M. PATIN, Études sur les tragiques Grecs : Livre III, SOPHOCLE, Chapitre III : PHILOCTÈTE
335 NOTICE SUE LE PHILOCTÈTE.
La simplicité de l'action et la vérité des caractères, telles sont les qualités éminentes des tragédies de Sophocle, et en particulier du Philoctète. Ici, tout se passe entre trois personnages, qui ont chacun leur physionomie bien prononcée. Philoctète nourrit un long ressentiment du mal que lui ont fait les chefs de l'armée grecque; une vive animosité contre ses ennemis, une constance qui va jusqu'à l'opiniâtreté, sont les traits essentiels de son caractère. Ulysse, ce type de l'esprit grec, cet idéal de la ruse, est la personnification de la politique et de l'habileté des temps héroïques. Enfin le fils d'Achille, Néoptolème, jeune homme à l'âme candide, joue le rôle de médiateur entre Philoctète et les Grecs; sa loyauté et sa franchisé sont heureusement opposées à l'esprit astucieux d'Ulysse. Et ces trois rôles différents sont si habilement contrastés que toute l'ordonnance de la pièce en résulte, comme par un jeu naturel. En effet, le génie du poète éclate précisément, en ce qu'il a fait sortir du caractère môme de ses personnages les ressorts d'une action d'ailleurs si simple.
Ainsi, Philoctète a été indignement abandonné dans une île sauvage et inhabitée, en proie à un mal cruel, dont les intervalles lui permettent à peine de pourvoir à sa subsistance. Tout à coup un secours inattendu s'offre pour mettre fin à toutes ses misères, l'arracher à sa solitude et le rendre au commerce de ses semblables. Mais il ne peut être délivré de tant de maux qu'en se faisant l'auxiliaire des ennemis qui l'ont si cruellement outragé : dans cette nécessité, sans la moindre hésitation, ou plutôt avec une fermeté inflexible, il refuse leurs bienfaits; malgré son extrême désir de quitter le séjour désolé qu'il habite, il le préfère encore au triomphe 336 de ses ennemis et à soi. propre déshonneur. De là résulte le noeud de la tragédie. Quelle que fût sa détresse dans sa vie solitaire, elle ne peut se comparer au nouveau malheur qui le saisit, dès que les hommes l'ont approché. Poursuivi de nouveau par leur injustice,, il invoque presque maintenant cet abandon, qu'il avait supporté si patiemment pendant dix années, mais auquel il avait toujours tâché de se soustraire, et il est prêt à en accepter les douleurs jusqu'à la fin de sa vie. La perfidie du jeune Néoptolème, qui s'empare de ses armes par trahison, qui le prive du seul moyen de pourvoir à sa subsistance, et le réduit à l'extrémité de servir ses ennemis, ou de périr de la mort la plus cruelle, lui fait trouver presque un bonheur dans cette solitude qui avait fait son désespoir. Aussi, lorsque Néoptolème, cédant à la générosité de son naturel , rend à Philoctète son arc et ses flèches, celui-ci aime mieux habiter avec les bêtes sauvages, en proie à sa douleur, que de recouvrer la santé et de s'illustrer par la prise de Troie, dans la société des Atrides. Ce ressentiment implacable, cette obstination d'un cœur vindicatif, forment le nœud de l'action ; et l'intervention d'Hercule pourra seul le trancher.
Avec un art très heureux, le poète a mis en opposition les deux caractères de Néoptolème et d'Ulysse. Le premier est un jeune héros, franc, généreux, capable de violence, incapable de fraude. Ulysse, cet homme vieilli dans les affaires, fin, rusé, prévoyant, maître dans l'art de la parole, tend au même but que Néoptolème, mais sans scrupule sur le choix des moyens. Et de ce contraste des caractères Sophocle a su tirer les effets les plus dramatiques.
Une des beautés les plus frappantes de la pièce, un mouvement qui remue l'âme et l'élève, comme tous les sentiments généreux, c'est l'hésitation du fils d'Achille lorsqu'il s'agit de tromper Philoctète , il se trouble au moment décisif, il ne peut vaincre son naturel honnête et loyal, il recule devant la nécessité de faire violence à l'hôte infortuné qui l'a accueilli sans défiance. Cette péripétie naît du fond même des sentiments qui animent les personnages.
D'un autre côté, pendant que Néoptolème, touché de compassion, cède à sa générosité, et se met en devoir de rendre à Philoctète des armes qu'il a entre ses mains, Ulysse, qui l'observe, s'élance au- 337 devant de lui et le retient : nouveau changement de situation, qui résulte également du caractère des acteurs.
Au reste, nuls incidents extérieurs ne viennent compliquer la marche de ce drame si simple ; et néanmoins, le jeu des passions qui s'agitent dans ce cercle si resserré soutient l'intérêt jusqu'à la dernière scène.
Le Chœur, composé de matelots grecs, exprime, comme un témoin impartial, les sentiments divers qui doivent animer les spectateurs. Il peint avec des couleurs poétiques la vie de l'exil, les privations de l'homme séquestré de la société, et l'amertume d'une existence solitaire. On peut remarquer dans cet ouvrage un grand nombre d'idées, de comparaisons et de métaphores empruntées aux habitudes de la vie maritime. C'était chose toute naturelle à Athènes, dont la prépondérance politique sur les autres peuplades de la Grèce reposait alors sur sa puissance navale.
Nous avons déjà remarqué, dans les Trachiniennes, que la peinture des douleurs physiques ne répugnait pas aux anciens. Celles de Philoctète ont été décrites avec un soin égal par le poète, dans une scène d'ailleurs assez vive, et elles amènent à leur suite le sommeil du héros, qui resserre plus étroitement le nœud de l'action.
La préface grecque donne une date à la représentation du Philoctète, qui, selon le même document, valut à l'auteur le premier prix. Elle aurait été donnée sous l'archonte Glaucippos, la troisième année de la quatre-vingt-douzième olympiade, ou environ l'an 410 avant notre ère. Si l'on ajoute foi à cette préface, Sophocle aurait eu alors quatre-vingt-cinq ans, en adoptant l'opinion de ceux qui le font naître en 495. Cet âge paraîtra bien avancé, pour la poésie vigoureuse qu'on admire dans cette pièce. Mais plusieurs critiques ont supposé que Sophocle l'avait travaillée assez longtemps avant l'année où elle fut représentée. D'un autre côté, le savant Hermann pense que le Philoctète est nécessairement postérieur à la quatre-vingt-neuvième olympiade, attendu que c'est seulement depuis cette époque que les poètes tragiques ont pris la licence d'employer l'anapeste à la place de l'iambe dans le vers ïambique : or, le Philoctète offre plusieurs exemples de cette licence.
338 Eschyle et Euripide avaient fait l'un et l'autre une tragédie de Philoctète. Celle d'Euripide fut représentée la première année de la quatre-vingt-huitième olympiade, c'est-à-dire dix-huit ans avant celle de Sophocle. Selon un autre témoignage, elle aurait été jouée avec la Mèdée, sous l'archonte Pythodoros, première année de h quatre-vingt-huitième olympiade, c'est-à-dire quatre ans plus toï L'analyse que le rhéteur Dion Chrysostôme nous en a conservée peut, jusqu'à un certain point, donner une idée de ces deux ouvrages.
339 PHILOCTÈTE
PERSONNAGES.
ULYSSE.
PHILOCTÈTE.
NÉOPTOLÈME.
UN ESPION déguisé en MARCHAND.
CHŒUR DES COMPAGNONS DE NÉOPTOLÈME.
HERCULE
Σοφοκλῆς Φιλοκτήτης (ed. Richard Jebb. Cambridge 1898) Ὀδυσσεύς
Ἀκτὴ μὲν ἥδε τῆς περιρρύτου χθονὸς Νεοπτόλεμος
Ἄναξ Ὀδυσσεῦ, τοὔργον οὐ μακρὰν
λέγεις· Ὀδυσσεύς Ἄνωθεν ἢ κάτωθεν; οὐ γὰρ ἐννοῶ. Νεοπτόλεμος Τόδ᾽ ἐξύπερθε· καὶ στίβου γ᾽ οὐδεὶς κτύπος. Ὀδυσσεύς Ὅρα καθ᾽ ὕπνον μὴ καταυλισθεὶς κυρεῖ. 30 Νεοπτόλεμος Ὁρῶ κενὴν οἴκησιν ἀνθρώπων δίχα. Ὀδυσσεύς Οὐδ᾽ ἔνδον οἰκοποιός ἐστί τις τροφή; Νεοπτόλεμος Στιπτή γε φυλλὰς ὡς ἐναυλίζοντί τῳ. Ὀδυσσεύς Τὰ δ᾽ ἄλλ᾽ ἔρημα, κοὐδέν ἐσθ᾽ ὑπόστεγον; Νεοπτόλεμος
Αὐτόξυλόν γ᾽ ἔκπωμα, φλαυρουργοῦ τινος
35 Ὀδυσσεύς Κείνου τὸ θησαύρισμα σημαίνεις τόδε. Νεοπτόλεμος
Ἰοὺ ἰού· καὶ ταῦτά γ᾽ ἄλλα θάλπεται Ὀδυσσεύς
Ἀνὴρ κατοικεῖ τούσδε τοὺς τόπους
σαφῶς, 40 Νεοπτόλεμος
Ἀλλ᾽ ἔρχεταί τε καὶ φυλάξεται στίβος. Ὀδυσσεύς
Ἀχιλλέως παῖ, δεῖ σ᾽ ἐφ᾽ οἷς ἐλήλυθας
50 Νεοπτόλεμος Τί δῆτ᾽ ἄνωγας; Ὀδυσσεύς
-- Τὴν Φιλοκτήτου σε δεῖ Νεοπτόλεμος
Ἐγὼ μὲν οὓς ἂν τῶν λόγων ἀλγῶ κλύων, Ὀδυσσεύς
Ἐσθλοῦ πατρὸς παῖ, καὐτὸς ὢν νέος ποτὲ Νεοπτόλεμος Τί μ᾽ οὖν ἄνωγας ἄλλο πλὴν ψευδῆ λέγειν; 100 Ὀδυσσεύς Λέγω σ᾽ ἐγὼ δόλῳ Φιλοκτήτην λαβεῖν. Νεοπτόλεμος Τί δ᾽ ἐν δόλῳ δεῖ μᾶλλον ἢ πείσαντ᾽ ἄγειν; Ὀδυσσεύς Οὐ μὴ πίθηται· πρὸς βίαν δ᾽ οὐκ ἂν λάβοις. Νεοπτόλεμος Οὕτως ἔχει τι δεινὸν ἰσχύος θράσος; Ὀδυσσεύς Ἰούς γ᾽ ἀφύκτους καὶ προπέμποντας φόνον. 105 Νεοπτόλεμος Οὐκ ἆρ᾽ ἐκείνῳ γ᾽ οὐδὲ προσμῖξαι θρασύ; Ὀδυσσεύς Οὔ, μὴ δόλῳ λαβόντα γ᾽, ὡς ἐγὼ λέγω. Νεοπτόλεμος Οὐκ αἰσχρὸν ἡγεῖ δῆτα τὸ ψευδῆ λέγειν; Ὀδυσσεύς Οὔκ, εἰ τὸ σωθῆναί γε τὸ ψεῦδος φέρει. Νεοπτόλεμος Πῶς οὖν βλέπων τις ταῦτα τολμήσει λακεῖν; 110 Ὀδυσσεύς Ὅταν τι δρᾷς εἰς κέρδος, οὐκ ὀκνεῖν πρέπει. Νεοπτόλεμος Κέρδος δ᾽ ἐμοὶ τί τοῦτον ἐς Τροίαν μολεῖν; Ὀδυσσεύς Αἱρεῖ τὰ τόξα ταῦτα τὴν Τροίαν μόνα. Νεοπτόλεμος Οὐκ ἆρ᾽ ὁ πέρσων, ὡς ἐφάσκετ᾽, εἴμ᾽ ἐγώ; Ὀδυσσεύς Οὔτ᾽ ἂν σὺ κείνων χωρὶς οὔτ᾽ ἐκεῖνα σοῦ. 115 Νεοπτόλεμος Θηρατέ᾽ οὖν γίγνοιτ᾽ ἄν, εἴπερ ὧδ᾽ ἔχει. Ὀδυσσεύς Ὡς τοῦτό γ᾽ ἔρξας δύο φέρει δωρήματα. Νεοπτόλεμος Ποίω; μαθὼν γὰρ οὐκ ἂν ἀρνοίμην τὸ δρᾶν. Ὀδυσσεύς Σοφός τ᾽ ἂν αὑτὸς κἀγαθὸς κεκλῇ᾽ ἅμα. Νεοπτόλεμος Ἴτω· ποήσω, πᾶσαν αἰσχύνην ἀφείς. 120 Ὀδυσσεύς Ἦ μνημονεύεις οὖν ἅ σοι παρῄνεσα; Νεοπτόλεμος Σάφ᾽ ἴσθ᾽, ἐπείπερ εἰσάπαξ συνῄνεσα. Ὀδυσσεύς
Σὺ μὲν μένων νυν κεῖνον ἐνθάδ᾽
ἐκδέχου, |
ULYSSE. C'est ici le rivage de la terre de Lemnos (01), île déserte et inhabitée, où autrefois, ô Néoptolème, fils d'Achille, élevé par ton père, le plus vaillant des Grecs, j'abandonnai, par Tordre des chefs de l'armée, le fils de Poeas, de Mêlie (02), dont le pied, attaqué par une plaie dévorante, laissait couler un sang corrompu ; quand nous ne pouvions plus offrir en paix aux dieux ni libations ni parfums, et que sans cesse il remplissait tout le camp de gémissements, de cris sauvages et de mauvais augures. Mais qu'est-il besoin d'en rappeler le souvenir? Ce n'est pas le moment des longs discours; il pourrait apprendre mon arrivée, et je verrais échouer tout le stratagème par lequel j'espère l'enlever bientôt. Maintenant, c'est à toi de me seconder dans le reste, cherche des yeux une grotte ouverte des deux côtés, qu'échauffe en hiver une double exposition au soleil (03), où en été l'air, pénétrant 340 par une double ouverture, invite au sommeil. A gauche? un peu au-dessous, tu pourras voir une source limpide, si elle existe encore. Approche-toi en silence, et indique-moi si les choses (04) sont encore en ce lieu, ou ailleurs, afin que je t'explique le reste de mes desseins, et que nous réunissions nos efforts pour les exécuter. NÉOPTOLÈME. Roi Ulysse, l'oeuvre que tu médis de faire n'exige pas une longue peine; je crois apercevoir la grotte telle que tu l'as décrite. ULYSSE. En bas, ou sur la hauteur? car je ne distingue pas. NÉOPTOLÈME. Ici, sur la hauteur, et l'on n'y entend aucun bruit de pas. ULYSSE. Vois s'il n'y est pas étendu pour dormir. NÉOPTOLÈME. Je vois une demeure vide et sans habitant. ULYSSE. N'y a-t-il pas au dedans quelques ustensiles, indices d'une habitation humaine ? NÉOPTOLÈME. Non, mais seulement un lit de feuilles foulées, sur lequel on paraît s'être couché. ULYSSE. Le reste est-il vide, et n'y a-t-il rien de plus dans la grotte ? NÉOPTOLÈME. Oui, une coupe de simple bois, œuvre de quelque artisan grossier, et de quoi faire du feu (5). 341 ULYSSE. C'est là tout le trésor de cet homme, que tu passes en revue. NÉOPTOLÈME. Ah! grands dieux! voici encore, à sécher, d'autres lambeaux tout souillés du sang impur de sa plaie. ULYSSE. Plus de doute, c'est ici sa demeure, et il ne peut être loin; car, souffrant de l'ancienne et fatale blessure (6) de son pied, comment aurait-il pu s'écarter? Il est sorti pour chercher ou des aliments, ou quelque plante, s'il en a vu quelque part, propre à calmer ses souffrances. Envoie donc cet homme (7) explorer les lieux, de peur que Philoctète survenant ne me surprenne aussi; car il aimerait mieux me saisir que tous les autres Grecs ensemble. NÉOPTOLÈME. Il y va, et il veillera sur le sentier. Pour toi, si tu désires quelque chose de moi, dis-le moi dans un second entretien (8). ULYSSE. Fils d'Achille, la mission que tu es venu remplir ici exige que tu sois brave, non seulement de corps; mais quoi que mes paroles puissent avoir de nouveau ou d'inouï pour toi, tu dois me seconder, car tu m'as été donné comme auxiliaire. NÉOPTOLÈME. Que m'ordonnes-tu donc ? ULYSSE. Il te faut séduire l'âme de Philoctète par des paroles trompeuses. Lorsqu'il te demandera qui tu es, et d'où 342 tu viens, réponds que tu es le fils d'Achille, ceci n'est point à dissimuler; mais tu feindras que tu retournes dans ta patrie, après avoir quitté la flotte des Grecs, objets de ta violente haine, eux qui, après l'avoir attiré par d'humbles prières, parce qu'ils n'avaient pas d'autre moyen de prendre Ilion, à ton arrivée, ne t'ont pas jugé digne des armes d'Achille, sur lesquelles tu réclamais tes droits, et les ont livrées à Ulysse. Là, tu pourras te répandre en invectives amères contre moi; rien de tout cela ne me blessera; mais par une autre conduite, tu attirerais sur les Grecs de grandes infortunes. Car, enfin, si tu ne t'empares de son arc et de ses flèches, tu ne pourras renverser les murs de Dardanos. Un entretien avec cet homme ne présente pour moi ni confiance, ni sûreté; mais pour toi il est sans péril, apprends-en la cause. Tu es venu au camp, de ta propre volonté, sans être lié par aucun serment (9), sans contrainte, et tu n'étais pas de la première expédition (10); mais moi, je ne puis désavouer aucun de ces faits. Si donc, armé de son arc, il apprend ma présence, je suis perdu, et, comme ton compagnon, je te perds avec moi. Il te faut donc imaginer quelque moyen de lui dérober les armes invincibles. Je sais, mon fils, que ton naturel ne se prête ni à des paroles ni à des actions artificieuses; mais pourtant il est doux d'obtenir le prix de la victoire; ose donc, et nous nous montrerons ensuite fidèles à la justice. Mais, à présent, fais-moi le sacrifice de ta loyauté, pour une courte partie de ce jour, et, ensuite, sois appelé à jamais le plus vertueux des mortels. NÉOPTOLÈME. Pour moi, fils de Laërte, les conseils que j'ai peine à entendre, j'aurais aussi horreur de les suivre : je ne sais 343 rien faire par un lâche artifice, ni moi, ni celui qui, dit-on, me donna le jour (11). Mais je suis prêt à emmener Philoctète, en employant la force, et non la ruse ; car ce n'est pas avec l'usage d'un seul pied qu'il triomphera de nous, si nombreux. Ma mission, il est vrai, est de t'aider, mais je redoute le nom de traître; et j'aime mieux échouer avec honneur que de vaincre par une déloyauté. ULYSSE. Fils d'un père généreux, moi aussi, quand j'étais jeune, j'avais la langue paresseuse et le bras prompt à agir ; mais aujourd'hui, instruit par l'expérience, je vois que, chez les mortels, c'est la langue et non le bras qui gouverne. NÉOPTOLÈME. M'ordonnes-tu donc de mentir? ULYSSE. Je te dis qu'il faut prendre Philoctète par ruse. NÉOPTOLÈME. Pourquoi la ruse plutôt que la persuasion? ULYSSE. La persuasion n'obtiendrait rien, pas plus que la violence. NÉOPTOLÈME. A-t-il donc dans sa force une telle confiance? ULYSSE. Il a des flèches inévitables et qui lancent au loin la mort. NÉOPTOLÈME. Il n'est donc pas sûr de l'aborder? ULYSSE. Non, si l'on n'emploie la ruse, comme je te le conseille. 344 NÉOPTOLÈME. Tu ne penses donc pas qu'il est honteux de mentir? ULYSSE. Non, si le mensonge est un moyen de salut. NÉOPTOLÈME. De quel front oses-tu parler de la sorte? ULYSSE. Dès qu'il y a quelque profit à faire, il n'y a point à hésiter (12). NÉOPTOLÈME. Mais quel profit y a-t-il pour moi à remmener devant Troie? ULYSSE. Ses flèches seules peuvent prendre Troie. NÉOPTOLÈME. Ce n'est donc pas moi qui dois la renverser, comme vous le prétendiez? ULYSSE. Tu ne peux vaincre sans ces flèches, ni ces flèches sans toi (13). NÉOPTOLÈME. Il faut donc s'en emparer, s'il en est ainsi. ULYSSE. Si tu réussis, une double récompense t'est réservée. NÉOPTOLÈME. Lesquelles? Si je les connais, je n'hésiterai pas. ULYSSE. Tu aurais à la fois le renom d'habile et de brave. NÉOPTOLÈME. Soit! j'agirai, abjurant toute honte. ULYSSE. Te rappelles-tu les avis que je t'ai donnés? 345 NÉOPTOLÈME. N'en doute pas, une fois que tu as mon consentement. ULYSSE. Toi donc, reste en ces lieux, et attends sa venue; moi, je me retire de peur d'être surpris, et je renverrai l'espion (14) à notre vaisseau; si vous me paraissez tarder trop longtemps, je renverrai ce même homme, déguisé sous le costume d'un matelot, de façon qu'il soit méconnaissable (15). A travers l'habile obscurité de son langage, saisis, won fils, les avis qui pourront t'être utiles, dans la suite de ses paroles. Moi, je retourne à noire navire, après l'avoir confié ce soin. Puisse le dieu de la ruse, Mercure, qui nous a conduits, être encore notre guide, ainsi que Minerve, victorieuse, protectrice d'Athènes (16), qui veille toujours sur moi (17)! ------------------------------- |
