Kémal

KEMAL ED-DÎN

 

EXTRAITS DE LA CHRONIQUE D'ALEP

partie I - partie II

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer


EXTRAITS DE LA CHRONIQUE D'ALEP

DE

KEMAL ED-DÎN

 

précédent

Au mois de safar de cette même année (mars-avril), Balak, irrité contre Hassan, fils de Gumuchtékîn, gouverneur de Manbedj, au sujet duquel il venait de recevoir des rapports défavorables, donna le commandement d'un corps d'armée à Timourtach, fils d'Ylghazi et cousin de Balak. Il lui ordonna de se rendre à Manbedj, d'inviter Hassan à prendre part avec eux à un coup de main contre Tell-Bachir, et de s'emparer de ce gouverneur dès qu'il serait sorti de la ville. Timourtach, conformément à cet ordre, entra dans Manbedj et rencontra un refus formel de la part de Yça, frère de Hassan, qui s'était retranché dans le château. Quant à Hassan, il fut dirigé prisonnier sur la forteresse de Baloua, après avoir été bâtonné et traîné nu sur des épines. Yça, son frère, persistant dans son refus, écrivit à Josselin et lui proposa de lui livrer Manbedj s'il repoussait les troupes de Balak ; on prétend même qu'il fit proclamer le cri de ralliement de Josselin dans les murs de cette ville. Le seigneur franc se rendit aussitôt à Jérusalem, puis à Tripoli et dans toutes les possessions des Francs, leva un corps de plus de dix mille hommes, tant cavaliers que fantassins, et revint à Manbedj pour en déloger l’ennemi. Il rencontra Balak' aux abords de la ville. Une bataille s'engagea le lundi 18 de rebi premier (5 mai 1124) ; les Chrétiens furent battus et poursuivis avec de grandes pertes jusqu'à la fin du jour. Dans cette mêlée, Balak chargea cinquante fois au milieu d'une forêt d'épées et de lances, répandant la mort autour de lui sans recevoir la plus légère blessure. De retour à Manbedj, il passa la nuit à prier et à remercier Dieu, qui l'avait choisi pour ramener la victoire du côté des Musulmans Le mardi matin 19 de rebi premier (6 mai), il fit exécuter tous les prisonniers pris dans cette bataille ; puis il se dirigea vers la forteresse, casque en tête et bouclier au bras, pour choisir la place où l’on dresserait les mangonneaux. Son intention était de laisser à son cousin, Timourtach, fils d'Ylghazi, la direction du siège et de se porter au secours de la ville de Tyr que les Francs serraient de près et dont ils finirent par se rendre maîtres. Pendant qu'il donnait ses ordres, une flèche partie du rempart, d'autres disent lancée par Yça, vint le frapper sous la clavicule gauche. Il arracha le trait et, crachant dessus avec mépris, il s'écria : « Ceci va tuer tous les Musulmans ! » et il expira. D'après un autre récit, il vécut encore quelques heures. Dès qu'il eut rendu le dernier soupir (que Dieu lui fasse miséricorde !), il fut transporté à Alep et enterré au sud du Makam Ibrahim « sanctuaire d'Abraham ». Houssam ed-Dîn Timourtach arriva dans cette ville, le mercredi 20 de rebi premier ; il prit possession du château, où il fit planter son étendard et proclamer son cri de ralliement. En redjeb 518 (août-septembre 1124), il choisit pour vizir Abou'r-Ridja, fils de Serthan, et pour reïs d'Alep, Fadhaïl, fils de Sa'ed, il envoya chercher à Harrân Sultan-Chah, fils de Rodouân, que Balak avait interné dans cette ville, et il le retint prisonnier dans un appartement du château de Mardîn. Mais ce prince s'évada de sa prison à l'aide de cordes par une fenêtre du château, et se réfugia d'abord à Dara et ensuite dans la forteresse de Keïfa, auprès de Daoud, fils de Sokmân.

Dans la dernière décade du mois de rebi premier (commencement de mai 1124), le lieutenant de Josselin à Edesse alla ravager le canton de Chabakhtân. Aussitôt Omar el-Khass, lieutenant de Timourtach, et qui avait été le favori d'Ylghazi, père de Timourtach, se mit à la poursuite de l'ennemi avec trois cents cavaliers ; il rejoignit les Francs près de Merdj-Eksas, et, après un combat acharné, les tua presque tous ainsi que leur chef. Aussitôt après cette victoire, il envoya les têtes et le butin conquis à Timourtach, qui était à Alep ; il reçut comme récompense la lieutenance et le gouvernement militaire de la ville. C'est le même personnage qui est enterré sous la Koubbah située en face de la « Porte du tombeau d'Abraham » ; son nom se lit sur les quatre faces du monument. Timourtach choisit en outre pour gouverneur du château d'Alep un certain Abd el-Kerim.

Le 10 de djemadi premier (25 juin 1124), une convention fut conclue entre le roi Baudouin, seigneur d'Antioche, que Balak avait emprisonné à Alep, et Timourtach, fils d'Ylghazi. Baudouin s'engageait à rendre Athareb, Zerdanâ, El-Djezr, Kefer-Thab et A'zaz ; de plus, à fournir une rançon de quatre-vingt mille dinars, dont vingt mille payables d'avance. Baudouin prit ces engagements sur la foi du serment et promit aussi de travailler à la perte de Dobeïs, fils de Sadakah. Ce Dobeïs, après avoir été défait par l'armée de Mostarched, dans une affaire qui lui avait coûté presque tous ses partisans, s'était réfugié dans son pays pour fuir le ressentiment du khalife. Ayant chargé sur des bêtes de somme tout ce qui lui restait d'argent et d'effets mobiliers, il était allé demander asile à Ebn Salim, fils de Malek, fils de Bedrân, qui lui avait donné l'hospitalité dans le château de Dawser. Se sentant poursuivi par la colère du khalife de Bagdad et du sultan seldjoukide Mahmoud, Dobeïs avait noué des intelligences avec quelques habitants d'Alep, et leur avait envoyé une somme d'argent pour les engager à lui livrer la place. Mais le chef de police de la ville, Fadhad ben Sa'ed ben Bedi', eut vent de cette affaire et en instruisit Timourtach ; les affidés de Dobeïs furent arrêtés et mis à la question, les uns périrent étranglés, les autres eurent leurs biens confisqués. Les négociations entre Baudouin et Timourtach avaient été conduites par l'émir Abou'l-Asakir Sultan, fils de Mounkad, lequel avait envoyé à Alep ses fils et les fils de sa sœur comme otages répondant de Baudouin. Ce dernier fut délivré de ses fers et conduit à la réception de Timourtach. Après avoir bu et mangé avec le prince, Baudouin reçut en présent une tunique royale, un bonnet d'or et des brodequins richement ornés ; on lui rendit aussi le cheval de prix que Balak lui avait enlevé le jour où il le fit prisonnier. Baudouin se mit ensuite en route pour Cheïzer, où il arriva le mercredi 4 de djemadi premier (30 juin 1124). Il demeura quelque temps chez Abou'l-Asakir, en attendant le départ des otages offerts en garantie de ses engagements envers Timourtach : c'étaient sa propre fille, le fils de Josselin et d'autres fils de seigneurs francs, en tout douze personnes. Il livra aussi les vingt mille dinars qui devaient être payés par anticipation. Le seigneur de Chëïzer, après avoir pris livraison des otages, fit sortir Baudouin de prison, le vendredi 17 de redjeb (119 Août). Baudouin partit (que Dieu le maudisse !) et viola aussitôt ses engagements envers Timourtach, auquel il envoya le message suivant : « Le Patriarche (le Pape), auquel nous ne pouvons désobéir, a voulu connaître la nature de mes concessions et de ce qui a été convenu entre nous. Quand il a appris que je devais livrer A'zaz, il s'y est absolument refusé et m'a ordonné de renoncer à cette clause, en ajoutant qu'il prenait sur lui la faute (de la violation du serment). Je ne puis aller contre ses volontés. » Les négociations continuèrent sans qu'on trouvât une base solide pour traiter. Dobeïs eut de fréquentes entrevues avec Josselin et Baudouin ; après de longs pourparlers, l'accord s'établit entre eux, grâce à l'intervention de l'émir Malek, fils de Salem, le maître du château de Dja'ber. Une des danses de la convention portait la cession d'Alep à Dobeïs, l'autorité sur les biens et la population étant toutefois réservée aux Francs avec abandon de quelques-unes des localités de la province. Dobeïs s'avança alors vers Merdj-Dabek, y rencontra Houssam ed-Dîn Timourtach et le mit en déroute. Ce dernier, dès qu'il avait été informé de la déloyauté de Baudouin, était sorti d'Alep (25 redjeb, 2 septembre 1124) pour aller à Mardîn demander du secours à Suleïman son frère, et recruter des troupes. Les fils de Mounkad restèrent en otage dans le château d'Alep auprès de Timourtach, et les fils des (seigneurs) francs en otage à Cheïzer, chez Abou'l-Asakir, fils de Mounkad. Les négociations se poursuivaient encore entre Timourtach et Baudouin, lorsque arriva la nouvelle (18 chaban, 30 septembre) que ce dernier, rompant la trêve, marchait sur Artah et menaçait Alep. En sortant d'Artah, Baudouin alla camper sur les bords du Koïk, ravagea les environs et, continuant sa marche, arriva sous les murs d'Alep, le lundi 26 chaban, qui répond au 6 octobre.[44] En même temps, Dobeïs et Josselin partaient de Tell-Bachir, envahissaient la vallée (d'El-Bab) et y ravageaient les champs de coton, de millet et d'autres produits, pour une valeur de cent mille dinars. Ils faisaient ensuite leur jonction avec Baudouin devant Alep, et étaient rejoints par Sultan-Chah, fils de Rodouân. Baudouin, commandant en chef de l'armée franque, s'établit à l'ouest d'Alep, dans le champ de course ; Josselin, sur la route d'A'zaz et dans les campagnes voisines, à droite et à gauche de cette route. Pour Dobeïs et Sultan-Chah, ils se déployèrent à l'est du camp de Josselin, ayant avec eux Yça, fils de Salem, fils de Malek. Enfin Yaghi Siân (fils d'Abd el-Djebbar, fils d'Ortok), seigneur de Balès, prit position près de Dobeïs, vers l'est. Le camp des assiégeants formait trois cents tentes, dont deux cents aux Chrétiens et cent aux Musulmans. Au début du siège, ils coupèrent les arbres, détruisirent plusieurs chapelles funéraires, ouvrirent les tombes musulmanes et emportèrent les cercueils, dont ils firent des coffres pour leurs vivres. Ils dépouillaient les morts de leur linceul, puis déterrant les corps qui n'étaient pas encore tombés en décomposition, ils leur attachaient des cordes aux pieds et les traînaient devant les Musulmans en criant, les uns : « Voilà votre prophète Mahomet ! » les autres : « Voilà votre Ali ! » Ils enlevèrent aussi un Coran d'une des chapelles funéraires situées en dehors d'Alep : « Musulmans, voyez ce que nous faisons de votre livre, » s'écriaient-ils. L'un d'eux le perça de deux trous, y ajusta deux cordes, et l'attacha en guise de croupière sous la queue de son cheval. Toutes les fois que le fumier du cheval tombait sur le saint livre, c'étaient des applaudissements, des rires, des cris de joie insultante. S'emparaient-ils d'un Musulman, ils lui coupaient les mains et les testicules et le rendaient en cet état aux Musulmans. Ceux-ci, il est vrai, infligeaient le même traitement aux prisonniers francs, ou bien ils les étranglaient Les assiégés, sortant par la porte d'Irak, battaient les roules, enlevaient les Chrétiens jusque sous leurs tentes, les massacraient ou les faisaient prisonniers. Du haut des remparts, ils criaient : « Dobeïs, l'infâme ! » On continua pointant de parlementer pour la paix, mais sans résultat, jusqu'à ce que la situation devînt intolérable pour les Musulmans, Dans Alep, Bedi ed-Dawleh Suleïman, fils d'Abd el-Djebbar, et le chambellan Omar el-Khass n'avaient plus sous leurs ordres que cinq cents cavaliers ; le kadi Abou'l-Fadhl, fils de Khachchab, investi des fonctions de reïs, pourvoyait à l'administration et à la sécurité de la ville, ainsi qu'aux dépenses et à la distribution du blé. Ces chefs convinrent d'envoyer en mission mon bisaïeul le kadi d'Alep, Abou Ghanem Mohammed (fils de Hihet Allah, fils d'Abou Djeradah), avec le maréchal de la noblesse (nakib el-achraf) et Abou Abd Allah, fils d'El-Djeli Les délégués sortirent de nuit et se rendirent auprès de Timourtach à Mardîn, pour l'apitoyer sur leur sort et implorer son secours. Mais au moment de leur arrivée, Suleïman, frère de cet émir et gouverneur de Meïafarékïn, venait de mourir (ramadhan, octobre-novembre 1124), Timourtach s’était rendu dans cette ville pour en prendre possession, de sorte que le soin de cette affaire lui fit oublier Alep. En outre, il était occupe à négocier avec Ak-Sonkor Borsoki, prince de Mossoul pour agir en commun contre les Francs qui assiégeaient Alep Au milieu de ces projets, il ne fit guère attention au rapport des Alépins et les retint auprès de lui, en les laissant dans l'attente par de continuelles temporisations. (Il faut ajouter que) lorsque les envoyés étaient sortis d'Alep, les Francs, l'ayant appris, avaient envoyé un détachement à leur poursuite sans pouvoir les atteindre ; néanmoins, dès le lendemain matin, ils crièrent aux assiégeants : « Où est votre kadi ? Ou est votre chéri ? ce qui terrifia les habitants d'Alep jusqu'à ce qu'ils reçussent un message annonçant l'heureuse arrivée des députés. Celui-ci cependant ne cessaient d'exhorter Timourtach à Marcher au secours d'Alep, mais n'en recevaient que des promesses non suivies d'effet. « Ce que nous vous demandons, lui disaient-ils, c'est de vous montrer, les Alépins suffiront au reste. « En réalité la situation des habitants était des plus critiques : privés de vivres et à bout de ressources, ils en étaient réduits à manger les chiens et les cadavres. La maladie faisait de terribles ravages parmi eux, et cependant, lorsque la trompette annonçait une sortie contre les Francs, les malades, à qui la douleur arrachait des cris, se levaient vivement comme des captifs allégés du poids de leurs chaînes ; ils couraient à l'ennemi, le repoussaient jusque dans son camp et retombaient ensuite sur leur lit de douleur. Mon grand-père Abou'l-Fadhl Hibet Allah écrivit à son père, le kadi Abou Ghanem, une lettre dans laquelle il lui décrivait la triste situation des Alépins, la famine qui les réduisait à manger des cadavres, et les maladies qui les décimaient. Celte lettre tomba entre les mains de Timourtach. Grande fut sa colère : « Voyez donc, s'écria-t-il, ces gens qui font les braves devant moi et m'assurent que, dès que je paraîtrai, les Alépins sauront se défendre par eux-mêmes ; malgré la faiblesse extrême de cette population, ils me trompent afin que je parte avec un petit nombre d'hommes ! » Puis il fit conduire les délégués en prison sous bonne escorte. Ceux-ci s'occupèrent aussitôt des moyens de s'évader pour aller implorer le secours d'Ak-Sonkor Borsoki. En effet, ils trompèrent la vigilance de leurs gardiens et, profitant de leur sommeil, ils s'échappèrent pendant la nuit. Le lendemain matin, ils étaient à Dara, d'où ils poursuivirent leur route jusqu'à Mossoul. Ils trouvèrent Borsoki alité et gravement malade ; les médecins seuls pouvaient l'approcher, et sa faiblesse était si grande qu'on était obligé de piler la chair des poulets qu'on lui servait. Dobeïs, informé secrètement de la maladie de son rival, en fit répandre au son du tambour la nouvelle dans son camp, où on l'accueillit avec des actions de grâce. Un de ses officiers cria même aux Alépins : « Celui en qui vous mettiez votre espérance est mort ! » Cette nouvelle les jeta dans de mortelles alarmes. Cependant la mission avait sollicité et obtenu la faveur d'être introduite auprès de Borsoki ; elle lui révéla la triste situation d'Alep et le supplia de leur venir en aide. Le prince (que Dieu lui fasse miséricorde !) les accueillit avec bonté : « Vous voyez, leur dit-il, l'état où la maladie me réduit ; mais si Dieu me rend la saute, je fais vœu devant lui de consacrer tous mes efforts à vous défendre, à délivrer votre pays et combattre vos ennemis. » En moins de trois jours, racontait (mon aïeul) le kadi Abou Ghanem, la fièvre l'avait quitté. Borsoki fit dresser sa tente et donner à ses troupes l'ordre de se tenir prêtes à marcher au secours d'Alep. Après quelques jours consacrés aux préparatifs, il partit à la tôle de forces considérables et se rendit à Rahbah. Là il enjoignit par écrit à l'atabek Toghtékin, prince de Damas, et à Samsam ed-Dîn Khirkhân, fils de Karadjaz prince d'Émèse, de venir le rejoindre. Il passa ensuite à Balès et marcha droit à Alep, où il arriva le jeudi, huit jours avant la fin du mois de dhou’lhidjdjeh 518 (29 janvier 1125). A son approche, Dobeïs, déployant ses enseignes blanches, alla rejoindre les Francs, et tous ensemble ils se transportèrent vers le mont Djawchen.[45] Les Alépins se ruèrent sur le camp qu'ils abandonnaient, le pillèrent et enlevèrent tout le butin à leur guise. Ils allèrent ensuite à la l’encontre de Kaçim ed-Dawleh (Borsoki) et marchèrent avec lui contre les Francs, qui furent délogés du mont Djawchen. Borsoki les poursuivit, mais avec lenteur, et quand il les eut repoussés assez loin de la ville, il envoya ses éclaireurs, avec ordre de ramener les troupes. Le kadi Ibn et-Khachchab lui dit alors : « Seigneur, si l'armée se mettait à la poursuite de l'ennemi, nous le ferions prisonnier aisément, puisqu’il est en déroute et enveloppé de toutes parts. — Kadi, répondit le prince, crois-tu qu'il y ait dans ce pays les ressources suffisantes pour réparer notre perte et celle de l'armée si, ce qu'à Dieu ne plaise, le destin nous infligeait une défaite ? » Le kadi répondit négativement. « Eh bien, reprit Borsoki, combien ne serions-nous pas répréhensibles si un retour offensif de l'ennemi entraînait notre défaite et celle des Musulmans ! Puisque Dieu nous a délivrés des infidèles, rentrons dans la ville, rétablissons ses ressources, veillons à ses intérêts ; puis, s'il plaît à Dieu, nous réunirons nos forces pour marcher de nouveau au combat. » Et, en effet, il revint à Alep et occupa le château. Il rétablit l'ordre dans les affaires, fortifia la ville, supprima les abus et les taxes arbitraires, et gouverna avec une entière justice et une bonté parfaite. La copie du décret par lequel il abolit les abus et taxes oppressives existe encore. Grâce à ce prince, les Alépins furent délivrés du régime injuste et des exactions qu'ils avaient subis du fait d'Abd el-Kerim, gouverneur du château, et d'Omar el-Khass, gouverneur du pays, lesquels avaient permis à leurs milices et aux soldats turcs de piller la population et de voler la fortune des grands et des notables, pendant que la ville était assiégée.

