fils d'Isaac, fils d'Abraham. Dieu le revêtit donc de l'autorité, et jamais les Israélites n'avaient été unis comme ils le furent sous Saül. Entre la sortie des enfants d'Israël de l'Egypte, sous la conduite de Moïse, et le règne de Saül, on compte une période de cinq cent soixante et douze ans et trois mois. Saül fut d'abord tanneur, et il préparait le cuir ; aussi lorsque le prophète Samuel dit aux Israélites, « Dieu vous envoie Saül en qualité de roi, » ils répondirent, ainsi que Dieu nous l'apprend dans son livre : « Comment pourrait-il régner sur nous ? Nous sommes plus dignes de la souveraineté que lui, car il ne possède pas même des richesses, etc. » (Koran, ii, 248.) —« Le signe de la royauté, répondit le prophète, sera le retour de l'arche, qui est pour vous un gage de sécurité de la part de Dieu, etc. » (Ibid. 249.) En effet, l'arche sainte était à Babel depuis dix ans ; mais dès le lendemain, au point du jour, ils entendirent le frôlement des anges, qui la rapportaient.

Goliath (Djalout) avait affermi sa puissance et accru le nombre de ses soldats et de ses généraux. Jaloux de l'obéissance des Israélites envers Saül, il sortit de la Palestine et marcha contre lui à la tête de différentes races de Berbers. Ce Djalout était fils de Maloud, fils de Debal, fils de Hattan, fils de Farès. Lorsqu'il eut envahi les plaines des Israélites, Saül, d'après l'ordre de Samuel, sortit avec son armée pour combattre Goliath. Ce fut alors que Dieu leur envoya une épreuve auprès d'une rivière qui sépare le Jourdain de la Palestine, et qu'il leur infligea les tourments de la soif, ainsi qu'il est raconté dans le Koran (ii, 250). Les Israélites furent instruits de la manière dont ils devaient boire ; ceux qui doutèrent lapèrent l'eau à la façon des chiens, et furent exterminés jusqu’au dernier par Goliath. Saül choisit ensuite trois cent treize de ses plus vaillants soldats, parmi lesquels se trouvaient David et ses frères. Les deux armées se rencontrèrent, et, le sort de la bataille restant indécis, Saül, pour encourager ses troupes, promit le tiers de son royaume et la main de sa fille à celui qui combattrait Goliath. David marcha contre cet ennemi, et le tua avec une pierre qu'il avait dans son sac de berger, et qu'il lança au moyen d'une fronde. Goliath périt sur-le-champ, comme on lit encore dans le livre saint : « Et David tua Goliath. » (Ibid. 2 52.) On raconte que David avait dans son sac trois pierres qui se réunirent et formèrent une seule pierre, avec laquelle il tua Goliath. Quant aux différents récits qui se rattachent à ce fait, on peut consulter nos ouvrages précédents. On dit aussi que ce fut Saül qui extermina ceux qui lapèrent l'eau de la rivière et désobéirent ainsi aux ordres qu'ils avaient reçus. Nous avons déjà raconté l'histoire de la cotte de mailles au sujet de laquelle le prophète des Israélites leur annonça que celui-là seul qui pourrait la revêtir tuerait Goliath ; et, en effet, David seul put s'en couvrir. Pour ce qui concerne le détail de ces guerres, l'histoire du fleuve qui tarit, le récit du règne de Saül, les Berbers et leur origine, nous renvoyons le lecteur à nos Annales historiques. Plus bas, et dans un chapitre plus approprié à ce sujet, nous donnerons un résumé de l'histoire des Berbers et de leur dispersion sur la terre.

Dieu grandit le nom de David et abaissa celui de Saül, qui avait refusé de remplir ses engagements envers David. Cependant, voyant la popularité qui entourait celui-ci, Saül lui donna sa fille en mariage et lui concéda un tiers de ses revenus, de son autorité et de ses sujets. Mais la jalousie que lui inspirait David l'aurait porté à le faire périr dans une embûche, si Dieu ne l'en avait empêché. David, au contraire, ne chercha jamais à lui disputer le pouvoir, et sa gloire ne fit que s'accroître tant que Saül resta sur le trône. Ce roi mourut une nuit dans un violent désespoir, et les Israélites se soumirent à David. La durée du règne de Saül fut de vingt ans. On dit que c'est près de Beisan, dans le Gour ou région inférieure du Jourdain, que Goliath fut tué. Dieu ramollit le fer sous les mains de David, qui en fit des cottes de mailles ; Dieu lui soumit aussi les montagnes, et permit aux oiseaux de chanter ses louanges avec David. Ce roi combattit le peuple de Moab, dans le pays d'el-Balka. Il reçut du ciel le psautier en hébreu, composé de cent cinquante chapitres, et divisé en trois parties : la première prédit les rapports des Israélites avec Bokhtnaçar (Nabuchodonosor) et l'histoire de ce roi ; la seconde, le sort que leur réservaient les Assyriens ; la troisième renferme des prédications et des exhortations, ainsi que des cantiques et des prières. On ne trouve dans ce livre ni commandement, ni défense, ni aucune prescription ou interdiction. Le règne de David fut prospère, et sa puissance inspira du respect aux peuples infidèles jusqu'aux extrémités du monde. Il bâtit un temple pour le culte de Dieu dans le Kour Selam, c'est-à-dire à Jérusalem (beit el-moqaddes) ; ce temple, qui existe encore aujourd'hui, 332 de l'hégire, est connu sous le nom d'Oratoire (Mihrab) de David. C'est maintenant le point culminant de la ville, et l'on aperçoit de là le lac Fétide et le Jourdain, dont nous avons parié ci-dessus. L'histoire de David et des deux plaideurs est racontée par Dieu dans le Koran, ainsi que la sentence que ce roi prononça avant d'avoir entendu l'autre plaideur : « Il a agi iniquement à son égard, etc. » (xxxviii, 23.) On n'est pas d'accord sur la nature du crime commis par David. Les uns, adoptant notre manière de voir, nient tout acte de révolte ou d'impiété volontaire de la part des prophètes, parce qu'ils sont présanctifiés (mâsoum) ; ils croient donc que le péché de David consiste dans cette sentence inique. C'est ce que confirme ce verset : « O David, nous l'avons établi notre vicaire sur la terre, juge les hommes selon la vérité. « (Sur. xxviii, 25.) D'autres allèguent l'histoire et le meurtre de Ouria (Urie), fils de Haïan, comme le racontent « les livres des origines, etc. » Le repentir de David fut exaucé après quarante jours de jeune et de larmes. Il épousa cent femmes. Salomon, son fils, ayant grandi, assista son père dans l'exercice de la justice, et reçut de Dieu les dons de prophétie et de sagesse, comme le dit le saint livre : « Nous avons donné à chacun d'eux la sagesse et la science, etc. » (xxi, 79.) David avant de rendre son âme à Dieu désigna son fils Salomon comme son successeur. Il avait régné quarante ans sur la Palestine et le Jourdain. Son armée se composait de soixante mille hommes portant l'épée et le bouclier ; die ne comptait que des jeunes gens encore imberbes, mais pleins de courage et de vigueur.