Χορός
Τί χρὴ τί χρή με, δέσποτ᾽, ἐν ξένᾳ
ξένον 135 Νεοπτόλεμος
Νῦν μέν, ἴσως γὰρ τόπον ἐσχατιαῖς Χορός
Μέλον πάλαι μέλημά μοι λέγεις, ἄναξ,
150 Νεοπτόλεμος
Οἶκον μὲν ὁρᾷς τόνδ᾽ ἀμφίθυρον Χορός Ποῦ γὰρ ὁ τλήμων αὐτὸς ἄπεστιν; Νεοπτόλεμος
Δῆλον ἔμοιγ᾽ ὡς φορβῆς χρείᾳ Χορός
Οἰκτίρω νιν ἔγωγ᾽, ὅπως, Νεοπτόλεμος
Οὐδὲν τούτων θαυμαστὸν ἐμοί· Χορός Εὔστομ᾽ ἔχε, παῖ. Νεοπτόλεμος Τί τόδε; Χορός
-- Προυφάνη κτύπος, Χορός Ἀλλ᾽ ἔχε, τέκνον, 210 Νεοπτόλεμος Λέγ᾽ ὅ τι. Χορός
-- Φροντίδας νέας. |
LE CHOEUR. (Strophe 1.) Étranger sur une terre étrangère, que dois-je taire ou dire à un homme ombrageux? Ô roi, veuille m'instruire. Celui aux mains de qui Jupiter a remis le sceptre divin, l'emporte aussi en prudence, comme en habileté. Cette haute puissance, mon fils, t'a été transmise par tes aïeux les plus reculés; dis-moi donc en quoi je dois t'aider. NÉOPTOLÈME. Maintenant, car peut-être veux-tu voir de près quel endroit de ce rivage écarté il a pris pour demeure, re- 346 garde en toute assurance; mais dès que le terrible guerrier (18) sortira de sa retraite, tiens-toi toujours prêt, au premier signe, à profiter du moment. LE CHOEUR. . (Antistrophe 1.) Tu me recommandes, ô roi, un soin que j'ai déjà pris, j'ai l'œil ouvert sur ce qui t'intéresse : mais à présent indique-moi la retraite et le lieu qu'il habite; car, pour éviter d'être surpris par lui à l'improviste, il est à propos que je sache en quel lieu il se tient, où il porte ses pas, et s'il est dedans ou dehors. NÉOPTOLÈME. Tu vois cette grotte ouverte des deux côtés, c'est là qu'il habite. LE CHOEUR (19). Où donc le malheureux a-t-il porté ses pas? NÉOPTOLÈME. Je ne doute pas que le besoin de nourriture ne l'ait conduit par ce sentier dans quelque endroit voisin. Car telle est, dit-on, sa triste vie, c'est en perçant les bêtes farouches de ses flèches ailées, que le malheureux soutient sa malheureuse existence, et personne n'apporte aucun remède à ses maux. LE CHOEUR. (Strophe 2.) Pour moi, j'ai pitié de sa misère, en le voyant sans un mortel qui prenne soin de lui, et dont il puisse rencontrer les regards (20); l'infortuné, toujours seul, est en proie à un mal terrible, sans moyens de pourvoir au moindre besoin qui se fait sentir. Comment donc le malheureux résiste-t-il à sa détresse? Ô industrie de 347 l'homme (21)! Ô malheureuse race des mortels, pour qui la vie a des maux sans mesure! {Antistrophe 2.) Lui, qui ne le cède peut-être à aucune des plus antiques familles, privé de tout dans la vie, languit seul, loin des hommes, parmi les bêtes sauvages (22), triste objet de pitié, en proie à la fois aux souffrances et à la faim, et livré à des soucis incurables, et la voix infatigable de l'écho répète au loin ses plaintes amères (23). NÉOPTOLÈME. Sa misère n'a rien qui me surprenne ; car, si je ne me trompe, c'est une volonté divine, c'est l'implacable Chrysa (24) qui lui envoie ces maux, et si maintenant il souffre, sans que personne prenne soin de lui, ce ne peut être sans l'intervention de quelque dieu, qui ne lui permet pas de lancer contre Troie les flèches divines et invincibles, avant que le jour marqué pour sa ruine soit venu (25). LE CHOEUR. {Strophe 3.) Fais silence, mon fils! 348 NÉOPTOLÈME. Qu'y a-t-il? LE CHOEUR. J'ai entendu comme un bruit semblable (26) à celui d'un homme qui marchait avec peine, ou de ce côté, ou de l'autre. J'entends, oui, j'entends vraiment le bruit d'un homme forcé de se traîner péniblement sur le sentier, et malgré l'éloignement, sa voix vient jusqu'à moi, douloureuse et déchirante, car ses cris deviennent plus distincts. LE CHOEUR. {Antistrophe 3.) Mais fais, mon fils.... NÉOPTOLÈME. Quoi donc? LE CHOEUR. Plus d'attention que jamais ; car il n'est pas loin, il est près de nous, et ce ne sont pas les sons de la syrinx (27) qu'il fait entendre, comme un berger qui pait ses troupeaux dans les champs; mais peut-être a-t-il heurté son pied, et la douleur lui arrache ces cris, ou peut-être est-ce la vue d'un vaisseau sur ces parages inhospitaliers; car ses cris ont quelque chose de terrible (28). --------------------- |
ΣΦιλοκτήτης
Ἰὼ ξένοι, Νεοπτόλεμος
Ἀλλ᾽, ὦ ξέν᾽, ἴσθι τοῦτο πρῶτον, οὕνεκα Φιλοκτήτης
Ὦ φίλτατον φώνημα· φεῦ τὸ καὶ λαβεῖν Νεοπτόλεμος
Ἐγὼ γένος μέν εἰμι τῆς περιρρύτου Φιλοκτήτης
Ὦ φιλτάτου παῖ πατρός, ὦ φίλης χθονός, Νεοπτόλεμος Ἐξ Ἰλίου τοι δὴ τανῦν γε ναυστολῶ. 245 Φιλοκτήτης
Πῶς εἶπας; οὐ γὰρ δὴ σύ γ᾽ ἦσθα ναυβάτης Νεοπτόλεμος Ἦ γὰρ μετέσχες καὶ σὺ τοῦδε τοῦ πόνου; Φιλοκτήτης Ὦ τέκνον, οὐ γὰρ οἶσθά μ᾽ ὅντιν᾽ εἰσορᾷς; Νεοπτόλεμος Πῶς γὰρ κάτοιδ᾽ ὅν γ᾽ εἶδον οὐδεπώποτε; 250 Φιλοκτήτης
Οὐδ᾽ ὄνομ᾽ ἄρ᾽ οὐδὲ τῶν ἐμῶν κακῶν κλέος Νεοπτόλεμος Ὡς μηδὲν εἰδότ᾽ ἴσθι μ᾽ ὧν ἀνιστορεῖς. |
PHILOCTÈTE. Ô étrangers (29)! qui êtes-vous donc, vous qu'une rame agile amène sur ce rivage inabordable et désert (30)? Quelle patrie, ou quelle origine pourrais-je vous donner, sans 349 me tromper? Car je reconnais, il est vrai, l'habit grec, qui m'est si cher; mais c'est votre voix que je désire entendre ! Que mon aspect sauvage ne vous cause ni répulsion, ni effroi, ni surprise (31); mais ayez pitié d'un homme malheureux, seul, abandonné, sans secours; parlez-moi, si toutefois vous venez en amis. Rendez-moi donc une réponse, car il n'est pas juste que je ne puisse l'obtenir de vous, ni vous de moi. NÉOPTOLÈME. Sache donc d'abord, étranger, que nous sommes Grecs; car c'est là ce que tu veux apprendre. PHILOCTÈTE. Ô douce parole ! quelle joie d'entendre la voix d'un tel guerrier, après un si longtemps! Mais, ô mon fils, qui t'amène ici? quelle nécessité? quel dessein? quel vent pour moi si favorable? Dis-le moi, afin que je sache qui tu es, NÉOPTOLÈME. Je suis né dans Scyros (32), baignée par les flots, et j'y retourne, on m'appelle Néoptolème, fils d'Achille; tu sais tout. PHILOCTÈTE. Ô fils d'un père qui m'est si cher, enfant d'un pays que j'aime, nourrisson du vieux Lycomède, quel motif t'amène sur cette terre, et d'où viens-tu? NÉOPTOLÈME. C'est de Troie que j'arrive en ce moment. PHILOCTÈTE. Que dis-tu? car assurément tu n'étais pas avec nous au début, quand notre flotte fit voile vers Troie. NÉOPTOLÈME. . Est-ce donc que toi aussi, tu as pris part à cette expédition ? 350 PHILOCTÈTE. Ah ! mon fils, tu ne connais donc pas celui qui est devant toi? NÉOPTOLÈME. Comment le connaîtrais-je, puisque je ne l'ai jamais vu? PHILOCTÈTE. Quoi ! ni mon nom, ni le bruit des maux qui me consument n'est venu jusqu'à toi? NÉOPTOLÈME. Je ne sais rien des choses sur lesquelles tu m'interroges. |
Φιλοκτήτης
Ὦ πόλλ᾽ ἐγὼ μοχθηρός, ὦ πικρὸς θεοῖς, 255 |
PHILOCTÈTE. Ô que je suis infortuné! objet de la haine des dieux, la renommée du triste état auquel je suis réduit, n'est pas même parvenue ni dans ma patrie, ni dans aucune contrée de la Grèce ! Cependant ceux qui m'ont rejeté d'une manière impie rient en silence, et mon mal s'accroît et grandit chaque jour. Ô mon enfant, digne rejeton d'Achille, je suis ce guerrier que tu as entendu nommer peut-être, comme le possesseur des flèches d'Hercule, le fils de Pœas, Philoctète, que les Atrides et le roi des Céphalléniens ont ignominieusement jeté dans cette solitude, en proie à un mal horrible, et déchiré par la morsure cruelle de la vipère homicide; et c'est en cet état qu'ils m'abandonnèrent ici solitaire, lorsque leur flotte quitta Chrysa battue par les flots, pour aborder sur cette côte. Lorsqu'à la suite d'une navigation pénible, ils me virent endormi sur le rivage, à l'abri d'un rocher, alors pleins de joie ils m'abandonnent, et partent, en me laissant, comme à un misérable, quelques lambeaux d'étoffes et quelques chétifs aliments; puisse la même détresse les atteindre (33)! Et toi, mon fils, te figures-tu l'horreur démon réveil, lorsque, après leur départ, je me relevai? quels furent mes pleurs, mes cris de désespoir, quand je vis ces navires, qui naguère volaient sous mes ordres, tous 351 partis, et personne auprès de moi, pour subvenir à mes besoins, ni pour soulager mes souffrances? Vainement je portai mes regards de tous côtés dans cette île sauvage, je n'y trouvai que la désolation, et un sujet de désespoir sans fin (34), ô mon fils! Cependant le temps marchait, les jours succédaient aux jours, et il me fallut, seul, sous cette étroite caverne, pourvoir à mes besoins. Cet arc me fournissait la nourriture nécessaire, en perçant les colombes dans leur vol; mais l'oiseau, que ma flèche lancée par la corde avait atteint, il me fallait, malheureux, le chercher moi-même, en traînant péniblement mon pied. Et si j'avais besoin de puiser un peu d'eau pour boire, dans la froide saison, quand les frimas couvrent la terre, de briser quelques branches, j'étais réduit misérablement à me traîner en rampant; ensuite le feu me manquait; mais en frottant un caillou contre des cailloux, j'en fis jaillir avec peine la flamme qu'ils recèlent (35), et qui a fait jusqu'ici mon salut. Car, dans une demeure habitée, l'aide du feu fournit tout, excepté la guérison de mon mal. Maintenant, mon fils, apprends à connaître l'île que j'habite. Nul nocher n'y aborde volontairement; car on n'y trouve ni port, ni lieu où le navigateur puisse faire un commerce lucratif, ni toit hospitalier. Aussi, nul mortel prudent n'y dirige son navire. Mais penses-tu, on peut y être jeté par un vent contraire; car de tels accidents sont possibles dans le long cours de la vie des hommes; ceux-là, mon fils, lorsqu'ils arri- 352 vaient, m'adressaient des paroles compatissantes, quelquefois même ils me laissaient, par pitié, un peu de nourriture et quelques habits; mais nul ne veut, dès que j'en parle, me sauver en me rendant à ma pairie. Ainsi voilà dix ans, qu'infortuné, en proie aux douleurs et à la faim, je nourris une plaie qui me dévore. Tels sont, ô mon fils, les maux que m'ont faits les Atrides et Ulysse; puissent les dieux de l'Olympe leur faire payer à leur tour le prix de mes souffrances (36)! |
Χορός
Ἔοικα κἀγὼ τοῖς ἀφιγμένοις ἴσα Νεοπτόλεμος
Ἐγὼ δὲ καὐτὸς τοῖσδε μάρτυς ἐν λόγοις, Φιλοκτήτης
Ἦ γάρ τι καὶ σὺ τοῖς πανωλέθροις ἔχεις Νεοπτόλεμος
Θυμὸν γένοιτο χειρὶ πληρῶσαί ποτε, Φιλοκτήτης
Εὖ γ᾽, ὦ τέκνον· τίνος γὰρ ὧδε τὸν μέγαν Νεοπτόλεμος
Ὦ παῖ Ποίαντος, ἐξερῶ, μόλις δ᾽ ἐρῶ, Φιλοκτήτης
Οἴμοι· φράσῃς μοι μὴ πέρα, πρὶν ἂν μάθω Νεοπτόλεμος
Τέθνηκεν, ἀνδρὸς οὐδενός, θεοῦ δ᾽ ὕπο, Φιλοκτήτης
Ἀλλ᾽ εὐγενὴς μὲν ὁ κτανών τε χὠ θανών· Νεοπτόλεμος
Οἶμαι μὲν ἀρκεῖν σοί γε καὶ τὰ σ᾽, ὦ τάλας, Φιλοκτήτης
Ὀρθῶς ἔλεξας· τοιγαροῦν τὸ σὸν φράσον |
LE CHOEUR. Moi aussi, fils de Poeas, je n'aurai pas pour toi moins de pitié que les étrangers qui t'ont visité avant moi. NÉOPTOLÈME. Moi-même, je puis rendre témoignage à la vérité de tes plaintes, moi qui éprouvai aussi la méchanceté des Atrides et la violence d'Ulysse. PHILOCTÈTE. Aurais-tu donc aussi quelque grief et quelque juste ' ressentiment contre ces infâmes Atrides? NÉOPTOLÈME. Puissé-je assouvir un jour ma vengeance (37) ! puissé-je apprendre à Mycènes et à Sparte (38) que Scyros produit aussi des hommes vaillants!
PHILOCTÈTE. 353 NÉOPTOLÈME. Je te le dirai, fils de Pœas ; mais je puis à peine redire l'outrage que j'ai reçu d'eux, à mon arrivée devant Troie. Car après que la Parque eut tranché les jours d'Achille... PHILOCTÈTE. Ciel ! ne dis pas un mot de plus, avant que je sache si vraiment le fils de Pelée est mort? NÉOPTOLÈME. Il est mort, non de la main d'un mortel, mais de celle d'un dieu ; Phœbus, dit-on, l'a percé de ses traits (39). PHILOCTÈTE. Noble fut le vainqueur, noble fut la victime ! Mais je ne sais, mon fils, si je dois d'abord m'informer de tes infortunes, ou pleurer sur les siennes. NÉOPTOLÈME. Tu as, je crois, assez de tes propres douleurs, infortuné, sans pleurer encore sur celles d'autrui ! PHILOCTÈTE. Il est vrai; reprends donc de nouveau le récit de l'outrage qu'ils t'ont fait. |
Νεοπτόλεμος
Ἦλθόν με νηὶ ποικιλοστόλῳ μέτα |
NÉOPTOLÈME. Le divin Ulysse et celui (40) qui avait élevé mon père vinrent me chercher sur un navire peint de diverses couleurs, disant, était-ce vrai ou faux, je l'ignore, que, depuis la mort de mon père, le Destin ne permettait pas à un autre qu'à moi de prendre la citadelle de Troie. Tel était leur langage, ô étranger, et je ne mis pas de longs délais à m'embarquer, surtout pressé du désir de voir mon père, au moins avant qu'il fût enfermé dans la tombe, car je ne l'avais jamais vu : cependant un noble motif m'animait encore, l'espoir de prendre la citadelle 354 de Troie, si je m'y rendais. Dès le second jour de ma traversée, porté par un vent favorable, j'abordai au triste promontoire de Sigée (41). A peine descendu sur le rivage, toute l'armée m'entoure et me salue, chacun jure qu'il revoit Achille, mais, hélas! il n'était plus. Et moi, malheureux, après l'avoir pleuré, j'allai bientôt vers les Atrides, que je devais croire mes amis ; je réclamai les armes de mon père et tout son héritage. Mais ils me firent, ah! grands dieux ! cette odieuse réponse : « Rejeton d'Achille, tout ce qui appartenait à ton père, tu peux le prendre ; mais pour ses armes, un autre les possède déjà, c'est le fils de Laërte. » Je ne pus retenir mes larmes, et soudain me levant, plein de colère et d'indignation, je m'écriai : « Misérables ! avez-vous osé, sans mon aveu, disposer de mes armes, avant de me consulter? » Ulysse était présent; il me répondit : « Oui, jeune homme, ils me les ont données, et justement; car c'est moi qui les sauvai avec le corps de ton père (42). » Et moi, transporté de fureur, je l'accablai (43) de toute espèce de malédictions, et ne lui épargnai aucun outrage, s'il me ravissait mes armes. Mais lui, poussé à ce point, et piqué par mes paroles, quoiqu'il sache maîtriser sa colère, repartit : « Tu n'étais pas où nous étions, mais tu étais où tu ne devais pas être, et ces armes que tu réclames d'un ton hautain, jamais tu ne les emporteras à Scyros. » Après avoir subi un si sanglant outrage, dépouillé de ce qui m'appartient par Ulysse, le plus pervers des hommes (44), je retourne dans ma patrie. Toute- 355 fois, j'accuse moins Ulysse que les Atrides (45). Car une ville, comme une armée entière, dépend de ceux qui la gouvernent; et ceux des mortels qui font le mal deviennent criminels par les leçons de leurs maîtres. J'ai tout dit : que celui qui hait les Atrides soit l'ami des dieux et le mien ! |