Lorsque les Francs furent de retour à Et-Athareb et de là à Antioche, on commença les semailles dans les campagnes d'Alep, le 12 du mois de soubat (février). Après l'arrosage des champs et l'ensemencement, au moment où l'herbe poussait, survinrent des pluies abondantes, qui répandirent la fécondité ; aussi la récolte fut-elle excellente et de premier choix. — Borsoki délivra les fils de Mounkad, retenus (comme otages) dans le château d'Alep. Vers la fin de moharrem 510 (premiers jours de mars 1125), il partit pour Tell-Sultan, y resta trois jours et continua sa roule vers Cheïzer, où il arriva le 7 de safar (15 mars). Ibn Mounkad lui abandonna les fils des Francs gardés en otage, et Borsoki reçut pour leur rançon quatre-vingt mille dinars payés comptant. Après un court séjour à Hamat, où l'atabek Toghtékin vint le rejoindre, Borsoki se mit en marche à la tête d'une armée innombrable. Kefer-Thab se rendit le vendredi 3 rebi second (9 mai 1125) ; il confia le gouvernement de cette place à Samsam ed-Dîn Khirkhân, fils de Karadja, qui, arrivant d'Emèse, l'avait rencontré à Tell-Sultan. Borsoki alla ensuite assiéger A’zaz. Déjà il avait fait miner les abords de la place, lorsqu'il fut attaqué par les Francs (16 rebi second, 11 mai) et complètement battu. Cette affaire coûta la vie à bon nombre de Musulmans, gens du commun et de la basse classe, sans qu'on perdit un seul émir ou officier. Borsoki rentra sain et sauf dans Alep, après un court séjour à Kinnisrîn d'où il renvoya ses troupes dans leurs cantonnements. Il donna le gouvernement de la ville et du pays d'Alep au chambellan l'émir Sarim ed-Dîn Babek, fils de Thalmas, au lieu et place de Soutékîn, qu'il avait nommé précédemment.

Borsoki conclut ensuite avec les Francs une trêve en vertu de laquelle on partagea entre les deux partis le Djebel Sommak et d'autres territoires occupés par les Francs ; puis il retourna à Mossoul. L'ennemi n'en continua pas moins d'empêcher sous de fallacieux prétextes les agents du fisc et les fermiers d'enlever les recolles des territoires compris dans la trêve, jusqu'au 20 chaban de cette année (21 septembre 1125). Baudouin revint à Jérusalem, suivi d'un envoyé chargé de l'informer que les Francs ne permettaient à personne de rien enlever des récoltes, ni à aucun des percepteurs de toucher le moindre impôt sur quelque localité que ce fût, bien que la trêve restât en vigueur.

Les troupes franques allèrent camper devant Rafanyah. Le gouverneur Chems el-Khawass courut demander du secours à Al-Sonkor Borsoki, mais son fils, à qui il avait confié la défense de la place, se hâta d'en faire la reddition (fin du mois de safar 520, fin de mars 1126). Les Francs envahirent ensuite le pays d'Emèse, qu'ils ravagèrent. Borsoki leva des troupes fraîches et se hâta d'entrer en Syrie pour combattre l'ennemi ; il parvint à Rakkah dans les derniers jours de rebi second (fin de mai 1126), et poursuivit sa marche, sans s'arrêter, jusqu'à Nakirah, dans le canton de Na'ourah, où il arriva le même mois. Pendant son séjour dans ce pays, il négocia avec les Francs. Josselin lui avant fait proposer le partage des domaines compris entre A'zaz et Alep, en maintenant l'état de guerre pour tous les autres territoires, l'accord se fit sur ces bases.

Bedr ed-Dawleh Suleïman, fils d'Abd el-Djebbar, et son cousin[46] avaient conduit un détachement de Turcomans vers Ma'arrat. Là ils surprirent les Francs et leur tuèrent cent cinquante hommes ; Geoffroy Blanc, seigneur de Basarfouth, dans les montagnes, des Benou O'laïm, fut pris et enfermé dans la prison d'Alep. Borsoki envoya au secours d'Émèse son fils Yzz ed-Dîn Mas'oud, qui en délogea les Francs. A son retour, Borsoki le laissa dans la ville d'Alep, et il enleva le gouvernement de cette ville à Babek, qu'il remplaça par l'eunuque Kafour, en attendant d'y installer un gouverneur muni d'une autorité absolue. Il partit ensuite pour El-Athareb, le 8 djemadi second 520 (1er juillet 1126). Babek, fils de Thalmas, qu'il avait envoyé avec un corps d'armée et des mineurs contre la Forteresse du Couvent (Hisn ed-Deïr), place nouvellement rebâtie au-dessus de Sermed, s'en rendit maître par capitulation ; après quoi, il tua une troupe de cinquante cavaliers. Son armée ravagea les moissons, pilla les paysans dans tout le pays où elle étendit ses incursions, et dirigea sur Alep les récoltes enlevées à l'ennemi. Elle fit aussi une tentative contre El-Athareb, dont elle détruisit les deux enceintes extérieures sans pouvoir s'emparer de la place. Baudouin, sortant de Jérusalem avec toutes ses troupes, auxquelles vint se joindre Josselin, campa devant A'mm[47] et Artah ; il envoya un message ainsi conçu à Borsoki : « Eloigne-toi de ce pays, ensuite nous nous mettrons d'accord sur les propositions de l'année dernière et nous le rendrons Rafanyah. » Borsoki renonça à combattre de peur que les Musulmans ne subissent le même sort que devant A'zaz, ct il conclut avec les Francs une trêve. On convint que le blocus d'El-Athareb serait levé et que le gouverneur en sortirait avec ses troupes et ses biens. Mais les Francs, revenant sur leurs promesses, déclarèrent ne consentir à la trêve que si les territoires partagés par la convention de l'année précédente leur étaient abandonnés entièrement, avec renonciation complète de la part des Musulmans. Borsoki refusa et resta quelque temps encore à Alep, échangeant des messages avec l'ennemi sans parvenir à une entente. Il partit enfin pour Kinnisrîn (Chalcis) et de là pour Sarmîn, tandis que son armée se répandait du côté de Fou'ah et de Danith. Les Francs allèrent camper près du réservoir de Ma'arrat-Misrîn, où ils demeurèrent jusqu'à la moitié de redjeb (6 août) ; puis étant à court de vivres, ils rentrèrent dans leurs territoires. Borsoki prit les devants avec l'atabek Toghtékin, qui était venu le rejoindre à Kinnisrîn, et, quittant le quartier général, ils se réunirent ensemble devant Alep. Là l'atabek étant tombé malade laissa ses instructions à Borsoki et se fit transporter en litière à Damas. Borsoki confia le gouvernement d'Alep à son fils Yzz ed-Dîn Mas'oud, lequel s'y installa et se signala par sa justice autant que par sa bienfaisance. Quant à Borsoki, il poursuivit sa route et entra dans Mossoul, au mois de dhou’lka’deh 520 (novembre 1126). Il se rendit à la grande mosquée pour y célébrer la prière du vendredi, le 9 du même mois (26 novembre). Au moment où il arrivait au pied de la chaire (minber), huit individus vêtus comme des derviches l'assaillirent, le poignard à la main. Bien qu'il fût revêtu d'une cotte de mailles et entouré d'une troupe nombreuse qui le protégeait, les assassins devancèrent son escorte, et le criblèrent de coups ; on le releva couvert de blessures, et il expira le jour même. Les Bathéniens, auteurs de cet attentat, furent tous massacrés, à l'exception d'un jeune homme, natif de Kefer-Naçeh (?), village du district d'A'zaz. Ce jeune homme, qui réussit à s'échapper, avait une mère d'un âge avancé ; lorsqu'elle apprit la mort de Borsoki et de ses meurtriers, sachant que son fils était du nombre, elle en témoigna une vive satisfaction et se peignit les yeux avec du keuhl (antimoine) en signe d'allégresse. Quelques jours plus tard, elle le vit revenir sain et sauf ; elle en fut fort affligée et, dans sa douleur, elle se rasa la tête et se noircit le visage. Borsoki tua, dit-on, de sa main, trois de ses agresseurs. La veille de sa mort, il avait rêvé qu'il était assailli par une meute de chiens, qu'il en tuait trois et qu'il était fort maltraité par les autres. Ceux de ses courtisans à qui il raconta ce songe lui conseillèrent de ne pas sortir de sa demeure pendant quelques jours ; mais il déclara que, pour rien au monde, il ne manquerait la prière du vendredi, car son habitude constante était d'y assister avec les fidèles. (Que Dieu lui fasse miséricorde !) Borsoki avait pour vizir Moueyyed, fils d'Abd el-Khalik, lequel l'avait accompagne à Alep. Lorsque Yzz ed-Dîn Mas'oud eut pris possession de cette ville, après avoir reçu la nouvelle du meurtre de son père (en l'année 520), il maintint ce ministre dans ses fonctions et nomma comme vice-gouverneur l'émir Toumân.[48] Partant ensuite d'Alep (année 521), il alla trouver le sultan Mahmoud, à Bagdad, pour lui demander l'investiture de l'héritage paternel. Il reçut à cet effet un diplôme du sultan et alla prendre possession de Mossoul, après quoi il se dirigea vers Rahbah, avec l'intention d'entrer en Syrie. Soupçonnant les meurtriers de son père d'appartenir à la population de Hamat, il conçut une haine profonde contre la Syrie et ses habitants ; il renonça dès lors à la ligne de conduite qui lui avait valu des éloges, et cessa de combattre les Francs. En même temps, Toghtékin fut informé qu'il formait des desseins hostiles contre lui, et fit ses préparatifs de défense. A l'arrivée de Mas'oud sous les murs de Rahbah, le gouverneur de cette ville refusa de lui ouvrir ses portes et soutint un siège de quelques jours. Lorsqu'il se rendit enfin auprès de Mas'oud pour (aire sa soumission, il apprit que ce prince venait de mourir de mort subite, empoisonné, d'après ce qu'on raconte. Grand fut le repentir de ce gouverneur d'avoir livré Rahbah.

