Euripide traduit par M. Artaud

EURIPIDE, TRAGÉDIES

 

AΝDROMAQUE.

 

Traduction française : M. ARTAUD.
 

 

 

 

 

 

 

 393 NOTICE SUR ANDROMAQUE.

L'Andromaque d'Euripide a subi, dans la tragédie de Racine, une transformation analogue à celle que nous avons déjà remarquée dans le personnage de Phèdre. Il ne faut pas s'attendre à retrouver dans la pièce grecque cet idéal de délicatesse, ces scrupules, ce raffinement de fidélité, même» au .delà du tombeau que le dix-septième siècle, avec son esprit de galanterie perfectionnée, regardait comme parfaitement naturels de la part de la veuve d'Hector. Dans la tragédie grecque, Andromaque est captive de Pyrrhus, et de plus sa concubine, et elle en a un fils. Hermione, son épouse légitime, est animée d'une violente jalousie contre l'esclave troyenne, qu'elle accuse de causer sa stérilité par des sortilèges. Aidée de son père Ménélas, elle veut faire périr Andromaque et son fils «Molosse, pendant l'absence de Pyrrhus. Tout l'intérêt de la pièce roule sur leur danger, Andromaque a caché son fils dans une retraite ignorée, et elle-même s'est retirée dans l'asile inviolable du temple de Thétis. Mais Ménélas découvre la retraite de l'enfant, et amène, par des promesses trompeuses, la mère à quitter son asile. Tous deux sont au moment d'être immolés, lorsque survient Pelée, aïeul de Pyrrhus, qui prend la défense des opprimés, et les arrache à la mort. Hermione, craignant le ressentiment de son époux, s'échappe de la demeure conjugale, et s'enfuit avec Oreste, à qui sa main avait été promise autrefois. Enfin, un messager vient annoncer à Pelée que Pyrrhus a été massacré à Delphes, par suite d'un complot dont Oreste est l'auteur.

Le souvenir des amours de Thétis avec Pelée, père d'Achille, plane sur toute la pièce, et c'est encore cette déesse qui vient au dénouement consoler Pelée, et lui ordonner de rendre les derniers devoirs à son petit-fils.

Un passage de cette tragédie prouve que les Grecs n'observaient pas la règle de l'uni lé de temps, du moins dans le sens strict des vingt-quatre heures, auxquelles ou a voulu la restreindre. En effet, nous venons de voir sur la scène Oreste avec Hermione, qu'il décide à partir avec lui. Le Chœur chante un hymne assez court; et immédiatement arrive le messager qui annonce l'assassi- 394 nat de Pyrrhus à Delphes. Or, il a fallu le temps nécessaire pour qu'Oreste allât de Pythie à Delphes, pour que le messager revint de Delphes à Pythie, et de plus l'intervalle nécessaire pour tramer le complot ; car le messager dit qu'Oreste animait les habitants contre eux. Nous voulons seulement conclure de ceci, que l'intervalle d'une scène suffisait au spectateur pour concevoir le laps de temps indéterminé, plus ou moins étendu selon les besoins de l'événement, sans le mesurer rigoureusement sur le lever ou le coucher du soleil.

Divers traits d'animosité lancés contre Lacédémone prouvent que la guerre était flagrante entra cette république et Athènes, lorsque cette pièce fut représentée. Quand Ménélas vient d'avouer à Andromaque qu'il l'a trompée, elle s'écrie : « Voilà donc la sagesse qu'on estime sur les bords de l'Eurotas ! »  (V. 438.) Un peu après, elle fait cette violente sortie : « O de tous les mortels les plus odieux au genre humain, habitants de Sparte, conciliabule de perfidies, rois du mensonge, artisans de fraudes, pleins de pensées tortueuses, perverses et fallacieuses, votre prospérité dans la Grèce blesse ta justice. Quel crime est inconnu parmi vous? où voit-on plus de meurtres? N'êtes-vous pas avides de gains honteux? ne vous surprend-on pas toujours à dire une chose et à en penser une autre? » Barnès suppose que ce passage fait .allusion à la cruauté des Lacédémoniens envers les Platéens, qu'ils massacrèrent jusqu'au dernier, après qu'ils se furent rendus. V. Thucydide, 1. III, 5e année de la guerre du Péloponnèse, 2e année de la quatre-vingt-huitième olympiade.

Un autre passage a servi à déterminer la date de cette tragédie d'une manière pins précise. Ménélas dit (v. 724-727) : « Une ville voisine, et jusqu'ici notre alliée, se montre aujourd'hui notre ennemie ; je vais marcher contre elle à la tête d'une armée, et la soumettre à ma puissance. » Samuel Petit (Miscell, 1. III, c. 16) rapporte ces paroles à la guerre de Lacédémone contre les Argiens, à l'occasion des violences de ceux-ci contre les Trézéhiens, allies de Sparte; et il en conclut que l'Andromaque fut jouée la 2e année de la quatre-vingt-dixième olympiade, sous l'archonte Archias, 420 avant J.-C. Euripide avait alors soixante ans.

Une phrase de l'argument grec donne à penser que cette pièce remporta le second prix.

 

 

 

 

 

395 ANDROMAQUE.

PERSONNAGES.

ANDROMAQUE.

Une ESCLAVE troyenne.

Le CHŒUR, composé de femmes phthiotes.

HERMIONE.

MÉNÉLAS.

La NOURRICE d'Hermione.

MOLOSSE, jeune enfant, fils d'Andromaque et de Néoptolème.

PÉLÉE, fils d'Achille, et grand-père de Néoptolème.

ORESTE.

Un MESSAGER.

THÉTIS.

La scène est à Phthie, a rentrée du temple de Thétis et du palais de Néoptolème.

 

Ἀνδρομάχη

Ἀσιάτιδος γῆς σχῆμα, Θηβαία πόλις,
ὅθεν ποθ' ἕδνων σὺν πολυχρύσῳ χλιδῇ
Πριάμου τύραννον ἑστίαν ἀφικόμην
δάμαρ δοθεῖσα παιδοποιὸς Ἕκτορι,
ζηλωτὸς ἔν γε τῷ πρὶν Ἀνδρομάχη χρόνῳ, 5
νῦν δ', εἴ τις ἄλλη, δυστυχεστάτη γυνή·
[ἐμοῦ πέφυκεν ἢ γενήσεταί ποτε]·
ἥτις πόσιν μὲν Ἕκτορ' ἐξ Ἀχιλλέως
θανόντ' ἐσεῖδον, παῖδά θ' ὃν τίκτω πόσει
ῥιφθέντα πύργων Ἀστυάνακτ' ἀπ' ὀρθίων, 10
ἐπεὶ τὸ Τροίας εἷλον Ἕλληνες πέδον·
αὐτὴ δὲ δούλη τῶν ἐλευθερωτάτων
οἴκων νομισθεῖσ' Ἑλλάδ' εἰσαφικόμην
τῷ νησιώτῃ Νεοπτολέμῳ δορὸς γέρας
δοθεῖσα λείας Τρωϊκῆς ἐξαίρετον. 15
Φθίας δὲ τῆσδε καὶ πόλεως Φαρσαλίας
σύγχορτα ναίω πεδί', ἵν' ἡ θαλασσία
Πηλεῖ ξυνῴκει χωρὶς ἀνθρώπων Θέτις
φεύγουσ' ὅμιλον· Θεσσαλὸς δέ νιν λεὼς
Θετίδειον αὐδᾷ θεᾶς χάριν νυμφευμάτων. 20
Ἔνθ' οἶκον ἔσχε τόνδε παῖς Ἀχιλλέως,
Πηλέα δ' ἀνάσσειν γῆς ἐᾷ Φαρσαλίας,
ζῶντος γέροντος σκῆπτρον οὐ θέλων λαβεῖν.
Κἀγὼ δόμοις τοῖσδ' ἄρσεν' ἐντίκτω κόρον,
πλαθεῖσ' Ἀχιλλέως παιδί, δεσπότῃ δ' ἐμῷ. 25
Καὶ πρὶν μὲν ἐν κακοῖσι κειμένην ὅμως
ἐλπίς μ' ἀεὶ προσῆγε σωθέντος τέκνου
ἀλκήν τιν' εὑρεῖν κἀπικούρησιν δόμον·
ἐπεὶ δὲ τὴν Λάκαιναν Ἑρμιόνην γαμεῖ
τοὐμὸν παρώσας δεσπότης δοῦλον λέχος, 30
κακοῖς πρὸς αὐτῆς σχετλίοις ἐλαύνομαι.
Λέγει γὰρ ὥς νιν φαρμάκοις κεκρυμμένοις
τίθημ' ἄπαιδα καὶ πόσει μισουμένην,
αὐτὴ δὲ ναίειν οἶκον ἀντ' αὐτῆς θέλω
τόνδ', ἐκβαλοῦσα λέκτρα τἀκείνης βίᾳ· 35
ἁγὼ τὸ πρῶτον οὐχ ἑκοῦσ' ἐδεξάμην,
νῦν δ' ἐκλέλοιπα· Ζεὺς τάδ' εἰδείη μέγας,
ὡς οὐχ ἑκοῦσα τῷδ' ἐκοινώθην λέχει.
Ἀλλ' οὔ σφε πείθω, βούλεται δέ με κτανεῖν,
πατήρ τε θυγατρὶ Μενέλεως συνδρᾷ τάδε. 40
Καὶ νῦν κατ' οἴκους ἔστ', ἀπὸ Σπάρτης μολὼν
ἐπ' αὐτὸ τοῦτο· δειματουμένη δ' ἐγὼ
δόμων πάροικον Θέτιδος εἰς ἀνάκτορον
θάσσω τόδ' ἐλθοῦσ', ἤν με κωλύσῃ θανεῖν
Πηλεύς τε γάρ νιν ἔκγονοί τε Πηλέως 45
σέβουσιν, ἑρμήνευμα Νηρῇδος γάμων.
Ὃς δ' ἔστι παῖς μοι μόνος, ὑπεκπέμπω λάθρᾳ
ἄλλους ἐς οἴκους, μὴ θάνῃ φοβουμένη.
Ὁ γὰρ φυτεύσας αὐτὸν οὔτ' ἐμοὶ πάρα
προσωφελῆσαι, παιδί τ' οὐδέν ἐστ', ἀπὼν 50
Δελφῶν κατ' αἶαν, ἔνθα Λοξίᾳ δίκην
δίδωσι μανίας, ᾗ ποτ' εἰς Πυθὼ μολὼν
ᾔτησε Φοῖβον πατρὸς οὗ κτείνει δίκην,
εἴ πως τὰ πρόσθε σφάλματ' ἐξαιτούμενος
θεὸν παράσχοιτ' εἰς τὸ λοιπὸν εὐμενῆ. 55

ANDROMAQUE.

Ornement de l'Asie, ville de Thèbes (1), d'où je partis jadis avec une dot opulente, pour venir au foyer du roi Priam, donnée en épouse (2) à Hector, moi, Andromaque, autrefois objet d'envie ; et maintenant il n'est point de femme plus malheureuse que moi, et il n'y en aura jamais. J'ai vu mourir Hector mon époux, par la main d'Achille; j'ai vu le fils que je lui avais enfanté, Astyanax, précipité du haut d'une tour, quand les Grecs se furent rendus maîtres du sol de Troie. Et moi, issue d'une noble famille, j'ai été envoyée esclave en Grèce, donnée à l'insulaire Néoptolème comme prix de la guerre, et 396 comme sa part des dépouilles de Troie. J'habite les champs qui séparent cet état de Phthie, de la ville, de Pharsale ; c'est là que Thétis, divinité marine, vécut avec Pelée, loin du commerce des hommes : en mémoire de son hymen, le peuple thessalien appelle ce lieu Thétidée. Le fils d'Achille possède ce palais ; mais il laisse Pelée régner sur la terre de Pharsale, ne voulant pas reprendre le sceptre à ce vieillard tant qu'il vit. Unie au fils d'Achille mon maître, je lui ai donné dans ce palais un enfant mâle. Et d'abord, malgré mon malheur, je me flattais de l'espoir que, tant que mon fils vivrait, je trouverais en lui un appui et une consolation : mais depuis que mon maître, dédaignant ma couche d'esclave, a épousé la Lacédémonienne Hermione, je suis accablée par elle de mauvais traitements. Elle dit que par de secrets maléfices je la rends stérile, et odieuse à son époux ; que je veux être maîtresse à sa place dans cette maison, et la chasser violemment de son lit, moi qui n'y pris place qu'à regret, et qui en suis sortie pour toujours. Le grand Jupiter le sait, c'est malgré moi que je suis entrée dans cette couche. Mais je ne puis la persuader; elle veut me faire mourir, et Ménélas, son père, seconde ses projets. Il arrive de Sparte en ces lieux, dans cette intention même. Saisie de crainte, je suis venue chercher un asile contre la mort dans ce sanctuaire consacré à Thétis, et qui touche aux murs du palais. Pelée et sa famille le révèrent comme un monument de son alliance avec la déesse- J'ai envoyé en secret mon fils, mon unique espérance, dans une maison étrangère, de peur qu'on n'attente à sa vie ; car son père n'est pas là pour me défendre, et pour secourir son fils. Il est allé à Delphes expier une offense faite à Apollon, dans un moment de délire, où il vint demander au dieu vengeance du meur- 397 tre de son père (3). Il tâche aujourd'hui d'obtenir le pardon de sa faute, et de se rendre Apollon propice à l'avenir.

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Θεράπαινα.

Δέσποιν', ἐγώ τοι τοὔνομ' οὐ φεύγω τόδε
καλεῖν σ', ἐπείπερ καὶ κατ' οἶκον ἠξίουν
τὸν σόν, τὸ Τροίας ἡνίκ' ᾠκοῦμεν πέδον,
εὔνους δὲ καὶ σοὶ ζῶντί τ' ἦ τῷ σῷ πόσει,
καὶ νῦν φέρουσά σοι νέους ἥκω λόγους, 60
φόβῳ μέν, εἴ τις δεσποτῶν αἰσθήσεται,
οἴκτῳ δὲ τῷ σῷ· δεινὰ γὰρ βουλεύεται
Μενέλαος εἰς σὲ παῖς θ', ἅ σοι φυλακτέα.

Ἀνδρομάχη

Ὦ φιλτάτη σύνδουλε ̔σύνδουλος γὰρ εἶ
τῇ πρόσθ' ἀνάσσῃ τῇδε, νῦν δὲ δυστυχεῖ̓ 65
τί δρῶσι; ποίας μηχανὰς πλέκουσιν αὖ,
κτεῖναι θέλοντες τὴν παναθλίαν ἐμέ;

Θεράπαινα

Τὸν παῖδά σου μέλλουσιν, ὦ δύστηνε σύ,
κτείνειν, ὃν ἔξω δωμάτων ὑπεξέθου.
φροῦδος δ' ἐπ' αὐτὸν Μενέλεως δόμων ἄπο. 70

Ἀνδρομάχη

Οἴμοι· πέπυσται τὸν ἐμὸν ἔκθετον γόνον;
πόθεν ποτ'; ὦ δύστηνος, ὡς ἀπωλόμην.

Θεράπαινα

Οὐκ οἶδ', ἐκείνων δ' ᾐσθόμην ἐγὼ τάδε·

Ἀνδρομάχη

Ἀπωλόμην ἄρ'. Ὦ τέκνον, κτενοῦσί σε
δισσοὶ λαβόντες γῦπες· ὁ δὲ κεκλημένος 75
πατὴρ ἔτ' ἐν Δελφοῖσι τυγχάνει μένων.

Θεράπαινα

Δοκῶ γὰρ οὐκ ἂν ὧδέ σ' ἂν πράσσειν κακῶς
κείνου παρόντος· νῦν δ' ἔρημος εἶ φίλων.

Ἀνδρομάχη

Οὐδ' ἀμφὶ Πηλέως ἦλθεν ὡς ἥξοι φάτις;

Θεράπαινα

Γέρων ἐκεῖνος ὥστε σ' ὠφελεῖν παρών.

80 Ἀνδρομάχη

Καὶ μὴν ἔπεμψ' ἐπ' αὐτὸν οὐχ ἅπαξ μόνον.

Θεράπαινα

Μῶν οὖν δοκεῖς σου φροντίσαι τιν' ἀγγέλων;

Ἀνδρομάχη

Πόθεν; θέλεις οὖν ἄγγελος σύ μοι μολεῖν;

Θεράπαινα

Τί δῆτα φήσω χρόνιος οὖσ' ἐκ δωμάτων;

85 Ἀνδρομάχη

Πολλὰς ἂν εὕροις μηχανάς· γυνὴ γὰρ εἶ.

Θεράπαινα

Κίνδυνος· Ἑρμιόνη γὰρ οὐ σμικρὸν φύλαξ.

Ἀνδρομάχη

Ὁρᾷς; ἀπαυδᾷς ἐν κακοῖς φίλοισι σοῖς.

Θεράπαινα

Οὐ δῆτα· μηδὲν τοῦτ' ὀνειδίσῃς ἐμοί.
Ἀλλ' εἶμ', ἐπεί τοι κοὐ περίβλεπτος βίος
δούλης γυναικός, ἤν τι καὶ πάθω κακόν. 90

Ἀνδρομάχη

Χώρει νυν· ἡμεῖς δ', οἷσπερ ἐγκείμεσθ' ἀεὶ
θρήνοισι καὶ γόοισι καὶ δακρύμασι,
πρὸς αἰθέρ' ἐκτενοῦμεν· ἐμπέφυκε γὰρ
γυναιξὶ τέρψις τῶν παρεστώτων κακῶν
ἀνὰ στόμ' ἀεὶ καὶ διὰ γλώσσης ἔχειν. 95
Πάρεστι δ' οὐχ ἓν ἀλλὰ πολλά μοι στένειν,
πόλιν πατρῴαν τὸν θανόντα θ' Ἕκτορα
στερρόν τε τὸν ἐμὸν δαίμον' ᾧ συνεζύγην
δούλειον ἦμαρ εἰσπεσοῦσ' ἀναξίως.
Χρὴ δ' οὔποτ' εἰπεῖν οὐδέν' ὄλβιον βροτῶν,
πρὶν ἂν θανόντος τὴν τελευταίαν ἴδῃς 100
ὅπως περάσας ἡμέραν ἥξει κάτω.

Ἰλίῳ αἰπεινᾷ Πάρις οὐ γάμον ἀλλά τιν' ἄταν
ἀγάγετ' εὐναίαν εἰς θαλάμους Ἑλέναν.
Ἃς ἕνεκ', ὦ Τροία, δορὶ καὶ πυρὶ δηιάλωτον 105
εἷλέ σ' ὁ χιλιόναυς Ἑλλάδος ὀξὺς Ἄρης
καὶ τὸν ἐμὸν μελέας πόσιν Ἕκτορα, τὸν περὶ τείχη
εἵλκυσε διφρεύων παῖς ἁλίας Θέτιδος·
αὐτὰ δ' ἐκ θαλάμων ἀγόμαν ἐπὶ θῖνα θαλάσσας,
δουλοσύναν στυγερὰν ἀμφιβαλοῦσα κάρᾳ. 110
Πολλὰ δὲ δάκρυά μοι κατέβα χροός, ἁνίκ' ἔλειπον
ἄστυ τε καὶ θαλάμους καὶ πόσιν ἐν κονίαις.
Ὤμοι ἐγὼ μελέα, τί μ' ἐχρῆν ἔτι φέγγος ὁρᾶσθαι
Ἑρμιόνας δούλαν; ἇς ὕπο τειρομένα
πρὸς τόδ' ἄγαλμα θεᾶς ἱκέτις περὶ χεῖρε βαλοῦσα
τάκομαι ὡς πετρίνα πιδακόεσσα λιβάς. 115

56 L'ESCLAVE.

O ma maîtresse,... car je ne crains pas de t'appeler de ce nom, que je te donnais dans ton palais, quand nous habitions la terre troyenne, je te servis toujours avec zèle, ainsi que ton époux lorsqu'il vivait ; et maintenant je viens t'apporter des nouvelles, non sans crainte d'être découverte par quelqu'un de nos maîtres, mais pleine de compassion pour ton sort ; car Ménélas et sa fille trament contre toi des complots dont il faut te garder.

63 ANDROMAQUE.

Chère compagne de mon esclavage, car tu es l'égale de celle qui fut ta reine, et qui à présent partage ta misère, que font-ils? Quels pièges dressent-ils, pour ajouter la mort à toutes mes infortunes?

L'ESCLAVE.

Malheureuse, ils vont donner la mort à ton fils, que tu avais mis en sûreté hors du palais.

ANDROMAQUE.

Ah ! dieux ! la retraite de mon fils est découverte? Qui m'a trahie? Ah ! malheureuse, je meurs !

L'ESCLAVE.

Je ne sais; mais j'ai entendu le fait de leur propre bouche. Ménélas est sorti du palais pour chercher sa proie.

ANDROMAQUE.

Je suis perdue ! ô mon fils, deux vautours vont te sai- 398 sir et te tuer. Et celui que tu appelles ton père s'arrête encore à Delphes, loin de toi.!

L'ESCLAVE.

Je pense bien que tu ne serais pas si malheureuse, s'il était ici ; mais maintenant tu es sans défenseur.

ANDROMAQUE.

N'a-t-on pas de nouvelles de Pelée? dit-on s'il doit venir?

L'ESCLAVE.

il est trop vieux pour que sa présence pût te protéger.

ANDROMAQUE.

J'ai envoyé vers lui à plusieurs reprises.

L'ESCLAVE.

Crois-tu donc qu'aucuns de ces messagers se soucient de toi?

ANDROMAQUE.

D'où vient? Veux-tu donc te charger toi-même de mon message?

L'ESCLAVE.

Que dirai-je pour excuser ma longue absence?

ANDROMAQUE.

Tu trouveras bien des prétextes; car tu es femme.

L'ESCLAVE.

Il y va de ma vie ; car Hermione est vigilante.

ANDROMAQUE.

Abandonnes-tu tes amis dans la détresse ?

L'ESCLAVE.

Non certes ; ne me fais point de reproche. Je pars; la vie d'une pauvre esclave n'est pas si précieuse, dût-il m'arriver malheur.

91 ANDROMAQUE.

Va donc : pour moi, toujours baignée de larmes, je 399 ferai retentir les airs de mes gémissements et de mes sanglots ; car c'est pour les femmes une consolation dans leurs maux, de les avoir toujours à la bouche. Et j'ai plus d'un sujet de gémir : la ruine de ma patrie, la mort d'Hector, et la cruelle destinée qui m'enchaîne, et m'a fait tomber dans une indigne servitude. Il ne faut jamais appeler aucun mortel heureux, avant d'avoir vu comment, à son dernier jour, il descendra aux enfers (4).

(5) Ce n'était pas une épouse, mais une furie, que Paris conduisit à Ilion, lorsqu'il emmena Hélène pour partager sa couche. C'est à cause d'elle, ô Troie, que le terrible Mars vint de la Grèce, avec mille vaisseaux, porter le fer et la flamme dans tes murs ; c'est à cause d'elle qu'il fit périr Hector, que le fils de Thétis traîna attaché à son char, autour des murailles (6) ; et que du lit de mon époux je fus conduite sur le rivage, couverte du voile odieux des captives. Bien des larmes coulèrent de mes yeux, quand il fallut quitter et la ville, et ma couche nuptiale, et mon époux étendu sur la poussière ! Infortunée! que me servait de voir encore le jour, pour devenir l'esclave d'Hermione? Victime de sa cruauté, j'entoure de mes mains suppliantes la statue de la déesse, 400 consumée par la douleur, comme la source qui coule goutte à goutte d'un rocher.