Χορός
Ὀρεστέρα παμβῶτι Γᾶ, μᾶτερ αὐτοῦ Διός, Φιλοκτήτης
Ἔχοντες, ὡς ἔοικε, σύμβολον σαφὲς Νεοπτόλεμος
Οὐκ ἦν ἔτι ζῶν, ὦ ξέν᾽· οὐ γὰρ ἄν ποτε Φιλοκτήτης Πῶς εἶπας; Ἀλλ᾽ ἦ χοὖτος οἴχεται θανών; Νεοπτόλεμος Ὡς μηκέτ᾽ ὄντα κεῖνον ἐν φάει νόει. 415 Φιλοκτήτης
Οἴμοι τάλας. ἀλλ᾽ οὐχ ὁ Τυδέως γόνος Νεοπτόλεμος
Οὐ δῆτ᾽· ἐπίστω τοῦτό γ᾽· ἀλλὰ καὶ μέγα Φιλοκτήτης
Τί δ᾽; Οὐ παλαιὸς κἀγαθὸς φίλος τ᾽ ἐμός, Νεοπτόλεμος
Κεῖνός γε πράσσει νῦν κακῶς, ἐπεὶ θανὼν Φιλοκτήτης
Οἴμοι, δύ᾽ αὖ τώδ᾽ ἄνδρ᾽ ἔλεξας, οἷν ἐγὼ Νεοπτόλεμος
Σοφὸς παλαιστὴς κεῖνος· ἀλλὰ χαἰ σοφαὶ Φιλοκτήτης
Φέρ᾽ εἰπὲ πρὸς θεῶν, ποῦ γὰρ ἦν ἐνταῦθά σοι Νεοπτόλεμος
Χοὖτος τεθνηκὼς ἦν· λόγῳ δέ σ᾽ ἐν βραχεῖ 435 Φιλοκτήτης
Ξυμμαρτυρῶ σοι· καὶ κατ᾽ αὐτὸ τοῦτό γε Νεοπτόλεμος Ποίου δὲ τούτου πλήν γ᾽ Ὀδυσσέως ἐρεῖς; Φιλοκτήτης
Οὐ τοῦτον εἶπον, ἀλλὰ Θερσίτης τις ἦν, Νεοπτόλεμος Οὐκ εἶδον αὐτόν, ᾐσθόμην δ᾽ ἔτ᾽ ὄντα νιν. 445 Φιλοκτήτης
Ἔμελλ᾽· ἐπεὶ οὐδέν πω κακόν γ᾽ ἀπώλετο, Νεοπτόλεμος
Ἐγὼ μέν, ὦ γένεθλον Οἰταίου πατρός, Φιλοκτήτης Ἤδη, τέκνον, στέλλεσθε; Νεοπτόλεμος
-- Καιρὸς γὰρ καλεῖ |
LE CHOEUR. (Strophe (46)) Toi qui te plais sur les montagnes, Terre (47) qui nourris tous les êtres, mère de Jupiter, qui habites les rives du Pactole au sable d'or, là aussi je t'invoquai, ô mère vénérable, quand les Atrides firent au fils d'Achille un sanglant affront, en le dépouillant des armes de son père, honneur suprême donné au fils de Laërte; ô déesse assise sur un char traîné par des lions qui tuent les taureaux ! PHILOCTÈTE. Étrangers, à vos malheurs, je vous reconnais pour mes hôtes (48), et dans votre récit, si bien d'accord avec mes sentiments, je reconnais les œuvres des Atrides et d'Ulysse. Car, je le sais, sa langue est un instrument de fraude et de scélératesse, dont il ne peut tirer, en définitive, rien que d'injuste. Du reste, aucun de ces faits ne me surprend ; mais je m'étonne que le plus grand des Ajax (49), en les voyant, les ait supportés. 356 NÉOPTOLÈME. Il ne vivait plus, ô étranger; car jamais, de son vivant, je n'eusse été dépouillé de mes armes. PHILOCTÈTE. Qu'as-tu dit? est-ce que, lui aussi, il est mort? NÉOPTOLÈME. Sache qu'il ne voit plus le jour. PHILOCTÈTE. Ah! malheur à moi! Mais ni le fils de Tydée, Diomède, ni le fils impur (50) de Laërte, il n'y a pas à craindre qu'ils soient morts, eux qui n'étaient pas dignes de vivre ! NÉOPTOLÈME. Non certes, sache-le bien ; mais ils sont aujourd'hui très florissants dans l'armée des Grecs. PHILOCTÈTE. Et mon vieil et brave ami, Nestor de Pylos, existe-t-il encore? Lui du moins entravait leurs desseins pervers par ses sages conseils. NÉOPTOLÈME. Il vit aujourd'hui dans l'affliction, depuis qu'Antilochos (51), son fils, qui était devant Troie, est mort. PHILOCTÈTE. Hélas! tu m'annonces la perte également douloureuse des deux hommes dont j'aurais le moins voulu apprendre la mort. Hélas! hélas! quelle justice donc attendre des dieux (52), lorsque de tels héros périssent, et qu'Ulysse vit 357 encore, là même où il aurait dû mourir à leur place? NÉOPTOLÈME. C'est un adroit lutteur; mais souvent, Philoctète, les plus habiles tombent à leur tour. PHILOCTÈTE. Mais dis-moi, au nom des dieux, où était donc alors Patrocle, si chéri de ton père ? NÉOPTOLÈME. Lui aussi, il était mort; mais en quelques mots je t'expliquerai tout : la guerre moissonne à regret les lâches, mais elle n'épargne jamais les braves. PHILOCTÈTE. Je joins mon témoignage au tien, et même à ce propos, je t'interrogerai sur un indigne personnage, doué pourtant de quelque talent de parole, que fait-il à présent? NÉOPTOLÈME. De qui veux-tu parler, si ce n'est d'Ulysse? PHILOCTÈTE. Ce n'est pas de lui que je parle, mais il y avait un certain Thersite, qui se plaisait à répéter ce que personne ne voulait entendre. Sais-tu s'il vit encore? NÉOPTOLÈME. Je ne l'ai pas vu lui-même ; mais j'ai su qu'il vivait encore (53). PHILOCTÈTE. Cela devait être; car jamais le méchant ne meurt (54); mais les dieux l'entourent de leur protection; tout ce qu'il y a de scélérat et de rompu au mal (55), ils se plaisent à le tirer des enfers, pour y précipiter la probité et la vertu. Que faut-il penser de ces faits ? à quel titre les 358 vanter, lorsque, en voulant louer les dieux, je les trouve si injustes (56)? NÉOPTOLÈME. Pour moi, Philoctète (57), désormais regardant de loin Ilion et les Atrides, je me préserverai de leur contact; là où le pervers prévaut sur l'homme de bien, quand l'homme de cœur succombe et que le lâche l'emporte, je ne saurais jamais aimer de tels hommes. Désormais, Scyros avec ses rochers me suffira, et je vivrai content dans mon palais. Maintenant je retourne à mon vaisseau. Et toi, fils de Pœas, adieu, sois aussi heureux que possible, et que les dieux te délivrent de ton mal, comme tu le désires toi-même. Pour nous, quittons ces lieux, pour qu'à l'instant où les dieux nous donneront un vent favorable, nous puissions mettre à la voile. PHILOCTÈTE. Quoi! mon fils, déjà vous partez ! NÉOPTOLÈME. Oui; le moment de mettre à la voile est plus facile à saisir de près que de loin. |
Φιλοκτήτης
Πρός νύν σε πατρὸς πρός τε μητρός, ὦ τέκνον, Χορός
Οἴκτιρ᾽, ἄναξ· πολλῶν ἔλεξεν δυσοίστων πόνων Νεοπτόλεμος
Ὅρα σὺ μὴ νῦν μέν τις εὐχερὴς παρῇς, Χορός
Ἥκιστα· τοῦτ᾽ οὐκ ἔσθ᾽ ὅπως ποτ᾽ εἰς ἐμὲ Νεοπτόλεμος
Ἀλλ᾽ αἰσχρὰ μέντοι σοῦ γέ μ᾽ ἐνδεέστερον Φιλοκτήτης
Ὦ φίλτατον μὲν ἦμαρ, ἥδιστος δ᾽ ἀνήρ, 530 Χορός
Ἐπίσχετον, μάθωμεν· ἄνδρε γὰρ δύο, |
PHILOCTÈTE. Par ton père, par ta mère, ô mon fils ! par tout ce que tu as de plus cher dans ta famille, je te conjure en suppliant, ne me laisse pas ainsi seul, abandonné, en proie aux maux que tu vois, et dont tu as entendu le récit; prends-moi comme surcroît (58). Je n'ignore pas combien ce fardeau te sera à charge ; cependant supporte-le; oui, les âmes généreuses détestent les bassesses et mettent leur gloire dans ce qui est honnête. Pour toi, si tu t'y 359 refuses, ce sera un reproche honteux ; mais si tu l'accordes, ô mon fils, quelle gloire te récompensera, si j'arrive vivant sur la terre de l'Œta ! Va, la peine ne sera pas d'un jour entier. Ose-le, jette-moi où tu voudras, à la proue, à la poupe, dans la sentine même, partout où je serai le moins gênant pour tes compagnons. Consens, mon fils, au nom de Jupiter lui-même, protecteur des suppliants, laisse-toi fléchir; je tombe à tes genoux, tout infirme, tout boiteux que je suis, malheureux ! Ne m'abandonne pas dans un désert où il n'y a nul vestige d'hommes; mais sauve-moi, emmène-moi dans ta patrie, ou sur les rivages de l'Eubée, où règne Chalcodon (59) ; de là le trajet ne sera pas long jusqu'au mont Oeta (60), jusqu'aux hauteurs de Trachine, et aux bords du Sperchios, aux belles eaux, et rends-moi à mon père chéri; hélas! depuis longtemps je crains bien .de l'avoir perdu ! Car bien souvent, par ceux qui abordaient ici, je lui adressai des prières suppliantes de venir lui-même sur un vaisseau me sauver et me rendre à ma patrie. Mais ou il est mort, ou bien ceux qui s'étaient chargés de mon message s'inquiétaient peu, comme il est naturelle pense, de ce qui me concernait, pour hâter leur retour dans leur patrie. Aujourd'hui, j'ai recours à toi; sois à la fois mon messager et mon conducteur; sauve-moi, aie pitié de 360 moi; songe combien la vie des mortels est redoutable, pleine de dangers, de chances heureuses et malheureuses. L'homme exempt des maux de la vie doit prévoir les revers; c'est au sein de la prospérité, c'est alors surtout qu'il faut veiller sur elle, de peur qu'elle ne s'évanouisse à l'improviste. LE CHOEUR. (Antistrophe (61).) Ô roi ! aie pitié de son sort; il t'a dit ses longues et cruelles infortunes; daignent les dieux en préserver ceux que j'aime ! Mais, ô roi, si tu hais les cruels Atrides, pour moi, faisant tourner leurs injustices au profit de ce malheureux, je le conduirai où il brûle de retourner (62), dans sa patrie, sur notre vaisseau rapide et bien équipé, évitant ainsi la vengeance des dieux. NÉOPTOLÈME. Songe qu'en ce moment tu montres de la complaisance; mais quand le contact de sa maladie t'aura rempli de dégoût, crains de n'être plus le même, et de démentir ce langage. LE CHOEUR. Ô non ! il n'est pas possible que jamais tu sois en droit de m'adresser ce reproche. NÉOPTOLÈME. Je rougis vraiment de paraître moins empressé que toi de secourir un hôte, dans cette occasion pressante. Embarquons-nous donc si tu le veux; mais qu'il se hâte, et notre vaisseau l'emmènera, je ne m'y refuse pas. Puissent seulement les dieux nous faire quitter heureusement ce rivage, et nous conduire au terme que nous voulons atteindre ! PHILOCTÈTE. Ô heureux jour! Bienfaisant Néoptolème, et vous, compagnons chéris, comment pourrai-je prouver par des 361 faits la reconnaissance que je vous ai vouée? Partons, mon fils, après avoir dit un dernier adieu à cette triste demeure (63), pour que tu saches de quoi j'ai vécu, et ce qu'il m'a fallu de courage. Nul autre que moi, je pense, n'aurait pu même en supporter la vue; mais la nécessité m'a appris à aimer jusqu'à mon malheur. LE CHOEUR. Arrêtez, sachons de quoi il s'agit : car voici deux hommes qui s'avancent, l'un étranger, l'autre matelot de ton navire; écoutez ce qu'ils ont à dire, vous entrerez ensuite dans la grotte. ------- |
Ἔμπορος
Ἀχιλλέως παῖ, τόνδε τὸν ξυνέμπορον, Νεοπτόλεμος
Ἀλλ᾽ ἡ χάρις μὲν τῆς προμηθίας, ξένε, Ἔμπορος
Φροῦδοι διώκοντές σε ναυτικῷ στόλῳ Νεοπτόλεμος Ὡς ἐκ βίας μ᾽ ἄξοντες ἢ λόγοις πάλιν; Ἔμπορος Οὐκ οἶδ᾽· ἀκούσας δ᾽ ἄγγελος πάρειμί σοι. Νεοπτόλεμος
Ἦ ταῦτα δὴ Φοῖνίξ τε χοἰ ξυνναυβάται 565 Ἔμπορος Ὡς ταῦτ᾽ ἐπίστω δρώμεν᾽, οὐ μέλλοντ᾽ ἔτι. Νεοπτόλεμος
Πῶς οὖν Ὀδυσσεὺς πρὸς τάδ᾽ οὐκ αὐτάγγελος Ἔμπορος
Κεῖνός γ᾽ ἐπ᾽ ἄλλον ἄνδρ᾽ ὁ Τυδέως τε παῖς 570 Νεοπτόλεμος Πρὸς ποῖον αὖ τόνδ᾽ αὐτὸς Οὑδυσσεὺς ἔπλει; Ἔμπορος
Ἦν δή τις--ἀλλὰ τόνδε μοι πρῶτον φράσον Νεοπτόλεμος Ὅδ᾽ ἔσθ᾽ ὁ κλεινός σοι Φιλοκτήτης, ξένε. 575 Ἔμπορος
Μή νύν μ᾽ ἔρῃ τὰ πλείον᾽, ἀλλ᾽ ὅσον τάχος Φιλοκτήτης
Τί φησιν, ὦ παῖ; τί με κατὰ σκότον ποτὲ Νεοπτόλεμος
Οὐκ οἶδά πω τί φησι· δεῖ δ᾽ αὐτὸν λέγειν 580 Ἔμπορος
Ὦ σπέρμ᾽ Ἀχιλλέως, μή με διαβάλῃς στρατῷ Νεοπτόλεμος
Ἐγώ εἰμ᾽ Ἀτρείδαις δυσμενής· οὗτος δέ μοι 585 Ἔμπορος Ὅρα τί ποιεῖς, παῖ. Νεοπτόλεμος -- Σκοπῶ κἀγὼ πάλαι. Ἔμπορος Σὲ θήσομαι τῶνδ᾽ αἴτιον. 590 Νεοπτόλεμος -- Ποιοῦ λέγων. Ἔμπορος
λέγω. ᾽Πὶ τοῦτον ἄνδρε τώδ᾽ ὥπερ κλύεις, Νεοπτόλεμος
Τίνος δ᾽ Ἀτρεῖδαι τοῦδ᾽ ἄγαν οὕτω χρόνῳ Ἔμπορος
Ἐγώ σε τοῦτ᾽, ἴσως γὰρ οὐκ ἀκήκοας, Φιλοκτήτης
Οἴμοι τάλας· ἦ κεῖνος, ἡ πᾶσα βλάβη, Ἔμπορος
Οὐκ οἶδ᾽ ἐγὼ ταῦτ᾽· ἀλλ᾽ ἐγὼ μὲν εἶμ᾽ ἐπὶ |
UN MARCHAND (64). Fils d'Achille, j'ai prié cet homme, qui gardait ton vaisseau avec deux de ses compagnons, de me dire où tu pouvais te trouver, puisque je t'ai rencontré sans m'y attendre, car le hasard seul m'a amené sur la même côte. En effet, revenant de Troie, comme armateur, avec ma petite cargaison, vers ma patrie, l'île de Péparèthe (65), riche en vignobles, quand j'appris que tous ces matelots faisaient partie de ton équipage, j'ai cru devoir ne pas mettre à la voile, sans rien dire, avant de t'avoir parlé, et obtenu le prix du service que je puis te rendre. Tu ne sais rien apparemment des projets que les Grecs ont 362 formés sur toi; mais déjà ce ne sont plus de simples projets, ce sont des actes qui s'accomplissent, et dont l'effet se verra bientôt. NÉOPTOLÈME. Étranger, si la nature ne m'a pas fait ingrat, le service que m'a rendu ta sollicitude pour moi t'assure à jamais de ma reconnaissance; mais explique ce que tu disais, que je sache quels nouveaux desseins des Grecs tu as appris. LE MARCHAND. Le vieux Phénix et les fils de Thésée (66) sont partis à ta poursuite sur un navire (67). NÉOPTOLÈME. Est-ce par la violence ou par là persuasion qu'ils veulent me ramener? LE MARCHAND. Je l'ignore; je te rapporte seulement ce que j'ai ouï dire. NÉOPTOLÈME. Est-ce donc que Phénix et ses compagnons montrent tant d'ardeur pour la cause des Atrides ? LE MARCHAND. Ce qu'il y a de certain, c'est que la chose est faite, et n'est plus à faire. NÉOPTOLÈME. Comment donc Ulysse ne s'est-il pas trouvé lui-même prêt à partir pour cette mission? Est-ce la crainte qui l'a retenu ? LE MARCHAND. Mais Ulysse et le fils de Tydéè allaient à la recherche d'un autre guerrier, quand je quittai le port. 363 NÉOPTOLÈME. Et quel pouvait être celui qu'Ulysse allait chercher lui-même ? LE MARCHAND. C'était.... Mais dis-moi d'abord quel est cet homme, et ta réponse, ne la fais qu'à voix basse. NÉOPTOLÈME. C'est l'illustre Philoctète que tu vois, étranger. LE MARCHAND. Ne me fais plus d'autres questions, mais embarque-le au plus vite, et hâte-toi de fuir (68) loin de ces bords. PHILOCTÈTE. Que dit-il, mon fils? Qu'a donc ce marin à trafiquer (69) de moi dans l'ombre, en paroles échangées avec toi ? NÉOPTOLÈME. Je ne sais pas encore ce qu'il veut m'apprendre, mais ce qu'il dira il faut qu'il le dise à la clarté du jour, à toi, à moi, et à ceux-ci. LE MARCHAND. O fils d'Achille, ne me compromets pas auprès de l'armée, comme un homme qui révèle ce qu'il faut taire; ils me récompensent trop bien des faibles services que peut leur rendre un homme pauvre comme moi. NÉOPTOLÈME. Pour moi, je suis l'ennemi des Atrides, et cet homme a toute mon amitié, parce qu'il les déteste. Si donc tu es venu en ami, il faut que tu ne nous caches rien de ce que tu as entendu dire. 364 LE MARCHAND. Vois ce que tu fais. NÉOPTOLÈME. C'est tout vu depuis longtemps. LE MARCHAND. Je t'en rendrai responsable. NÉOPTOLÈME. Soit; mais parle. LE MARCHAND. Je parlerai : sache donc que ces deux guerriers que j'ai nommés, Diomède et Ulysse, sont partis, après avoir fait serment de ramener Philoctète, ou par la parole et là persuasion, ou en ayant recours à la force. Tous les Grecs ont entendu Ulysse s'en vanter hautement; car il montrait plus que l'autre la confiance de réussir. NÉOPTOLÈME. Comment donc les Atrides, après tant d'années, ont-ils pris un si vif intérêt à un homme qu'ils avaient si longtemps abandonné ? Quel regret est entré dans leur cœur? ou bien craignent-ils la puissance céleste et la vengeance des dieux qui punissent le crime? LE MARCHAND. Je t'apprendrai tout ce qui se passe, car peut-être la nouvelle n'est-elle pas venue à toi? Il y avait à Troie un devin, fils de Priam, nommé Hélénos; ce fourbe, de noble race, Ulysse, digne des noms les plus odieux et les plus outrageants, sortit seul du. camp pendant la nuit, l'emmena prisonnier, et fit voir à tous les Grecs cette riche proie; entre autres oracles, Hélénos dit aux Grecs qu'ils ne renverseraient jamais les tours de Troie, s'ils ne parvenaient par la persuasion à tirer Philoctète de cette île qu'il habite. Le fils de Laërte, dès qu'il entendit ces paroles, promit aussitôt de ramener Philoctète parmi les Grecs; il espérait l'amener de son consentement, ou triompher de sa résistance; et il offrait sa tête à qui veut la prendre, s'il ne réussit pas. Maintenant tu sais tout, 365 mon fils; je t'engage à partir en toute hâte, toi et ceux qui peuvent t'intéresser. PHILOCTÈTE. Hélas! infortuné! cet Ulysse, cet être tout malfaisant (70), il a juré de me ramener au camp des Grecs, et par persuasion. Me persuader! il me persuaderait tout aussi bien de revenir des enfers à la lumière du jour, comme autrefois son père (71). LE MARCHAND. Je ne sais ce que tu veux dire; mais je retourne à mon vaisseau : que Dieu vous accorde ses plus grandes faveurs! (Il sort.) -------------------------- |
Φιλοκτήτης
Οὔκουν τάδ᾽, ὦ παῖ, δεινά, τὸν Λαερτίου Νεοπτόλεμος
Οὐκοῦν ἐπειδὰν πνεῦμα τοὐκ πρῴρας ἀνῇ, Φιλοκτήτης Ἀεὶ καλὸς πλοῦς ἔσθ᾽, ὅταν φεύγῃς κακά. Νεοπτόλεμος Οὔκ, ἀλλὰ κἀκείνοισι ταῦτ᾽ ἐναντία. Φιλοκτήτης
Οὐκ ἔστι λῃσταῖς πνεῦμ᾽ ἐναντιούμενον, Νεοπτόλεμος
