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TITUS JULIUS CALPURNIUS SICULUS

NOTICE SUR CALPURNIUS.

TITUS JULIUS CALPURNIUS SICULUS, c'est-à-dire de Sicile, fut contemporain de Némésien. Quelques éditions, dit M. Schoell, lui donnent le prénom de Caïus au lieu de Titus ; dans d'autres il est désigné sous le nom de Calphurnius, mais cette orthographe paraît vicieuse. Le peu que nous croyons savoir des circonstances de sa vie est puisé dans ses églogues ; car, selon les grammairiens, de même que Virgile parle de lui-même, dans ses Bucoliques, sous le nom de Tityre et de Corydon, ainsi Calpurnius se cache sous celui de Corydon dans sa première, sa quatrième et sa septième églogue, et sous celui de Tityre dans la huitième.
Dans ces poèmes, Calpurnius s'occupe souvent d'un protecteur qu'il a à Rome, et qui, au temps où la pauvreté avait inspiré au poète de se rendre en Espagne, lui procura une place à la cour impériale. On croit communément que ce protecteur fut Némésien ; mais il est évident que Calpurnius parle d'un homme qui remplissait une charge importante auprès des empereurs, et rien n'indique que Némésien ait été dans une situation si brillante. Un passage de la quatrième églogue de Calpurnius paraît annoncer que son Mécène était maître des offices, magister officiorum. En admettant que son protecteur fût revêtu de cette charge, on peut croire facilement que le poète obtint l'emploi de secrétaire de l'empereur Carus.
Sept poèmes bucoliques portent dans tous les manuscrits le nom de Calpurnius ; quatre autres, probablement du même auteur sont ordinairement attribuées à Némésien. Les restaurateurs du bon goût dans le XIVe et le XVe siècle, tels que Pétrarque et Ange Politien, ne connaissaient pas Némésien comme auteur de bucoliques ; du moins, ils ne le nomment jamais à côté de Virgile et de Calpurnius ; aussi les cinq premières éditions imprimées donnent-elles les onze églogues comme l'œuvre de ce dernier poète. Celle d'Ange Ugoletti, qui parut vers l'an 1500, est la première qui, se fondant sur un ancien manuscrit, attribue quatre de ces poèmes à Némésien. Cet exemple fut suivi par la plupart des éditeurs subséquents. Cependant aucun manuscrit ne fait cette distinction, et il est probable que le nom de Némésien s'est glissé dans le manuscrit d'Ugoletti par l'erreur d'un copiste, qui aura accolé ces deux noms, parce que les grammairiens croyaient généralement que le protecteur de Calpurnius n'était autre que ce poète, son contemporain. Le style des quatre églogues que ce manuscrit lui attribue, ne diffère absolument pas de celui des sept autres ; il y a plus : en examinant le sujet des onze églogues, on y reconnaît une imitation de celles de Virgile, et des dix ou onze poèmes véritablement bucoliques de Théocrite ; ce qui doit faire penser que tous ces poèmes sont du même auteur, dont le but aura été de parcourir le cercle des situations de la vie pastorale, qui, d'après les anciens grammairiens, offraient des sujets de bucoliques.
Calpurnius, né avec de l'imagination, avait cultivé ses talents par la lecture des bons modèles ; mais son génie ne sut pas s'élever au-dessus des vices de son siècle, le bel esprit et l'emphase. Il a imité le poète de Mantoue, mais plus encore celui de Sicile. Les mœurs de ses bergers sont plus simples et plus grossières que celles des personnages de Virgile, qui n'ont qu'une existence idéale ; ainsi que Théocrite, il introduit sur la scène des jardiniers ou des moissonneurs.
Son style a été diversement apprécié : quelques-uns n'ont envisagé que ses défauts, d'autres ont tenu compte de ses qualités. Gyrald lui accorde de l'abondance et de la facilité, mais il lui refuse l'énergie et la grâce. Scaliger convient que ses vers sont souvent heureux, mais habituellement lâches et boursouflés. D'un autre côté, Lotichius lui fait une trop belle part en l'appelant parfait poète bucolique :
Bucolicos inter vates Calpurnius exstat,
Bucolia vates optimus ipse lyra.

