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IBYCUS,

TRADUIT PAR M. ERNEST FALCONNET.

VIE D'IBYCUS.

Ibycus était fils de Polyselle ; il naquit durant la cinquantième olympiade dans la ville de Rhegium en Sicile. Encore enfant il fut transporté dans l'île de Samos, lorsqu'elle était gouvernée par le père de Polycrate et lorsque Crésus régnait encore en Lydie. La Grèce était alors dans toute la gloire de la civilisation ; les philosophes et les poètes illustraient leur patrie : Ibycus suivit leurs leçons, il s'inspira de leurs oeuvres et publia d'abord des épigrammes. D'après Cicéron, elles étaient trop licencieuses : les historiens en ont pris texte pour lui attribuer des mœurs immorales. Suidas et Athénée ajoutent qu'il inventa l'ibycinon, instrument de musique guerrière dont les Romains et les Gaulois se servaient dans les combats : il est encore l'auteur d'une musique religieuse dont l'usage se conserva dans les temples après sa mort. Tous les livres qu'il composa étalent écrits dans le dialecte dorique. Suidas en compte sept. Un poème où il décrivait en vers harmonieux le double enlèvement de Ganymède et de Tithon jouissait entre tous les autres d'une grande renommée. Le temps ne l'a pas épargné : il ne nous reste que des fragments épars dans quelques auteurs.
lbycus périt d'une manière étrange. Plutarque nous a conservé sa mort, et les poètes en ont fait souvent le sujet de leurs compositions. Schiller l'a reproduite en une admirable ballade. Un jour Ibycus était sorti seul de Samos : plongé dans ses rêveries poétiques, il se trouva tout d'un coup engagé dans une profonde solitude. Des brigands s'élancent sur lui, le dépouillent , le terrassent et se disposent à le tuer pour effacer la trace du crime. En cet instant une nuée de grues filait à tire-d'aile au-dessus de la tête du malheureux Ibycus. II les voit, et cherchant des témoins et des vengeurs, il s'écrie : "Oiseaux protecteurs de l'innocence et de la vertu , soyez les témoins fidèles de ma mort." A peine a-t-il dit ces mots qu'il tombe sous le poignard des assassins. Son vœu fut accompli : la Justice au pied boiteux mais sûr lui amena ses vengeurs. Un des assassins entrant dans la ville de Samos, et voyant des grues qui traversaient le ciel, s'écria comme par raillerie : "Voilà les témoins de la mort du poète Ibycus." Cette parole les trahit : arrêtés par ordre des magistrats, ils avouèrent leur crime et furent punis. Ausone par allusion à cet événement merveilleux et plein de poésie a écrit ce vers. 
Ibycus ut periit vindex fuit altivolans grus.
Nous ne savons rien de plus sur la vie d'Ibycus, et ses fragments peuvent à peine nous faire comprendre quelle était la nature de son style : ses idées sont douces et suaves, l'expression pleine de charmes, le vers mélodieux et facile.

FRAGMENTS D'IBYCUS.

Charmant Euryale, germe précieux, sorti du sein des Grâces aux beaux yeux d'azur, à la chevelure brillante, Vénus a sans doute pris soin de votre noble enfance, c'est la déesse de la persuasion qui vous éleva elle-même sur des lits de fleurs et de roses.

Apportez a la jeune vierge de ces gemmes délicieux, gâteaux odorants faits avec le miel si doux.

Quand vient le printemps, on voit croître sur les bords sinueux des fleuves l'arbre modeste qui porte le coing, dans les lieux charmants où sont les jardins des vierges, où le pampre précieux des vignes serpente en croissant. Moi que l'amour ne laisse reposer en aucun temps, que Borée tourmente de sa foudre éternelle lorsque envoyé par Vénus il sèche cruellement les cœurs des Thraces et le mien, je meurs sans pouvoir être satisfait auprès de la vierge aimable que je désire.