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Χορός

Ὧ γύναι, ἃ Θέτιδος δάπεδον καὶ ἀνάκτορα θάσσεις
δαρὸν οὐδὲ λείπεις,
Φθιὰς ὅμως ἔμολον ποτὶ σὰν Ἀσιήτιδα γένναν,
εἴ τί σοι δυναίμαν 120
ἄκος τῶν δυσλύτων πόνων τεμεῖν,
οἳ σὲ καὶ Ἑρμιόναν ἔριδι στυγερᾷ συνέκλῃσαν,
τλᾶμον, ἀμφὶ λέκτρων
διδύμων, ἐπίκοινον ἔχουσαν
ἄνδρα, παῖδ' Ἀχιλλέως. 125

Γνῶθι τύχαν, λόγισαι τὸ παρὸν κακὸν εἰς ὅπερ ἥκεις.
Δεσπόταις ἁμιλλᾷ
Ἰλιὰς οὖσα κόρα Λακεδαίμονος ἐγγενέτῃσιν;
λεῖπε δεξίμηλον
δόμον τᾶς ποντίας θεοῦ. Τί σοι 130
καιρὸς ἀτυζομένᾳ δέμας αἰκέλιον καταλείβειν
δεσποτᾶν ἀνάγκαις;
τὸ κρατοῦν δέ σ' ἔπεισι. τί μόχθον
οὐδὲν οὖσα μοχθεῖς;

Ἀλλ' ἴθι λεῖπε θεᾶς Νηρηίδος ἀγλαὸν ἕδραν, 135
γνῶθι δ' οὖσ' ἐπὶ ξένας
δμωὶς ἐπ' ἀλλοτρίας
πόλεος, ἔνθ' οὐ φίλων τιν' εἰσορᾷς
σῶν, ὦ δυστυχεστάτα,
< ὦ> παντάλαινα νύμφα.140

Οἰκτροτάτα γὰρ ἔμοιγ' ἔμολες, γύναι Ἰλιάς, οἴκους
δεσποτᾶν ἐμῶν· φόβῳ δ'
ἡσυχίαν ἄγομεν
 ̔Τὸ δὲ σὸν οἴκτῳ φέρουσα τυγχάνω' 
μὴ παῖς τᾶς Διὸς κόρας 145
σοί μ' εὖ φρονοῦσαν εἰδῇ.
 

116 LE CHOEUR.

Ô femme, réfugiée sur le sol consacré à Thétis, et dans ce temple que tu ne quittes pas depuis longtemps, quoique Phthie m'ait vu naître, je viens vers toi, malheureuse fille de l'Asie, pour chercher quelque remède aux maux irréparables qui ont suscité entre Hermione et toi une discorde haineuse, au sujet du lit de Pyrrhus, que tu partages avec elle.

Songe au triste sort auquel tu es réduite. Combattras-tu contre tes maîtres, une captive troyenne contre les filles de Lacédémone? Abandonne ce temple, où nous offrons nos sacrifices à la déesse. Que sert de te consumer dans la douleur, et de t'exposer aux violences des maîtres? La force te soumettra. Pourquoi vouloir lutter, toi qui n'es rien?

Allons, quitte la brillante demeure delà fille de Nérée; songe que tu es esclave sur une terre étrangère, dans une ville étrangère, où tu ne vois aucun de tes amis, ô infortunée, ô déplorable épouse !

Je me sens émue de pitié, ô Troyenne, en te voyant parmi nous; mais la crainte que m'inspirent mes maîtres m'arrête ; et je me borne à plaindre ton sort, dans la crainte que la fille d'Hélène ne découvre l'affection que tu m'inspires.

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Ἑρμιόνη

κόσμον μὲν ἀμφὶ κρατὶ χρυσέας χλιδῆς
στολμόν τε χρωτὸς τόνδε ποικίλων πέπλων
οὐ τῶν Ἀχιλλέως οὐδὲ Πηλέως ἄπο
δόμων ἀπαρχὰς δεῦρ' ἔχουσ' ἀφικόμην, 150
ἀλλ' ἐκ Λακαίνης Σπαρτιάτιδος χθονὸς
Μενέλαος ἡμῖν ταῦτα δωρεῖται πατὴρ
πολλοῖς σὺν ἕδνοις, ὥστ' ἐλευθεροστομεῖν.
[ὑμᾶς μὲν οὖν τοῖσδ' ἀνταμείβομαι λόγοις.]
σὺ δ' οὖσα δούλη καὶ δορίκτητος γυνὴ 155
δόμους κατασχεῖν ἐκβαλοῦσ' ἡμᾶς θέλεις
τούσδε, στυγοῦμαι δ' ἀνδρὶ φαρμάκοισι σοῖς,
νηδὺς δ' ἀκύμων διὰ σέ μοι διόλλυται·
δεινὴ γὰρ ἠπειρῶτις εἰς τὰ τοιάδε
ψυχὴ γυναικῶν· ὧν ἐπισχήσω σ' ἐγώ, 160
κοὐδέν σ' ὀνήσει δῶμα Νηρῇδος τόδε,
οὐ βωμὸς οὐδὲ ναός, ἀλλὰ κατθανῇ.
ἢν δ' οὖν βροτῶν τίς σ' ἢ θεῶν σῷσαι θέλῃ,
δεῖ σ' ἀντὶ τῶν πρὶν ὀλβίων φρονημάτων
πτῆξαι ταπεινὴν προσπεσεῖν τ' ἐμὸν γόνυ, 165
σαίρειν τε δῶμα τοὐμὸν ἐκ χρυσηλάτων
τευχέων χερὶ σπείρουσαν Ἀχελῴου δρόσον,
γνῶναί θ' ἵν' εἶ γῆς. οὐ γάρ ἐσθ' Ἕκτωρ τάδε,
οὐ Πρίαμος οὐδὲ χρυσός, ἀλλ' Ἑλλὰς πόλις.
εἰς τοῦτο δ' ἥκεις ἀμαθίας, δύστηνε σύ, 170
ἣ παιδὶ πατρός, ὃς σὸν ὤλεσεν πόσιν,
τολμᾷς ξυνεύδειν καὶ τέκν' αὐθεντῶν πάρα
τίκτειν. τοιοῦτον πᾶν τὸ βάρβαρον γένος·
πατήρ τε θυγατρὶ παῖς τε μητρὶ μείγνυται
κόρη τ' ἀδελφῷ, διὰ φόνου δ' οἱ φίλτατοι 175
χωροῦσι, καὶ τῶνδ' οὐδὲν ἐξείργει νόμος.
ἃ μὴ παρ' ἡμᾶς εἴσφερ'· οὐδὲ γὰρ καλὸν
δυοῖν γυναικοῖν ἄνδρ' ἕν' ἡνίας ἔχειν,
ἀλλ' εἰς μίαν βλέποντες εὐναίαν Κύπριν
στέργουσιν, ὅστις μὴ κακῶς οἰκεῖν θέλει. 180
 

147 HERMIONE.

Ces parures d'or qui brillent sur ma tété, ces riches vêtements, ces tissus précieux dont je suis couverte, ne sont point les richesses de la maison d'Achille ou de Pé- 401 lée ; mais je les ai apportés de la terre de Sparte ; Ménélas, mon père, me les a donnés avec une dot magnifique : j'ai donc le droit de parler librement. Telle est donc la réponse que j'ai à vous faire (7) Et toi, esclave et captive, tu voudrais me chasser de ce palais, pour y être maîtresse ; tu me rends par tes maléfices odieuse à mon époux, et tu as frappé mon sein de stérilité. L'esprit des femmes de l'Asie est habile dans ces arts funestes ; mais je réprimerai ton audace. Ni la demeure de la Néréide, ni ce temple, ni cet autel, ne te protégeront ; mais tu mourras. Et si quelqu'un des mortels ou des dieux veut sauver tes jours, il te faudra, au lieu de cet ancien orgueil si hautain, prendre des sentiments plus humbles, trembler, tomber âmes genoux, balayer ma maison, répandre des vases d'or la rosée d'Acbéloüs (8), et connaître où tu es : car il n'y a plus ici ni Hector, ni Priam, ni opulence, mais une ville grecque. Malheureuse, tu en viens à ce point d'égarement, d'oser entrer dans le lit de celui dont le père a tué ton époux, et avoir des enfants d'un meurtrier ! Telles sont les mœurs des Barbares : le père couche avec la fille, le fils avec la mère, le frère avec la sœur ; les plus chers amis s'entre-égorgent ; la loi ne défend aucun de ces crimes. Mais ne t'avise pas de les introduire chez nous : il n'est pas honnête qu'un seul homme tienne deux femmes sous ses lois (9) ; mais celui-là doit se contenter d'une seule compagne, qui veut avoir une maison bien gouvernée.

Χορός

Ἐπίφθονόν τοι χρῆμα θηλείας φρενὸς
καὶ ξυγγάμοισι δυσμενὲς μάλιστ' ἀεί.

Ἀνδρομάχη

Φεῦ φεῦ·
κακόν γε θνητοῖς τὸ νέον ἔν τε τῷ νέῳ
τὸ μὴ δίκαιον ὅστις ἀνθρώπων ἔχει. 185
Ἐγὼ δὲ ταρβῶ μὴ τὸ δουλεύειν μέ σοι
λόγων ἀπώσῃ πόλλ' ἔχουσαν ἔνδικα,
ἢν δ' αὖ κρατήσω, μὴ 'πὶ τῷδ' ὄφλω βλάβην·
οἱ γὰρ πνέοντες μεγάλα τοὺς κρείσσους λόγους
πικρῶς φέρουσι τῶν ἐλασσόνων ὕπο· 190
ὅμως δ' ἐμαυτὴν οὐ προδοῦσ' ἁλώσομαι.
Εἴπ', ὦ νεᾶνι, τῷ σ' ἐχεγγύῳ λόγῳ
πεισθεῖσ' ἀπωθῶ γνησίων νυμφευμάτων;
[ὡς ἡ Λάκαινα τῶν Φρυγῶν μείων πόλις,
τύχῃ θ' ὑπερθεῖ, κἄμ' ἐλευθέραν ὁρᾷς;] 195
Ποτερον ἵν' αὐτὴ παῖδας ἀντὶ σοῦ τέκω
δούλους ἐμαυτῇ τ' ἀθλίαν ἐφολκίδα;
ἢ τῷ νέῳ τε καὶ σφριγῶντι σώματι
πόλεως τε μεγέθει καὶ φίλοις ἐπηρμένη
οἶκον κατασχεῖν τὸν σὸν ἀντὶ σοῦ θέλω; 200
Ἢ τοὺς ἐμούς τις παῖδας ἐξανέξεται
Φθίας τυράννους ὄντας, ἢν σὺ μὴ τέκῃς;
φιλοῦσι γάρ μ' Ἕλληνες Ἕκτορός τ' ἄπο
< Πάριδός τε, κείνων τοῦ τ' ἐμοῦ κηδεύματος,>
αὐτή τ' ἀμαυρὰ κοὐ τύραννος ἦ Φρυγῶν;
οὐκ ἐξ ἐμῶν σε φαρμάκων στυγεῖ πόσις, 205
ἀλλ' εἰ ξυνεῖναι μὴ 'πιτηδεία κυρεῖς.
Φίλτρον δὲ καὶ τόδ'· οὐ τὸ κάλλος, ὦ γύναι,
ἀλλ' ἁρεταὶ τέρπουσι τοὺς ξυνευνέτας.
Σὺ δ' ἤν τι κνισθῇς, ἡ Λάκαινα μὲν πόλις
μέγ' ἐστί, τὴν δὲ Σκῦρον οὐδαμοῦ τίθης· 210
πλουτεῖς δ' ἐν οὐ πλουτοῦσι· Μενέλεως δέ σοι
μείζων Ἀχιλλέως. Ταῦτά τοί σ' ἔχθει πόσις.
Χρὴ γὰρ γυναῖκα, κἂν κακῷ πόσει δοθῇ,
στέργειν, ἅμιλλάν τ' οὐκ ἔχειν φρονήματος.
Εἰ δ' ἀμφὶ Θρῄκην τὴν χιόνι κατάρρυτον 215
τύραννον ἔσχες ἄνδρ', ἵν' ἐν μέρει λέχος
δίδωσι πολλαῖς εἷς ἀνὴρ κοινούμενος,
ἔκτεινας ἂν τάσδ'; εἶτ' ἀπληστίαν λέχους
πάσαις γυναιξὶ προστιθεῖσ' ἂν ηὑρέθης.
Αἰσχρόν γε· καίτοι χείρον' ἀρσένων νόσον 220
ταύτην νοσοῦμεν, ἀλλὰ προστῶμεν καλῶς.
Ὦ φίλταθ' Ἕκτορ, ἀλλ' ἐγὼ τὴν σὴν χάριν
σοὶ καὶ ξυνήρων, εἴ τί σε σφάλλοι Κύπρις,
καὶ μαστὸν ἤδη πολλάκις νόθοισι σοῖς
ἐπέσχον, ἵνα σοι μηδὲν ἐνδοίην πικρόν. 225
Καὶ ταῦτα δρῶσα τῇ ἀρετῇ προσηγόμην
πόσιν· σὺ δ' οὐδὲ ῥανίδ' ὑπαιθρίας δρόσου
τῷ σῷ προσίζειν ἀνδρὶ δειμαίνουσ' ἐᾷς.
Μὴ τὴν τεκοῦσαν τῇ φιλανδρίᾳ, γύναι,
ζήτει παρελθεῖν· τῶν κακῶν γὰρ μητέρων 230
φεύγειν τρόπους χρὴ τέκν', ὅσοις ἔνεστι νοῦς.

402 181 LE CHOEUR.

La jalousie est la passion des femmes : toujours elles haïssent celles qui partagent avec elles le lit de leur époux.

183 ANDROMAQUE.

Hélas ! hélas ! la jeunesse est un mal pour les mortels, et dans la jeunesse l'injustice. Pour moi, je crains que ma qualité d'esclave ne fasse tort à mes raisons, quoique j'en aie beaucoup de bonnes à dire, et que si, au contraire, j'ai raison, je n'en sois que plus maltraitée ; car l'orgueil des grands supporte impatiemment la supériorité des petits. Mais je n'aurai pas la faiblesse de me trahir moi-même. Dis-moi, jeune femme, à quel titre pourrais-je te disputer les droits d'un hymen légitime? Serait-ce que la ville de Lacédémone est inférieure à celle des Phrygiens, ou que ma fortune efface la tienne, et que ma liberté te fait envie? Est-ce l'éclat de ma jeunesse et de ma beauté? est-ce la grandeur de ma patrie et le crédit de mes nombreux amis, qui m'enfle le cœur, et m'inspire le désir de régner à ta place? Serait-ce pour donner le jour à des enfants esclaves, nouveau surcroît de misère pour moi? Ou bien souffrira-t-on que mes fils soient rois de Phthie, à défaut des tiens? En. effet, les Grecs me chérissent! et par le nom d'Hector, et par moi-même, je leur suis inconnue ; ils ignorent qu'Andromaque fut reine des Phrygiens. Ce ne sont pas mes maléfices qui te font haïr de ton époux ; mais tu ne sais pas lui rendre ton commerce agréable. Le véritable philtre, le voici : ce n'est pas la beauté, ce sont les vertus qui plaisent aux maris. Mais toi, si quelque chose te blesse, tu parles avec emphase de la grandeur de Lacédémone, et de Scyros avec dédain; tu 403 étales ta richesse parmi des pauvres ; Ménélas est à tes yeux plus grand qu'Achille : voilà ce qui te rend odieuse à ton époux. Une femme, fût-elle unie à un méchant époux, doit chercher à lui plaire, et ne pas lutter avec lui d'arrogance. Si tu avais eu pour époux quelque roi de la Thrace, pays couvert de neige, où le même homme fait tour à tour partager sa couche à plusieurs femmes, tu les aurais donc tuées ? et, par les excès d'une passion insatiable, tu aurais déshonoré toutes les femmes? Si cette passion fermente en nous avec plus de violence que chez les hommes, du moins nous la réglons avec décence. O cher Hector, si Vénus t'inspira quelque faiblesse, j'aimais, à cause de toi, les femmes que tu aimais ; souvent même je présentai mon sein aux enfants qu'une autre mère t'avait donnés, pour ne te faire sentir aucune amertume. En agissant ainsi, je gagnais, par ma douceur, le cœur de mon époux. Mais toi, dans ta crainte jalouse, tu ne souffres pas même qu'une goutte de rosée céleste approche de ton époux. Femme, prends garde de surpasser en impudicité celle qui fa donné le jour : les enfants sensés doivent fuir l'exemple d'une mère vicieuse.

Χορός

Δέσποιν', ὅσον σοι ῥᾳδίως παρίσταται,
τοσόνδε πείθου τῇδε συμβῆναι λόγοις.

Ἑρμιόνη

Τί σεμνομυθεῖς κἀς ἀγῶν' ἔρχῃ λόγων,
ὡς δὴ σὺ σώφρων, τἀμὰ δ' οὐχὶ σώφρονα; 235

Ἀνδρομάχη

Οὔκουν ἐφ' οἷς γε νῦν καθέστηκας λόγοις;

Ἑρμιόνη

Ὁ νοῦς ὁ σός μοι μὴ ξυνοικοίη, γύναι.

Ἀνδρομάχη

Νέα πέφυκας καὶ λέγεις αἰσχρῶν πέρι.

240 Ἑρμιόνη

Σὺ δ' οὐ λέγεις γε, δρᾷς δέ μ' εἰς ὅσον δύνᾳ.

Ἀνδρομάχη

Οὐκ αὖ σιωπῇ Κύπριδος ἀλγήσεις πέρι;

Ἑρμιόνη

Τί δ'; Οὐ γυναιξὶ ταῦτα πρῶτα πανταχοῦ;

Ἀνδρομάχη

< >

Ἑρμιόνη 

< >

Ἀνδρομάχη

Καλῶς γε χρωμέναισιν· εἰ δὲ μή, οὐ καλά.

Ἑρμιόνη

Οὐ βαρβάρων νόμοισιν οἰκοῦμεν πόλιν.

Ἀνδρομάχη

Κἀκεῖ τά γ' αἰσχρὰ κἀνθάδ' αἰσχύνην ἔχει.

245Ἑ ρμιόνη

Σοφὴ σοφὴ σύ· κατθανεῖν δ' ὅμως σε δεῖ.

Ἀνδρομάχη

Ὁρᾷς ἄγαλμα Θέτιδος εἰς σ' ἀποβλέπον;

Ἑρμιόνη

Μισοῦν γε πατρίδα σὴν Ἀχιλλέως φόνῳ.

Ἀνδρομάχη

Ἑλένη νιν ὤλεσ', οὐκ ἐγώ, μήτηρ γε σή.

Ἑρμιόνη

Ἦ καὶ πρόσω γὰρ τῶν ἐμῶν ψαύσεις κακῶν;

250 Ἀνδρομάχη

Ἰδοὺ σιωπῶ κἀπιλάζυμαι στόμα.

Ἑρμιόνη

Ἐκεῖνο λέξον, οὗπερ εἵνεκ' ἐστάλην.

Ἀνδρομάχη

Λέγω σ' ἐγὼ νοῦν οὐκ ἔχειν ὅσον σε δεῖ.

Ἑρμιόνη

Λείψεις τόδ' ἁγνὸν τέμενος ἐναλίας θεοῦ;

Ἀνδρομάχη

Εἰ μὴ θανοῦμαί γ'· εἰ δὲ μή, οὐ λείψω ποτέ.

255 Ἑρμιόνη

Ὡς τοῦτ' ἄραρε, κοὐ μενῶ πόσιν μολεῖν.

Ἀνδρομάχη

Ἀλλ' οὐδ' ἐγὼ μὴν πρόσθεν ἐκδώσω μέ σοι.

Ἑρμιόνη

Πῦρ σοι προσοίσω, κοὐ τὸ σὸν προσκέψομαι.

Ἀνδρομάχη

Σὺ δ' οὖν κάταιθε· θεοὶ γὰρ εἴσονται τάδε.

Ἑρμιόνη

Καὶ χρωτὶ δεινῶν τραυμάτων ἀλγηδόνας.

260 Ἀνδρομάχη

Σφάζ', αἱμάτου θεᾶς βωμόν, ἣ μέτεισί σε.

Ἑρμιόνη

Ὦ βάρβαρον σὺ θρέμμα καὶ σκληρὸν θράσος,
ἐγκαρτερεῖς δὴ θάνατον; ἀλλ' ἐγώ σ' ἕδρας
ἐκ τῆσδ' ἑκοῦσαν ἐξαναστήσω τάχα·
τοιόνδ' ἔχω σου δέλεαρ. Ἀλλὰ γὰρ λόγους
κρύψω, τὸ δ' ἔργον αὐτὸ σημανεῖ τάχα. 265
Κάθησ' ἑδραία· καὶ γὰρ εἰ πέριξ σ' ἔχοι
τηκτὸς μόλυβδος, ἐξαναστήσω σ' ἐγὼ
πρὶν ᾧ πέποιθας παῖδ' Ἀχιλλέως μολεῖν.

Ἀνδρομάχη

Πέποιθα. Δεινὸν δ' ἑρπετῶν μὲν ἀγρίων
ἄκη βροτοῖσι θεῶν καταστῆσαί τινα· 270
ὃ δ' ἔστ' ἐχίδνης καὶ πυρὸς περαιτέρω
οὐδεὶς γυναικὸς φάρμακ' ἐξηύρηκέ πω
[κακῆς· τοσοῦτόν ἐσμεν ἀνθρώποις κακόν].
 

232 LE CHOEUR.

Reine, autant que la chose t'est possible, suis mes conseils, et réconcilie-toi avec Andromaque.

HERMIONE.

D'où vient ce langage arrogant ? Oses-tu te mesurer en paroles avec moi, comme si toi seule étais chaste et que je ne le fusse pas ?

ANDROMAQUE.

Ce n'est pas du moins dans le langage que tu viens de tenir.

404 HERMIONE.

Que jamais, femme, ton esprit n'habite en moi (10) !

ANDROMAQUE .

Tu es jeune, et tu offenses la pudeur dans tes paroles!

HERMIONE.

Pour toi, ce n'est pas dans tes paroles, mais dans tes actions, qui me blessent autant qu'il est en toi.

ANDROMAQUE.

Ne peux-tu souffrir en silence les douleurs que te cause l'amour?

HERMIONE.

Eh quoi ! n'est-ce pas là le plus précieux des biens pour les femmes?

ANDROMAQUE.

Oui, lorsque la pudeur le règle ; sinon, c'est un opprobre.

HERMIONE.

Notre ville ne se gouverne pas par les lois des Barbares.

ANDROMAQUE.

Ce qui est une honte chez les Barbares n'est pas moins honteux chez les Grecs.

HERMIONE.

Tu raisonnes bien, oh ! très bien ; mais tu n'en mourras pas moins.

ANDROMAQUE.

Vois-tu la statue de Thétis qui tourne sur toi ses regards?

405 HERMIONE.

Elle déteste ta patrie, à cause du meurtre d'Achille.

ANDROMAQUE.

C'est Hélène, c'est ta mère qui a causé sa mort, et non pas moi.

HERMIONE.

Pousseras-tu plus loin tes outrages contre moi?

ANDROMAQUE.

Je me tais, je tiens ma bouche fermée.

HERMIONE.

Réponds enfin sur l'objet qui m'amène.

ANDROMAQUE.

Je dis que tes sentiments ne sont pas ce qu'ils devraient être.

HERMIONE.

Enfin, quitteras-tu ce temple saint de la déesse de la mer?

ANDROMAQUE.

La mort seule pourra m'en arracher.

HERMIONE.

La résolution en est prise, je n'attendrai pas le retour de mon époux.

ANDROMAQUE.

Ni moi non plus, jusque-là, je ne me livrerai pas à toi.

HERMIONE.

Je t'y contraindrai, en employant le feu (11) sans m'inquiéter de toi.

ANDROMAQUE.

Allume donc l'incendie : les dieux en seront témoins.

406 HERMIONE.

Et je laisserai sur ton corps de cuisantes blessures.

ANDROMAQUE.

Immole-moi, ensanglante l'autel de la déesse ; elle saura t'en punir.

261 HERMIONE.

Ô race barbare, audace intraitable, tu veux braver la mort? Va, je sais le moyen de te faire quitter de bon gré ton asile : je possède un appât puissant sur toi : mais couvrons mes paroles ; les faits parleront bientôt. Demeure ferme à ton poste ; quand tu serais attachée de toutes parts avec du plomb fondu (12), je saurai t'en arracher avant le retour du Ris d'Achille, en qui tu mets ta confiance.

268 ANDROMAQUE.

Oui, je mets en lui ma confiance. Chose étrange ! les dieux ont donné aux mortels des remèdes contre la morsure des serpents, et personne n'en a encore trouvé contre une méchante femme, pire que la vipère et que le feu, tant nous sommes un fléau pour les hommes !

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Χορός

Ἦ μεγάλων ἀχέων ἄρ' ὑπῆρξεν, ὅτ' Ἰδαίαν
ἐς νάπαν ἦλθ' ὁ Μαί- 275
ας τε καὶ Διὸς τόκος,
τρίπωλον ἅρμα δαιμόνων
ἄγων τὸ καλλιζυγές,
ἔριδι στυγερᾷ κεκορυθμένον εὐμορφίας
σταθμοὺς ἔπι βούτας, 280
βοτῆρά τ' ἀμφὶ μονότροπον νεανίαν
ἔρημόν θ' ἑστιοῦχον αὐλάν.

