Introduction
Œuvre numérisée par Marc Szwajcer
EN SYRIE, EN PALESTINE, EN EGYPTE, EN ARABIE ET EN PERSE,
PENDANT LES ANNÉES DE L'HÉGIRE 437 — 444 (1035 — 1042)
PUBLIÉ, TRADUIT ET ANNOTÉ
PAR
CHARLES SCHEFER
MEMBRE DE L'INSTITUT,
PREMIER SECRÉTAIRE INTERPRETE DU GOUVERNEMENT,
ADMINISTRATEUR DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE L’ECOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28.
1881
Avant de donner une analyse succincte du Séfer Namèh et d’en faire remarquer l’importance, je ne crois pas inutile de dire quelques mots sur son auteur. Je ne le fais pas sans éprouver quelque appréhension, car nous ne possédons sur la vie de Nassiri Khosrau que des renseignements fort incomplets, et ses écrits et ses idées ont été l’objet des appréciations les plus contradictoires. Parmi les écrivains orientaux, les uns, le considérant comme un homme remarquable par la pureté de ses sentiments religieux, lui prodiguent des louanges hyperboliques ; les autres le traitent d’impie et de blasphémateur, comme professant des opinions matérialistes et ne reconnaissant aucune des lois divines. On lui attribue quelques vers dont le fond et la forme sont également grossiers et qui feraient croire qu'il niait la résurrection de la chair, un des dogmes fondamentaux de l'islamisme. Nassiri Thoussy a, dit-on, par un quatrain, réfuté les vers de Nassir.[1] On l'a accusé aussi de croire à la métempsycose ; on a prétendu qu'il était Dehery (libre-penseur) ou Barzakhy, c'est-à-dire déiste, n'inclinant vers les croyances d'aucune des sectes de l'islamisme. On a dit encore qu'il était chiite Esna achary (reconnaissant les douze Imams) ou Saba'y, c'est-à-dire Bathinien, n'admettant que les sept premiers Imams, et enfin qu'il avait été affilié aux Ismaïliens, avait fait de la propagande pour eux et en avait reçu le titre ou le surnom de Houdjet.[2]
Les mêmes divergences d'opinion se produisent au sujet de la date et du lieu de sa naissance ; quelques biographes le disent originaire d’Ispahan, d'autres du Khorassan, mais sans désigner la ville dans laquelle il aurait vu le jour.
Les accusations de matérialisme et d'impiété portées contre Nassiri Khosrau me semblent absolument fausses pour la dernière période de sa vie et il est facile d'établir, par des citations de ses ouvrages, que, s'il a quelquefois, dans le Rouchenay Namèh, exposé des doctrines qui étaient examinées et discutées dans le monde savant musulman, il n'a jamais cessé, à partir du jour où il renonça à ses écarts passés et où il résolut de se rendre à la Mekke, d'affirmer sa croyance aux dogmes fondamentaux de l'islamisme et de recommander les préceptes de la morale la plus pure.
Quant à ce qui concerne la vie de notre auteur, il me paraît convenable de rapporter tout d'abord les passages des écrivains persans qui nous ont donné quelques détails sur sa personne, car je n'ai trouvé dans les auteurs arabes aucun fait qui lui fût relatif.[3]
Zekerya ibn Mohammed el Qazviny rapporte une sorte de tradition fabuleuse sur Nassiri Khosrau dans le traité géographique qu'il publia en 674 (1276) sous le titre de « Açar oul bilad ou Akhbar oul bilad » (Monuments des pays et histoire des peuples). Dans l'article consacré à Yemgan, place forte située dans les montagnes de Balkh, Qazviny raconte, en s'appuyant sur le témoignage de l’émir Houssam ed-Din Aboul Moueyyed ibn Na'aman, que Nassiri Khosrau avait été roi de Balkh[4] et que, le peuple de cette ville s'étant révolté contre lui, il s'était réfugié à Yemgan qui lui offrait toute sécurité à cause de la solidité de ses fortifications ; il y fit planter des jardins et y bâtit des palais et des bains. Ces édifices, élevés par des moyens magiques, sont, de la part de l'émir Houssam ed-Din, l'objet d'une description merveilleuse, et il assure que, de son temps, ils étaient encore entre les mains des héritiers de Nassir qui avait constitué pour leur entretien des legs considérables.
Un historien du XIVe siècle, Hamdoullah Moustanfy (750 [1349]), a publié une sorte de chronique générale à laquelle il a donné le nom de Tarikhi Gouzidèh (Histoire choisie). Il consacre quelques lignes à Nassiri Khosrau. « Nassiri Khosrau, dit-il, est, parmi les chiites, l'objet d'une vénération exagérée. Les gens qui appartiennent à cette secte considèrent ses paroles comme des arrêts. Il connaissait à fond les sciences naturelles et philosophiques. Il était contemporain du Fathimite Mostansser et il faisait de la propagande pour Nezar. Il vécut près de cent ans. Il naquit en l'année 385 (995). Il a composé des poésies sublimes, mais elles ne sont point exemptes de fanatisme. Le Rouchenay Namèh est une de ses compositions poétiques. »
Daoulet Chah qui écrivait à la fin du XVe siècle son Tezkiret ouch Chouara, y a donné place à quelques poésies de Nassir, mais il se borne à dire, en fait de renseignements biographiques, que Nassiri Khosrau aurait été le contemporain de rnd-tan Mahmoud le Ghaznévide et d'Abou Aly ibn Sina (Avicenne) auquel l'auraient uni les liens de l'amitié ; mais il s'empresse d'ajouter que les assertions émises sur lui, sont des contes populaires et qu'il n'en a trouvé trace, ni dans les livres d'histoire, ni dans aucun autre ouvrage. « J'ai questionné au sujet de Nassiri Khosrau, ajoute Daoulet Chah, le prince de Badakhchan, Chah Sultan Mahmoud ; il m'a répondu que tout ce que l'on débitait sur son compte était un tissu de fables indignes de toute créance. »
Djamy ne paraît pas avoir eu sous les yeux les enivres de Nassir, ou du moins son Séfer Namèh. « Nassiri Khosrau, dit-il dans son Beharistan, a usé avec une grande habileté de toutes les ressources de l’art poétique. Il possédait, d'urne manière complète, les sciences naturelles, mais on l'accuse d'avoir eu des opinions religieuses erronées et d'avoir été enclin à l'irréligion et à l'impiété. Il a écrit une relation de ses voyages dans la plus grande partie des contrées de la terre, et il y fait le récit en vers des entretiens qu'il a eus avec des savants. Djamy termine sa notice par quelques vers de Nassir cités par Aïn oul Qoudhat.[5]
Khondémir, dans son Habib ous Sier, ne dit que peu de mots de Nassiri Khosran et assure qu'il naquit en 358 (968). L'auteur du Dabistan oul Mezahib reporte la naissance de notre auteur à mie année plus tard ; ce dernier écrivain paraît avoir connu le Séfer Namèh, car il précise avec exactitude la durée du voyage de Nassiri Khosrau en Egypte et à la Mekke, et il donne, sur les motifs qui le forcèrent à s'enfuir du Khorassan et à se réfugier dans le Badakhchan, quelques courts détails qui me semblent exacts. Enfin Riza Qouly Khan a inséré, dans son Medjma oul fousseha (La réunion des hommes éloquents), mi certain nombre de pièces de poésies tirées du divan de Nassir ; il ne nous fait connaître aucun fait nouveau, et fixe seulement à l'année 394 (1003) la date de la naissance du poète.
Un écrivain chiite, Taqy ed-Din Mohammed Kachy, [6] a traduit en persan une autobiographie que Nassiri Khosrou aurait écrite en arabe dans les derniers jours de sa vie et à laquelle il aurait donné le titre de Rissalet en Nedamèh fi zad il qiamèh (Traité du repentir pour servir de viatique au jour de la résurrection). Cet opuscule est rempli de détails fabuleux ; il est cependant possible à en tirer quelques renseignements utiles. Hadji Louthf Aly beik Azer a cru devoir l'insérer en entier, dans la biographie des poètes qu'il a composée.[7]
Je donne ici la traduction du passage relatif aux études faites par Nassir ; il me paraît curieux, comme donnant le tableau des études auxquelles devait s'être livré celui qui pouvait aspirer au titre de Hekim ; je me contenterai d'une analyse succincte pour h, partie embrassant les épisodes mensongers des voyages de Nassir en Egypte, à Bagdad et dans le Guilan.
« Voici ce que dit l'humble esclave Aboul Mouïn Nassir, fis de Khosrou, descendant d'Aly ; il implore la miséricorde de Dieu pour ses péchés et il espère que ses fautes trop nombreuses lui seront pardonnées. Lorsque je pus distinguer ma main gauche de ma main droite, j'éprouvai le désir d'acquérir toutes sortes de connaissances. J'eus le bonheur d'apprendre, à l'âge de neuf ans, le Coran par cœur et de pénétrer les mystères des révélations que Dieu a faites à notre Prophète. Je passai ensuite cinq années à m'occuper de la lexicologie, de la grammaire et de la syntaxe, de la prosodie et de la poétique, des étymologies et des traités relatifs au calcul et aux comptes.
A l'âge de quatorze ans, j'abordai l'étude de l'astrologie, de l'astronomie, de la divination par le sable, [8] de la géométrie d'Euclide, de l'almageste d'après les méthodes différentes des maîtres de l'école de Baçrah et des Grecs modernes, des Indiens, des Grecs de l'antiquité et des Babyloniens.
De quatorze à dix-sept ans, j'étudiai la jurisprudence, les traditions, les commentaires du Coran, le Nassikh ouel Menssoukh, [9] les différentes manières de psalmodier le Coran, le Djami oul Kebir, le Seïr Kebir de l'Imam Mohammed, fils de Hassan Cheïbany, de la secte Hanéfite, [10] et j'appris par cœur le Chamil, publié par mon aïeul Aly, fils de Moussa er-Riza. Je ne trouvai que de légères différences entre ces ouvrages, celui de mon aïeul et ceux de Cheïbany. Je Im un grand nombre de livres usuels, traitant de l'art épistolaire et de sujets historiques, et neuf cents commentaires du Coran que j'étudiai, soit sous la direction d'un maître, soit seul.