Ἀλλ᾽ εἰ δοκεῖ, χωρῶμεν, ἔνδοθεν λαβὼν 645 Φιλοκτήτης Ἀλλ᾽ ἔστιν ὧν δεῖ, καίπερ οὐ πολλῶν ἄπο. Νεοπτόλεμος Τί τοῦθ᾽ ὃ μὴ νεώς γε τῆς ἐμῆς ἔπι; Φιλοκτήτης
Φύλλον τί μοι πάρεστιν, ᾧ μάλιστ᾽ ἀεὶ Νεοπτόλεμος Ἀλλ᾽ ἔκφερ᾽ αὐτό. τί γὰρ ἔτ᾽ ἄλλ᾽ ἐρᾷς λαβεῖν; Φιλοκτήτης
Εἴ μοί τι τόξων τῶνδ᾽ ἀπημελημένον Νεοπτόλεμος Ἦ ταῦτα γὰρ τὰ κλεινὰ τόξ᾽ ἃ νῦν ἔχεις; Φιλοκτήτης Ταῦτ᾽, οὐ γὰρ ἄλλ᾽ ἔστ᾽, ἀλλ᾽ ἃ βαστάζω χεροῖν. 655 Νεοπτόλεμος
Ἆρ᾽ ἔστιν ὥστε κἀγγύθεν θέαν λαβεῖν Φιλοκτήτης
Σοί γ᾽, ὦ τέκνον, καὶ τοῦτο κἄλλο τῶν ἐμῶν Νεοπτόλεμος
Καὶ μὴν ἐρῶ γε, τὸν δ᾽ ἔρωθ᾽ οὕτως ἔχω· 660 Φιλοκτήτης
Ὅσιά τε φωνεῖς ἔστι τ᾽, ὦ τέκνον, θέμις, Νεοπτόλεμος
Οὐκ ἄχθομαί σ᾽ ἰδών τε καὶ λαβὼν φίλον· Φιλοκτήτης
-- Καὶ σέ γ᾽ εἰσάξω· τὸ γὰρ |
PHILOCTÈTE. Ô mon fils! qui ne s'indignerait que le fils de Laêrte ait osé espérer pouvoir un jour, par de douces paroles, me ramener sur son navire au milieu des Grecs? Non, non ; j'écouterais plutôt l'odieuse vipère qui m'a rendu ainsi boiteux. Mais il n'est rien qu'il ne dise, rien qu'il n'ose. Et maintenant, j'en suis certain, il viendra. Partons donc, mon fils, et qu'une vaste mer nous sépare du vaisseau d'Ulysse. Partons ; car se hâter à propos permet de trouver un repos sans trouble, après la fatigue. NÉOPTOLÈME. Eh bien! quand le vent, qui maintenant souffle de la proue, sera tombé, nous mettrons à la voile; car maintenant il est contraire. PHILOCTÈTE. La navigation est toujours heureuse, quand on fuit le malheur. 366 NÉOPTOLÈME. Je le sais, mais les mêmes vents sont aussi contraires à Ulysse. PHILOCTÈTE. Il n'y a pas de vents contraires pour les pirates, quand il s'agit d'exercer leurs rapines et leurs brigandages. NÉOPTOLÈME. Eh bien ! s'il te plaît ainsi, partons, et prends d'abord dans ta grotte les objets qui te sont le plus nécessaires ou agréables. PHILOCTÈTE. En effet, il en est dont je ne puis me passer, quoiqu'ils ne soient pas abondants. NÉOPTOLÈME. Qu'y a-t-il que tu ne puisses trouver sur mon vaisseau? PHILOCTÈTE. J'ai là une certaine plante propre à assoupir ma plaie, au point de calmer mes douleurs. NÉOPTOLÈME. Emporte-la donc. Est-il encore quelque autre chose que tu désires prendre? PHILOCTÈTE. Je vais voir si je n'aurais pas laissé échapper par nié-garde quelqu'une de ces flèches, pour éviter qu'on ne s'en empare. NÉOPTOLÈME. Est-ce donc là cet arc, celui que tu tiens, célèbre à présent? PHILOCTÈTE. Oui, c'est bien celui que tu vois entre mes mains. NÉOPTOLÈME. M'est-il permis dé le contempler de prés? puis-je toucher et baiser ces armes d'un dieu (72) ? 367 PHILOCTÈTE. Oui, à toi, mon fils, et cet arc, et tout ce qui m'appartient, quelle que soit la chose qui te plaise! NÉOPTOLÈME. Oui, f en ai le désir, mais le désir a ses bornes; satisfais-le, si tu le crois permis ; sinon, n'en tiens nul compte. PHILOCTÈTE. Tes paroles sont pieuses, mon fils, et tes souhaits sont légitimes; c'est à toi seul que je dois de contempler aujourd'hui la lumière du soleil, la terré de l'Œta, mon vieux père, mes amis; j'étais abattu sous mes ennemis, et tu m'as relevé. Prends courage; il te sera permis de toucher ces armes, de les manier, de les rendre à celui qui te les donne, et tu peux te vanter d'être le seul des mortels qui, par ta vertu, aies mérité de les toucher. Moi-même, c'est pour le prix d'un service que j'en devins possesseur. Je n'ai nul regret à ce que tu les touches, toi en qui j'ai trouvé un ami; celui qui sait reconnaître les bienfaits est un ami plus précieux que tous les biens (73). NÉOPTOLÈME. Entre dans ta grotte. PHILOCTÈTE. Toi aussi, tu m'y suivras, car la violence de mon mal exige ton secours. ------------------------------------ |
Χορός
Λόγῳ μὲν ἐξήκουσ᾽, ὄπωπα δ᾽ οὐ μάλα, |
LE CHŒUR. (Strophe 1.) Je sais par la voix publique, mais sans l'avoir vu de mes yeux, que pour s'être approché de la couche de Jupiter, Ixion fut attaché par le fils tout-puissant de Saturne à une roue qui tourne sans cesse (74) ; mais jamais je n'ai entendu citer de mortel plus maltraité par la destinée que Philoctète, qui, pur de violence et de fraude, mais juste entre tous les justes, est victime d'un 368 sort si peu mérité; j'admire comment il a pu, seul, et n'entendant que le fracas des vagues qui se brisaient contre les rochers (75), supporter une vie si lamentable : (Antistrophe 1.) Ce malheureux, qui ne peut marcher, forcé de trouver en lui seul toutes les ressources (76), n'avait pas même un voisin ami qui connût ses souffrances, dans le sein duquel il pût épancher les plaintes répétées par les échos, que lui arrache une plaie dévorante, ou qui, ramassant des plantes calmantes sur la terre nourricière, assoupît par leurs sucs bienfaisants les ardeurs de l'ulcère sanglant; et quand ses douleurs atroces (77) venaient à se calmer, il se traînait çà et là, comme un enfant séparé de sa nourrice chérie, cherchant un appui pour affermir ses pas chancelants. (Strophe 2.) La terre sacrée ne lui fournit pas ses graines nourricières, ni les autres aliments qu'a trouvés l'industrie des humains (78); il n'a pour se nourrir que les oiseaux que ses flèches ailées peuvent atteindre. âme infortunée, que depuis dix ans la liqueur de Bacchus n'a pas réjouie; mais il n'avait pour apaiser sa soif qu'une eau croupissante, où il pouvait en découvrir, et toujours il s'y traînait péniblement. (Antistrophe 2.) Enfin il a trouvé le fils d'un héros, et il va sortir heureux et plein de gloire de cet état de misère; ce jeune guerrier, après un si longtemps, le ramène sur sa nef rapide dans sa patrie, au séjour des nymphes de Malie, et aux bords du fleuve Sperchios, d'où le belliqueux Hercule, brillant d'une flamme divine (79), s'éleva par-dessus les sommets de l'Œta jusqu'à l'assemblée des dieux. (Néoptolème et Philoctète sortent de la grotte.). ---------------- |
Νεοπτόλεμος
Ἕρπ᾽, εἰ θέλεις. τί δή ποθ᾽ ὧδ᾽ ἐξ οὐδενὸς 730 Φιλοκτήτης Ἀᾶ, ἀᾶ. Νεοπτόλεμος Τί δ᾽ ἔστιν; Φιλοκτήτης -- Οὐδὲν δεινόν· ἀλλ᾽ ἴθ᾽, ὦ τέκνον. Νεοπτόλεμος Μῶν ἄλγος ἴσχεις τῆς παρεστώσης νόσου; Φιλοκτήτης
Οὐ δῆτ᾽ ἔγωγ᾽, ἀλλ᾽ ἄρτι κουφίζειν δοκῶ. 735 Νεοπτόλεμος Τί τοὺς θεοὺς ὧδ᾽ ἀναστένων καλεῖς; Φιλοκτήτης
Σωτῆρας αὐτοὺς ἠπίους θ᾽ ἡμῖν μολεῖν. Νεοπτόλεμος
Τί ποτε πέπονθας; οὐκ ἐρεῖς, ἀλλ᾽ ὧδ᾽ ἔσει 740 Φιλοκτήτης
Ἀπόλωλα, τέκνον, κοὐ δυνήσομαι κακὸν Νεοπτόλεμος
Τί δ᾽ ἔστιν οὕτω νεοχμὸν ἐξαίφνης, ὅτου Φιλοκτήτης Οἶσθ᾽, ὦ τέκνον; Νεοπτόλεμος Τί δ᾽ ἔστιν; Φιλοκτήτης Οἶσθ᾽, ὦ παῖ; Νεοπτόλεμος
-- Τί σοί; Φιλοκτήτης -- Πῶς οὐκ οἶσθα; παππαπαππαπαῖ. Νεοπτόλεμος Δεινόν γε τοὐπίσαγμα τοῦ νοσήματος. 755 Φιλοκτήτης Δεινὸν γὰρ οὐδὲ ῥητόν· ἀλλ᾽ οἴκτιρέ με. Νεοπτόλεμος Τί δῆτα δράσω; Φιλοκτήτης
-- Μή με ταρβήσας προδῷς· Νεοπτόλεμος
-- Ἰὼ ἰὼ δύστηνε σύ, Φιλοκτήτης
Μὴ δῆτα τοῦτό γ᾽· ἀλλά μοι τὰ τόξ᾽ ἑλὼν Νεοπτόλεμος
Θάρσει προνοίας οὕνεκ᾽· οὐ δοθήσεται Φιλοκτήτης
Ἰδοὺ δέχου, παῖ· τὸν φθόνον δὲ πρόσκυσον Νεοπτόλεμος
Ὦ θεοί, γένοιτο ταῦτα νῷν· γένοιτο δὲ Φιλοκτήτης
Ἀλλ᾽ οὖν δέδοικα μὴ ἀτέλεστ᾽ εὔχῃ, τέκνον. Νεοπτόλεμος ἀλγῶ πάλαι δὴ τἀπὶ σοὶ στένων κακά. Φιλοκτήτης
Ἀλλ᾽, ὦ τέκνον, καὶ θάρσος ἴσχ᾽· ὡς ἥδε μοι Νεοπτόλεμος Θάρσει, μενοῦμεν. 810 Φιλοκτήτης Ἦ μενεῖς; Νεοπτόλεμος -- Σαφῶς φρόνει. Φιλοκτήτης Οὐ μήν σ᾽ ἔνορκόν γ᾽ ἀξιῶ θέσθαι, τέκνον. Νεοπτόλεμος Ὡς οὐ θέμις γ᾽ ἐμοὔστι σοῦ μολεῖν ἄτερ. Φιλοκτήτης Ἔμβαλλε χειρὸς πίστιν. Νεοπτόλεμος -- Ἐμβάλλω μενεῖν. Φιλοκτήτης Ἐκεῖσε νῦν μ᾽, ἐκεῖσε Νεοπτόλεμος Ποῖ λέγεις; Φιλοκτήτης -- Ἄνω Νεοπτόλεμος Τί παραφρονεῖς αὖ; τί τὸν ἄνω λεύσσεις κύκλον; 815 Φιλοκτήτης Μέθες μέθες με. Νεοπτόλεμος Ποῖ μεθῶ; Φιλοκτήτης -- Μέθες ποτέ. Νεοπτόλεμος Οὔ φημ᾽ ἐάσειν. Φιλοκτήτης -- Ἀπό μ᾽ ὀλεῖς, ἢν προσθίγῃς. Νεοπτόλεμος Καὶ δὴ μεθίημ᾽, εἴ τι δὴ πλέον φρονεῖς. Φιλοκτήτης
Ὦ γαῖα, δέξαι θανάσιμόν μ᾽ ὅπως ἔχω Νεοπτόλεμος
Τὸν ἄνδρ᾽ ἔοικεν ὕπνος οὐ μακροῦ χρόνου |
NÉOPTOLÈME. Avance si tu veux (80).... Mais d'où vient que tu gardes le silence sans aucun motif, et que tu restes ainsi frappé de stupeur? PHILOCTÈTE. Ah! hélas ! NÉOPTOLÈME. Qu'as-tu? PHILOCTÈTE. Rien qui doive t'alarmer; mais va, mon fils. NÉOPTOLÈME. Est-ce un accès de ton mal qui te prend? PHILOCTÈTE. Non vraiment, mais il me semble déjà qu'il se calme (81). Ah! grands dieux! NÉOPTOLÈME. Pourquoi invoques-tu ainsi les dieux en gémissant? PHILOCTÈTE. Je les prie de nous sauver et de nous être propices. Ah! hélas! NÉOPTOLÈME. Qu'as-tu donc? ne parleras-tu pas? pourquoi garder ainsi le silence? tu parais en proie à quelque souffrance. PHILOCTÈTE. Ah! mon fils, je suis perdu, je ne pourrai vous cacher mon mal. O douleur! il pénètre dans mes entrailles; je le sens. Ah! malheureux! je me meurs; il me dévore (82). Hélas! hélas! mon fils, au nom des dieux! si tu as un glaive sous la main, tranche au plus vite, coupe ce pied, n'épargne point ma vie. Je t'en prie, ô mon fils! NÉOPTOLÈME. Quel est cet accident si subit qui t'arrache de tels cris et de tels gémissements sur ton sort? PHILOCTÈTE. Tu sais, mon fils! NÉOPTOLÈME. Quoi donc? PHILOCTÈTE. Tu sais!.... NÉOPTOLÈME. Qu'as-tu? PHILOCTÈTE. Je ne sais. NÉOPTOLÈME. Comment, tu ne sais? PHILOCTÈTE. Hélas! hélas! NÉOPTOLÈME. Certes, ton mal s'est aggravé d'une manière terrible! PHILOCTÈTE. Oui, terrible ! plus que je ne puis te dire ! Mais aie pitié de moi. NÉOPTOLÈME. Que dois-je donc faire? PHILOCTÈTE. Ne me trahis pas, par effroi de mon mal, car il ne revient qu'à longs intervalles et par accès irréguliers, avec la même violence que dès qu'il s'est assoupi. 371 NÉOPTOLÈME. O infortuné que tu es! hélas! infortune que tous les maux révèlent à la fois! Veux-tu que je te soutienne, veux-tu le secours de mon bras? PHILOCTÈTE. Non certes, n'en fais rien ; mais prends cet arc que tu me demandais tout à l'heure; garde-le, conserve-le moi, jusqu'à ce que cet accès de mon mal soit calmé; car un sommeil profond me saisit, dès qu'il touche à sa fin, et jusque-là je ne puis obtenir de relâche, il faut me laisser dormir tranquille. Mais si pendant ce temps mes ennemis surviennent, je t'en conjure, au nom des dieux, ne leur livre point ces armes, ni de gré ni de force, et ne te laisse abuser par aucune de leurs ruses, si tu ne veux te faire périr toi-même, en même temps que moi, qui suis ton suppliant. NÉOPTOLÈME. Repose-toi sur ma vigilance ; nul autre que toi et moi n'y touchera; confie-les moi donc avec confiance. PHILOCTÈTE. Tiens, les voici, mon fils; mais conjure l'Envie, de peur qu'elles ne deviennent pour toi une source de maux, aussi funestes qu'elles l'ont été pour moi et pour leur premier maître. NÉOPTOLÈME. Ô dieux, puisse ce vœu s'accomplir! Puisse une navigation heureuse et rapide, avec la protection divine, nous conduire au terme de notre expédition! PHILOCTÈTE, Mais je crains bien, mon fils, que tes vœux ne s'accomplissent pas; car voici que des flots d'un sang noir recommencent £ couler de ma plaie, et je m'attends à quelque nouvelle attaque. Ah ! hélas ! plaie cruelle, que tu vas me faire souffrir! Ah! le mal s'avance, il s'approche! Hélas! malheureux que je suis! vous voyez tout; ah! 372 pourtant, ne me fuyez pas! O roi d'Ithaque (83), puisse une pareille souffrance s'attacher à ta poitrine et la traverser! Ah! dieux! dieux! Ah! vous deux, chefs de notre armée! Agamemnon, Ménélas, que n'endurez-vous, au lieu de moi, ce supplice aussi longtemps! Ah! malheur à moi! Ô mort, mort que j'invoque tous les jours, ne peux-tu donc venir? Ô fils généreux, viens à mon aide, jette-moi dans les flammes de Lemnos (84), par moi tant de fois invoqués! Moi-même, pour un service pareil rendu au fils de Jupiter, j'obtins ces armes que je te confie maintenant. Que dis-tu? pourquoi ce silence? où es-tu donc, mon fils? NÉOPTOLÈME. Je souffre moi-même, et je gémissais sur les maux qui t'accablent. PHILOCTÈTE. Mais, mon fils, prends courage ; car si le mal vient vite, il s'en va aussi promptement. Mais, je t'en conjure, ne m'abandonne pas. NÉOPTOLÈME. Rassure-toi; nous resterons. PHILOCTÈTE. Vraiment, tu resteras? NÉOPTOLÈME. N'en doute pas. PHILOCTÈTE. Je ne crois pas devoir te lier, mon fils, par un serment (85). NÉOPTOLÈME. Aussi bien ne m'est-il pas loisible de partir sans toi (86). PHILOCTÈTE. Donne-moi ta main pour gage de ta foi. NÉOPTOLÈME. Je le la donne que je resterai. PHILOCTÈTE. Là-bas maintenant, là-bas.... NÉOPTOLÈME. Où dis-tu? PHILOCTÈTE. Là haut.... NÉOPTOLÈME. Ta raison s'égare encore? Pourquoi ces regards levés vers le ciel? PHILOCTÈTE. Laisse-moi, laisse-moi aller... NÉOPTOLÈME. Où te laisser aller? PHILOCTÈTE. Mène-moi (87).... 374 NÉOPTOLÈME. Non, certes, je ne te laisserai pas. PHILOCTÈTE. Je meurs si tu me touches. NÉOPTOLÈME. Eh bien ! je te laisse, si tu es plus maître de tes sens PHILOCTÈTE. Ô terre, reçois un mourant (88) ! car ce mal ne me permet plus de me relever. NÉOPTOLÈME Le sommeil, je crois, va bientôt s'emparer de lui, voyez, sa tête se renverse, une sueur abondante coule de tout son corps, sa plaie s'ouvre, et un sang noir s'en échappe (89). Mais laissons-le tranquille, mes amis, pour qu'il s'endorme paisiblement. -------------------------- |
Χορός
Ὕπν᾽ ὀδύνας ἀδαής, Ὕπνε δ᾽ ἀλγέων, Νεοπτόλεμος
Ἀλλ᾽ ὅδε μὲν κλύει οὐδέν, ἐγὼ δ᾽ ὁρῶ οὕνεκα θήραν Χορός
Ἀλλά, τέκνον, τάδε μὲν θεὸς ὄψεται· Νεοπτόλεμος
Σιγᾶν κελεύω μηδ᾽ ἀφεστάναι φρενῶν· 865 Φιλοκτήτης
Ὦ φέγγος ὕπνου διάδοχον τό τ᾽ ἐλπίδων Νεοπτόλεμος
Ἀλλ᾽ ἥδομαι μέν σ᾽ εἰσιδὼν παρ᾽ ἐλπίδα Φιλοκτήτης
Αἰνῶ τάδ᾽, ὦ παῖ, καί μ᾽ ἔπαιρ᾽, ὥσπερ νοεῖς· Νεοπτόλεμος Ἔσται τάδ᾽· ἀλλ᾽ ἵστω τε καὐτὸς ἀντέχου. Φιλοκτήτης Θάρσει· τό τοι σύνηθες ὀρθώσει μ᾽ ἔθος. Νεοπτόλεμος Παπαῖ· τί δῆτ᾽ ἂν δρῷμ᾽ ἐγὼ τοὐνθένδε γε; 895 Φιλοκτήτης Τί δ᾽ ἔστιν, ὦ παῖ; ποῖ ποτ᾽ ἐξέβης λόγῳ; Νεοπτόλεμος Οὐκ οἶδ᾽ ὅποι χρὴ τἄπορον τρέπειν ἔπος. Φιλοκτήτης Ἀπορεῖς δὲ τοῦ σύ; μὴ λέγ᾽, ὦ τέκνον, τάδε. Νεοπτόλεμος Ἀλλ᾽ ἐνθάδ᾽ ἤδη τοῦδε τοῦ πάθους κυρῶ. Φιλοκτήτης
Οὐ δή σε δυσχέρεια τοῦ νοσήματος 900 Νεοπτόλεμος
Ἅπαντα δυσχέρεια, τὴν αὑτοῦ φύσιν Φιλοκτήτης
Ἀλλ᾽ οὐδὲν ἔξω τοῦ φυτεύσαντος σύ γε Νεοπτόλεμος Αἰσχρὸς φανοῦμαι· τοῦτ᾽ ἀνιῶμαι πάλαι. Φιλοκτήτης Οὔκουν ἐν οἷς γε δρᾷς· ἐν οἷς δ᾽ αὐδᾷς ὀκνῶ. Νεοπτόλεμος
Ὦ Ζεῦ, τί δράσω; δεύτερον ληφθῶ κακός, Φιλοκτήτης
Ἀνὴρ ὅδ᾽, εἰ μὴ ᾽γὼ κακὸς γνώμων ἔφυν, 910 Νεοπτόλεμος
Λιπὼν μὲν οὐκ ἔγωγε· λυπηρῶς δὲ μὴ Φιλοκτήτης Τί ποτε λέγεις, ὦ τέκνον; ὡς οὐ μανθάνω. Νεοπτόλεμος
Οὐδέν σε κρύψω· δεῖ γὰρ ἐς Τροίαν σε πλεῖν 915 Φιλοκτήτης Οἴμοι, τί εἶπας; Νεοπτόλεμος -- Μὴ στέναζε, πρὶν μάθῃς. Φιλοκτήτης Ποῖον μάθημα; τί με νοεῖς δρᾶσαί ποτε; Νεοπτόλεμος
Σῶσαι κακοῦ μὲν πρῶτα τοῦδ᾽, ἔπειτα δὲ Φιλοκτήτης Καὶ ταῦτ᾽ ἀληθῆ δρᾶν νοεῖς; Νεοπτόλεμος
-- Πολλὴ κρατεῖ Φιλοκτήτης
Ἀπόλωλα τλήμων, προδέδομαι. τί μ᾽, ὦ ξένε, Νεοπτόλεμος
Ἀλλ᾽ οὐχ οἷόν τε· τῶν γὰρ ἐν τέλει κλύειν 925 Φιλοκτήτης
Ὦ πῦρ σὺ καὶ πᾶν δεῖμα καὶ πανουργίας Χορός
Τί δρῶμεν; Ἐν σοὶ καὶ τὸ πλεῖν ἡμᾶς, ἄναξ, Νεοπτόλεμος
Ἐμοὶ μὲν οἶκτος δεινὸς ἐμπέπτωκέ τις 965 Φιλοκτήτης
Ἐλέησον, ὦ παῖ, πρὸς θεῶν, καὶ μὴ παρῇς Νεοπτόλεμος
Οἴμοι, τί δράσω; μή ποτ᾽ ὤφελον λιπεῖν Φιλοκτήτης
Οὐκ εἶ κακὸς σύ, πρὸς κακῶν δ᾽ ἀνδρῶν μαθὼν Νεοπτόλεμος Τί δρῶμεν, ἄνδρες; |