Ταὶ δ' ἐπεὶ ὑλόκομον νάπος ἤλυθον οὐρειᾶν
πιδάκων νίψαν αἰ-
γλᾶντα σώματα ῥοαῖς, 285
ἔβαν δὲ Πριαμίδαν ὑπερ-
βολαῖς λόγων δυσφρόνων
παραβαλλόμεναι, δολίοις δ' ἕλε Κύπρις λόγοις,
τερπνοῖς μὲν ἀκοῦσαι,
πικρὰν δὲ σύγχυσιν βίου Φρυγῶν πόλει
ταλαίνᾳ περγάμοις τε Τροίας. 290

Ἀλλ' εἴθ' ὑπὲρ κεφαλὰν ἔβαλεν κακὸν
ἁ τεκοῦσά νιν μόρον
πρὶν Ἰδαῖον κατοικίσαι λέπας,
ὅτε νιν παρὰ θεσπεσίῳ δάφνᾳ 295
βόασε Κασάνδρα κτανεῖν,
μεγάλαν Πριάμου πόλεως λώβαν.
τίν' οὐκ ἐπῆλθε, ποῖον οὐκ ἐλίσσετο
δαμογερόντων βρέφος φονεύειν;

Οὔτ' ἂν ἐπ' Ἰλιάσι ζυγὸν ἤλυθε 300
δούλιον, σύ τ' ἂν γύναι,
τυράννων ἔσχες ἂν δόμων ἕδρας·
παρέλυσε δ' ἂν Ἑλλάδος ἀλγεινοὺς
οὓς ἀμφὶ Τρωίαν πόνους
δεκέτεις ἀλάληντο νέοι λόγχαις. 305
Λέχη τ' ἔρημ' ἂν οὔποτ' ἐξελείπετο,
καὶ τεκέων ὀρφανοὶ γέροντες.

 

274 LE CHOEUR.

Certes, le fils de Jupiter et de Maïa fut l'auteur de bien des maux, lorsqu'il vint dans le bois de l'Ida, conduisant le char brillant des trois déesses, armées pour le funeste combat de la beauté, vers un jeune berger solitaire, dans sa retraite déserte.

Arrivées dans le bocage touffu, les déesses lavèrent leurs beaux corps dans l'eau des sources des montagnes ; 407 et elles allèrent trouver le fils de Priam, en se lançant tour à tour des paroles blessantes. Vénus vainquit par son langage artificieux, qui charme les oreilles, mais amer à la malheureuse ville des Phrygiens, qui en fut victime, et vit ses tours détruites.

Plût au ciel qu'elle eût jeté ce fléau par-dessus sa tête (13) celle qui jadis enfanta Paris, avant qu'il pût habiter les riants coteaux de l'Ida, lorsque Cassandre, auprès du laurier prophétique, s'écriait qu'il fallait faire périr le destructeur de la ville de Priam! A qui ne s'adressa-t-elle pas? auquel des chefs du peuple ne demanda-t-elle pas la mort de l'enfant fatal ?

Les malheureuses Troyennes n'auraient pas subi le joug de la servitude ; et toi, femme, tu n'habiterais pas la maison d'un maître ; la Grèce n'aurait pas eu à souffrir les pénibles travaux que, pendant dix années, ses jeunes guerriers errants affrontèrent sous les murs d'Ilion ; tant d'épouses ne seraient pas restées abandonnées, ni tant de vieillards privés de leurs enfants.

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Μενέλαος

ἥκω λαβὼν σὸν παῖδ', ὃν εἰς ἄλλους δόμους
λάθρᾳ θυγατρὸς τῆς ἐμῆς ὑπεξέθου.
Σὲ μὲν γὰρ ηὔχεις θεᾶς βρέτας σῴσειν τόδε, 310
τοῦτον δὲ τοὺς κρύψαντας· ἀλλ' ἐφηυρέθης
ἧσσον φρονοῦσα τοῦδε Μενέλεω, γύναι.
Κεἰ μὴ τόδ' ἐκλιποῦσ' ἐρημώσεις πέδον,
ὅδ' ἀντὶ τοῦ σοῦ σώματος σφαγήσεται.
Ταῦτ' οὖν λογίζου, πότερα κατθανεῖν θέλεις 315
ἢ τόνδ' ὀλέσθαι σῆς ἁμαρτίας ὕπερ,
ἣν εἰς ἔμ' εἴς τε παῖδ' ἐμὴν ἁμαρτάνεις.

Ἀνδρομάχη

Ὦ δόξα δόξα, μυρίοισι δὴ βροτῶν
οὐδὲν γεγῶσι βίοτον ὤγκωσας μέγαν.
[Εὔκλεια δ' οἷς μὲν ἔστ' ἀληθείας ὕπο, 320
εὐδαιμονίζω· τοὺς δ' ὑπὸ ψευδῶν, ἔχειν
οὐκ ἀξιώσω, πλὴν τύχῃ φρονεῖν δοκεῖν.]
Σὺ δὴ στρατηγῶν λογάσιν Ἑλλήνων ποτὲ
Τροίαν ἀφείλου Πρίαμον, ὧδε φαῦλος ὤν;
ὅστις θυγατρὸς ἀντίπαιδος ἐκ λόγων 325
τοσόνδ' ἔπνευσας, καὶ γυναικὶ δυστυχεῖ
δούλῃ κατέστης εἰς ἀγῶν'; οὐκ ἀξιῶ
οὔτ' οὖν σὲ Τροίας οὔτε σοῦ Τροίαν ἔτι.
[Ἔξωθέν εἰσιν οἱ δοκοῦντες εὖ φρονεῖν
λαμπροί, τὰ δ' ἔνδον πᾶσιν ἀνθρώποις ἴσοι, 330
πλὴν εἴ τι πλούτῳ· τοῦτο δ' ἰσχύει μέγα.
Μενέλαε, φέρε δὴ διαπεράνωμεν λόγους·
τέθνηκα τῇ σῇ θυγατρὶ καί μ' ἀπώλεσε·
μιαιφόνον μὲν οὐκέτ' ἂν φύγοι μύσος.
Ἐν τοῖς δὲ πολλοῖς καὶ σὺ τόνδ' ἀγωνιῇ 335
φόνον· τὸ συνδρῶν γάρ σ' ἀναγκάσει χερός.
Ἢν δ' οὖν ἐγὼ μὲν μὴ θανεῖν ὑπεκδράμω,
τὸν παῖδά μου κτενεῖτε; κᾆτα πῶς πατὴρ
τέκνου θανόντος ῥᾳδίως ἀνέξεται;
οὐχ ὧδ' ἄνανδρον αὐτὸν ἡ Τροία καλεῖ· 340
ἀλλ' εἶσιν οἷ χρή, Πηλέως γὰρ ἄξια
πατρός τ' Ἀχιλλέως ἔργα δρῶν φανήσεται
ὤσει δὲ σὴν παῖδ' ἐκ δόμων· σὺ δ' ἐκδιδοὺς
ἄλλῳ τί λέξεις; πότερον ὡς κακὸν πόσιν
φεύγει τὸ ταύτης σῶφρον; ἀλλ' οὐ πείσεται. 345
Γαμεῖ δὲ τίς νιν; ἤ σφ' ἄνανδρον ἐν δόμοις
χήραν καθέξεις πολιόν; ὦ τλήμων ἀνήρ,
κακῶν τοσούτων οὐχ ὁρᾷς ἐπιρροάς;
πόσας ἂν εὐνὰς θυγατέρ' ἠδικημένην
βούλοι' ἂν εὑρεῖν ἢ παθεῖν ἁγὼ λέγω;] 350

Οὐ χρὴ 'πὶ μικροῖς μεγάλα πορσύνειν κακὰ
οὐδ', εἰ γυναῖκές ἐσμεν ἀτηρὸν κακόν,
ἄνδρας γυναιξὶν ἐξομοιοῦσθαι φύσιν.
Ἡμεῖς γὰρ εἰ σὴν παῖδα φαρμακεύομεν
καὶ νηδὺν ἐξαμβλοῦμεν, ὡς αὕτη λέγει, 355
-- κόντες οὐκ ἄκοντες, οὐδὲ βώμιοι
πίτνοντες, αὐτοὶ τὴν δίκην ὑφέξομεν
ἐν σοῖσι γαμβροῖς, οἷσιν οὐκ ἐλάσσονα
βλάβην ὀφείλω προστιθεῖσ' ἀπαιδίαν.
Ἡμεῖς μὲν οὖν τοιοίδε· τῆς δὲ σῆς φρενὸς 360
ἕν σου δέδοικα· διὰ γυναικείαν ἔριν
καὶ τὴν τάλαιναν ὤλεσας Φρυγῶν πόλιν.

308 MÉNÉLAS, portant le jeune Molosse.

Je ramène ce fils, que tu avais caché dans une maison étrangère, à l'insu de ma fille ; tu croyais tes jours en sûreté, à l'abri de cette image de la déesse, et ceux de ton fils dans l'asile qui l'avait reçu : mais tu t'es trouvée moins prudente que Ménélas. Si tu ne quittes cette retraite, nous l'immolerons à ta place : choisis donc de 408  mourir toi-même, ou de voir la mort de ton fils expier tes offenses envers moi et envers ma fille.

318 ANDROMAQUE.

O opinion, opinion, à une foule de mortels, qui réellement ne sont rien, tu donnes une brillante apparence. Ceux dont la bonne renommée repose sur là vérité, je les estime heureux ; mais ceux dont la renommée repose sur le mensonge, je ne leur reconnais d'autre mérite que de devoir au hasard la réputation de sages. Est-ce donc toi qui, jadis commandant l'élite des Grecs, as enlevé la ville de Troie à Priam, tout lâche que tu es? toi qui, sur les discours de ta fille, encore presque enfant, étales des sentiments si fiers, et qui entres en lutte avec une malheureuse femme, avec une esclave! Non, tu n'étais pas un ennemi digne de Troie ; et Troie méritait un autre vainqueur que toi. Tels, avec une apparence de sagesse, sont brillants au dehors, mais au dedans ils ressemblent au vulgaire des hommes, si ce n'est par la fortune, dont la puissance est grande. Voyons, Ménélas, terminons cet entretien. Que je périsse victime de ta fille, elle n'échappera pas à l'expiation du sang versé. Toi-même, aux yeux de la foule, tu partageras avec elle l'infamie de cette action, pour la part que tu y auras prise. Et si je me dérobe à la mort, ferez-vous périr mon enfant? Mais son père supportera-t-il patiemment la mort de son fils? Troie ne lui a pas donné, comme à toi, le nom de lâche. Mais il va où le devoir l'appelle ; il se montrera, par ses actions, digne de Pelée et de son père Achille. Il chassera ta fille de sa maison; et toi, en la donnant à un nouvel époux, que diras-tu? que sa pudeur s'est soustraite à un indigne mari? ou bien la garderas-tu chez toi, où elle vieillira dans le veuvage? Malheureux, qui ne vois pas les maux prêts à fondre sur 409 toi ! Ne préférerais-tu pas pour, ta fille les persécutions d'une foule de rivales, au sort qui la menace? Il ne faut pas pour un petit mal attirer de grandes calamités ; et si les femmes sont des êtres si malfaisants, les hommes ne doivent pas les imiter. Pour moi, si j'ai employé des maléfices contre ta fille pour frapper son sein de stérilité, comme elle le prétend, démon plein gré j'abandonne aussitôt cet autel, et je me soumets au jugement de ton gendre': il n'est pas moins offensé que toi, si je le frappe dans sa postérité. Tels sont mes sentiments. Mais il y a dans ton cœur une chose qui m'effraye : c'est pour une querelle de femme, que tu aç ruiné la malheureuse ville des Phrygiens.

Χορός

Ἄγαν ἔλεξας ὡς γυνὴ πρὸς ἄρσενας,
< τὸ δ' ὀξύθυμον τὴν διάγνωσιν κρατεῖ>
καί σου τὸ σῶφρον ἐξετόξευσεν φρενός. 365

Μενέλαος

Γύναι, τάδ' ἐστὶ σμικρὰ καὶ μοναρχίας
οὐκ ἄξι', ὡς φῄς, τῆς ἐμῆς οὐδ' Ἑλλάδος.
Εὖ δ' ἴσθ', ὅτου τις τυγχάνει χρείαν ἔχων,
τοῦτ' ἔσθ' ἑκάστῳ μεῖζον ἢ Τροίαν ἑλεῖν.
Κἀγὼ θυγατρί--μεγάλα γὰρ κρίνω τάδε, 370
λέχους στέρεσθαι--σύμμαχος καθίσταμαι.
Τὰ μὲν γὰρ ἄλλα δεύτερ' ἂν πάσχοι γυνή,
ἀνδρὸς δ' ἁμαρτάνουσ' ἁμαρτάνει βίου.
Δούλων δ' ἐκεῖνον τῶν ἐμῶν ἄρχειν χρεὼν
καὶ τῶν ἐκείνου τοὺς ἐμούς, ἡμᾶς τε πρός· 375
φίλων γὰρ οὐδὲν ἴδιον, οἵτινες φίλοι
ὀρθῶς πεφύκασ', ἀλλὰ κοινὰ χρήματα.
Μένων δὲ τοὺς ἀπόντας, εἰ μὴ θήσομαι
τἄμ' ὡς ἄριστα, φαῦλός εἰμι κοὐ σοφός.
Ἀλλ' ἐξανίστω τῶνδ' ἀνακτόρων θεᾶς· 380
ὡς, ἢν θάνῃς σύ, παῖς ὅδ' ἐκφεύγει μόρον,
σοῦ δ' οὐ θελούσης κατθανεῖν, τόνδε κτενῶ.
Δυοῖν δ' ἀνάγκη θατέρῳ λιπεῖν βίον.

Ἀνδρομάχη

Οἴμοι, πικρὰν κλήρωσιν αἵρεσίν τέ μοι
βίου καθίστης· καὶ λαχοῦσά γ' ἀθλία 385
καὶ μὴ λαχοῦσα δυστυχὴς καθίσταμαι.
Μεγάλα πράσσων αἰτίας μικρᾶς πέρι,
πιθοῦ· τί καίνεις μ'; ἀντὶ τοῦ; ποίαν πόλιν
προύδωκα; τίνα σῶν ἔκτανον παίδων ἐγώ;
ποῖον δ' ἔπρησα δῶμ'; ἐκοιμήθην βίᾳ 390
σὺν δεσπόταισι· κᾆτ' ἔμ', οὐ κεῖνον κτενεῖς,
τὸν αἴτιον τῶνδ', ἀλλὰ τὴν ἀρχὴν ἀφεὶς
πρὸς τὴν τελευτὴν ὑστέραν οὖσαν φέρῃ;
οἴμοι κακῶν τῶνδ', ὦ τάλαιν' ἐμὴ πατρίς,
ὡς δεινὰ πάσχω. Τί δέ με καὶ τεκεῖν ἐχρῆν 395
ἄχθος τ' ἐπ' ἄχθει τῷδε προσθέσθαι διπλοῦν;
[ἀτὰρ τί ταῦτα δύρομαι, τὰ δ' ἐν ποσὶν
οὐκ ἐξικμάζω καὶ λογίζομαι κακά;]
ἥτις σφαγὰς μὲν Ἕκτορος τροχηλάτους
κατεῖδον οἰκτρῶς τ' Ἴλιον πυρούμενον, 400
αὐτὴ δὲ δούλη ναῦς ἐπ' Ἀργείων ἔβην
κόμης ἐπισπασθεῖσ'· ἐπεὶ δ' ἀφικόμην
Φθίαν, φονεῦσιν Ἕκτορος νυμφεύομαι.
Τί δῆτ' ἐμοὶ ζῆν ἡδύ; πρὸς τί χρὴ βλέπειν;
πρὸς τὰς παρούσας ἢ παρελθούσας τύχας; 405
Εἷς παῖς ὅδ' ἦν μοι λοιπὸς ὀφθαλμὸς βίου·
τοῦτον κτενεῖν μέλλουσιν οἷς δοκεῖ τάδε.
Οὐ δῆτα τοὐμοῦ γ' εἵνεκ' ἀθλίου βίου·
ἐν τῷδε μὲν γὰρ ἐλπίς, εἰ σωθήσεται,
ἐμοὶ δ' ὄνειδος μὴ θανεῖν ὑπὲρ τέκνου. 410
Ἰδοὺ προλείπω βωμὸν ἥδε χειρία
σφάζειν φονεύειν, δεῖν, ἀπαρτῆσαι δέρην.
Ὦ τέκνον, ἡ τεκοῦσά σ', ὡς σὺ μὴ θάνῃς,
στείχω πρὸς Ἅιδην· ἢν δ' ὑπεκδράμῃς μόρον,
μέμνησο μητρός, οἷα τλᾶσ' ἀπωλόμην, 415
καὶ πατρὶ τῷ σῷ διὰ φιλημάτων ἰὼν
δάκρυά τε λείβων καὶ περιπτύσσων χέρας
λέγ' οἷ' ἔπραξα. Πᾶσι δ' ἀνθρώποις ἄρ' ἦν
ψυχὴ τέκν'· ὅστις δ' αὔτ' ἄπειρος ὢν ψέγει,
ἧσσον μὲν ἀλγεῖ, δυστυχῶν δ' εὐδαιμονεῖ. 420

Χορός

ᾬκτιρ' ἀκούσασ'· οἰκτρὰ γὰρ τὰ δυστυχῆ
βροτοῖς ἅπασι, κἂν θυραῖος ὢν κυρῇ.
Εἰς ξύμβασιν δὲ χρῆν σε παῖδα σὴν ἄγειν,
Μενέλαε, καὶ τήνδ', ὡς ἀπαλλαχθῇ πόνων.

Μενέλαος

Λάβεσθέ μοι τῆσδ', ἀμφελίξαντες χέρας, 425
δμῶες· λόγους γὰρ οὐ φίλους ἀκούσεται.
Ἔχω σ'· ἵν' ἁγνὸν βωμὸν ἐκλίποις θεᾶς,
προύτεινα παιδὸς θάνατον, ᾧ σ' ὑπήγαγον
εἰς χεῖρας ἐλθεῖν τὰς ἐμὰς ἐπὶ σφαγήν.
Καὶ τἀμφὶ σοῦ μὲν ὧδ' ἔχοντ' ἐπίστασο· 430
τὰ δ' ἀμφὶ παιδὸς τοῦδε παῖς ἐμὴ κρινεῖ,
ἤν τε κτανεῖν νιν ἤν τε μὴ κτανεῖν θέλῃ.
Ἀλλ' ἕρπ' ἐς οἴκους τούσδ', ἵν' εἰς ἐλευθέρους
δούλη γεγῶσα μηκέθ' ὑβρίζειν μάθῃς.

465 Ἀνδρομάχη

Οἴμοι· δόλῳ μ' ὑπῆλθες, ἠπατήμεθα.

Μενέλαος

Κήρυσσ' ἅπασιν· οὐ γὰρ ἐξαρνούμεθα.

Ἀνδρομάχη

Ἦ ταῦτ' ἐν ὑμῖν τοῖς παρ' Εὐρώτᾳ σοφά;

Μενέλαος

Κἀν τοῖς γε Τροίᾳ, τοὺς παθόντας ἀντιδρᾶν.

Ἀνδρομάχη

Τὰ θεῖα δ' οὐ θεῖ' οὐδ' ἔχειν ἡγῇ δίκην;

440 Μενέλαος

Ὅταν τάδ' ᾖ, τότ' οἴσομεν· σὲ δὲ κτενῶ.

Ἀνδρομάχη

Ἦ καὶ νεοσσὸν τόνδ', ὑπὸ πτερῶν σπάσας;

Μενέλαος

Οὐ δῆτα· θυγατρὶ δ', ἢν θέλῃ, δώσω κτανεῖν.

Ἀνδρομάχη

Οἴμοι· τί δῆτά σ' οὐ καταστένω, τέκνον;

Μενέλαος

Οὔκουν θρασεῖά γ' αὐτὸν ἐλπὶς ἀμμένει.

445 Ἀνδρομάχη

Ὦ πᾶσιν ἀνθρώποισιν ἔχθιστοι βροτῶν
Σπάρτης ἔνοικοι, δόλια βουλευτήρια,
ψευδῶν ἄνακτες, μηχανορράφοι κακῶν,
-- λικτὰ κοὐδὲν ὑγιές, ἀλλὰ πᾶν πέριξ
φρονοῦντες, ἀδίκως εὐτυχεῖτ' ἀν' Ἑλλάδα.
Τί δ' οὐκ ἐν ὑμῖν ἐστιν; οὐ πλεῖστοι φόνοι; 450
οὐκ αἰσχροκερδεῖς, οὐ λέγοντες ἄλλα μὲν
γλώσσῃ, φρονοῦντες δ' ἄλλ' ἐφευρίσκεσθ' ἀεί;
ὄλοισθ'. Ἐμοὶ μὲν θάνατος οὐχ οὕτω βαρὺς
ὃς σοὶ δέδοκται· κεῖνα γάρ μ' ἀπώλεσεν,
ὅθ' ἡ τάλαινα πόλις ἀνηλώθη Φρυγῶν 455
πόσις θ' ὁ κλεινός, ὅς σε πολλάκις δορὶ
ναύτην ἔθηκεν ἀντὶ χερσαίου κακόν.
Νῦν δ' εἰς γυναῖκα γοργὸς ὁπλίτης φανεὶς
κτείνεις μ'. Ἀπόκτειν'· ὡς ἀθώπευτόν γέ σε
γλώσσης ἀφήσω τῆς ἐμῆς καὶ παῖδα σήν. 460
Ἐπεὶ σὺ μὲν πέφυκας ἐν Σπάρτῃ μέγας,
ἡμεῖς δὲ Τροίᾳ γ'. Εἰ δ' ἐγὼ πράσσω κακῶς,
μηδὲν τόδ' αὔχει· καὶ σὺ γὰρ πράξειας ἄν.

363 LE CHOEUR.

Tu parles aux hommes avec plus d'audace qu'il ne convient à une femme, et ta modestie naturelle t'a abandonnée.

MÉNÉLAS.

Femme, c'est là une bien faible victoire, peu digne de ma puissance, comme tu le dis, et de la Grèce ; mais sache-le, pour chaque homme, obtenir ce qu'il désire, est un bien plus précieux que la prise même de Troie. Je viens en aide à ma fille ; car c'est un cruel outrage d'être bannie de la couche nuptiale. Il en est d'autres moins graves, qu'une femme peut supporter ; mais perdre son époux, c'est perdre la vie. L'époux de ma fille a droit de commander à mes esclaves, comme elle et moi nous avons droit de commander aux siens : les vrais amis n'ont rien en propre, tous les biens sont communs entre eux. Si pendant son absence je ne veille pas sur mes biens, c'est de ma part lâcheté, et non sagesse. Sors donc au plus tôt du temple de la déesse ; si tu meurs, ton fils échappera à la mort; mais si tu re- 410  fuses de mourir, je le tuerai. L'un de vous deux doit perdre la vie.

383 ANDROMAQUE.

Hélas ! cruelle alternative, choix affreux! Malheureuse si je choisis, non moins malheureuse si je ne choisis pas ! Toi qui, pour une légère offense, déploies tant de rigueur, écoute-moi : pour, quelle raison veux-tu ma mort? Ai-je trahi ta patrie? ai-je fait mourir tes enfants? ai-je incendié ton palais? La violence m'a fait entrer dans le lit de mon maître ; et c'est moi que tu veux tuer, et non l'auteur de la faute ! Tu oublies le principe, pour tomber sur l'effet qui l'a suivi (14) Ah ! malheureuse Andromaque ! ô ma déplorable patrie ! ô cruelles souffrances ! fallait-il devenir mère, et ajouter ce double fardeau au poids de mes infortunes? Mais pourquoi déplorer ces malheurs passés, et ne pas m'occuper de ceux qui me frappent à présent ? moi qui ai vu le corps sanglant d'Hector traîné à un char, Ilion devenue la proie des flammes, moi-même réduite à l'esclavage, et traînée par les cheveux dans les vaisseaux des Grecs ; et à peine arrivée à Phthie, contrainte d'épouser le meurtrier d'Hector. En quoi donc la vie peut-elle me plaire? Où tourner mes regards? sur ma fortune présente, ou sur ma fortune passée? Il me restait un fils, l'œil de ma vie : ils vont le tuer, pour satisfaire leur caprice. Non, je ne sauverai pas ma vie misérable aux dépens de la sienne : le seul espoir qui me reste est de le conserver : ce serait une honte à moi de ne pas mourir pour mon fils. Venez, je quitte cet autel, je me livre à vous, frappez, égorgez, chargez-moi de chaînes, livrez-moi au dernier supplice (15). Ta mère, ô mon fils, descend 411 dans le tombeau pour racheter tes jours. Si tu échappes à la mort, souviens-toi de ta mère et de ses souffrances ; et en recevant les baisers de ton père, dis-lui, en versant des larmes et en l'entourant de tes bras, dis-lui ce que j'ai fait pour toi. Oui, nos enfants sont notre vie : celui qui me blâme , parce qu'il ne fut jamais père, a sans doute moins de souffrances ; mais son bonheur n'est qu'un malheur.