A l'âge de trente-deux ans, j'appris les langues dans lesquelles ont été écrits les trois livres révélés, le Pentateuque, les Psaumes et l'Évangile, et je passai six années à les lire et à les méditer avec des maîtres, tels que Semraqis, Himourays et Bethlemious Açghar. Après avoir affermi mes connaissances dans l'étude des différentes sectes, j'abordai la grande logique, les Apophtegmes de Djamasp[11] sur les connaissances divines et naturelles, le grand canon de la médecine, [12] les mathématiques transcendantes, l'économie commerciale et politique et le carré magique, que Dieu révéla au prince des fidèles Aly, fils d'Abou Thalib, lorsqu'il arracha la porte de Khaibar.[13]
A partir de l'âge de quarante-quatre ans, j'employai six années à étudier la cabale, la magie et la sorcellerie et tout ce qui a trait aux sciences occultes et aux opinions diverses des rationalistes sur les origines et la fin du inonde. Je me rendis maître des mystères contenus dans l'ouvrage de Qostha, fils de Loitqa, de Baalbek, [14] qui avait recueilli les paroles de Jésus, sur qui soit le salut ! Je fus assuré alors, qu'il n'y avait plus de sciences que je ne connusse, et que j'avais soulevé tous les voiles de la nature.
Les décrets de la destinée me jetèrent ensuite en Egypte ; j'y exerçai les fonctions de vizir et j'y acquis une situation considérable. »
Nassiri Khosrau aurait été, selon l'auteur du Rissalet en Nedamèh, chargé de l'éducation de Nezar, fils aîné et héritier désigné du khalife Mostansser billah. Mais ce prince, irrité contre Nezar, le dépouilla de sa dignité et appela à lui succéder son fils Ahmed qui prit le surnom de Mousté' aly billah. Les partisans des Fathimites se divisèrent alors en deux partis ; celui de Mousté'aly étant devenu le plus puissant, Nassir aurait alors été contraint de s'enfuir d'Egypte et de se réfugier à Bagdad ou il aurait été favorablement accueilli par le khalife el Qaïm billah ; il attrait même été le vizir de ce prince. Privé de sa charge, il aurait été chargé d'une mission auprès du chef de la secte des Ismaïliens et se serait rendu dans le Chiilan en compagnie de son frère Abou Sayd. Bien reçu par le Day, celui-ci lui aurait demandé s'il n'était point ce fils de Khosrau dont la réputation de savant, versé dans la connaissance des sciences naturelles et occultes, était universelle. Nassir aurait d'abord essayé de nier, mais le Day lui aurait remis entre les mains un de ses ouvrages de métaphysique et de théodicée, intitulé Ikssir A'zhem (legrandélixir), et il l'aurait prié d'en commenter certains passages. Nassir aurait, sur ces entrefaites, été reconnu par un de ses anciens disciples, et le chef des Ismaïliens, au comble de la joie d'avoir auprès de lui un personnage aussi illustre, l'aurait pressé dans ses bras, en se félicitant de son heureuse fortune, et aurait refusé de le renvoyer au khalife qui le réclamait. C'est pendant son séjour dans le Guilan que Nassir aurait rédigé un commentaire sur le Coran, d'après les doctrines des Ismaïliens. Revêtu de la dignité de vizir, avec un pouvoir absolu, il aurait résigné ses fonctions entre les mains de son frère, pour pouvoir se livrer entièrement à la magie et à l'évocation des esprits qu'il soumettait à sa puissance. Résolu à s'enfuir du Guilan, il suscita au Day, par le moyen des esprits, une maladie dont aucun médecin ne put reconnaître le caractère. Celui-ci, se voyant la victime d'un sortilège, consulta Nassir et l'accusa d'être la cause de sa mort. Nassir demanda alors au fils du chef des Ismaïliens la permission d'aller cueillir, dans les environs de Damas, une plante qui devait assurer la guérison du malade. Il put s'éloigner, malgré l'opposition des ulémas et des jurisconsultes, et on lui donna une escorte de trois cents hommes. Après avoir franchi vingt et un fersengs et avoir atteint le Qouhistan, Nassir, sur le conseil de son frère, eut recours, par une invocation, à l'influence de la planète de Mars, et les gens qui l'accompagnaient, transportés de fureur, s'entr'égorgèrent jusqu'au dernier. Il put gagner alors le Khorassan et la ville de Nichapour ou U était inconnu, et alla loger dans une mosquée, avec son frère et un disciple qui s'était attaché à lui. Sa présence dans la ville fut signalée par un homme qui l'avait vu à Misr, et auquel il donna trois mille miçqal d'or pour acheter son silence. Mais son disciple, qui avait eu une discussion religieuse avec des ulémas, fut désigné à la colère populaire et massacré par la foule. A la suite de cette aventure trafique, Nassir s'éloigna de Nichapour avec son frère, et alla se réfugier dans la province de Badakhchan. Malgré la bienveillance et l’appui que lui accordait le gouverneur de Badakhchan, Yssa ibn Assad el Alewy, qui en avait fait son vizir, il eut à subir une nouvelle persécution. Le commentaire qu'il avait rédigé selon les doctrines des Ismaïliens, avait été apporté dans cette province ; Nasr oullah Saicery qui jouissait d'une grande réputation de science et de sainteté, était un sunnite fanatique ; il dénonça les propositions contenues dans cet ouvrage et rendit contre leur auteur une sentence de mort. Nassir dut s'enfuir de Badakhchan et se réfugier, avec son frère, dans une caverne située près de la ville de Yemgan. Il y vécut pendant vingt-cinq ans, se livrant aux pratiques de la dévotion la plus austère. Les gens du peuple croyaient, les uns, qu'il ne mangeait qu'une fois tous les vingt-cinq jours, les autres, que l'odeur de la nourriture suffisait à le soutenir.
Dans les derniers jours de sa vie, une voix céleste le prévint de sa fin prochaine : « Fils de Khosrou, descendant d'Aly, lui dit-elle, tu as joui de tous les biens dans les pays créés par Dieu ; tu as eu, avec ses serviteurs, des rapports de toutes sortes, le Tout-Puissant t'a fait atteindre, dans sa bonté, les limites extrêmes de la vie ; tu as parcouru la voie de toutes les sectes, les esprits t'ont obéi, ton âme s'est confondue dans celles des descendants d'Aly : voici l'instant du départ, voici le moment où doit prendre fin toute discussion ! » C'est après avoir reçu cet avertissement que Nassiri Khosrou aurait écrit sa biographie, afin qu'elle pût servir d'exemple et de leçon à ceux qui viendraient après lui. Puis, il annonça à son frère que Dieu le rappellerait à lui un vendredi du mois de Reby oul evvel, alors que le soleil se trouverait dans le signe du Lion et la lune dans celui du Cancer. « O mon frère, lui dit-il, lorsque s'accomplira la parole de l'Éternel qui a dit : « O âme rassurée sur ton sort, retourne vers Dieu, satisfaite et agréable à Dieu[15] » ne néglige point de faire connaître les pages que je viens d'écrire à ceux qui professent l'islamisme. Sache, ô mon frère, que le Dieu très saint est toute justice et toute vérité ; lui seul réunit tous les attributs de la perfection ; lui seul est exempt de l'amoindrissement et de la destruction. Il a inspiré les livres saints et il a envoyé ses prophètes et ses anges vers les hommes. La résurrection de la chair, au jour du jugement, est une vérité, car Dieu est le créateur de la partie et du tout. La descente de Djebrayl du ciel pour porter les révélations divines au Prophète est une vérité. Le passage sur le Sirath et les tourments du tombeau sont des vérités. Le plus parfait des prophètes a été celui dont nous suivons la loi, et parmi les khalifes qui lui ont succédé, le plus généreux, le plus instruit, le plus vaillant, celui qui est leur chef, est notre noble aïeul, Aly, fils d'Abou Thalib, le prince des croyants, que les bénédictions et la paix de Dieu reposent sur lui !' Puis, après avoir rappelé une discussion qu'il aurait eue avec Fariaby au sujet de la résurrection, il fit à son frère les recommandations nécessaires sur la manière dont il voulait être enterré, et le chargea d'annoncer sa mort au prince, aux docteurs de la loi et aux savants. Il lui donna aussi l'ordre de brûler l'ouvrage qu'il avait composé sur la science des anciens Grecs, et celui qu'il avait écrit sur la magie et les choses surnaturelles, bien que ce dernier livre eût une grande réputation ; enfin il le pria d'envoyer à son cousin Mançour son Qanouni Azhem, et de remettre au maître des sages, Yssa ibn Assad el Alewy, son Zadeî Mussafirin (Le viatique des voyageurs), au qadhi de Badakhcham, Nasr oullah, son traité de jurisprudence intitulé el Destour el Azhem (Le grand manuel), et le recueil de ses poésies à Chah, fils de Guiv, de Yemgan. Il laissait tous les autres livres à son frère, en lui permettant d'en disposer comme il l’entendrait. J'omets les autres recommandations qui sont empreintes de merveilleux. La relation se termine par le récit de l'agonie de Nassir qui expira après avoir prononcé la profession de foi chiite, attestant qu'il n'y a de Dieu qu'Allah, que Mohammed est son prophète et qu'Aly est le vicaire de Dieu.
Telle est la légende merveilleuse que Hadji Louthf Aly beik a cru devoir insérer en entier dans son Atech Kedèh, et à laquelle des écrivains sérieux n'ont pas craint d'emprunter quelques détails. Je vais maintenant essayer de donner, sur la personnalité de Nassiri Khosrau, quelques notions précises que je tirerai, soit de son Séfer Namèh, soit du recueil de ses œuvres poétiques.