Un corps d'armée s'étant présenté devant Alep pour prêter main-forte à cette ville, Toumân en refusa l'entrée. La discorde éclata à ce sujet entre ce chef et le reïs Fadhaïl (petit-) fils de Bedi', qui finit par introduire ces troupes de renfort dans la ville. Khotlough-Abeh es-Soultani, écuyer de Sultan Mahmoud, se présenta bientôt, porteur d'un décret que Mas'oud, fils de Borsoki, lui avait donné avant de partir pour Rahbah. Sur le refus de Toumân, gouverneur d'Alep, Khotlough retourna à Rahbah ; mais apprenant que Mas'oud venait de mourir dans les circonstances que nous avons indiquées, il revint en toute hâte à Alep, prit possession de la ville des mains de Toumân, le dernier jour de djemadi second (12 juillet 1127), et monta au château à l'heure désignée comme favorable par les astrologues. Dans sa cupidité, il convoita les richesses de la population et sévit contre certains habitants, sous prétexte qu'ils recelaient les trésors laissés par l'ancien reïs d'Alep, El-Moudjinn el-Fou'i, qui avait été mis à mort sous le règne de Rodouân. Il fit arrêter Cheref ed-Dîn Abou-Taleb ibn el-A'djemi et l'oncle de ce dernier, Abou Abd-Allah. Non content de les mettre aux fers dans le château d'Alep, il fit percer les talons d'Abou-Taleb et le mit à la question. Le châtiment de tant de cruautés ne se fit pas attendre et vint donner un démenti aux pronostics de l'astrologue. En effet, les Alépins se révoltèrent, bloquèrent Khotlough dans le château et, d'accord avec le reïs Fadhad, fils de Sa'ed, fils de Bedi’, ils mirent à leur tête Bedr ed-Dawleh Suleïman, fils d'Abd el-Djebbar, dont ils adoptèrent le cri de ralliement. Les partisans de Khotlough furent arrêtés le 2 chawal (11 octobre 1127). A la nouvelle de ces événements, Josselin, roi d'Antioche, se présenta devant Alep, mais on le fit partir à prix d'argent Tandis que les habitants serraient de près le château et mettaient le feu au palais, Melik Ibrahim, fils de Rodouân, entra dans Alep, où il fut bientôt rejoint par Hassan, gouverneur de Manbedj, et par le gouverneur de Biza'a. Le siège se prolongea jusqu'à la moitié du mois de dhou’lhidjdjeh (22 décembre). Sur ces entrefaites, l’atabek 'Emad ed-Dîn Zengui, fils des Kaçim ed-Dawleh Ak-Soukor, qui était Mossoul en vertu de l'investiture que lui en avait donnée Sultan Mahmoud, reçut de Chehab ed-Dîn Malek, fils de Salem, gouverneur de Dja’ber, un message qui l'instruisait de la situation d'Alep et du siège du château. L'atabek dirigea aussitôt sur cette ville des troupes commandées par l'émir Sonkor Diraz et l'émir chambellan Salah ed-Dîn Haçan. Ce dernier entra dans la ville, y rétablit l'ordre et obtint des deux partis qu'ils inviteraient l'atabek Zengui à venir de Mossoul. Ce prince arriva en effet à la tête de son armée et fut reçu, dit-on, par Bedr ed-Dawleh et par Khotlough ; d'après une autre version, Khotlough demeura dans le château, à la porte duquel il reçut l'atabek. L'atabek y fit son entrée, le lundi 17 djemadi second 522 (18 juin 1128). Son premier soin fut de chercher un emplacement pour y transporter les restes de son père Kaçim ed-Dawleh qui était enterré dans la chapelle funéraire, au sommet du mont …[49]. Bedr ed-Dawleh lui proposa pour cette inhumation la medresseh qu'il avait construite dans le quartier des verriers (Ez-zaddjadjin) ; selon d'autres, ce fut Abou Taleb, fils d'El-Adjemi, qui lui demanda de choisir cet endroit. On exhuma le corps, on le fit hisser sur les murs d'Alep pendant la nuit et on l'enterra dan, les bâtiments du nord de la medresseh. L'atabek convertit ce lieu en chapelle funéraire pour sa postérité, et assigna comme bénéfice aux lecteurs (du Coran) de service dans la chapelle de son père les revenus du village de Chamir.

Melik Ibrahim, fils de Rodouân, se mit à l'abri des poursuites de l'atabek en se réfugiant à Nisibe, qui était un de ses fiefs, et il y demeura jusqu'a sa mort. Quant à Khotlough, livré à Fadhad qui le fit aveugler dans son hôtel, il périt ensuite par ordre de l'atabek. On dit que Bedr ed-Dawleh s'échappa à la même époque et que Fadhaïl, craignant lui aussi le ressentiment de Zengui, se réfugia dans le château d'Ibn-Malek.

Après avoir confié les fonctions de reïs d'Alep à Safi ed-Dîn Aboul-Haçan Ali, fils d'Abd er-Rezzak el-'Adjlani, originaire de Balès, lequel exerça son autorité d'une manière très louable, l'atabek sortit d’Alep et se rendit à Hamat. Il fut rejoint par Samsam ed-Dîn Khirkhân, fils de Karadja, avec lequel il conclut une alliance dont les suites ne furent pas heureuses, comme nous le dirons plus loin. Après avoir reçu dans cette même ville la visite de Sevindj, fils de Tadj el-Molouk, il continua sa route et se présenta à l'audience du sultan (Mahmoud ; litt. « il foula les tapis du sultan »), en l'année 513. Puis il s'en retourna, porteur de diplômes royaux qui lui conféraient l'autorité sur tout l'Occident, et, après un court séjour à Mossoul, il alla faire la conquête de la place d'Es-Sinn. Il poursuivit ensuite sa marche sur Alep, enleva les recolles d'Edesse pour la subsistance de ses troupes, et passa l’Euphrate pour se rendre à Alep, en vertu du diplôme à lui confère par Sultan Mahmoud. Ce dernier, il est vrai, eût préfère donner l'investiture de ces contrées à Dobeïs, mais il en fut empêche par les répugnances du khalife El-Mostarched, qui lui écrivit entre autres choses : « Ce Dobeïs a prêté main-forte aux Francs contre les Musulmans et a grossi le nombre des infidèles. » Le projet du sultan fut donc abandonné. Zengui affermit alors sa puissante à Mossoul, dans la Mésopotamie, à Rahbah et Alep, en vertu du décret qui lui donnait tout le territoire de Syrie et d'autres pays.

L'atabek avait épouse Khatoun, fille du roi Rodouân, et s'était uni à elle dans le couvent de Zebîb. Cette princesse vécut en bonne intelligence avec son mari jusqu'au jour où il fit ouvrir le trésor royal d'Alep. En examinant ce qui y était renfermé, ses regards tombèrent sur la tunique encore souillée de sang que portait son père Ak-Sonkor lorsqu'il fut assassiné par Toutouch, aïeul de Khatoun ; à dater de ce jour la princesse tomba en disgrâce. On croit même que ce fut à cette occasion qu'il fit détruire le monument funéraire de Rodouân. Comme son mari persistait dans son ressentiment, Khatoun alla trouver le kadi d'Alep, Abou Ghanem, et se plaignit de sa situation. Abou Ghanem se rendit aussitôt chez Zengui. Si orgueilleux qu'il fût, ce prince s'inclinait devant la loi, et il était facile de le rappeler à la crainte de Dieu Le kadi le trouva au moment où il allait sortir avec son cortège, il l'accompagna et lui fit part des griefs de Khatoun. L'atabek poussa son cheval en avant sans faire aucune réponse, mais le juge, retenant le cheval par la bride, força le prince à s'arrêter et lui dit : « Seigneur, telle est la loi religieuse, et il n'est pas permis de la transgresser. » Le prince se contenta de répondre : « Je te prends à témoin que je répudie cette femme. » Le juge lâcha les rênes du cheval et répliqua : « S'il en est ainsi, j’y consens. »

L'émir Sawar, fils d'Aïtekîn, s'étant brouille avec Tadj el-Molouk Bouri, seigneur de Damas, sous les ordres duquel il se trouvait, alla prendre du service à Alep, auprès de l'atabek, en 524 (1130) Zengui le reçut avec une grande considération, lui donna un vêtement d'honneur el plusieurs fiefs ; il lui conféra même le gouvernement d'Alep et de sa banlieue, persuade qu'il l'aiderait, dans sa lutte contre les Francs, par ses talents militaires et son expérience. En effet, Sawar leur avait souvent livre bataille, s'était signalé en maintes rencontres et avait, par son courage et son audace, jeté l'effroi dans le cœur de ces barbares mécréants.

Au cours de cette même année,[50] l'atabek, se préparant à la guerre sainte, écrivit à Tadj el-Molouk Bouri, prince de Damas, pour lui demander son aide. Bouri y consentit, et après que les deux alliés se furent juré fidélité, Bouri adressa un message à son fils Beha ed-Dîn Sevindj, prince de Hamat. Il lui ordonna de se mettre à la tête de ses troupes, et lui envoya de Damas plusieurs officiers et cinq cents cavaliers commandés par Chems el-Khawass. Ces auxiliaires trouvèrent Zengui campé sous les murs d'Alep ; il les reçut avec affabilité et les retint trois jours auprès de lui. Mais dès qu'ils s'éloignèrent pour faire une incursion contre A'zaz avec Sevindj, auquel ils témoignaient de la sympathie, Zengui, trahissant ce chef et ses compagnons, pilla leurs tentes et leurs bagages, fit arrêter Sevindj et ceux de ses officiers qui ne s'étaient pas enfuis, et les fit transporter à Alep où ils furent jetés en prison ; puis, sans perdre de temps, il courut à Hamat et s'en empara le samedi 8 chawal (14 septembre 1130). Après quelques jours d'occupation, il accepta la proposition du prince d'Emèse Khirkhân, fils de Karadja, qui lui offrait d'acheter Hamat. En effet, Zengui livra cette place le vendredi matin 14 chawal (20 septembre) ; les fanfares du nouveau maître retentirent et son nom fut proclamé en chaire ; mais dès le soir du même jour, Zengui le fit arrêter et mit au pillage ses tentes et ses bagages. Puis il alla bloquer Emèse et l'assiégea pendant quarante jours, sans obtenir d'autre avantage que la prise du faubourg. De temps à autre, il faisait attacher Khirkhân sur des sacs à fourrage et lui infligeait toutes sortes de tourments. C'est ainsi que Dieu châtia cet émir des crimes qu'il avait commis en ce monde, et le punit d'avoir encouragé l'atabek à trahir Sevindj.

L'hiver força l'atabek à rentrer dans Alep au mois de dhou’lhidjdjeh (novembre-décembre 1130). Antioche était gouvernée à cette époque par la femme de Boémond, qui était fille de Baudouin. Cette princesse avait conspiré avec quelques officiers francs contre son propre père. Grâce aux discordes qui éclatèrent parmi les Francs, les Musulmans assaillirent les faubourgs d'El-Athareb et de Ma'arrat-Misrîn. Baudouin sortit de Jérusalem et attaqua Antioche dont les portes furent prises par une troupe de sergents d'armes. Après avoir fait couper les pieds et les mains à quelques-uns des conjures, il entra dans la ville (année 525). Sa fille se jeta à ses genoux et obtint son pardon ; il lui enleva la possession d'Antioche et lui céda en retour Djebeleh et Lataquié ; après quoi il retourna à Jérusalem.[51]

En 525, l'atabek Zengui partit pour Mossoul emmenant avec lui Sevindj et quelques-uns des chefs de l'armée de Damas, il laissa les autres prisonniers à Alep. Des négociations furent entamées pour obtenir leur mise en liberté, mais il fit la sourde oreille et exigea une rançon de cinquante mille dinars ; Tadj el-Molouk finit par consentir à payer cette somme et la lui envoya. Cette même année fut signalée par une rencontre entre Josselin et Sawar, vers le nord d'Alep. L'avantage resta à Josselin, et plusieurs musulmans perdirent la vie dans cette affaire ; mais Sawar attaqua ensuite le faubourg d'El-Athareb et le mit au pillage.

Dans la même année, on vit arriver (à Alep) Dobeïs fuyant le khalife Mostarched qui venait de le mettre en déroute. Nul ne savait ce qu'était devenu ce fugitif, lorsqu'on apprit un peu plus tard qu'il était allé à Dja’ber, pour mettre le fils du sultan sous la sauvegarde de Malek, gouverneur de cette ville. De là il rejoignit Josselin sur l'appui duquel il comptait ; mais, déçu dans ses espérances de ce côté, il entra en correspondance avec Timourtach. Puis il craignit d'être trahi par celui-ci et livré à Khirkhân ; il se rendit alors dans la province de Damas, s'égara et trouva asile chez Maktoum, fils de Hassan. On dit aussi qu'il se rendait à Sarkhad pour épouser la femme qui possédait cette ville, lorsqu'il s'égara faute d'un guide qui pût lui indiquer les citernes. Enfin, d'après une autre version, tandis qu'il se dirigeait vers le campement de Morrîn, il perdit la plupart de ses compagnons et arriva, privé de tout et avec un très petit nombre d'hommes, au campement d'ibn Hassan. Au reçu de ses nouvelles, Tadj el-Molouk Bouri envoya à sa poursuite quelques troupes qui le prirent et le ramenèrent à Damas, le 6 de chaban 515 (5 juillet 1131). Bouri le logea au château ; il lui accorda une hospitalité généreuse, lui fournit des vêtements et des meubles dignes de son rang, et ne lui infligea qu'une captivité très douce. Aux lettres qu'il reçut à ce sujet du khalife Mostarched, il répondit qu'il veillerait avec soin sur le prisonnier jusqu'à l'arrivée de l'escorte chargée de le conduire à Bagdad. Mais Zengui, dès qu'il fut informe de ces circonstances, envoya un message à Bouri avec prière de lui livrer Dobeïs, promettant, en échange, de faire abandon des cinquante mille dinars stipulés pour le rachat de Sevindj et de ses compagnons. Bouri ayant accepté ces conditions et conclu une convention à cet effet, l'atabek Zengui s'avança jusqu'aux environs de Kara[52] avec Sevindj et les autres captifs. Les délégués de Bouri amenèrent Dobeïs et le livrèrent à Zengui ; celui-ci le fit enchaîner et porter dans une litière ; ensuite il rendit, en échange de ce prisonnier, Sevindj, fils de Bouri, et ses compagnons de captivité. Dobeïs ne doutait plus que Zengui ne le fit périr ; mais bien au contraire, dès son arrivée à Alep, il fut délivré de ses fers et traité avec respect.

On lui donna pour demeure un hôtel nommé Dar-Ladjin, cent mille dinars et des vêtements d'honneur. Pendant le trajet, alors qu'il était chargé de chaînes, Dobeïs avait rencontré un poète qui récita une pièce de vers en son honneur. L'émir, dans l'impossibilité où il se trouvait de le récompenser, lui adressa un billet renfermant les deux vers que voici :

Je pratique la générosité mais je n’ai plus d’argent et que pourrait faire un homme accablé de dettes ?

Mais voici une ligne de ma main pour les jours de prospérité : c’est une dette que je contracte, car je crois en l'avenir.