LE CHOEUR.

Ses paroles m'ont émue; les malheurs de tous les mortels, fussent-ils même étrangers, sont dignes de pitié. Tu aurais dû, Ménélas, réconcilier cette infortunée avec ta fille, et mettre fin à ses douleurs.

MÉNÉLAS.

Esclaves, saisissez cette femme, et chargez-la de chaînes : ce qu'elle va entendre n'est pas fait pour lui plaire. Pour te faire quitter l'autel sacré de la déesse, je t'ai menacée de la mort de ton fils, je t'ai menée ainsi à te livrer entre mes mains pour mourir. Pour ce qui te regarde, sache que l'arrêt est irrévocable ; pour ce qui regarde ton fils, ma fille décidera si elle veut ou non le faire périr. Allons, rentre, et apprends, vile esclave, à ne pas outrager les personnes libres.

ANDROMAQUE.

O ciel ! tu m'as trompée, tu t'es joué de ma crédulité !

MÉNÉLAS.

Proclame-le à tout le monde ; je ne m'en défends pas.

ANDROMAQUE.

Voilà donc la sagesse qu'on estime sur les bords de l'Eurotas (16) !

412 MÉNÉLAS.

A Troie aussi, on aime à venger une offense.

ANDROMAQUE.

Les dieux ne sont-ils plus des dieux? Ne crois-tu pas à la justice vengeresse?

MÉNÉLAS.

Quand elle viendra, je la subirai; mais toi, je te tuerai.

ANDROMAQUE.

Et tu arracheras ce pauvre petit de dessous l'aile de sa mère?

MÉNÉLAS.

Non ; mais je le livrerai à ma fille, pour le faire mourir, si elle veut.

ANDROMAQUE.

Hélas! ne pourrai-je donc te pleurer, mon enfant?

MÉNÉLAS.

N'a-t-il pas lieu de compter sur un espoir bien fondé?

445 ANDROMAQUE.

O de tous les mortels les plus odieux au genre humain, habitants de Sparte, conciliabule de perfidies, rois du mensonge, artisans de fraudes, pleins de pensées tortueuses, perverses et fallacieuses, votre prospérité dans la Grèce blesse la justice (17). Quel crime est inconnu parmi vous? où voit-on plus de meurtres ? N'êtes-vous pas avides de gains honteux? ne vous surprend-on pas 413 toujours à dire une chose, et à en penser une autre? Malheur à vous ! pour moi la mort n'est pas si redoutable que tu le crois. Je ne vis plus, depuis le jour où je vis périr la malheureuse ville des Phrygiens et mon illustre époux, dont la lance te força plus d'une fois à chercher un asile sur tes vaisseaux (18). Guerrier aujourd'hui, terrible contre une femme, tu me tues. Frappe, car jamais ma langue ne s'abaissera à vous flatter, toi et ta fille. Si tu es grand à Sparte, je fus puissante aussi à Troie : et si je suis dans le malheur, n'en triomphe pas trop, car tu peux y tomber à ton tour.

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Χορός

Οὐδέποτε δίδυμα λέκτρ' ἐπαινέσω βροτῶν
οὐδ' ἀμφιμάτορας κόρους, 465
ἔριν μελάθρων δυσμενεῖς τε λύπας.
Μίαν μοι στεργέτω πόσις γάμοις
ἀκοινώνητον ἀμὸς εὐνάν.

Οὐδέ γ' ἐνὶ πόλεσι δίπτυχοι τυραννίδες
μιᾶς ἀμείνονες φέρειν,
ἄχθος ἐπ' ἄχθει καὶ στάσιν πολίταις· 475
τεκόντοιν θ' ὕμνον ἐργάταιν δυοῖν
ἔριν Μοῦσαι φιλοῦσι κραίνειν.

Πνοαὶ δ' ὅταν φέρωσι ναυτίλους θοαί,
κατὰ πηδαλίων δίδυμαι πραπίδων γνῶμαι,
σοφῶν τε πλῆθος ἀθρόον ἀσθενέστερον 480
φαυλοτέρας φρενὸς αὐτοκρατοῦς.
Ἑνὸς ἄρ' ἄνυσις ἀνά τε μέλαθρα
κατά τε πόλιας, ὁπόταν εὑ-
ρεῖν θέλωσι καιρόν.

Ἔδειξεν ἡ Λάκαινα τοῦ στρατηλάτα 485
Μενέλα· διὰ γὰρ πυρὸς ἦλθ' ἑτέρῳ λέχει,
κτείνει δὲ τὰν τάλαιναν Ἰλιάδα κόραν
παῖδά τε δύσφρονος ἔριδος ὕπερ.
Ἄθεος ἄνομος ἄχαρις ὁ φόνος·
ἔτι σε, πότνια, μετατροπὰ 490
τῶνδ' ἔπεισιν ἔργων.

-- Καὶ μὴν ἐσορῶ τόδε σύγκρατον
ζεῦγος πρὸ δόμων ψήφῳ θανάτου 495
κατακεκριμένον.
Δύστηνε γύναι, τλῆμον δὲ σὺ παῖ,
μητρὸς λεχέων ὃς ὑπερθνῄσκεις
οὐδὲν μετέχων
οὐδ' αἴτιος ὢν βασιλεῦσιν. 500

464 LE CHOEUR.

Jamais je n'approuverai le mortel qui forme un double hymen, et qui a des enfants de plusieurs mères, source de discorde et d'amers chagrins dans les familles. Puisse mon époux se contenter de mon seul amour, et ne jamais admettre de rivales dans ma couche !

Dans les états, deux autorités ne sont pas plus faciles à supporter qu'une seule : c'est un fardeau ajouté à un autre, et une cause de sédition parmi les citoyens. Les  Muses mêmes allument la discorde entre deux poètes qui travaillent au même ouvrage.

Quand les vents rapides poussent les navires, deux pilotes assis au gouvernail et une foule de sages ont moins de force qu'un seul moins habile, mais seul maître absolu. Le pouvoir d'un seul est nécessaire dans les cités comme dans les familles, quand on veut saisir l'à-propos.

. La fille du roi de Sparte le prouve par son exemple 414  elle a porté le feu dans un autre ménage ; elle immole à la triste discorde la Troyenne infortunée, avec son enfant. Meurtre sacrilège, injuste, dénaturé ! Un jour, Hermione, tu seras en proie au repentir de ces attentats.

Mais je vois s'avancer devant le palais ce couple si étroitement uni, frappé par une sentence de mort. Ô femme infortunée, et toi, malheureux enfant qui meurs pour expier l'hymen de ta mère, innocent de toute faute et irréprochable devant tes maîtres !

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Ἀνδρομάχη

Ἄδ' ἐγὼ χέρας αἱματη-
ρὰς βρόχοισι κεκλῃμένα
πέμπομαι κατὰ γαίας.

Παῖς

Μᾶτερ μᾶτερ, ἐγὼ δὲ σᾷ
πτέρυγι συγκαταβαίνω. 505

Ἀνδρομάχη

Θῦμα δάιον, ὦ χθονὸς
Φθίας κράντορες.

Παῖς

Ὦ πάτερ,
μόλε φίλοις ἐπίκουρος.

510 Ἀνδρομάχη

Κείσῃ δή, τέκνον ὦ φίλος,
μαστοῖς ματέρος ἀμφὶ σᾶς
νεκρὸς ὑπὸ χθονί, σὺν νεκρῷ <τε>.

Παῖς

Ὤμοι μοι, τί πάθω; τάλας
δῆτ' ἐγὼ σύ τε, μᾶτερ.

515 Μενέλαος

Ἴθ' ὑποχθόνιοι· καὶ γὰρ ἀπ' ἐχθρῶν
ἥκετε πύργων· δύο δ' ἐκ δισσαῖν
θνῄσκετ' ἀνάγκαιν· σὲ μὲν ἡμετέρα
ψῆφος ἀναιρεῖ, παῖδα δ' ἐμὴ παῖς
τόνδ' Ἑρμιόνη· καὶ γὰρ ἀνοία
μεγάλη λείπειν ἐχθροὺς ἐχθρῶν, 520
ἐξὸν κτείνειν
καὶ φόβον οἴκων ἀφελέσθαι.

Ἀνδρομάχη

Ὦ πόσις πόσις, εἴθε σὰν
χεῖρα καὶ δόρυ σύμμαχον
κτησαίμαν, Πριάμου παῖ. 525

Παῖς

Δύστανος, τί δ' ἐγὼ μόρου
παράτροπον μέλος εὕρω;

Ἀνδρομάχη

Λίσσου, γούνασι δεσπότου
χρίμπτων, ὦ τέκνον.

530 Παῖς

Ὦ φίλος,
φίλος, ἄνες θάνατόν μοι.

Ἀνδρομάχη

Λείβομαι δάκρυσιν κόρας,
στάζω λισσάδος ὡς πέτρας
λιβὰς ἀνήλιος, ἁ τάλαινα.

535 Παῖς

Ὤμοι μοι, τί δ' ἐγὼ κακῶν
μῆχος ἐξανύσωμαι;

Μενέλαος

Τί με προσπίτνεις, ἁλίαν πέτραν
ἢ κῦμα λιταῖς ὣς ἱκετεύων;
τοῖς γὰρ ἐμοῖσιν γέγον' ὠφελία,
σοὶ δ' οὐδὲν ἔχω φίλτρον, ἐπεί τοι 540
μέγ' ἀναλώσας ψυχῆς μόριον
Τροίαν εἷλον καὶ μητέρα σήν·
ἧς ἀπολαύων
Ἅιδην χθόνιον καταβήσῃ.

501  ANDROMAQUE.

Je descends au tombeau, les mains ensanglantées par d'indignes liens.

MOLOSSE.

Ah ! ma mère, ma mère, j'y descends avec toi, sous ton aile, victime dévouée à la mort. Ô maîtres du pays de Phthie ! ô mon père ! viens au secours de ta famille.

ANDROMAQUE.

Ô cher enfant ! tu seras donc couché dans la terre sur le sein de ta malheureuse mère ; ton corps, privé de vie, reposera sur son corps glacé.

MOLOSSE.

Hélas ! hélas ! que va-t-on me faire, ainsi qu'à toi, ma mère?

MÉNÉLAS

Descendez dans le séjour des ombres, vous qui venez d'une ville ennemie. Vous mourez tous deux par deux arrêts différents : toi, c'est ma sentence qui te condamne ; et ton fils, c'est ma fille Hermione. De la part d'un ennemi, c'est une grande démence d'épargner 415 ses ennemis, lorsqu'on peut les tuer, et délivrer sa maison de toute crainte.

ANDROMAQUE

Cher époux, cher époux, que n'ai-je ton bras et ta lance pour me défendre, fils de Priam !

MOLOSSE.

Infortuné ! quels chants magiques trouverai je pour me garantir de la mort ?

ANDROMAQUE.

Jette-toi aux pieds de ton maître, mon fils, et adresse-lui tes supplications.

MOLOSSE.

Ô ami, ami, ne me livre pas à la mort !

ANDROMAQUE.

Malheureuse I je fonds en larmes ; mes yeux se mouillent sans relâche, comme la source qui, dans l'ombre, s'échappe d'un rocher.

MOLOSSE

Hélas ! quel remède trouver à mes maux ? .

537 MÉNÉLAS.

Pourquoi tombes-tu à mes pieds en suppliant, comme devant un rocher battu par les flots de la mer? Je suis le protecteur naturel de ma famille: mais je n'ai aucune affection pour toi ; car j'ai employé une grande partie de ma vie à m'emparer de Troie et de ta mère. Puisque tu as le bonheur d'être son fils, tu descendras avec elle chez Pluton.

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545 Χορός

Καὶ μὴν δέδορκα τόνδε Πηλέα πέλας,
σπουδῇ τιθέντα δεῦρο γηραιὸν πόδα.

Πηλεύς

Ὑμᾶς ἐρωτῶ τόν τ' ἐφεστῶτα σφαγῇ,
τί ταῦτα; πῶς ταῦτ'; ἐκ τίνος λόγου νοσεῖ
δόμος; τί πράσσετ' ἄκριτα μηχανώμενοι;
Μενέλα', ἐπίσχες· μὴ τάχυν' ἄνευ δίκης. 550
Ἡγοῦ σὺ θᾶσσον, οὐ γὰρ ὡς ἔοικέ μοι
σχολῆς τόδ' ἔργον, ἀλλ' ἀνηβητηρίαν
ῥώμην με καὶ νῦν λαμβάνειν, εἴπερ ποτέ.
Πρῶτον μὲν οὖν κατ' οὖρον ὥσπερ ἱστίοις
ἐμπνεύσομαι τῇδ'· εἰπέ, τίνι δίκῃ χέρας 555
βρόχοισιν ἐκδήσαντες οἵδ' ἄγουσί σε
καὶ παῖδ'; ὕπαρνος γάρ τις οἶς ἀπόλλυσαι,
ἡμῶν ἀπόντων τοῦ τε κυρίου σέθεν.

Ἀνδρομάχη

Οἵδ', ὦ γεραιέ, σὺν τέκνῳ θανουμένην
ἄγουσί μ' οὕτως ὡς ὁρᾷς. Τί σοι λέγω; 560
οὐ γὰρ μιᾶς σε κληδόνος προθυμίᾳ
μετῆλθον, ἀλλὰ μυρίων ὑπ' ἀγγέλων.
Ἔριν δὲ τὴν κατ' οἶκον οἶσθά που κλύων
τῆς τοῦδε θυγατρός, ὧν τ' ἀπόλλυμαι χάριν.
Καὶ νῦν με βωμοῦ Θέτιδος, ἣ τὸν εὐγενῆ 565
ἔτικτέ σοι παῖδ', ἣν σὺ θαυμαστὴν σέβεις,
ἄγουσ' ἀποσπάσαντες, οὔτε τῳ δίκῃ
κρίναντες οὔτε τοὺς ἀπόντας ἐκ δόμων
μείναντες, ἀλλὰ τὴν ἐμὴν ἐρημίαν
γνόντες τέκνου τε τοῦδ', ὃν οὐδὲν αἴτιον 570
μέλλουσι σὺν ἐμοὶ τῇ ταλαιπώρῳ κτανεῖν.
Ἀλλ' ἀντιάζω σ', ὦ γέρον, τῶν σῶν πάρος
πίτνουσα γονάτων--χειρὶ δ' οὐκ ἔξεστί μοι
τῆς σῆς λαβέσθαι φιλτάτης γενειάδος--
ῥῦσαί με πρὸς θεῶν· εἰ δὲ μή, θανούμεθα 575
αἰσχρῶς μὲν ὑμῖν, δυστυχῶς δ' ἐμοί, γέρον.

Πηλεύς

Χαλᾶν κελεύω δεσμὰ πρὶν κλαίειν τινά,
καὶ τῆσδε χεῖρας διπτύχους ἀνιέναι.

Μενέλαος

Ἐγὼ δ' ἀπαυδῶ τἄλλα τ' οὐχ ἥσσων σέθεν
καὶ τῆσδε πολλῷ κυριώτερος γεγώς. 580

Πηλεύς

Πῶς; ἦ τὸν ἀμὸν οἶκον οἰκήσεις μολὼν
δεῦρ'; Οὐχ ἅλις σοι τῶν κατὰ Σπάρτην κρατεῖν;

Μενέλαος

Εἷλόν νιν αἰχμάλωτον ἐκ Τροίας ἐγώ.

Πηλεύς

Οὑμὸς δέ γ' αὐτὴν ἔλαβε παῖς παιδὸς γέρας.

585 Μενέλαος

Οὔκουν ἐκείνου τἀμὰ τἀκείνου τ' ἐμά;

Πηλεύς

[Ναί,]
δρᾶν εὖ, κακῶς δ' οὔ, μηδ' ἀποκτείνειν βίᾳ.

Μενέλαος

Ὡς τήνδ' ἀπάξεις οὔποτ' ἐξ ἐμῆς χερός.

Πηλεύς

Σκήπτρῳ γε τῷδε σὸν καθαιμάξας κάρα.

Μενέλαος

Ψαῦσόν θ', ἵν' εἰδῇς, καὶ πέλας πρόσελθέ μου.

590 Πηλεύς

Σὺ γὰρ μετ' ἀνδρῶν, ὦ κάκιστε κἀκ κακῶν;
[σοὶ ποῦ μέτεστιν ὡς ἐν ἀνδράσιν λόγου;]
ὅστις πρὸς ἀνδρὸς Φρυγὸς ἀπηλλάγης λέχος,
ἄκλῃστ' ἄδουλα δώμαθ' ἑστίας λιπών,
ὡς δὴ γυναῖκα σώφρον' ἐν δόμοις ἔχων
πασῶν κακίστην. Οὐδ' ἂν εἰ βούλοιτό τις 595
σώφρων γένοιτο Σπαρτιατίδων κόρη,
αἳ ξὺν νέοισιν ἐξερημοῦσαι δόμους
γυμνοῖσι μηροῖς καὶ πέπλοις ἀνειμένοις
δρόμους παλαίστρας τ' οὐκ ἀνασχετοὺς ἐμοὶ
κοινὰς ἔχουσι. Κᾆτα θαυμάζειν χρεὼν 600
εἰ μὴ γυναῖκας σώφρονας παιδεύετε;
Ἑλένην ἐρέσθαι χρῆν τάδ', ἥτις ἐκ δόμων
τὸν σὸν λιποῦσα Φίλιον ἐξεκώμασε
νεανίου μετ' ἀνδρὸς εἰς ἄλλην χθόνα.
Κἄπειτ' ἐκείνης οὕνεχ' Ἑλλήνων ὄχλον 605
τοσόνδ' ἀθροίσας ἤγαγες πρὸς Ἴλιον;
ἣν χρῆν σ' ἀποπτύσαντα μὴ κινεῖν δόρυ,
κακὴν ἐφευρόντ', ἀλλ' ἐᾶν αὐτοῦ μένειν
μισθόν διδόντα μήποτ' εἰς οἴκους λαβεῖν.
Ἀλλ' οὔτι ταύτῃ σὸν φρόνημ' ἐπούρισας, 610
ψυχὰς δὲ πολλὰς κἀγαθὰς ἀπώλεσας,
παίδων τ' ἄπαιδας γραῦς ἔθηκας ἐν δόμοις,
πολιούς τ' ἀφείλου πατέρας εὐγενῆ τέκνα.
Ὧν εἷς ἐγὼ δύστηνος· αὐθέντην δὲ σὲ
μιάστορ' ὥς τιν' εἰσδέδορκ' Ἀχιλλέως. 615
Ὃς οὐδὲ τρωθεὶς ἦλθες ἐκ Τροίας μόνος,
κάλλιστα τεύχη δ' ἐν καλοῖσι σάγμασιν
ὅμοι' ἐκεῖσε δεῦρό τ' ἤγαγες πάλιν.
Κἀγὼ μὲν ηὔδων τῷ γαμοῦντι μήτε σοὶ
κῆδος ξυνάψαι μήτε δώμασιν λαβεῖν 620
κακῆς γυναικὸς πῶλον· ἐκφέρουσι γὰρ
μητρῷ' ὀνείδη. Τοῦτο καὶ σκοπεῖτέ μοι,
μνηστῆρες, ἐσθλῆς θυγατέρ' ἐκ μητρὸς λαβεῖν.
Πρὸς τοῖσδε δ' εἰς ἀδελφὸν οἷ' ἐφύβρισας,
σφάξαι κελεύσας θυγατέρ' εὐηθέστατα; 625
Οὕτως ἔδεισας μὴ οὐ κακὴν δάμαρτ' ἔχῃς.
Ἑλὼν δὲ Τροίαν--εἶμι γὰρ κἀνταῦθά σοι
οὐκ ἔκτανες γυναῖκα χειρίαν λαβών,
ἀλλ', ὡς ἐσεῖδες μαστόν, ἐκβαλὼν ξίφος
φίλημ' ἐδέξω, προδότιν αἰκάλλων κύνα, 630
ἥσσων πεφυκὼς Κύπριδος, ὦ κάκιστε σύ.
Κἄπειτ' ἐς οἴκους τῶν ἐμῶν ἐλθὼν τέκνων
πορθεῖς ἀπόντων, καὶ γυναῖκα δυστυχῆ
κτείνεις ἀτίμως παῖδά θ', ὃς κλαίοντά σε
καὶ τὴν ἐν οἴκοις σὴν καταστήσει κόρην, 635
κεἰ τρὶς νόθος πέφυκε. Πολλάκις δέ τοι
ξηρὰ βαθεῖαν γῆν ἐνίκησε σπορᾷ,
νόθοι τε πολλοὶ γνησίων ἀμείνονες.
Ἀλλ' ἐκκομίζου παῖδα. Κύδιον βροτοῖς
πένητα χρηστὸν ἢ κακὸν καὶ πλούσιον 640
γαμβρὸν πεπᾶσθαι καὶ φίλον· σὺ δ' οὐδὲν εἶ.

545  LE CHOEUR.

Mais je vois Pelée qui s'approche ; il hâte vers nous ses pas appesantis par l'âge.

PÉLÉE.

Répondez-moi, femmes, et toi qui présides à cette immolation, qu'est-il arrivé? quelle cause jette le trouble dans le palais? que signifie cette exécution sans jugement? Arrête, Ménélas; ne te presse pas d'agir sans forme de procès. Hâtons-nous (19) , car, â ce qu'il me semble, cette affaire ne souffre pas de retard : c'est ici ou jamais que je voudrais retrouver la vigueur de ma jeunesse. Et d'abord dirigeons vers cette infortunée un vent propice, comme celui qui enfle les voiles. Dis-moi, je te prie, en vertu de quel jugement on te charge ainsi de liens et l'on te traîne au supplice avec ton fils? car, telle qu'une brebis qui allaite son agneau, tu succombes, pendant mon absence et celle de ton maître.

569 ANDROMAQUE.

Ô vieillard, ces gens, comme tu le vois, me conduisent â la mort avec mon fils. Ce n'est pas une fois, c'est par mille messages que mon impatience t'a fait appeler. Tu connais peut être la discorde qui divise cette famille, et qui anime la fille de Ménélas; elle est la cause de ma mort. Et .maintenant on m'arrache â l'autel de Thétis, qui a donné le jour â ton noble fils, et qui est l'objet de ton culte ; on m'entraîne sans jugement, sans attendre le retour d'un maître absent; on profite de l'abandon où je me trouve, ainsi que cet enfant, qu'ils veulent, malgré son innocence, livrer à la mort avec moi. Je t'en conjure, vieillard, en tombant à tes genoux (hélas! mes mains ne peuvent toucher ton visage chéri ), sauve-moi, au nom des dieux ! autrement nous mourrons, et mon • malheur sera une honte pour vous.

PÉLÉE.

Brisez ses liens, ou craignez ma colère; laissez ses mains en liberté.

417 MÉNÉLAS.

Et moi je le défends, moi qui ne suis pas moins que toi, et qui ai bien plus de droits que toi sur cette femme.

PÉLÉE.

Comment ! Es-tu venu ici faire la loi dans mon palais? Ne te suffit-il pas de commander à Sparte?

MÉNÉLAS.

Elle est ma captive, je l'ai prise à Troie.

PÉLÉE.

Le fils de mon fils la reçue comme prix de la victoire.

MÉNÉLAS.

Ses biens ne sont-ils pas à moi, comme les miens sont à lui?

PÉLÉE.

Pour en faire un bon usage et non un mauvais, non pour tuer violemment.

MÉNÉLAS.

Jamais tu ne l'arracheras de mes mains.

PÉLÉE.

J'ensanglanterai ta tête avec ce sceptre.

MÉNÉLAS.

Touche-moi, ose m'approcher, afin d'apprendre à me connaître.