Il paraît hors de doute que l'auteur du Séfer Namèh et du Ronchenay Namèh descendait, à la huitième génération, de l'imam Aly er Riza, fils de l'imam Moussa dont le tombeau, à Mechhed, est l'objet d'une vénération particulière. Ses ancêtres quittèrent Bagdad pour venir s'établir à Balkh ou à Qobadian, qui étaient à cette époque rattachés à la province du Khorassan. Lui-même désigne la ville de Balkh comme la résidence de sa famille. « O brise de l'après-midi, s'écrie-t-il, si tu passes sur le pays de Balkh, passe sur ma maison et enquiers-toi de l'état des miens. »
Il vit le jour en l'année 394 (1003), ainsi qu'il nous l'apprend lui-même. « Il s'était écoulé trois cent quatre-vingt-quatorze ans depuis l'Hégire, quand ma mère me déposa dans cette demeure poudreuse. Je poussai, ignorant de tout, et semblable à une plante qui naît de la terre noire et de l'eau que l'on verse sur elle goutte à goutte. Je passai de l'état végétatif à l'état animal, et je fus, pendant quelque temps, comme un petit oiseau qui n'a point encore ses plumes. C'est à la quatrième période que je sentis que j'appartenais à l'humanité, lorsque mon être, voué à la tristesse, put articuler des paroles.[16] »
Avant de faire partie de l'administration des finances à Merw Chahidjan, il avait déjà entrepris des voyages dans le Moultan et dans le nord de l'Inde, et peut-être avait-il été au service de sultan Mahmoud le Ghaznévide et de son fils Mess'oud, dont il nous dit avoir vu la cour. Quoiqu'il en soit, il était un des fonctionnaires de Thoghroul beik et son frère, Aboul Feth Abdoul Djelil, était attaché au vizir de l'émir du Khorassan, Djaghry beik, frère de Thoghroul, quand, en 437 (1045), un saint personnage lui apparut en songe et lui reprocha sa vie dissipée, ses erreurs et ses transgressions continuelles des lois divines. Nassir demanda quelle voie il devait suivre et, sur un signe qu'il crut lui indiquer la direction de la Mekke, il se démit de son emploi, rendit ses comptes et se mit en route avec son frère, nommé Abou Sayd selon l'auteur du Rissalet en Neda-mèh, et un petit esclave indien, pour un voyage qui devait durer sept ans. Nassir en parle, en termes généraux, dans une pièce de poésie, et il y dit, comme dans sa relation, qu'il avait plus de quarante ans lorsqu'il partit du Khorassan.
« La voûte céleste avait mesuré pour moi quarante-deux ans ; mon être doué de la parole avait cherché à connaître la raison suprême. J'avais écouté les leçons d'un savant sur l'ordonnance du firmament, la rotation des jours et tout ce qui a été créé ; j'avais lu tous les livres. Je me trouvais supérieur à tous mes semblables, mais je me dis qu'il devait y avoir m être plus parfait que toutes les créatures : tels le faucon parmi les oiseaux, le chameau parmi les animaux, le palmier parmi les arbres et le rubis parmi les pierres ; tels aussi le Coran parmi les livres et la Ka'abah parmi les édifices ; ainsi le cœur est la partie la plus noble de l'homme et le soleil le premier des astres.
Le chagrin causé par l'ignorance avait donné à mon visage la couleur de la rose jaune ; il avait courbé prématurément comme une voûte le cyprès de ma taille. L'homme est comme le musc, mais la science est le parfum ; le savant est semblable à une mine et la science en est la pierre précieuse.
Je quittai le lieu où je résidais et j'entrepris un voyage. J'oubliai ma démettre, les jardins et les pavillons de plaisance. J'avais, pour donner satisfaction à mon désir, étudié le persan, l'arabe, l'indien, le turc, le sindien, le grec, l'hébreu, la philosophie de Many, et les doctrines des Sabéens et des rationalistes.
Souvent, dans le cours de mon voyage, je n'ai eu que la pierre pour matelas et pour oreiller ; souvent les images m'ont servi de tente et de pavillon. Tantôt je descendais dans les profondeurs de la terre, jusqu'au poisson qui la supporte ; tantôt, sur les sommets des montagnes, je m'élevais plus haut que les Gémeaux. J'étais parfois sur la mer, et parfois sur les monts. Souvent je parcourais des pays sans route tracée ; j'étais, tantôt dans un endroit habité, tantôt dans un désert de sable. Je traversais des rivières, je franchissais des défilés ; j'avais quelquefois, comme le chameau, une corde au cou, quelquefois, comme le mulet, je fléchissais sous le poids d'une charge. J'allais de ville en ville, questionnant et m'informant (de la vérité), la cherchant dans ma course d'une mer à une terre. »
Nassiri Khosrow termine son récit par une allégorie qui me semble indiquer son arrivée à Misr et son initiation aux doctrines qui y étaient professées. Il trouve une ville s'élevant dans une plaine couverte de fleurs, et dont l'eau était aussi douce que le miel. Il aborde celui qui en garde la porte ; il se fait connaître et exprime ses désirs. Bannis tout souci, lui est-il répondu, car de ta mine vont sortir des pierreries. « Ce lieu, demande-t-il, est donc un firmament plein de joyaux ! Non, c'est le paradis qui renferme de ravissantes beautés.[17] »
Lorsque Nassir entreprit son voyage, l'Orient était à la veille de subir une grande transformation politique. Le fondateur de la dynastie des Seldjouqides avait porté à celle des Ghaznévides des coups qui en précipitaient la ruine ; il allait étendre ses conquêtes au cœur et dans la partie occidentale de la Perse. L'émir Djestan ibn Ibrahim qui prenait les titres de Merzban du Deïlem et de Guil du Guilan, [18] Abou Mançour Vehssoudan, et Nasr ed Daoulèh Ahmed de la dynastie des Benou Merwan, gouvernaient le Déilem, l'Azerbaïdjan et la Mésopotamie, mais ils n'allaient pas tarder à devenir les vassaux et les tributaires de Thoghroul beik. La puissance des Fathimites d'Egypte était, d'autre part, arrivée à son apogée. Malgré les révoltes fréquentes des chefs de la famille des Benou Merdas, dans le nord de la Syrie, et les troubles causés dans la Palestine par la tribu arabe de Thay, l'autorité de Mostansser billah était, en dehors de l'Egypte, reconnue en Syrie, dans le Hedjaz, dans la province d'Ifriqiah et en Sicile. A cette époque, le sud de la Perse, le Fars et la province d'Ahwaz étaient le théâtre des hostilités qui avaient éclaté entre les fils d'Aba Kalindjar Firouz Izz el Moulouk de la dynastie des Bouydes.
Nassir avoue n'avoir trouvé l'ordre et la sécurité publics assurés que dans le Khorassan el en Egypte. Mais ce dernier pays devait, peu de temps après son départ, être éprouvé par les plus épouvantables fléaux. Bans le cours de ses pérégrinations, nous voyons notre auteur rechercher la société des gens instruits et des savants. A Simnan, il est, sous ce rapport, mal servi par la fortune ; il y rencontre un certain Oustad Aly Nessay dont la vanité le choque et dont il ne parle qu'avec mépris. Il cite, au contraire, avec éloge le nom d'Aboul Fazhl Khalifèh avec lequel il se trouva en rapport à Chemiran. A son arrivée à Tébriz, il reçoit la visite du poète Qathran dont les œuvres nous ont été conservées et dont quelques pièces de vers ont été attribuées à Roudeky. Qathran désirait avoir l'explication de certains passages de Mendjik et de Daqiqy, écrits en parsy, ou dialecte du Khorassan, et il lui lut quelques-unes de ses compositions. Ce fait nous prouve que la réputation de Nassir comme poète avait franchi les limites de son pays natal, et je suis porté à croire, bien que je n'aie d'autre base que la date de 420 donnée par le manuscrit de Gotha, que Nassiri Khosrou avait déjà publié son Rouchenay Namèh et d'autres poésies.
L'auteur de sa prétendue autobiographie, malgré son zèle chiite, confesse que Nassir avait appartenu à toutes les sectes. Je pense qu'il suivit le rite sunnite jusqu'au jour où il se fit initier aux doctrines chiites, professées par les Fathimites. Il fait remarquer en effet dans sa relation, et non sans quelque surprise, que les habitants de Tripoli et de Sour (Tyr) étaient chiites. Il trouve dans cette dernière ville un qadhi sunnite et il enfuit l'éloge. Lorsqu'il cite le nom du khalife Omar, il le fait suivre d'un vœu qui indique le respect qu'il a pour sa personne. En outre, Nassir,[19] en parlant des Fathimites d'Egypte, emploie, pour les désigne ? ; le mot de sulthan qui n'implique que l’exercice de l'autorité temporelle, tandis qu'il qualifie toujours les Abbassides de khalifes, mot désignant les successeurs légitimes du Prophète et les dépositaires de l'autorité spirituelle. C'est pendant la première période de la vie de Nassir que je place la composition du Rouchenay Namèh et de quelques pièces de vers qui ne figurent pas dam son Diwan. Je donne ici le texte et la traduction de l'une d'elles qui résume, sous une forme élégiaque, les traditions de l'islamisme relatives aux patriarches, aux prophètes, à Mohammed, à ses compagnons et à ses successeurs. On peut conclure de certains vers que Nassir était sunnite à l'époque ou il les écrivit. Il reconnaît, à en juger par les termes qu'il emploie, Abou Bekr, Osman et Omar comme les successeurs légitimes du Prophète, et on peut supposer qu'il appartenait alors, comme un grand nombre d'habitants de Merw et de Nichapour, au rite d'Abou Hanifèh.
« La constitution du monde, l'ordre de la sphère céleste et les sept planètes ont été créées méthodiquement au moyen des quatre éléments ; l'eau brillante et transparente, la terre opaque, le feu et l'air sont quatre éléments doués de propriétés opposées. Ces quatre éléments ont été remis pour constituer la substance de notre être et ils se retrouvent dans tout ce qui a été créé.
« Si ces quatre éléments opposés l'un à l'autre viennent à s'unir et à se fondre l'un dans l'autre, que devient leur antagonisme ? Ils s'harmonisent dans un même endroit et c'est l'œuvre du destin. Une essence fondamentale forme la substance de notre être, et c'est elle qui a servi à la création de tout ce qui existe. Reconnais que le monde est un pont auquel tu viens d'arriver nouvellement ; n'y élève pas de construction, abandonne tout et franchis-le rapidement.
« Ne te réjouis pas à cause de ce que tu possèdes, ne t'afflige pas pour ce qui aura échappé de tes mains. Ne sois point assuré contre la mort et ne fais pas fond sur la vie. Ne vends pas la religion pour de l'argent et ne te laisse pas prendre aux séductions du démon. Lis dans les livres anciens les noms des ancêtres : place devant toi l'histoire qui retrace les actions de ceux qui nous ont précédés.