Ce même poète rencontra un jour, à Alep, l'émir qui se promenait sur la place FLHaça : « Prince, lui dit-il, vous êtes mon débiteur. » — « Moi ! s'écria Dobeïs, je ne sache pas devoir à personne. » — « Si fait, reprit le poète, en voici la preuve fournie par vous-même, » et il lui montra le billet. Dobeïs le reconnut et s'écria : « Par Dieu c'est une dette ! et quelle dette ! » puis il invita le poète à se présenter chez lui, et lui donna mille dinars ainsi que le vêtement d'honneur que lui avait envoyé Zengui, et qui consistait en une djubbe de satin et un turban de toile de gaze. Plus tard, en 529, Dobeïs était auprès du sultan Mas'oud lorsque ce prince défit le khalife Mostarched et le fit prisonnier devant Meragha. Après cette victoire, Mas'oud appela Zengui à sa cour, dans le dessein de le faire périr. Mais Dobeïs, pénétrant ses desseins, se hâta d'écrire à Zengui pour le mettre sur ses gardes et l'empêcher de partir. En effet Zengui s'abstint d'obéir à l'invitation du sultan. Ce dernier fut bientôt instruit de la conduite de Dobeïs, qu'il avait envoyée à Hilla, et il lui donna l'ordre de revenir. Malgré les instances de ses amis, qui essayèrent de l'en détourner, Dobeïs retourna à Alep. Quand il parut sur le seuil de la tente, le sultan se leva de son siège et abattit la tête de l'Arabe d'un coup de sabre, en s'écriant : « Voilà le châtiment qu'on inflige à qui trahit son maître ! » Quant à Zengui, il dit en apprenant ce meurtre : « J'avais donné de l'argent pour racheter Dobeïs, il a donné sa vie pour sauver la mienne ! »

De son côté, Sedîd ed-Pawleh, fils d'El-Anbary, secrétaire du bureau des dépêches de Mestarched, était allé, à la fin du mois de dhou’lka’deh,[53] demander à Tadj el-Molouk (Douri) de livrer Dobeïs aux agents chargés de l'emmener à Bagdad, mais il arriva trop tard. Surpris à son retour par des cavaliers de l'atabek Zengui, dans les environs de Rahbah, il fut arrêté et dépouillé de tout ce qu'il possédait. La caravane avec laquelle il voyageait eut le même sort ; plusieurs des valets de ce fonctionnaire furent tués, et lui-même subit une captivité rigoureuse. Il finit pourtant par recouvrer sa liberté et retourna à Bagdad.

En 526 (1131-1132), Galeran (cousin de Josselin) s'empara de Hamdân. L'atabek Zengui et Dobeïs, ennemis du khalife Mostarched, menaçaient Bagdad. Le khalife leur offrit la cession de Hillah et le droit d'avoir un représentant à Bagdad. Sur leur refus, il marcha en personne contre eux, leur livra bataille près d'A'kerkouf, au mois de chaban (juin-juillet 1132), et les défit. Zengui rentra dans Mossoul, tandis que Dobeïs se réfugiait auprès du sultan Sandjar.

Pendant le cours de cette-même année, la discorde et la guerre éclatèrent parmi les Francs et coûtèrent la vie au seigneur de Zerdanâ. Les Turcomans assaillirent le territoire de Ma'arrat et de Kefer-Thâb et firent main basse sur les récoltes Mais les Francs, oubliant leurs discordes, chassèrent les envahisseurs Puis ils s'emparèrent du château…,[54] appartenant à Ibn Mola'eb, firent prisonniers la fille de Salem ben Malek (seigneur de Dja'ber) ainsi que le harem d'Ibn Mola'eb, et détruisirent cette place forte. L'émir Seïf ed-Dîn Sawar attaqua les Francs qui occupaient Tell-Bacher et leur tua beaucoup de monde

A la suite d'une incursion des gens de la montagne, la place de Kadmous avait de prise par eux et livrée à Seïf el-Moulk Ibn A'mroun, qui l'avait vendue au missionnaire bathénien Abou'l-Fath Le seigneur de Kadmous se rendit alors à Antioche, y leva des troupes et marcha contre Sawar, aux abords de Chalcis ; là il attaqua, l'armée d'Alep et Sawar, au mois de rebi premier 528 (janvier 1134) Les Musulmans furent battus, et ils perdirent un brave guerrier, Abou'l-Kaçem le Turcoman. Le kadi Abou Ya'la, fils de Khachchab, et d'autres personnages furent mis à mort par les Francs Ceux-ci se transportèrent alors du côté de Nakirah, ou ils conclurent une trêve avec Sawar et son armée. Mais ayant attaqué ensuite un corps d'éclaireurs qui faisaient partie des troupes de Sawar, ils perdirent beaucoup d'hommes. L'envoi des têtes coupées et des prisonniers chrétiens rendit la confiance aux Musulmans découragés par les revers de la veille. Un corps de cavalerie franque, qui était sorti d'Edesse pour rejoindre le gros de l'armée, ravageait les territoires au nord (d'Alep). Sawar et Hassan, gouverneur de Manbedj, exterminèrent cette troupe. Les têtes coupées et les prisonniers furent envoyés à Alep

Chems el-Molouk Ismâ’îl, fils de Bonn, enleva la ville de Hamat au lieutenant de Zengui. Ce gouverneur, se méfiant des projets d’Ismâ’îl, s'était préparé à la résistance. Ismâ’îl en fut informé et marcha aussitôt contre Hamat, dans la dernière décade de ramadhan (juillet 1134), avec la résolution de s'en emparer par surprise. En effet, il assaillit la garnison le jour de la rupture du jeûne. La première attaque échoua contre la résistance des assiégés. Ismâ’îl se retira, non sans leur avoir fait éprouver des pertes sérieuses. Un second assaut, pousse avec plus de vigueur, mit la garnison en déroute et força les portes de la place, qui se rendit à merci. Le vainqueur y consentit et accepta les conditions que le gouverneur lui offrit spontanément. Une fois maître de Hamat, Ismâ’îl en fit l'abandon à Chems el-Khawass (Yarouktach).

A la même époque, Mostarched alla mettre le siège devant Mossoul, et des guerres intestines éclatèrent parmi les princes musulmans. Les nouvelles inquiétantes qui parvinrent au khalife l'obligèrent bientôt à lever le siège de Mossoul. Hoçam ed-Dîn Timourtach étant venu offrir ses services à Zengui, ces deux chefs marchèrent ensemble contre Dawoud, fils de Sokmân (fils d'Ortok). Dawoud fut battu devant les portes d'Amid ; il prit la fuite après avoir perdu plusieurs de ses officiers et laissé un de ses fils prisonnier entre les mains de l'ennemi, le vendredi dernier jour de djemadi second (26 avril 1134).

L'atabek Zengui arriva sous les murs d'Amid, en fit le siège et coupa les arbres des environs. Le prince de cette ville obtint de lui la paix moyennant une somme d'argent, et Zengui, s'éloignant, marcha contre la forteresse de Sour, dont il s'empara, ainsi que de celles de Bari'yya, Djebel Djour et Dhou'l-Karneïn. Il fit cadeau de toutes ces localités à Hoçam ed-Dîn Timourtach. Ayant en outre conquis Tanza,[55] il la garda pour lui-même. L'atabek épousa ensuite la princesse de Khelat, fille de Sokmân el-Kolby, après quoi il s'empara d'El-'Akr, de Chouch et de plusieurs autres citadelles appartenant aux Kurdes.

La même année, Sawar (ou Aswar) fit une expédition contre Djezr et contre la citadelle de Zerdani, tomba sur les Francs qui se trouvaient à Harem, envahit le territoire de Ma'arrat en-Na'mân et de Ma'arrat-Mesrîn, puis revint à Alep chargé de butin.

Cette même année, Zengui choisit pour vizir Dhiya ed-Dîn Abou Sa'id el-Kefertouthy. Ce personnage était célèbre par ses vertus et sa capacité, non moins que par son amour du bien et de la bonne voie. Zengui l'amena avec lui à Alep. C'est alors que l'atabek résolut de marcher contre Damas et de l'assiéger. El-'Azimy  prétend, dans sa chronique, qu'il l'assiégea effectivement cette même année pendant quelque temps, puis qu'il reprit la roule d'Alep pour s'en retourner ensuite à Mossoul. Mais la vérité est qu'il ne mit le siège devant Damas qu'en l'an 529 de l'hégire (1134-1135). Voici les motifs qui l'y engagèrent : Chems el-Molouk Abou'l-Fath Ismâ’îl ben Bouri, prince de Damas, en était venu à se plonger dans le crime et l'ignominie, et dépassait en tyrannie tout ce qu'on peut imaginer, négligeant les intérêts de la religion et ceux des Musulmans, lui qui, autrefois, s'en était montré soucieux. Il avait pris à son service un certain Kurde, appelé Bedrân l’infidèle, lequel venait d'Emèse. Ce Bedrân était fort peu religieux, connaissait dans toutes ses branches l'art de la tyrannie, et son cœur ignorait toute pitié pour qui que ce fut. C'est lui qui déchaîna son maître contre les Musulmans[56] et l'excita à pressurer ses sujets en employant toute sorte de moyens odieux. Le prince montra tout à coup une avarice extrême et une avidité extraordinaire pour les biens de ce monde, sans parler de tous les actes blâmables qu'il commit. Il voulut extorquer de l'argent de ses secrétaires, de ses chambellans et de ses émirs. La crainte et l'horreur qu'il leur inspirait fit relater la mésintelligence entre eux et lui. Dès que Chems el-Molouk apprit l'intention de Zengui de marcher contre Damas, il sentit qu'aussitôt que l'atabek paraîtrait sous les murs de la ville, elle lui serait livrée ; il écrivit donc à l'atabek Zengui pour l'engager à hâter sa marche sur Damas, ajoutant qu'il la lui abandonnerait de bon gré à la condition que Zengui le mit en mesure de tirer vengeance de tous ceux des chefs, émirs et notables qu'il haïssait. Il envoya plusieurs missives en ce sens à l'atabek et finit par lui dire : « Si tu négliges l'occasion qui t'est offerte, j'appellerai les Francs et je leur livrerai Damas, en sorte que tu seras responsable du crime ainsi commis contre les Musulmans. » Là-dessus, il commença à faire transporter ses richesses et tout ce qu'il possédait à Sarkhad. Dès que cette circonstance fut connue de ses compagnons, ils craignirent pour leur vie et informèrent de ce qui se passait Zomorroud-Khatoun, mère de Chems el-Molouk. Celle-ci fut toute troublée de ce qu'elle apprenait, et on réussit à la persuader qu'elle devait faire mettre à mort son fils et lui donner pour successeur son autre fils Chihab ed-Dîn Mahmoud, frère de Chems el-Molouk. Ce parti prévalut à ses yeux et elle s'y arrêta. Elle attendit donc le moment où Chems el-Molouk avait écarté ses pages et ses hommes d'armes, pour introduire chez lui quelques-uns de ses compagnons qui le tuèrent. Aussitôt, elle fit enlever le cadavre du lieu du crime et ordonna qu'on le jetât dans un coin du palais, afin de l'exposer aux regards de ses pages et de ses compagnons. Ceux-ci furent d'ailleurs tout joyeux de cet événement, qui arriva le mercredi 14 du mois de rebi second, l'an 529 (1er février 1135). D'après une autre version, Chems el-Molouk aurait soupçonné Yousouf ben Firouz, chambellan de son père, d'entretenir des relations criminelles avec sa mère, et Yousouf s'étant enfui à Palmyre, Chems el-Molouk aurait voulu mettre à mort Zomorroud-Khatoun. C'est alors que celle-ci, informée de ces projets et craignant pour sa propre vie, l'aurait prévenu en le faisant assassiner. Quoiqu'il en soit, Zomorroud-Khatoun mit à la place de Chems el-Molouk son frère Chihab ed-Dîn Mahmoud ben Bouri, et le peuple prêta serment au nouveau prince.

Sur ces entrefaites, l'atabek Zengui était parti de Mossoul et se dirigeait à marches forcées sur Damas pour la recevoir des mains de Chems el-Molouk. Arrivé d'abord à Rakka, il feignit de vouloir y prendre un bain. Son lieutenant, Salah ed-Dîn, fit donc venir Mosayyib ben Malik, gouverneur de Rakka, et lui offrit cinq cents pièces d'or s'il voulait permettre à Zengui de se rendre au hammam, et lui faire préparer ensuite un festin. Le gouverneur ne mit pas en doute la loyauté de cette proposition et les laissa pénétrer dans Rakka. Dès que les troupes de Zengui furent dans la ville, celui-ci s'en empara et l'enleva à Mosayyib ben Malik. C'était le 20 du mois de rebi second (7 février). La nouvelle des graves événements de Damas parvint alors à Zengui et ne lui ôta nullement l'envie de s'emparer de cette ville. Aussi poursuivit-il sa marche en avant. Arrivé à El-Obeïdiyya, il envoya un message aux Damasquins pour les engager à se rendre ; mais ceux-ci n'acquiescèrent pas à son désir et lui adressèrent une dure réponse où ils disaient, entre autres choses : « Nous sommes d'accord pour conserver notre dynastie et pour la défendre. » Zengui passa outre et marcha sur Hamat dont le prince, Chems el-Khawass, se soumit à lui après avoir obtenu des garanties qui lui furent jurées. L'atabek, continuant sa route, parvint enfin sous les murs de Damas à la tête d'une forte armée. Plusieurs assauts qu'il donna ne furent point couronnés de succès. Les vivres vinrent à lui manquer, si bien qu'une partie de ses troupes désertèrent et passèrent aux Damasquins. Zengui dut entamer des pourparlers de paix. Comme il avait amené avec lui un des fils du sultan,[57] il mit au nombre des conditions de la paix que Chihab ed-Dîn Mahmoud viendrait à son camp présenter ses hommages au fils du sultan. Chihab ed-Dîn s'y refusa : finalement, il intervint un accord en vertu duquel le prince de Damas devait se faire représenter par son frère Tadj el-Molouk Behram-Chah. Sur ces entrefaites, Bichr' ben Kerim ben Bichr, envoyé du khalife Mostarched, arriva au camp de Zengui. Cet envoyé était chargé de remettre à l'atabek des vêtements d'honneur qui lui étaient destinés, et de lui communiquer l’ordre de quitter Damas et de se rendre dans l'Irak. En effet, le khalife était résolu à lui confier le gouvernement et voulait le charger de proclamer en chaire le nom du sultan Alp Arslan Dawoud ben Mahmoud, lequel s'était réfugié à Mossoul, auprès de Zengui, pour échapper à son oncle, le sultan Mas'oud.[58] L'atabek reçut avec honneur l'envoyé du khalife. Accompagné, de Beha ed-Dîn ben ech-Cheherzoury, l'ambassadeur entra dans Damas et tous deux s'entremirent pour établir l'ordre de choses sur les bases que nous avons indiquées. Ils apaisèrent la discorde et firent prêter serment à tout le monde. Le vendredi 28 du mois de djemadi premier (16 mars), Zengui monta en chaire dans la grande mosquée de Damas, et, en présence de l'ambassadeur et de son compagnon, il prononça un discours dans lequel il fit connaître publiquement l'objet de la mission du khalife.