LE CHOEUR. (Strophe.) Sommeil, toi qui ne connais ni la douleur ni les chagrins, étends sur nous ta douce influence, toi qui répands tant de charme sur la vie ! et épaissis sur ses yeux les ténèbres (90) qui y sont déjà ; viens, ô sommeil qui guéris tous les maux ! Mais toi, mon fils, songe au parti que tu dois prendre, faut-il rester? faut-il partit? Considère aussi les soins auxquels j'aurai moi-même à veiller par la suite. Vois-tu? qu'attendons-nous pour agir? L'occasion, qui décide de tout, donne la puissance à qui sait la saisir. 375 NEOPTOLÈME. II est vrai, il n'entend plus. Mais je vois que la possession de ces flèches, devenues notre proie, est inutile, si nous mettons à la voile sans lui? Car c'est à lui qu'est réservée la victoire, c'est lui qiie les dieux nous ordonnent d'emmener à Troie. Se vanter d'un succès incomplet, obtenu par le mensonge, est une honte et un opprobre. LE CHOEUR. {Antistrophe.) Quant à ceci, mon fils, les dieux y pourvoiront; mais si tu as encore quelque réponse à me faire, parle bas, mon fils, parle à voix basse; car le sommeil d'un malade est léger et ses yeux s'ouvrent bientôt (91). Examine donc mûrement et en toi-même ce que tu veux faire ; si ton intention s'accorde avec ses vœux (tu sais de qui je parle (92)), ce parti offre des embarras inextricables même aux plus habiles. (Épode.) Le vent se lève, mon fils, le vent est favorable; cet homme, les yeux fermés, sans défense, est gisant comme dans les ténèbres de la huit, son sommeil profond nous est favorable; sans pouvoir faire usage de ses mains ni de ses pieds, il a toute l'apparence d'un inort plongé dans les enfers. Vois si ce que tu dis est à propos ; mais ce qui est clair à mon bon sens, c'est qu'une entreprise sans péril est de beaucoup la meilleure. NÉOPTOLÈME. Je t'engage à faire silence, et à ne pas perdre ta pré-fcèrice d'esprit, car il ouvre les yeux et lève la tête. PHILOCTÈTE. Ο clarté qui succède au sommeil ! hôtes qui veillez sur moi, et que je n'espérais pas revoir! Car jamais, mon fils, je ne t'aurais jamais cru assez de pitié et de courage 376 pour rester ici à supporter mes maux, m'assister et me secourir. Les Atrides n'ont pas eu tant de constance à tolérer mes douleurs, ces vaillants généraux! Mais toi, mon fils, noble de cœur et issu de noble race, tu as compté pour rien toutes ces peines que je t'ai causées, sans être rebuté ni par mes cris, ni par l'infection de ma plaie. Et maintenant que le mal semble m'oublier et me laisse quelque relâche, soulève-moi toi-même, et place-moi debout, mon fils, pour qu'une fois soulagé de ma fatigue, nous puissions nous rendre au vaisseau, et nous embarquer sans retard. NÉOPTOLÈME. Oui, je me réjouis de te voir, contre notre attente, délivré de tes souffrances et revenu à la vie; car dans la crise d'où tu sors, les symptômes que tu présentais étaient ceux d'un homme qui n'existe plus. Mais à présent lève-toi toi-même, ou, si tu le préfères, ces hommes te porteront ; car ils n'hésiteront pas devant cette peine, dès que toi et moi nous avons jugé bon qu'ils le fassent. PHILOCTÈTE. Ο mon fils, je te rends grâces; soulève-moi seulement, comme tu en as l'intention, et laisse aller ces hommes; je ne veux pas les incommoder par la mauvaise odeur, avant le moment obligé, car ma société ne leur sera que trop à charge sur le vaisseau. NÉOPTOLÈME. Soit; lève-toi donc, et toi-même appuie-toi sur moi. PHILOCTÈTE. Ne crains rien ; la longue habitude m'aidera à me relever. NÉOPTOLÈME. Hélas! que ferai-je donc, à partir de ce moment! PHILOCTÈTE. Qu'y a-t-il, mon fils? où laisses-tu donc errer tes paroles? 371 NÉOPTOLÈME. Je ne sais, dans mon embarras, quel tour donner à ce que j'ai à dire. PHILOCTÈTE. Toi, dans l'embarras? ne parle.pas ainsi, mon fils ! NÉOPTOLÈME. Et pourtant c'est précisément la situation pénible où je me trouve. PHILOCTÈTE. Ce n'est pas sans doute ma fâcheuse maladie qui t'a dissuadé de m'emmener désormais sur ton navire ? NÉOPTOLÈME. Tout est fâcheux à celui qui dément son naturel, pour faire une action indigne de son caractère. PHILOCTÈTE. Mais tu ne fais ni ne dis rjen d'indigne de ton père, en venant au secours d'un homme de bien. NÉOPTOLÈME. Je serai déshonoré; voilà ce qui me tourmente depuis longtemps. PHILOCTÈTE. Ce ne sera pas assurément pour tes actions ; mais pour tes discours, je le crains. NÉOPTOLÈME. Ο Jupiter! que faire? Me rendrai-je coupable une seconde fois (93), et en taisant la vérité (94) et en disant d'indignes mensonges ? PHILOCTÈTE. Cet homme, si mon propre jugement ne m'abuse, veut, me trahir, et paraît vouloir m'abandonner, en partant sans moi. NÉOPTOLÈME. Non, je ne t'abandonnerai pas; mais je crains plutôt 378 que ce voyage ne soit pour toi un sujet de douleur; voilà ce qui me tourmente depuis longtemps. PHILOCTÈTE. Que dis-tu donc, mon fils?car je ne te comprends pas. NÉOPTOLÈME. Je ne te cacherai rien : il faut que tu me suives devant Troie, chez les Grecs, au camp des Atrides. PHILOCTÈTE. Malheur à moi! qu as-tu dit? NÉOPTOLÈME. Ne te lamente pas, avant de savoir les faits. PHILOCTÈTE. Savoir quoi? Que veux-tu donc faire de moi ? NÉOPTOLÈME. Te guérir d'abord, et ensuite ravager avec toi les plaines de Troie. PHILOCTÈTE. Et voilà vraiment ce que tu prétends faire ? NÉOPTOLÈME. C'est une impérieuse nécessité qui nous domine; toi, ne t'irrite pas de mes paroles. PHILOCTÈTE. Ah t malheureux! je suis perdu, je suis trahi ! Étranger, comment m'as-tu traité ? Rends-moi mes flèches à l'instant. NÉOPTOLÈME. Mais ce n'est pas possible; les chefs ordonnent, le devoir et l'intérêt commun me forcent d'obéir. PHILOCTÈTE. Être cruel et malfaisant (95)! lâche artisan du plus noir artifice ! Comme tu m'as traité ! comme tu m'as trompé! Ne rougis-tu pas en me regardant, moi qui t'ai imploré, 379 qui t'a! supplié, misérable? En m'enlevant cet arc, tu m'asarraché la vie. Rends-le-moi, je t'en conjure, rends-le, mon fils, je t'en supplie; au nom des dieux de la patrie, nè m'ôte pas mes moyens d'existence (96). Ah ! malheur à moi! Mais il ne m'adresse même plus la parole, il refuse de me le rendre, il détourne le visage. Ο rivages ! ô promontoires de cette île ! ô société des bêtes farouches qui habitez ces montagnes! ô rochers escarpés! c'est à vous, car à quel autre m'adresserais-je? c'est à vous, accoutumés à m'entendre, que je dénonce la trahison du fils d'Achille. Il a juré de me ramener dans ma patrie, et il me mène à Troie! Après avoir mis sa main dans la mienne, comme gage de sa foi (97), après avoir reçu mes flèches, armes sacrées d'Hercule, fils de Jupiter, il veut les étaler aux yeux des Grecs; il emploie la violence contre moi, comme pour triompher d'un homme plein de vigueur, et il ne sait pas qu'il tue un mort, une ombre de fumée (98), un vain fantôme. Car dans ma force du moins, il n'aurait pu me vaincre que par la ruse, puisque, même faible comme je suis, il ne l'a pu. Mais maintenant, malheureux, je suis victime de la tromperie. Que dois-je faire? Rends-les-moi, mon fils; à présent reviens à toi-même. Que dis-tu?.... tu gardes le silence! Je suis perdu! O grotte .sauvage (99), je reviens à toi, privé de mes armes, sans moyen de vivre; je me consumerai seul dans cet antre, je n'ai plus mes flèches, pour tuer les oiseaux ou les bêtes farouches; mais ce sera moi, au contraire, qui servirai de pâture à ces bêtes sauvages dont je me nourrissais, et moi qui les chassais, je deviendrai leur proie; 380 elles verseront mon sang par représailles, grâce à cet bomme qui semblait ignorer le mal ! Ah ! je ne te maudis pas encore, avant de savoir si tu te repentiras de ta perfidie; mais s'il en est ainsi, puisses-tu périr d'une mort misérable! LE CHŒUR. Que faut-il faire? Ô roi! c'est à toi de décider si nous devons partir, ou nous rendre à ses vœux. NÉOPTOLÈME. Il est vrai, une pitié profonde me parle pour cet homme, et ce n'est pas la première fois, mais depuis longtemps. PHILOCTÈTE. Au nom des dieux, mon fils, écoute cette pitié, et ne te déshonore pas devant les hommes, en me trompant. NÉOPTOLÈME. Hélas ! que faire? Plût aux dieux que je ne fusse jamais sorti de Scyros, tant cette cruelle alternative m'accable! PHILOCTÈTE. Non, tu n'es pas méchant, toi; mais ce sont des méchants qui paraissent t'avoir appris à faire le mal. Maintenant laisse à d'autres la honte (100), rends-moi mes armes, et mets à la voile. NÉOPTOLÈME. Ô Grecs! que ferons-nous? --------------------- |
Ὀδυσσεύς
-- Ὦ κάκιστ᾽ ἀνδρῶν, τί δρᾷς; Φιλοκτήτης Οἴμοι, τίς ἁνήρ; ἆρ᾽ Ὀδυσσέως κλύω; Ὀδυσσεύς Ὀδυσσέως, σάφ᾽ ἴσθ᾽, ἐμοῦ γ᾽, ὃν εἰσορᾷς. Φιλοκτήτης
Οἴμοι· πέπραμαι κἀπόλωλ᾽· ὅδ᾽ ἦν ἄρα Ὀδυσσεύς Ἐγώ, σάφ᾽ ἴσθ᾽, οὐκ ἄλλος· ὁμολογῶ τάδε. 980 Φιλοκτήτης Ἀπόδος, ἄφες μοι, παῖ, τὰ τόξα. Ὀδυσσεύς
-- Τοῦτο μέν, Φιλοκτήτης
Ἔμ᾽, ὦ κακῶν κάκιστε καὶ τολμήσατε, Ὀδυσσεύς -- Ἢν μὴ ἕρπῃς ἑκών. Φιλοκτήτης
Ὦ Λημνία χθὼν καὶ τὸ παγκρατὲς σέλας Ὀδυσσεύς
Ζεύς ἐσθ᾽, ἵν᾽ εἰδῇς, Ζεύς, ὁ τῆσδε γῆς κρατῶν, Φιλοκτήτης
Ὦ μῖσος, οἷα κἀξανευρίσκεις λέγειν· Ὀδυσσεύς Οὔκ, ἀλλ᾽ ἀληθεῖς· ἡ δ᾽ ὁδὸς πορευτέα. Φιλοκτήτης Οὔ φημ᾽. Ὀδυσσεύς -- Ἐγὼ δέ φημι. πειστέον τάδε. Φιλοκτήτης
Οἴμοι τάλας. ἡμᾶς μὲν ὡς δούλους σαφῶς 995 Ὀδυσσεύς
Οὔκ, ἀλλ᾽ ὁμοίους τοῖς ἀρίστοισιν, μεθ᾽ ὧν Φιλοκτήτης
Οὐδέποτέ γ᾽· οὐδ᾽ ἢν χρῇ με πᾶν παθεῖν κακόν, Ὀδυσσεύς Τί δ᾽ ἐργασείεις; Φιλοκτήτης
-- Κρᾶτ᾽ ἐμὸν τόδ᾽ αὐτίκα Ὀδυσσεύς Ξυλλάβετον αὐτόν· μὴ ᾽πὶ τῷδ᾽ ἔστω τάδε. Φιλοκτήτης
Ὦ χεῖρες, οἷα πάσχετ᾽ ἐν χρείᾳ φίλης Χορός
Βαρύς τε καὶ βαρεῖαν ὁ ξένος φάτιν 1045 Ὀδυσσεύς
Πόλλ᾽ ἂν λέγειν ἔχοιμι πρὸς τὰ τοῦδ᾽ ἔπη, Φιλοκτήτης
Οἴμοι· τί δράσω δύσμορος; σὺ τοῖς ἐμοῖς Ὀδυσσεύς Μή μ᾽ ἀντιφώνει μηδέν, ὡς στείχοντα δή. 1065 Φιλοκτήτης
Ὦ σπέρμ᾽ Ἀχιλλέως, οὐδὲ σοῦ φωνῆς ἔτι Ὀδυσσεύς
Χώρει σύ· μὴ πρόσλευσσε, γενναῖός περ ὤν, Φιλοκτήτης
Ἦ καὶ πρὸς ὑμῶν ὧδ᾽ ἔρημος, ὦ ξένοι, 1070 Χορός
Ὅδ᾽ ἐστὶν ἡμῶν ναυκράτωρ ὁ παῖς· ὅσ᾽ ἂν Νεοπτόλεμος
Ἀκούσομαι μὲν ὡς ἔφυν οἴκτου πλέως
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ULYSSE, paraissant tout à coup. Ô le plus lâche des hommes, que fais-tu? Laisse-moi ces armes, et retire-toi (101). PHILOCTÈTE. Dieux! quel est cet homme? n'est-ce pas Ulysse que j'entends? 381 ULYSSE. Oui, c'est Ulysse, c'est moi que tu vois, n'en doute pas. PHILOCTÈTE. Malheur à moi ! Je suis vendu (102)! je suis mort! le voilà donc celui qui m'a surpris et qui m'a dépouillé de mes armes! ULYSSE. Oui, c'est moi, sache-le bien, te n'est point un autre, j'en fais l'aveu. PHILOCTÈTE. Rends-moi mes flèches, mon fils, rends-les-moi. ULYSSE. Il ne le fera pas, lors même qu'il le voudrait; il faut que tu viennes avec ces armes, ou l'on t'emmènera de force. PHILOCTÈTE. O le plus lâche et le plus impudent des hommes! Quoi! ils m'enlèveront de force? ULYSSE. Oui, si tu ne consens à nous suivre. PHILOCTÈTE. O terre de Lemnos (103) ! feu tout-puissant, œuvre de Vulcain, est-il tolérable que cet homme m'arrache violemment de votre sein? ULYSSE. C'est Jupiter, sache-le bien, Jupiter, qui l'a ordonné ainsi, le, maître de cette contrée, et je lui obéis. PHILOCTÈTE. Ô créature détestable! quels mensonges tu imagines! tu mets les dieux en avant, et tu fais les dieux menteurs. ULYSSE. Non, mais véridiques : il te faut donc partir pour ce voyage. PHILOCTÈTE. Pour moi, je déclare que non. 382 ULYSSE. Je déclare que si, et il faut obéir. PHILOCTÈTE. Ah! malheureux que je suis! mon père m'a-t-il donc fait naître esclave, et non pas homme libre? ULYSSE. Non, mais l'émule des plus braves guerriers, avec lesquels tu dois prendre Troie, et la ruiner de fond en comble. PHILOCTÈTE. Non, jamais ! dussé-je souffrir mille maux ! jamais, tant que j'aurai pour asile le sol élevé de cette île. ULYSSE. Que feras-tu donc? PHILOCTÈTE. A l'instant même je me briserai la tête, en me précipitant du haut de ce rocher. ULYSSE. Eh bien! saisissez-le; qu'on l'empêche d'accomplir sa menace (104). PHILOCTÈTE. Ô mes mains, quel traitement vous subissez, privées de votre arc chéri, et devenues captives d'un tel homme! O toi, qui ne connus jamais rien de juste ni de bon, par quelle surprise (105), et dans quels pièges m'as-tu enveloppé? Pour me séduire, tu as mis en avant ce jeune homme qui m'était inconnu, et dont la droiture, digne delà mienne, répondait peu à ta perfidie; il ne savait qu'obéir; maintenant, on le voit, sa douleur éclate sur ses traits, il se repent de sa faute et des maux où il m'a jeté. Mais ton âme perverse, qui épie toujours le mal à faire, a su instruire dans le crime ce cœur simple qui s'y refusait. Maintenant, tu me charges de liens, et tu songes à 383 m'arracher de ce rivage, où tu me jetas sans ressource, sans amis, sans patrie, mort parmi les vivants? Malédiction sur toi ! J'ai souvent lancé contre toi ces imprécations; et pourtant, les dieux ne m'accordent aucune joie, car tu jouis des douceurs de la vie, et moi je souffre, en proie à mille maux, exposé à tes insultes et à celles des Atrides, dont tu sers la passion. Cependant il a fallu . la ruse et la contrainte pour te traîner à leur armée (106) ; et moi, malheureux, qui leur amenai volontairement sept vaisseaux (107), ils m'ont indignement chassé ; tu le dis, du moins; mais eux, ils t'en accusent. Et maintenant, pourquoi me faire prisonnier? pourquoi m'emmener sur votre navire? à quoi bon? moi qui ne suis plus rien, et qui depuis longtemps suis mort pour vous? Comment donc, homme détesté des dieux! ne suis-je donc plus pour toi un boiteux, un chef infect? Comment, quand je me serai embarqué pour Troie, espérez-vous encore brûler les victimes sacrées, en l'honneur des dieux? comment faire encore des libations? car ce fut là ton prétexte pour me rejeter de l'armée (108). Puissiez-vous périr misérablement! et certes vous périrez, pour les injustices que vous m'avez faites, si les dieux protègent encore la justice. Et ils la protègent, je le vois; car jamais vous n'auriez entrepris cette expédition, pour un homme misérable, si un aiguillon divin, si le besoin que vous avez de moi, ne vous eût poussés. Mais, ô terre de ma patrie! et vous, dieux qui voyez tout, du moins punissez-les un jour, punissez-les tous, si vous avez quelque pitié de moi. Vous voyez la vie misérable que je mène; eh bien! faites-les périr à mes yeux, et je me croirai guéri. LE CHŒUR. Terrible est l'étranger, ô Ulysse, terribles sont les paroles qu'il a proférées, et il ne cède point au malheur. ULYSSE. J'aurais bien des choses à lui répondre, si le temps me le permettait; mais maintenant, je n'ai qu'une seule chose à dire : car je suis partout ce que la circonstance exige que je sois; et là où il faut de la justice et de la droiture, tu ne trouveras personne plus intègre que moi. Et pourtant la nature m'a donné l'ambition de vaincre partout, mais ce n'est pas avec toi; aujourd'hui je te céderai volontiers. Oui, qu'on le laisse libre (109), et ne le touchez plus; qu'il reste, s'il veut. Possesseurs de ses armes, nous n'avons plus besoin de toi; nous avons d'ailleurs parmi nous Teucer, qui sait l'art de s'en servir, et moi-même je me flatte de n'être pas moins habile que toi à les diriger d'une main sûre (110). Qu'avons-nous donc besoin de toi? Adieu, demeure sur la terre de Lemnos; pour nous, partons; et peut-être ces armes, ton glorieux apanage, me donneront une gloire qui t'était destinée. PHILOCTÈTE. Hélas! que faire malheureux? Quoi! tu paraîtras devant les Grecs paré de mes armes? ULYSSE. Ne me fais plus d'objection, je pars sans retour. PHILOCTÈTE. Ô rejeton d'Achille, n'entendrai-je plus ta voix et me quitteras-tu ainsi? ULYSSE, à Néoptolème. Toi, marche, ne regarde pas de son côté; tout généreux que tu sois, prends garde de gâter notre fortune. PHILOCTÈTE. Et vous aussi, étrangers, m'abandonnerez-vous ainsi à la solitude? N'aurez-vous pas pitié de moi? 385 LE CHOEUR. Ce jeune guerrier commande notre vaisseau; tout ce qu'il pourra te dire, nous aussi nous te le disons. NÉOPTOLÈME. Ulysse m'accusera d'un naturel trop compatissant; demeurez toutefois, si Philoctète le désire, jusqu'à ce que tout soit prêt pour le départ (111), et que nous ayons adressé nos prières aux dieux (112). Peut-être, dans cet intervalle, prendra-t-il des sentiments plus favorables pour nous. Ulysse et moi nous partons donc; pour vous, accourez à notre premier signal. ( Il part avec Ulysse.) -------------------- |
Φιλοκτήτης
Ὦ κοίλας πέτρας γύαλον Χορός
Σύ τοι σύ τοι κατηξίωσας, 1095 Φιλοκτήτης
Ὦ τλάμων τλάμων ἄρ᾽ ἐγὼ Χορός
Πότμος, πότμος σε δαιμόνων τάδ᾽, Φιλοκτήτης