« Qui as-tu vu épargné par la mort ? De qui as-tu entendu parler comme ayant été oublié par elle, personnage illustre on homme d'humble condition, grand ou petit ? Si la vie avait pu être accordée à quelqu'un pour l'éternité, certes le corps d'aucun prophète n'aurait été confié au sein de la terre. Qu'est devenu l'homme formé de terre pétrie par Celui qui a dit : « Que cela soit, et cela fut t' Qu'est devenu celui qui n'a point été engendré par un père et qui n'a point été nourri dans le sein d'une mère et Son nom est Adam et son surnom Abmd Bêcher. Il est né de la terre et il est l'auteur de tous les humains.
« Après avoir vécu neuf cent trente ans, il céda la place à son fils Chith (Seth) qui lui succéda, et dont la vie se prolongea pendant huit cents années. Il ne dura pas et la main de la mort le frappa de son poignard.
« Après lui, Idris vécut sept cent trente ans, et Dieu lui fit la grâce de l'enlever à la voûte azurée. La mission prophétique échut après lui à Nouh (Noé) qui fut un second Adam et un prophète. Sa vie dépassa le terme de mille années, consacrées exclusivement à l'adoration de Dieu et à appeler les hommes au bien.
« Salih passa cent quatre-vingts ans dam ce monde. Dieu fit sortir pour lui mie chamelle du milieu d'un rocher. Que sont devenus et Salih et la chamelle et Houd ? Le feu de la mort a dispersé les étincelles de leur désir. L'existence de Houd a duré deux cent cinquante ans, et la main du trépas l'a mis hors de tout ce qu'il possédait et tous les biens de ce monde ne sont que poussière et immondices. Ibrahim (Abraham) vécut cent quatre-vingt-quinze ans. Dieu, qui l'avait choisi, empêcha, par un effet de sa miséricorde, le feu de l'atteindre et de le brider. Celui qui fut offert en sacrifice vécut cent trente-quatre ans. Ismayl était son nom et Hadjar (Agar) celui de sa mère. Il passa et s'en alla, et il donna le monde et sa possession à Ishaq (Isaac), son frère puîné. Celui-ci eut une existence de cinq cent vingt-quatre ans. Il fut, comme son frère aîné, atteint par la flèche du trépas.
« Vint le tour de Yaqoub (Jacob), qui vécut cent quatre-vingts ans : il partit en emportant de ce monde un cœur rongé par le chagrin. Youssouf (Joseph), qui lui succéda, eut, à la fois, le don de prophétie et le pouvoir ; il posséda la majesté, le rang suprême et la beauté. Il rendit l'âme à l'âge de cent vingt ans : le voile qui couvrait sa joue brillante comme la lune fut inopinément enlevé. Après Youssouf vint Eyyoub (Job), modèle de patience, puis Choueyb (Jéthro) avec ses deux filles nées sous mie heureuse étoile. Il sortit de ce monde au bout de deux cent vingt-quatre ans, après avoir marié sa fille au Prophète qui a parlé à Dieu. Moussa (Moïse) lui succéda avec les signes et les miracles que l'Éternel lui accorda : ce furent la baguette, les tables de la loi, la parole adressée à Dieu, le visage et la main resplendissants.
« Il vécut cent vingt-trois ans et but à contrecœur la coupe de la mort, sans avoir vu son désir se réaliser. On frappa ensuite la monnaie au nom de Daoud (David), par qui le monde reçut un nouvel ornement, un nouvel éclat et une nouvelle splendeur. Il vécut quatre-vingt-dix ans et, soudain, le Houma (phénix) de la mort fondit, un jour, sur l'aigle de son existence et le dépouilla de ses plumes. Le sceau de la royauté passa de ses mains dans celles de Suleyman (Salomon), dont l'autorité s :'étendit de l'orient à l'occident. L'air, les hommes, les animaux sauvages, les oiseaux, les djinn et les péris, soumis à sa puissance, exécutaient ses ordres. Il mourut à l'âge de cent quatre-vingts ans, abandonnant le trône, l'anneau royal et la couronne.
« Après lui, Zekerya (Zacharie) vécut trois cents ans. Il fut scié en deux, après avoir été lié dans le tronc d'un arbre.
« Yahia (Saint Jean-Baptiste) parut après le meurtre de Zekerya ; il fut, par la pureté de ses mœurs et par sa piété, le plus parfait des hommes. Il demeura quatre-vingts ans dans ce bas monde, et jamais sa pensée ne s'engagea dans la voie du péché.
« Après Yahia vint Yssa (Jésus) ; il vécut trente-trois ans et, à cet âge, il fut transporté dans la voûte azurée du ciel. Les révélations divines cessèrent après lui, et, pendant six cents ans, le monde fut obscurci par l'irréligion et par les infidèles.
« Dieu montra alors de nouveau aux peuples le sceau de la prophétie, par l'entremise de cet envoyé doué de toutes les beautés morales et physiques et qui porta le nom de Mohammed et d'Aboul Qassim. Il est la partie la plus pure de la religion et il occupe parmi les prophètes, comme grandeur et dignité, le rang le plus élevé. C'est lui qui a allumé le flambeau de la puissance et de la religion de l'Islam. Il a étendu son autorité de l'Orient à l’Occident, sur les terres et sur les mers. Sa beauté a dissipé les ténèbres de l'infidélité qui obscurcissaient le siècle. Le drapeau de sa justice restera, à cause de la pauvreté qu'il avait acceptée, déployé jusqu'au jour de la résurrection.[20]
« Bien qu'il eût en partage toutes les perfections, la gloire, la grandeur, le rang et la noblesse, il quitta à soixante-trois ans la demeure de ce inonde. Si la considération, la gloire et le rang pouvaient assurer la durée sur la terre, certes, l'envoyé de Dieu aurait dû y rester jusqu'au jour du jugement. Si la loyauté et la sincérité, si la justice et l'équité donnaient l'immortalité, Abou Bekr Siddiq et Omar auraient dû vivre éternellement. La modestie aurait dû assurer une existence sans fin à Siddiq (Abou Bekr), de même que la libéralité et la générosité à Hayder (Aly).
« Si la pureté, la chasteté, une vie de sainteté et de piété pouvaient préserver du trépas, Fathimèh y aurait échappé.
« Si la noblesse de la race et la distinction de la naissance avaient pu détourner les coups du destin, Chebir et Choubeïr ne seraient point couchés sous la terre.[21] Où est le prophète et où sont les Mouhadjir qui l’accompagnèrent, où sont les Ençars qui le protégèrent dans sa fuite, où sont les vertueux Cehabèh, ses compagnons, où sont les Tabï venus après les Cehabèh ?
« Où est le saut que fit Omeyyah Dhamiry[22] ? où est Achqar[23] ? Qu'est devenu le cri de guerre de l'oncle du Prophète[24] ? Où est Djabir l’Ençary.[25] Où est Ouwëis Qaran[26] ? Où est Abou Obeïdah, fils de Djerrah[27] ? Où sont Malik Ejder, [28] Zoubeïr, Thalhah, Sa'ad et Say'd, Selman, Anas, 'Amir, Amr, Obeïdah, Abou Zherr, Emir Acim, Ammar, fils de Yassir, Miqdad, Çohëib, Zahrèh, Ze'îd, Qitadèh, Qanber[29] ? Que sont devenus ces chefs et ces rebelles de la tribu de Qorëich, ces infidèles qui repoussaient obstinément la vérité, Wélid, Harith, Abou Djehl, Oittbah et Chéibah[30] ? Où sont Içaf et Zoul Khimar et Antarf Où sont Me 'awièh, Yezid, Hicham, Omar, fils d'Abdoul Aziz, soutien de la religion ? Où est Abdoul Melik, fils de Merwant Où est Mohammed, fils de Merwan, où sont et son royaume et ses armées ? Qu'est devenu le faste de Merwan, où est Ibn Hakem[31] ? où sont les arrêts de Hedjdjadj qui firent couler tant de larmes ?
« Qu'est devenu Abou Mouslim, ce héros choisi par Dieu qui a coupé avec sa hache les racines de toutes les hérésies ? Où sont les Omeyyades qui, dans le royaume de Syrie, goûtaient toutes les joies du peu voir et donnaient carrière à leur passion pour Port Ils ont passé et oul été remplacés par les descendants d'Abbas dont beaucoup ont disparu, et Von ne trouve plus de traces de leur existence. Que sont devenus Harowi et, après lui, Mamoun ? Où sont Mou'tacem et Mou'tazhad[32] ?
« Si la piété avait pu prolonger la vie, qui s'occuperait des beautés et desperfections qu'offre le monde ?
« Je vais te nommer un à un les Khosroès et les émirs qui ont été dans ce monde ; toi, de ton côté, compte-les. Où sont Mohammed, fils de Mamoun, et Mehdy, fils de Mamoun ? et l'imam Ahmed, fils de Mançour, [33] et l’imam Abou Djàfer[34] ? Où sont Yahia, Zoul Nowi, Fazhyl, fils d'Iyazh, Cheqiq, Chibly, Soufian ? et Hatim le Sourd[35] ? Que sont devenus Hassan, Bayezid Besthamy, l’émir Edhem et le fils de ce personnage rempli de mérites[36] ? Si la science avait pu préserver de la mort, nous n'aurions pas vu disparaître Abou Hanifèh Na'aman, Çabit, fils de Mondhar.[37] Parmi les savants de ce monde, grands ou petits, humbles ou illustres, Abou Hanifèh était le plus grand. Où sont Mohammed ibn Hassan, l'imam Abou Youssouf, interprète de la loi, Chqfey, Malik, Zobeïr[38] et Zafer[39] ? Si la sagesse et la philosophie avaient préservé du trépas, aucun sage, aucun philosophe ne se serait endormi sur l'oreiller de la mort. Que sont devenus Acef fils de Berkhia, et Loqman ? Où est Khadjeh Abouzourdjmïhr, né sous une heureuse étoile[40] ? Où sont Mohammed, fils de Zekeria, et Djalinous (Galien) ? Où sont les sages comme Djamas et Abou Alp (Avicenne) ? Que sont devenus les coups que le Sahib ed Da'wèh (Abou Mouslim) assénait avec la hache qu'il avait à sa sellet Où sont Ahmed Zoundjy[41] et le petit forgeron (Abou Djafer el Haddad[42]) ? Qu'est devenue l'opulence de Qaroun ? Où est le pouvoir tyrannique de Cheddad ? Où trouver Babek, Ardechir et Qaïcer (César) ? Qui a connu Yezdedjerd, Afrassiab et Feridoun ? Qui s'intéresse à Nouchirevan, à Iskender, au fils de Nouzer, à Behram, à Ardewan et à Arech[43] ? Tu ne trouveras dans le monde aucun vestige de leur existence. La destinée se plaît à bouleverser les combinaisons des hommes et à détruire tous les projets arrêtés par eux. Sois assuré que personne ne pourra échapper à la main de la mort. Conforme ta conduite aux préceptes de Dieu et prépare tes provisions pour le voyage suprême. Si l'ange de la mort ne faisait point son apparition dans ce monde, aucun des souverains de la terre n'aurait abandonné son royaume. Si tu pouvais vivre mille ans ou un million d'années, l'ange de la mort viendra, à la fin, se saisir de toi.