Ensuite l'atabek partit de Damas et se rendit d'abord à Hamat, où il fit arrêter Chems el-Khawass, prince de cette ville, dont il réprouvait certain acte, et des lieutenants duquel les habitants de Hamat avaient à se plaindre. Zengui enleva Hamat à Chems el-Khawass, puis il le relâcha, ce dont le prince profita pour s'enfuir ; après quoi l'atabek restitua le gouvernement de Hamat à Salah ed-Dîn. De Hamat, Zengui partit pour Alep. Puis il vint assiéger El-Athareb, dont il se rendit maître le premier du mois de redjeb (17 avril). A la suite de cette conquête, il s'empara successivement de Zerdanâ, de Tell-Aghda et de Ma'arrat en-Na'mân. Aux habitants de cette dernière ville il fit grâce de leurs biens. Kefer-Thâb tomba ensuite aux mains de Zengui, et, aussitôt après, il arriva sous les murs de Cheïzer. Abou'l-Moghith ben Mounkad, qui y gouvernait au nom de son père, lui rendit la place. L'atabek marcha alors contre Barîn et fit semblant de l'assiéger ; mais, au moment où les habitants d'Emèse s'y attendaient le moins, il envahit leur territoire, y enleva tout ce qui s'y trouvait et mit tout au pillage.

Sur ces entrefaites, le fils d'Alphonse le Franc,[59] étant parti de Jérusalem à la tête des armées franques, était venu assiéger Kinnisrîn. L'atabek marcha contre lui et manœuvra si habilement qu'il enveloppa les Chrétiens. Harcelés sans cesse par les Musulmans, les Francs opérèrent leur retraite et regagnèrent leurs quartiers. De là, Zengui marcha sur Emèse, brûla les moissons et livra des assauts à la ville pendant les dix derniers jours du mois de chawal (commencement d'août).

Au mois de dhou’lka’deh (août-septembre) de la même année, Zengui rentra à Mossoul ; mais, dès le mois de moharrem de l'an 530 (octobre-novembre 1135), il quitta de nouveau cette ville pour se rendre à Bagdad. Il emmenait avec lui le prince Dawoud ben Mahmoud ben Mohammed ben Melikchah,[60] qui était venu le rejoindre à Mossoul, et il l'installa à Bagdad dans le palais du gouvernement, tandis que lui-même allait s'établir dans le quartier Occidental. Le khalife était alors Rached, car Mostarched avait été mis à mort. Le sultan Mas'oud vint alors assiéger le khalife et ses défenseurs à Bagdad ; mais une épidémie décima ses troupes, et il marcha sur Wasit afin de passer sur la rive droite du Tigre. L'atabek, profitant de son éloignement, rentra à Mossoul, et le prince Dawoud se retira à Meragha.

Dès que ces nouvelles parvinrent à la connaissance du sultan Mas'oud, il rebroussa chemin. Le khalife Rached s'enfuit alors de Bagdad et vint se réfugier auprès de l'atabek à Mossoul. Mas'oud entra dans Bagdad et y fit proclamer khalife Mohammed el-Moktafy. On récita le prône (khotba) en son nom à Bagdad et dans toutes les provinces du sultan, pendant qu'en Syrie et à Mossoul la khotba continuait d'être récitée au nom de Rached. Cet état de choses dura jusqu'à ce que l'atabek Zengui et le sultan Mas'oud eussent fait la paix ensemble. Le prône fut alors récité en Syrie et à Mossoul au nom de Moktafy et de Mas'oud. Conséquemment, Rached se sépara de Zengui et il partit de Mossoul pour le Khorassan en l'an 531 (1136-1137).

En 530 (1135-1136) Seïf ed-Dîn Sawar fit une expédition contre Laodicée à la tête d'un parti de Turcomans fort de trois mille hommes. Il surprit les Francs qui ne songeaient pas à se garder, et s'en revint emmenant plus de sept mille prisonniers, hommes, femmes, garçons et filles, et cent mille têtes de bétail, bœufs, moutons, chevaux et ânes. On prétend qu'il pilla cent villages. Alep, à la suite de cette expédition, fut remplie de prisonniers et de bétail, et les Musulmans furent enrichis par ces dépouilles.

Le 24 du mois de ramadhan de l'an 531 (15 juin 1137), l'atabek Zengui vint de Mossoul à Alep. Salah ed-Dîn était à la tête de son avant-garde. Pendant que de là Salah ed-Dîn allait investir Emèse, l'atabek se rendit à Hamat. En roule, il célébra la fête de la rupture du jeûne. Zengui avait pris à Alep cinq cents fantassins qu'il destinait au siège d'Emèse. C'est au mois de chawal (juin-juillet) que l'atabek partit de Hamat pour Émèse. Emèse était alors commandée par Onar,[61] au nom du prince de Damas. Zengui assiégea cette ville pendant quelque temps, mais les Francs arrivant au secours d'Emèse dans le dessein de surprendre l'atabek, celui-ci leva le siège, courut à leur rencontre et les joignit sous les murs de la citadelle de Barîn. Les éclaireurs de Zengui, commandés par Sawar, battirent les Francs et tuèrent ou firent prisonniers la plus grande partie de leurs soldats. Plus de deux mille Francs périrent dans ce combat, et bien peu réussirent à s'échapper. Zengui marcha alors contre Barîn, accompagné du roi des Francs, c'est-à-dire du comte d'Anjou, roi de Jérusalem. Pour faire le siège de cette citadelle il établit dix mangonneaux qui la battaient nuit et jour. Aussi, dans les dix derniers jours du mois de dhou’lka’deh (commencement d'août), les Francs demandèrent-ils à capituler. Zengui posa comme conditions que Barîn lui serait remise et la forteresse démantelée. Il fit cadeau d'une robe d'honneur au roi et le relâcha. Les Francs sortirent alors de Barîn et Zengui, après en avoir pris possession, revint à Alep.

La même année, Zengui fit la paix avec le prince de Damas et épousa Khatoun, fille de Djenah ed-Dawleh Hoçeïn. Ce fut l'imâm Borhân ed-Dîn el-Balkhy qui l'unit à la princesse, et Zengui consomma le mariage à Alep même.

C'est également la même année que l'empereur des Grecs Kalyany (Jean Comnène) arriva à la tête de ses troupes sous Antioche. Par une faveur de Dieu, les Francs lui résistèrent. Il attendit donc que ses vaisseaux lui eussent amené ses bagages, des vivres et du numéraire.[62] Pendant que Léon, fils de Roubal (Roupen[63]), roi de la Petite-Arménie, se flattait de remporter sur lui une grande victoire, les Alépins prenaient peur et se mettaient à fortifier Alep et à creuser des fossés. L'empereur des Grecs tourna ses armes contre les Etats de Léon dont il s'empara complètement. Lorsque Léon se présenta devant lui en suppliant, l'empereur lui dit : « Placé comme tu l'es entre les Francs et les Turks, il n'est pas bon que tu restes ici. » Là-dessus, il l'envoya à Constantinople. Quant à lui, il resta à Anazarbe, à Adhana et dans la Petite-Arménie pendant toute la durée de l'hiver.

Tandis qu'il se rendait d'Antioche à Bagbras, le 22 de dhou'l-hidjeh de l’an 531 (10 septembre 1137), l’empereur avait envoyé un ambassadeur auprès de Zengui. Vers la même époque, Sawar était tombé sur un gros détachement de son armée et en avait massacré une partie, emmenant le reste captif à Alep. L'ambassadeur arriva auprès de Zengui au moment où celui-ci se disposait à partir pour le sud de la Syrie. L'atabek renvoya l'ambassadeur avec des présents destinés à l’empereur des Grecs et consistant en guépards, en faucons et en sacres. Son chambellan Haçan était chargé de les offrir à l'empereur. Haçan revint auprès de Zengui, accompagné d'un nouvel ambassadeur qui avait mission de faire savoir à l'atabek que l'empereur attaquait les Etats de Léon. Alors Zengui partit pour Hamat et de la s'en fut assiéger Emèse. Ensuite, au milieu du mois de moharrem de l'an 532 (septembre-octobre 1137), il descendit à Baalbek, y préleva un tribut, puis se dirigea vers le Bika' (Cœlé-Syrie), on il conquit sur les Damasquins la forteresse de Medjdel. Ibrahim ben Torghoth, gouverneur de Panéas, se soumit à lui. L'atabek Zengui hiverna sur le territoire de Damas et y reçut l'envoyé du khalife Moktafy et du sultan Mas'oud avec le vêtement d'honneur qu'il lui apportait. Puis l'atabek partit des environs de Damas, dans le mois de rebi second (décembre-janvier), et retourna d'abord à Hamat, ensuite devant Emèse où il dressa ses tentes. Pour faire le siège de cette ville, Zengui leva des troupes à Alep et réunit autour d'Emèse une armée considérable. Dans un assaut qu’il donna, il battit les assiégés et remporta sur eux un succès signalé.

Cependant les Francs violèrent le traité de paix qui les liait avec Zengui au sujet de la ville d'Alep. Ils commencèrent les hostilités et se saisirent à Antioche de marchands musulmans et de voyageurs alépins dans le mois de djemadi premier de la même année (janvier-lévrier 1138), cela malgré la bonté avec laquelle Zengui avait traité leurs chefs toutes les fois que Dieu lui avait donné sur eux la victoire. Les Francs s'allièrent à l'empereur des Grecs Kalyany (Jean Comnène), et celui-ci parut subitement sur la route de la ville de Balat, le jeudi saint. Le dimanche suivant, jour de la fête chrétienne (de Pâques) qui tombait le 21 du mois de redjeb (3 avril 1138), il arriva sous les murs de la citadelle de Biza'a, et sa cavalerie se répandit subitement dans la contrée. Par une faveur divine, des Musulmans aperçurent un infidèle qui errait loin de l'armée grecque à la tête d'une troupe de chrétiens, et qui manifestait l'intention de se rendre à merci avec ses hommes. Aussitôt, l’arrivée des Grecs fut signalée à Alep : les Alépins se mirent sur leurs gardes et avisèrent l'atabek Zengui de ce qui se passait. La nouvelle parvint à Zengui pendant qu'il était aux environs d'Émèse. Sur-le-champ, il envoya l'émir Seïf ed-Dîn Sawar à la tête des fantassins d'Alep et cinq cents cavaliers commandés par quatre émirs généraux parmi lesquels Zeïn ed-Dîn Ali Koutchik. L'arrivée de ces troupes, le 27 redjeb (9 avril), donna du cœur aux Alépins. Quant aux Grecs, ils assiégèrent la forteresse de Biza'a pendant sept jours, au bout desquels le cœur faillit aux Musulmans (il faut dire que la forteresse était aux mains d'une femme), en sorte qu'ils se rendirent à condition d'avoir la vie sauve et la liberté. Bien qu'ils eussent reçu des Grecs les assurances les plus certaines et les serments les plus formels, ils furent trahis par eux et réduits en captivité. Six mille Musulmans ou même plus furent ainsi faits prisonniers. Ensuite l'empereur séjourna pendant dix jours dans la vallée de Biza'a pour enfumer les grottes d'El-Bâb. Tous ceux qui s’y étaient réfugiés prirent suffoqués. De là l’empereur partit le mercredi[64] 15 chaban (18 avril) el descendit sur le territoire de Na'oura.[65] Le lendemain, jeudi[66] 6 chaban (19 avril), il partit avec Raimond, prince d'Antioche, et le fils de Josselin, arriva devant Alep et établit son camp au sud de la ville, sur le Kowaïk[67] et sur le territoire de Sa'da. Le mardi (20 avril), il attaqua la ville du côté de la tour d'El-Ghanem. La milice d'Alep fit une sortie contre les Chrétiens et eut le dessus. Un grand chef de l’armée grecque perdit la vie dans cet engagement et les Chrétiens rentrèrent frustrés dans leur campement. Le mercredi 8 chaban (21 avril), l’empereur partit et marcha sur Sa’da.[68] La garnison musulmane de la citadelle d'El-Athareb prit peur et s'enfuit, le jeudi 9 chaban (22 avril), après avoir livré aux flammes ce qu'il avait de plus précieux dans la place. Les Grecs apprirent cela et envoyèrent en hâte un détachement de cavalerie et une compagnie de Francs avec lesquels se trouvaient les prisonniers de Biza'a et de la vallée (d'El-Bâb). Ces troupes occupèrent la citadelle et parquèrent les prisonniers dans les fossés et dans les enclos pour bestiaux. Quelques prisonniers réussirent à s'enfuir à Alep et informèrent l'émir Seïf ed-Dîn Sawar ben Aïtékin de la prise d'Athareb et de l'éloignement du gros de l'armée grecque. Sawar se mit à la tête d'une petite troupe et surprit au matin les Grecs qui s’étaient dispersés dans les environs après le lever du soleil. Il délivra tous les prisonniers, sauf un petit nombre, et fit monter les malades en croupe de ses cavaliers. Lui-même prit plusieurs enfants qu'il plaça sur son propre cheval, devant et derrière sa selle. Il arriva de la sorte à Alep, ramenant tous les prisonniers à peu d'exceptions près, le samedi 11 chaban (24 avril) ; cette prouesse excita une grande joie dans Alep.

Cependant l'atabek s'était dirigé d'Emèse vers Hamat et de là vers Salamya. De son côté, l'empereur des Grecs, après avoir marché sur Ma'arrat en-Na'mân, en était parti le lundi 13 chaban (26 avril) du côté de Cheïzer. En route, il avait mis le siège devant Kefer-Thâb, l'avait fait battre par ses mangonneaux et avait contraint la garnison de rendre la place (milieu du mois de chaban). Les défenseurs de Djisr [el-Hadîd] s'enfuirent, laissant le passage libre, les Grecs y arrivèrent et s'y installèrent, puis ils partirent de là pour Cheïzer, le jeudi 16 chaban (29 avril), et arrivèrent devant cette ville au nombre de cent mille cavaliers et cent mille fantassins, traînant à leur suite une quantité innombrable de bagages et d'armes. Ils descendirent sur la colline qui domine Cheïzer, y restèrent tout le jeudi et le vendredi jusqu'au soir ; puis, montant à cheval, ils assaillirent la place et y pénétrèrent. Les habitants se défendirent ; Abou 'l-Morhef Nasr ben Mounkad,[69] blessé dans la bataille, mourut de sa blessure dans le mois de ramadhan (mai-juin). Enfin les Grecs furent repoussés et sortirent. Le prince d'Antioche campa dans la mosquée de Simnoun[70] et Josselin sur le moçalla.[71] Le samedi suivant, l'empereur gravit la montagne qui fait face à la citadelle de Cheïzer et qui porte le nom de Djoreïdjis,[72] y fit dresser dix-huit mangonneaux et quatre lo'ba[73] qui empêchaient l'accès de l'eau. Le siège dura dix jours, pendant lesquels les habitants de Cheïzer souffrirent mille maux. Les Grecs se contentèrent, à la fin, de faire jouer les mangonneaux. Ils restèrent devant Cheïzer jusqu'au samedi 9 ramadhan (21 mai). Apprenant que Kara Arslan ben Dawoud ben Sokmân ben Ortok avait franchi l'Euphrate à la tête d'une armée de Turcomans et autres, forte de plus de cinquante mille hommes, ils brûlèrent leurs machines de guerre et partirent de Cheïzer abandonnant plusieurs grands mangonneaux qu'après leur départ l'atabek fit transporter à Alep. Les Grecs, pendant le siège, enlevèrent à plusieurs reprises le faubourg de Cheïzer ; mais chaque fois les Musulmans les en expulsèrent.