590  PÉLÉE.

Lâche que tu es, fils de lâches, as-tu droit d'élever la voix parmi des hommes?mérites-tu d'être compté parmi les hommes, toi à qui un vil Phrygien osa ravir son épouse ; toi qui laissas ta maison ouverte aux ravisseurs, et qui livras â elle-même la plus perfide des femmes? Quand elle le voudrait, comment une jeune Lacédémonienne pourrait-elle se conserver chaste, accoutumée 418 qu'elle est à quitter la maison maternelle, pour se mêler aux exercices de la course et de la lutte avec les jeunes gens, les cuisses nues, et sans autre vêtement qu'une tunique courte et flottante (20) ? Faut-il ensuite s'étonner si vous ne formez pas de femmes chastes? Demandez-le à Hélène, qu'on vit abandonner la couche nuptiale, et suivre, sans pudeur, un jeune amant dans une terre étrangère. Voilà donc le digne objet qui t'a fait rassembler et conduire à Troie toutes les forces de la Grèce ! Ah ! loin de vouloir reprendre, les armes à la main, une femme si méprisable, tu devais la rejeter loin de toi, l'abandonner à son ravisseur, la payer même, pour ne la plus recevoir -dans ta maison. Mais ton esprit ne s'est point arrêté à cette heureuse idée : tu as sacrifié une foule d'âmes généreuses ; tu as plongé les mères dans le deuil; tu as ravi aux pères leurs courageux enfants, l'espoir de leur vieillesse. Moi-même je suis un de ces pères infortunés, et je vois en toi comme un mauvais génie, comme le meurtrier d'Achille. Seul tu es revenu de Troie sans blessure, et tu as rapporté tes armes magnifiques, enfermées dans de riches étuis, et dans le même état qu'au jour où tu quittas la Grèce. Plus d'une fois j'ai dit au fils d'Achille, avant son mariage, de se garder de ton alliance, et de ne point recevoir dans sa maison la fille d'une mère coupable ; car les filles reproduisent les vices maternels. Vous donc qui cherchez une épouse, attachez-vous surtout à choisir celles qui sont nées de mères vertueuses. A tous ces torts ajoute tes crimes envers ton frère, l'ordre insensé d'immoler sa fille, tant tu craignais de ne pas recouvrer une méchante femme ; 419 et, une fois maître de Troie (car j'en viens à tes derniers, exploits), quand cette femme est retombée entre tes mains, tu ne l'as pas fait mourir. A peine a-t-elle découvert son sein à ta vue, le glaive vengeur est tombé de tes mains, tu as reçu ses baisers, tu as comblé de caresses un monstre souillé de vices (21), ô le plus lâche des hommes, vil esclave de l'amour ! et tu viens dans la maison de mes enfants exercer tes fureurs en leur absence, et tu viens égorger lâchement une femme infortunée et un faible enfant ! Mais sache que, sa naissance fût-elle encore plus illégitime (22), il te prépare de cruels repentirs à toi et à ta fille. Souvent un sol aride l'emporte sur une terre bien engraissée, et bien des bâtards valent mieux que les enfants légitimes. Emmène ta fille. Il vaut mieux s'allier à l'homme pauvre et vertueux, qu'à celui qui unit le vice à l'opulence. Pour toi, je te méprise.

Χορός

Σμικρᾶς ἀπ' ἀρχῆς νεῖκος ἀνθρώποις μέγα
γλῶσσ' ἐκπορίζει· τοῦτο δ' οἱ σοφοὶ βροτῶν
ἐξευλαβοῦνται, μὴ φίλοις τεύχειν ἔριν.

645 Μενέλαος

Τί δῆτ' ἂν εἴποις τοὺς γέροντας, ὡς σοφοί,
ὅτ' ὢν σὺ Πηλεὺς καὶ πατρὸς κλεινοῦ γεγώς,
κἀς τοὺς φρονεῖν δοκοῦντας Ἕλλησίν ποτε
κῆδος συνάψας, αἰσχρὰ μὲν σαυτῷ λέγεις
ἡμῖν δ' ὀνείδη διὰ γυναῖκα βάρβαρον,
ἣν χρῆν σ' ἐλαύνειν τήνδ' ὑπὲρ Νείλου ῥοὰς 650
ὑπέρ τε Φᾶσιν, κἀμὲ παρακαλεῖν ἅμα,
οὖσαν μὲν ἠπειρῶτιν, οὗ πεσήματα
πλεῖσθ' Ἑλλάδος πέπτωκε δοριπετῆ νεκρῶν,
τοῦ σοῦ δὲ παιδὸς αἵματος κοινουμένην.
[Πάρις γάρ, ὃς σὸν παῖδ' ἔπεφν' Ἀχιλλέα, 655
Ἕκτορος ἀδελφὸς ἦν, δάμαρ δ' ἥδ' Ἕκτορος.]
Καὶ τῇδέ γ' εἰσέρχῃ σὺ ταὐτὸν εἰς στέγος
καὶ ξυντράπεζον ἀξιοῖς ἔχειν βίον,
τίκτειν δ' ἐν οἴκοις παῖδας ἐχθίστους ἐᾷς.
Ἀγὼ προνοίᾳ τῇ τε σῇ κἀμῇ, γέρον, 660
κτανεῖν θέλων τήνδ' ἐκ χερῶν ἁρπάζομαι.
Καίτοι φέρ'· ἅψασθαι γὰρ οὐκ αἰσχρὸν λόγου·
ἢν παῖς μὲν ἡμὴ μὴ τέκῃ, ταύτης δ' ἄπο
βλάστωσι παῖδες, τῆσδε γῆς Φθιώτιδος
στήσεις τυράννους, βάρβαροι δ' ὄντες γένος 665
Ἕλλησιν ἄρξουσ'; εἶτ' ἐγὼ μὲν οὐ φρονῶ
μισῶν τὰ μὴ δίκαια, σοὶ δ' ἔνεστι νοῦς;
[κἀκεῖνο νῦν ἄθρησον· εἰ σὺ παῖδα σὴν
δούς τῳ πολιτῶν, εἶτ' ἔπασχε τοιάδε,
σιγῇ καθῆσ' ἄν; οὐ δοκῶ· ξένης δ' ὕπερ 670
τοιαῦτα λάσκεις τοὺς ἀναγκαίους φίλους;
καὶ μὴν ἴσον γ' ἀνήρ τε καὶ γυνὴ στένει
ἀδικουμένη πρὸς ἀνδρός· ὡς δ' αὔτως ἀνὴρ
γυναῖκα μωραίνουσαν ἐν δόμοις ἔχων.
Καὶ τῷ μὲν ἔστιν ἐν χεροῖν μέγα σθένος, 675
τῇ δ' ἐν γονεῦσι καὶ φίλοις τὰ πράγματα.
Οὔκουν δίκαιον τοῖς γ' ἐμοῖς ἐπωφελεῖν;]
γέρων γέρων εἶ. Τὴν δ' ἐμὴν στρατηγίαν
λέγων ἔμ' ὠφελοῖς ἂν ἢ σιγῶν πλέον.
Ἑλένη δ' ἐμόχθησ' οὐχ ἑκοῦσ', ἀλλ' ἐκ θεῶν, 680
καὶ τοῦτο πλεῖστον ὠφέλησεν Ἑλλάδα·
ὅπλων γὰρ ὄντες καὶ μάχης ἀίστορες
ἔβησαν εἰς τἀνδρεῖον· ἡ δ' ὁμιλία
πάντων βροτοῖσι γίγνεται διδάσκαλος.
Εἰ δ' εἰς πρόσοψιν τῆς ἐμῆς ἐλθὼν ἐγὼ 685
γυναικὸς ἔσχον μὴ κτανεῖν, ἐσωφρόνουν.
Οὐδ' ἂν σὲ Φῶκον ἤθελον κατακτανεῖν.
Ταῦτ' εὖ φρονῶν σ' ἐπῆλθον, οὐκ ὀργῆς χάριν·
ἢν δ' ὀξυθυμῇς, σοὶ μὲν ἡ γλωσσαλγία
μείζων, ἐμοὶ δὲ κέρδος ἡ προμηθία. 690

Χορός

Παύσασθον ἤδη--λῷστα γὰρ μακρῷ τάδε--
λόγων ματαίων, μὴ δύο σφαλῆθ' ἅμα.

Πηλεύς

Οἴμοι, καθ' Ἑλλάδ' ὡς κακῶς νομίζεται·
ὅταν τροπαῖα πολεμίων στήσῃ στρατός,
οὐ τῶν πονούντων τοὔργον ἡγοῦνται τόδε, 695
ἀλλ' ὁ στρατηγὸς τὴν δόκησιν ἄρνυται,
ὃς εἷς μετ' ἄλλων μυρίων πάλλων δόρυ,
οὐδὲν πλέον δρῶν ἑνὸς ἔχει πλείω λόγον.
[Σεμνοὶ δ' ἐν ἀρχαῖς ἥμενοι κατὰ πτόλιν
φρονοῦσι δήμου μεῖζον, ὄντες οὐδένες· 700
οἱ δ' εἰσὶν αὐτῶν μυρίῳ σοφώτεροι,
εἰ τόλμα προσγένοιτο βούλησίς θ' ἅμα.]
Ὡς καὶ σὺ σός τ' ἀδελφὸς ἐξωγκωμένοι
Τροίᾳ κάθησθε τῇ τ' ἐκεῖ στρατηγίᾳ,
μόχθοισιν ἄλλων καὶ πόνοις ἐπηρμένοι. 705
Δείξω δ' ἐγώ σοι μὴ τὸν Ἰδαῖον Πάριν
μείζω νομίζειν Πηλέως ἐχθρόν ποτε,
εἰ μὴ φθερῇ τῆσδ' ὡς τάχιστ' ἀπὸ στέγης
καὶ παῖς ἄτεκνος, ἣν ὅ γ' ἐξ ἡμῶν γεγὼς
ἐλᾷ δι' οἴκων τῶνδ' ἐπισπάσας κόμης 710
εἰ στερρὸς οὖσα μόσχος οὐκ ἀνέξεται
τίκτοντας ἄλλους, οὐκ ἔχουσ' αὐτὴ τέκνα.
Ἀλλ', εἰ τὸ κείνης δυστυχεῖ παίδων πέρι,
ἄπαιδας ἡμᾶς δεῖ καταστῆναι τέκνων;
φθείρεσθε τῆσδε, δμῶες, ὡς ἂν ἐκμάθω 715
εἴ τίς με λύειν τῆσδε κωλύσει χέρας.
Ἔπαιρε σαυτήν· ὡς ἐγὼ καίπερ τρέμων
πλεκτὰς ἱμάντων στροφίδας ἐξανήσομαι.
Ὧδ', ὦ κάκιστε, τῆσδ' ἐλυμήνω χέρας;
βοῦν ἢ λέοντ' ἤλπιζες ἐντείνειν βρόχοις; 720
ἢ μὴ ξίφος λαβοῦσ' ἀμυνάθοιτό σε
ἔδεισας; ἕρπε δεῦρ' ὑπ' ἀγκάλας, βρέφος,
ξύλλυε μητρὸς δεσμόν· ἐν Φθίᾳ σ' ἐγὼ
θρέψω μέγαν τοῖσδ' ἐχθρόν. Εἰ δ' ἀπῆν δορὸς
τοῖς Σπαρτιάταις δόξα καὶ μάχης ἀγών, 725
τἄλλ' ὄντες ἴστε μηδενὸς βελτίονες.

Χορός

Ἀνειμένον τι χρῆμα πρεσβυτῶν γένος
καὶ δυσφύλακτον ὀξυθυμίας ὕπο.

Μενέλαος

Ἄγαν προνωπὴς εἰς τὸ λοιδορεῖν φέρῃ·
ἐγὼ δὲ πρὸς βίαν μὲν εἰς Φθίαν μολὼν 730
οὔτ' οὖν τι δράσω φλαῦρον οὔτε πείσομαι.
Καὶ νῦν μέν--οὐ γὰρ ἄφθονον σχολὴν ἔχω
ἄπειμ' ἐς οἴκους· ἔστι γάρ τις οὐ πρόσω
Σπάρτης πόλις τις, ἣ πρὸ τοῦ μὲν ἦν φίλη,
νῦν δ' ἐχθρὰ ποιεῖ· τήνδ' ἐπεξελθεῖν θέλω 735
στρατηλατήσας χὑποχείριον λαβεῖν.
Ὅταν δὲ τἀκεῖ θῶ κατὰ γνώμην ἐμήν,
ἥξω· παρὼν δὲ πρὸς παρόντας ἐμφανῶς
γαμβροὺς διδάξω καὶ διδάξομαι λόγους.
Κἂν μὲν κολάζῃ τήνδε καὶ τὸ λοιπὸν ᾖ 740
σώφρων καθ' ἡμᾶς, σώφρον' ἀντιλήψεται·
θυμούμενος δὲ τεύξεται θυμουμένων
[ἔργοισι δ' ἔργα διάδοχ' ἀντιλήψεται].
Τοὺς σοὺς δὲ μύθους ῥᾳδίως ἐγὼ φέρω·
σκιὰ γὰρ ἀντίστοιχος ὣς φωνὴν ἔχεις, 745
ἀδύνατος, οὐδὲν ἄλλο πλὴν λέγειν μόνον.

642  LE CHŒUR.

Les contestations d'abord les plus modérées engendrent de violentes disputes parmi les hommes ; aussi le sage évite d'entrer en discussion avec ses amis.

644 MÉNÉLAS.

Que penser de la sagesse des vieillards, et de ceux dont la Grèce estime le jugement? Quoi ! Pelée, toi, fils d'un héros illustre, allié à ma famille, tu profères des paroles déshonorantes pour toi-même et injurieuses pour moi ; et cela pour une esclave barbare, que tu aurais dû renvoyer par delà le Nil, par delà le Phase : et moi, je devais t'y exhorter sans cesse, car c'est une femme de l'Asie, terre jonchée des cadavres des Grecs ; et elle est complice 420 de la mort de ton fils. Pâris, en effet, le meurtrier d'Achille, était frère d'Hector ; Hector était son époux ; et tu habites sous le même toit, et tu souffres qu'elle prenne place à ta table, et qu'elle enfante chez toi une race odieuse ! et lorsque, dans ton intérêt comme dans le mien, je veux l'immoler, tu l'arraches à mes mains ! Cependant voyons (car il n'y a pas de honte à discuter), si ma fille n'a pas d'enfants, et que cette esclave en mette au monde, les placeras-tu sur le trône de la Phthiotide? Issus d'un sang barbare, les verra-t-on régner sur les Grecs? Est-ce encore moi qui suis insensé, qui foule aux pieds la justice, et toi seul qui aies raison? Considère encore ceci: si après avoir marié ta fille à un citoyen, elle éprouvait un pareil outrage, le supporterais-tu en silence? Non sans doute; et cependant, pour une étrangère, tu lances de telles injures contre tes amis naturels ! Cependant le mari et la femme ont les mêmes droits, celle-ci lorsqu'elle est outragée par son mari, et le mari lorsqu'il a dans sa maison une femme infidèle. Celui-ci se confie dans la force de son bras ; celle-là a pour appui sa famille et ses amis. Il est donc juste que je prête mon secours à ma fille. Tu es vieux, tu es vieux : ce que tu dis de moi comme général des Grecs m'est plus honorable que le silence. Quant à Hélène, son malheur ne fut pas volontaire, mais il fut envoyé par les dieux; et il a eu les suites les plus heureuses pour la Grèce. Ses peuples, inexpérimentés dans les armes et les combats, se sont formés aux vertus guerrières (23) ; la pratique en toutes choses est l'école des mortels. Si, quand je revis mon épouse, je retins mon bras prêt à l'immoler, ma modé- 421 ration fut digne d'éloges. Je voudrais aussi pour ton honneur que tir n'eusses pas tué Phocus (24). C'est par intérêt pour toi que j'en ai tant dit, et non par colère : si tu t'irrites, c'est que chez toi l'intempérance de langue est plus forte : moi, j'aurai l'avantage de la prudence.

LE CHOEUR.

Ah ! mettez fin à ces vaines paroles, pour ne pas avoir tort l'un et l'autre.

693  PÉLÉE.

Oh ! quel mauvais usage règne en Grèce (25) ! Lorsqu'une armée érige des trophées sur les ennemis vaincus, on ne regarde pas cette victoire comme l'ouvrage des soldats ; mais le général en remporte toute la gloire, lui qui, sans avoir fait plus que les autres avec sa lance, recueille cependant toute la renommée. Ils siègent avec gravité dans les magistratures de l'état, et écrasent le peuple de leur orgueil, tout méprisables qu'ils sont ; à côté d'eux pourtant on en voit d'infiniment plus habiles, auxquels il ne manque que d'oser et de vouloir. Ainsi ton frère et toi vous êtes enflés d'orgueil pour la prise de Troie et pour avoir commandé nos armées, tout fiers ainsi des peines et des travaux d'autrui. Mais je t'apprendrai à ne pas regarder le berger Paris comme un ennemi plus redoutable que Pelée, si tu ne disparais au plus tôt de ce palais avec ta fille stérile; autrement le héros issu de mon sang l'en chassera, en la traînant par les cheveux. Cette génisse stérile, parce qu'elle n'a pas d'enfants, ne veut pas souffrir que d'autres enfantent. Mais parce qu'elle est malheureuse dans sa postérité, faut-il que nous en soyons 422 privés nous-mêmes? Laissez cette femme, esclaves; voyons si quelqu'un m'empêchera de lui délier les mains. Lève-toi, infortunée, pour que je détache, en tremblant, les nœuds qui te retiennent. Barbare, as-tu osé meurtrir ainsi ces mains délicates? Croyais tu donc avoir à , enchaîner un taureau ou un lion? Craignais-tu qu'elle ne s'armât d'un glaive pour te repousser? Viens dans mes bras, jeune enfant ; aide-moi à détacher les liens de ta mère. Je t'élèverai dans Phthie, pour être leur ennemi. Si la gloire des armes et la valeur dans les combats ( manquaient aux Spartiates, dans le reste ils n'ont aucune j supériorité.

LE CHŒUR.

Les vieillards sont des êtres violents ; l'irascibilité les rend intraitables.

720 MÉNÉLAS.

Tu te laisses trop aller à ton goût pour les injures. Je suis venu à Phthie contre mon gré ; je n'y ferai et je n'y | souffrirai rien d'indigne. Et maintenant, car j'ai peu de loisir, je retourne dans ma patrie; une ville voisine, et jusqu'ici notre alliée, se montre aujourd'hui notre ennemie : je vais marcher contre elle à la tête d'une armée, et la soumettre à ma puissance  (26). Quand j'aurai terminé cette expédition à mon gré, je reviendrai, et en présence de mon gendre je m'expliquerai, et j'écouterai à mon tour ses raisons. S'il punit cette esclave, et qu'il se montre à l'avenir honnête à mon égard, il me trouvera à son tour honnête pour lui ; mais s'il s'emporte, il éprouvera 425 mon emportement, et sera traité comme il me traitera. Quant à tes outrages, je les supporte sans peine ; car, semblable à une ombre, tu n'as plus que la voix, incapable d'autre chose que de parler. ( Il sort. )

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Πηλεύς

Ἡγοῦ, τέκνον μοι, δεῦρ' ὑπ' ἀγκάλαις σταθείς,
σύ τ', ὦ τάλαινα· χείματος γὰρ ἀγρίου
τυχοῦσα λιμένας ἦλθες εἰς εὐηνέμους.

Ἀνδρομάχη

Ὦ πρέσβυ, θεοί σοι δοῖεν εὖ καὶ τοῖσι σοῖς, 750
σῴσαντι παῖδα κἀμὲ τὴν δυσδαίμονα.
Ὅρα δὲ μὴ νῷν εἰς ἐρημίαν ὁδοῦ
πτήξαντες οἵδε πρὸς βίαν ἄγωσί με,
γέροντα μὲν σ' ὁρῶντες, ἀσθενῆ δ' ἐμὲ
καὶ παῖδα τόνδε νήπιον· σκόπει τάδε, 755
μὴ νῦν φυγόντες εἶθ' ἁλῶμεν ὕστερον.

Πηλεύς

Οὐ μὴ γυναικῶν δειλὸν εἰσοίσεις λόγον·
χώρει· τίς ὑμῶν ἅψεται; κλαίων ἄρα
ψαύσει. Θεῶν γὰρ οὕνεχ' ἱππικοῦ τ' ὄχλου 760
πολλῶν θ' ὁπλιτῶν ἄρχομεν Φθίαν κάτα·
ἡμεῖς δ' ἔτ' ὀρθοὶ κοὐ γέροντες, ὡς δοκεῖς,
ἀλλ' εἴς γε τοιόνδ' ἄνδρ' ἀποβλέψας μόνον
τροπαῖον αὐτοῦ στήσομαι, πρέσβυς περ ὤν.
Πολλῶν νέων γὰρ κἂν γέρων εὔψυχος ὢν
κρείσσων· τί γὰρ δεῖ δειλὸν ὄντ' εὐσωματεῖν; 765

747 PÉLÉE.

Marche devant moi, mon enfant, sous l'égide de mon bras; et toi aussi, infortunée. Après une cruelle tempête, tu as enfin trouvé un port tranquille.

ANDROMAQUE.

Ô vieillard, que les dieux accordent toutes les prospérités aux tiens et à toi-même, qui as sauvé mon fils ainsi que moi ! Mais prends garde que, cachés dans quelque endroit écarté de la route, ils ne m'enlèvent de force, en voyant un vieillard, une faible femme, et un enfant. Vois donc si, en échappant à présent, nous ne risquons pas d'être repris plus tard.

PÉLÉE.

Ne fais pas entendre le timide langage des femmes. Va, qui oserait porter la main sur toi, certes il ne le ferait pas impunément. Grâce aux dieux, à ma cavalerie, et âmes nombreux fantassins, je commande dans Phthie. l'ai encore de la vigueur, et ne suis pas si vieux que tu le penses. Avec un tel homme, il me suffirait d'un regard pour triompher de lui, quel que soit mon âge. Un vieillard, s'il a du cœur, vaut plus que bien des jeunes gens. Que sert la force, unie à la lâcheté ?

( Il emmène Andromaque et Molosse.)

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Χορός

Ἢ μὴ γενοίμαν ἢ πατέρων ἀγαθῶν
εἴην πολυκτήτων τε δόμων μέτοχος.

Εἴ τι γὰρ πάσχοι τις ἀμήχανον, ἀλκᾶς 770
οὐ σπάνις εὐγενέταις,
κηρυσσομένοισι δ' ἀπ' ἐσθλῶν δωμάτων
τιμὰ καὶ κλέος· οὔτοι λείψανα τῶν ἀγαθῶν
ἀνδρῶν ἀφαιρεῖται χρόνος· ἁ δ' ἀρετὰ
καὶ θανοῦσι λάμπει. 775

Κρεῖσσον δὲ νίκαν μὴ κακόδοξον ἔχειν

ἢ ξὺν φθόνῳ σφάλλειν δυνάμει τε δίκαν. 780
Ἡδὺ μὲν γὰρ αὐτίκα τοῦτο βροτοῖσιν,
ἐν δὲ χρόνῳ τελέθει
ξηρὸν καὶ ὀνείδεσιν ἔγκειται δόμος.
Ταύταν ᾔνεσα ταύταν καὶ φέρομαι βιοτάν,
μηδὲν δίκας ἔξω κράτος ἐν θαλάμοις 785
καὶ πόλει δύνασθαι.

Ὤ γέρον Αἰακίδα, 790
πείθομαι καὶ σὺν Λαπίθαισί σε Κενταύ-
ροις ὁμιλῆσαι δορὶ
κλεινοτάτῳ· καὶ ἐπ' Ἀργῴου δορὸς ἄξενον ὑγρὰ

ἐκπερᾶσαι ποντιᾶν Ξυμπληγάδων 795
κλεινὰν ἐπὶ ναυστολίαν,
Ἰλιάδα τε πόλιν ὅτε <τὸ> πάρος
εὐδόκιμος [ὁ] Διὸς ἶνις ἀμφέβαλλεν φόνῳ,

κοινὰν τὰν εὔκλειαν ἔχοντ' 800
Εὐρώπαν ἀφικέσθαι.

766 LE CHOEUR.

Souhaitons ou de n'être pas nées, ou d'appartenir à de nobles parents et à une famille puissante : car, dans les 424 situations critiques, les nobles ne manquent pas de secours. C'est dans les grandes maisons que brillent sur tout l'honneur et la gloire. Le temps n'efface pas la trace des grands hommes, et la vertu brille même parmi les morts.

Il vaut mieux ne point remporter une victoire souillée d'opprobre, que de violer la justice par une puissant odieuse. Un tel triomphe a d'abord quelque douceur mais avec le temps il se change en amertume, et couvre les maisons d'infamie. La vie que j'honore, la vie que je pratique, est celle où nulle puissance n'existe hors de la justice, ni dans la famille, ni dans l'état.

Ô vieillard fils d'Éaque, oui, je le crois, tu signalas ta vaillance contre les Lapithes et les Centaures ; sur le navire Argo, dans une expédition célèbre, tu franchis les Symplégades sauvages, marécageuses, inhospitalières ; et lorsque pour la première fois l'illustre fils de Jupiter porta le carnage sous les murs d'Ilion, tu partageas ses exploits, et l'Europe te revit couvert de gloire.