« Si tu veux écouter les paroles et suivre les conseils de Nassir, tu te mettras en garde contre les vanités de ce monde qui ne mérite aucune estime. Prends garde ! »
Nassiri Khosrau ne nous fournit aucun renseignement sur sa situation personnelle, pendant le temps de son séjour à Misr. Loin d'avoir été le ministre et le favori du khalife, il nous apprend qu'il vit Mostansser billah, âgé alors de dix-neuf ans, le jour où ce prince se rendit au bord du Khalidj pour assister à la rupture de la digue. Ses relations paraissent avoir été modestes ; lorsqu'il voulut pénétrer dam le palais, pour voir la salle où se donnaient les banquets d'apparat, il s'adressa à un employé de la chancellerie du khalife, qui eut recours lui-même aux bons offices d'un huissier. Nous possédons une ode de Nassir en l'honneur de Mostansser, auquel il accorde le litre d'imam, et dans laquelle il sollicite la générosité du prince. « O Nassir ! que l'aide de l'Imam de la vérité te soit accordée dans ce monde ! O Mostansser ! ne refuse pas à cet esclave du Khorassan les marques de ta libéralité ! » Il est probable qu'elle ne lui fit pas défaut ; mais quelques mois après son départ de Misr, nous le voyons à Atdhab exercer les fonctions de khatib en proie au, plus grand dénuement ; il est obligé de solliciter les secours de l'agent d'un homme dont il avait fait la connaissance à Assouan. A Djouddah, le gouverneur de la ville l'exempte, comme savant, de la taxe que payaient les pèlerins, et il écrit à la Mekke pour qu'il en soit également affranchi dans cette ville. Sa misère fut profonde pendant son voyage en Arabie, et il ne put gagner Baçrah qu'en se soumettant aux conditions exorbitantes du Bédouin qui lui loua un chameau. Il put continuer sa route, grâce à la générosité de l'ancien vizir d'un gouverneur d'Ahwaz. Enfin, après une absence de sept ans, il revit son frère Aboul Feth Abdoul Djelil et rentra à Balkh, décidé, ainsi qu'il nous l'apprend lui-même, à visiter, après avoir pris quelque repos, les contrées de l'Orient.
Nous manquons de renseignements positifs sur la vie de Nassir depuis son retour en 444 (1052) jusqu'en 456 (1063), année pendant laquelle il dut s'enfuir du Khorassan. Un des écrivains qui se sont occupés de sa biographie prétend qu'il se rendit auprès du cheikh Aboul Hassan Aly el Kharaqany, mais cette allégation ne supporte pas l'examen : le cheikh Aboul Hassan Kharaqany était mort à Bestham en 425 (1033), dix-neuf ans avant le retour de Nassir. L'auteur du Dabistan oul Mezahib nous fournit, sur les causes qui forcèrent Nassiri Khosrau à s'exiler du Khorassan, quelques indications qui paraissent exactes. « Nassir, dit l'auteur que nous citons, quitta le Khorassan, à l'époque dit khalife Mostansser billah, pour se rendre en Egypte, où il demeura pendant sept années. Il faisait, tous les ans, le pèlerinage de la Mekke et observait rigoureusement les pratiques de la loi. A la fin, il revint de la Mekke dans le Khorassan, par la voie de Baçrah ; il se fixa à Sabakh[44] et y travailla à faire reconnaître Mostansser en qualité de khalife et à répandre les doctrines des Ismaïliens. Mais quelques descendants du Prophète, animés à son égard des sentiments les plus hostiles, résolurent de le mettre à mort Saisi de crainte, en proie à la terreur, il mena une vie errante et se cacha dans les montagnes de Badakhchan où il vécut vingt ans, se nourrissant d'herbes et ne buvant que de l'eau. Des ignorants ont prétendu qu'il avait été affilié aux Ismaïliens d'Alamout, et certains écrivains ont, dans leurs ouvrages, exprimé le regret de le savoir attaché aux erreurs de cette secte. Le fait est que les Ismaïliens d'Alamout n'ont jamais eu de rapport avec ceux de l'Occident. Nous l'avons entendu dire à des Ismaïliens eux-mêmes à propos de Nassir.[45] »
Pendant son séjour à Yemgan, Nassir se livra à la propagation de ses idées. Encore aujourd'hui, à Badakhchan et dans les contrées avoisinantes, ses doctrines sont suivies par un nombre considérable d'adhérents. C'est dans cette retraite qu'il composa la plus grande partie des poésies qui forment son Divan ; elles sont, pour la plupart, religieuses et consacrées à la louange d'Aly ; d'autres renferment des préceptes de morale. Nous en trouvons plusieurs qui témoignent de la douleur que lui faisait éprouver l'exil, et bien qu'il affirme vivre à Yemgan comme un roi, il ne peut refouler en lui les cuisants regrets causes par son éloignement du Khorassan. « Mon cœur est dans le Khorassan, bien que je réside à Yemgan. » « O brise, s'écrie-t-il, salue pour moi le Khorassan ! Fais parvenir mon salut aux gens de mérite et à ceux qui sont guidés par la raison, et non point aux hommes du vulgaire et aux ignorants ! Rapporte-moi de leurs nouvelles, après leur avoir dit, en toute vérité, quelle est ma situation. Dis-leur que la fortune a, par ses perfidies, courbé comme une voûte, le cyprès de mon corps. Voilà le résultat de l'influence des astres ! »
Quelques vers plus loin, il apostrophe les habitants du Khorassan en des termes prouvant qu'il avait eu à se plaindre des rigueurs des autorités Seldjouqides à son égard.
« Pourquoi, leur dit-il, vous enorgueillissez-vous d'être soumis aux Turks ? Rappelez-vous la grandeur et la puissance de Mahmoud, souverain du Zaboulistan. Où est-il, lui qui força, par la terreur qu'il inspirait, les princes de la dynastie des Ferighoun à abandonner le Gourgan ? Après avoir ruiné l'Inde sous les sabots des chevaux turks, il fit fouler le sol du Khatlan par les pieds de ses éléphants. »
Nassiri Khosrau mourut à Yemgan au mois de Reby oul evvel 481 (Juin 1088), à l'âge de quatre-vingt-sept ans. La date de sa mort nous est donnée par Hadji Khalfa, dans son Taqouim ont Tewarikh, et rien n'autorise à en contester l'exactitude.[46]
Je crois devoir, en terminant cette notice, résumer mes appréciations sur la vie et les ouvres de Nassiri Khosrau. Je suis loin de les donner comme définitives ; elles pourront être modifiées par la découverte de documents nouveaux. Je le souhaite bien vivement, sans toutefois beaucoup l'espérer.
Selon moi, Nassiri Khosrau est né en l'année 394 (1003) ; les auteurs qui font remonter sa naissance trente on quarante ans plus tôt, sont obligés de lui prêter une existence qui dépasse de beaucoup les limites extrêmes de la vie humaine. Il mourut en 481 (1088) à l'âge de quatre-vingt-sept ans et cette date ne me paraît pas devoir être contestée. La publication du Rouchenay Namèh a certainement eu lieu, à mon sens, avant l'année 437, époque à laquelle il abjura ses erreurs passées, fit vœu de pénitence et entreprit le voyage de la Mekke. La date de 420 (1029), donnée par le manuscrit de Gotha, ne me semble pas improbable. Nassir avait, à cette époque, vingt-sept ans, et il a consigné dans cet ouvrage des opinions des écoles de Fariaby et d'Avicenne. Les chapitres qu'il a consacrés à la création du monde, à celle de l'homme, à l’état de l'âme avant la naissance et après la mort, contiennent des propositions qui ont servi de base aux accusations des écrivains qui l'ont taxé de matérialisme et d'impiété.
Le Rouchenay Namèh a été remanié ensuite, sinon par lui, du moins par un de ses adeptes, et il est facile de reconnaître ces interpolations, surtout dans les vers où se trouve le nom de Houdjet qu'il ne prit, je crois, qu'après son retour d'Egypte et son initiation aux doctrines chiites.[47] La date de 343 (954) qu'on lit dans certains manuscrits a, peut-être, été intercalée à la fin du XVe siècle, lorsque se multiplièrent les copies du Rouchenay Namèh, du Seadet Namèh et des poésies de Nassiri Khosrau.[48] Presque tous les manuscrits conservés en Europe remontent, en effet, à cette époque. La date basée sur la position dam le ciel, des planètes et des étoiles, reste pour moi lettre close. Je ne puis m'empêcher, toutefois, défaire observer que cette manière de fixer la date des événements était fort à la mode à la fin du XIIIe siècle, ainsi qu'au XVe sous les princes de la famille de Timour ; les œuvres des poètes de ces deux époques nous en fournissent de très nombreux exemples.
Je ne crois pas que Nassir ait écrit deux relations de ses voyages, l'une en prose et l'autre en vers. Il avait parcouru le Turkestan, le Mouttan et le nord de l'Inde avant l'année 437 (1045), comme il le dit dans son Séfer Namèh, et il annonce à la fin de cet ouvrage le projet de visiter les pays de l'Orient. Nassir, séjournant dans le Khorassan, désignait sous ce nom les contrées habitées par les peuples turks et mogols, la Kachgharie, le Tibet et la Chine ; s'il avait voulu désigner l'Inde, il l'aurait nommée. La notice insérée par Djamy dans son Beharistan a pu faire croire à une relation versifiée des pérégrinations de Nassir ; mais il suffit de lire les quelques lignes de Djamy pour acquérir la conviction qu'il n'avait pas eu le Séfer Namèh entre les mains ; il n'en parle que par ouï-dire et les conversations de Nassir avec Aboul Fazhl Khalifèh et Mohammed ibn Doust sont les seuls faits signalés par lui.