Ce même samedi, jour de la retraite des Grecs, Salah ed-Dîn arriva de Hamat et, apprenant que les Francs s'étaient enfuis de Kefer-Thâb, il alla l'occuper. Le lendemain dimanche, 10 du mois de ramadhan (22 mai), l'atabek arriva à son tour et, le lundi, il se rendit à Djisr [el-Hadîd] ; mais il constata que les Francs s'en étaient déjà enfuis au milieu de la nuit. Pourtant les défenseurs de Djisr, réfugiés à Abou Kobeïs, en descendirent et leur barrèrent le passage. Alors les Grecs s'engagèrent dans le défile d'Apamée pour se rendre à Antioche. Zengui somma les Francs de lui rendre cette ville ; mais ils s'y refusèrent, et l'atabek rentra dans ses Etats après avoir envoyé à la poursuite des Grecs un détachement de cavalerie chargé de les harceler. Pendant toute cette campagne, Zengui ne manda pas Kara Arslan ben Dawoud et n'opéra pas sa jonction avec lui ; au contraire, il lui expédia l'ordre de rejoindre son, père, ajoutant qu'il n'avait pas besoin de lui.

L'atabek, laissant donc là les Grecs, revint sous Emèse et écrivit à Chihab ed-Dîn Mahmoud ben Bouri pour réclamer cette place. Plusieurs messages furent échangés entre eux pour en débattre les conditions. Mahmoud ben Bouri abandonnerait Emèse à l’atabek, et Onar (Anar), gouverneur d'Émèse, recevrait en échange Barîn, Lekma et Hisn ech-Charky. En outre, l'atabek devait épouser la mère de Mahmoud, Zomorroud-Khatoun, fille de Djaouély, et Mahmoud devait épouser la fille de l'atabek. Le pacte fut conclu : Zengui occupa Emèse, et les Damasquins occupèrent les localités susmentionnées. A la fin du mois de ramadhan de l'an 532 (commencement de juin 1138), Zomorroud-Khatoun se rendit de son palais au camp de Zengui, escortée de ceux de ses compagnons qu'il avait désignés pour lui conduire cette princesse. En cette occasion, Zengui se trouva réunir autour de lui l'envoyé du khalife Moktafy, qui lui avait apporté un vêtement d'honneur, et les envoyés respectifs du sultan d'Egypte, de l'empereur des Grecs et de Damas.

L'atabek partit ensuite d'Emèse pour Alep. De là, il marcha sur Biza'a dont il s'empara de vive force, le mardi 19 moharrem de l'an 533 (16 septembre 1138). Tout ce qui s'y trouva d'habitants furent égorgés sur le tombeau de Cheref ed-Dawleh Moslim ben Karwach, qui avait été frappé d'une flèche à l'œil sous ses murs et qui en était mort. De Biza'a, l'atabek retourna à Alep, puis il marcha sur El-Athareb et la conquit le 3 de safar (10 octobre).

Le jeudi 13 de ce mois (20 octobre), un violent tremblement de terre se produisit, puis un second, puis d'autres encore se succédèrent. Les habitants d'Alep s'enfuirent hors de la ville. Les pierres tombaient des murs dans la rue et l'on entendait un grand bruit souterrain. Athareb fut détruite de fond en comble, et il y périt six cents Musulmans. Le gouverneur réussit à s'échapper avec un petit nombre de personnes. Presque tout le territoire de Chih, de Tell-Ammad, de Tell-Khalid et de Zerdanâ fut dévasté. On vit le sol se mouvoir comme les vagues, et les pierres s'agiter à sa surface comme du grain dans un tamis. Beaucoup de maisons s'écroulèrent à Alep, son mur d'enceinte s'effondra et les murs de la citadelle furent ébranlés.

L'atabek, continuant sa marche vers l'est, s'empara sur sa route de toutes les forteresses qu'il rencontra,[74] jusqu'à ce qu'il fût arrivé à Mossoul. Les tremblements de terre continuèrent sans interruption jusqu'au mois de chawal (juin 1139), et l'on prétend qu'il y en eut quatre-vingts.

Dès l'an 532 (1137-1138), l'atabek avait résolu de confisquer les biens qu'avaient acquis les Alépins depuis l'époque de Rodouân jusqu'à la fin du règne d'Ylghazi. Plus tard il frappa la population d'un impôt de dix mille pièces d'or, sur lesquelles ils en avaient payé mille lorsque survinrent les tremblements de terre. L'atabek épouvanté, s'étant enfui de la citadelle d'Alep pour aller s'établir dans le Meïdan (champ de course), remit provisoirement l'impôt.

La même année (1139), Sawar fit une expédition contre les Francs et ramena du butin conquis sur leur territoire ; mais les Francs le poursuivirent, reprirent ce qui leur avait été enlevé, mirent en fuite les Musulmans et capturèrent douze cents cavaliers. Ils firent aussi prisonnier Ibn 'Amroun, gouverneur de la citadelle de Kehf, coupable de l'avoir livrée aux Bathéniens.

Au mois de ramadhan de la même année, la discorde éclata entre l'atabek et Timourtach. Zengui vint assiéger Dara et conquit cette ville dans le mois de chawal (juin). Il reprit alors Ras'Aïn, Djebel Djour et Dhou'l-Karneïn (qu'il avait autrefois données à Timourtach). Soutékîn el-Kordjy étant venu à mourir à Harrân, l'atabek y envoya des troupes et s'empara de la ville.

Dans la nuit du jeudi au vendredi, la 23e de chawal (nuit du 22 au 23 juin) de la même année, Chihab ed-Dîn Mahmoud ben Tadj el-Molouk [Bouri] fut assassiné dans son lit par Bakch, par Youssouf l'eunuque et par un valet. C’étaient trois individus qu'il avait admis dans son intimité. Aussitôt, O'nar (Anar) en inhuma le frère de Chihab ed-Dîn, Mohammed, prince de Baalbek, le fit asseoir sur le trône de Damas et expulsa un autre de ses frères, Behram Chah, lequel se rendit d'abord à Alep, puis alla le joindre à Mossoul l'atabek Zengui. La mère de Chihab ed-Dîn, Zomorroud-Khatoun, ayant appris le meurtre de son fils, écrivit à son époux Zengui, alors à Mossoul, pour l'inviter à venger son fils et à presser son arrivée. Zengui partit, mettant à la tête de son avant-garde l'émir et chambellan Salah ed-Dîn, qui arriva bientôt à Hamat. Pendant ce temps, Zengui passait l'Euphrate, descendait à Na'oura et entrait dans Alep, d'où il partit pour Hamat, le 7 de dhou'l-hidjeh (5 août). De là, il se rendit à Emèse, et enfin parvint à Baalbek. Il en commença le siège le 1er de moharrem de l'an 534 (28 août 1139) et la battit avec ses mangonneaux jusqu'à ce qu'il l'eût réduite. La ville fut prise le lundi 14 safar (10 octobre), et la citadelle le jeudi 25 du même mois (11 octobre). Zengui resta à Baalbek jusqu'au milieu du mois de rebi second (novembre-décembre). Il avait juré à la garnison de la citadelle, par les serments les plus rigoureux, par le Coran et par le divorce de ses femmes, qu'il l'épargnerait. Mais quand les défenseurs de la citadelle se furent rendus, trahissant la foi jurée, il fit écorcher le gouverneur et pendre le reste, en tout trente-sept hommes. Les femmes furent aussi traîtreusement réduites en captivité.

Au milieu de rebi second (novembre-décembre), l'atabek marcha sur Damas pour l'investir. Il descendit à Dareyya et s'avança de là vers Damas. Il écrivit à Mohammed ben Bouri pour l'engager à lui livrer Damas en échange de Baalbek, d'Emèse et de toute autre ville qu'il exigerait en plus. Mohammed ben Bouri était sur le point d'accepter ces conditions ; mais ses compagnons l'en détournèrent en lui représentant que Zengui pourrait bien le trahir aussi. Peu après, le 8 de chaban (29 mars 1140), Mohammed ben Bouri mourut, désignant pour lui succéder son fils 'Adhb ed-Dawleh (Moudjîr ed-Dîn) Abak.

Onar (Anar), (craignant d'être attaqué par Zengui), se mit en relations avec les Francs pour obtenir leur assistance. Il leur offrait, pour prix de leurs services, de leur livrer Panéas après l'avoir enlevée à Ibrahim ben Torgoth. Les Francs se réunirent donc pour porter secours à Onar. Alors, l'atabek partit de Damas, le 5 du mois de ramadhan (24 avril), en vue d'attaquer les Francs s'ils s'approchaient de lui. Il alla à Bosra et à Sarkhad, villes du Haurân, et y séjourna quelque temps ; puis il revint dans la Ghouta (campagne de Damas), descendit à 'Adhra, et brûla nombre de villages de la Ghouta. Sur ces entrefaites, les Francs arrivèrent et s'établirent dans le Meïdân (champ de course). L'atabek [sans les attendre] partit pour Emèse.

Pendant que Raymond, prince d'Antioche, réussissait à faire prisonnier Ibrahim ben Torgoth, gouverneur de Panéas, et le mettait à mort, Mo'in ed-Dîn Onar assiégeait cette place, s'en emparait et la livrait aux Francs.

Le 20 de rebi premier (14 novembre 1139), Zomorroud-Khatoun était rentrée à Alep, et le 24 de djemadi premier (16 décembre), Zengui l'y avait rejointe. Un accord intervint entre Zengui et Abak, en vertu duquel la khotba (le prône) devait être récitée à Damas au nom de Zengui.

Dans le mois de rebi second de l'an 534 (novembre-décembre 1139), le kadi d'Alep, Abou Ghanim Mohammed ben Abi Djerada, vint à mourir. L'atabek nomma alors aux fonctions de kadi d'Alep le fils du défunt, Abou'l-Fadhl Hibel Allah ben Mohammed ben Abi Djerada. Quand il l'eut mandé en sa présence pour lui conférer cette dignité, il lui adressa les paroles suivantes : « Je me dépouille de cette charge et t'en investis. Tu dois toujours craindre Dieu et faire aux plaideurs la partie aussi égale que ceci » (en prononçant ces paroles, il appliquait un doigt d'une main contre le doigt correspondant de l'autre main).

Cette année, nombreux furent les dégâts et les ravages que commirent les Turcomans. Ils s'attaquèrent aux territoires des Francs qui envoyèrent un ambassadeur à Zengui pour s'en plaindre. Comme l'ambassadeur s'en revenait, il tomba dans un parti de Turcomans qui l'assassinèrent. En représailles, les Francs envahirent le territoire d'Alep et enlevèrent un nombre incalculable d'Arabes et de Turcomans.

En l'an 536 (1141-1142), l'atabek réclama l'acquittement de l'impôt dont il avait frappé les biens des Alépins [et sur lequel mille pièces d'or seulement avaient été payées]. Il envoya à Alep, pour percevoir l'impôt, 'Ali el-Fewaty el-Adjemy. Celui-ci maltraita fort les Alépins et eut même recours à des châtiments pour les contraindre à verser les sommes dues. Un certain Ibn Chakara étant venu à mourir à Alep, ses biens furent confisqués et l'on restitua au peuple la quotité de l'impôt dont avaient été taxés ses biens, somme que ledit personnage avait fait payer par les habitants.

La même année, les Francs tombèrent sur la ville de Sermîn, où ils détruisirent et pillèrent, et se dirigèrent ensuite vers le Djebel Sommak.[75] Ils agirent de même à l'égard de Kefer-Thâb, puis se dispersèrent. En représailles, 'Alam ed-Dîn, fils de Seïf ed-Dîn Sawar, poussa avec ses Turcomans jusqu'aux portes d'Antioche et revint chargé de butin et de blé en grande quantité. Ledjeh le Turk, transfuge de Damas, qui s'était mis au service de Zengui, fit aussi une incursion sur les terres des Francs, dans le mois de djemadi.[76] Il enleva des troupeaux, des prisonniers, et massacra, dit-on, sept cents hommes.

Cette même année, une grave mésintelligence éclata entre l'atabek Zengui et Kara Arslan ben Dawoud ben Sokmân, aux environs de Behmerd. Ils en vinrent aux mains, et l'atabek, ayant battu Kara Arslan et s'étant emparé de Behmerd, rentra en Mésopotamie et de là à Mossoul où il passa l'hiver

La même année, l'atabek fit la paix avec les Ortokides Les fils d'Ortok vinrent lui rendre hommage à Mossoul, puis s'en retournèrent

Le 5 de chaban (5 mars 1142), Dhiya ed-Dîn el-Kefertouthy, vizir de Zengui, mourut. L'atabek choisit comme vizir, à sa place, Abou 'r-Ridha ben Sadaka ; mais il le destitua en l'an 538 (1143-1144).

Au mois de ramadhan (avril 1142), Sawar marcha sur Antioche. Auprès du pont (Djisr el-Hadîd) se trouvait campée une forte armée de Francs. Les Turcomans passèrent à gué l'Oronte, attaquèrent les Francs, culbutèrent tout sur leur passage, massacrèrent ceux qu'ils trouvèrent dans les tentes, pillèrent et firent des prisonniers, et rentrèrent à Alep amenant un butin considérable en céréales, des prisonniers et du bétail.

Le 23 du mois de ramadhan de l'an 537 (14 avril 1143), l'atabek enleva la forteresse d'Achib,[77] qui passait pour inexpugnable. Le roi d'Antioche entra dans la vallée de Biza'a; mais Sawar le repoussa jusque dans les contrées du nord. Puis, Sawar ayant eu une entrevue avec Josselin, entre le campement des deux armées, une trêve fut conclue.

En l'an 538 (1143-1144), l'atabek fit la conquête des forteresses d'Eïzoun[78] et de Heïzân. Aux Francs, il enleva celles de Djomolîn, de Moezzer, de Tell-Mawzen et d'autres encore. L'armée d'Alep, avant de son côté fait une sortie, enleva une troupe considérable de marchands, de soldats et autres personnes qui, partie d'Antioche, se dirigeait vers le pays des Francs avec des sommes importantes, des bêtes de somme et des marchandises. Les Alépins tombèrent sur la caravane, massacrèrent les cavaliers francs qui l'escortaient pour la protéger, enlevèrent tout le butin et rentrèrent à Alep. Ceci se passait dans le mois de djemadi premier de l'an 538 (novembre-décembre 1143).