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Τροφός

Ὦ φίλταται γυναῖκες, ὡς κακὸν κακῷ
διάδοχον ἐν τῇδ' ἡμέρᾳ πορσύνεται.
Δέσποινα γὰρ κατ' οἶκον, Ἑρμιόνην λέγω,
πατρός τ' ἐρημωθεῖσα συννοίᾳ θ' ἅμα, 805
οἷον δέδρακεν ἔργον Ἀνδρομάχην κτανεῖν
καὶ παῖδα βουλεύσασα, κατθανεῖν θέλει,
πόσιν τρέμουσα, μὴ ἀντὶ τῶν δεδραμένων
ἐκ τῶνδ' ἀτίμως δωμάτων ἀποσταλῇ
[ἢ κατθάνῃ κτείνουσα τοὺς οὐ χρὴ κτανεῖν]. 810
Μόλις δέ νιν θέλουσαν ἀρτῆσαι δέρην
εἴργουσι φύλακες δμῶες ἔκ τε δεξιᾶς
ξίφη καθαρπάζουσιν ἐξαιρούμενοι.
Οὕτω μεταλγεῖ καὶ τὰ πρὶν δεδραμένα
ἔγνωκε πράξασ' οὐ καλῶς. Ἐγὼ μὲν οὖν 815
δέσποιναν εἴργουσ' ἀγχόνης κάμνω, φίλαι·
ὑμεῖς δὲ βᾶσαι τῶνδε δωμάτων ἔσω
θανάτου νιν ἐκλύσασθε· τῶν γὰρ ἠθάδων
φίλων νέοι μολόντες εὐπιθέστεροι.

Χορός

Καὶ μὴν ἐν οἴκοις προσπόλων ἀκούομεν 820
βοὴν ἐφ' οἷσιν ἦλθες ἀγγέλλουσα σύ.
Δείξειν δ' ἔοικεν ἡ τάλαιν' ὅσον στένει
πράξασα δεινά· δωμάτων γὰρ ἐκπερᾷ
φεύγουσα χεῖρας προσπόλων πόθῳ θανεῖν.

Ἑρμιόνη

Ἰώ μοί μοι· 825
σπάραγμα κόμας ὀνύχων τε
δάι' ἀμύγματα θήσομαι.

Τροφός

Ὦ παῖ, τί δράσεις; σῶμα σὸν καταικιῇ;

Ἑρμιόνη

Αἰαῖ αἰαῖ·
ἔρρ' αἰθέριον πλοκάμων ἐ- 830
μῶν ἄπο, λεπτόμιτον φάρος.

Τροφός

Τέκνον, κάλυπτε στέρνα, σύνδησον πέπλους.

Ἑρμιόνη

Τί δὲ στέρνα δεῖ καλύπτειν πέπλοις;
δῆλα καὶ ἀμφιφανῆ καὶ ἄκρυπτα δε-
δράκαμεν πόσιν. 835

Τροφός

Ἀλγεῖς φόνον ῥάψασα συγγάμῳ σέθεν;
Ἑρμιόνη κατὰ μὲν οὖν στένω τόλμαν δαί̈αν,
ἃν ἔρξ' ἁ κατάρατος ἐγὼ κατά-
ρατος ἀνθρώποις.

Τροφός

Συγγνώσεταί σοι τήνδ' ἁμαρτίαν πόσις. 840

Ἑρμιόνη

Τί μοι ξίφος
ἐκ χερὸς ἠγρεύσω;
ἀπόδος, ὦ φίλος, ἀπόδος, ἵν' ἀνταίαν
ἐρείσω πλαγάν· τί με βρόχων εἴργεις;

Τροφός

Ἀλλ' εἴ σ' ἀφείην μὴ φρονοῦσαν, ὡς θάνῃς; 845

Ἑρμιόνη

Οἴμοι πότμου.
Ποῦ μοι πυρὸς φίλα φλόξ;
ποῦ δ' ἐκ πέτρας ἀερθῶ,
ἢ κατὰ πόντον ἢ καθ' ὕλαν ὀρέων,
ἵνα θανοῦσα νερτέροισιν μέλω; 850

Τροφός

Τί ταῦτα μοχθεῖς; συμφοραὶ θεήλατοι
πᾶσιν βροτοῖσιν ἢ τότ' ἦλθον ἢ τότε.

Ἑρμιόνη

Ἔλιπες ἔλιπες, ὦ πάτερ, ἐπακτίαν

[ὡσεὶ] μονάδ' ἔρημον οὖσαν ἐνάλου κώπας. 855
Ὀλεῖ ὀλεῖ με [δηλαδὴ πόσις]· τᾷδ' οὐκέτ' ἐνοικήσω
νυμφιδίῳ στέγᾳ.
Τίνος ἀγαλμάτων ἱκέτις ὁρμαθῶ;

ἢ δούλα δούλας γόνασι προσπέσω; 860
Φθιάδος ἐκ γᾶς
κυανόπτερος ὄρνις ἀρθείην,
πευκᾶεν σκάφος ᾇ διὰ Κυανέας ἐπέρασεν ἀκτάς,

πρωτόπλοος πλάτα. 865

Τροφός

Ὦ παῖ, τὸ λίαν οὔτ' ἐκεῖν' ἐπῄνεσα,
ὅτ' εἰς γυναῖκα Τρῳάδ' ἐξημάρτανες,
οὔτ' αὖ τὸ νῦν σου δεῖμ' ὃ δειμαίνεις ἄγαν.
Οὐχ ὧδε κῆδος σὸν διώσεται πόσις
φαύλοις γυναικὸς βαρβάρου πεισθεὶς λόγοις.
Οὐ γάρ τί σ' αἰχμάλωτον ἐκ Τροίας ἔχει, 870
ἀλλ' ἀνδρὸς ἐσθλοῦ παῖδα σὺν πολλοῖς λαβὼν
ἕδνοισι, πόλεώς τ' οὐ μέσως εὐδαίμονος.
Πατὴρ δέ σ' οὐχ ὧδ' ὡς σὺ δειμαίνεις, τέκνον,
προδοὺς ἐάσει δωμάτων τῶνδ' ἐκπεσεῖν. 875
Ἀλλ' εἴσιθ' εἴσω μηδὲ φαντάζου δόμων
πάροιθε τῶνδε, μή τιν' αἰσχύνην λάβῃς
[πρόσθεν μελάθρων τῶνδ' ὁρωμένη, τέκνον].

602 LA NOURRICE d'Hermione.

Ô chères amies, quelle succession de maux fond sur nous aujourd'hui! Hermione, ma maîtresse, abandonnée de son père, et troublée par la conscience du crime qu'elle a voulu commettre en faisant périr Andromaque et son fils, veut mourir ; elle craint que son époux ne la chasse ignominieusement, ou ne la punisse de mort, pour avoir attenté à des jours qu'elle devait respecter. A peine les esclaves qui la gardent peuvent-ils l'empêcher d'attacher à son cou le cordon fatal, et arracher de ses mains le glaive dont elle veut se percer : tant sa douleur est profonde, tant elle se sent coupable, en pensant 425 à ce qu'elle a fait ! Pour moi, je lutte pour empêcher ma maîtresse de se perdre ; mais vous, entrez dans le palais, et détournez-la de mourir : des amis nouveaux sont plus persuasifs que ceux qu'on voit tous les jours.

LE CHOEUR.

Nous entendons dans le palais les cris des serviteurs, excités par les scènes que tu nous annonces. L'infortunée ! elle montre bien le désespoir que lui cause son crime ; et elle s'élance hors du palais, elle s'échappe des mains de ses serviteurs, pour se donner la mort.

HERMIONE.

Hélas! hélas! laissez mes mains arracher mes cheveux ; laissez-les déchirer mon visage.

LA NOURRICE.

Ma fille, que veux-tu faire? pourquoi défigurer ton corps?

HERMIONE.

Ah ! hélas !.. vole dans les airs, loin de ma tête, voile léger.

LA NOURRICE.

Ma fille, cache ta poitrine, couvre-la de ton péplum.

HERMIONE.

Pourquoi cacher ma poitrine ? mes torts envers mon époux ne sont-ils pas à découvert, visibles à tous les yeux? Rien n'est caché.

LA NOURRICE.

Te désoles-tu d'avoir tramé la mort de ta rivale?

HERMIONE.

Je déplore les attentats odieux qui me rendent un objet d'horreur, oui d'horreur pour tous les hommes.

LA NOURRICE.

Ton époux te pardonnera cette faute.

426 HERMIONE.

Pourquoi m'arracher ce poignard? rends-le-moi, chère amie, rends-le-moi, que je perce mon sein. Pourquoi m'éloigner du lacet fatal ?

LA NOURRICE.

Puis-je t'abandonner dans ton délire, pour te laisser mourir?

HERMIONE.

Ô destinée! où trouverai-je des flammes amies pour me dévorer? où pourrai-je gravir des rochers voisins de la mer, ou dans les montagnes couvertes de forêts, pour mourir et appartenir aux enfers?

LA NOURRICE.

Pourquoi te tourmenter ainsi ? Les calamités envoyées par les dieux n'épargnent aucun mortel, soit dans un temps, soit dans un autre.

HERMIONE.

Tu m'as abandonnée, mon père, tu m'as abandonnée, comme un vaisseau sans rames et sans gouvernail sur un rivage désert. Mon époux me tuera, il me tuera : je n'habiterai plus sous ce toit conjugal. De quelle divinité irai-je en suppliante embrasser la statue? Tomberai-je en esclave aux pieds d'une esclave ? Que ne puis-je m'élancer loin de la terre de Phthie, sur des ailes rapides, comme un oiseau ! ou que ne suis-je le navire qui, le premier poussé par la rame agile, franchit les îles Cyanées( 27) !

866 LA NOURRICE.

Ma fille, je n'ai pas approuvé l'excès de tes torts envers cette Troyenne ; et maintenant je n'approuve pas 427 non plus l'excès de tes craintes. Ton époux ne rejettera pas ainsi ton alliance, en cédant aux instigations d'une . femme barbare. Tu n'es pas une captive qu'il ait ramenée de Troie, mais la fille d'un illustre père, qu'il a reçue avec une riche dot, et dans une ville florissante. Ton père ne té trahira pas comme tu le crains, et ne te laissera pas chasser de cette maison. Rentre donc, et ne te montre pas au devant du palais, de peur qu'il ne fût malséant pour toi d'être vue dehors.

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Χορός

Καὶ μὴν ὅδ' ἀλλόχρως τις ἔκδημος ξένος
σπουδῇ πρὸς ἡμᾶς βημάτων πορεύεται. 880

Ὀρέστης

Ξέναι γυναῖκες, ἦ τάδ' ἔστ' Ἀχιλλέως
παιδὸς μέλαθρα καὶ τυραννικαὶ στέγαι;

Χορός

Ἔγνως· ἀτὰρ δὴ τίς σὺ πυνθάνῃ τάδε;

Ὀρέστης

Ἀγαμέμνονός τε καὶ Κλυταιμήστρας τόκος,
ὄνομα δ' Ὀρέστης· ἔρχομαι δὲ πρὸς Διὸς 885
μαντεῖα Δωδωναῖ'. Ἐπεὶ δ' ἀφικόμην
Φθίαν, δοκεῖ μοι ξυγγενοῦς μαθεῖν πέρι
γυναικός, εἰ ζῇ κεὐτυχοῦσα τυγχάνει
ἡ Σπαρτιᾶτις Ἑρμιόνη· τηλουρὰ γὰρ
ναίουσ' ἀφ' ἡμῶν πεδί' ὅμως ἐστὶν φίλη. 890

Ἑρμιόνη

Ὦ ναυτίλοισι χείματος λιμὴν φανεὶς
Ἀγαμέμνονος παῖ, πρός σε τῶνδε γουνάτων,
οἴκτιρον ἡμᾶς ὧν ἐπισκοπεῖς τύχας,
πράσσοντας οὐκ εὖ. Στεμμάτων δ' οὐχ ἥσσονας
σοῖς προστίθημι γόνασιν ὠλένας ἐμάς. 895

Ὀρέστης

Ἔα· τί χρῆμα; μῶν ἐσφάλμεθ' ἢ σαφῶς ὁρῶ
δόμων ἄνασσαν τῶνδε Μενέλεω κόρην;

Ἑρμιόνη

Ἥνπερ μόνην γε Τυνδαρὶς τίκτει γυνὴ

Ἑλένη

Κατ' οἴκους πατρί· μηδὲν ἀγνόει.

900 Ὀρέστης

Ὦ Φοῖβ' ἀκέστορ, πημάτων δοίης λύσιν.
Τί χρῆμα; πρὸς θεῶν ἢ βροτῶν πάσχεις κακά;

Ἑρμιόνη

Τὰ μὲν πρὸς ἡμῶν, τὰ δὲ πρὸς ἀνδρὸς ὅς μ' ἔχει,
τὰ δ' ἐκ θεῶν του· πανταχῇ δ' ὀλώλαμεν.

Ὀρέστης

Τίς οὖν ἂν εἴη μὴ πεφυκότων γέ πω
παίδων γυναικὶ συμφορὰ πλὴν εἰς λέχος; 905

Ἑρμιόνη

Τοῦτ' αὐτὸ καὶ νοσοῦμεν· εὖ μ' ὑπηγάγου.

Ὀρέστης

Ἄλλην τιν' εὐνὴν ἀντὶ σοῦ στέργει πόσις;

Ἑρμιόνη

Τὴν αἰχμάλωτον Ἕκτορος ξυνευνέτιν.

910 Ὀρέστης

Κακόν γ' ἔλεξας, ἄνδρα δίσσ' ἔχειν λέχη.

Ἑρμιόνη

Τοιαῦτα ταῦτα. Κᾆτ' ἔγωγ' ἠμυνάμην.

Ὀρέστης

Μῶν εἰς γυναῖκ' ἔρραψας οἷα δὴ γυνή;

Ἑρμιόνη

Φόνον γ' ἐκείνῃ καὶ τέκνῳ νοθαγενεῖ.

Ὀρέστης

Κἄκτεινας, ἤ τις συμφορά σ' ἀφείλετο;

Ἑρμιόνη

Γέρων γε Πηλεύς, τοὺς κακίονας σέβων.

915 Ὀρέστης

Σοὶ δ' ἦν τις ὅστις τοῦδ' ἐκοινώνει φόνου;

Ἑρμιόνη

Πατήρ γ' ἐπ' αὐτὸ τοῦτ' ἀπὸ Σπάρτης μολών.

Ὀρέστης

Κἄπειτα τοῦ γέροντος ἡσσήθη χερί;

Ἑρμιόνη

Αἰδοῖ γε· καί μ' ἔρημον οἴχεται λιπών.

Ὀρέστης

Συνῆκα· ταρβεῖς τοῖς δεδραμένοις πόσιν.

879  LE CHŒUR.

Voici un étranger, comme son extérieur l'annonce, qui s'avance vers vous à pas précipités.

ORESTE.

Étrangères, est-ce ici la demeure royale du fils d'Achille?

LE CHŒUR.

Tu l'as dit; mais qui es-tu, toi qui nous fais cette question ?

ORESTE.

Je suis le fils d'Agamemnon et de Clytemnestre; Oreste est mon nom. Je vais consulter l'oracle de Jupiter à Dodone. En passant par le pays de Phthie, j'ai jugé à propos de m'informer d'une parente. Hermione, de Sparte, est-elle vivante et heureuse? Malgré la distance qui la sépare de nous, elle ne m'est pas moins chère.

HERMIONE.

891 Fils d'Agamemnon, qui m'apparais comme le port au nautonier dans la tempête, prends pitié de nous, dont tu vois l'infortune. Si je n'ai pas le rameau des suppliants, mes mains embrassent tes genoux.

428 ORESTE.

Eh quoi ! me trompé-je? Est-ce la fille de Ménélas que je vois, la maîtresse de ce palais?

HERMIONE.

C'est elle-même, celle qu'Hélène fille de Tyndare donna à son père.

ORESTE.

Ô Apollon secourable, délivre-la de ses maux. Qu'y a-t-il ? qui des dieux ou des mortels te persécute?

HERMIONE.
Moi-même, mon époux, les dieux enfin, tout s'unit pour me perdre.

ORESTE.

Pour une femme, lorsqu'elle n'a pas encore d'enfant, peut-il y avoir d'autre peine que l'amour outragé ?

HERMIONE.

C'est là mon mal ; tu l'as bien deviné.

ORESTE.

Ton époux en aime-t-il une autre que toi?

HERMIONE.

Sa captive, la veuve d'Hector.

ORESTE.

C'est une chose mauvaise, qu'un homme ait deux épouses.

HERMIONE.

Il en est ainsi : j'ai voulu me venger.

ORESTE.

Tu lui as sans doute tendu quelque piège, tel qu'une femme en dresse à sa rivale?

HERMIONE.

J'ai voulu la faire périr avec son fils bâtard.

ORESTE.

L'as-tu tuée? ou quelque accident te l'a-t-il ravie?

420 HERMIONE.

Le vieillard Pélée a protégé les méchants.

ORESTE.

Avais-tu quelque complice de ce meurtre?

HERMIONE

Mon père, venu de Sparte dans ce dessein même.

ORESTE.

Aurait-il ensuite été vaincu parla main d'un vieillard?

HERMIONE.

Non, mais par la honte : il est parti, et m'a laissée seule.

ORESTE.

Je comprends ; tu crains la colère de ton époux, quand il saura ce que tu as fait.

920 Ἑρμιόνη

Ἔγνως· ὀλεῖ γάρ μ' ἐνδίκως. Τί δεῖ λέγειν;
Ἀλλ' ἄντομαί σε Δία καλοῦσ' ὁμόγνιον,
πέμψον με χώρας τῆσδ' ὅποι προσωτάτω
ἢ πρὸς πατρῷον μέλαθρον· ὡς δοκοῦσί γε
δόμοι τ' ἐλαύνειν φθέγμ' ἔχοντες οἵδε με,
μισεῖ τε γαῖα Φθιάς. Εἰ δ' ἥξει πάρος 925
Φοίβου λιπὼν μαντεῖον εἰς δόμους πόσις,
κτενεῖ μ' ἐπ' αἰσχίστοισιν· ἢ δουλεύσομεν
νόθοισι λέκτροις ὧν ἐδέσποζον πρὸ τοῦ.

Ὀρέστης

Πῶς οὖν τάδ', ὡς εἴποι τις, ἐξημάρτανες;

930 Ἑρμιόνη

Κακῶν γυναικῶν εἴσοδοί μ' ἀπώλεσαν,
αἵ μοι λέγουσαι τούσδ' ἐχαύνωσαν λόγους·
Σὺ τὴν κακίστην αἰχμάλωτον ἐν δόμοις
δούλην ἀνέξῃ σοὶ λέχους κοινουμένην;
μὰ τὴν ἄνασσαν, οὐκ ἂν ἔν γ' ἐμοῖς δόμοις
βλέπουσ' ἂν αὐγὰς τἄμ' ἐκαρποῦτ' ἂν λέχη. 935
Κἀγὼ κλύουσα τούσδε Σειρήνων λόγους,
[σοφῶν πανούργων ποικίλων λαλημάτων,]
ἐξηνεμώθην μωρίᾳ. Τί γάρ μ' ἐχρῆν
πόσιν φυλάσσειν, ᾗ παρῆν ὅσων ἔδει;
πολὺς μὲν ὄλβος· δωμάτων δ' ἠνάσσομεν· 940
παῖδας δ' ἐγὼ μὲν γνησίους ἔτικτον ἄν,
ἡ δ' ἡμιδούλους τοῖς ἐμοῖς νοθαγενεῖς.
Ἀλλ' οὔποτ' οὔποτ' ̔οὐ γὰρ εἰσάπαξ ἐρῶ̓
χρὴ τούς γε νοῦν ἔχοντας, οἷς ἔστιν γυνή,
πρὸς τὴν ἐν οἴκοις ἄλοχον ἐσφοιτᾶν ἐᾶν 945
γυναῖκας· αὗται γὰρ διδάσκαλοι κακῶν·
ἡ μέν τι κερδαίνουσα συμφθείρει λέχος,
ἡ δ' ἀμπλακοῦσα συννοσεῖν αὑτῇ θέλει,
πολλαὶ δὲ μαργότητι. Κἀντεῦθεν δόμοι
νοσοῦσιν ἀνδρῶν. Πρὸς τάδ' εὖ φυλάσσετε 950
κλῄθροισι καὶ μοχλοῖσι δωμάτων πύλας·
ὑγιὲς γὰρ οὐδὲν αἱ θύραθεν εἴσοδοι
δρῶσιν γυναικῶν, ἀλλὰ πολλὰ καὶ κακά.

Χορός

Ἄγαν ἐφῆκας γλῶσσαν εἰς τὸ σύμφυτον.
Συγγνωστὰ μέν νυν σοὶ τάδ', ἀλλ' ὅμως χρεὼν 955
κοσμεῖν γυναῖκας τὰς γυναικείας νόσους.

Ὀρέστης

Σοφόν τι χρῆμα τοῦ διδάξαντος βροτοὺς
λόγους ἀκούειν τῶν ἐναντίων πάρα.
Ἐγὼ γὰρ εἰδὼς τῶνδε σύγχυσιν δόμων 960
ἔριν τε τὴν σὴν καὶ γυναικὸς Ἕκτορος,
φυλακὰς ἔχων ἔμιμνον, εἴτ' αὐτοῦ μενεῖς
εἴτ' ἐκφοβηθεῖσ' αἰχμαλωτίδος φόνῳ
γυναικὸς οἴκων τῶνδ' ἀπηλλάχθαι θέλεις.
Ἦλθον δὲ σὰς μὲν οὐ σέβων ἐπιστολάς,
εἰ δ' ἐνδιδοίης, ὥσπερ ἐνδίδως, λόγον, 965
πέμψων σ' ἀπ' οἴκων τῶνδ'. Ἐμὴ γὰρ οὖσα πρὶν
σὺν τῷδε ναίεις ἀνδρὶ σοῦ πατρὸς κάκῃ,
ὃς πρὶν τὰ Τροίας ἐσβαλεῖν ὁρίσματα
γυναῖκ' ἐμοί σε δοὺς ὑπέσχεθ' ὕστερον
τῷ νῦν σ' ἔχοντι, Τρῳάδ' εἰ πέρσοι πόλιν. 970
Ἐπεὶ δ' Ἀχιλλέως δεῦρ' ἐνόστησεν γόνος,
σῷ μὲν συνέγνων πατρί, τὸν δ' ἐλισσόμην
γάμους ἀφεῖναι σούς, ἐμὰς λέγων τύχας
καὶ τὸν παρόντα δαίμον', ὡς φίλων μὲν ἂν
γήμαιμ' ἀπ' ἀνδρῶν, ἔκτοθεν δ' οὐ ῥᾳδίως, 975
φεύγων ἀπ' οἴκων ἃς ἐγὼ φεύγω φυγάς.
Ὁ δ' ἦν ὑβριστὴς ἐς τ' ἐμῆς μητρὸς φόνον
τάς θ' αἱματωποὺς θεὰς ὀνειδίζων ἐμοί.
Κἀγὼ ταπεινὸς ὢν τύχαις ταῖς οἴκοθεν
ἤλγουν μὲν ἤλγουν, συμφορὰς δ' ἠνειχόμην, 980
σῶν δὲ στερηθεὶς ᾠχόμην ἄκων γάμων.
Νῦν οὖν, ἐπειδὴ περιπετεῖς ἔχεις τύχας
καὶ ξυμφορὰν τήνδ' ἐσπεσοῦσ' ἀμηχανεῖς,
ἄξω σ' ἀπ' οἴκων καὶ πατρὸς δώσω χερί.
Τὸ συγγενὲς γὰρ δεινόν, ἔν τε τοῖς κακοῖς 985
οὐκ ἔστιν οὐδὲν κρεῖσσον οἰκείου φίλου.

Ἑρμιόνη

Νυμφευμάτων μὲν τῶν ἐμῶν πατὴρ ἐμὸς
μέριμναν ἕξει, κοὐκ ἐμὸν κρίνειν τόδε.
Ἀλλ' ὡς τάχιστα τῶνδέ μ' ἔκπεμψον δόμων
μὴ φθῇ σε προσβὰς δῶμα καὶ μ' ἑλὼν πόσις, 990
ἢ πρέσβυς οἴκους μ' ἐξερημοῦσαν μαθὼν
Πηλεὺς μετέλθῃ πωλικοῖς διώγμασιν.