Le Séfer Namèh n'a point été non plus sous les yeux de Hadji Khalfa ; les courtes indications contenues dans son dictionnaire bibliographique sont, on ne peut le méconnaître, empruntées au Beharistan.
Je ne crois pas, enfin, que Nassiri Khosrou ait parcouru les contrées situées à l'est du Khorassan, comme il en manifeste l'intention dans sa relation. A son retour dans sa patrie, il s'y consacra tout entier à la propagation des idées religieuses qu'il avait adoptées et le seul voyage dont il parle, dans ses œuvres poétiques, est celui que je publie aujourd'hui et qu'il entreprit, comme il le dit lui-même, à l'âge de quarante-deux ans.
Les exemplaires du Séfer Namèh ne paraissent pas avoir été fort répandus ; le seul historien qui, à ma connaissance, fasse mention de cet ouvrage, est Khadjeh Nour ed-Din Louthfoullah de Hérat, plus connu sous le surnom de Hafiz Abrou ; il est l'auteur d'une grande histoire composée pour Mirza Baysonghor et intitulée Zoubdet out Tewarikh (La crème des histoires). Il rédigea, en outre, en 823 (1420) pour Mirza Ghâhroukh un traité géographique et une histoire de Perse qui ne paraissent pas avoir été achevés.
Hafiz Abrou cite dans sa préface les ouvrages qu'il a consultés ; ce sont : Le Messalik ila'l Memalik (Les routes qui conduisent aux différents pays) d'Ibn Khourdadbèh, le Souwar oul Aqalim (Les Figures des sept climats), écrit dans l'Inde par Mohammed ibn Yahia, le Djihan Namèh (Le livre du monde), par Ibn Mohammed ben Nedjib Mekran, le Séfer Namèh de Nassiri Khosrau et le Qanoun oul bouldân (Le canon des pays), publié par un auteur dont le nom a été laissé en blanc.
Hafiz Abrou a copié textuellement, et il en prévient le lecteur, le passage de Nassir relatif à la ville de Ma'arrah et à Aboul Ala el Ma'arry ; il lui a emprunté presque mot pour mot la longue description de la Mekke et celle de Tinnis et d'Ain ech Chems (Héliopolis, aujourd'hui Matharyèh).
Le Séfer Namèh a été rédigé avant l'année 453 (1061), d'après les notes que Nassir consignait, ainsi qu’il nous l'apprend lui-même, sur un cahier où il dessinait aussi les monuments qui attiraient son attention.[49]
Il me semble superflu d'insister longuement sur l'intérêt que présente cette relation et sur ce que dit Nassir des édifices qui s'élevaient dans l'enceinte du Haram ech Cherif à Jérusalem, des marbres précieux et des mosaïques qui les décoraient, des portes de bronze couvertes d'arabesques en or incrusté ou en argent niellé ; sur sa description de l'église du Saint-Sépulcre, qui venait d'être rebâtie et dans l'intérieur de laquelle il remarque des peintures protégées par des plaques de verre. Les détails qu'il nous donne sur la Ka'abah ne sont pas moins précieux. Il nous trace également le tableau le plus curieux de la prospérité de Tinnis, où se fabriquaient ces fines étoffes si renommées et ces tissus aux couleurs changeantes ; de la richesse et de l'industrie de Misr (Vieux-Caire), où l'on travaillait l'ivoire, l'écaillé et le cristal de roche, où l'on fabriquait un verre ayant la belle couleur de l'émeraude et des faïences à reflets métalliques. Il faut noter aussi les incidents de son pénible voyage à travers l'Arabie, et ce qu'il nous dit de l'organisation communiste des Qarmathes de Lahssa. Je termine ce rapide aperçu en faisant remarquer le mode des transactions commerciales à Baçrah ; elles se faisaient au moyen de chèques ou billets payés par les banquiers ou changeurs chez lesquels les marchands déposaient leur argent.
Mouqaddessy nous apprend que le persan, parlé à Thous, à Nessa et à Balkh, était plus pur que celui des autres villes du Khorassan.[50] Le dialecte de Balkh était, au jugement d'un vizir dont le nom n'est pas cité, celui qui convenait le mieux au style écrit. Le Séfer Namèh ne justifie cependant pas cette assertion. Cet ouvrage, dans lequel on remarque certaines formes propres à la langue de Nichapour, a, sans aucun doute, été rédigé très rapidement. Le style se rapproche de celui de Biromiy, dans le fragment de l'histoire du Kharezm qui nous a été conservé par Beyyhaqy, de celui du traducteur du Tenbih oul Ghafilin (L'admonestation adressée aux négligents), Abou Leïs Nasr Samarqandy, et surtout de celui de Mohammed ibn Zafer qui abrégea la traduction persane faite par Nerchakhy de l'histoire de Boukhara.[51]
Les phrases sont construites d'une façon peu régulière et surchargées d'incidentes, quelquefois dépourvues de verbes ; la règle de l'accord des nombres est souvent méconnue. Les temps des verbes sont, dans certains passages, employés d'une manière peu correcte, et les pluriels ne sont point formés d'après une règle fixe et invariable. Je n'ai voulu apporter aucun changement dans le texte de l'auteur et je l'ai scrupuleusement reproduit ; je me suis permis seulement de rétablir les noms des personnages et des villes qui, dans les manuscrits que j'ai eus entre les mains, sont défigurés de la façon la plus grossière. On ne remarque dans la relation de Nassiri Khosrau que trois mots turks. Ce sont ceux de djar, proclamation, lecture à haute voix (page 77), de qoula-vouz (page 75), dans le sens de guide et correspondant à khafir, et kunkadj (page 82), conseil, délibération. Il faut noter aussi le nom d'Istanbul donné à Constantinople (page 40) ; je l'ai retrouvé dans un auteur du XIIe siècle, Aboul Hassan Aly el Herewy qui nous dit, dans sa description de Nicée, que cette ville relevait of Isthanbol. La ville de Niqa (Nicée) relève d'Isthanbol et est située sur la terre orientale : c'est là que se réunirent les Pères de la communauté chrétienne. »
J'ai eu à ma disposition trois manuscrits, tous peu corrects. Je dois le premier à l'obligeance de feu M. H. Blochmann, directeur du Medressèh Collège de Calcutta. Le second est une copie de l'exemplaire qui se trouve à Delhy dans la bibliothèque de S. E. le Nevvab Zhia ed-Din : elle a été exécutée sur la demande de M. Ed. Thomas qui a bien voulu me la faire tenir, et je suis heureux de lui présenter ici tous mes remerciements. Le troisième exemplaire est conservé au British Museum. Il a fait partie de la collection de M. W. Yuk et M. Ch. Bien en a donné-une excellente description dans le Catalogue des manuscrits persans du British Muséum. La copie de cet exemplaire porte la date du mois de Ramazan 1102 (1691).
J'ai tâché de rendre la traduction du Séfer Namèh aussi claire que doit l'exiger le lecteur français. La construction singulière des phrases et l'emploi répété des mêmes mots, dans une même période, ont rendu quelquefois mon travail pénible. J'ai cru devoir ajouter les notes qui confirment l'exactitude du récit de Nassiri Khosrau ou y ajoutent quelques éclaircissements, et j'ai mis un soin particulier à les puiser dans les ouvrages des auteurs qui ont écrit à une époque peu éloignée de celle où Nassiri Khosrau rédigeait sa relation.
L'attention des orientalistes a été attirée, depuis peu d'années seulement, sur les œuvres de Nassiri Khosrau.
D'Herbelot lui consacre dans sa Bibliothèque orientale quelques lignes insignifiantes.[52]
M. N. Bland n'en parle que d'une manière très sommaire, dans l'article qu'il a consacré à l'examen de l'Atech Kedèh.[53]
La notice donnée par M. A. Sprenger sur le Divan de Nassiri Khosrau que possédait la bibliothèque du roi d'Ottdh, renferme quelques détails biographiques, mais ils sont empruntés au Tezkiret de Taqy ed-Din.[54]
Feu M. Dorn a, dans une liste d'ouvrages géographiques, cité le Séfer Namèh, et inséré dans les Mélanges asiatiques la traduction des passages relatifs au Deïlem.[55]
M. le major A. R. Fuller a publié, dans le Journal asiatique de Londres, la partie du voyage de Nassiri Khosrau concernant la Palestine. Cette traduction a été faite sur le manuscrit du Nevvab Zhia ed-Din, et elle a été revue sur l'exemplaire du British Muséum.[56] Sir H. M. Elliot, frappé de l'intérêt que présente la description de Misr et du Caire, avait fait traduire les passages qui s'y rapportent ; ce travail resté manuscrit se trouve dans ses papiers.
Enfin, dans le cours de l'année dernière, M. le professeur Elhé a inséré, dans le Journal de la Société orientale allemande, le texte et la traduction en vers du Rouchenay Namèh. Cette publication sera suivie de la biographie de Nassiri Khosrau qui renfermera, sans doute, des détails fournis par des documents que je n'ai point été assez heureux pour avoir à ma disposition.
M. Fagnan a fait insérer dans le même journal le texte et la traduction du Seadet Namèh ou Livre de la félicité. Je n'ai point eu entre les mains le Kenz oul Haqaïq (Trésor des vérités), que Hadji Khalfa mentionne dam son Dictionnaire bibliographique, ni le Zad el Moussafirin (Le viatique des voyageurs) que je suppose être un traité de morale et de mysticisme.
Je termine cette notice en donnant de courts éclaircissements sur les mesures de distance et de longueur et sur les poids mentionnés par Nassiri Khosrau ; ce sont ceux du Khorassan.
Le ferseng, (feraseng, pierre debout) se divise en trois milles. Chaque mille est de quatre mille coudées ou pas Hachimy, ce qui donne pour chaque ferseng douze mille coudées ou pas Hachimy, soit douze kilomètres 750 mètres.
Le guez représente l'espace que couvrent vingt-quatre mains ouvertes placées l’une à côté de l’autre. On peut dire qu'un guez égale un mètre vingt-cinq centimètres. L'ârech est la longueur de l’avant-bras depuis l'extrémité du doigt du milieu jusqu'à la jointure du coude.