Le mercredi 25 de dhou’lka’deh (30 mai 1144), des cavaliers turcomans partis d'Alep tombèrent sur une troupe de cavaliers sortie de Basoutha. Ils massacrèrent ces cavaliers, firent prisonnier le gouverneur de Basoutha et l'amenèrent à Alep, où ils le remirent entre les mains de Sawar qui le fit charger de chaînes.

La même année, l'atabek destitua son vizir Djélal ed-Dîn Abou 'r-Ridha à Mossoul et lui donna pour remplaçant Abou'l-Chanaïm Habeschy ben Mohammed el-Hilly. Cependant l'atabek Zengui ne cessait de songer à la conquête d'Édesse et constamment son ambition l'y poussait. Il apprit enfin, en l'an 539 (1144-1145), que Josselin, prince d'Edesse, en était parti avec le gros de son armée pour accomplir certain dessein. L'atabek s'empressa de camper sous ses murs avec une nombreuse armée. Il envoya aux Turcomans l'ordre de l'y rejoindre. Ceux-ci arrivèrent, et les Musulmans investirent la place de manière à intercepter toute communication avec le dehors et à empêcher le ravitaillement. Des mangonneaux furent dressés, et les Alépins commencèrent à creuser des mines sur des points connus d'eux. Ils arrivèrent ainsi jusque sous les fondations des bastions, étayèrent les remparts avec des poutres et demandèrent à l'atabek l'autorisation d'y mettre le feu. L'atabek descendit en personne dans les tranchées, examina par lui-même, et donna la permission demandée. Les sapeurs mirent donc le feu aux étais, et le mur s'écroula aussitôt. Les Musulmans entrèrent d'assaut dans la ville et s'en emparèrent de vive force, le samedi 16 de djemadi second (14 décembre 1144). Ils commencèrent à piller, à égorger et à faire des captifs, jusqu'à ce qu'ils eussent les mains pleines de butin. Alors l'atabek arrêta le carnage, interdit de faire de nouveaux prisonniers, rendit la liberté aux captifs, recommanda que les habitants d'Edesse fussent bien traités et se mit à relever les ruines de la ville. Le gouverneur de Harrân, Djémal ed-Dîn Abou 'l-Ma'aly Fadhl Allah ben Mahân, avait de tout temps excité l'atabek à s'emparer d'Edesse, en lui représentant cette conquête comme facile. Un jour, on trouva les vers suivants écrits sur un des montants du Mihrâb (oratoire) d'Edesse :

Me voici débarrassé des Francs, et de nouveau je m'enorgueillis des drapeaux du prédicateur[79] et de la chaire.

Me voici rendu à la vraie foi, orné par elle, arraché à l'opprobre et à la fausse religion. Mon enceinte est purifiée ; mais sans Djémal ed-Dîn, elle ne l'eût point été.

Le gouverneur de Harrân en fut instruit et dit : « Il faut effacer Djémal ed-Dîn et écrire à la place 'Imad ed-Dîn (surnom de Zengui). » Mais Zengui, apprenant cette circonstance, s'écria : « Le poète a raison ; sans Djémal ed-Dîn, je n'aurais pas eu le désir de prendre Edesse ! »

Après avoir recommandé à ses agents de ne pas faire peser trop lourdement l'impôt sur les Edessins et de le proportionner au rendement des récoltes, l'atabek marcha sur Saroudj et s'en empara. La garnison franque s'enfuit Zengui mit le siège, la même année, devant Bira. Mais, apprenant que son lieutenant Naçir-ed-Dîn Tchaker avait été assassiné à Mossoul, il craignit pour sa capitale et leva le siège de Bira au moment où la chute de cette place forte était imminente. Rentré à Mossoul, Zengui arrêta Farroukhânchah ben es-Soltan, qui avait assassiné Tchaker dans le dessein de s'emparer du pouvoir, le fit exécuter pour venger la mort de son lieutenant, et nomma gouverneur de Mossoul l'émir Zeïn ed-Dîn Ali Koutchik.

Au commencement de l'an 540 (1145-1146), Zengui se mit à lever des troupes et à faire construire force mangonneaux et machines de guerre. Il répandit le bruit que c'était en vue de la guerre sainte ; mais certains disaient que son dessein était d'aller faire le siège de Damas. Des mangonneaux qui se trouvaient à Baalbek furent transportés à Emèse dans le mois de chaban (janvier-février 1146) de la même année. Suivant une autre version, Zengui avait bien l'intention de faire la guerre sainte cette année, mais il abandonna ce projet en apprenant l'existence d'un complot à Edesse. Des Arméniens habitant cette ville méditaient un coup de main : ils devaient tomber sur les Musulmans qui s'y trouvaient. Apprenant ces menées, l'atabek arriva de Mossoul à Édesse, et les fauteurs de troubles payèrent de leur vie leurs projets coupables. Leurs corps furent ensuite mis en croix. D'Edesse, l'atabek marcha sur la citadelle de Dja'ber et campa sous ses murs, devant le bastion oriental, le mardi 3 de dhou'l-hidjeh (17 mai 1146). Il y resta jusqu'il la nuit du samedi au dimanche, sixième du mois de rebi second de l'an 541 (15 septembre 1146). Au milieu de cette nuit, l'eunuque Yarouktach l'assassina. Zengui l'avait menacé de sa colère pendant le jour ; Yarouktach eut peur et le tua, pendant la nuit, dans son lit. D'après une version, Zengui après avoir bu du vin s'était endormi. Il se réveilla soudain et vit l'eunuque Yarouktach qui buvait le reste de son vin en compagnie d'une troupe de pages. Zengui les menaça de les châtier et se rendormit. C'est alors que ceux-ci résolurent de l'assassiner. L'attentat commis, Yarouktach vint se poster sous les murs de la citadelle et cria à ses défenseurs : « Prenez-moi avec vous ; j'ai tué l'atabek. » Ceux-ci lui répondirent : «Va-t-en avec la malédiction de Dieu, car en le tuant tu as tué tous les Musulmans ! »

L'atabek avait vivement pressé la citadelle, et le manque d'eau commençait à y devenir très sensible Déjà les envoyés du gouverneur, Ali ben Malik, allaient et venaient de la citadelle au camp de Zengui. Ali ben Malik offrit à Zengui trente mille pièces d'or pour lever le siège, et l'atabek accepta. Un envoyé descendit de la citadelle après avoir réuni à grand' peine l'or de la rançon : il avait pris jusqu'aux boucles d'oreilles de ses sœurs. Zengui manda devant lui l'ambassadeur et dit à l'un de ses serviteurs « Prends son cheval, mène-le devant une marmite de ragoût et viens me dire s'il boit dans la marmite. » Le serviteur exécuta cet ordre, et le cheval but de la sauce du ragoût. Par là, Zengui connut que l'eau commençait à manquer dans la citadelle. Il endormit donc le messager par de belles paroles, le renvoya à un autre jour et finalement ne lui accorda pas sa demande, au grand désappointement d'Ali ben Malik. Il y avait dans la citadelle des antilopes que la soif accablait. Ces antilopes gravirent l'escalier du minaret et, parvenues sur la plate-forme, elles levèrent la tête vers le ciel et se mirent à pousser de grands cris. Dieu envoya un nuage qui couvrit la citadelle et qui donna tant de pluie que tous les défenseurs purent boire à satiété. Un jour, Hassan el-Ba'albekky, gouverneur de Manbedj, s'avança sous les murs de la citadelle et cria à Ali ben Malik : « Qui te sauvera maintenant, ô émir Ali, des mains de l'atabek ? » — « Etourdi ! lui répliqua Ali, ce qui t'a sauvé des mains de Balek me sauvera aussi de celles de Zengui. » Ali faisait ainsi allusion à la mort de Balek devant Manbedj, mort qui avait été le salut pour Hassan. Ce pronostic se réalisa par l'assassinat de Zengui.

Mon père (Dieu ait son âme !), m'a rapporté que le gardien qui veillait à la porte de Zengui la nuit même où il fut tué, récitait ces vers tout en montant la garde :

O toi qui t'es endormi joyeux au commencement de la nuit, c'est à l'aurore que les maux fondent sur nous

Ne te fie pas à une nuit qui a bien commencé, souvent c'est à la fin de la nuit qu'éclate l'incendie

L'atabek était un homme impérieux, violent et redouté. On rapporte que son appariteur criait déjà hors de la ville, à la porte de l'Irak (à Alep) quand Zengui ne faisait encore que sortir de la citadelle.[80] Quand il était à la tête de son armée, ses soldats marchaient derrière lui comme entre deux cordeaux, de peur de fouler aux pieds les moissons. Personne, tellement on le craignait, n'eût osé écraser un seul épi, à plus forte raison faire entrer son cheval dans les moissons. Pas un soldat n'eût osé prendre à un paysan une botte de paille sans en payer le prix ou sans fournir un bon du trésor payable chez le maire du village. Tout acte de violence commis par un soldai était puni du supplice de la croix. Parlant de lui-même l'atabek disait : « Il n'arrive pas qu'il y ait au monde plus d'un tyran à la fois. »

Sous son gouvernement, les pays ruinés se relevèrent, la sûreté régna de nouveau, car il n'épargnait pas les malfaiteurs. A Harrân, l'atabek recommandait à ses préfets et aux agents du fisc de bien traiter le peuple et de ne pas le pressurer ni lui imposer de corvées. Voilà du moins ce que rapportent les gens de Harrân. Quant aux paysans d'Alep, ils disent précisément le contraire.

L'année de la mort de Zengui, le prix des denrées était très bas. On payait six mesures de blé, un dinar ; douze mesures d'orge, un dinar ; quatre mesures de lentilles, un dinar ; cinq mesures de pois, un dinar ; soixante livres de coton, un dinar. Le dinar en question était celui qu'avait spécialement affecté l'atabek à l'achat des denrées et qui valait cinquante assignats en papier de papyrus. Il avait pris cette mesure à cause de la pénurie (en numéraire) du public.

A la mort de Zengui, ses troupes se dispersèrent. L'armée d'Alep prit avec elle son fils Nour ed-Dîn Abou'l-Kaçem Mahmoud ben Zengui et rentra à Alep, où Nour ed-Dîn fut proclamé atabek d'Alep Avant de partir pour cette ville, Nour ed-Dîn avait enlevé du doigt de son père son anneau de commandement Quant aux troupes de Mossoul, elles rentrèrent dans cette ville avec Seïf ed-Dîn Ghazy, qui s'en déclara souverain Le corps de Zengui resta seul, et ce furent les gens de Rafika qui arrivèrent, lavèrent le corps avec de l'eau puisée dans un couvercle de jarre et l'enterrèrent auprès de la porte du mausolée d'Ali,[81] sur qui soit le salut, dans le voisinage des compagnons de Mahomet, tombés martyrs de la foi. Dieu leur témoigne sa satisfaction ! Plus tard, les fils de Zengui construisirent une koubbé sur sa tombe Cette koubbé existe encore de nos jours.

 

 


 

[1] C'est le personnage nommé Sensadonias par Albert d’Aix, liv. IV, ch. i. et Samsadolus sur Guillaume de Tyr, liv. VII, ch. viii.

[2] M Defrémery, en traduisant ce passage dans ses Mémoires d’histoire orientale, t I, p 39, fait remarquer avec raison que Michaud et Poujoulat ont eu tort d’identifier le Castrum puellarum d’Albert d’Aix avec le Harem dont il est question ici. On ne comprendrait pas en effet pourquoi Tancrède aurait fait un détour considérable afin de s’emparer de Harem, avant de s’être rendu maître de places beaucoup plus rapprochées de sa route directe. (Cf. Guillaume de Tyr, liv. IV, ch. i). La description du château de Harem se trouve chez Drummond. Travels etc. London. 174, p. 182.

[3] La vallée du bourg de Dabik entre A’zaz et Alep, à quatre parasanges de cette dernière ville. C’était, une large et fertile vallée qui, sous la dynastie des Omeyyades, servit souvent de lieu de campement aux troupes musulmanes en marche contre Mopsueste. D’après Maçoudi, elle faisait partie du fief militaire de Chalcis (Prairies d’or. t. V, p. 397 et suiv. ; cf. Historiens orientaux des Croisades, t. I.p. 3, 180 et 194).

[4] Nommée aussi ‘Imm (Eïmm, t. Ier des Historiens orientaux, p. 359). Celait une bourgade habitée par des chrétiens grecs dans une contrée bien arrosée et fertile, a quelques heures de marche d'Alep, sur la route d'Antioche. (Mo'djem, t. III, p. 729.) Innib est identifiée avec la Nepa de Guillaume de Tyr.

[5] Yousouf, fils d'Abik, était prince de Rabbah, de Boza'a et de Menbedj. Il avait été assassiné dans Alep par ordre de Rodouân et de Djenah ed-Dawleh, et ces deux princes s'étaient emparé du fief de son frère et héritier (Voir M. Defrémery, Recherches sur le règne du sultan Barkiarok. p. 40 et 42.)

[6] Forteresse à neuf lieues au nord ouest d’Alep. Elle fut longtemps au pouvoir des comtes d’Edesse. C’est la localité nommée Hasarth par Guill. de Tyr, liv. VII, ch. iii.

[7] Place forte à quelques lieues de Ma'rrat en Na'man et à deux journées d’Antioche selon Guill. de Tyr, qui la qualifie de urbem munitissimam, liv. VII, ch. viii.

[8] La comparaison de ce récit avec le passage correspondant chez Ibn el Athir, Hist orientaux, t. I, p 196, suffît pour prouver combien Kemal ed-Dîn l’emporte par l’exactitude et la précision des détails. — Le village de Ma'rrat, nommé, sous la domination latine, La Marre, existe encore aujourd'hui sur la route de Hamah à Alep. Voir Itinéraire de l’Orient, par Isambert et Chauvet, t. III, p 712.

[9] Hadher signifie primitivement un campement considérable de nomades. Plusieurs localités portent ce nom. Celte dont il est question ici, située près d'Alep, était habitée par des Arabes de Tonoukh et d'autres tribus. (Cf. Beladori, éd. de Goeje, p. 145, Modjem, t. II, p. 175.)

[10] Ce nom, illisible ici, se retrouve plus loin sous une forme moins altérée. Il s'agit d'une colline où se trouvait la turbé ou chapelle funéraire du père du fameux. Zengui.

[11] C'est-à-dire à l’époque de la défaite de Rodouân, quatre ans auparavant (voir ci-dessus).

[12] On trouvera de plus amples détails sur ces événements dans les Recherches sur les Ismaéliens, par M. Defrémery, Journ. Asiatique, mai et juin 1854, p. 381.

[13] Voir le récit plus détaillé d’Ibn el Athir, Hist. or. des croisades, t. I, p. 234. D'après ce chroniqueur, l’autorité d'Abou Taher dans Apamée, fut amoindrie par la rivalité de son complice le Kadi Aboul Fath Sermîni.

[14] Comparer ce récit de notre auteur avec le passage correspondant de Mathieu d'Edesse, traduit par M. Dulaurier, p. 44-46. Voir aussi une savante note de M. Defrémery, qui signale les erreurs où sont tombés plusieurs historiens arabes (Mémoires d'histoire orientale, I, p. 67).