Οἴμοι μοι, καί που πολιᾶς Χορός
Ἀνδρός τοι τὰ μὲν ἔνδικ᾽ αἰὲν εἰπεῖν, 1140 Φιλοκτήτης
Ὦ πταναὶ θῆραι χαροπῶν τ᾽ Χορός
Πρὸς θεῶν, εἴ τι σέβει ξένον, πέλασσον, Φιλοκτήτης
Πάλιν πάλιν παλαιὸν ἄλγημ᾽ ὑπέμνασας, ὦ 1170 Χορός Τί τοῦτ᾽ ἔλεξας; Φιλοκτήτης
Εἰ σὺ τὰν ἐμοὶ στυγερὰν Χορός Τόδε γὰρ νοῶ κράτιστον. Φιλοκτήτης Ἀπό νύν με λείπετ᾽ ἤδη. Χορός
Φίλα μοι, φίλα ταῦτα παρήγγειλας ἑκόντι τε πράσσειν. Φιλοκτήτης Μή, πρὸς ἀραίου Διός, ἔλθῃς, ἱκετεύω. Χορός -- Μετρίαζ᾽. Φιλοκτήτης
Ὦ ξένοι, Χορός
-- Τί θροεῖς; Χορός
Τί ῥέξοντες ἀλλοκότῳ Φιλοκτήτης
Οὔτοι νεμεσητόν, Χορός Βᾶθί νυν, ὦ τάλαν, ὥς σε κελεύομεν. Φιλοκτήτης
Οὐδέποτ᾽ οὐδέποτ᾽, ἴσθι τόδ᾽ ἔμπεδον, Χορός Ποῖον ἐρεῖς τόδ᾽ ἔπος; Φιλοκτήτης
-- Ξίφος, εἴ ποθεν, Χορός Ὡς τίνα δὴ ῥέξῃς παλάμαν ποτέ; Φιλοκτήτης
Χρῶτ᾽ ἀπὸ πάντα καὶ ἄρθρα τέμω χερί· Χορός Τί ποτε; Φιλοκτήτης -- Πατέρα ματεύων. Χορός Ποῖ γᾶς; 1210 Φιλοκτήτης
-- Ἐς Ἅιδου· Χορός
Ἐγὼ μὲν ἤδη καὶ πάλαι νεὼς ὁμοῦ |
PHILOCTÈTE. (Strophe 1.) O caverne, mon asile contre les chaleurs de l'été et contre les frimas! je devais donc ne jamais te quitter ! Malheureux ! mais tu seras aussi mon asile après ma mort. Hélas ! hélas! ô séjour rempli des tristes accents de ma douleur, quelle sera désormais ma nourriture de chaque jour? où trouverai-je de quoi soutenir ma vie? d'où tirer quelque espérance? Oh! si les oiseaux (113) fugitifs pouvaient m'enlever au haut du ciel, à travers les airs frémissants ! car je ne peux plus me détendre. LE CHOEUR. Tu es toi-même, oui toi-même, l'auteur de ton malheur, toi que la destinée accable, ce n'est pas d'ailleurs d'une cause plus puissante que vient la mauvaise fortune qui te frappe aujourd'hui; quand tu pouvais être sage et choisir un sort plus heureux, tu as préféré l'infortune. 386 PHILOCTÈTE. (Antistrophe 1.) Moi donc, infortuné! consumé par la douleur, séparé désormais de tout commerce des hommes, j'expirerai misérablement dans cet antre, hélas! hélas ! sans qu'il me reste aucun moyen de soutenir ma vie, ni de percer les oiseaux de mes flèches ailées (114). Une âme perfide m'a enveloppé dans le piège de ses paroles trompeuses; puisse-je voir l'auteur de cette trame subir à son tour mes souffrances aussi longtemps que moi! LE CHOEUR. C'est la volonté (115) des dieux qui a fait ton malheur, et non aucun piège tendu par mes mains. Réserve à d'autres ton imprécation odieuse, ton imprécation sinistre ; et j'ai aussi à cœur que tu ne repousses pas notre amitié. PHILOCTÈTE. (Strophe 2.) Malheur à moi! — Assis sur le rivage de la mer blanchissante, il rit de moi, et agite dans ses mains (116) cet arc qui me donnait ma triste nourriture, et que nul autre ne mania jamais. Arc chéri, violemment arraché à des mains chéries, si tu as quelque sentiment, tu dois voir avec pitié le malheureux compagnon d'Hercule privé désormais de te toucher! Mais en passant dans les mains d'un autre maître, tu es manié par un homme artificieux, dont tu vois les fraudes honteuses, un mortel odieux, ennemi dont les turpitudes suscitent des milliers de maux, qu'Ulysse a machinés contre nous. LE CHŒUR. Il est d'un homme de cœur de dire la vérité, et quand il l'a dite, de ne pas répandre le venin d'une langue haineuse. Néoptolème, choisi seul entre tous les Grecs, a, 387 sous la direction d'Ulysse, porté un secours commun à ses amis. PHILOCTÈTE. (Antistrophe 2.) Oiseaux de proie! races de bêtes sauvages aux yeux brillants, qui vivez sur la montagne, et que renferme cette contrée, en sortant de vos retraites, vous ne m'approcherez plus pour prendre aussitôt la fuite, car mes mains n'ont plus leurs flèches jadis redoutées, infortuné que je suis aujourd'hui, mais ce lieu mal défendu n'est plus à craindre pour vous. Approchez à présent, vous pouvez assouvir à votre gré votre bouche avide de vengeance avec mes chairs meurtries; car je vais bientôt quitter la vie. D'où tirerais-je, en effet, ma nourriture? Qui pourrait vivre de l'air, et privé des productions que la terre tire de son sein? LE CHOEUR. Au nom des dieux, si tu as quelque respect pour les droits de l'hospitalité, viens à moi, qui vais vers toi avec une bienveillance si entière. Sache donc, sache bien qu'il dépend de toi de te délivrer de ce mal fatal. Il est, en effet, déplorable à nourrir, et supporter les douleurs infinies qu'il engendre surpasse les forces humaines! PHILOCTÈTE. Ah! tu renouvelles mes anciennes douleurs, ô le meilleur de tous ceux qui jamais abordèrent dans cette île, pourquoi me faire mourir? que m'as-tu fait? LE CHOEUR. Que dis-tu là? PHILOCTÈTE. Oui (117), si tu as espéré m'emmener vers cette Troie que j'abhorre. LE CHOEUR. Je. crois, en effet, que c'est le meilleur parti à prendre. PHILOCTÈTE. Eh bien! quittez-moi à l'instant. 388 LE CHOEUR. Ton avis me plaît, il me plaît fort, et je suis tout disposé à le suivre; allons, rendons-nous au poste assigné à chacun de nous sur le navire. PHILOCTÈTE. Au nom de Jupiter, exécuteur des malédictions, ne vous en allez pas, je vous en supplie. LE CHOEUR. Montre de la modération. PHILOCTÈTE. Ô étrangers, restez, au nom des dieux! LE CHOEUR. Pourquoi ces cris? PHILOCTÈTE. Hélas! hélas! fatale destinée! je suis perdu, malheureux ! Cruelle blessure (118)! comment te supporterai-je désormais? Revenez, ô mes hôtes, revenez (119). LE CHOEUR. A quoi bon revenir, si ce n'est pour recommencer ce que nous avons déjà fait par ton ordre (120)? PHILOCTÈTE. Il faut pardonner à celui qu'égare une douleur orageuse, de délirer aussi quelquefois. LE CHOEUR. Viens donc, ô malheureux, comme nous t'y engageons. PHILOCTÈTE. Sache-le, ma résolution est inébranlable, non, jamais, jamais, dût Jupiter, qui lance le tonnerre (121), m'écraser de sa foudre! Périssent Ilion et, parmi ceux qui l'as- 389 siègent, tous ceux qui n'ont pas craint de proscrire la plaie de mon pied ! Mais, chers hôtes, je ne vous demande qu'une seule grâce. LE CHOEUR. Quelle est cette demande que tu vas nous faire? PHILOCTÈTE. Apportez-moi une épée, si vous en avez, ou une hache, une arme quelle qu'elle soit. LE CHOEUR. Et que prétends-tu donc en faire ? PHILOCTÈTE. Me couper de mes propres mains la tête et tous mes membres; mon esprit est avide de meurtres, il en est avide. Mon mal me tue, il me tue. LE CHOEUR. Pourquoi donc? PHILOCTÈTE. J'irai trouver mon père. LE CHOEUR. En quel lieu de la terre? PHILOCTÈTE. Aux enfers, car il ne voit plus le jour. O ville natale! ô ma patrie! que ne puis-je te revoir, moi, malheureux, qui abandonnai tes fontaines sacrées (122), pour aller au secours des Grecs perfides ! et je ne suis plus rien ! (Il rentre dans sa grotte.) LE CHOEUR. Je serais déjà parti depuis longtemps pour rejoindre mon vaisseau (123), si je ne voyais tout près Ulysse et le fils d'Achille s'avancer vers nous. --------------------------- |
Ὀδυσσεύς
Πὐκ ἂν φράσειας ἥντιν᾽ αὖ παλίντροπος Νεοπτόλεμος Λύσων ὅσ᾽ ἐξήμαρτον ἐν τῷ πρὶν χρόνῳ. Ὀδυσσεύς Δεινόν γε φωνεῖς· ἡ δ᾽ ἁμαρτία τίς ἦν; Νεοπτόλεμος Ἣν σοὶ πιθόμενος τῷ τε σύμπαντι στρατῷ 1225 Ὀδυσσεύς Ἔπραξας ἔργον ποῖον ὧν οὔ σοι πρέπον; Νεοπτόλεμος Ἀπάταισιν αἰσχραῖς ἄνδρα καὶ δόλοις ἑλών. Ὀδυσσεύς Τὸν ποῖον; ὤμοι· μῶν τι βουλεύει νέον; Νεοπτόλεμος Νέον μὲν οὐδέν, τῷ δὲ Ποίαντος τόκῳ, 1230 Ὀδυσσεύς Τί χρῆμα δράσεις; Ὥς μ᾽ ὑπῆλθέ τις φόβος. Νεοπτόλεμος Παρ᾽ οὗπερ ἔλαβον τάδε τὰ τόξ᾽, αὖθις πάλιν Ὀδυσσεύς Ὦ Ζεῦ, τί λέξεις; οὔ τί που δοῦναι νοεῖς; Νεοπτόλεμος Αἰσχρῶς γὰρ αὐτὰ κοὐ δίκῃ λαβὼν ἔχω. Ὀδυσσεύς Πρὸς θεῶν, πότερα δὴ κερτομῶν λέγεις τάδε; 1235 Νεοπτόλεμος Εἰ κερτόμησίς ἐστι τἀληθῆ λέγειν. Ὀδυσσεύς Τί φής, Ἀχιλλέως παῖ; Τίν᾽ εἴρηκας λόγον; Νεοπτόλεμος Δὶς ταὐτὰ βούλει καὶ τρὶς ἀναπολεῖν μ᾽ ἔπη; Ὀδυσσεύς Ἀρχὴν κλύειν ἂν οὐδ᾽ ἅπαξ ἐβουλόμην. Νεοπτόλεμος Εὖ νῦν ἐπίστω πάντ᾽ ἀκηκοὼς λόγον. 1240 Ὀδυσσεύς Ἔστιν τις, ἔστιν ὅς σε κωλύσει τὸ δρᾶν. Νεοπτόλεμος Τί φής; Τίς ἔσται μ᾽ οὑπικωλύσων τάδε; Ὀδυσσεύς Ξύμπας Ἀχαιῶν λαός, ἐν δὲ τοῖς ἐγώ. Νεοπτόλεμος Σοφὸς πεφυκὼς οὐδὲν ἐξαυδᾷς σοφόν. Ὀδυσσεύς Σὺ δ᾽ οὔτε φωνεῖς οὔτε δρασείεις σοφά. 1245 Νεοπτόλεμος Ἀλλ᾽ εἰ δίκαια, τῶν σοφῶν κρείσσω τάδε. Ὀδυσσεύς
Καὶ πῶς δίκαιον, ἅ γ᾽ ἔλαβες βουλαῖς ἐμαῖς, Νεοπτόλεμος
-- Τὴν ἁμαρτίαν Ὀδυσσεύς Στρατὸν δ᾽ Ἀχαιῶν οὐ φοβεῖ, πράσσων τάδε; 1250 Νεοπτόλεμος Ξὺν τῷ δικαίῳ τὸν σὸν οὐ ταρβῶ φόβον. Ὀδυσσεύς [Ξὺν τῷ δικαίῳ χεὶρ ἐμή σ᾽ ἀναγκάσει.] Νεοπτόλεμος Ἀλλ᾽ οὐδέ τοι σῇ χειρὶ πείθομαι τὸ δρᾶν. Ὀδυσσεύς Οὔ τἄρα Τρωσίν, ἀλλὰ σοὶ μαχούμεθα. Νεοπτόλεμος Ἴτω τὸ μέλλον. 1255 Ὀδυσσεύς
-- Χεῖρα δεξιὰν ὁρᾷς Νεοπτόλεμος
--Ἀλλὰ κἀμέ τοι Ὀδυσσεύς
Καίτοι σ᾽ ἐάσω· τῷ δὲ σύμπαντι στρατῷ Νεοπτόλεμος
Ἐσωφρόνησας· κἂν τὰ λοίφ᾽ οὕτω φρονῇς, 1260
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ULYSSE. Ne me diras-tu point quel motif te fait retourner si promptement sur tes pas, avec tant de hâte? 390 NÉOPTOLÈME. Je cours réparer la faute que j'ai faite tout à l'heure. ULYSSE. Tu dis là quelque chose d'étonnant; mais quelle était cette faute? NÉOPTOLÈME. Celle que j'ai faite pour te complaire, ainsi qu'à toute l'armée. ULYSSE. Quelle action as-tu faite, qui ne soit pas convenable? NÉOPTOLÈME. J'ai trompé un héros par de honteuses fourberies et par la ruse. ULYSSE. Quel héros? ô ciel ! médites-tu quelque étrange projet?.... NÉOPTOLÈME. Il n'a rien d'étrange ; mais au fils de Pœas.... ULYSSE. Que prétends-tu faire? une crainte me saisit. NÉOPTOLÈME. Duquel j'ai reçu cet arc, je vais.... ULYSSE. Que vas-tu dire, grands dieux? assurément tu ne songes pas à le rendre? NÉOPTOLÈME. Si, car je m'en suis emparé par une injustice honteuse. ULYSSE. Au nom des dieux, est-ce pour railler que tu parles ainsi? NÉOPTOLÈME. Si c'est railler que de dire la vérité. ULYSSE. Que dis-tu, fils d'Achille? quelle parole as-tu dite? NÉOPTOLÈME. Veux-tu que je la redise deux et trois fois? 391 ULYSSE. Je voudrais ne ravoir pas entendue une seule fois. NÉOPTOLÈME. N'en doute donc plus; tu sais tout. ULYSSE. Je sais, oui, je sais quelqu'un qui t'en empêchera. NÉOPTOLÈME. Qui donc m'en empêcherait? Dis-le-moi. ULYSSE. Toute l'armée des Grecs, et moi-même avec eux. NÉOPTOLÈME. Tu es habile, mais ton langage ne l'est pas. ULYSSE. Et toi, ni tes paroles, ni tes actions n'annoncent rien d'habile. NÉOPTOLÈME. Mais si elles sont justes, elles sont mieux qu'habiles. ULYSSE. Et comment serait-il juste de rendre malgré moi ce que tu ne dois qu'à mes conseils? NÉOPTOLÈME. La faute honteuse que j'ai commise, je tâcherai de la réparer. ULYSSE. Ne crains-tu pas l'armée des Grecs, en agissant ainsi? NÉOPTOLÈME. J'ai pour moi la justice, et je ne crains pas tes menaces (124). ULYSSE. Jamais non plus ton bras ne me fera céder (125). Ce ne sera donc plus contre les Troyens, mais contre toi, que nous combattrons. NÉOPTOLÈME. Que ce qui doit arriver s'accomplisse ! 392 ULYSSE. Vois-tu cette main sur la garde de mon épée? NÉOPTOLÈME. Et la mienne de même (126), sans plus tarder. ULYSSE. Poursuis donc, je te laisse; mais je vais tout dire à l'armée, elle saura te punir. NÉOPTOLÈME. Tu es revenu à la prudence, et si tu agis toujours aussi prudemment, tu n'auras nul péril à craindre (127). Toi, fils de Pœas, Philoctète, je t'appelle, sors de cette grotte. ------------- |
Φιλοκτήτης
Τίς αὖ παρ᾽ ἄντροις θόρυβος ἵσταται βοῆς; Νεοπτόλεμος Θάρσει· λόγους δ᾽ ἄκουσον οὓς ἥκω φέρων. Φιλοκτήτης
Δέδοικ᾽ ἔγωγε· καὶ τὰ πρὶν γὰρ ἐκ λόγων Νεοπτόλεμος Οὔκουν ἔνεστι καὶ μεταγνῶναι πάλιν; Φιλοκτήτης
Τοιοῦτος ἦσθα τοῖς λόγοισι χὤτε μου Νεοπτόλεμος
Ἀλλ᾽ οὔ τι μὴν νῦν· βούλομαι δέ σου κλύειν, Φιλοκτήτης
-- Παῦε, μὴ λέξῃς πέρα· Νεοπτόλεμος Οὕτω δέδοκται; Φιλοκτήτης -- Καὶ πέρα γ᾽ ἴσθ᾽ ἢ λέγω. Νεοπτόλεμος
Ἀλλ᾽ ἤθελον μὲν ἄν σε πεισθῆναι λόγοις Φιλοκτήτης
-- Πάντα γὰρ φράσεις μάτην. 1280 Νεοπτόλεμος
-- Μὴ ᾽πεύξῃ πέρα· Φιλοκτήτης Πῶς εἶπας; ἆρα δεύτερον δολούμεθα; Νεοπτόλεμος Ἀπώμοσ᾽ ἁγνὸν Ζηνὸς ὑψίστου σέβας. Φιλοκτήτης Ὦ φίλτατ᾽ εἰπών, εἰ λέγεις ἐτήτυμα. 1290 Νεοπτόλεμος
Τοὔργον παρέσται φανερόν· ἀλλὰ δεξιὰν |
PHILOCTÈTE. Quels cris tumultueux se font entendre encore une fois devant la grotte? Vous m'appelez? que désirez-vous de moi, étrangers? Hélas! coup funeste (128)! Venez-vous ajouter encore quelque désastre à mes maux? NÉOPTOLÈME. Sois sans crainte, et écoute ce que je viens te dire. PHILOCTÈTE. J'ai lieu de craindre; car déjà c'est pour m'être fié à tes belles paroles qu'il m'est arrivé malheur. NÉOPTOLÈME. N'est-il donc pas possible de se repentir? PHILOCTÈTE. Tel était ton langage, quand tu m'as dérobé mes armes, ta sincérité feinte cachait ta perfidie. 393 NÉOPTOLÈME. Mais il n'en est plus de même ; je veux seulement savoir de toi si tu persistes dans la résolution de rester ici, ou si tu consens à t'embarquer avec nous. PHILOCTÈTE. Arrête, n'en dis pas davantage; car tout ce que tu dirais serait inutile. NÉOPTOLÈME. Est-ce là ta résolution? PHILOCTÈTE. Plus ferme, sache-le, que je ne puis dire. NÉOPTOLÈME. J'aurais voulu te persuader; mais si mes paroles sont mal venues, je me tais. PHILOCTÈTE. Tu fais bien, car tu parlerais en vain. Non, tu n'auras jamais mon amitié, toi qui m'as ravi mes moyens d'existence, en les prenant par la ruse, et qui viens me donner des conseils! Fils indigne du plus généreux père! Périssent les Atrides ! avant tous, périsse le fils de Laërte, et toi-même! NÉOPTOLÈME. Cesse ces imprécations, et reçois tes armes de ma main. PHILOCTÈTE. Que dis-tu? serait-ce un nouveau piège que tu me tends? NÉOPTOLÈME. J'atteste le nom sacré du maître des dieux (129). PHILOCTÈTE. O douces paroles que tu as prononcées, si tu dis vrai ! NÉOPTOLÈME. Les faits vont te le prouver. Tu peux t'en convaincre; tends la main et reprends tes armes. --------
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Ὀδυσσεύς
Ἐγὼ δ᾽ ἀπαυδῶ γ᾽, ᾧ θεοὶ ξυνίστορες, Φιλοκτήτης
Τέκνον, τίνος φώνημα, μῶν Ὀδυσσέως, 1295 Ὀδυσσεύς
-- Σάφ᾽ ἴσθι· καὶ πέλας γ᾽ ὁρᾷς, Φιλοκτήτης Ἀλλ᾽ οὔ τι χαίρων, ἢν τόδ᾽ ὀρθωθῇ βέλος. 1300 Νεοπτόλεμος Ἆ, μηδαμῶς, μή, πρὸς θεῶν, μεθῇς βέλος. Φιλοκτήτης Μέθες με, πρὸς θεῶν, χεῖρα, φίλτατον τέκνον. Νεοπτόλεμος Οὐκ ἂν μεθείην. Φιλοκτήτης
-- Φεῦ· τί μ᾽ ἄνδρα πολέμιον Νεοπτόλεμος Ἀλλ᾽ οὔτ᾽ ἐμοὶ τοῦτ᾽ ἐστὶν οὔτε σοὶ καλόν. 1305 Φιλοκτήτης
Ἀλλ᾽ οὖν τοσοῦτόν γ᾽ ἴσθι, τοὺς πρώτους στρατοῦ, Νεοπτόλεμος
Εἶεν· τὰ μὲν δὴ τόξ᾽ ἔχεις, κοὐκ ἔσθ᾽ ὅτου Φιλοκτήτης
Ξύμφημι· τὴν φύσιν δ᾽ ἔδειξας, ὦ τέκνον, 1310 Νεοπτόλεμος
Ἥσθην πατέρα τὸν ἀμὸν εὐλογοῦντά σε Φιλοκτήτης
Ὦ στυγνὸς αἰών, τί με, τί δῆτ᾽ ἔχεις ἄνω Νεοπτόλεμος
Λέγεις μὲν εἰκότ᾽, ἀλλ᾽ ὅμως σε βούλομαι Φιλοκτήτης
Ἦ πρὸς τὰ Τροίας πεδία καὶ τὸν Ἀτρέως Νεοπτόλεμος
Πρὸς τοὺς μὲν οὖν σε τήνδε τ᾽ ἔμπυον βάσιν Φιλοκτήτης Ὦ δεινὸν αἶνον αἰνέσας, τί φής ποτε; 1380 Νεοπτόλεμος Ἃ σοί τε κἀμοὶ λῷσθ᾽ ὁρῶ τελούμενα. Φιλοκτήτης Καὶ ταῦτα λέξας οὐ καταισχύνει θεούς; Νεοπτόλεμος Πῶς γάρ τις αἰσχύνοιτ᾽ ἂν ὠφελῶν φίλους· Φιλοκτήτης Λέγεις δ᾽ Ἀτρείδαις ὄφελος ἢ ᾽π᾽ ἐμοὶ τόδε; Νεοπτόλεμος Σοί που, φίλος γ᾽ ὤν, χὠ λόγος τοιόσδε μου. 1385 Φιλοκτήτης Πῶς, ὅς γε τοῖς ἐχθροῖσί μ᾽ ἐκδοῦναι θέλεις; Νεοπτόλεμος Ὦ τᾶν, διδάσκου μὴ θρασύνεσθαι κακοῖς. Φιλοκτήτης Ὀλεῖς με, γιγνώσκω σε, τοῖσδε τοῖς λόγοις. Νεοπτόλεμος Οὔκουν ἔγωγε· φημὶ δ᾽ οὔ σε μανθάνειν. Φιλοκτήτης Ἐγὼ οὐκ Ἀτρείδας ἐκβαλόντας οἶδά με; 1390 Νεοπτόλεμος Ἀλλ᾽ ἐκβαλόντες εἰ πάλιν σώσουσ᾽ ὅρα. Φιλοκτήτης Οὐδέποθ᾽ ἑκόντα γ᾽ ὥστε τὴν Τροίαν ἰδεῖν. Νεοπτόλεμος
Τί δῆτ᾽ ἂν ἡμεῖς δρῷμεν, εἰ σέ γ᾽ ἐν λόγοις Φιλοκτήτης
Ἔα με πάσχειν ταῦθ᾽ ἅπερ παθεῖν με δεῖ· Νεοπτόλεμος Εἰ δοκεῖ, στείχωμεν. Φιλοκτήτης -- Ὦ γενναῖον εἰρηκὼς ἔπος. Νεοπτόλεμος Ἀντέρειδε νῦν βάσιν σήν. Φιλοκτήτης -- Εἰς ὅσον γ᾽ ἐγὼ σθένω. Νεοπτόλεμος Αἰτίαν δὲ πῶς Ἀχαιῶν φεύξομαι; Φιλοκτήτης -- Μὴ φροντίσῃς. Νεοπτόλεμος Τί γάρ, ἐὰν πορθῶσι χώραν τὴν ἐμήν; Φιλοκτήτης -- Ἔγὼ παρὼν Νεοπτόλεμος Τίνα προσωφέλησιν ἔρξεις; 1405 Φιλοκτήτης -- Βέλεσι τοῖς Ἡρακλέους Νεοπτόλεμος Πῶς λέγεις; Φιλοκτήτης Εἴρξω πελάζειν. Νεοπτόλεμος -- Στεῖχε προσκύσας χθόνα.