La base des poids persans est le grain d'orge (djau) de moyenne grosseur et conservant sa pellicule, mais dont on a coupé, aux deux extrémités, la petite barbe qui dépasse le grain.[57]
Huit djau ou grains forment un dang et six dang un miçqal.
Il faut quinze miçqal pour un syr et quarante syr pour un men.
Enfin le kharvar (charge d’âne) représente le poids de cent men.
Nassir mentionne souvent le rathl, mais uniquement pour en faire remarquer les variations dans les différentes vrilles de la Mésopotamie et de la Syrie.
Il fixe la valeur des objets dont il parle en dinars maghrehy ou dinars de l'Occident. Il désigne sous ce nom la monnaie d'or frappée dans le Maghreb et en Egypte par les khalifes Fathimites et avant eux par les Thoulonides. Ces pièces qui ont successivement porté le nom de Djéîchy, Ahmedy et Moutzzy étaient d'un titre fort élevé et par cela même fort recherchées dans tous les pays de l'islamisme. Nassiri Khosrou nous apprend que trois dinars maghrehy valaient trois dinars et demi de Nichapour.
J'ai fait reproduire, pour les placer dans ce volume, quatre miniatures donnant les plans du Mesdjid el Aqça de Jérusalem, de la mosquée de Médine où se trouve le tombeau de Mohammed, de l'espace compris entre Safa et Merwèh et enfin du Mesdjid el Haram et de la Ka'abah à la Mekke.
Ces dessins sont tirés d'un ouvrage en vers persans composé par Mouhyy sous le titre de Foutouh el Haremeïn. Il a été écrit au commencement du XVIe siècle et on trouve indiqués sur ces plans, surtout dans l'enceinte du Mesdjid el-Haram, des monuments qui, n'existant pas à l'époque où Nassiri Khosrau se trouvait à la Mekke, ont, pour la plupart, été élevés par les sultans mamelouks d'Egypte.
[1] Riza Qouly Khan, dans sa description du Khorassan, insérée dans le tome IX du Rouzet ous Sefay Nassiry, dit qu'il existe dans les montagnes de Badakhchan et dans celles des Hezareh et de Bamian, des chiites Ismaïliens qui suivent le » doctrines des Day et spécialement celtes de Chah Seyyd Nassiri Khosrau Alewy. Cette branche des Ismaïliens porte le nom de Nassiryeh ou sectateurs de Nassir. Cf. The Rosheniah sect and its founder Bayezid Ansari by J. Leyden, dans les Asiatic researches, Londres 1812, tome XI, page 425.
[2] Le mot Houdjet a la signification de preuve, argument, sentence ou titre juridique; s'appliquant à un homme, il a le sens de juge ou d'arbitre dont la parole doit être considérée comme un arrêt. Un docteur célèbre par la pureté de sa doctrine, Mohammed Zeïn ed-Din Ghatsaly, qui vécut à peu pris à la même époque que Nassir (450—505) [1058—1111]), fut qualifié de Houdjet oul Islam (L'arbitre de l'islamisme).
[3] La Bibliothèque nationale de Paris conserve une histoire des Cheikhs de Balkh, écrite primitivement en arabe et traduite au XIIIe siècle en persan. Le nom de Nassiri Khosrau ne s'y trouve pas cité. Fadhaïl Balkh, fond persan, 115.
[4] Le titre de Chah, donné à Nassiri Khosrau par ses sectateurs, a, sans doute, donné naissance à cette allégation.
[5] Le cheikh Mohammed Hamadany, plus connu sous le nom de Ain el Qoudhat (le qadhi par excellence) (525 [1130]), a publié tous le titre de 'Zoubdet oul haqaïq fi kechf il daqaïq » (la crème des vérités pour arriver à la découverte des matières les plus subtiles) un ouvrage mystique de grande réputation.
[6] Taqy ed-Din Mohammed ibn Cheref ed-Din, dont le surnom poétique est Zikry, naquit à Kachan vers l’année 946 (15S9). Il a publié, sous le titre de Khilacet oul ech'ar ou eoubdet el efkar, la biographie des poètes persans depuis l’époque de Sebektekin. Celle de Nassiri Khosrau se trouve dans le premier roukn ou division de l’ouvrage.
[7] Atechkedeh, Bombay 1277 (1860), pages 187-193.
[8] La divination par le sable a été, selon les traditions orientales, révélée au prophète Idris. Hadji Khalfa, dans son Dictionnaire bibliographique, tome III, page 479, donne la liste des principaux ouvrages publiés sur cette matière. L'almageste de Ptolémée a été traduit en arabe par Qourrah ibn Çabit.
[9] Les ouvrages qui portent le titre de et Nassikh ouel Menssoukh fil Hadiç ont pour objet l’examen critique des traditions du Prophète. Les plus célèbres sont ceux d'Abou Bekr Mohammed ibn Osman, surnommé el Dja'ad, d'Ahmed ibn Ishaq el Anbary, mort en 318 (980), d'Abou Dja' fer Hamdan Mohammed el Nahhas, mort en 338 (949), et d'Abou Mohammed Qassim ibn Açbagh en Nahwy, mort en 340 (951).
[10] Le Djami oul Kebir et le Seïr oul Kebir sont deux grands traités de jurisprudence selon le rite Hanéfite, composés par l’Imam Mou Abdillah Mohammed ibn Hassan ech Cheïbany, mort en 186 (802).
[11] Trois ouvrages sont attribués à Djamasp : l’un a été composé pour Ardeschir et traité des sciences naturelles et de l’alchimie, le second est relatif à l’astronomie judiciaire, le sujet du troisième est inconnu.
[12] C’est le grand canon d'Avicenne, dont le texte arabe a été imprimé à Rome en 1592 en un volume in-folio.
[13] Les Persans ont différents carrés magiques auxquels ils attribuent des vertus particulières. Le carré de cent sur cent donne à celui qui en subit l'influence une vigueur et un courage qui doivent le faire triompher dans toutes ses entreprises. Grâce à lui, Aly put arracher la porte du château de Khaïbar et, la soutenant de son bras, faire passer sur elle la troupe des assaillants.
[14] Qostha, fils de Louqa (Constantin, fils de Luc), natif de Balbek, finissait au IIIe siècle sous le règne du khalife Mou'tacem billah. Il alla en Grèce pour y étudier les sciences et, revenu en Syrie, il s'occupa sans relâche de traduire en arabe les ouvrages grecs. Qostha mourut en Arménie. Casiri a donné la liste d’un certain nombre d'ouvrages de Qostha.
Casiri Bibliotheca arabico-hispana Escurialensis, Madrid 1760, in-f°, tome Ier, page 420. Wenrich, De auctorum graecorum versionibus et commentariis syriacis, arabicis, armeniacis, persianisque commentatio. Leipzig 1842 passim.
Toutes les copies de la traduction du Rissalet en Nedamèh que je possède, portent que Nassiri Khosrau lut l'ouvrage de Qostha, fils de Louqa de Ba'albek, qui avait recueilli les paroles de Jésus. Cette assertion renferme une erreur trop grossière pour pouvoir être admise. J'ai reçu, tout récemment, un exemplaire de l'Atech Kedèh copié sur le texte autographe de Hadji Louthf Aly beik ; la phrase dans laquelle est mentionné le nom de Qostha, fils de Louqa, y est remplacée par celle-ci : Je lus le qatha Louqa. Ces mots désignent, sans aucun doute, l'évangile selon Saint Luc qui nous a conservé les enseignements de Jésus Christ.
[15] Coran, chap. LXXXIX, sourate 28.
[16] Djélal ed-Din Roumy a exposé la même doctrine dans son Mesnevy : « Je quittai la matière inerte pour vivre et pousser comme une plante; je passai ensuite de l'état végétatif à l'état animal, puis Je fus doué des traits distinctifs de l'homme. Que puis-je craindre ? Comment redouterais-je d'être anéanti par la mort! Je mourrai et quitterai l'humanité pour ravir aux anges et leurs plumes et leurs ailes. Je m'élèverai alors, dans mon vol, plus haut que les anges, dans une région que l'esprit ne peut concevoir. Une fois encore, je m'élancerai plus haut que les deux. 'Tout disparaîtra et périra excepté sa face. » Coran, chap. 28, vers. 88.
[17] Cette pièce de vers fait allusion aux études philosophiques poursuivies par Nassir et aux doctrines professées par lui avant sa conversion et son voyage. Elle a été insérée par Riza Qouly Khan dans son Medjma' oul Fousseha, et elle est précédée de l'indication suivante : Il (Nassir) fait mention de certaines circonstances de sa jeunesse.
[18] Le titre de Merzban était donné aux gouverneurs militaires et spécialement à ceux du Mazanderan et des places frontières. Celui de Guili Guilan avait été, dans le premier et dans le second siècles de l'Hégire, porté par les princes de la dynastie persane des Dabouyeh dont l'origine remontait à Djamasp, onde de Nouchirevan. Dabouyeh mourut en 66 de l'Hégire (676); sa dynastie prit fin en 141 (768).
[19] Il faut aussi signaler ce fait caractéristique ; Nassir ne put aller visiter le tombeau d'Abou Horeïra près de Thabarièh, car les habitants, chiites fanatiques, accablaient de mauvais traitements les sunnites qui voulaient faire ce pèlerinage.
[20] Nassiri Khosrau fait allusion dans ce passage à la parole de Mohammed, la pauvreté fait ma gloire.
[21] Les mots Chebir et Choubeïr désignent Hassan et Hussein, fils d'Aly et de Fathimeh. Mohammed avait béni leur mariage en disant : que Dieu réunisse vos embrassements et bénisse votre union!
[22] Omeyyah de la tribu des Benou Dhamir franchit d'un saut le fossé de Médine, lorsque la ville fut attaquée par les tribus arabes au mois de Chevval de l'an 5 de l'Hégire.
[23] Achqar désigne un cheval alezan doré. Le nom d'Achqar a été porté par le cheval de Laqith ibn Zourafih qui pérît à la journée de Houms, et par celui de Qoutaïbah ibn Mouslim, gouverneur du Khorassan et conquérant de la Transoxiane.
[24] Allusion à la conduite de Hamzah au combat d'Ohod.
[25] Abou Abdillah Djabir ibn Abdillah Euçary a conservé un grand nombre de traditions du Prophète.
