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Emilius Magnus Arborius

Ad nympham nimis cultam

Poetae minores. M. Cabaret-Dupaty. 
Paris : Panckoucke, 1842. (Bibliothèque latine-francaise. 2nde série)

Cesse, je t'en supplie, jeune fille, de renouveler si souvent pour moi ta parure, cesse de me rendre martyr de ta beauté. A quoi bon tout ce luxe inutile ! La toilette ne saurait ajouter à tes attraits. Faut-il donc tant d'artifice pour orner une aussi belle chevelure, et parer une aussi jolie tête ? La soie peut-elle donner du lustre à tes cheveux qui en effacent l'éclat ? Pourquoi en arrondir les innombrables tresses ? Ils me plaisent davantage sans art et sans apprêt. Que signifie l'or qui étincelle sur ta tête, lorsque, sans aucune parure, tu brilles plus que ce métal précieux ? L'or et les diamants ont-ils besoin de pendre à tes oreilles, dont le carmin l'emporte sur l'incarnat des roses ? Lorsque tes joues vermeilles sont plus resplendissantes que le cristal, pourquoi peindre ton visage d'un éclat emprunté ? Pourquoi, lorsque la simple nature embellit ton cou d'albâtre, y vois-je serpenter les rubis ? Pourquoi ton sein d'ivoire est-il couvert d'un vêtement jaloux , quand il demande à paraître sans voile ? Pourquoi cette perfide ceinture qui empêche ta robe de flotter au gré du vent ? Ta taille me paraît divine sans ce lien étranger. Pourquoi tes doigts gracieux sont-ils chargés de bagues et de pierreries, quand ils relèvent eux-mêmes le prix de ces bijoux ? Parée des trésors de la nature, dont, pour mon malheur, tu n'es que trop pourvue, tu peux négliger les atours. Dégage tes attraits d'ornements superflus ; tu n'es déjà que trop belle de ta seule beauté. Mon amour n'exige pas tant de recherche dans ta toilette ; tes charmes naturels suffisent pour me séduire. Mon cœur m'entraîne vers toi ; je ne cherche pas à combattre un penchant si doux, et, pour t'aimer, je n'ai pas besoin que tu sois une déesse couverte de roses. Les éclairs de tes yeux peuvent lutter avec les traits brûlants de Jupiter, et tes regards sont plus puissants qu'un signe de sa tête. Le soleil est sans doute la plus éclatante merveille de l'univers; mais tu l'effaces en beauté et en splendeur. Ton cou est plus éblouissant que la neige nouvelle qui n'a pas encore été flétrie par le flambeau du jour. Ton front et ton sein ressemblent au lait pur que viennent de déposer les chèvres au retour des pâturages. Les forêts, au printemps, sont moins parfumées que toi, et le plus frais jardin te préfère à toutes ses fleurs. Aucune prairie émaillée de mille couleurs, aucun champ couvert de ses riches trésors ne peut se comparer à toi. La blancheur du troène n'approche point de ton éclat; tu éclipses les lis qui s'élèvent sur un tapis de verdure. Nulle rose ne peut égaler l'incarnat de tes joues ; car, rose toi-même, tu as l'avantage de n'avoir point encore été cueillie. La grâce que l'on trouve dans la violette à peine éclose, devant toi n'a plus de prix. Tu n'as de rivale ni dans la mère d'Hélène, ni dans la fille de Léda, quoique celle-ci ait eu l'amour de Pâris, et celle-là l'amour de Jupiter. L'une força le maître des dieux à se déguiser sous l'image d'un cygne, l'autre poussa les chefs troyens à une guerre cruelle. Les cheveux flottants sur ses épaules d'albâtre, Léda cueillait des fleurs pour en offrir une guirlande à la déesse d'Argos, lorsque, du haut des airs, s'élançant d'un nuage, Jupiter fondit sur elle transformé en oiseau. Et toi, la reine des jeunes filles, toi, qui brilles comme un astre au milieu des vierges qui partagent tes jeux, si Jupiter t'avait aperçue du haut des nues, il n'eût pas rougi de déposer sa divinité pour toi. Hélène aussi fut victime de sa beauté et de son ascendant vainqueur; le berger Pâris l'emporta comme une proie à travers les mers. Pour la réclamer, la Grèce forma une ligue et arma mille vaisseaux. Si tes charmes eussent fixé les regards du ravisseur phrygien, il t'aurait enlevée sur un navire ou sur un coursier. La guerre de Troie dura dix ans : si tu en eusses été l'objet, elle eût été terminée au bout d'un mois. Oui, tu aurais mieux mérité que la fille de Léda, que l'empire d'Ilion fût consumé par les flammes. Du moins tu aurais pu amplement consoler Priam de la perte de ses États. Si tu portais, comme Diane chasseresse, une robe un peu relevée ; si tu avais un carquois sur les épaules, et les cheveux épars ; si, accompagnée des Dryades, et les bras nus, tu poursuivais de tes flèches les sangliers rapides, les dieux qui te verraient errer dans les antres des bois te prendraient pour la reine des forêts. Lorsque les trois déesses se disputèrent le prix de la beauté, Pâris, choisi pour arbitre, accorda la préférence à Vénus, et les deux autres divinités se retirèrent vaincues. Si tu eusses paru devant lui avec les trois déesses, Pâris t'eût jugée digne d'entrer en lice avec elles ; et s'il eût fallu donner la pomme à la plus belle, tu l'aurais emportée sur tes rivales. Il n'y a qu'un cœur de fer qui puisse ne pas être frappé de ta figure céleste et du vif éclat de tes yeux ; il faudrait être né d'un roc ou d'un chêne pour n'être pas touché d'une aussi ravissante beauté.