Ὀρέστης

Θάρσει γέροντος χεῖρα· τὸν δ' Ἀχιλλέως
μηδὲν φοβηθῇς παῖδ', ὅσ' εἰς ἔμ' ὕβρισε.
Τοία γὰρ αὐτῷ μηχανὴ πεπλεγμένη 995
βρόχοις ἀκινήτοισιν ἕστηκεν φόνου
πρὸς τῆσδε χειρός· ἣν πάρος μὲν οὐκ ἐρῶ,
τελουμένων δὲ Δελφὶς εἴσεται πέτρα.
Ὁ μητροφόντης δ', ἢν δορυξένων ἐμῶν
μείνωσιν ὅρκοι Πυθικὴν ἀνὰ χθόνα, 1000
δείξω γαμεῖν σφε μηδέν' ὧν ἐχρῆν ἐμέ.
Πικρῶς δὲ πατρὸς φόνιον αἰτήσει δίκην
ἄνακτα Φοῖβον· οὐδέ νιν μετάστασις
γνώμης ὀνήσει θεῷ διδόντα νῦν δίκας,
ἀλλ' ἔκ τ' ἐκείνου διαβολαῖς τε ταῖς ἐμαῖς 1005
κακῶς ὀλεῖται· γνώσεται δ' ἔχθραν θεοῦ.
Ἐχθρῶν γὰρ ἀνδρῶν μοῖραν εἰς ἀναστροφὴν
δαίμων δίδωσι κοὐκ ἐᾷ φρονεῖν μέγα.

920  HERMIONE.

Tu l'as dit. Il me tuera, et je le mérite : à quoi bon le nier? Mais je t'en conjure par Jupiter protecteur des liens du sang, emmène-moi le plus loin possible de ce pays, ou dans la maison paternelle ; envoie-moi aux extrémités de la terre. Ces murs me semblent prêts à me chasser, s'ils pouvaient prendre la parole ; la terre de Phthie m'a en horreur. Si mon époux, laissant l'oracle d'Apollon, arrive avant que tu ne m'aies délivrée, la mort punira mon forfait ; ou je deviendrai l'esclave de cette concubine, dont jetais naguère la maîtresse.

ORESTE.

Comment donc as-tu commis une pareille faute?

HERMIONE.

930 De méchantes femmes m'ont perdue par leurs conseils; elles m'ont enflé le cœur par un langage tel que celui-ci : « Souffrir as-tu dans ta maison une vile captive, une esclave qui partage ta couche ? J'en jure par notre 430 . souveraine (28), chez moi du moins celle qui m'outragerait ainsi ne jouirait pas longtemps de la lumière. » Je prêtai l'oreille aux discours de ces artificieuses sirènes ; leur langage insinuant et dangereux m'égara jusqu'à la folie : car enfin pourquoi voulais-je garder un époux à vue ? Que manquait-il à mes désirs? je nageais dans l'opulence, je régnais dans ce palais. J'aurais mis au jour des enfants légitimes, et ceux de ma rivale étaient des bâtards à moitié esclaves des miens. Oh ! que jamais, je le répète, que jamais les hommes sensés ne permettent aux femmes d'entrer dans leurs maisons, de s'introduire auprès de leurs épouses ! ce sont elles qui leur enseignent le vice. L'une est payée pour la corrompre ; une autre, qui se sent coupable, cherchée l'entraîner avec elle; un grand nombre, par le libertinage. Voilà comment le désordre trouble les familles. Fermez les portes avec des grilles et des verrous. Les visites des femmes du dehors ne produisent rien de bon ; au contraire, elles font beaucoup de mal.

LE CHOEUR.

Ta langue se déchaîne à l'excès contre ton sexe. Il faut te le pardonner : cependant il convient aux femmes de parer les défauts des femmes.

ORESTE.

958 Celui-là était sage, qui a donné le précepte d'entendre les discours des hommes de leur propre bouche. Car moi, connaissant le trouble qui règne dans ce palais, et tes querelles avec la veuve d'Hector, j'aurais pu attendre pour savoir si tu restes en ces lieux, ou si la crainte de la captive t'obligera d'en sortir. Mais je me suis décidé à venir, sans attendre tes ordres, et si tu pensais 431 comme je vois que tu le fais, pour remmener de cette maison. Car tu m'appartenais ; et si un autre est devenu ton époux, c'est par le manque de foi de ton père, qui, avant son départ pour Troie, t'avait donnée à moi pour femme, et qui ensuite te promit à celui qui te possède, s'il renversait les murs de Troie. Mais lorsque le fils d'Achille fût de retour ici, je pardonnai à ton père, et je priai Néoptolème de renoncer à ton hymen, en lui disant mes infortunes et le mauvais génie qui me poursuit; que je pourrais trouver une épouse dans ma famille, mais difficilement ailleurs, dans l'exil qui m'éloignai t de ma patrie. Il répondit par des outrages, et me reprocha durement le meurtre de ma mère, et les Furies vengeresses. Humilié par mes calamités domestiques, je souffrais, oui je souffrais; mais je supportai mon malheur, et, forcé de renoncer à ta main, je partis à regret. Maintenant que ta fortune a changé de face, et que, tombée dans l'adversité, tu ne sais que résoudre, je te tirerai de ces lieux, et te remettrai aux mains de ton père. Telle est la force des liens du sang ; et dans le malheur il n'est rien de meilleur que les affections de la famille.

HERMIONE.

Pour ce qui est de mon hymen, ce soin regarde mon père, et ce n'est pas à moi d'en décider. Mais éloigne-moi au plus tôt de cette demeure ; craignons d'être prévenus par le retour de mon époux, et que Pelée, apprenant que j abandonne le palais de son fils, ne se mette à ma poursuite avec des coursiers rapides.

993 ORESTE.

Ne redoute pas le bras d'un vieillard, et ne crains pas non plus le fils d'Achille, qui m'a outragé : cette main vient de lui dresser un piège mortel et inévitable; je ne l'expliquerai pas d'avance, mais le rocher de Delphes 432 le connaîtra quand il sera temps. Le parricide lui apprendra, si les serments de mes amis sont fidèlement gardés sur la terre delphique, qu'il ne devait pas épouser celle qui me fut promise. La vengeance qu'il a demandée à Apollon du meurtre de son père, lui coûtera cher, et son repentir lui servira peu auprès du dieu qui doit le punir. Mais la mort sera le châtiment de ses accusations contre le dieu et contre moi, et il apprendra ce que peut ma haine : car Dieu renverse la fortune de ses ennemis, et se plaît à briser leur orgueil.

( Il sort avec Hermione. )

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Χορός

Ὦ Φοῖβε πυργώσας τὸν ἐν Ἰλίῳ εὐτειχῆ πάγον
καὶ πόντιε κυανέαις ἵπποις διφρεύ- 1010
ων ἅλιον πέλαγος,

τίνος οὕνεκ' ἄτιμον ὀργά-
ας χέρα τεκτοσύνας Ἐ- 1015
νυαλίῳ δοριμήστορι προσθέν-
τες τάλαιναν τάλαι-
ναν μεθεῖτε Τροίαν;

Πλείστους δ' ἐπ' ἀκταῖσιν Σιμοεντίσιν εὐίππους ὄχους
ἐζεύξατε καὶ φονίους ἀνδρῶν ἁμίλ- 1020
λας ἔθετ' ἀστεφάνους·
ἀπὸ δὲ φθίμενοι βεβᾶσιν
Ἰλιάδαι βασιλῆες,

οὐδ' ἔτι πῦρ ἐπιβώμιον ἐν Τροί- 1025
ᾳ θεοῖσιν λέλαμ-
πεν καπνῷ θυώδει.

Βέβακε δ' Ἀτρείδας ἀλόχου παλάμαις,
αὐτά τ' ἐναλλάξασα φόνῳ θάνατον
πρὸς τέκνων ἀπηύρα. 1030
Θεοῦ θεοῦ νῦν κέλευμ' ἐπεστράφη
μαντόσυνον, ὅτε νιν Ἀργόθεν πορευθεὶς
Ἀγαμεμνόνιος κέλωρ, ἀδύτων ἐπιβὰς

κτήσατ', ὢν ματρὸς φονεὺς 1035
ὦ δαῖμον, ὦ Φοῖβε, πῶς πείθομαι;

πολλαὶ δ' ἀν' Ἑλλάνων ἀγόρους στοναχὰς
μέλποντο δυστάνων λεχέων ἄλοχοι,

ἐκ δ' ἔλειπον οἴκους 1040
πρὸς ἄλλον εὐνάτορ'. Οὐχὶ σοὶ μόνᾳ
δύσφρονες ἐπέπεσον, οὐ φίλοισι, λῦπαι·
νόσον Ἑλλὰς ἔτλα, νόσον· διέβα δὲ Φρυγῶν

καὶ πρὸς εὐκάρπους γύας 1045
σκηπτὸς σταλάσσων †Ἅιδα† φόνον.

1009  LE CHOEUR.

Ô Phébus, qui élevas de solides remparts sur la colline d'Ilion, et toi, dieu des mers, dont le char traîné par des chevaux marins traverse la plaine liquide, pourquoi avez-vous laissé outrager l'ouvrage de vos mains, en abandonnant la malheureuse Troie aux fureurs du dieu des combats?

Vous avez attelé les chars belliqueux sur les bords du Simoïs; vous avez moissonné les guerriers dans des combats meurtriers, pour lesquels il n'est point de couronne ; et les rois d'Ilion sont renversés dans la poussière : le feu ne brûle plus sur les autels des dieux dans Troie, et ne fait plus monter aux cieux la fumée des sacrifices.

Le fils d'Atrée est mort par la main de son épouse ; elle-même a payé son crime de la vie, en tombant sous les coups de son fils. La parole d'un dieu le fit agir : sur la foi de l'oracle, le fils d'Agamemnon, parti d'Argos, pénétra dans l'asile intérieur, et devint le meurtrier de sa mère!... Ô dieu! ô Phébus! comment pour 433
rais-je le croire? Combien de femmes, dans la Grèce, ont célébré par des gémissements et dos cris douloureux la perte de leurs fils infortunés ! elles ont abandonné leurs maisons désertes, pour voler vers un nouvel époux.

Toi et les tiens, vous n'êtes pas les seuls que de cruels chagrins aient éprouvés : la Grèce a été en proie à des maux terribles; et la foudre a sillonné les fertiles plaines de la Phrygie, en y semant la mort.

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Πηλεύς

Φθιώτιδες γυναῖκες, ἱστοροῦντί μοι
σημήνατ'· ᾐσθόμην γὰρ οὐ σαφῆ λόγον
ὡς δώματ' ἐκλιποῦσα Μενέλεω κόρη
φρούδη τάδ'· ἥκω δ' ἐκμαθεῖν σπουδὴν ἔχων 1050
εἰ ταῦτ' ἀληθῆ· τῶν γὰρ ἐκδήμων φίλων
δεῖ τοὺς κατ' οἶκον ὄντας ἐκπονεῖν τύχας.

Χορός

Πηλεῦ, σαφῶς ἤκουσας· οὐδ' ἐμοὶ καλὸν
κρύπτειν ἐν οἷς παροῦσα τυγχάνω κακοῖς·
βασίλεια γὰρ τῶνδ' οἴχεται φυγὰς δόμων. 1055

Πηλεύς

Τίνος φόβου τυχοῦσα; διαπέραινέ μοι.

Χορός

Πόσιν τρέμουσα, μὴ δόμων νιν ἐκβάλῃ.

Πηλεύς

Μῶν ἀντὶ παιδὸς θανασίμων βουλευμάτων;

Χορός

Ναί, καὶ γυναικὸς αἰχμαλωτίδος φόβῳ.

1060 Πηλεύς

Σὺν πατρὶ δ' οἴκους ἢ τίνος λείπει μέτα;

Χορός

Ἀγαμέμνονός νιν παῖς βέβηκ' ἄγων χθονός.

Πηλεύς

Ποίαν περαίνων ἐλπίδ'; ἦ γῆμαι θέλων;

Χορός

Καὶ σῷ γε παιδὸς παιδὶ πορσύνων μόρον.

Πηλεύς

Κρυπτὸς καταστὰς ἢ κατ' ὄμμ' ἐλθὼν μάχῃ;

1065 Χορός

Ἀγνοῖς ἐν ἱεροῖς Λοξίου Δελφῶν μέτα.

Πηλεύς

Οἴμοι· τόδ' ἤδη δεινόν. οὐχ ὅσον τάχος
χωρήσεταί τις Πυθικὴν πρὸς ἑστίαν
καὶ τἀνθάδ' ὄντα τοῖς ἐκεῖ λέξει φίλοις,
πρὶν παῖδ' Ἀχιλλέως κατθανεῖν ἐχθρῶν ὕπο;

1047  PÉLÉE.

Femmes de Phthie, répondez à mes questions : j'ai appris, par un bruit confus, que la fille de Ménélas a quitté ce palais et qu'elle est disparue. Je viens dans le désir de m'informer de la vérité; car, en l'absence de nos amis, ceux qui restent doivent veiller sur leurs intérêts.

LE CHOEUR.

Pelée, il est trop vrai : il ne serait pas convenable à moi de cacher un mal auquel je prends part moi-même La reine s'est enfuie de ce palais.

PÉLÉE.

Quelle crainte l'y a portée? Achève de m'instruire.

LE CHOEUR.

Elle tremblait que son époux ne la forçât d'en sortir.

PÉLÉE.

. Est-ce à cause du projet qu'elle avait conçu de faire périr cet enfant?

LE CHOEUR.

Oui, et par crainte de la captive, sa rivale.

PÉLÉE.

Est-ce avec son père qu'elle a fui? ou quel autre l'accompagne?

434 LE CHŒUR.

C'est le fils d'Agamemnon qui l'a emmenée.

PÉLÉE.

Dans quel espoir? Veut-il en faire son épouse ?

LE CHŒUR.

Oui, et il médite la mort de ton fils.

PÉLÉE.

Par des embûches secrètes, ou en l'attaquant en face?

LE CHŒUR.

Dans le temple sacré d'Apollon, aidé des habitants de Delphes.

PÉLÉE.

Dieux! quelle horreur !... Vite, courez au temple de Delphes; racontez à nos amis ce qui s'est passé ici, et prévenez la mort du fils d'Achille.

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1070 Ἄγγελος

Ὤμοι μοι· οἵας ὁ τλήμων ἀγγελῶν ἥκω τύχας
σοί τ', ὦ γεραιέ, καὶ φίλοισι δεσπότου.

Πηλεύς

Αἰαῖ· πρόμαντις θυμὸς ὥς τι προσδοκᾷ.

Ἄγγελος

Οὐκ ἔστι σοι παῖς παιδός, ὡς μάθῃς, γέρον
Πηλεῦ· τοιάσδε φασγάνων πληγὰς ἔχει
Δελφῶν ὑπ' ἀνδρῶν καὶ Μυκηναίου ξένου. 1075

Χορός

Ἆ ἆ, τί δράσεις, ὦ γεραιέ; μὴ πέσῃς· ἔπαιρε σαυτόν.

Πηλεύς

Οὐδέν εἰμ'· ἀπωλόμην.
Φρούδη μὲν αὐδή, φροῦδα δ' ἄρθρα μου κάτω.

Ἄγγελος

Ἄκουσον, εἰ σοὶ καὶ φίλοις ἀμυναθεῖν
χρῄζεις, τὸ πραχθέν, σὸν κατορθώσας δέμας. 1080

Πηλεύς

Ὦ μοῖρα, γήρως ἐσχάτοις πρὸς τέρμασιν
οἵα με τὸν δύστηνον ἀμφιβᾶσ' ἔχεις.
πῶς δ' οἴχεταί μοι παῖς μόνου παιδὸς μόνος;
σήμαιν'· ἀκοῦσαι δ' οὐκ ἀκούσθ' ὅμως θέλω.

1070  LE MESSAGER.

Hélas ! quelle funeste nouvelle j'apporte pour toi, vieillard, et pour les amis de mon maître !

PÉLÉE.

Ah ! quel sinistre pressentiment saisit mon cœur I

LE MESSAGER.

Le fils de ton fils n'est plus, ô Pelée ! il est tombé sous les coups des habitants de Delphes et de l'étranger de Mycènes.

LE CHŒUR.

Hélas! hélas ! que vas tu devenir, vieillard? Ne tombe pas... soutiens-toi.

PÉLÉE.

Je suis perdu, je me meurs; la voix me manque, mes membres se dérobent sous moi.

LE MESSAGER.

Reprends tes forces, et écoute ce récit funeste, si tu veux venger les tiens

435 PÉLÉE.

O destin, au dernier terme de la vieillesse, voilà les coups dont tu me frappes! Gomment est-il mort, cet unique enfant de mon unique fils? Parle : je veux entendre ce récit, quelque pénible qu'il soit à entendre.

1085 Ἄγγελος

Ἐπεὶ τὸ κλεινὸν ἤλθομεν Φοίβου πέδον,
τρεῖς μὲν φαεννὰς ἡλίου διεξόδους
θέᾳ διδόντες ὄμματ' ἐξεπίμπλαμεν.
Καὶ τοῦθ' ὕποπτον ἦν ἄρ'· ἐς δὲ συστάσεις
κύκλους τ' ἐχώρει λαὸς οἰκήτωρ θεοῦ.
Ἀγαμέμνονος δὲ παῖς διαστείχων πόλιν 1090
ἐς οὖς ἑκάστῳ δυσμενεῖς ηὔδα λόγους·
Ὁρᾶτε τοῦτον, ὃς διαστείχει θεοῦ
χρυσοῦ γέμοντα γύαλα, θησαυροὺς βροτῶν,
τὸ δεύτερον παρόντ' ἐφ' οἷσι καὶ πάρος
δεῦρ' ἦλθε, Φοίβου ναὸν ἐκπέρσαι θέλων; 1095
Κἀκ τοῦδ' ἐχώρει ῥόθιον ἐν πόλει κακόν·
ἀρχαὶ δ' ἐπληροῦντ' ἐς τὰ βουλευτήρια,
ἰδίᾳ θ' ὅσοι θεοῦ χρημάτων ἐφέστασαν,
φρουρὰν ἐτάξαντ' ἐν περιστύλοις δόμοις.
Ἡμεῖς δὲ μῆλα, φυλλάδος Παρνασίας 1100
παιδεύματ', οὐδὲν τῶνδέ πω πεπυσμένοι,
λαβόντες ᾖμεν ἐσχάραις τ' ἐφέσταμεν
σὺν προξένοισι μάντεσίν τε Πυθικοῖς.
Καί τις τόδ' εἶπεν· "Ὦ" νεανία, τί σοι
θεῷ κατευξώμεσθα; τίνος ἥκεις χάριν; 1105
Ὁ δ' εἶπε· Φοίβῳ τῆς πάροιθ' ἁμαρτίας
δίκας παρασχεῖν βουλόμεσθ'· ᾔτησα γὰρ
πατρός ποτ' αὐτὸν αἵματος δοῦναι δίκην.
Κἀνταῦθ' Ὀρέστου μῦθος ἰσχύων μέγα
ἐφαίνεθ', ὡς ψεύδοιτο δεσπότης ἐμός, 1110
ἥκων ἐπ' αἰσχροῖς. Ἔρχεται δ' ἀνακτόρων
κρηπῖδος ἐντός, ὡς πάρος χρηστηρίων
εὔξαιτο Φοίβῳ· τυγχάνει δ' ἐν ἐμπύροις·
τῷ δὲ ξιφήρης ἆρ' ὑφειστήκει λόχος
δάφνῃ σκιασθείς· ὧν Κλυταιμήστρας τόκος 1115
εἷς ἦν ἁπάντων τῶνδε μηχανορράφος.

Χὠ μὲν κατ' ὄμμα στὰς προσεύχεται θεῷ:
οἱ δ' ὀξυθήκτοις φασγάνοις ὡπλισμένοι 1120
κεντοῦσ' ἀτευχῆ παῖδ' Ἀχιλλέως λάθρᾳ.
Χωρεῖ δὲ πρύμναν: οὐ γὰρ εἰς καιρὸν τυπεὶς
ἐτύγχαν': ἐξέλκει δὲ κἀκ παραστάδος
κρεμαστὰ τεύχη πασσάλων καθαρπάσας
ἔστη 'πὶ βωμοῦ γοργὸς ὁπλίτης ἰδεῖν,
βοᾷ δὲ Δελφῶν παῖδας ἱστορῶν τάδε·
Τίνος μ' ἕκατι κτείνετ' εὐσεβεῖς ὁδοὺς 1125
ἥκοντα; ποίας ὄλλυμαι πρὸς αἰτίας;
τῶν δ' οὐδὲν οὐδεὶς μυρίων ὄντων πέλας
ἐφθέγξατ', ἀλλ' ἔβαλλον ἐκ χερῶν πέτροις.
Πυκνῇ δὲ νιφάδι πάντοθεν σποδούμενος
προύτεινε τεύχη κἀφυλάσσετ' ἐμβολὰς 1130
ἐκεῖσε κἀκεῖσ' ἀσπίδ' ἐκτείνων χερί.
Ἀλλ' οὐδὲν ἦνον· ἀλλὰ πόλλ' ὁμοῦ βέλη,
οἰστοί, μεσάγκυλ' ἔκλυτοί τ' ἀμφώβολοι
σφαγῆς ἐχώρουν βουπόροι ποδῶν πάρος.
Δεινὰς δ' ἂν εἶδες πυρρίχας φρουρουμένου 1135
βέλεμνα παιδός. Ὡς δέ νιν περισταδὸν
κύκλῳ κατεῖχον οὐ διδόντες ἀμπνοάς,
βωμοῦ κενώσας δεξίμηλον ἐσχάραν,
τὸ Τρωικὸν πήδημα πηδήσας ποδοῖν
χωρεῖ πρὸς αὐτούς· οἱ δ' ὅπως πελειάδες 1140
ἱέρακ' ἰδοῦσαι πρὸς φυγὴν ἐνώτισαν.
Πολλοὶ δ' ἔπιπτον μιγάδες ἔκ τε τραυμάτων
αὐτοί θ' ὑπ' αὐτῶν στενοπόρους κατ' ἐξόδους,
κραυγὴ δ' ἐν εὐφήμοισι δύσφημος δόμοις
πέτραισιν ἀντέκλαγξ'· ἐν εὐδίᾳ δέ πως 1145
ἔστη φαεννοῖς δεσπότης στίλβων ὅπλοις·
πρὶν δή τις ἀδύτων ἐκ μέσων ἐφθέγξατο
δεινόν τι καὶ φρικῶδες, ὦρσε δὲ στρατὸν
στρέψας πρὸς ἀλκήν. Ἔνθ' Ἀχιλλέως πίτνει
παῖς ὀξυθήκτῳ πλευρὰ φασγάνῳ τυπεὶς 1150
[Δελφοῦ πρὸς ἀνδρός, ὅσπερ αὐτὸν ὤλεσε]
πολλῶν μετ' ἄλλων· ὡς δὲ πρὸς γαῖαν πίτνει,
τίς οὐ σίδηρον προσφέρει, τίς οὐ πέτρον,
βάλλων ἀράσσων; πᾶν δ' ἀνήλωται δέμας
τὸ καλλίμορφον τραυμάτων ὕπ' ἀγρίων. 1155
Νεκρὸν δὲ δή νιν κείμενον βωμοῦ πέλας
ἐξέβαλον ἐκτὸς θυοδόκων ἀνακτόρων.
Ἡμεῖς δ' ἀναρπάσαντες ὡς τάχος χεροῖν
κομίζομέν νίν σοι κατοιμῶξαι γόοις
κλαῦσαί τε, πρέσβυ, γῆς τε κοσμῆσαι τάφῳ.  1160
Τοιαῦθ' ὁ τοῖς ἄλλοισι θεσπίζων ἄναξ,
ὁ τῶν δικαίων πᾶσιν ἀνθρώποις κριτής,
δίκας διδόντα παῖδ' ἔδρασ' Ἀχιλλέως.
Ἐμνημόνευσε δ', ὥσπερ ἄνθρωπος κακός,
παλαιὰ νείκη· πῶς ἂν οὖν εἴη σοφός; 1165

 

1085  LE MESSAGER.

Depuis que nous étions arrivés sur la terre célèbre de Phébus, trois fois le soleil avait achevé sa course brillante, et nous avions donné ce temps à satisfaire notre curiosité ; cela parut suspect, et le peuple de ce pays consacré aux dieux s'assemblait tumultueusement : le fils d'Agamemnon, parcourant la ville, semait sourdement des discours hostiles contre nous. « Voyez, disait-il, cet étranger qui parcourt les grottes du dieu remplies d'or, trésor des mortels ; il vient, pour la seconde fois, dans le dessein qui déjà l'a amené, de piller le temple et d'Apollon. » Dès lors cette rumeur dangereuse se répand dans la ville, les magistrats se rassemblent; ils établissent des gardes dans les conseils, et, en particulier, tous ceux qui ont la charge de veiller sur les trésors sacrés mettent une garde dans le temple entouré de colonnades. Ignorant ce qui se passait, nous étions devant les autels, entourés de brebis nourries dans les bocages touffus du Parnasse ; près de nous étaient nos hôtes et les prophètes de Delphes. L'un d'eux dit à Néoptolème : «Jeune homme, que demanderons-nous au dieu pour toi? quel est le sujet qui t'amène? — Je viens, répondit-il, expier une faute que j'ai commise envers Phébus : je lui avais autrefois demandé vengeance du meurtre de mon père. » Mais Oreste fit prévaloir son accusation, que mon maître mentait, et qu'il était venu dans des intentions coupables. Celui-ci s'avance dans le sanctuaire du temple, pour invoquer Apollon en pré- 436 sence de l'oracle : il était occupé à observer la flamme des victimes. Une troupe d'hommes armés était cachée sous des lauriers voisins, conduite par le fils de Clytemnestre, auteur du complot.