[26] Ouweïs Qaran, compagnon du Prophète, pérît selon les uns à la bataille de Siffin; il mourut selon les autres dans le désert au retour d'un pèlerinage de la Mekke.
[27] Abou Obeïdah Amr, petit-fils de Djerrah et Fehry, fut le lieutenant du khalife Omar en Syrie et mourut l'an 18 de l'Hégire (639).
[28] Malik ibn el Hariç el Echter fut un des partisans les plus dévoués d'Aly. Il fut tué à la bataille de Siffin.
[29] Abou Abdillah Zoubeïr ibn el 'Awwam, Thalhah ibn Khouwaïled, Sa'ad ibn Mou'adh qui garda le Prophète à la bataille de Bedr, Sa'yd, cousin d'Omar, Selman le Persan, Abou Hamzah Anas ibn Malik, Amir ibn Çabit Amr el Acy, Obeïdah ibn el Harith, Abou Zherr el Ghouffary, Acim ibn Amr et Temîmy, Ammar ibn Yassir, Aboul Aswed Miqdad el Kendy, Çohëib ibn Sinan er Roumy, Zahrèh ibn Ketab, Zeyd ibn el Harithah qui fut tué au combat de Moula, Qitadèh ibn Na'aman étaient les familiers et les compagnons d'armes du Prophète. Qanber était l’esclave d'Aly.
[30] Welid ibn Outbah fut tué par Aly à la bataille de Bedr. Amr ibn Hicham Abou Djehl eut la tête coupée ce jour là. Il était âgé de soixante-dix ans.
Outbah et Cheïbah, tous deux fils de Rebyah, furent tués le premier par Obeïdah ibn Harith, le second par Hamzah.
[31] Le texte persan donne fautivement le nom de Acef qui est celui du ministre de Salomon. Il faut lire Içaf. Içaf ibn Souheil el Djorhomy fut surpris dans la Ka'abah avec Naylah, fille de Dhib, et Dieu, en punition de leur crime, les changea en pierres.
Zoul Khimar Soubay ibn el Harith commandait avec Karib ibn el Asoued la tribu de Thaqif dans la guerre que les Hawazin firent au Prophète.
Antar est le fils de Cheddad el Abssy dont les aventures sont si connues.
Les noms des khalifes Omeyyades ne sont point tous rapportés exactement.
Les mots de « Le fils de Hakem » désignent Merwan, surnommé el Houmar (l’âne) qui fut le dernier prince de la dynastie des Omeyyades en Syrie.
Hedjdjadj ibn Youssouf eth Thaqif y fut le gouverneur de l’Arabie et de l'Iraq sous le khalife Abd el Melik. Les traits de sa cruauté sont trop nombreux et trop connus pour que j'en fasse mention.
[32] Mou'tacem, fils de Haroun er Rechid et frère d'Emin et de Mamoun, fut le huitième khalife de la dynastie, des Abbassides. Mou'tazhad billah, fils de Mouwaffek billah, est le seizième prince de cette maison.
[33] Abou Bekr Ahmed ibn Mansour et Zennady, mort en 265 (879).
[34] Abou Dja'fer el Haddad (le forgeron), originaire de Bagdad, eut Djouneïd pour disciple.
[35] Yahia ibn Mouadh, mort à Nichapour en 258 (872).
Zoul Noun, disciple de l’imam Malik, fut célèbre par sa piété. Il mourut en 245 (859). Abou Aly Fazhyl, fils d'Iyazh, religieux mystique, naquit à Koufah et mourut en 187 (803). Abou Aly Cheqiq ibn Ibrahim el Baîkhy se fit remarquer par sa science et sa piété. Il fut tué dans le Khatlan en 174 (790). Abou Bekr Chibly fut un jurisconsulte éminent. Il embrassa les doctrines du mysticisme et mourut en 334 (945) à l'âge de quatre-vingt-sept ans. Abou Abder Bahman Hatim de Baikh, surnommé le sourd, mourut à Wachguird en 231 (845). L'anecdote qui lui fit donner le surnom de sourd est rapportée par l'auteur de thistoire de Balkh et par Djamy dans son Nefe-hat oul ouns.
[36] Hassan ibn Hamouyèh. Abou Yezid Thetfour Besthamy, mort en 261 (875). L'émir Edhem était prince de Balkh; son fils Ibrahim renonça aux biens de ce monde pour embrasser la vie religieuse. Il mourut en Syrie en 161 (778).
[37] Abou Hanifkh Na'aman ibn Çabit, le fondateur d'une des quatre sectes orthodoxes du rite sunnite, naquit à Koufah en 80 (699) et mourut à Bagdad en 150 (767). Je crois qu'il s'agit ici de Çabit ibn Qourrah el Harrany, philosophe, médecin et mathématicien, né à Harran dans la province de Béni Moudhar.
[38] Zobeïr ibn Bekkar, qadi de la Mekke.
[39] Mohammed ibn el Hassan ech Cheïbany est l'auteur de différents recueils dont il a été fait mention précédemment. Abou Youssouf Yaqoub ibn Ibrahim el Koufy exerça, sous le règne des khalifes Hady et Haroun, les fonctions de Qadhi oul Qoudhat. Abou Abdillah Mohammed ibn Idris ech Chafey, fondateur de la secte orthodoxe qui porte son nom, naquit à Ghaznah en 150 (7&7j et mourut en 204 (819). Abou Abdillah Malik ibn Ana » le chef de la secte des Malikites, naquit à Médine et mourut l'an 179 de l'Hégire (795). Abou Hodhaïl Zafer ibn Sabbah fut le disciple le plus distingué d'Abou Hanifeh. Il naquit à Koufah en l'an 110 (728) el il mourut en 148 (765).
[40] Acef était le vizir de Salomon; Bozourdjmihr celui de Nouchirevan.
[41] Abou Nasr Ahmed el Zoundjy, père de l'imam Omar el Çaffar.
[42] Abou Dja'fer el Haddad es Saghir (le petit) naquit au Caire. Le surnom de Petit lui a été donné pour le distinguer d'Abou Dja'fer el Haddad el Bagdady dont il a été question plus haut. Cf. Nefehat oul ouns, Calcutta 1859, pages 189—190.
[43] Ardewan fut tué près d'Istakhr par Ardeschir, fondateur de la dynastie des Sassanides.
Arech est le nom d'un archer persan. Une fiche décochée par lui à Amol dans le Thabarestan alla tomber à Merw.
[44] Sabakh cet une mauvaise leçon; il faut lire Chadiakh ou Chadbakh, vaste faubourg de Nichapour Yaqout en a donné une intéressante description dans son Moudjem. Dictionnaire géographique de la Perse, traduit par M. Barbier de Meynard, pages 340—343.
[45] Dabistan oul Mezahib, Bombay 1224 (1809), page 355. Dabistan or the School of manners, translated by D. Shea and Ant. Troyer, Paris, 1843, tome II, pages 419-420.
[46] Dans son Dictionnaire bibliographique, Hadji Khalfa donne cependant, à l'article du Seadet Nameh et à celui du Séfer Nameh, la date de 431 (1089) comme étant celle de la mort de Nassiri Khosrau. Lexicon bibliographicum, Londres 1842, tome III, pages 598 et 600.
[47] Je ne discuterai pas l'opinion de M. Ethé qui considère le Rouchenay Nameh comme ayant été composé au Caire. Il est possible qu'il y ait été présenté au khalife Mostansser, bien qu'il soit écrit en persan et qu'il y ait été remanié et augmenté. Il n'est fait aucune allusion à ce prince dans l'exemplaire manuscrit que je possède. Je ne puis rien conclure de la présence du soleil dans le signe des Poissons et de celle de la lune dans le signe du Bélier. Les Persans célèbrent le Naurouz le 21 mars, lorsque le soleil entre dans le signe du Bélier.
[48] Je possède deux exemplaires du Rouchenay Namèh et du Seadet Nameh qui ont été copiés l'un en l'année 860 (1455) et l'autre en 879 (1474).
[49] Nassir nous apprend dans sa relation que Nasr oud Daoulèh vivait encore lorsqu'il la rédigea. Ce prince mourut en 453 (1061).
[50] Mouqaddessy, Descriptio imperii Moslemici, éd. de Goeje. Leyde 1877, pages 334—335.
[51] The Tarikhi Baihahi containing the life of the Masoud etc. Edited by the late W. Morley Esq. Calcutta 1863, page 838.
[52] Bibliothèque orientale, Maëstricht, 1776, in-f°, page 661.
[53] Account of the Atech Kedah, a biographical work on the Persian poets etc. Journal of the Royal Asiatic Society, Londres 1843, tome VII, pages 860—361.
[54] A catalogue of the Arabic, Persian and Hindustany manuscripts of the libraries of the King of Oudh, compilée by A. Sprenger. Calcutta 1864, pages 428—429.
[55] Mélanges asiatiques, Saint-Pétersbourg, tome VI {1869), page 574, et tome VII (1874), pages 33-36.
[56] An account of Jérusalem translated for the late Sir H. M Elliot, from the persian text of Nasir ibn Khusru's Safar Namah by the late major A. S. Fuller. Journal of the Boyal Asiatic Society, New Series, London 1872, tome VI, pages 142-164.
[57] Quelques auteurs orientaux indiquent une subdivision du grain - Ils disent que six crins de la queue d'un mulet ou soixante-dix graines de sénevé forment le poids d'un djau.
On est loin d'être d'accord sur l'évaluation du grain, et la concordance entre les poids qui en dérivent avec ceux de notre système métrique se trouve, par conséquent, impossible à établir d'une manière un peu rigoureuse. Je crois, cependant, arriver à une approximation suffisante, en regardant le djau persan comme équivalent à peu pris au grain de la pharmacie, soit 0,053 gr On obtient ainsi le dang = 0,318 gr., le miçqal = 2,544 gr., le syr = 38,16 gr, le men = 1526,40 gr. et le kharvar = 162 kg 640 g.
Des résultats assez différents sont donnés pour la Perse moderne par le docteur Schlimmer (Terminologie médico-pharmaceutique française persane. Téhéran 1874, p. 468). Querry (Droit musulman, tome Ier, page 146).
Les appréciations de M. O. Blau (Commercielle Zustände Persiens, Berlin 1868, p. 176) se rapprochent assez sensiblement de celles qui sont exposées plus haut. M. Blau estime que le miçqal représente 2,838 gr.