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394 ULYSSE. Et moi, je m'y oppose, comme les dieux m'en sont témoins, au nom des Atrides et de toute l'armée ! PHILOCTÈTE. Ô mon fils, quelle voix? n'est-ce pas celle d'Ulysse que j'ai entendue? ULYSSE. Oui, sache-le bien, c'est moi que tu vois; moi, qui t'emmènerai aux champs troyens, et par la force, que le fils d'Achille le veuille ou qu'il s'y refuse. PHILOCTÈTE. Ce ne sera pas impunément (130), si cette flèche atteint le but. NÉOPTOLÈME. Ah! au nom des dieux, ne lance pas cette flèche. PHILOCTÈTE. Au nom des dieux, mon fils, laisse mon bras. NÉOPTOLÈME. Je ne le souffrirai pas. PHILOCTÈTE. Quoi! tu m'empêches de percer de mes flèches mon ennemi déclaré ? NÉOPTOLÈME. Mais ce n'est honorable ni pour toi ni pour moi. PHILOCTÈTE. Mais sache, du moins, que ces chefs de l'armée, ceux des Grecs, sont des hérauts de mensonges, lâches au combat, mais braves en paroles. NÉOPTOLÈME. Soit. Mais il est certain que je t'ai rendu ton are, tu n'as plus de raison de t'irriter contre moi, ou de me faire des reproches. PHILOCTÈTE. Je le reconnais. Mais tu as montré, mon fils, de quel 395 sang tu es issu, et que tu avais pour père, non Sisyphe (131), mais Achille, si renommé lorsqu'il était parmi les vivants, et maintenant si honoré chez les morts. NÉOPTOLÈME. Il m'est doux d'entendre de ta bouche l'éloge de mon père et le mien; mais écoute ce que je désire obtenir de toi. Sans doute, il est nécessaire que les hommes supportent les accidents envoyés par les dieux ; mais se créer des maux volontaires, ainsi que tu fais, c'est se rendre indigne d'excuse et de pitié. Ton cœur est aigri et rejette les conseils; si un ami te donne des avis bienveillants, tu le hais, et tu vois en lui un ennemi odieux. Je parlerai toutefois, en prenant Jupiter (132) à témoin de mes paroles; toi, sache bien ceci, et grave-le au fond de ton cœur. Ce mal dont tu souffres t'a été infligé par les dieux, pour t'être approché du gardien de Chrysa, du serpent qui veille caché sur l'enceinte sacrée (133),qui n'est pas couverte. Tant que le soleil (134) se lèvera de ce côté et se couchera de l'autre (135), n'espère aucun soulagement à ton mal, avant de t'être rendu volontairement dans les champs de Troie, et là tu rencontreras les enfants d'Esculape qui sont dans notre camp, et qui te guériront de ton mal, et tu renverseras Troie avec le secours de tes flèches, de concert avec moi. Veux-tu savoir comment ces événements me sont si bien connus? écoute : un Troyen devenu notre prisonnier, le célèbre devin Hélénos, nous a clairement annoncé qu'il en devait être ainsi, et il ajouta encore, que, selon les arrêts du destin, cet été même, Troie entière devait être prise, et il s'offre de lui-même à périr, 396 si ses oracles sont faux. Sache donc qu'il en est ainsi, cède de toi-même à nos vœux. En effet, ce serait un bel avantage pour toi, après avoir été déclaré le premier des Grecs, de recevoir ta guérison et d'obtenir la gloire le renverser Troie, qui nous a coûté tant de larmes? PHILOCTÈTE. Ô vie odieuse, pourquoi me retiens-tu encore sur la terre, jouissant de la lumière, et ne m'as-tu pas laissé descendre au séjour de Pluton? Hélas ! que faire? pourrais-je ne pas me rendre à des conseils partis d'une amitié si tendre? Mais céderai-je donc? alors comment oserai-je paraître au grand jour, après cette faiblesse? infortuné, qui m'adressera la parole? Et vous, ô mes yeux! témoins de tout ce que j'ai subi, comment supporterez-vous de me voir converser avec les Atrides qui m'ont perdu, avec l'infâme fils de Laërte? Car ce n'est pas le ressentiment des outrages passés qui me tourmente, mais ceux que je prévois avoir à souffrir de leur part dans l'avenir. Chez ceux, en effet, dont la pensée est devenue une mère de crimes (136), elle ne sait enseigner rien que de criminel. Mais de toi-même, ceci m'étonne; car tu devais ne jamais retourner à Troie, et m'empêcher, moi aussi, de m'unir à ceux qui t'ont outragé, en te ravissant les armes glorieuses de ton père (137). Et pourtant tu vas les secourir, et moi-même .tu veux m'y contraindre. N'en fais rien, mon fils; mais, comme tu l'as juré, ramène-moi dans ma patrie; pour toi, reste à Scyros, et laisse périr misérablement ces misérables. Par là, tu mériteras à la fois ma reconnaissance et celle de mon père; et en abandonnant des perfides, tu t'épargneras la honte de leur ressembler. 397 NÉOPTOLÈME. Ce que tu dis semble vrai, cependant je voudrais te voir obéir aux dieux et céder à mes paroles, en suivant un ami hors de cette île. PHILOCTÈTE. Que j'aille avec cette plaie cruelle aux plaines de Troie, vers l'odieux fils d'Atrée ? NÉOPTOLÈME. Dis plutôt vers ceux qui feront cesser la douleur de ta plaie, et te guériront de ton mal. PHILOCTÈTE. O funeste conseil que tu m'as donné là! qu'as-tu dit vraiment ? NÉOPTOLÈME. Ce qui doit avoir, à mes yeux, la plus heureuse issue et pour toi et pour moi. PHILOCTÈTE. Et, après de telles paroles, tu ne rougis pas à la face des dieux? NÉOPTOLÈME. Pourquoi rougir de donner d'utiles conseils? PHILOCTÈTE. Utiles, veux-tu dire aux Atrides, ou à moi ? NÉOPTOLÈME. A toi, sans doute, moi qui suis ton ami, et l'amitié dicte mes paroles. PHILOCTÈTE. Et cependant tu veux me livrer à mes ennemis ? NÉOPTOLÈME. Mon cher, apprends à ne pas être fier dans le malheur. PHILOCTÈTE. Tu me perdras, je te connais, par un tel langage. NÉOPTOLÈME. Ce n'est pas moi qui te perdrai, mais j'affirme que tu ne me comprends pas. PHILOCTÈTE. Et moi, je sais que les Atrides m'ont chassé. 398 NÉOPTOLÈME. Mais ceux qui t'ont chassé, vois s'ils ne te sauveront pas à leur tour. PHILOCTÈTE. Jamais assez, pour que volontairement je me rende à Troie. NÉOPTOLÈME. Que ferons-nous donc, si aucune de mes paroles ne peut te persuader? Le plus aisé, pour moi, est de faire trêve aux paroles, et de te laisser vivre comme tu vis â présent, sans guérison. PHILOCTÈTE. Laisse-moi souffrir ce qu'il faut que je souffre; mais la promesse (138) que tu m'as faite de me ramener dans ma patrie, accomplis-la, mon fils, ne tarde pas, et laisse là le souvenir de Troie, elle m'a coûté assez de larmes et de lamentations. NÉOPTOLÈME (139) Si tu le veux, partons. PHILOCTÈTE. Ô généreuse parole! NÉOPTOLÈME. Affermis tes pas en t'appuyant sur moi. PHILOCTÈTE. Autant, du moins, que j'en ai la force. NÉOPTOLÈME. Mais comment échapperai-je aux accusations des Grecs ? PHILOCTÈTE, Ne t'en inquiète point. NÉOPTOLÈME. Comment donc, s'ils viennent ravager mon pays? 399 PHILOCTÈTE. Moi, je serai
NÉOPTOLÈME. Quel secours m'apporteras-tu ? PHILOCTÈTE. Avec les flèches d'Hercule NÉOPTOLÈME. Que dis-tu? PHILOCTÈTE Je les repousserai de tes frontières. NÉOPTOLÈME. Marche donc, après avoir fait tes adieux à Lemnos (140). ----------------------- |
Ἡρακλῆς
Μήπω γε, πρὶν ἂν τῶν ἡμετέρων Φιλοκτήτης
Ὦ φθέγμα ποθεινὸν ἐμοὶ πέμψας 1445 Νεοπτόλεμος Κἀγὼ γνώμην ταύτῃ τίθεμαι. Ἡρακλῆς
Μή νυν χρόνιοι μέλλετε πράσσειν· Φιλοκτήτης
Φέρε νυν στείχων χώραν καλέσω. Χορός
Χωρῶμεν δὴ πάντες ἀολλεῖς, |
HERCULE (141). Non, pas encore, fils de Poeas, pas avant du moins d'avoir entendu mes paroles ; sache-le, c'est la voix d'Hercule que tu entends, c'est son visage que tu vois. C'est pour toi que je suis venu, et que j'ai quitté le séjour céleste, afin de t'annoncer la volonté de Jupiter, et de t'arrêter dans la route que tu te prépares à suivre ; toi, écoute mes paroles. Et d'abord, je te rappellerai ma destinée, par quels travaux, par quelles pénibles éprouvée j'ai acquis cette gloire immortelle dont tu me vois jouir. A toi aussi, sache-le bien, est réservée la même destinée, c'est par ces travaux pénibles que tu obtiendras une vie glorieuse. Quand tu seras arrivé avec le fils d'Achille sous les murs de Troie, d'abord tu guériras de ton mal funeste, et ta valeur te donnera le premier rang dans l'armée, tu perceras de mes flèches Pâris, l'auteur de tous ces maux, tu renverseras les murs de Troie, et les riches dépouilles décernées à ton courage, tu les enverras dans ton palais, à Pœas, ton père, sur l'OEta qui t'a vu 400 naître. Mais quant aux dépouilles que tu auras reçues de l'armée, en souvenir de mes flèches, dépose-les sur mon bûcher. A toi aussi, fils d'Achille, je donne le même avertissement; car tu ne peux triompher de Troie sans Philoctète, ni Philoctète sans toi. Allez donc, comme deux lions qui cherchent ensemble leur proie (142), veillez mutuellement l'un sur l'autre. Et moi à Troie, j'enverrai Esculape te délivrer de ton mal; car une seconde fois (143) les destins ont réservé à mes flèches la chute d'ilion. Mais souvenez-vous, en ravageant cette contrée, de respecter le culte des dieux (144); car à tout le reste, Jupiter préfère la piété. Elle suit les mortels au delà du tombeau ; qu'ils vivent ou qu'ils meurent, elle ne périt jamais. PHILOCTÈTE. Ô voix désirée qui s'est fait entendre! héros qui m'apparais après si longtemps ! j'obéirai à tes ordres. NÉOPTOLÈME. Moi aussi, je joins ma promesse à la sienne. HERCULE. Ne tardez pas plus longtemps ; c'est le moment, voici le vent favorable qui s'élève. PHILOCTÈTE. Je veux seulement saluer une dernière fois ces lieux. Adieu, cher antre, mon asile! adieu, nymphes des eaux qui arrosent ces prairies! Adieu, bruit retentissant de la mer brisée contre les rochers, et dont l'écume, poussée par le Notos, mouilla souvent ma tête, souvent aussi le mont Hermaeon (145) me renvoya ta voix puissante, comme un écho des cris que m'arrachait la douleur. Et vous, 401 fontaines d'Apollon, que j'avais cru ne quitter jamais, je vais vous quitter! Adieu, terre de Lemnos baignée par les flots! qu'un vent favorable me porte là où m'appelle le destin, le vœu de mes amis (146), et le dieu, souverain suprême, qui a décrété ces événements (147). LE CHOEUR. Partons donc tous, après avoir prié les nymphes de la mer de nous accorder un heureux retour. |
NOTES
(01) Lemnos, une des îles Sporades, vis-à-vis l'entrée de l'Hellespont. Les poètes y avaient placé les forges de Vulcain. Le scholiaste remarque que le mot inhabitée ne doit s'entendre ici que de la partie de l'île où Philoctète avait été abandonné. Dans le Philoctète d'Eschyle et dans celui d'Euripide, le Chœur était composé d'habitants de Lemnos. Il faut reconnaître cependant que Sophocle a tiré de cette île déserte les effets les plus dramatiques. (02) Mélie, ou Malie, petite ville de Thessalie, voisine de Trachine et du mont Œta. Elle a donné son nom au golfe Maliaque. (03) Au levant et au couchant. (04) La grotte et la source. (5) Πυρεῖα, tout ce qui sert à produire et à entretenir le feu, silex, charbon, cendres, feuilles sèches, etc. Voir plus bas, v. 298, les paroles de Phitoctète, Homère, dans l'Hymne à Mercure, v. 111, dit que ce dieu donna aux hommes le feu, et de quoi le faire, τὰ πυρηία. (6) Κηρὶ, encore dans le même sens, au vers 1156. Voir aussi les paroles de Néoptolème, vers 192-200. (7) C'est un des soldats qui les accompagnent. Plus bas, au vers 125, Ulysse désignera encore le même soldat. (8) Néoptolème réclame ici d'Ulysse l'entretien qu'il lui annonçait tout à l'heure, au vers 24. (9) Voyez dans Ajax (note sur le vers 1113), le serment par lequel tous les prétendants a la main d'Hélène t'étaient engagés à secourir celui d'entre eu qui serait préféré. (10) Celle qui abandonna Philoctète dans l'île déserte. — Quant à la contrainte, on sait quelle ruse Ulysse avait mise en œuvre pour ne pas rejoindre l'armée (11) Allusion aux paroles d'Achille dans l'Iliade, ch. IX, vers 312 : « Je hais à l'égal des portes de l'enfer l'homme qui cache sa pensée au fond de son cœur, et qui dit le contraire de ce qu'il pense. » — Achille avait eu Néoptolème de Deidamie, fille du roi de Scyros. (12) Dans l'Electre, v. 61, Sophocle a dit aussi : Δοκῶ μὲν οὐδὲν ῥῆμα σὺν κέρδος κακόν. « Aucune parole n'est de mauvais présage, si elle est utile. » Mais ici Ulysse veut justiBer par cette maxime une supercherie coupable; dans l'Electre, Oreste l'oppose à une vaine superstition. (13) Voyez plus bas, vers 1435, dans le discours d'Hercule, au dénouement. (14) Voyez plus haut, vers 45. (15) Plaute, dans l'Asinaria, acte Ι, sc. 1, vers 54, dit pareillement Nauclerico ornaτu per fallaciam, et dans le Miles gloriosus, acte IV, se. 4, v. 41-4 5, il décrit ce costume :
Facito ut renias hoc orntlu nauclerico, (16) Sur Minerve Polias, protectrice d'Athènes, voyes le scholiaste d'Aristophane, au v. 226, des Oiseaux et et l'Ion d'Euripide, vers 1529. (17) Ulysse sort, et le Chœur entre sur la scène. Il est composé des soldats de Néoptolème. (18) Ὀδίτης, voyageur. (19) Ici, le Chœur s'approche de la grotte, et la trouve vide : c'est ce qui expique le γὰρ de sa réponse. (20) Μηδὲ ξύντροφον ὄμμ' ἔχων, « sans avoir même un œil qui l'accompagne. » Plus bas, au vers 203, κτύπος φωτὸς σύντροφος ὡς τειρομένου, « comme le bruit habituel d'un homme qui marcherait avec peine, » Dans les Achamiens d'Aristophane, vers 988, la Paix est appelée σύντροφος τῇ Κυπρίδι καὶ Χάρισι ; dans les Oiseaux, vers 680, le rossignol est ὕμνων σύντροφος : Ajax, vers 639 : οὐκ ὅτι συντρόφοις ὀργαῖς ἔμπεδος « au lieu de rester fidèle à ses mœurs.» (21) Sans doute le complément de la pensée serait : « Combien tu es impuissante à le soulager ! » (22) Le texte ajoute, « à la peau tachetée ou velue. » (23) Cicéron, Tuscul. II, 14, et De Fin. il, 19, cite deux vers d'Attius, imités de ce passage :
Ejulatu, qoestu, gemitu, fremitibus, (24) Le nom de Chrysa revient encore deux fois dans cette pièce : vers 269-970 : «Lorsqu'en venant de Chrysa, baignée par la mer, ils abordèrent sur cette côte. » Et Vers 1327 : « Cette blessure t'a été infligée par les dieux, pour avoir approché du serpent caché dans le sanctuaire de Chrysa....» Le rapprochement de ces trois passages prouve que le nom de Chrysa désignait à la fois une nymphe, et une île consacrée à cette nymphe. L'île était dans la mer Egée, nou loin de Lemnos. — Quand les Grecs partirent pour Troie, il leur avait été prédit que s'ils ne trouvaient l'autel de la nymphe Chrysa dans l'île de ce nom, et s'ils n'y offraient un sacrifice, ils ne pourraient se rendre maîtres de Troie : Philoctète, en découvrant cet autel, fut blessé au pied droit par le serpent qui le gardait. — Une autre tradition veut que Chrysa soit, non pas une nymphe, mais un des noms de Minerve. (25) Littéralement : « avant que soit venu le temps où il est dit que cette ville doit être domptée par ces traits. » (26) Κτύπος σύντροφος; : Voyes plus haut la note sur le vers 171. (27) La syrinx, ou flûte de Pan, on peut voir ma note sur le vert 140 de l'Oreste d'Euripide. (28) Le poète annonce ainsi avec beaucoup d'art l'entrée de Philoctète, il pré pare le spectateur à son aspect repoussant. (29) J'ai emprunté à l'auteur du Tèlèmaque quelques passages de son bel épisode du XVe livre, toutes les fois que l'exactitude l'a permis. Ils respirent toute la simplicité antique ; on ne pouvait traduire Sophocle avec plus de vérité. (30) Le poète latin Attius, qui avait fait un Philoctète imité surtout de celui d'Eschyle, a rendu ainsi les paroles du héros :
Quis tu es mortalis, qui in descrta Lemnia (31) Autre fragment du Philoctète d'Attius :
Quod ted obsecro ne istaec adspernabilem (32) Île de l'Archipel, à l'est de l'Eubée. (33) Térence, Heautontimoroumenos, acte V, se. 6, vers 13, reproduit la même imprécation : An, obsecro, istuc nostris inimicis siet ! (34) Horace, Satire cinquième du l. II, vers 68 : Invenietque Nil sibi legatutn praeter plorare suique. (35) Dans ces deux vers,
Ἀλλ' ἐν πέτροισιν πέτρον ἐκτρίβων, μόλις on peut remarquer un double effet d'harmonie imitativ : le premier, par la triple répétition de l'articulation τρ, semble reproduire le choc des cailloux frottés et froissés l'un contre l'autce ; et dans le second, l'égale répétition de l'aspirée φ glisse comme l'apparition de l'étincelle. C'est, du reste, ce que Virgile a rendu dans ce vers des Géorgiques, I, 135: Ut silicis venis abstrusum excuderet ignem. (36) La Harpe traduit ainsi la fin du discours de Philoctète : Ils m'ont fait tous ces maux; que les dieux les leur rendent! Du Philoctète d'Attius, Nonius, v. contempla, a conservé un fragment, qui se rapporte à ce morceau :