1119 Pyrrhus debout, exposé à tous les regards, invoquait le dieu : la troupe, armée de glaives, fond à l'improviste sur le fils d'Achille, et le frappe. Il recule, car il n'était pas mortellement blessé, et, arrachant les armes suspendues au portique du temple, il se retire derrière l'autel, et se présente comme un guerrier terrible. Alors, élevant la voix, il s'adresse aux citoyens de Delphes : « Pourquoi me tuer, s'écrie-t-il, quand je viens dans des intentions pieuses? Quelle est la cause de ma mort? » Personne, dans cette multitude, ne prend la parole pour lui répondre : mais ils l'attaquent à coups de pierres. Accablé sous cette grêle, il se couvrait derrière ses armes, et parait les coups, en opposant son bouclier de côté et d'autre. Mais ce fut en vain; des traits de toute espèce, les flèches, les dards, les broches des sacrifices, les couteaux à égorger les bœufs, tombaient à ses pieds. Tu aurais vu les bonds merveilleux (29) de ton fils pour éviter les attaques. Enfin, voyant qu'ils le tenaient enveloppé de toutes parts, sans lui laisser le temps de respirer, abandonnant le foyer de l'autel destiné à recevoir les victimes, il s'élance contre eux par un bond qui rappelait le saut troyen (30) : ceux-ci, comme des colombes à la vue de l'épervier, tournent le dos et se mettent à fuir. Ils tombent pêle-mêle, ou succombant sous leurs blessures, ou étouffés les uns par les autres à l'étroite issue des portes. Le lieu sacré retentit   437 de clameurs profanes, répétées par les échos. Semblable au calme, mon maître brillait sous ses armes étincelantes, jusqu'à ce que, du milieu du sanctuaire, se fit entendre une voix terrible, effroyable, qui ranima la fureur assoupie et rappela ses ennemis au combat. Alors le fils d'Achille tomba, percé par un habitant de Delphes, qui le fit périr avec beaucoup d'autres. Dès qu'on le vit renversé, ce fut à qui l'atteindrait avec le fer ou avec les pierres, soit de loin, soit de près. Tout son beau corps est défiguré par d'horribles blessures. Ils enlevèrent son cadavre étendu près de l'autel, et le jetèrent hors du temple. Mais nous, aussitôt, nous avons recueilli cette triste dépouille, et nous te l'apportons, ô vieillard, pour que tu l'arroses de tes larmes et que tu l'enfermes dans la tombe. Voilà comment le dieu qui prophétise aux mortels, et qui rend la justice aux hommes, a reçu les expiations du fils d'Achille. Comme un homme méchant, il a fait revivre de vieilles querelles. Comment mériterait-il le nom de sage?

 

Πηλεύς

Ὤμοι ἐγώ, κακὸν οἷον ὁρῶ τόδε
καὶ δέχομαι χερὶ δώμασί τ' ἀμοῖς.
Ἰώ μοί μοι, αἰαῖ,
ὦ πόλι Θεσσαλία, διολώλαμεν,
οἰχόμεθ': οὐκέτι μοι γένος, οὐκέτι μοι τέκνα λείπεται οἴκοις: 1170
ὦ σχέτλιος παθέων ἐγώ: †εἰς τίνα
δὴ φίλον αὐγὰς βαλὼν τέρψομαι;†
ὦ φίλιον στόμα καὶ γένυ καὶ χέρες,
εἴθε σ' ὑπ' Ἰλίῳ ἤναρε δαίμων
Σιμοεντίδα παρ' ἀκτάν. 1175

Χορός

Οὗτός γ' ἂν ὡς ἐκ τῶνδ' ἐτιμᾶτ' ἄν, γέρον,
θανών, τὸ σὸν δ' ἦν ὧδ' ἂν εὐτυχέστερον.

Πηλεύς

Ὦ γάμος, ὦ γάμος, ὃς τάδε δώματα
καὶ πόλιν ὤλεσας ὤλεσας ἁμάν.
Αἰαῖ, ἒ ἒ, ὦ παῖ: 1180
†μήποτε σῶν λεχέων τὸ δυσώνυμον
ὤφελ' ἐμὸν γένος εἰς τέκνα καὶ δόμον ἀμφιβαλέσθαι
Ἑρμιόνας Ἀίδαν ἐπὶ σοί, τέκνον,†
ἀλλὰ κεραυνῷ πρόσθεν ὀλέσθαι:
μηδ' ἐπὶ τοξοσύνᾳ φονίῳ πατρὸς 1185
αἷμα τὸ διογενές ποτε Φοῖβον
βροτὸς εἰς θεὸν ἀνάψαι.

Χορός

Ὀττοτοτοτοῖ, θανόντα δεσπόταν γόοις
νόμῳ τῷ νερτέρων κατάρξω.

1190 Πηλεύς

Ὀττοτοτοτοῖ, διάδοχά <σοι> τάλας ἐγὼ
γέρων καὶ δυστυχὴς δακρύω.

Χορός

Θεοῦ γὰρ αἶσα, θεὸς ἔκρανε συμφοράν.

Πηλεύς

Ὦ φίλος, δόμον ἔλιπες ἔρημον,
[ὤμοι μοι, ταλαίπωρον ἐμὲ]
γέροντ' ἄπαιδα νοσφίσας. 1195

Χορός

Θανεῖν θανεῖν σε, πρέσβυ, χρῆν πάρος τέκνων.

Πηλεύς

Οὐ σπαράξομαι κόμαν,
οὐκ ἐμῷ 'πιθήσομαι
κάρᾳ κτύπημα χειρὸς ὀλοόν; ὦ πόλις,
διπλῶν τέκνων 1200
μ' ἐστέρησε Φοῖβος.

Χορός

Ὦ κακὰ παθὼν ἰδών τε δυστυχὲς γέρον,
τίν' αἰῶν' ἐς τὸ λοιπὸν ἕξεις;

Πηλεύς

Ἄτεκνος ἔρημος, οὐκ ἔχων πέρας κακῶν
διαντλήσω πόνους ἐς Ἅιδαν. 1205

Χορός

Μάτην δέ σ' ἐν γάμοισιν ὤλβισαν θεοί.

Πηλεύς

Ἀμπτάμενα φροῦδα πάντ' ἐκεῖνα
κόμπων μεταρσίων πρόσω.

Χορός

Μόνος μόνοισιν ἐν δόμοις ἀναστρέφῃ.

1210 Πηλεύς

Οὐκέτ' εἴμ', οἴμοι, πόλις,
σκῆπτρά τ' ἐρρέτω τάδε [ἐπὶ γαῖαν]·
σύ τ', ὦ κατ' ἄντρα νύχια Νηρέως κόρη,
πανώλεθρόν μ' ὄψεαι πίτνοντα [πρὸς γᾶν].

Χορός

Ἰὼ ἰώ·
τί κεκίνηται; τίνος αἰσθάνομαι 1215
θείου; κοῦραι, λεύσσετ' ἀθρήσατε·
δαίμων ὅδε τις λευκὴν αἰθέρα
πορθμευόμενος τῶν ἱπποβότων
Φθίας πεδίων ἐπιβαίνει.

1166 LE CHOEUR.

Voici le corps du roi qu'on apporte de la terre de Delphes dans ce palais. Ô malheureuse victime, et toi aussi malheureux vieillard, en quel état faut-il que tu revoies le jeune fils d'Achille? En le frappant, le sort cruel t'a frappé toi-même.

PÉLÉE.

1166 Hélas! triste objet de douleur que je vois ici, et que mes mains reçoivent dans mon palais ! Hélas ! hélas I ô ville de Thessalie ! je succombe, je meurs .. je n'ai plus de postérité; il ne me reste plus d'enfants dans ma maison ! Ô trop cruelle destinée ! Vers quel ami tourner mes yeux, pour adoucir l'amertume de ma douleur? Ô bouche , ô joues, ô mains chéries ! Ah ! pourquoi le destin 438 ne t'a-t-il pas frappé devant Troie, aux bords du Simoïs?

LE CHOEUR.

Sa mort, ô vieillard, en eût été plus glorieuse, et ton sort plus heureux.

1178  PÉLÉE.

O funeste hyménée, qui as perdu ma ville et ma famille ! Ah! plût au ciel que jamais ma race n'eût contracté cette alliance funeste ! que jamais, ô mon fils, le mauvais génie d'Hermione n'eût causé ta ruine; mais qu'auparavant la foudre l'eût frappée ! Plût au ciel que jamais, pour venger ton père atteint par une flèche fatale, tu n'eusses accusé Phébus d'avoir versé le sang de ton père, le sang de Jupiter, osant, faible mortel, attaquer un dieu !

LE CHOEUR.

Hélas ! hélas ! commençons à déplorer par des lamentations la mort de notre maître, selon la loi des mânes.

PÉLÉE.

Ah! vieillard infortuné, je répondrai par des larmes à vos tristes accents.

LE CHOEUR.

C'est par Tordre d'un dieu ; un dieu a frappé ce coup affreux.

PÉLÉE,

Mon cher fils, tu laisses ta maison déserte et ton vieux père dans l'abandon.

LE CHOEUR.

Ah ! vieillard, il fallait mourir avant de creuser la tombe de tes enfants.

PÉLÉE.

Arrachons mes cheveux blancs, frappons ma tête chenue et désolée ! O ma patrie, Phébus m'a ravi mes deux fils.

439 1197  LE CHOEUR.

O vieillard né pour souffrir et pour voir tant d'horreurs, quelle sera ta vie à l'avenir?

PÉLÉE.

Sans enfants, dans l'abandon, sans voir de terme à mes malheurs, j'épuiserai mes souffrances jusqu'à la mort.

LE CHOEUR.

En vain une déesse t'honora de son hymen.

PÉLÉE.

Frivole honneur dont je m'enorgueillissais ! tout a disparu, tout s'est évanoui.

LE CHŒUR.

Tu erres solitaire dans ce palais désert.

1210  PÉLÉE.

Pour moi plus de patrie. Loin de moi ce sceptre inutile ! Fille de Nérée, qui habites les antres sombres» je suis perdu sans ressources: tu me vois prosterné dans la poussière.

LE CHŒUR.

Quel soudain tremblement! un dieu fait sentir sa présence : voyez, mes amies, contemplez cette divinité qui traverse la lumière éthérée, et s'avance sur les fertiles prairies de Phthie.

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1220 Θέτις

Πηλεῦ, χάριν σοι τῶν πάρος νυμφευμάτων
ἥκω Θέτις λιποῦσα Νηρέως δόμους.
Καὶ πρῶτα μέν σοι τοῖς παρεστῶσιν κακοῖς
μηδέν τι λίαν δυσφορεῖν παρῄνεσα:
κἀγὼ γάρ, ἣν ἄκλαυτα χρῆν τίκτειν τέκνα,
θεὰν γεγῶσαν καὶ θεοῦ πατρὸς τέκος, 1225
ἀπώλεσ' ἐκ σοῦ παῖδα τὸν ταχὺν πόδας
Ἀχιλλέα τεκοῦσα πρῶτον Ἑλλάδος.
Ὧν δ' οὕνεκ' ἦλθον σημανῶ, σὺ δ' ἐνδέχου.
Τὸν μὲν θανόντα τόνδ' Ἀχιλλέως γόνον
θάψον πορεύσας Πυθικὴν πρὸς ἐσχάραν, 1230
Δελφοῖς ὄνειδος, ὡς ἀπαγγέλλῃ τάφος
φόνον βίαιον τῆς Ὀρεστείας χερός·
γυναῖκα δ' αἰχμάλωτον, Ἀνδρομάχην λέγω,
Μολοσσίαν γῆν χρὴ κατοικῆσαι, γέρον,
Ἑλένῳ συναλλαχθεῖσαν εὐναίοις γάμοις, 1235
καὶ παῖδα τόνδε, τῶν ἀπ' Αἰακοῦ μόνον
λελειμμένον δή. Βασιλέα δ' ἐκ τοῦδε χρὴ
ἄλλον δι' ἄλλου διαπερᾶν Μολοσσίας
εὐδαιμονοῦντας· οὐ γὰρ ὧδ' ἀνάστατον
γένος γενέσθαι δεῖ τὸ σὸν κἀμόν, γέρον, 1240
Τροίας τε· καὶ γὰρ θεοῖσι κἀκείνης μέλει,
καίπερ πεσούσης Παλλάδος προθυμίᾳ.
Σὲ δ', ὡς ἂν εἰδῇς τῆς ἐμῆς εὐνῆς χάριν,
κακῶν ἀπαλλάξασα τῶν βροτησίων
ἀθάνατον ἄφθιτόν τε ποιήσω θεόν. 1245
Κἄπειτα Νηρέως ἐν δόμοις ἐμοῦ μέτα
τὸ λοιπὸν ἤδη θεὸς συνοικήσεις θεᾷ·
ἔνθεν κομίζων ξηρὸν ἐκ πόντου πόδα
τὸν φίλτατον σοὶ παῖδ' ἐμοί τ' Ἀχιλλέα
ὄψῃ δόμους ναίοντα νησιωτικοὺς 1250
Λευκὴν κατ' ἀκτὴν ἐντὸς ἀξένου πόρου.
Ἀλλ' ἕρπε Δελφῶν εἰς θεόδμητον πόλιν
νεκρὸν κομίζων τόνδε, καὶ κρύψας χθονὶ
ἐλθὼν παλαιᾶς χοιράδος κοῖλον μυχὸν
Σηπιάδος ἵζου· μίμνε δ', ἔστ' ἂν ἐξ ἁλὸς 1255
λαβοῦσα πεντήκοντα Νηρῄδων χορὸν
ἔλθω κομιστήν σου· τὸ γὰρ πεπρωμένον
δεῖ σ' ἐκκομίζειν· Ζηνὶ γὰρ δοκεῖ τάδε.
Παῦσαι δὲ λύπης τῶν τεθνηκότων ὕπερ·
πᾶσιν γὰρ ἀνθρώποισιν ἥδε πρὸς θεῶν 1260
ψῆφος κέκρανται κατθανεῖν τ' ὀφείλεται.

Πηλεύς

Ὦ πότνι', ὦ γενναῖα συγκοιμήματα,
Νηρέως γένεθλον, χαῖρε· ταῦτα δ' ἀξίως
σαυτῆς τε ποιεῖς καὶ τέκνων τῶν ἐκ σέθεν.
Παύω δὲ λύπην σοῦ κελευούσης, θεά, 1265
καὶ τόνδε θάψας εἶμι Πηλίου πτυχάς,
οὗπερ σὸν εἷλον χερσὶ κάλλιστον δέμας.
[Κᾆτ' οὐ γαμεῖν δῆτ' ἔκ τε γενναίων χρεὼν
δοῦναί τ' ἐς ἐσθλούς, ὅστις εὖ βουλεύεται,
κακῶν δὲ λέκτρων μὴ 'πιθυμίαν ἔχειν, 1270
μηδ' εἰ ζαπλούτους οἴσεται φερνὰς δόμοις;
οὐ γάρ ποτ' ἂν πράξειαν ἐκ θεῶν κακῶς.]

Χορός

Πολλαὶ μορφαὶ τῶν δαιμονίων,
πολλὰ δ' ἀέλπτως κραίνουσι θεοί·
καὶ τὰ δοκηθέντ' οὐκ ἐτελέσθη, 1275
τῶν δ' ἀδοκήτων πόρον ηὗρε θεός.
Τοιόνδ' ἀπέβη τόδε πρᾶγμα.
 

1220 THETIS.

Pelée, en souvenir de notre ancien hymen, moi,Thétis, je quitte le séjour de Nérée ; et d'abord je t'engage à ne pas céder au désespoir, dans le malheur qui t'arrive. Moi-même, hélas ! qui n'aurais pas dû verser des larmes sur mes enfants, j'ai vu périr le fils que j'eus de toi, Achille aux pieds légers, le premier héros de la Grèce. Je vais te faire connaître le sujet qui m'amène ; écoute- 440 moi. Ensevelis le fils d'Achille au pied de l'autel pythien ; que son tombeau soit un éternel reproche pour Delphes, et le monument honteux de la violence et de l'attentat d'Oreste. Quant à la captive Andromaque, elle doit demeurer chez les Molosses, et s'unir à Hélénus par un nœud légitime ; ce fils, seul reste des descendants d'Éaque, doit la suivre : de lui doit descendre une succession de rois qui gouverneront la Molossie avec gloire (31). Car, vieillard, ta race et la mienne ne doit pas périr ainsi, ni celle de Troie; elle aussi est l'objet de la sollicitude des dieux, quoique le ressentiment de Pallas l'ait renversée. Pour toi, pour que tu connaisses le prix de mon alliance, déesse et fille de dieu, je te délivrerai des maux de l'humanité ; je ferai de toi un dieu immortel et incorruptible. Désormais, devenu dieu, tu habiteras avec moi le palais de Nérée; de là, sortant à pied sec du sein des eaux, tu verras Achille, notre fils chéri, habiter lîleaux rives blanchissantes, dans le détroit de l'Euxin (32) Va donc dans la ville de Delphes, bâtie par la main des dieux; reporte-s-y ce cadavre, et, après lui avoir donné la sépulture, reviens dans la grotte profonde de l'antique Sépias (33). Attends là, jusqu'à ce que 411 tu me voies sortir de la mer, suivie du chœur de cinquante Néréides, pour t'emmener au sein des eaux. Ce qui est arrêté par le Destin, tu dois le supporter : telle est la volonté de Jupiter. Cesse de pleurer les morts : c'est le sort que les dieux réservent aux humains ; tous doivent tribut à la mort.

 1262 PÉLÉE.

Fille de Nérée, illustre et généreuse épouse, je te salue : ta conduite est digne de toi et digne de tes enfants. Tu l'ordonnes, ô déesse, je calmerai ma douleur. Après avoir enseveli mon fils, je reviendrai aux grottes du Pélion, où j'ai tenu entre mes bras ton corps divin. La sagesse ne commande-t-elle pas de s'allier à des épouses issues d'un sang généreux, de marier ses enfants dans de vertueuses familles, et de ne pas convoiter une méchante femme, dût-elle apporter une dot opulente? Jamais ainsi l'on n'aura à craindre la colère des dieux.

LE CHOEUR.

1273 Les destinées se manifestent sous bien des formes différentes; les dieux accomplissent beaucoup de choses contre notre attente, et celles que nous attendions n'arrivent pas; mais Dieu fraie la voie aux événements imprévus : ce qui vient de se passer en est une preuve éclatante (34).

FIN D'ANDROMAQUE.
 

(1)  Andromaque était fille d'Éétion, roi de Thèbes en Cilicie.

(2) Le texte ajoute παιδοποιὸς, pour faire des enfants.

(3) Le meurtrier était Apollon lui-même.

(4) Voir, dans Sophocle, le début des Trachiniennes, Ovide, Métam., III, 135:

Scilicet ultima semper
Exspectanda dies homini ; dicique beatus
Ante obitum nemo, supremaque funera debet.

(5) Ce morceau est écrit en vers élégiaques.

(6) Virgile a suivi la donnée d'Euripide, Eneid., I, 487 :

Ter circum Iliacos raptaverat Hectora muras.

Mais Homère ne dit pas qu'Achille ait traîné trois fois le corps d'Hector autour des murs ; il dit seulement qu'il le traîna des murs de Troie au camp des Grecs. L'erreur est venue sans doute de ce qu'Homère dit ailleurs qu'Hector, en fuyant Achille, lit trois fois le tour des murs.

(7)  Ceci semble indiquer qu'il y a une lacune et qu'il manque quelques vers. Sans doute le Chœur avait dit quelques mots, qui amenaient la réponse d'Hermione.

(8)  C'est-à-dire de l'eau. Cette périphrase pompeuse, pour dire arroser les appartements, peut sembler assez étrange, immédiatement après un mot des plus vulgaires, balayer,

(9) Littéralement : « Tienne les rênes de deux femmes.  »

(10) Ce vers a été parodié par Aristophane, dans les Grenouilles, v. 103 ; cependant le vers cité par le Scholiaste est assez différent de celui qu'offre à présent le texte d'Euripide, voyez page 416 de ma seconde édition.

(11) Chez les anciens, pour faire périr les suppliants sans violer l'asile on les entourait de feu. V. Hercule furieux, v. 242. Plaute , Rudens , act. III, se. 4. et Mostellaria , act. V, sc. 1.

(12) Selon le Scholiaste, on affermissait la base des statues par un ciment de plomb fondu. V. aussi Plutarque, De Orac. def. Vitruve parle également de cet usage pour fixer les attaches de fer dans les édifices.

(13) Une des superstitions antiques était de jeter derrière soi, par-dessus la tête, les objets expiatoires, sans les regarder. V. Virgile, Eclog., VIII, 102 :

Fer cineres, Amarylli, fora», rivoque fluenti
Transque caput jace ; nec respexeris.

(14)  Les précédents traducteurs ont omis ce vers si froid, si ridicule même. Mais le traducteur a-t-il le droit de corriger l'auteur qu'il traduit?

(15)  Grec : " Suspendez mon cou.  »

(16) Fleuve de Laconie.

(17) Barnès suppose que ce passage fait allusion à la cruauté des Lacédémoniens envers les Platéens, qu'ils massacrèrent jusqu'au dernier, après qu'ils se furent rendus, cinquième année de la guerre du Péloponnèse, Ol. 88, 3. Voyez Thucydide, I. III. Voyez aussi plus bas la note sur le vers 525.

(18) Littéralement : « Dont la lance fit souvent de toi un lâche matelot, au lieu d'un soldat de terre ferme.  »

(19)  Le grec dit : « Toi, conduis-moi plus vite. » Il s'adresse au serviteur qui guide ses pas.

(20) Sur ces exercices gymnastiques des jeunes filles lacédémoniennes. voyez Aristophane, Lysistrata, v. 81, page 522 de ma seconde édition.

(21)  Grec : « Une chienne qui t'avait trahi. »

(22) Grec : « Fût-il trois fois bâtard. »

(23) Isocrate a fait usage dé cette idée, dans son Éloge d'Hélène, vers la fin.

(24) Phocus, frère de Pelée ; l'un et l'autre étaient fils d'Éaque.

(25) Ce furent ces vers que Clytus prononça devant Alexandre, et qui causèrent sa mort. Voyez Plutarque, Vie d'Alexandre, et Quinte-Curce. I. VIII.

(26) Samuel Petit ( Miscell., l. III, c. 16 ) pense que ceci fait allusion a la guerre des Lacédémoniens contre les Argiens, à cause des violences commises par ceux-ci contre Trézène, alliée de Lacédémone : ce qui lui sert à fixer la date de l'Andromaque à la deuxième année de la quatre-vingt-dixième olympiade, sous l'archonte Archias.

(27) Les îles Cyanées ou Symplégades, près du Bosphore de Thrace. Allusion au voyage des Argonautes. V. le début de Médée.

(28) Junon ou Diane.

(29) Le texte dit, la pyrrhique, danse vive et guerrière, dont l'invention est attribuée à Pyrrhus.

(30) Allusion au saut d'Achille, lorsqu'il s'élança du vaisseau sur le rivage de Troie

(31) La race des Éacides régna longtemps sur les Molosses. Le fameux Pvrrhus se glorifiait d'être issu du sang d'Achille, « Néoptolème. dit Plutarque ( Vie de Pyrrhus), étant venu dans la Molossie avec beaucoup  de troupes, s'empara de tout le pays, et laissa après lui une longue suite de rois, qui furent appelés les Pyrrhides, car, dans son enfance, il avait eu le surnom de Pyrrhus. »

(32) Sur cette île, appelée Leucé, ou l'île blanche, et renommée pour avoir été le séjour d'Achille, voyez aussi Iphigénie en Tauride, y. 424, et Pindare, Nem., IV, 80.

(33) Hérodote ( VII, 191 ) nous fournit le meilleur commentaire de ce passage. Après avoir parlé de la tempête essuyée par la flotte de Xerxès dans les environs du cap Sépias, il ajoute : « Les mages sacrifièrent à Thétis  d'après l'opinion des Ioniens, qui pensent que c'est dans ces parages qu'elle fut enlevée par Pelée, et que toute la côte de Sépias lui est consacrée. ainsi qu'aux autres Néréides. »

(34) Cette conclusion est aussi celle de Médée, d'Alceste, d'Hélène, et des Bacchantes.