A cette époque vivait, dans le pays d'Aïlah et de Madian, Lokman le Sage, dont le nom entier est Lokman, fils d'Anka, fils de Mezid, fils de Saroun ; c'était un Nubien, affranchi de Lokaïn, fils de Djesr. Il naquit dans la dixième année du règne de David. Ce fut un esclave vertueux auquel Dieu accorda le don de la sagesse ; il vécut, et ne cessa de donner au monde l'exemple de la sagesse et de la piété, jusqu'à l'époque de la mission de Jouas, fils de Matta, chez les habitants de Ninive, dans le pays de Moçoul.

Après la mort de David, Salomon, son fils, hérita, de son caractère prophétique et de sa sagesse. Il étendit sa justice sur tous ses sujets, rendit ses États florissants et maintint la discipline dans son armée. Ce fut Salomon qui bâtit « la maison de la sainteté, » c'est-à-dire la mosquée el-Aksa, que Dieu a entourée de ses bénédictions. Après avoir terminé cet édifice, il bâtit pour lui-même une maison qu'on nomme aujourd'hui Keniçet el-Komamah, et qui est la principale église (Saint-Sépulcre) des chrétiens de Jérusalem ; mais ils ont encore dans cette ville d'autres églises vénérées, telles que l'église de Sion, nom que mentionne déjà David, l'église d'el-Djesmanieh (l’Incarnation), qui renferme, selon eux, le tombeau de David, etc. Dieu rendit Salomon plus puissant que tous ses prédécesseurs ; il soumit à son pouvoir les hommes, les génies, les oiseaux et les vents, ainsi qu'il l'a révélé dans son saint livre. (Koran, xxi et xxxviii). Salomon régna sur les Israélites pendant quarante ans, et il mourut à l'âge de cinquante-deux ans.

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[1] Le lecteur qui voudrait des renseignements plus étendus pourra consulter la notice publiée par Deguignes dans le tome Ier des Notices et extraits, celle de S. de Sacy dans le tome VIII du même recueil ; un mémoire d'É. Quatremère dans le Journ. asiat. 1839, t. VII, p. 5 et suiv. d'Ohsson, Des peuples du Caucase, p. 3 et suiv. ; M. Reinaud, Introduction à la géographie des Orientaux, p. 44 et suiv. et l'article Masoudy, du même savant, dans la Biographie générale de F. Didot, t. XXXIV, p. 147.

[2] M. de Kremer a trouvé, en 1849, à Alep une copie ancienne qui, selon Rödiger, renferme le premier volume de l’Akhbar ez-zeman. (Voyez le Journal de la Société asiatique allemande, tome V, p. 429.)

[3] Un écrivain dont l'érudition est rehaussée par l'éclat du style, M. E. Renan, a établi entre Maçoudi et Pausanias une sorte de parenté qu'il nous semble difficile d'admettre. Le voyageur grec est un artiste, un poète plein d'amour pour les fictions de la mythologie et d'admiration pour les chefs-d'œuvre de la Grèce ; sa description ne dépasse pas les limites de son pays natal. Le voyageur musulman est un auteur cosmopolite, moins enthousiaste, mais plus curieux, et qui a pris la terre pour champ d'observations. Pausanias, Grœcorum omnium mendacissimus, comme le nommait Scaliger, ne craint pas de se donner comme le témoin oculaire d'une foule de faits merveilleux. La bonne foi de Maçoudi ne peut jamais être révoquée en doute ; ses souvenirs l'égarent quelquefois, mais il n'est jamais la dupe de son imagination. Il y a du sophiste dans l'un, il n'y a dans l'autre qu'une curiosité naïve, mais toujours sincère.

[4] Dans l'ouvrage intitulé Scriptorum Arabum de rebus indicis loci et opuscula. Bonn, 1838, 1er fascicule.

[5] Mémoire sur l'Inde; Relation des voyages faits par les Arabes et les Persans dans l'Inde et à la Chine, et autres ouvrages.

[6] Les variantes des divers manuscrits n’ont pas été reproduites.