Contempla hanc sedem in qua ego novem (37) Tous les manuscrits donnent : Θυμῶ γίνοιτο χεῖρα πληρῶσαι ποτε. « Puisse ma colère assouvir un jour mon bras ! » Hyperbate hardie, pour : « Puisse mon bras assouvir ma colère! » Aussi Quintilien dit-il : Novator, si quis alius, in verbis Sophocles (38) Agamemnon régnait à Mycènes, et Ménélas à Sparte. (39) Selon la prédiction d'Hector, dans l'Iliade, XXII, 359 ; « En ce jour où, malgré ta vaillance, Paris et Apollon t'immoleront devant les portes Scées, » Ce que rappelle Virgile, Enéide, VI, 57 :
Dardana qui Paridis direxti tela manusque (40) Phénix. (41) On sait que les tentes d'Achille étaient sur ce promontoire, et c'est là qu'il fut enseveli. —- Πικρόν, triste, car son corps y attendait la sépulture. Ce promontoire forme aujourd'hui un des cotés du détroit des Dardanelles. (42) Ovide, dans le débat sur les armes d'Achille, fait dire à Ulysse (Métam. XIII, 284):
His humeris, his, inquam, humeris ego corpus Achillis (43) Ἤρασσον, « je le frappais. » Cicéron, Ep. ad Divers,, XVI, Ep. 20, dit aussi : « Verberavi te tacito convicio. » (44) Le texte ajoute : « issu de pervers.» (45) Littéralement : « Ceux qui ont le pouvoir. » (46) L'antistrophe se trouvera plus loin, au vers 606. (47) La Terre ou Cybèle était adorée à Lemnos, ainsi qu'en Lydie, où coulait le Pactole, dont il est question plus bas. Elle avait un temple à Sardes : Hérodote, L.V, 102. — Dans les Suppliantes d'Eschyle, v. 890-2, le Chœur invoque aussi la Terre , ὦ μάτηρ Γῆ. (48) Littéralement : « vous avez abordé vers moi, apportant un symbole manifeste de douleur. » Les hôtes se reconnaissaient à un σύμβολον qui se partageait, et dont chacun gardait la moitié. Dans Médée, v. 613, « je suis prêt à envoyer des σύμβολα à nos hôtes qui se traiteront bien. » V. Alceste, 562; le Pœnulus de Plaute, V, 2. Sur la tessera hospitalis, on peut consulter un traité de Tommasin, dans la collection de Grœvius. (49) Il y avait deux Ajax, celui-ci était fils de Télamon, et l'autre fils d'OïIée. (50) Littéralement : « le fils de Sisyphe acheté par Laërte. » On disait qu'Anticlée avait été la concubine de Sisyphe, roi de Corïnthe, et qu'elle était enceinte quand Laërte l'épousa. (51) Sur la mort d'Antilochos, voir l'Odyssée, III, v.lil; IV, v. 188 : Pindare, Pyth. XI, v. 28 et suivants. (52) Τί δῆτὰ δεῖ σκοπεῖν ; le sens de ce passage est donné dans ces paroles des Suppliantes d'Euripide, v. 301-2 : « Je t'engage, mon fils, à considérer avant tout ce que tu dois aux dieux. » Un peu plus loin, Philoctète développera ta pensée, vers 446-450. (53) Selon le scholiaste, il était mort assommé par Achille, indigné de voir Thersite porter sa lance au visage de Penthésilée, reine des Amaxones, que le héros venait d'atteindre d'un coup mortel. (54) Ce vers était devenu proverbe. (55) Allusion à Sisyphe, selon le scholiaste. — Voir plus bas le vers 625. (56) Claudien, Contre Rufin, I,12, semble avoir imité ce passage :
Sed, quum res
hominum tanta caligine volvi (57) Littéralement : « fils d'un père Oetéen. » L'Œta, montagne de Thessalie : là sont les Thermopyles. (58) Ἐν παρέργῳ, accessoire, hors-d'œuvre. Dans l'Electre d'Euripide, vers 53, « il nous regarde Oreste et moi, comme des hors-d'oeuvre dans le palais.» Voyez aussi Hélène, 933. (59) Chalcodon était un compagnon d'Hercule, qui l'avait aidé à nettoyer les étables d'Augias. Pausanias, IX, 19, dit avoir vu en Eubée le tombeau de cet ancien roi. (60) Les montagnes de l'Œta, qui paraissent être un prolongement de la chaîne du Pinde, séparaient la Phocide de la Thessalie méridionale. L'Œta serre la mer de si près, tf£il laisse à peine dans l'endroit le plus étroit un passage de soixante pas. C'est ce défilé qui, sous le nom de Thermopyles, a été illustré pai la résistance de Léonidas. — Trachine, ville de Thessalie, située sur le penchant du mont Œta. — Le Sperchios avait sa source dans les montagnes de la Thessalie, et se jetait dans le golfe ûlaliaque. Lucain, Pharsale, VI, 366 :
Ferit amne citato Voyez dans les Trachiniennes, vers 639, première strophe du Chœur, une note sur toute cette contrée. (61) Voyez la strophe plus haut, vers 391. Ἔνθαπερ ἐπιμέμομεν. (62) Horace, I, Ep. 14, v. 8:
Istuc mens aninmusque (63) Grec : « à cette habitation inhabitable. » (64)Ce prétendu marchand n'est que l'espion dont Ulysse a parlé dans la première-scène, au vers 127. Il se donne pour un des marchands qui portaient du vin ou d'autres denrées à l'armée grecque. (65) Petite île de la mer Egée, une des Cyclades, située entre Lemnos et l'Eubée, en face de la Magnésie, et près de Scyros. Elle faisait le commerce de vin, ce qu'indique l'épithète εὔβοτρυν. Ovide, Mètam. VIII, 470, l'appelle : Nitidœque ferax Peparethos olivae. Héraclide de Pont en dit : Αὐτὴ ἡ νήσος εὔοινός ἐστι καὶ εὔδενδρον. Pline, H. Ν. l. IV, c. 23 : «Peparethum cum oppido, quoniam Evœnum dictam.» Au l. XIV, e. 9, il rapporte que le médecin Apollodore, dans un traité adressé au roi Ptolémée sur les vins qu'il devait boire, lui conseille de préférence celui de Péparèthe. (66) Acamas et Démophon, selon le scholiaste. Ils ne sont pas nommés dans le catalogue d'Homère, qui donne Ménesthée pour chef aux Athéniens. Mais les poètes dramatiques aimaient à rappeler aux spectateurs toutes les antiques traditions d'Athènes. Euripide parle aussi des fils de Thésée, au v. 125 d'Hécube. (67) Ναυτικῷ στόλῳ. «Avec une expédition maritime.» (68) Σεαυτὸν ξυλλαβών : ce verbe exprime l'empressement, la précipitation, comme en latin de corripere, abripere. Plaute, Mercat. 4 : « Ut corripuit se repente, atque abiit. » Curculio, 599 : «Foras me abripui atque effugi. » Térence, Hecyr. III, sc. 3, 5 : «Intro me corripui timidus. » Virgile, parlant de Didon aux enfers (En. VI, 472) : « Corripuit sese...» (69) Διεμπολᾷ, il vend, dans le sens de il trahit. Plus bas, v. 977, Philoctète dit de même, πίπραμαι. Plaute, dans les Bacchides, vers 717 :
Ο stulte, stulto, nescis nunc venire te (70) Πâσα βλάβη : expression qui se retrouve dans l'Electre, de Sophocle, vers 301, en parlant d'Égisthe: Ὁ πάντ ' ἄνακλις οὗτος, ἡ πᾶσα βλάβη. (71) Sisyphe, étant mort, sut tromper Pluton, et lui demanda de le laisser revenir sur la terre pour quelque temps. Il voulait seulement punir son ingrate épouse. Pluton y consent : Sisyphe, une fois sorti des enfers, ne se pressa pas de revoir les sombres bords. (72) Littéralement : « l'adorer comme un dieu. » Fénelon , dans Télémaque: « Ces armes consacrées par l'invincible Hercule. » (73) Dindorf supprime ces trois derniers vers. (74) Pindare, IIe Pyihique, vers 39 et suivants, a raconté cette aventure d'ixios. (75) Fénelon, Télémaque, « je n'entendais que le bruit des vagues de la mer» « qui se brisaient eontre les rochers. » (76) J'adopte, avec MM. Boissonade, Bothe et Hermann, la. leçon : Ἵν' αὐτὸς ᾧ πρόσουρος οὐκ ἔχων βάσιν. (77) Δακέθυμος, qui ronge le cœur. (78) Ἀνέρες ἀλφησται, « les hommes industrieux : » épithète homérique; elle se trouve souvent dans Hésiode : Eschyle, Sept contre Thèbes, vers 770. (79) Il sortait des flammes du bâcher : divine, parce que Jupiter avait lancé sa foudre, pour accroître l'ardeur du feu qui consumait Hercule. (80) Philoctète va éprouver un accès de son mal ; il ne peut retenir quelques cris de douleur, et cependant il essayera encore de dissimuler. (81) Κουφίζειν, terme de médecine, aller mieux, se dit d'un malade. Hippocrate, Épidémies, II, 10 :
Ἐκοόφισιν ὀλίγῳ, κατενόει μᾶλλον (82) Cicéron dans les Tusculanes, II, 7, cite ce fragment du Philoctète, imité de Sophocle :
Heu quis salsis fluctibu' mandet (83) « Étranger céphallénien. » Déjà au vers 264 il l'a appelé roi des Céphalléniens. (84 Le scholiaste rappelle que les forges de Vulcain étaient à Lemnos, et de plus, qu'il y avait deux cratères dans l'île. Plus loin, dans la scène avec Ulysse, v. 986-7, Philoctète fera un appel au volcan de Lemnos consacré à Vulcain. Attius, cité par Varron, de ling. lat. VII, 11, disait dans son histoire :
Lemnia
praesto littora et celsa Cabirum Stace parle aussi des volcans de Lemnos :
Lemnos ubi ignifera fessus respirat ab Aetna et Achill. I, 180 :
Quater antra dei fumantis anhelos Choiseul-Gouffier, dans son Voyage, parle aussi du mont Mosyclos de Lemnos. qui renfermait ce volcan. (85) Dans Œdipe à Colone, vers 650, Œdipe dit aussi à Thésée : « Je ne te lierai point par un serment, comme un trompeur. » (86) Ici, comme en quelques autres passages, le langage de Néoptolème est à double entente : Philoctète y voit des marques d'intérêt pour lui, et le spectateur comprend qu'il s'agit du projet d'Ulysse, et de l'oracle qui a promis à Néoptolème qu'il s'emparerait de Troie, avec le concours de Philoctète. (87) On a supposé que Philoctète voulait aller sur le mont Mosyclos, qui renfermait un volcan (voir plus haut la note sur le vers 800), sans doute pour s'y précipiter. L'explication la plus probable de ces paroles entrecoupées, c'est que Philoctète demande à être conduit dans sa grotte, qui était en effet sur une hauteur. La violence de la douleur ne lui permet pas de s'expliquer plus complètement, jusqu'au moment où il tombe épuisé, et s'endort. (88) Le texte ajouteὅπως ἔχω, « comme je suis, » c'est-à-dire, sans délai. (89) Littéralement : « Une veine noire s'est rompue au bout de son pied, et le sang en jaillit. » (90) Τὰν δ' αἴγλαν, « cette lumière, » qui sur ses yeux est réellement de l'obscurité. C'est ainsi qu'Euripide, dans les Troyennes, vers 549, a dit πυρὸς μέλαιναν αἴγλαν (91) Littéralement : « car dans la maladie , le sommeil sans sommeii est clairvoyant, pour tout voir. » (92) On voit assez que le Chœur s'exprime de manière à ne pouvoir être compris de Fhiloctète, si celui-ci venait à l'entendre. C'est pourquoi il évite de prononcer son nom. (93) Allusion au premier récit mensonger par lequel il a capté la bienveillance de Philoctète. Voir vers 343-390. (94) Littéralement : « ce qu'on ne doit pas taire. » (95) La première exclamation de Philoetète est celle-ci : « ὦ πῦρ, » c'est-à-dire Ο feu! Le scholiaste prétend que le poète joue ici sur la première syllabe da nom de Pyrrhus. Des jeux de mots aussi mauvais ne sont pas sans exemple dans Sophocle, témoin l'étymologie du nom d'Ajax, mais il est à remarquer que Néoptolème n'est jamais désigné dans la pièce sous le nom de Pyrrhus. (96) Vers parodié par Aristophane, Assemblée des femmes, v. 563. Littéralement : « il m'a tendu la main droite. » (97)Cette expression se trouve aussi dans Antigone, vers 1178 :
Τάλλ' ἐγὼ καπνοῦ σκιᾶς (98) « Ces biens, je ne les achèterais pas au prix d'une ombre de fumée. » Voir la note sur ce passage. (99) Littéralement : « ô forme de rocher à double ouverture ! » (100) Tel est le sens indiqué par Νῦν δὲ ἄλλοις δοὺς τὰ κακὰ οἷς εἰκὸς (c'est-à-dire à Ulysse et aux Atrides) ἔκπλει, τὰ ἐμὰ ἐμοὶ δούς. — Ce passage a été entendu diversement; on l'explique encore ainsi: «livre-toi à d'autres, dignes de ta confiance. » (101) Néoptolème ébranlé allait rendre les armes de Philoctète, quand Ulysse qui l'épiait, se présente, et l'arrête. (102) Voyez plus haut, vers 578. (103) Voyez plus haut la note sur le vers 800. (104)On s'empare de lui. (105) Οἵως μ' ὑπῆλθες, métaphore empruntée à la lutte : « Comme tu m'as pris en dessous ! » V. Œdipe Roi, vers 386. Le mot suivant, ὥς μ' ἐθηράσω, est tiré de la chasse. (106) Ulysse avait contrefait l'insensé, pour ne pas aller au siège de Troie. (107) Voir Iliade, II, v. 718. (108) C'est ce qu'Ulysse a raconté lui-même à Néoptolème, dès le début, vers 8 et suivants. (109) Littéralement : « Lâchez-le, et ne le touchez plus. » (110) Pour l'habileté de Teucer, comme archer, voyez l'Ajax, v. 1121 et suivants; l'Iliade XIII, 313, où il est appelé ἄριστος Ἀχαιῶν τοξοσύνη « le plus habile des Grecs à lancer des flèches; » et pour l'arc d'Ulysse, voyez Odyssée, c. XXI et VIII, vers 219-221. Il y a ici une allusion assez claire à la scène de Teucer et de Ménélas dans l'Ajax de Sophocle, et l'on peut en conclure que cette dernière pièce est antérieure au Philoctète. (111) Littéralement : « jusqu'à ce que les matelots aient rembarqué sur le vaisseau ce qu'on avait débarqué. » (112) Pour obtenir d'eux une heureuse navigation. (113) Le scholiaste prétend qu'il s'agit ici des Harpyes ; et comme les Harpyes étaient la personnification des temp&tes, Buttmann et M. Berger entendent πτωκάδες dans le sens de θύελλαι, les tempêtes. (114) Le texte ajoute : « de mes mains puissantes. » (115) Πότμος δαιμόνων. « Le destin ou la fatalité envoyée par les dieux.. » Virgile, Enéide, II, 257 ; VI, 376 : Fata Deum. (116) C'est ainsi que Valérius Flaccus a dit, Argonaut. I, 391 :
Poeantie..... (117) Philoctèle veut dire : « Oui, tu me fais mourir, si... » (118) Littéralement : « O mon pied, mon pied, que ferai-je de toi désormais dans la vie? » (119) Le Chœur partait, et Philoctète le rappelle. (120) C'est-à-dire : « pourquoi faire? pour te quitter encore, quand tu nous auras congédiés de nouveau? » (121) Ἀστεροπητής, épithète homérique. Iliade, I, 580. Dans le quatrième chant de l'Enéide, vers 25, Didon s'écrie : Vel pater omnipotens adigat me fulmine ad auras. (122) Le Sperchios. Voyez plus haut, vers 326, (123) Il ajoute σοί, « pour te complaire. » (124) Tὸv σὸν φόβον : « La frayeur que tu veux imprimer : » ton intimidation. (125) M. Boissonade, avec Bultmann, met dans la bouche d'Ulysse ce vers, que les autres éditeurs attribuent à Néoptolème. (126) Littéralement : « eh bien! tu vas me voir en faire autant.... » (127) Littéralement : « tu pourras avoir le pied hors des pleurs. » Eschyle a dit aussi, Prométhèe, vers 264 : Ὅστις πημάτων ἔξω ἔχει, Choéphores, 697 : Ἔξω κομίζων ὀλεθρίου πηλοῦ πόδα. « Portant le pied hors d'une fange funste. » (128) Il joue sur les mots τοῦ κεχρημένοι. ; « que désirez-vous ? » et κακὸν τὰ χρῆμα. nom dérivé du verbe, sous lequel il donne à sous-entendre le sens de désir. (129) Grec: « l'auguste majesté du Jupiter très-haut. » (130) Οὔ τι χαίρων, « tu n'auras pas à t'en réjouir. » La Fontaine, L. VIII, Fab. 7 « Il n'en eut pas toute la joie. » (131) Sur Sisyphe ; voir ce qui a été dit au vers 417 et la note. (132) Ὅρκιον, qui préside aux serments. (133) Voyez plus haut la note sur le vers 194, οἰκουρῶν ὄφις : allusion au culte de Minerve Poilas à Athènes. On nourrissait un serpent dans son temple. (134) Αὐτός, « le même soleil. » (135) Il y a ici un souvenir de la réponse d'Aristide aux envoyée de Mardonios,rapportée par Hérodote, VIII, 143 : « Tant que le soleil suivra la route qu'il suit aujourd'hui, les Athéniens ne feront jamais alliance avec Xerxès. » V. aussi Plutanue, Vie d'Aristide, c. 10. (136) Cette expression hardie se trouve déjà dans Ajax, vers 174 : « Étrange rumeur, mère de ma honte. » (137) Tous les manuscrits donnent ici ces deux vers : « Ceux qui dans le procès « des armes de ton père, ont jugé le malheureux Ajax inférieur à Ulysse. » Les éditeurs modernes les ont retranchés, comme une distraction de l'auteur : car Philoctète, d'après son dialogue avec Néoptolème, v. 410-415, ignorait la dispute d'Ajax et d'Ulysse au sujet des armes d'Achille. (138) Littéralement : « la promesse que tu m'as faite, en touchant ma main droite. » (139) Ici s'arrêtent les vers lambiques, et commence le mètre trochaïque.. (140) Προσκύσας χθόνα, « après avoir adoré cette terre. » Dans le sens littéral de adorare, baiser (la terre). Voyezi plus haut, le même mot, au vers 533. (141) Le début du discours d'Hercule est en vers anapestiques (les neuf première). Le reste est en vers ïambiques trimètres. (142) Συννόμω, que le scholiaste explique par ἅμα νεμόμενοι. Allusion aux vers 554- 555 du cinquième chant de l'Iliade. Au chant X, vers 297, Homère compare aussi Diomède et Ulysse à deux lions. (143) Troie avait été prise une première fois par Hercule, sons le règne de Laomédon. (144) Allusion à Néoptolème, qui fit périr Priam, au pied de l'autel de Jupiter, et qui fut frappé à son tour à Delphes, par Oreste, au pied de l'autel d'Apollon. (145)Montagne de Lemnos, consacrée à Mercure. (146) Néoptolème et Hercule. (147) Jupiter, dont Hercule vient d'annoncer les volontés, βουλεύματα, ν. 1413. FIN DE PHILOCTÈTE. |