Barthe est plus juste, lorsqu'il dit que Calpurnius, sans approcher de la divine perfection de Virgile, a une simplicité qui n'est pas indigne de tout éloge. Rapin lui trouve de l'agrément et de l'esprit. Enfin, Burmann partage l'opinion des littérateurs qui, avant reconnu de l'élégance, de la délicatesse et de l'harmonie dans la diction, l'ont placé immédiatement après Virgile, et ont pensé que ses églogues ne méritaient pas moins l'approbation des maîtres que l'attention des élèves. « De Calpurnio ejusque eruditione et elegantia, post judicia aliorum, nihil dicam, quum abunde viri docti offenderint elegantem, acutum et numerosum esse, dignumque qui post Virgilium in hoc scribendi genere secundum locum occupet, ideoque mereri, ut non tironum modo, sed eruditissimorum manibus versetur. » (Praefat. ad Poetas, lat. minor.)

La première églogue de Calpurnius est intitulée Delos, on ne sait pourquoi. Deux bergers, retirés dans une grotte, y trouvent un oracle qui se rapporte au règne de Carus et de son fils Numérien, et que Faune avait gravé sur l'écorce d'un arbre. Ce poème est une imitation de la quatrième églogue de Virgile. Mais, comme l'a remarqué Fontenelle, Calpurnius a surpassé son modèle sous le rapport de l'invention.

La seconde églogue, Crocale, imitée de la septième de Virgile, est pleine de grâce. Un berger et un jardinier qui aiment tous les deux la même femme, récitent en présence de Thyrsis, qu'ils ont pris pour arbitre de leur combat poétique et musical, une chanson amoebée, dans laquelle chacun d'eux vante les avantages que la nature lui a accordés sur son rival. Le poète tire un excellent parti de la manière de vivre du berger et du jardinier.

Exoratio est le titre de la troisième églogue, dans laquelle un berger, averti par son ami de l'infidélité de sa maîtresse, exhale sa douleur dans des vers que cet ami se charge de remettre à l'infidèle qu'il espère ramener. Cette idylle a une forme tout à fait dramatique, comme l'ont en général toutes les églogues de Calpurnius. La troisième idylle de Théocrite a été l'original de ce petit poème plein de sensibilité.

La quatrième églogue, intitulée Caesar, a cent soixante-huit vers. Des bergers y chantent, dans un style de rhéteur et de déclamateur, l'éloge des fils de Carus. Ce poème, rempli des adulations les plus basses, est inférieur à la sixième églogue de Virgile.

Dans la cinquième, le vieux berger Mycon, d'après lequel elle est nommée, donne à un jeune berger des préceptes et des instructions sur les travaux des champs. Cette pièce n'a rien de dramatique, d'idéal ni de pastoral ; elle est plutôt didactique, et imitée du troisième livre des Géorgiques.

La plus faible des églogues de Calpurnius est sans contredit la sixième. C'est une imitation de la huitième idylle de Théocrite, et de la troisième bucolique de Virgile. Elle est intitulée Litigium, parce qu'il n'y est question que d'une dispute de deux bergers grossiers et passionnés.

La septième églogue, qui, par la bévue de quelque grammairien, a été intitulée Templum, n'a rien de pastoral. Un berger, revenu de Rome, fait à son ami la description des combats qu'il a vus à l'amphithéâtre. Ce petit poème est fort intéressant pour les antiquaires.

Le mot barbare Epiphnus a été mis par un copiste en tête de la huitième églogue, qu'on nomme ordinairement la première de Némésien. Elle est destinée à l'éloge d'un vieillard qui vient de mourir, et auquel on donne le nom de Mélibée. Ce vieillard est le protecteur du poète. La cinquième églogue de Virgile a été ici le modèle de Calpurnius, qui parait avoir composé ses quatre derniers poèmes à un âge avancé; car les connaisseurs y reconnaissent une plus grande pureté de diction. II y règne des sentiments vrais et nobles ; mais elle s'éloigne du ton simple des bergers parce que celui dont on chante les louanges était à la fois homme de lettres et homme d'État.

La neuvième églogue, intitulée Donace, d'après une jeune fille qui en est l'héroïne, ressemble à la deuxième et à la troisième, où l'on trouve plusieurs vers répétés de celle-ci. M. Beck, un des éditeurs de ce poète, croit qu'elle n'est pas de Calpurnius, mais qu'elle a été ajoutée au recueil de ses églogues par quelque grammairien.

Dans la dixième bucolique, l'auteur a imité la sixième de Virgile. Elle est intitulée Bacchus. Pan y chante l'éloge de cette divinité. Fontenelle la préférait à l'églogue de Virgile. En effet, l'ordonnance en est admirable, et les détails gracieux.

La onzième églogue, Eros, est faite d'après la seconde de Virgile ; c'est une des plus élégantes et des plus agréables. On la regarde, sous le rapport du choix du sujet, de l'ordonnance, de la naïveté des caractères, de la vérité des sentiments et de la chaleur de la diction, comme le chef-d'œuvre de notre poète.

C.- D.