[15] La leçon Chabakhtân, incertaine dans le manuscrit, a été déjà restituée par M. Defrémery, Mémoires d'histoire orientale, I, p. 61. On lit deux fois ce nom dans le Mo'djem de Yakout.et notamment t. I, p.869, où le canton de Chabakhtân est cité comme ayant sous sa dépendance la forteresse de Tell-Kourad. C'est une région montagneuse de la haute Mésopotamie au sud-est d'Edesse. (Cf. Hist. orientaux des Croisades. t. I, p. 222 et passim.) Le Tell-Kourad « mont du crayon de chèvre » devait sans doute son nom à sa forme particulière.

[16] Ce nom, écrit par l'auteur du Mo'djem, t. I, p. 706, se retrouve sous la même forme dans la chronique d'Ibn-el-Athir, t. XII, p. 6 ; il désigne une forteresse qui s'élevait sur les hauteurs dominant l'Oronte en face de Djebela (Zibel). Voir aussi Historiens orientaux des Croisades, t. I, p. 719.

[17] C'est-à-dire « l'homme au pépin ou au noyau », en d’autres termes, « celui qui mange le fruit et ne laisse aux autres que le noyau. »

[18] C'est la même forteresse qui est nommée Koley'ah par d'autres chroniqueurs. Cf. M. Defrémery, Recherches sur les Ismaéliens, Journal asiatique, juin 1854, p. 393. Ce nom se retrouve encore sous la même forme du diminutif dans notre texte (voir plus loin).

[19] Après le nom de Borsok le manuscrit porte un nom indéchiffrable et qui commence par le titre de Bek, comme Bektouzen ou Bektimour, nous ne l'avons pas retrouvé chez les autres chroniqueurs.

[20] La Pisa des chroniques latines, c'était une ville située entre Alep et Manbedj Aujourd'hui encore on trouve un pauvre village du nom de Beza'a sur la route qui mené d’Alep à Balès, l'ancien Barbalissus. Le géographe Yakout dit avoir recueilli dans le pays la double prononciation Boza'a et Biza'a.

[21] Le canton d'Er-Roudj est situé à environ quarante milles d'Alep, dans la partie sud ouest de cette province et à peu près à égale distance entre Alep et Ma'arrat.

[22] La leçon d'Ibn el Athir (Hist. orient., t. I, p. 324) que nous suivons ici, est confirmée par Yakout. Ce géographe donne ce même nom, qu'il épèle lettre par lettre, selon sa coutume, à une rivière qui sort des environs de Mopsueste et se dirige vers Alep.

[23] D'après un hadis ou tradition prophétique d'origine chiite, le vert, couleur des habitants du paradis, est aussi la couleur adoptée par les descendants de la famille d’Ali. Cf. S. de Sacy, Chrestomathie arabe, t. I, p. 20 et suiv. Voir aussi Maçoudi, Prairies d’or, t. VIII, p. 333. Au xiiie siècle, c'est-à-dire à l'époque où écrivait Kemal ed-Dîn, les doctrines schiites avaient fait de notables progrès en Syrie, ou la propagande bathénienne, noçaïrite, etc. leur avait frayé le chemin. Elles n'ont même pas complètement disparu devant la domination ottomane.

[24] Le manuscrit ne présente la qu'un groupe illisible, mais Yakout indique avec certitude une localité de ce nom dans le district d'Emèse et une autre dans le voisinage d'Alep. C’est probablement de cette dernière que notre historien a voulu parler.

[25] On nommait ainsi, au rapport de Yakout, une bourgade dépendant du canton de Ma’arrat en-Namân Le château situé dans ces parages avait joué un certain rôle sous les princes de la famille de Ham’dan Mo’djem, t. IV, p. 288.

[26] Litt. « le vallon creux », nom donné par les Arabes aux vallées dans lesquelles l'eau des torrents s'amasse et répand la fertilité. Le vallon cité ici avait pour chef-lieu Bozaa, ou Bizaa, il s'étendait à une journée de marche entre Manbedj et Alep. Plusieurs autres localités de Syrie portant aussi le nom de Boutnân sont signalées par les géographes musulmans.

[27] Au rapport de l'auteur du Mo'djem, le canton d’El Ahas, en dépit de son nom qui signifie » chauve, stérile ■, renfermait un grand nombre de fermes et un riche territoire, le chef-lieu était Khouuaçirah, au S. E. d'Alep tout près de Ma'arrat en-Na'mân. Mo’djem el-Bouldân, I, p. 151. Cf. Voyages d'Ibn Batoutah, t. I, p. 145 ; Ibn Haukal, 119, dans la Biblioth. geogr. arable, édition de M. de Goeje.

[28] Telle est la leçon du manuscrit, mais, d'après Yakout, il faut lire Naouaz. « C'est, dit ce géographe, un village du Djébel Sommkak, renommé pour la beauté de ses pommiers. »

[29] Cet Alain, seigneur de Cerez (Sarepta El Athareb), est mentionné par Guillaume de Tyr, Hist. occident, des Croisades, t. I, p. 527, et par Gautier le chancelier, éd. Bongars, t. I, p. 444 et suiv. Le groupe qui suit le nom d'Alan n'est pas ponctué, mais il paraît répondre au nom ou plutôt à l'épithète de meschin ou le mesckin, c'est-à-dire le médecin. Cette lecture nous est proposée par notre confrère M. le comte Riant, qui a une si grande connaissance des hommes et des choses de ce temps.

[30] Kadid. On donne ce nom à des tranches de viande salée et fumée qu'on mange avec une sauce pimentée. On nomme ainsi quelquefois des fruits coupés en tranches et torréfiés au soleil.

[31] La copie porte par erreur touball. C'est, d'après Yakout qui en fixe l’orthographe, une importante bourgade avec grande mosquée et marche, située dans le canton d'A’zaz.

[32] On lit ainsi par conjecture le texte présente une lacune d’un ou deux mots.

[33] Ici ce nom est écrit avec des points diacritiques qui paraissent confirmer la lecture déjà proposée voir la note ci-dessus.

[34] Le Gargar ou Guerguer des chroniques d’Occident. C’était une place forte entre Samosate et Hisn Zyad, sur les bords de l’Euphrate La forteresse de Hisn Zyad n’est autre que le Kharpout (Khartpert) des cartes modernes. Il en sera fait mention quelques lignes plus loin ; voir aussi, sur cette localité, Saint Martin, Mémoires sur l’Arménie, t. I, p. 95.

[35] 1 Ou Bankousa, d'après le Mo'djem, on nommait ainsi une colline située tout près de l'enceinte d'Alep, vers le nord. La localité désignée plus loin sous le nom de Neïreb est également dans le voisinage immédiat d'Alep, et ne doit pas être confondue avec un village du même nom aux environs de Damas. Quant à Djebrîn, c'est un bourg de la banlieue d'Alep nommé Djebrin el-foustouk à cause de ses pistaches très renommées. Il ne faut pas le confondre avec le Beït-Djibrîn situé entre Jérusalem et Ghana.

[36] Village à environ une demi-lieue, au nord d'Alep. (Hist. or., t. I, p. 85 et suiv). Une source très abondante sortait de cette localité et se déversait par des canaux dans la grande mosquée de la capitale. Voir Mo'djem. t. II, p. 382.

[37] Cette localité, dont la mention ne se trouve dans aucun traité de géographie arabe, devait sans doute son nom à des plantations de so'da, c'est-à-dire d'une des espèces de la plante connue en Europe sous le nom de Souchet ou Cyperus.

[38] C'était un dépôt de cavalerie situé hors des murs de la ville, de côté du sud.

[39] Yakout donne quelques détails intéressants sur cette localité peu connue. C'était un gros village situé au bord de l'étang salé qui avoisine Alep. Le Nahr Boutnân, nommé aussi « fleuve d’or » et y déversaient ses eaux qui se cristallisaient rapidement en sel. Les bords du lac étaient fréquentés par des troupes d'oiseaux. Il paraît que la déloyauté des habitants de ce petit pays était devenue proverbiale. Voir une curieuse anecdote à l'appui dans le Modjem, t. II, p, 28.

[40] D'après l’étymologie de ce nom arabe, le couvent cité ici devait être habité par une communauté de moines déchaussés, carmes ou franciscains, ainsi que le village du même nom, entre Alep et Balès.

[41] Localité située à 8 milles d'Alep, entre cette ville et Balès. Elle était défendue par un château bâti, vers le milieu du second siècle de l'hégire, par Maslemah, fils du khalife omeyade Abd el-Mélik.

[42] La phrase finit brusquement par ces mots dans le manuscrit. Il est probable que le copiste a omis une ou deux lignes sur ce fait de peu d’importance, qu'il avait emprunté la chronique journalière d'Alep. Nous n'en avons trouvé d'ailleurs aucune mention dans les autres chroniques.

[43] Bourgade mentionnée par Yakout dans le voisinage d'A’zaz. Une légende totale y plaçait le tombeau de David.

[44] D’après le calendrier nestorien, c’est-à-dire le 19 octobre de l’ère vulgaire.

[45] C'est une montagne qui domine la ville d'Alep vers l’ouest. Elle était en grande vénération parmi les Chiites, et une légende locale attribuait l'appauvrissement des mines de cuivre de cette montagne à une profanation commise envers un membre de la famille d'Ali. Mo’djem, t. II, p. 156.

[46] Le nom de ce personnage est illisible dans le manuscrit, faute de points diacritiques

[47] C’est la localité nommée Eïmm dans la traduction des fragments d’Ibn el Athir, Hist. or. t. I, p. 539, et index p. 821, elle était située à trente trois milles d'Alep, du côté de l'ouest. Il y a encore entre Antioche et Haram une localité du nom de Imma.

[48] Ce nom est écrit Koumin, par Ibn el-Athir, Hist. or.. t. 1, p. 378, et Koumaz, dans le manuscrit autographe d'Aboulféda.

[49] Le nom de cette colline, située sans doute aux environs de Mossoul, est illisible dans le manuscrit.

[50] C’est-à-dire de l'année 524 (1130). Ibn el Athir place sous la rubrique de l’année 523 le récit des événements qui vont suivre.

[51] Comme on le voit par ce récit écourté, Kemal ed-Dîn n'avait recueilli que d'assez vagues renseignements sur la révolte de la princesse Alix, fille de Baudouin II ; c'est ainsi qu'il confond ce prince, mort depuis plusieurs mois, avec Foulques, comte d'Anjou, qui rétablit l'ordre dans Antioche.

[52] Bourgade entre Damas et Emèse.

[53] Il y a dans tout ce passage une assez grande con fusion de dates. Le fait indiqué ici doit être placé au mois d'octobre de l’année 1131 (525 de l'hégire). Kemal ed-Dîn, toujours bien renseigné, ne s'est sans doute pas trompé sur la date exacte de ces événements, mais, voulant achever son récit concernant Dobeïs, il a abandonné un moment l’ordre chronologique qu'il suit ordinairement dans toute sa rigueur. Quant a la mort de Dobeïs, elle est racontée avec des détails un peu différents par Ibn el-Athir, cf. Hist. or., t. I, p. 409. Voir aussi l’Histoire des atabeks de Mossoul, p. 42 et suivantes.

[54] Le nom est illisible dans le manuscrit. On sait, par le témoignage d’Ibn el-Athir, t. X, p 84 et 136, que la famille d’Ibn Mola’eb possédait le territoire d’Emèse à titre de fief.

[55] Tanza était située dans le Diarbekir, près de Djeziret Ibn Omar.

[56] Abou Abd Allah Mohammed ben Ali el 'Azimy est l’auteur d’une histoire d'Alep. Voir Hadji Khalfa nos 2205 et 2258. M. Wüstenfeld a omis de citer cet historien dans son ouvrage intitulé Geschichtschreiber der Araber und ihre Werke, Gottingen. 1882, in 4º.

[57] Alp Arslan, fils de Mahmoud.

[58] On a vu plus haut qu'au moment de arrivée de l'ambassadeur, Alp Arslan était devant Damas avec Zengui.

[59] Bertrand, fils d'Alphonse, comte de Toulouse.

[60] Autrement Alp-Arslan. Ce prince régnait sur le Djebal (ancienne Médie) et l’Azerbaïdjan dont son oncle Mas'oud lui disputait la possession.

[61] Notre auteur vocalise toujours ainsi ; mais la vraie prononciation parait être Anar, comme l'a démontré récemment M. Karabacek, Zeitschrift det D. M. G., t. XXXI

[62] Notre auteur confond ici deux événements : l'arrivée de Jean Comnène à Satalie (Antalya) et son arrivée sous les murs d'Antioche (Antalya).C'est évidemment à Antalya que l'empereur attendit les secours que lui apportait sa flotte.

[63] Il faudrait : fils de Constantin.

[64] Il faudrait : le dimanche.

[65] Na'oura était située entre Alep et Balès à huit milles seulement d'Alep.

[66] Il faut lire : lundi.

[67] Cette rivière qui coule près d’Alep, est aussi appelée Koïk.

[68] Le ms. porte Salda, mais la vraie leçon parait être Sa'da, comme on lit quelques lignes plus haut.

[69] Le prince même de Cheïzer.

[70] Qui était aux portes de Cheïzer.

[71] On nomme ainsi toute plaine où les habitants d'une ville se réunissent habituellement pour assister à la prière publique. Le moçalla est généralement attenant à une mosquée.

[72] Nous lisons ainsi par conjecture. Le manuscrit donne ce nom sans points diacritiques.

[73] Cette machine de guerre, dont il est fait assez rarement mention dans les Chroniques musulmanes était sans doute une espère de baliste.

[74] Ce passage paraît altéré dans le texte.

[75] C'est dans cette partie du Liban, aussi appelée Mont des Ansariés, qu’était située la fameuse citadelle de Panéas Le Djebel Sommak est ainsi nommé parce qu'il produit en abondance le sumac. Quant aux Ansariés ou Nosaïris, ce sont des sectaires dont les doctrines se rapprochent de celles des Druzes et des Bathéniens ou Assassins.

[76] Le texte omet de dire s'il agit de djemadi premier (décembre 1140) ou de djemadi second (janvier 1142).

[77] Appelée aussi Cha’bany.

[78] Le nom de cette forteresse ne se retrouve pas dans les passages correspondants de l'histoire des atabeks ni dans la chronique d'Ibn el Athir (voir Hist. or. t. I, p 443).

[79] Lorsque le prédicateur musulman était en chaire, il avait, fichés à sa droite et à sa gauche, deux drapeaux. Il est curieux de voir comment la légende s'est emparée de la présente anecdote et l'a défigurée. Voir plus haut les extraits du Nodjoûm, p. 503.

[80] Zengui se faisait précéder d’un tchaouch comme aujourd'hui les sultans ottomans. Ce héraut annonçait à haute voix l'arrivée de l'atabek, afin que les passants se rangeassent et fissent place au cortège.

[81] On sait que le khalife Ali fut enterré aux environs de Koufa.

 

 

 

 

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